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Baccalauréat Sujets 1996 - 2019

BACCALAUREAT 2019

En Métropole

SERIE L

Bac philo 2019 : découvrez ... by on Scribd

SERIE ES

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SERIE S

1er sujet de dissertation

La pluralité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ?

2ème sujet de dissertation

Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ?

3ème sujet d’explication de texte

Expliquer le texte suivant :
La science a beaucoup d’ennemis déclarés, et encore plus d’ennemis cachés, parmi ceux qui ne peuvent lui pardonner d’avoir ôté à la foi religieuse sa force et de menacer cette foi d’une ruine totale. On lui reproche de nous avoir appris bien peu et d’avoir laissé dans l’obscurité incomparablement davantage. Mais on oublie, en parlant ainsi, l’extrême jeunesse de la science, la difficulté de ses débuts, et l’infinie brièveté du laps de temps écoulé depuis que l’intellect humain est assez fort pour affronter les tâches qu’elle lui propose. Ne commettons-nous pas, tous tant que nous sommes, la faute de prendre pour base de nos jugements des laps de temps trop courts ? Nous devrions suivre l’exemple des géologues. On se plaint de l’incertitude de la science, on l’accuse de promulguer aujourd’hui une loi que la génération suivante reconnaît pour une erreur et remplace par une loi nouvelle qui n’aura pas plus longtemps cours. Mais ces accusations sont injustes et en partie fausses. La transformation des opinions scientifiques est évolution, progrès, et non démolition. Une loi, que l’on avait d’abord tenue pour universellement valable, se révèle comme n’étant qu’un cas particulier d’une légalité plus compréhensive, ou bien l’on voit que son domaine est borné par une autre loi, que l’on ne découvre que plus tard ; une approximation en gros de la vérité est remplacée par une autre, plus soigneusement adaptée à la réalité, approximation qui devra attendre d’être perfectionnée à son tour. Dans divers domaines, nous n’avons pas encore dépassé la phase de l’investigation, phase où l’on essaie diverses hypothèses qu’on est bientôt contraint, en tant qu’inadéquates, de rejeter. Mais dans d’autres nous avons déjà un noyau de connaissances assurées et presque immuables.

FREUD, L’Avenir d’une illusion (1927)

Séries : STMG, STL, STI2D, STD2A et ST2S

SERIE STHR

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Séries technologiques :

 Sujet 1 : Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ?

 Sujet 2 : Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ?

 Sujet 3 : Le fait qu’on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée1 entre nous, ou qui ne puisse l’être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu’il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable : ce qui est le signe que je l’ai saisi par quelque autre moyen que par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes. Laissons de côté cette confusion infinie d’opinions que l’on voit parmi les philosophes eux-mêmes, et ce débat perpétuel et général sur la connaissance des choses. On a tout à fait raison, en effet, d’admettre que sur aucune chose les hommes – je veux dire les savants les mieux nés, les plus capables – ne sont d’accord, pas même sur le fait que le ciel est sur notre tête, car ceux qui doutent de tout doutent aussi de cela ; et ceux qui nient que nous puissions comprendre quelque chose disent que nous n’avons pas compris que le ciel est sur notre tête ; et ces deux opinions sont, par le nombre, incomparablement les plus fortes. Outre cette diversité et cette division infinies, par le trouble que notre jugement nous donne à nous-mêmes et par l’incertitude que chacun sent en lui, il est aisé de voir que ce jugement a son assise2 bien mal assurée. Comme nous jugeons différemment des choses !Combien de fois changeons-nous d’opinions ! Ce que je soutiens aujourd’hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ; toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion et m’en répondent sur tout leur pouvoir. Je ne saurais embrasser (3) aucune vérité ni la conserver avec plus de force que je ne fais pour celle-ci. J’y suis totalement engagé, j’y suis vraiment engagé ; mais ne m’est-il pas arrivé, non pas une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d’avoir embrassé quelque autre opinion avec ces mêmes instruments, dans ces mêmes conditions, opinion que, depuis, j’ai jugée fausse ? MONTAIGNE, Les Essais (1580)

1 « controverse » : discussion vive.
2 « assise » : base, fondement.
3 « embrasser » : adhérer à une opinion, la faire sienne.

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble. 1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2. Expliquer :a) « Le fait qu’on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée, ou qui ne puisse l’être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu’il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable » ; b) « (...) l’incertitude que chacun sent en lui » ;c) « Ce que je soutiens aujourd’hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ». 3. Changer d’opinion, cela nous empêche-t-il de connaître la vérité ?

Washington

Amérique du nord Washington
Sujets L

19PHLIAN1 Page : 2/2
Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants :
 Sujet 1
Y a-t-il en nous quelque chose qui échappe à la culture ?
 Sujet 2
La perception peut-elle être objective ?
 Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Si un peuple devait très probablement juger que telle législation en vigueur actuellement compromet son bonheur, que doit-il faire ? Ne doit-il pas s’y opposer ?
La réponse ne saurait être que la suivante : il n’y a rien d’autre à faire que d’obéir. Car,
ici, il n’est pas question du bonheur que le sujet peut attendre d’une institution ou d’une administration de la communauté, mais, avant tout et simplement, du droit qui doit être par là assuré à chacun : ce qui est le principe suprême dont doivent provenir toutes les maximes qui concernent une communauté et qu’aucun autre ne peut limiter. En ce qui concerne la première maxime (celle du bonheur), aucun principe valable universellement ne peut être présenté au titre de loi. Car, aussi bien les circonstances historiques que les mirages où chacun place son bonheur et qui sont source de désaccords entre les hommes et qui changent pour cela continuellement (mais personne ne peut prescrire à quiconque le lieu où il doit le placer) rendent tout principe ferme impossible et inapte à devenir, pour ce qui le concerne, le fondement de la législation. La proposition :
Le salut public est la loi suprême de la cité (1) conserve sa valeur et son crédit inentamés ; mais le salut public, qu’il convient de prendre d’abord en considération, est justement cette constitution légale dont les lois assurent à chacun la liberté ; en quoi il lui reste loisible de poursuivre son bonheur de la manière qui lui semble la meilleure à condition de ne pas porter préjudice à cette loi universelle et conforme à la loi, donc au droit des autres co-sujets.

KANT,
Théorie et pratique (1793)

(1) Du latin :
Salus publica suprema civitatis lex est
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Sujets ES Washington

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants
 Sujet 1
La connaissance de l’histoire est-elle utile à l’action présente ?
 Sujet 2
Tous les échanges sont-ils profitables ?
 Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Parmi les biens, certains sont des biens absolus, mais d’autres sont bons pour quelqu’un sans être absolument bons. Et ce sont les mêmes choses qui sont absolument bonnes et qui plaisent absolument. En effet, ce sont des choses profitables à un corps en bonne santé dont nous disons qu’elles sont absolument bonnes pour le corps, et non pas de celles qui sont profitables à un corps malade, comme les remèdes et les amputations. De même plaît absolument au corps ce qui plaît à un corps sain et entier, par exemple voir en pleine lumière et non dans l’ombre (bien sûr, c’est le contraire pour qui souffre des yeux) ; le vin le plus plaisant n’est pas celui qui plaît à l’homme qui a abîmé sa langue dans l’ivrognerie (puisque parfois on leur verse du vinaigre !) ; c’est celui qui plaît au palais intact. Ainsi en va-t-il pour l’âme : ce qui plaît absolument n’est pas ce qui plaît aux enfants et aux bêtes, mais ce qui plaît aux adultes. En tout cas, quand on a mémoire des deux, ce sont les plaisirs de l’adulte que nous choisissons. L’enfant et la bête sont par rapport à l’homme dans le même rapport que le méchant et l’insensé par rapport à l’homme mesuré et à l’homme sage. Or les plaisirs de ces derniers correspondent à leurs manières d’être, ce sont les plaisirs bons et beaux.
ARISTOTE, Éthique à Eudème (IVe siècle avant J.-C).
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que
l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont
il est question

Sujets Série S Washington

 Sujet 1
Avons-nous besoin d’art ?
 Sujet 2
La raison suffit-elle à connaître le réel ?
 Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Ce qu’on appelle bonheur au sens strict résulte de la satisfaction plutôt soudaine de besoin accumulés et n’est possible, par nature, que comme phénomène épisodique. Toute prolongation d’une situation convoitée par le principe de plaisir donne seulement un sentiment de tiède contentement ; nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons jouir intensément que du contraste, et très peu d’un état. De ce fait, nos possibilités de bonheur sont déjà limitées par notre constitution. Il y a beaucoup moins de difficultés à faire l’expérience du malheur. La souffrance menace de trois côtés : de notre propre corps, destiné à la déchéance et à la décomposition, et qui même ne saurait se passer de la douleur et de l’angoisse comme signaux d’alarme ; du monde extérieur, capable de se déchaîner contre nous avec des forces énormes, implacables et destructrices ; et enfin des relations avec d’autres êtres humains. La souffrance provenant de cette dernière source, nous l’éprouvons peut-être plus douloureusement que toute autre ; nous avons tendance à y voir une sorte de surcroît sans nécessité, bien qu’elle ne soit sans doute pas moins fatalement inévitable que les souffrances d’autres origines. Il n’est pas surprenant que, sous la pression de ces possibilités de souffrance, les hommes aient coutume d’en rabattre sur leur revendication de bonheur.
Freud, Malaise dans la civilisation
(1930)
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Liban

Série S Liban

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants
 Sujet 1
En politique, chacun défend-il ses propres intérêts ?
 Sujet 2
Suis-je défini par ma culture ?
 Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Quant à l’idée que l’instruction inclinerait les hommes à une vie retirée et oisive, et les rendrait paresseux : ce serait là une bien étrange chose, si ce qui accoutume l’esprit à être perpétuellement en mouvement induisait à la paresse ! Tout au contraire, on peut assurément affirmer qu’aucune espèce d’homme n’aime le travail pour lui même, sauf ceux qui sont instruits. Les autres l’aiment pour le profit, comme un mercenaire pour la solde (1), ou encore pour l’honneur, car il les élève aux yeux des gens et redore une réputation qui autrement ternirait, ou parce qu’il leur donne une idée de leur puissance, en leur fournissant la possibilité d’occasionner du plaisir ou de la peine, ou parce qu’il met à l’œuvre telle de leurs facultés dont ils s’enorgueillissent, ce qui alimente leur bonne humeur et l’opinion agréable qu’ils ont d’eux-mêmes, ou enfin parce qu’il fait avancer n’importe quel autre de leurs projets. De la valeur personnelle fausse, on dit que celle de certains se trouve dans les yeux des autres. De la même façon, les efforts des gens que je viens d’évoquer sont dans les yeux des autres, ou du moins relatifs à quelques desseins particuliers. Seuls les hommes instruits aiment le travail comme une action conforme à la nature, et qui convient à la santé de l’esprit autant que l’exercice physique convient à la santé du corps. Ils prennent plaisir dans l’action elle-même, non dans ce qu’elle procure. Par conséquent,
ils sont les plus infatigables des hommes quand il s’agit d’un travail qui puisse retenir leur esprit.
Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs (1605)
(1) Solde : la paye octroyée par l’armée à ses employés.
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Série ES Liban
Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants

 Sujet 1
Faut-il préférer la vérité à son bonheur ?
 Sujet 2
Peut-on parvenir à une complète conscience de soi ?
 Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Il faut reconnaître que l’égalité, qui introduit de grands biens dans le monde, suggère cependant aux hommes, ainsi qu’il sera montré ci-après, des instincts fort dangereux ; elle tend à les isoler les uns des autres, pour porter chacun d’eux à ne s’occuper que de lui seul.
Elle ouvre démesurément leur âme à l’amour des jouissances matérielles. Le plus grand avantage des religions est d’inspirer des instincts tout contraires. Il n’y a point de religion qui ne place l’objet des désirs de l’homme au-delà et au-dessus des biens de la terre, et qui n’élève naturellement son âme vers des régions fort supérieures à celle des sens. Il n’y en a point non plus qui n’impose à chacun des devoirs quelconques envers l’espèce humaine, ou en commun avec elle, et qui ne le tire ainsi, de temps à autre, de la contemplation de lui-même. Ceci se rencontre dans les religions les plus fausses et les plus dangereuses. Les peuples religieux sont donc naturellement forts précisément à l’endroit où les peuples démocratiques sont faibles ; ce qui fait bien voir de quelle importance il est que les hommes gardent leur religion en devenant égaux.
ALEXIS DE TOCQUEVILLE, De la Démocratie en Amérique (1835).
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Série L Liban

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants :

 Sujet 1
Désirons-nous seulement ce que les autres désirent ?
 Sujet 2
L’État est-il au service de la société ?
 Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Il existe de nombreux faits établis dans les sciences théoriques qui, s’ils étaient confrontés au point de vue immédiat et à l’opinion que la foule a de la question, seraient, relativement à cela, tout à fait semblables à des choses que peut apercevoir un dormeur durant son sommeil ! Et nombre de ces choses ne reposent pas même sur des prémisses (1) qui seraient, elles, de l’ordre des prémisses concevables par la foule, qui seraient persuasives pour la foule lorsque celle-ci réfléchirait à ces idées ; dont il est au contraire impossible qu’elles suscitent chez quiconque quelque persuasion que ce soit, mais dont on ne peut acquérir qu’une certitude, si l’on a procédé pour les connaître selon la méthode de la certitude (2). Ainsi, dirait-on à la foule, ou même à des gens d’un niveau de discours plus élevé que cela, que le soleil, qui paraît, lorsqu’on le voit, de la taille d’un pied, est en fait à peu près cent soixante-dix fois plus grand que la terre, que les gens trouveraient cela impossible. Ceux qui imagineraient cela se feraient l’impression de rêver, et il nous serait impossible de les en persuader en usant de prémisses auxquelles ils pourraient assentir (3) peu de temps après leur mention, en un temps raisonnable. Il n’est au contraire d’autre moyen d’accéder à une science comme celle-ci que la méthode de la démonstration, pour
ceux qui ont emprunté cette méthode.
Averroès, L’incohérence de l’incohérence (XIIe siècle)

1 « prémisses » : base du raisonnement.
2 « méthode de la certitude » : méthode démonstrative.
3 « assentir » : donner son assentiment, autrement dit considérer comme vrai.
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Pondichéry

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BACCALAUREAT 2018

Métropole

SERIE S
 Sujet 1 Le désir est-il la marque de notre imperfection ?
 Sujet 2 Éprouver l’injustice, est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ?
 Sujet 3 Expliquez le texte suivant :

"Tous les phénomènes de la société sont des phénomènes de la nature humaine, produits par l’action des circonstances extérieures sur des masses d’êtres humains. Si donc les phénomènes de la pensée, du sentiment, de l’activité humaine, sont assujettis à des lois fixes, les phénomènes de la société doivent aussi être régis par des lois fixes, conséquences des précédentes. Nous ne pouvons espérer, il est vrai, que ces lois, lors même que nous les connaîtrions d’une manière aussi complète et avec autant de certitude que celles de l’astronomie, nous mettent jamais en état de prédire l’histoire de la société, comme celle des phénomènes célestes, pour des milliers d’années à venir. Mais la différence de certitude n’est pas dans les lois elles-mêmes, elle est dans les données auxquelles ces lois doivent être appliquées. En astronomie, les causes qui influent sur le résultat sont peu nombreuses ; elles changent peu, et toujours d’après des lois connues. Nous pouvons constater ce qu’elles sont maintenant, et par là déterminer ce qu’elles seront à une époque quelconque d’un lointain avenir. Les données, en astronomie, sont donc aussi certaines que les lois elles-mêmes. Au contraire, les circonstances qui influent sur la condition et la marche de la société sont innombrables, et changent perpétuellement ; et quoique tous ces changements aient des causes et, par conséquent des lois, la multitude des causes est telle qu’elle défie nos capacités limitées de calcul. Ajoutez que l’impossibilité d’appliquer des nombres précis à des faits de cette nature mettrait une limite infranchissable à la possibilité de les calculer à l’avance, lors même que les capacités de l’intelligence humaine seraient à la hauteur de la tâche."
MILL,Système de logique, 1843

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

SERIE L

 Sujet 1 : La culture nous rend-elle plus humain ?
 Sujet 2 : Peut-on renoncer à la vérité ?
 Sujet 3 : Expliquer le texte suivant :

"Souvent nous ne savons pas ce que nous souhaitons ou ce que nous craignons. Nous pouvons caresser un souhait pendant des années entières, sans nous l’avouer, sans même en prendre clairement conscience ; c’est que l’intellect n’en doit rien savoir, c’est qu’une révélation nous semble dangereuse pour notre amour-propre, pour la bonne opinion que nous tenons à avoir de nous-mêmes ; mais quand ce souhait vient à se réaliser, notre propre joie nous apprend, non sans nous causer une certaine confusion, que nous appelions cet événement de tous nos vœux ; tel est le cas de la mort d’un proche parent dont nous héritons. Et quant à ce que nous craignons, nous ne le savons souvent pas, parce que nous n’avons pas le courage d’en prendre clairement conscience. Souvent même nous nous trompons entièrement sur le motif véritable de notre action ou de notre abstention, jusqu’à ce qu’un hasard nous dévoile le mystère. Nous apprenons alors que nous nous étions mépris sur le motif véritable, que nous n’osions pas nous l’avouer, parce qu’il ne répondait nullement à la bonne opinion que nous avons de nous-mêmes. Ainsi, nous nous abstenons d’une certaine action, pour des raisons purement morales à notre avis ; mais après coup nous apprenons que la peur seule nous retenait, puisque, une fois tout danger disparu, nous commettons cette action. "
SCHOPENHAUER,Le monde comme volonté et comme représentation,1818

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SERIE ES

 Sujet 1 Toute vérité estelle définitive ?
 Sujet 2 Peut-on être insensible à l’art ?
 Sujet 3 Expliquer le texte suivant :

« Quand nous obéissons à une personne en raison de l’autorité morale que nous lui reconnaissons, nous suivons ses avis, non parce qu’ils nous semblent sages, mais parce qu’à l’idée que nous nous faisons de cette personne, une énergie psychique 1 d’un certain genre est immanente , qui fait plier notre volonté et l’incline dans le sens indiqué. Le respect est l’émotion que nous éprouvons quand nous sentons cette pression intérieure et toute spirituelle se produire en nous. Ce qui nous détermine alors, ce ne sont pas les avantages ou les inconvénients de l’attitude qui nous est prescrite ou recommandée ; c’est la façon dont nous nous représentons celui qui nous la recommande ou qui nous la prescrit. Voilà pourquoi le commandement affecte généralement des formes brèves, tranchantes, qui ne laissent pas de place à l’hésitation ; c’est que, dans la mesure où il est lui-même et agit par ses seules forces, il exclut toute idée de délibération et de calcul ; il tient son efficacité de l’intensité de l’état mental dans lequel il est donné. C’est cette intensité qui constitue ce qu’on appelle l’ascendant moral. Or, les manières d’agir auxquelles la société est assez fortement attachée pour les imposer à ses membres se trouvent, par cela même, marquées du signe distinctif qui provoque le respect. »
DURKHEIM,Les Formes élémentaires de la vie religieuse(1912)

1. « immanente » : intérieure
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Bac technologique (STMG, STI2D...toutes séries sauf STHR) :

 Sujet 1 : L’expérience peut-elle être trompeuse ?
 Sujet 2 : Peut-on maîtriser le développement technique ?
 Sujet 3 :

"Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un Etat, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient ce même pouvoir."

MONTESQUIEU,De l’Esprit des lois(1748)

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble. 1.Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2.Expliquer :a)« dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut » ; b)« la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir » ; c)que signifie « l’indépendance » dans le texte ? 3.Les lois sont-elles nécessaires à la liberté ?

Bac technologique (série STHR seulement) :

 Sujet 1 : Dissertation Qu’est-ce qui peut faire obstacle à mon bonheur ?
 Sujet 2 : Composition Quel besoin avons-nous de chercher la vérité ?
Pour rédiger votre composition, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.
[A] 1. Comment définir un besoin ? Y en a-t-il de différentes sortes ? Donnez des exemples. Quelle différence de sens y a-t-il entre « besoin » et « désir » ? 2. Comment définir la « vérité » ? À quoi s’oppose-t-elle ? 3. À qui peut renvoyer le « nous » dans la question posée ? 4. Chercher quelque chose, qu’est-ce que cela suppose ? 5. Y a-t-il des situations dans lesquelles nous pourrions ne pas avoir besoin de chercher la vérité ? Donnez des exemples précis dans votre réponse.
[B] 1. En tenant compte de la distinction entre besoin et désir, expliquez en quoi le besoin de chercher la vérité peut s’opposer au désir de ne pas savoir. 2. Recherche-t-on la vérité pour elle-même ou comme un moyen en vue d’autre chose ? 3. Certaines vérités peuvent-elles être particulières alors que d’autres sont universelles ? Aurions-nous davantage besoin des unes que des autres ? 4. Dans quelle mesure la recherche de la vérité pourrait-elle être nuisible ? 5. Dans quelle mesure le besoin de chercher la vérité est-il un moteur de progrès ? [C] Donnez, à présent, les différentes réponses possibles à la question : « Quel besoin avons-nous de chercher la vérité ? ». Justifiez chacune d’elles dans un paragraphe développé et argumenté.
[D] En tenant compte des éléments précédents et à l’aide de vos connaissances et de votre expérience, vous proposerez et justifierez de manière précise et développée la réponse qui vous paraît la plus pertinente à la question posée par le sujet. Vous ferez apparaître les raisons de votre choix ainsi que ce qu’il implique

Sujet 3 : Explication de texte (1)

" Dès qu’un contrat enferme quelque inégalité , vous soupçonnez aussitôt que ce contrat viole le droit. Vous vendez ; j’achète ; personne ne croira que le prix, fixé après débat et d’un commun accord, soit juste dans tous les cas ; si le vendeur est ivre tandis que l’acheteur est maître de son jugement, si l’un des deux est très riche et l’autre très pauvre, si le vendeur est en concurrence avec d’autres vendeurs tandis que l’acheteur est seul à vouloir acheter, si le vendeur ignore la nature de ce qu’il vend, livre rare ou tableau de maître, tandis que l’acheteur la connaît, dans tous les (2) cas de ce genre, je dirai que le prix payé est un prix d’occasion . Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas égalité entre les parties. Qu’est-ce qu’un prix juste ? C’est un prix de marché public. Et pourquoi ? Parce que, dans le marché public, par la discussion publique des prix, l’acheteur et le vendeur se trouvent bientôt également instruits sur ce qu’ils veulent vendre ou acheter. Un marché, c’est un lieu de libre discussion. Un tout petit enfant, qui connaît mal l’utilité relative des choses, et qui ne règle le prix que sur son désir présent, un tout petit enfant sera l’égal de l’acheteur le plus avisé, si seulement plusieurs marchands offrent publiquement à plusieurs acheteurs la chose que le petit enfant désire. Je n’en demande pas plus. Le droit règne là où le (3) petit enfant, qui tient son sou dans sa main et regarde avidement les objets étalés, se trouve l’égal de la plus rusée ménagère. On voit bien ici comment l’état de droit s’opposera au libre jeu de la force. Si nous laissons agir les puissances, l’enfant sera certainement trompé ; même si on ne lui prend pas son sou par la force brutale, on lui fera croire sans peine qu’il faut échanger un vieux sou contre un centime neuf. "

ALAIN,Propos sur les pouvoirs(18 octobre 1907)
(1) « enferme quelque inégalité » : dissimule une forme d’inégalité.
(2) « d’occasion » : de circonstance.
(3) On appelait autrefois « sou » une pièce de monnaie d’une valeur de cinq centimes.

Pour expliquer ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.
[A] 1. Qu’est-ce qui définit un « contrat » ? Dans le texte, de quelle sorte de contrat est-il question ? 2. Comment Alain caractérise-t-il, dans ce texte, « l’inégalité » contenue dans un contrat ? Pour ce faire, il expose des situations diverses : lesquelles ? Que permettent-elles de montrer ? 3. Alain définit le « prix juste » comme « un prix de marché public » : qu’est-ce dans ce texte qu’un « marché public » et pourquoi définit-il le « juste prix » ? 4. Pourquoi Alain choisit-il l’exemple de l’enfant ? De quoi l’enfant est-il ici le symbole ? 5. Qu’est-ce que « l’état de droit » ? En quoi s’oppose-t-il au « libre jeu de la force » ?
[B] (3) 1. Expliquez la phrase : « Le droit règne là où le petit enfant, qui tient son sou dans sa main et regarde avidement les objets étalés, se trouve l’égal de la plus rusée ménagère. » 2. En vous aidant des éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.
[C] 1. Pourquoi, selon Alain, « la discussion publique » garantit-elle la justice des échanges ? 2. À la lumière de vos connaissances, de votre expérience et de vos lectures, et en tenant compte du texte d’Alain, cherchez à déterminer les conditions d’émergence d’un marché équitable. Quelles sont, selon vous, les moyens dont nous disposons pour garantir son établissement et le préserver ?

Pondichéry 2018

Bac S

 Sujet n°1 Toute démonstration est-elle scientifique ?
 Sujet n°2 Une loi injuste vaut-elle mieux que l’absence de loi ?
 Sujet n°3 Expliquer le texte suivant :

Considérons maintenant l’âme dans le corps, qu’elle existe d’ailleurs avant lui ou seulement en lui ; d’elle et du corps se forme le tout appelé animal. Si le corps est pour elle comme un instrument dont elle se sert, elle n’est pas contrainte d’accueillir en elle les affections du corps, pas plus que l’artisan ne ressent ce qu’éprouvent ses outils : mais peutêtre fautil qu’elle en ait la sensation, puisqu’il faut qu’elle connaisse, par la sensation, les affections extérieures du corps, pour se servir de lui comme d’un instrument : se servir des yeux, c’est voir. Or, elle peut être atteinte dans sa vision, et par conséquent, subir des peines, des souffrances, et tout ce qui arrive au corps ; elle éprouve aussi des désirs, quand elle cherche à soigner un organe malade. Mais comment ces passions viendront-elles du corps jusqu’à elle ? Un corps communique ses propriétés à un autre corps ; mais à l’âme ? Ce serait dire qu’un 1 être pâtit de la passion d’un autre.Tant que l’âme est un principe qui se sert du corps, et le corps un instrument de l’âme, ils restent séparés l’un de l’autre ; et si l’on admet que l’âme est un principe qui se sert du corps, on la sépare. Mais avant qu’on ait atteint cette séparation par la pratique de la philosophie, qu’en était-il ? sont-ils mêlés : mais comment ? Ou bien c’est d’une des espèces de mélanges ; ou bien il y a entrelacement réciproque ;ou bien l’âme est comme la forme du corps, et n’est point séparée de lui ; ou bien elle est une forme qui touche le corps, comme le pilote touche son gouvernail ; ou bien une partie de l’âme est séparée du corps et se sert de lui, et une autre partie y est mélangée et passe elle-même au rang d’organe.
PLOTIN,Ennéade

1 Pâtit : souffre

Bac ES

 Sujet n°1 Peut-on vivre sans morale ?
 Sujet n°2 Doit-on attendre de la technique qu’elle mette fin au travail ?
 Sujet n°3 Expliquer le texte suivant :

Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu’eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n’appartient qu’à eux d’avoir une opinion à ce sujet. Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d’admettre ce principe, qui, effectivement considéré en luimême, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde. Car les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d’avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie. Une condition capitale pour un 1 publicistequi veut se faire des idées politiques larges, est de s’abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourraitil être à la fois acteur et spectateur ? Mais on est tombé, à cet égard, d’un excès dans un autre. En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacuna prétendu devoir s’ériger en législateur.Il est singulier que les hommes jugent impertinent de prétendre savoir la physique ou l’astronomie, etc., sans avoir étudié ces sciences, et qu’ils croient enmême temps que tout le monde doit savoir la science politique, et avoir une opinion fixe et tranchante sur ses principes les plus abstraits, sans qu’il soit nécessaire d’avoir la peine d’y réfléchir, et d’en avoir fait un objet spécial d’étude. Cela tientà ce que la politique n’est point encore une science positive : car il est évident que, quand elle le sera devenue, tout le monde comprendra que, pour la connaître, il est indispensable d’avoir étudié les observations et les déductions sur lesquelles elle sera fondée.Auguste COMTE, Opuscules de philosophie sociale

Bac technologique 2018 à Pondichéry (toutes séries - STMG, STI2D, etc., sauf TMD et STHR)

 Sujet 1 : Douter, est-ce renoncer à la vérité ?
 Sujet 2 : La culture sert-elle à changer le monde ?
 Sujet 3 :

"Il semble qu’on puisse affirmer que l’homme ne saurait rien de la liberté intérieure s’il 1 n’avait d’abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde. Nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre 2 commerce avec d’autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son foyer, d’aller dans le monde et de rencontrer d’autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d’homme libre ne découlait pas automatiquement de l’acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d’autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer — un monde politiquement organisé, en d’autres termes, où chacun des hommes libres pût s’insérer par la parole et par l’action. "

ARENDT,La crise de la culture(1961)

1 concrète
2 relation

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble. 1.Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2.Expliquer :a)« nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce aux autres, non dans le commerce à nous-mêmes. » ; b)« pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie »c)« Être libre […] demandait un espace public où les rencontrer ». 3.La liberté suppose-t-elle des échanges avec autrui


LIBAN 2018

Série L

  • 1er sujet :
    Faut-il aimer les autres pour les respecter ?
  • 2ème sujet :
    La parole a-t-elle le pouvoir de changer les choses ?
  • 3ème sujet :
    Expliquer le texte suivant :
    Les pensées des classes dominantes sont à toutes les époques les pensées dominantes, c’est-à-dire que la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société, est également sa puissance intellectuelle dominante. La classe qui a à sa disposition les moyens de production matérielle, dispose également par là des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées dominantes ne sont rien de plus que l’expression idéologique des rapports matériels dominants, les rapports matériels conçus sous forme de pensées, par conséquent les rapports qui font de la classe une classe dominante, par conséquent les pensées de sa domination. Les individus qui composent la classe dominante sont conscients et pensent ; dans la mesure où ils dominent, en tant que classe, et déterminent dans toute son étendue une époque historique, il est clair qu’ils la déterminent dans toute son extension, qu’ils dominent donc entre autres comme être pensants, comme producteurs de pensées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur temps ; que, par conséquent, leurs pensées sont les pensées dominantes de l’époque. Dans un temps, par exemple, et dans un pays où le pouvoir royal, l’aristocratie et la bourgeoisie se disputent la domination, où la domination est par conséquent partagée, la pensée dominante est la doctrine de la séparation des pouvoirs, présentée maintenant comme une « loi éternelle ».
    K. Marx et F. Engels, L’idéologie allemande (1845-1846)

    La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Série S

  • Sujet 1
    Ne travaille-t-on que pour subvenir à ses besoins ?
  • Sujet 2
    Doit-on rechercher la vérité pour elle-même ?
  • Sujet 3
    Expliquer le texte suivant :
    Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste. En vain on alléguera(1) que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais, dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre, que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité.
    BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)
    (1) « alléguer » : prétendre

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Série ES

  • SUJET 1
    L’idée d’inconscient remet-elle en cause la responsabilité ?
  • SUJET 2
    L’histoire peut-elle servir l’action politique ?
  • SUJET 3
    Expliquer le texte suivant :
    Si l’intérêt rapproche les hommes, ce n’est jamais que pour quelques instants ; il ne peut créer entre eux qu’un lien extérieur. Dans le fait de l’échange, les divers agents restent en dehors les uns des autres, et l’opération terminée, chacun se retrouve et reprend tout entier. Les consciences ne sont que superficiellement en contact ; ni elles ne se pénètrent, ni elles n’adhèrent fortement les unes aux autres. Si même on regarde au fond des choses, on verra que toute harmonie d’intérêts recèle un conflit latent (1) ou simplement ajourné (2). Car, là où l’intérêt règne seul, comme rien ne vient refréner les égoïsmes en présence, chaque moi se trouve vis-à- vis de l’autre sur le pied de guerre et toute trêve à cet éternel antagonisme ne saurait être de longue durée. L’intérêt est, en effet, ce qu’il y a de moins constant au monde. Aujourd’hui, il m’est utile de m’unir à vous ; demain la même raison fera de moi votre ennemi. Une telle cause ne peut donc donner naissance qu’à des rapprochements passagers et à des associations d’un jour.
    DURKHEIM, De la division du travail social (1893)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.


1
latent : caché
2 ajourné : reporté

AMERIQUE DU NORD

Série L

  • 1er sujet :
    L’homme politique doit-il être efficace à tout prix ?
  • 2ème sujet :
    Sommes-nous condamnés à subir le temps ?
  • 3ème sujet :
    Expliquer le texte suivant :

    Nous ne vivons pas d’abord dans la conscience de nous-même – ni même d’ailleurs dans la conscience des choses – mais dans l’expérience d’autrui. Jamais nous ne nous sentons exister qu’après avoir déjà pris contact avec les autres, et notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit d’ailleurs beaucoup à notre fréquentation d’autrui. Un nourrisson de quelques mois est déjà fort habile à distinguer la bienveillance, la colère, la peur sur le visage
    d’autrui, à un moment où il ne saurait avoir appris par l’examen de son propre corps les signes physiques de ces émotions. C’est donc que le corps d’autrui, dans ses diverses gesticulations, lui apparaît investi d’emblée d’une signification émotionnelle, c’est donc qu’il apprend à connaître l’esprit tout autant comme comportement visible que dans l’intimité de son propre esprit. Et l’adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l’enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir. Le contact de nous-même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même. Si bien qu’enfin le pur soi, l’esprit, sans instruments et sans histoire, s’il est bien comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu, ne s’accomplit en liberté effective que par l’instrument du langage et en participant à la vie du monde.
    Merleau-Ponty, Causeries (1948)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Série S

  • Sujet 1
    Avons-nous besoin de l’art pour nous faire une idée du beau ?
  • Sujet 2
    Est-ce le corps qui produit la pensée ?
  • Sujet 3

    Expliquer le texte suivant :

    On dit volontiers : ma volonté a été déterminée par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d’emblée que je me suis ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n’a pas été seulement passif ; Il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c’est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n’est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de cause et ma volonté n’est pas l’effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s’ensuive nécessairement. Mais, en tant qu’être de réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l’homme allègue(1) qu’il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l’état d’être non-libre ou naturel, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d’un autre ni l’effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n’ont jamais sur les hommes que le pouvoir qu’il leur accorde lui-même.
    HEGEL, Propédeutique philosophique (1811)

(1) allègue : prétend

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Série ES

  • 1er SUJET :
    La technique n’est-elle qu’un moyen ?
  • 2ème SUJET :Les faits existent-ils indépendamment de toute interprétation ?
  • 3ème SUJET :
    Expliquer le texte suivant :
    Je ne pense pas que la justice soit si différente du cercle, de l’ellipse, et des vérités de ce genre. Car il est vrai qu’il y a une justice, et chacun la reconnaîtra en ces deux frères partageant l’héritage. L’un d’eux dit à l’autre : « Tu fais les parts, et moi je choisirai le premier ; ou bien je fais les parts, et tu choisis. » Il n’y a rien à dire contre ce procédé ingénieux, si ce n’est que les parts ne seront jamais égales, et qu’elles devraient l’être ; et on trouvera aussi à dire que les deux frères ne seront jamais égaux, mais qu’ils devraient l’être. L’utopie cherche l’égalité des hommes et l’égalité des parts ; choses qui ne sont pas plus dans la nature que n’y est le cercle. Mais l’utopiste sait très bien ce qu’il voudrait ; et j’ajoute que si on ne veut pas cela, sous le nom de justice, on ne veut plus rien du tout, parce qu’on ne pense plus rien du tout. Par exemple un contrat injuste n’est pas du tout un contrat. Un homme rusé s’est assuré qu’un champ galeux recouvre du kaolin (1) ; il acquiert ce champ contre un bon pré ; ce n’est pas un échange. Il y a inégalité flagrante entre les choses ; inégalité aussi entre les hommes, car l’un des deux ignore ce qui importe, et l’autre le sait. Je cite ce contrat, qui n’est pas un contrat, parce qu’il est de ceux qu’un juge réforme(2). Mais comment le réforme-t-il, sinon en le comparant à un modèle de contrat, qui est dans son esprit, et dans l’esprit de tous ? Est-ce que l’idée ne sert pas, alors, à mesurer de combien l’événement s’en écarte ? Comme un cercle imparfait n’est tel que par le cercle parfait, ainsi le contrat parfait.
    ALAIN, Propos, 1932.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

1 kaolin : argile précieuse.
2réforme : ici, invalide, rejette.



BACCALAUREAT 2017


Epreuves BAC Philosophie 2017 Métropole


Les sujets de philo du bac S 2017 :

 Sujet 1 : Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ?

 Sujet 2 : Peut-on se libérer de sa culture ?

 Sujet 3 : Explication du texte de Foucault Dits et écrits (1978)

À la limite, la vie, c’est ce qui est capable d’erreur. Et c’est peut-être à cette donnée ou plutôt à cette éventualité fondamentale qu’il faut demander compte du fait que la question de l’anomalie traverse de part en part toute la biologie. À elle aussi qu’il faut demander compte des mutations et des processus évolutifs qu’elle induit. À elle qu’il faut demander compte de cette mutation singulière, de cette « erreur héréditaire » qui fait que la vie a abouti avec l’homme à un vivant qui ne se trouve jamais tout à fait à sa place, à un vivant voué à « errer » et destiné finalement à l’« erreur ». Et si on admet que le concept, c’est la réponse que la vie elle-même donne à cet aléa, il faut convenir que l’erreur est à la racine de ce qui fait la pensée humaine et son histoire. L’opposition du vrai et du faux, les valeurs qu’on prête à l’un et à l’autre, les effets de pouvoir que les différentes sociétés et les différentes institutions lient à ce partage, tout cela même n’est peut-être que la réponse la plus (1) tardive à cette possibilité d’erreur intrinsèque à la vie. Si l’histoire des sciences est discontinue, c’est-à-dire si on ne peut l’analyser que comme une série de « corrections », comme une distribution nouvelle du vrai et du faux qui ne libère jamais enfin et pour toujours la vérité, c’est que, là encore, l’ « erreur » constitue non pas l’oubli ou le retard d’une vérité, mais la dimension propre à la vie des hommes et au temps de l’espèce.
1 Intrinsèque : qui provient de la vie elle-même


Les sujets de philo du bac ES 2017 :

 Sujet 1 La raison peut-elle rendre raison de tout ?

 Sujet 2 Une œuvre d’art est-elle nécessairement belle ?

 Sujet 3 Expliquer le texte suivant :

« Étant donné […] qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que, dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme étant le plus profitable. Car si nous prenons la liberté au sens propre de liberté corporelle, c’est-à-dire le fait de ne pas être enchaîné, ni emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de la part des hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas que les lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs), pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses que le souverain, en réglementant les actions des hommes, a passées sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de suite. » HOBBES,Léviathan(1651)

Les sujets de philo du bac L 2017 :

 Sujet 1 : Suffit-il d’observer pour connaître ?

 Sujet 2 Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ?

 Sujet 3 Expliquer le texte suivant :

Un Auteur célèbre*, calculant les biens et les maux de la vie humaine et comparant les deux sommes, a trouvé que la dernière surpassait l’autre de beaucoup et qu’à tout prendre la vie était pour l’homme un assez mauvais présent. Je ne suis point surpris de sa conclusion ; il a tiré tous ses raisonnements de la constitution de l’homme Civil : s’il fût remonté jusqu’à l’homme Naturel, on peut juger qu’il eût trouvé des résultats très différents, qu’il eût aperçu que l’homme n’a guère de maux que ceux qu’il s’est donnés lui-même,et que la Nature eût été justifiée. Ce n’est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d’un côté l’on considère les immenses travaux des hommes, tant de Sciences approfondies, tant d’arts inventés ; tant de forces employées ; des abîmes comblés, des montagnes rasées, des rochers brisés, des fleuves rendus navigables, des terres défrichées, des lacs creusés, des marais desséchés, des bâtiments énormes élevés sur la terre, la mer couverte de Vaisseaux et de Matelots ; et que de l’autre on recherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l’espèce humaine, on ne peut qu’être frappé de l’étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer l’aveuglement de l’homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de lui-même, le fait courir avec ardeur après toutes les misères dont il est susceptible et que la bienfaisante nature avait pris soin d’écarter de lui.ROUSSEAU,Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalitéparmi les hommes,1755.

* un auteur célèbre : il s’agit de Maupertuis, philosophe et mathématicien (1698-1759)

Les sujets de philo du bac technologique 2017 :

 Sujet 1 : Y a-t-il un mauvais usage de la raison ?

 Sujet 2 : Pour trouver le bonheur, faut-il le rechercher ?

 Sujet 3 : Extrait de Education et sociologie de Durkheim (1922) :
On voit à quoi se réduirait l’homme, si l’on en retirait tout ce qu’il tient de la société : il tomberait au rang de l’animal. S’il a pu dépasser le stade auquel les animaux se sont arrêtés, c’est d’abord qu’il n’est pas réduit au seul fruit de ses efforts personnels, mais coopère régulièrement avec ses semblables ; ce qui renforce le rendement de l’activité de chacun. C’est ensuite et surtout que les produits du travail d’une génération ne sont pas perdus pour celle qui suit. De ce qu’un animal a pu apprendre au cours de son existence individuelle, presque rien ne peut lui survivre. Au contraire, les résultats de l’expérience humaine se conservent presque intégralement et jusque dans le détail, grâce aux livres, aux monuments figurés, aux outils, aux instruments de toute sorte qui se transmettent de génération en génération, à la tradition orale, etc. Le sol de la nature se recouvre ainsi d’une riche 1 alluvion qui va sans cesse en croissant. Au lieu de se dissiper toutes les fois qu’une génération s’éteint et est remplacée par une autre, la sagesse humaine s’accumule sans terme, et c’est cette accumulation indéfinie qui élève l’homme au-dessus de la bête et au-dessus de lui-même. Mais, tout comme la coopération dont il était d’abord question, cette accumulation n’est possible que dans et par la société. DURKHEIM,Education et sociologie(1922)
1 « alluvion » (nom féminin) : mélange de matières minérales et végétales accumulées et portées par les cours d’eau, riches en nutriments variés.

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1.Dégager l’idée principale du texte et les étapes de sa construction. 2.Expliquer : a)« il n’est pas réduit au seul fruit de ses efforts personnels » ; b)« la sagesse humaine s’accumule sans terme » ; c)« c’est cette accumulation indéfinie qui élève l’homme au-dessus de la bête et au-dessus de lui-même ». 3.La vie au sein de la société est-elle toujours facteur de progrès ?


Baccalauréat Pondichery 2017

Sujet de philo du bac S 2017 Pondichery

 Sujet n° 1 : Vit-on en société pour satisfaire ses désirs ?

 Sujet n° 2 : La connaissance des êtres vivants implique-t-elle de les hiérarchiser ?

 Sujet n° 3 : Explication d’un texte de Descartes, extrait de La Description du corps humain et de toutes ses fonctions

Parce que nous avons tous éprouvé, dès notre enfance, que plusieurs de ses (1) mouvements obéissaient à la volonté, qui est une des puissances de l’âme, cela nous a disposés à croire que l’âme est le principe de tous. A quoi aussi a beaucoup contribué l’ignorance de l’Anatomie et des Mécaniques (2) : car, ne considérant rien que l’extérieur du corps humain, nous n’avons point imaginé qu’il eut en soi assez d’organes, ou de ressorts, pour se mouvoir de soi-même, en autant de diverses façons que nous voyons qu’il se meut. Et cette erreur a été confirmée, de ce que nous avons jugé que les corps morts avaient les mêmes organes que les vivants, sans qu’il leur manquât autre chose que l’âme, et que toutefois il n’y avait en eux aucun mouvement. Au lieu que lorsque nous tâchons à connaître plus distinctement notre nature, nous pouvons voir que notre âme, en tant qu’elle est une substance distincte du corps, ne nous est connue que par cela seul qu’elle pense, c’est-à-dire qu’elle (3) entend, qu’elle veut, qu’elle imagine, qu’elle se ressouvient, et qu’elle sent, parce que toutes ces fonctions sont des espèces de pensée. Et que, puisque les autres fonctions que quelques-uns lui attribuent, comme de mouvoir le cœur et les artères, de digérer les viandes dans l’estomac, et semblables, qui ne contiennent en elles aucune pensée, ne sont que des mouvements corporels, et qu’il est plus ordinaire qu’un corps soit mû par un autre corps, que non pas qu’il soit mû par une âme, nous avons moins deraison de les attribuer à elle qu’à lui
.DESCARTES,La Description du corps humain et de toutes ses fonctions
1 Ses mouvements :les mouvements du corps
2 Mécaniques :sciences du mouvement
3 Entend :comprend

Sujet de philo du bac ES 2017 Pondichery

 Sujet n° 1 : Une société peut-elle se passer d’art ?

 Sujet n° 1 : La loi suffit-elle à définir le juste ?

 Sujet n° 3 : Explication d’un texte de Descartes, extrait de Lettre à Elisabeth
[…]Souvent la passion nous fait croire certaines choses beaucoup meilleures et plus désirables qu’elles ne sont ; puis, quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et perdu cependant (1)l’occasion de posséder d’autres biens plus véritables, la jouissance nous en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est pourquoi le vrai office (2) de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en effet, les plus désirables ; en quoi, si la (3) fortune s’oppose à nos desseins, et les empêche de réussir, nous aurons au moins la satisfaction de n’avoir rien perdu par notre faute, et ne laisserons pas de(4) jouir de toute la béatitude naturelle dont l’acquisition aura été en notre pouvoir. DESCARTES,Lettre à Élisabeth septembre 1645

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
1 Cependant : pendant ce temps.
2 Office : fonction.
3 Fortune : hasard.
4 Laisser de : manquer de.


Sujet de philo du bac L 2017
Pondichery

 Sujet n° 1 : Suis-je le sujet de mon désir ?

 Sujet n° 2 : Toute vérité est-elle bonne à dire ?

 Sujet n° 3 : Explication d’un texte d’Alain, extrait de Propos sur les pouvoirs

Voter, ce n’est pas précisément un des droits de l’Homme ; on vivrait très bien sans voter, si l’on avait la sûreté, l’égalité, la liberté. Le vote n’est qu’un moyen de conserver tous ces biens. L’expérience a fait voir cent fois qu’une élite gouvernante, qu’elle gouverne d’après l’hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n’exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n’exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s’agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c’est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu’ils méconnaissent les droits des citoyens. (1) On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite , où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu’àêtre assuré que lemaître n’est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C’est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif. ALAIN,Propos sur les pouvoirs, 1925.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

1 Plébiscite : vote par lequel un peuple abandonne le pouvoir à un homme.


Sujet de philosophie du bac technologique 2017 (toutes séries - STMG, STI2D, etc. - sauf TMD)
Pondichery

 Sujet n° 1 : Y a-t-il des techniques pour être heureux ?

 Sujet n° 2 : L’expérience se réduit-elle au vécu ?

 Sujet n° 3 : Explication d’un texte d’Hannah Arendt, Du mensonge à la violence

Le candidat traitera l’un des sujets suivants au choix. Sujet 1 : Y a-t-il des techniques pour être heureux ? Sujet 2 : L’expérience se réduit-elle au vécu ? Sujet 3 : Il existe une différence essentielle entre le criminel qui prend soin de dissimuler à tous les regards ses actes répréhensibles et celui qui fait acte de désobéissance civile en défiant les autorités et s’institue lui-même porteur d’un autre droit. Cette distinction nécessaire entre une violation ouverte et publique de la loi et une violation clandestine a un tel caractère d’évidence que le refus d’en tenir compte ne saurait provenir que d’un préjugé allié à de la mauvaise volonté. Reconnue désormais par tous les auteurs sérieux qui abordent ce sujet, cette distinction est naturellement invoquée comme un argument primordial par tous ceux qui s’efforcent de faire reconnaître que la désobéissance civile n’est pas incompatible avec les lois et les institutions publiques (…). Le délinquant de droit commun par contre, même s’il appartient à une organisation criminelle, agit uniquement dans son propre intérêt ; il refuse de s’incliner devant la volonté du groupe, et ne cédera qu’à la violence des services chargés d’imposer le respect de la loi. Celui qui fait acte de désobéissance civile, tout en étant généralement en désaccord avec une majorité, agit au nom et en faveur d’un groupe particulier. Il lance un défi aux lois et à l’autorité établie à partir d’un désaccord fondamental, et non parce qu’il entend personnellement bénéficier d’un passe-droit. Hannah ARENDT,Du Mensonge à la violence(1972)

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1.Dégager l’idée principale du texte et montrer comment elle est établie. 2.Expliquer : a)« celui qui fait acte de désobéissance civile en défiant les autorités et s’institue lui-même porteur d’un autre droit. » ; b)« [il y a une] distinction nécessaire entre une violation publique et ouverte de la loi et une violation clandestine » ; c)« Le délinquant de droit commun, (...) agit uniquement dans son propre intérêt ». 3.Désobéir aux lois peut-il être juste ?


BACCALAUREAT PHILO WASHINGTON

Baccalauréat L

 Sujet 1 : Le sens de ce que l’on dit se réduit-il à ce que l’on veut dire ?

 Sujet 2 : Le droit de propriété doit-il être limité ?

 sujet 3 : Expliquer le texte suivant :

La raison nous assure que puisqu’il n’est pas en notre pouvoir de borner nos désirs, et que nous sommes portés par une inclination naturelle à aimer tous les biens, nous ne pouvons devenir heureux qu’en possédant celui qui les renferme tous. Notre propre expérience nous fait sentir que nous ne sommes pas heureux dans la possession des biens dont nous jouissons, puisque nous en souhaitons encore d’autres. Enfin nous voyons tous les jours que les grands biens dont les princes et les rois même les plus puissants jouissent sur la terre, ne sont pas encore capables de contenter leurs désirs : qu’ils ont même plus d’inquiétudes et de déplaisirs que les autres ; et qu’étant, pour ainsi dire, au haut de la roue de la fortune, ils doivent être infiniment plus agités et plus secoués par son mouvement que ceux qui sont au-dessous et plus proche du centre. Car enfin ils ne tombent jamais que du haut ; ils ne reçoivent jamais que de grandes blessures ; et toute cette grandeur qui les accompagne et qu’ils attachent à leur être propre ne fait que les (1) grossir et les étendre, afin qu’ils soient capables d’un plus grand nombre de blessures et plus exposés aux coups de la fortune. MALEBRANCHE,De la recherche de la vérité(1675)
(1) de telle sorte qu’en fin de compte

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Baccalauréat ES

 SUJET 1 Peut-on devenir soi-même sans les autres ?

 SUJET 2 Le droit est-il seulement ce qui limite ma liberté ?

 SUJET 3 Expliquez le texte suivant :

La guerre est un fait humain, purement humain, dont toutes les causes sont des opinions. Et observons que l’opinion la plus dangereuse ici est justement celle qui fait croire que la guerre est imminente et inévitable. Sans qu’on puisse dire pourtant qu’elle soit jamais vraie, car si beaucoup d’hommes l’abandonnaient, elle cesserait d’être vraie. Considérez bien ce rapport singulier, que l’intelligence paresseuse ne veut jamais saisir. Voilà une opinion assurément nuisible, et qui peut-être se trouvera vraie, seulement parce que beaucoup d’hommes l’auront eue. C’est dire que, dans les choses humaines qui sont un tissu d’opinions, la vérité n’est pas constatée, mais faite. Ainsi il n’y a point seulement à connaître, mais à juger, en prenant ce beau mot dans toute sa force.Pour ou contre la guerre. Il s’agit de juger ; j’entends de décider au lieu d’attendre les preuves. Situation singulière ; si tu décides pour la guerre, les preuves abondent, et ta propre décision en ajoute encore une ; jusqu’à l’effet, qui te rendra enfin glorieux comme un docteur en politique. « Je l’avais bien prévu. » Eh oui. Vous étiez milliers à l’avoir bien prévu ; et c’est parce que vous l’avez prévu que c’est arrivé. ALAIN,Mars ou la guerre jugée, 1921.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Baccalauréat S

 Sujet 1 Le désir a-t-il toujours un objet ?

 Sujet 2 Peut-on être trop cultivé ?

 Sujet 3 Expliquez le texte suivant

 : Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon ces lois, sinon rien ne permet de les distinguer des bêtes les plus sauvages à tous égards. La raison en est la suivante : aucun être humain ne possède naturellement le don de connaître ce qui est le plus profitable aux hommes en tant que citoyens ; et même s’il le connaissait, il ne serait pas toujours en mesure de vouloir et de faire le meilleur. Tout d’abord, il est difficile de reconnaître que le véritable art politique doit se soucier non de l’intérêt particulier, mais de l’intérêt général, car l’intérêt général apporte aux cités une cohésion que l’intérêt particulier fait voler en éclats ; difficile aussi de reconnaître que la consolidation de l’intérêt commun au détriment de l’intérêt particulier profite à la fois à l’intérêt commun et à l’intérêt particulier, à l’un et à l’autre indissociablement. En second lieu, supposons un homme suffisamment avancé dans cet art pour savoir qu’il en est ainsi en vertu d’une nécessité naturelle ; supposons, en outre, que cet homme règne sur la cité sans avoir à lui rendre de comptes, en maître absolu ; même en ce cas, il ne pourrait jamais demeurer inébranlable dans ses convictions, c’est-à-dire continuer, toute sa vie durant, à donner la primauté à l’intérêt général et à subordonner l’intérêt particulier à l’intérêt général. Au contraire, la nature mortelle le poussera toujours à désirer insatiablement et à agir égoïstement. PLATON,Les Lois(348 av. J.-C.

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La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question


Baccalauréat 2016

Métropole 2016

Série L :

Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ?
Le désir est-il par nature illimité ?
Explication d’un texte d’Hannah Arendt

Série S :

Travailler moins, est-ce vivre mieux ?
Faut-il démontrer pour savoir ?
Explication d’un texte de Machiavel

Série ES

Savons-nous toujours ce que nous désirons ?
Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’histoire ?

Expliquez le texte suivant : « […] Parce que nous savons que l’erreur dépend de notre volonté, et que personne n’a la volonté de se tromper, on s’étonnera peut-être qu’il y ait de l’erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu’il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car encore qu’il n’y ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne s’en trouve presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses qu’il ne connaît pas distinctement : et même il arrive souvent que c’est le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent pas l’ordre qu’il faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver et se trompent, à cause qu’il les incite à précipiter leurs jugements, et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils n’ont pas assez de connaissance. » René DESCARTES,Principes de la philosophie(1644)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Pour les séries technologiques :

Baccalauréat Philosophie 2016 séries technologiques
Le candidat traitera l’un des sujets suivants au choix.

Sujet 1 : Pour être juste, suffit-il d’obéir aux lois ?
Sujet 2 : Pouvons-nous toujours justifier nos croyances ?
Sujet 3 :

Même quand les peintres travaillent sur des objets réels, leur but n’est jamais d’évoquer l’objet même, mais de fabriquer sur la toile un spectacle qui se suffit. La 1 distinction souvent faite entre le sujet du tableau et la manière du peintre n’est pas légitime parce que, pour l’expérience esthétique, tout le sujet est dans la manière dont le raisin, la pipe ou le paquet de tabac est constitué par le peintre sur la toile. Voulons-nous dire qu’en art la forme seule importe, et non ce qu’on dit ? Nullement. Nous voulons dire que la forme et le fond, ce qu’on dit et la manière dont on le dit ne sauraient exister à part. Nous nous bornons en somme à constater cette évidence que, si je peux me représenter d’une manière suffisante, d’après sa fonction, un objet ou un outil que je n’ai jamais vu, au moins dans ses traits généraux, par contre les meilleures analyses ne peuvent me donner le soupçon de ce qu’est une peinture dont je n’ai jamais vu aucun exemplaire. Il ne s’agit donc pas, en présence d’un tableau, de multiplier les références au sujet, à la circonstance historique, s’il en est une, qui est à l’origine du tableau. MERLEAU-PONTY,Causeries(1948)
1 « manière » : la façon dont le peintre peint, son style propre
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.
1.Dégager la thèse du texte et les étapes de son argumentation.
2.Expliquer :a)« un spectacle qui se suffit » ; b)« la forme et le fond, ce qu’on dit et la manière dont on le dit ne sauraient exister à part » ; c)« les meilleures analyses ne peuvent me donner le soupçon de ce qu’est une peinture dont je n’ai jamais vu aucun exemplaire ».
3.Une œuvre d’art a-t-elle pour but de représenter la réalité ?
16PHTEMLR1

Antilles-Guyane 2016

Pour les Antilles et la Guyane, les sujets sont :

 Pour la filière L, les deux sujets de dissertation sont "Le réel se réduit-il à ce que l’on en perçoit ?" et "La politique est-elle l’affaire de tous ?". L’explication de texte porte sur l’ouvrage Doctrine de la vertu, de Kant.

 Pour la filière S, les deux sujets de dissertation sont : "Le désir nous éloigne-t-il du vrai ?" et "La technique ne sert-elle qu’à nous rendre maîtres de la nature ?". Le texte est extrait du Traité politique de Spinoza.

 Pour la filière ES, les deux sujets de dissertations sont "L’histoire peut-elle éclairer l’avenir ?" et "Être libre, est-ce ne rencontrer aucun obstacle ?". Le texte est extrait de De l’amitié, de Cicéron.

Baccalauréat PONDICHERY 2016

 Bac S Pondichéry 2016 Philosophie

1) La religion n’est-elle qu’un fait de culture ?

2) Choisit-on d’être artiste ?

3) Expliquer un extrait de texte de "Des Biens et des maux", de Cicéron (1er siècle avant J.C.). Découvrez-en les premières lignes :

"Tout ce qui est bon est louable ; or, tout ce qui est louable est honnête ; donc tout ce qui est bon est honnête. La conséquence te paraît-elle bien tirée ? Certes ; car tu vois bien que la conséquence est dans ce qui résulte des deux propositions prises pour prémisses. De ces deux propositions, on a l’habitude de contester la première en disant qu’il n’est pas vrai que tout bien est louable [...]"

 Bac ES Pondichéry 2016 - Philosophie Version complète PDF

1) Y a-t-il des vérités indiscutables ?

2) Le bonheur est-il le but de l’existence ?

3) Expliquer un extrait de texte de "De la liberté", de Mill (1859). Découvrez-en les premières lignes :

"La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste."

 Bac L Pondichéry 2016 - Philosophie Version complète PDF

- Faut-il des connaissances pour apprécier une œuvre d’art ?

 L’autorité de l’État s’oppose-t-elle à la liberté des individus ?

 Expliquer un extrait de texte de "Doctrine de la vertu", de Kant (1797). Découvrez-en les premières lignes :

"Concernant la partie des créatures qui est vivante, bien que dépourvue de raison, un traitement violent et en même temps cruel des animaux est […] intimement opposé au devoir de l’homme envers lui-même, parce qu’ainsi la sympathie à l’égard de leurs souffrances se trouve émoussée en l’homme et que cela affaiblit et peu à peu anéantit une disposition naturelle très profitable à la moralité dans la relation avec les autres hommes [...]".

 Bac STMG Pondichéry 2016 - Philosophie Version complète PDF

• Tous les échanges sont-ils profitables ?

• Est-on d’autant plus heureux que l’on est plus cultivé ?

• Expliquer un extrait de texte de "Réfutation d’Helvétius", de Cicéron (1786). Découvrez-en les premières lignes :

"Pourquoi l’homme est-il perfectible et pourquoi l’animal ne l’est-il pas ? L’animal ne 1 l’est pas, parce que sa raison, s’il en a une, est dominée par un sens despote qui la 2 subjugue . Toute l’âme du chien est au bout de son nez, et il va toujours flairant. Toute l’âme de l’aigle est dans son œil, et l’aigle va toujours regardant. Toute l’âme de la taupe est dans son oreille, et elle va toujours écoutant".

Baccalauréat Liban 2016

Bac S Liban 2016 - Philosophie

- "Sait-on ce qu’on désire ?"

 "L’esprit dépend-il de la matière ?"

 ou une explication de texte de Mill, De la liberté (1959) ➜


Bac ES Liban 2016 - Philosophie


 Suis-je l’esclave de mes désirs ?"

 "Une société juste peut-elle accepter des inégalités ?"

 ou une explication du texte de Russel, Science et religion, 1935


Bac L Liban 2016 - Philosophie


 "Est-on prisonnier de la langue dans laquelle on parle ?"

 "L’esprit doit-il quelque chose au corps ?"

 et une explication du texte de HEGEL, Propédeutique philosophique (1808)

Bac S Washington 2016 - Philosophie Version complète PDF


 Travailler, est-ce seulement mettre en oeuvre des techniques ?

 "Peut-on ne pas admettre la vérité ?"

 ou une analyse de texte de DIDEROT, Réfutation suivie de l’ouvrage d’Helvétius.

Bac ES Washington 2016 - Philosophie version complète PDF

- "L’artiste peut-il être indifférent au beau ?"

 "Les hommes vivent-ils en société par intérêt ?"

 ou une analyse du texte de Bergson, Leçons de Clermont-Ferrand, 1886.

Bac L Washington 2016 - Philosophie Version complète PDF

- Une vérité scientifique peut-elle être approximative ?"

 "Peut-on être soi-même devant les autres ?"

 ou une analyse de texte de MARX, Le Capital, 1867

Baccalauréat 2015

Métropole


Le candidat traitera, au choix,l’undes trois sujets suivants :

1er sujet :Respecter tout être vivant, est-ce un devoir moral ?

2ème sujet :Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?

3ème sujet :Expliquer le texte suivant : Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’estàdire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait luimême de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune. Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites. Si je considère maintenant l’homme à part, je trouve que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul que pour agir en commun avec ses semblables. TOCQUEVILLE,De la démocratie en Amérique, 1840. La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Ilfaut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

 

Série S
1 Une œuvre d’art a-t-elle toujours un sens ?
2 La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ?
3 Expliquez le texte suivant :

Comment peut-on prévoir un événement dépourvu de toute cause ou de tout indice qui explique qu’il se produira ? Les éclipses du soleil et de la lune sont annoncées avec beaucoup d’années d’anticipation par ceux qui étudient à l’aide de calculs les mouvements des astres. De fait, ils annoncent ce que la loi naturelle réalisera. Du mouvement invariable de la lune, ils déduisent à quel moment la lune, à l’opposé du soleil, entre dans l’ombre de la terre, qui est un cône de ténèbres, de telle sorte qu’elle s’obscurcit nécessairement. Ils savent aussi quand la même lune en passant sous le soleil et en s’intercalant entre lui et la terre, cache la lumière du soleil à nos yeux, et dans quel signe chaque planète se trouvera à tout moment, quels seront le lever ou le coucher journaliers des différentes constellations. Tu vois quels sont les raisonnements effectués par ceux qui prédisent ces événements. Ceux qui prédisent la découverte d’un trésor ou l’arrivée d’un héritage, sur quel indice se fondent-ils ? Ou bien, dans quelle loi naturelle se trouve-t-il que cela arrivera ? Et si ces faits et ceux du même genre sont soumis à pareille nécessité, quel est l’événement dont il faudra admettre qu’il arrive par accident ou par pur hasard ? En effet, rien n’est à ce point contraire à la régularité rationnelle que le hasard, au point que même un dieu ne possède pas à mes yeux le privilège de savoir ce qui se produira par hasard ou par accident. Car s’il le sait, l’événement arrivera certainement ; mais s’il se produit certainement, il n’y a plus de hasard ; or le hasard existe : par conséquent, il n’y a pas de prévision d’événements fortuits. er Cicéron,De la divination, 1 siècle avant J.-C.
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Série ES

1 La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ?

2.L’artiste donne-t-il quelque chose à comprendre ?

3.Expliquez le texte suivant : « Dans un État démocratique, des ordres absurdes ne sont guère à craindre, car il est presque impossible que la majorité d’une grande assemblée se mette d’accord sur une seule et même absurdité. Cela est peu à craindre, également, à raison du fondement et de la fin de la démocratie, qui n’est autre que de soustraire les hommes 1 à la domination absurde de l’appétit et à les maintenir, autant qu’il est possible, dans les limites de la raison, pour qu’ils vivent dans la concorde et dans la paix. Ôté ce fondement, tout l’édifice s’écroule aisément. Au seul souverain, donc, il appartient d’y pourvoir ; aux sujets, il appartient d’exécuter ses commandements et de ne reconnaître comme droit que ce que le souverain déclare être le droit. Peut-être pensera-t-on que, par ce principe, nous faisons des sujets des esclaves ; on pense en effet que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son caprice. Cela cependant n’ ; car enest pas absolument vrai réalité, celui qui est captif de son plaisir, incapable de voir et de faire ce qui lui est utile, est le plus grand des esclaves, et seul est libre celui qui vit, de toute son âme, sous la seule conduite de la raison. » SPINOZA,Traité théologico-politique(1670)

Série STMG

Sujet 1 :
La culture fait-elle l’homme ?
Sujet 2 :
Peut-on être heureux sans être libre ?
Sujet 3 :
La règle par où nous nous conduisons communément en nos raisonnements, est que les objets dont nous n’avons pas l’expérience ressemblent à ceux dont nous l’avons ; que ce que nous avons vu être le plus ordinaire est toujours le plus probable ; et que, lorsqu’il y a opposition des arguments, nous devons donner la préférence à ceux qui se fondent sur le plus grand nombre d’observations passées. Mais quoique, en procédant selon cette règle, nous rejetions promptement tout fait insolite et incroyable à un degré ordinaire, pourtant, en avançant davantage, l’esprit n’observe pas toujours la même règle : lorsque quelque chose est affirmé de suprêmement absurde et miraculeux, il admet d’autant plus promptement un tel fait, en raison de la circonstance même qui devrait en détruire l’autorité. La passion de surprise et d’émerveillement qui produit des miracles, étant une agréable émotion, produit une tendance sensible à croire aux événements d’où elle dérive
HUME, Enquête sur l’entendement humain (1748)

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.
1. Donner la thèse du texte et les étapes de son argumentation.
2. a) Expliquer : « nous devons donner la préférence à ceux qui se fondent sur le plus grand nombre d’observations passées ».
b) Expliquer : « il admet d’autant plus promptement un tel fait, en raison de la circonstance même qui devrait en détruire l’autorité ».
3. La force d’une croyance se fonde-t-elle nécessairement sur l’expérience ?

 

Les élèves de Terminale de Pondichéry, en Inde, sont chaque année les premiers à passer leur bac. Voici le sujet de philosophie qui a été soumis aux élèves de la série S lundi 13 avril 2015.

SERIE S
Sujet n°1
Sommes-nous des citoyens du monde ?
Sujet n°2
La connaissance peut-elle nuire au bonheur ?

Sujet n°3
Expliquer le texte suivant : La vanité de l’esprit humain l’écarte et le retarde dans sa marche. Il craint de s’avilir 1 dans les détails. Méditer sur un brin d’herbe, raisonner sur une mouche : manier le scalpel, disséquer des atomes, courir les champs pour trouver un caillou, quelle gloire y a-t-il, dans ces occupations mécaniques ; mais surtout quel profit, au prix de la peine ? Cette erreur prend sa source dans une autre qui part du même orgueil, et c’est la persuasion, où l’on s’entretient, que la vérité est comme innée dans notre entendement, qu’elle ne peut y entrer par les sens, qui servent plutôt à le troubler qu’à l’éclairer. Cette prévention2, ou plutôt cette aliénation de l’esprit, est fomentée par les partisans mêmes des sens ; car en prétendant que nous recevons toutes les vérités par ce canal, ils n’ont pas laissé3de perdre leur temps à la spéculation, et d’abandonner l’histoire de la nature, pour suivre les écarts de l’imagination. L’entendement crée des êtres à sa façon, c’est-à-dire, des êtres imaginables. Ses conceptions lui représentent la possibilité, et non pas l’existence des choses. De là le règne des idées abstraites, ou le monde fantastique des intellectuels, tellement accrédité par une espèce de superstition pour les choses outrées, que leurs rêves sont devenus un délire général. Tel est l’abus de cette métaphysique qui, supposant des images sans modèles, et des idées sans objet, fait de cet univers une illusion perpétuelle, et comme un chaos de ténèbres palpables. Le dégoût pour ce qu’on appelle les petites choses dans l’observation, est la marque d’un esprit étroit, qui n’aperçoit pas l’ensemble des parties et l’unité des principes. Tout ce qui entre dans l’essence des causes, est l’objet de la science de l’homme ; car la science n’est elle-même que la connaissance des causes.

Francis BACON (1561-1626),
Pensées et vues générale ou récapitulation.

1. Se rabaisser. 2. L’ensemble des préjugés qui faussent le jugement. 3. Ils ont perdu leur temps à la spéculation.
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Washington 2015

 

Série L

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants :

1er SUJET Une parole peut-elle être sans objet ?

2ème SUJET Tout désir est-il tyrannique ?


3 ème SUJET Expliquer le texte suivant : Le plus pressant intérêt du chef, de même que son devoir le plus indispensable, est 1 de veiller à l’observation des lois dont il est le ministre ; et sur lesquelles est fondée toute son autorité. S’il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit-il les observer lui-même qui jouit de toute leur faveur. Car son exemple est de telle force, que quand même le peuple voudrait bien souffrir qu’il s’affranchît du joug de la loi, il devrait se garder de profiter d’une si dangereuse prérogative, que d’autres s’efforceraient bientôt d’usurper à leur tour, et souvent à son préjudice. Au fond, comme tous les engagements de la société sont réciproques par leur nature, il n’est pas possible de se mettre au-dessus de la loi sans renoncer à ses avantages, et personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne. Par la même raison, nulle exemption de la loi ne sera jamais accordée à quelque titre que ce puisse être dans un gouvernement bien policé . Les citoyens mêmes qui ont bien mérité de la patrie doivent être récompensés par des honneurs et jamais par des privilèges : car la république est à la veille de sa ruine, sitôt que quelqu’un peut penser qu’il est beau de ne pas obéir aux lois.

ROUSSEAU,Discours sur l’économie politique(1755)


Série S

« Le bonheur se trouve-t-il dans le repos ? » et « L’art instruit-il ? »

Série ES

« Sommes-nous maîtres de nos désirs ? » et « A quoi reconnaît-on qu’une théorie est scientifique ? »

 
Liban 2015

Liban 2015

Série L

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants :

1er SUJET : Est-ce à l’État de faire régner la justice ?

2ème SUJET Le corps fait-il obstacle à la pensée ?

3ème SUJET Expliquer le texte suivant : Je ne saurais exprimer un jugement avec des mots, si, dès l’instant que je vais prononcer la première syllabe, je ne voyais pas déjà toutes les idées dont mon jugement est formé. Si elles ne s’offraient pas toutes à la fois, je ne saurais par où commencer, puisque je ne saurais pas ce que je voudrais dire. Il en est de même lorsque je raisonne ; je ne commencerais point, ou je ne finirais point un raisonnement, si la suite des jugements qui le composent, n’était pas en même temps présente à mon esprit. Ce n’est donc pas en parlant que je juge et que je raisonne. J’ai déjà jugé et raisonné, et ces opérations de l’esprit précèdent nécessairement le discours. En effet nous apprenons à parler, parce que nous apprenons à exprimer par des signes les idées que nous avons, et les rapports que nous apercevons entre elles. Un enfant n’apprendrait donc pas à parler, s’il n’avait pas déjà des idées, et s’il ne saisissait pas déjà des rapports. Il juge donc et il raisonne avant de savoir un mot d’aucune langue. Sa conduite en est la preuve, puisqu’il agit en conséquence des jugements qu’il porte. Mais parce que sa pensée est l’opération d’un instant, qu’elle est sans succession, et qu’il n’a point de moyen pour la décomposer, il pense, sans savoir ce qu’il fait en pensant ; et penser n’est pas encore un art pour lui. Si une pensée est sans succession dans l’esprit, elle a une succession dans le discours, où elle se décompose en autant de parties qu’elle renferme d’idées. Alors nous pouvons observer ce que nous faisons en pensant, nous pouvons nous en rendre compte ; nous pouvons par conséquent, apprendre à conduire notre réflexion. Penser devient donc un art, et cet art est l’art de parler. CONDILLAC,Cours d’études pour l’instruction du Prince de Parme(1798)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.


Série ES

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants :

1er SUJET : Autrui m’apprendil quelque chose sur moimême ? 2ème SUJET : L’individu doitil se méfier de l’Etat ?

3ème SUJET : Expliquez le texte suivant : Tant que l’on n’a pas bien compris la liaison de toutes choses et l’enchaînement des causes et des effets, on est accablé par l’avenir. Un rêve ou la parole d’un sorcier tuent nos espérances ; le présage est dans toutes les avenues. Idée théologique. Chacun connaît la fable de ce poète à qui il avait été prédit qu’il mourrait de la chute d’une maison ; il se mit à la belle étoile ; mais les dieux n’en voulurent point démordre, et un aigle laissa tomber une tortue sur sa tête chauve, la prenant pour une pierre. On conte aussi l’histoire d’unfils de roi qui, selon l’oracle, devait périr par un lion ; on le garda au logis avec les femmes ; mais il se fâcha contre une tapisserie qui représentait un lion, s’écorcha le poing sur un mauvais clou, et mourut de gangrène.L’idée qui sort de ces contes, c’est la prédestination, que des théologiens mirent plus tard en doctrine ; et cela s’exprime ainsi : la destinée de chacun est fixée quoi qu’il fasse. Ce qui n’est point scientifique du tout ; car ce fatalisme revient à dire : « Quelles que soient les causes, le même effet en résultera. » Or, nous savons que si la cause est autre, l’effet sera autre. Et nous détruisons ce fantôme d’un avenir inévitable par le raisonnement suivant ; supposons que je connaisse que je serai écrasé par tel mur tel jour à telle heure ; cette connaissance fera justement manquer la prédiction. C’est ainsi que nous vivons ; à chaque instant nous échappons à un malheur parce que nous le prévoyons ; ainsi ce que nous prévoyons, et très raisonnablement, n’arrive pas. Cette automobile m’écrasera si je reste au milieu de la route ; mais je n’y reste pas.

ALAIN,Proposdu 28 août 1911.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Série S

1er sujet L’art est-il une affaire de goût personnel ?

2e sujet La justice ne relève-t-elle que de l’État ?

3e sujet Expliquez le texte suivant : « Au spectacle d’une cascade, nous pensons voir caprice et arbitraire dans les innombrables courbures, ondulations et brisements de ses vagues ; mais tout y est nécessaire, le moindre remous mathématiquement calculable. Il en est de même pour les actions humaines ; on devrait, si l’on était omniscient, pouvoir calculer d’avance un acte après l’autre, aussi bien que chaque progrès de la connaissance, chaque erreur, chaque méchanceté. Le sujet qui agit est quant à lui, sans doute, pris dans l’illusion de son libre arbitre ; mais si la roue du monde venait à s’arrêter un instant et qu’il y eût une intelligence omnisciente, calculatrice, pour mettre à profit de telles pauses, elle pourrait, à partir de là, prédire l’avenir de chacun des êtres jusqu’aux temps les plus éloignés et marquer toutes les traces dans lesquelles cette roue passera encore. L’illusion de l’acteur sur lui-même, le postulat de son libre arbitre, font partie intégrante de ce mécanisme à calculer. » NIETZSCHE,Humain trop humain(1878)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Les centres Etrangers Afrique


Epreuve : Philosophie Série S


Dissertation 1 :
Le bonheur de l’humanité pourrait-il venir du progrès technique ?

Dissertation 2 :
La vérité ne peut-elle être établie que par la démonstration ?

Explication de texte :
Russell, Analyse de l’esprit (1921).

Epreuve philosophie Série ES

Dissertation 1 :
Peut-on vraiment comprendre autrui ?

Dissertation 2 :
La politique est-elle l’affaire des spécialistes ?

Explication de texte :
Locke, Essai sur l’entendement humain, 1689.
 

Epreuve philosophie Série L

Dissertation 1 :
L’interdit est-il ennemi du désir ?

Dissertation 2 :
Les machines peuvent-elles penser ?

Explication de texte :
Popper, Le sens de l’écriture de l’histoire, 1962.
 

 

Guadeloupe :

Baccalauréat Général

Série Littéraire
1er sujet : Science et religion s’opposent-elles ?
2ème sujet : Suffit-il d’avoir des droits pour être libre ?
3ème sujet : Extrait de De la tranquilité de l’âme de Sénèque

Série Scientifique
1er sujet : La connaissance scientifique élimine-t-elle toute croyance ?
2ème sujet : Faut-il renoncer à expliquer une oeuvre d’art ?
3ème sujet : Extrait de Léviathan de Hobbes

Série ES
1er sujet : L’art est-il nécessaire à l’homme ?
2ème sujet : Puis-je renoncer à ma liberté ?
3ème sujet : Extrait d’Ethique à Nicomaque d’Aristote

Baccalauréat technologique
Toutes séries sauf TMD
1er sujet : Peut-on se faire justice soi-même ?
2ème sujet : Un homme se définit-il par sa culture ?
3ème sujet : Explication de texte Extrait de Propédeutique philosophique d’Hegel

 

Baccalauréat 2014

Sujets de philo bac 2014 à l’étranger

 Pondichéry : l’épreuve de philo qui s’est déroulée pour toutes les séries le 3 avril 2014.

 Bac L philo 2014 : sujets de Pondichéry

Sujet 1 : Le désir nous éloigne-t-il d’autrui ?
Sujet 2 : L’Etat est-il au-dessus des lois ?
Sujet 3 : Explication de texte, AUGUSTIN, Du mensonge, début du Vème siècle

 Bac ES philo 2014 : sujets de Pondichéry

Sujet 1 : La justice n’est-elle que pure convention ?
Sujet 2 : La solitude est-elle sans valeur ?
Sujet 3 : Explication de texte, HEGEL, Esthétique, 1835

 Bac S philo 2014 : sujets de Pondichéry

Sujet 1 : Une oeuvre d’art peut-elle être immorale ?
Sujet 2 : Seul ce qui est démontré est-il prouvé ?
Sujet 3 : Explication de texte, B. RUSSELL, Science et religion, 1935

 Bac techno philo 2014 : sujets de Pondichéry

- Sujet 1 : Un objet technique peut-il être une oeuvre d’art ?
- Sujet 2 : Etre libre, est-ce faire ce qui nous plaît ?
- Sujet 3 : Explication de texte, DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit, 1629

 Liban : l’épreuve de philo qui s’est déroulée pour toutes les séries le 26 mai 2014

 Bac L philo 2014 : sujets du Liban

1er SUJET : Faut-il faire l’éloge du travail ?
2ème SUJET : Peut-on se libérer du passé ?
3ème SUJET : Expliquer le texte suivant :

Il ne faut point confondre le bonheur avec la vertu. Il est certain que faire le bien pour le bien, c’est le faire pour soi, pour notre propre intérêt, puisqu’il donne à l’âme une satisfaction intérieure, un contentement d’elle-même sans lequel il n’y a point de vrai bonheur. Il est sûr encore que les méchants sont tous misérables, quel que soit leur sort apparent, parce que le bonheur s’empoisonne dans une âme corrompue,comme le plaisir des sens dans un corps malsain. Mais il est faux que les bons soient tous heureux dès ce monde, et comme il ne suffit pas au corps d’être en santé pour avoir de quoi se nourrir, il ne suffit pas non plus à l’âme d’être saine pour obtenir tous les biens dont elle a besoin. Quoiqu’il n’y ait que les gens de bien qui puissent vivre contents, ce n’est pas à dire que tout homme de bien vive content. La vertu ne donne pas le bonheur, mais elle seule apprend à en jouir quand on l’a : la vertu ne garantit pas des maux de cette vie et n’en procure pas les biens ; c’est ce que ne fait pas non plus le vice avec toutes ses ruses ; mais la vertu fait porter plus patiemment les uns et goûter plus délicieusement les autres. Nous avons donc, en tout état de cause, un véritable intérêt à la cultiver, et nous faisons bien de travailler pour cet intérêt, quoiqu’il y ait des cas où il serait insuffisant par lui-même, sans l’attente d’une vie à venir.

ROUSSEAU, Lettre à M. d’Offreville (1761)

 Bac Série ES -philo 2014 : sujets du Liban

1er SUJET : L’histoire est-elle une science impossible ?
2ème SUJET : Peut-on vouloir la justice au mépris du droit ?
3ème SUJET :

Expliquer le texte suivant :

« Nous ne vivons pas d’abord dans la conscience de nous-même – ni même d’ailleurs dans la conscience des choses – mais dans l’expérience d’autrui. Jamais nous ne nous sentons exister qu’après avoir déjà pris contact avec les autres, et notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit d’ailleurs beaucoup à notre fréquentation d’autrui. Un nourrisson de quelques mois est déjà fort habile à distinguer la bienveillance, la colère, la peur sur le visage d’autrui, à un moment où il ne saurait avoir appris par l’examen de son propre corps les signes physiques de ces émotions. C’est donc que le corps d’autrui, dans ses diverses gesticulations, lui apparaît investi d’emblée d’une signification émotionnelle, c’est donc qu’il apprend à connaître l’esprit tout autant comme comportement visible que dans l’intimité de son propre esprit. Et l’adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l’enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir. Le contact de nous-même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même. Si bien qu’enfin le pur soi, l’esprit, sans instruments et sans histoire, s’il est bien comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu, ne s’accomplit en liberté effective que par l’instrument du langage et en participant à la vie du monde. »

Maurice MERLEAU-PONTY, Causeries (1948)

 Bac Série S -philo 2014 : sujets du Liban

1er SUJET : Peut-on enfreindre la loi au nom de la justice ?
2ème SUJET : Est-ce seulement par la raison qu’on peut accéder à la vérité ?
3ème SUJET : Expliquer le texte :

Il n’est pas douteux (...) que la force n’ait été à l’origine de la division des anciennes sociétés en classes subordonnées les unes aux autres. Mais une subordination habituelle finit par sembler naturelle, et elle se cherche à elle-même une explication : si la classe inférieure a accepté sa situation pendant assez longtemps, elle pourra y consentir encore quand elle sera devenue virtuellement la plus forte, parce qu’elle attribuera aux dirigeants une supériorité de valeur. Cette supériorité sera d’ailleurs réelle s’ils ont profité des facilités qu’ils se trouvaient avoir pour se perfectionner intellectuellement et moralement ; mais elle pourra aussi bien n’être qu’ une apparence soigneusement entretenue. Quoi qu’il en soit, réelle ou apparente, elle n’aura qu’à durer pour paraître congénitale : il faut bien qu’il y ait supériorité innée, se dit-on, puisqu’il y a privilège héréditaire. La nature, qui a voulu des sociétés disciplinées, a prédisposé l’homme à cette illusion

.BERGSON, Les Deux Sources de la morale et de la religion(1932)

 Washington : l’épreuve de philo qui s’est déroulée pour toutes les séries le 27 mai 2014

Serie L

Série ES

Série S

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 Série L
Sujet 1 : Les oeuvres d’art éduquent-elles notre perception ?

Sujet 2 : Doit-on tout faire pour être heureux ?

Sujet 3 :

Expliquez le texte suivant

"J’ai traité le déterminisme physique de cauchemar. C’est un cauchemar parce qu’il affirme que le monde entier, avec tout ce qu’il contient, est un gigantesque automate, et que nous ne sommes rien d’autre que des petits rouages, ou des sous-automates dans le meilleur des cas.
Il détruit ainsi, en particulier, l’idée de créativité. Il réduit à l’état de complète illusion l’idée que, dans la préparation de cette conférence, je me suis servi de mon cerveau pour créer quelque chose de nouveau. Ce qui s’est passé là, selon le déterminisme physique, c’est que certaines parties de mon corps ont tracé des marques noires sur un papier blanc, et rien de plus : tout physicien disposant d’une information suffisamment détaillée pourrait avoir écrit ma conférence grâce à cette méthode très simple : prédire les endroits précis où le système physique composé de mon corps (y compris mon cerveau, bien sûr, et mes doigts) et de mon stylo tracerait des marques noires.
Ou, pour utiliser un exemple plus frappant : si le déterminisme physique est correct, alors un physicien complètement sourd, qui n’aurait jamais entendu de musique de sa vie, pourrait écrire toutes les symphonies et tous les concertos de Mozart ou de Beethoven, au moyen d’une méthode simple, qui consisterait à étudier les états physiques précis de leur corps et à prédire où ils traceraient des marques noires sur leur portée. Et notre physicien sourd pourrait même faire bien mieux : en étudiant les corps de Mozart et de Beethoven avec assez de soin, il pourrait écrire des partitions qui n’ont jamais été réellement écrites par Mozart ou Beethoven, mais qu’ils auraient écrites si certaines circonstances de leur vie avaient été différentes - s’ils avaient mangé, disons, de l’agneau au lieu de poulet et bu du thé au lieu de café."

POPPER, La connaissance objective, 1972

Les connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte ; du problème dont il est question.

 Série S

Sujet 1 : Vivons-nous pour être heureux ?

Sujet 2 : L’artiste est-il maître de son œuvre ?

Sujet 3 : Expliquez le texte suivant

"On voit clairement pourquoi l’arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c’est que seules elles traitent d’un objet assez pur et simple pour n’admettre absolument rien que l’expérience ait rendu incertain, et qu’elles consistent toutes entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement.
Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet et tel que nous le désirons, puisque, sauf par intention, il semble impossible à l’homme d’y commettre des erreurs. Et cependant, il ne faut pas s’étonner si spontanément beaucoup d’esprits s’appliquent plutôt à d’autres études ou à la philosophie : cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d’affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu’il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu’elle soit.
De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu’il ne faut appendre que l’arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s’occuper d’aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celles des démonstrations de l’arithmétique et de la géométrie."

René Descartes - Règles pour la direction de l’esprit, 1628

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte ; du problème dont il est question.

 Série E.S.

Sujet 1 : Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ?

Sujet 2 : Pourquoi chercher à se connaître soi-même ?

Sujet 3 :

Expliquer le texte suivant :

"La différence décisive entre les outils et les machines trouve peut-être sa meilleure illustration dans la discussion apparemment sans fin sur le point de savoir si l’homme doit « s’adapter » à la machine ou la machine s’adapter à la « nature » de l’homme. Nous avons donné au premier chapitre la principale raison expliquant pourquoi pareille discussion ne peut être que stérile : si la condition humaine consiste en ce que l’homme est un être conditionné pour qui toute chose, donnée ou fabriquée, devient immédiatement condition de son existence ultérieure, l’homme s’est « adapté » à un milieu de machines dès le moment où il les a inventées. Elles sont certainement devenues une condition de notre existence aussi inaliénable que les outils aux époques précédentes. L’intérêt de la discussion à notre point de vue tient donc plutôt au fait que cette question d’adaptation puisse même se poser. On ne s’était jamais demandé si l’homme était adapté ou avait besoin de s’adapter aux outils dont il se servait : autant vouloir l’adapter à ses mains. Le cas des machines est tout différent. Tandis que les outils d’artisanat à toutes les phases du processus de l’oeuvre restent les serviteurs de la main, les machines exigent que le travailleur les serve et qu’il adapte le rythme naturel de son corps à leur mouvement mécanique. Cela ne veut pas dire que les hommes en tant que tels s’adaptent ou s’asservissent à leurs machines ; mais cela signifie bien que pendant toute la durée du travail à la machine, le processus mécanique remplace le rythme du corps humain. L’outil le plus raffiné reste au service de la main qu’il ne peut ni guider ni remplacer. La machine la plus primitive guide le travail corporel et éventuellement le remplace tout à fait."
Hannah ARENDT
Condition de l’homme moderne, Chap. IV (l’oeuvre)
éd. Calman-Lévy, coll. Presse Pocket, pp. 199-200

La connaissance de l’auteur n’est pas requise. Il faut et if suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont if est question.

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Sujet 1 : Les échanges sont-ils toujours intéressés ?

Sujet 2 : Une vérité peut-elle être définitive ?

Sujet 3 :

"SOCRATE. Celui qui garde son injustice au lieu d’en être délivré, est le plus malheureux de tous.
Polos. Cela semble certain.
Socrate. N’est-ce pas précisément le cas de l’homme qui, tout en commettant les crimes les plus abominables, et en vivant dans la plus parfaite injustice, réussit à éviter les avertissements, les châtiments, le paiement de sa peine,
comme tu dis qu’y est parvenu cet Archélaos*, ainsi que tous les tyrans, les orateurs et les hommes d’État les plus puissants ?
Polos. C’est vraisemblable.
Socrate. Quand je considère le résultat auquel aboutissent les gens de cette sorte, je les comparerais volontiers à un malade qui, souffrant de mille maux très graves, parviendrait à ne point rendre de comptes aux médecins sur ses maladies et à éviter tout traitement, craignant comme un enfant l’application du fer et du feu**, parce que cela fait mal. N’est-ce point ton avis ?
Polos. Tout à fait.
Socrate. C’est sans doute qu’il ne saurait pas le prix de la santé et d’une bonne constitution. A en juger par les principes que nous avons reconnus vrais, ceux qui cherchent à ne pas rendre de comptes à la justice. Polos, pourraient bien être également des gens qui voient ce qu’elle comporte de douloureux, mais qui sont aveugles sur ce qu’elle a d’utile, et qui ne savent pas combien il est plus lamentable de vivre avec une âme malsaine, c’est-à-dire corrompue, injuste et impure, que celle d’un corps malsain. De là tous leurs efforts pour échapper à la punition, pour éviter qu’on les débarrasse du plus grand des maux."

PLATON, Gorgias (478e-479c)


* Archélaos : tyran dont Polos a affirmé qu’il est heureux puisque son pouvoir lui permet de faire tout ce qui ui plaît sans avoir de comptes à rendre à personne.
** l’application du fer et du feu : techniques médicales de soin

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment est est établie.

2. a) En vous appuyant sur l’exemple d’Archélaos, expliquez pourquoi celui "qui garde son injustice au lieu d’en être délivré, est le plus malheureux de tous."

2.b) Expliquez en quoi l’homme injuste est semblable à un malade.

3. Celui qui vit dans l’injustice et qui cherche à échapper à la punition est-il le plus malheureux des hommes ?

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Sujet 1 : La diversité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ?

Sujet 2 : Peut-on être indifférent à la vérité ?

Sujet 3 :

"Le sentiment d’un tribunal intérieur inscrit en l’homme (« devant lequel ses pensées s’accusent ou se disculpent l’une l’autre ») correspond à la conscience morale. Tout homme a une telle conscience et se trouve observé, menacé et, en général, tenu en respect (un respect lié à la crainte) par un juge intérieur, et cette puissance qui, en lui, veille sur les lois n’est pas quelque chose qu’il se forge lui-même (arbitrairement), mais elle est incorporée dans son être. Elle le suit comme son ombre s’il songe à lui échapper. Il peut certes par des plaisirs et des distractions se rendre insensible ou s’endormir, mais il ne peut éviter par la suite de revenir à soimême ou de se réveiller dès qu’il perçoit la voix terrible de cette conscience. Au demeurant peut-il en arriver à l’extrême infamie où il ne se préoccupe plus du tout de cette voix, mais il ne peut du moins éviter de l’entendre."

KANT, Doctrine de la vertu, 1795.

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.
2. En vous appuyant sur des exemples :
a. Analysez l’image du « tribunal intérieur » ;
b. expliquez : « elle est incorporée dans son être » ;
c. expliquez : « il ne peut éviter par la suite de revenir à soi-même ou de se réveiller » ;
d. expliquez en quoi même quand « il ne se préoccupe plus du tout de cette voix », « il ne peut [...] éviter de l’entendre ».

3. La voix de la conscience morale se fait-elle toujours entendre ?

Baccalauréat 2013

- ES Amérique du Nord
 ES Antilles Guyane
 ES Étranger groupe 1
 ES Inde
 ES Japon
 ES Liban
 ES Métropole
 ES Polynésie
 L Amérique du Nord
 L Antilles Guyane
 L Étranger Groupe 1
 L Japon
 L Liban
 L Métropole
 L Polynésie
 S Amérique du Nord
 S Antilles Guyane
 S Étranger Groupe 1
 S Inde
 S Japon
 S Liban
 S Métropole
 S Polynésie
 T Antilles Guyane
 T Étranger Groupe 1
 T Inde
 T Métropole
 T Polynésie

Baccalauréat 2012

- ES Métropole
 ES Amérique du Nord
 ES Japon
 ES Liban
 ES La Réunion
 ES Polynésie
 L Métropole
 L Amérique du Nord
 L Japon
 L Liban
 L La Réunion
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 S Amérique du Nord
 S Japon
 S La Réunion
 S Polynésie
 T Métropole
 T Polynésie
 TMD Métropole

Baccalauréat 1996-1999 toutes les séries


 Sujets 1996-1998
 Sujets de philosophie au baccalauréat 1999

1996 ES AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Peut-on traiter des faits humains comme des choses sans pour autant considérer l’homme comme une chose ?

1996 ES AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire ne reconnaissaient d’autre force qui pût le soutenir que celle de la vertu. Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses, et de luxe même.

Lorsque cette vertu cesse, l’ambition entre dans les coeurs qui peuvent la recevoir, et l’avarice entre dans tous. Les désirs changent d’objets ; ce qu’on aimait on ne l’aime plus ; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles ; chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte.

C’est la frugalité qui est l’avarice, et non pas le désir d’avoir.

Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public ; mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers.

La république est une dépouille ; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous.

MONTESQUIEU

1996 ES AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Peut-on tout dire ?

1996 ES AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Au nom de quoi peut-on reprocher à autrui d’être égoïste ?

1996 ES AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Demander, dans un État libre, des gens hardis dans la guerre et timides dans la paix, c’est vouloir des choses impossibles, et, pour règle générale, toutes les fois qu’on verra tout le monde tranquille dans un État qui se donne le nom de république, on peut être assuré que la liberté n’y est pas.

Ce qu’on appelle union dans un corps politique est une chose très équivoque : la vraie est une union d’harmonie, qui fait que toutes les parties, quelque opposées qu’elles nous paraissent, concourent au bien général de la Société, comme des dissonances dans la musique concourent à l’accord total. Il peut y avoir de l’union dans un État où l’on ne croit voir que du trouble, c’est-à-dire une harmonie d’où résulte le bonheur, qui seul est la vraie paix. Il en est comme des parties de cet Univers, éternellement liées par l’action des unes et la réaction des autres.

Mais, dans l’accord du despotisme asiatique, c’est-à-dire de tout gouvernement qui n’est pas modéré, il y a toujours une division réelle : le laboureur, l’homme de guerre, le négociant, le magistrat, le noble, ne sont joints que parce que les uns oppriment les autres sans résistance, et, si l’on y voit de l’union, ce ne sont pas des citoyens qui sont unis, mais des corps morts, ensevelis les uns auprès des autres.

MONTESQUIEU

1996 L AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Le savoir est-il une forme de pouvoir ?

1996 L AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Quelle réalité peut-on attribuer au temps ?

1996 L AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Mettez-vous à la place d’autrui, et vous serez dans le vrai point de vue pour juger ce qui est juste ou non.

On a fait quelques objections contre cette grande règle, mais elles viennent de ce qu’on ne l’applique point partout. On objecte par exemple qu’un criminel peut prétendre, en vertu de cette maxime, d’être pardonné par le juge souverain, parce que le juge souhaiterait la même chose, s’il était en pareille posture. La réponse est aisée. Il faut que le juge ne se mette pas seulement dans la place du criminel, mais encore dans celle des autres qui sont intéressés que le crime soit puni (...). Il en est de même de cette objection que la justice distributive demande une inégalité entre les hommes, que dans une société on doit partager le gain à proportion de ce que chacun a conféré (1) et qu’on doit avoir égard au mérite et au démérite. La réponse est encore aisée. Mettez-vous à la place de tous et supposez qu’ils soient bien informés et bien éclairés. Vous recueillerez de leurs suffrages cette conclusion qu’ils jugent convenable à leur intérêt qu’on distingue les uns des autres. Par exemple, si dans une société de commerce le gain n’était point partagé à proportion, l’on y entrerait point ou l’on en sortirait bientôt, ce qui est contre l’intérêt de toute la société.

LEIBNIZ

(1) a conféré : a mis en commun

1996 S AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE L’imagination a-t-elle une place dans la connaissance scientifique ?

1996 S AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE Ne respectons-nous autrui qu’afin qu’il nous respecte ?

1996 S AMÉRIQUE DU NORD + LIBAN NORMALE On a vu des fanatiques en tous les temps, et sans doute honorables à leurs propres yeux. Ces crimes (1) sont la suite d’une idée, religion, justice, liberté. Il y a un fond d’estime, et même quelquefois une secrète admiration, pour des hommes qui mettent au jeu leur propre vie, et sans espérer aucun avantage ; car nous ne sommes points fiers de faire si peu et de risquer si peu pour ce que nous croyons juste ou vrai. Certes je découvre ici des vertus rares, qui veulent respect, et une partie au moins de la volonté. Mais c’est à la pensée qu’il faut regarder. Cette pensée raidie, qui se limite, qui ne voit qu’un côté, qui ne comprend point la pensée des autres, ce n’est point la pensée Il y a quelque chose de mécanique dans une pensée fanatique, car elle revient toujours par les mêmes chemins. Elle ne cherche plus, elle n’invente plus. Le dogmatisme est comme un délire récitant. Il y manque cette pointe de diamant, le doute, qui creuse toujours. Ces pensées fanatiques gouvernent admirablement les peurs et les désirs, mais elles ne se gouvernent pas elles-mêmes. Elles ne cherchent pas ces vues de plusieurs points, ces perspectives sur l’adversaire, enfin cette libre réflexion qui ouvre les chemins de persuader, et qui détourne en même temps de forcer. Bref il y a un emportement de pensée, et une passion de penser qui ressemble aux autres passions.

ALAIN

(1) Le contexte indique qu’il s’agit des crimes des fanatiques.

1996 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Nos rapports avec autrui sont-ils nécessairement conflictuels ?

1996 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Qu’est-ce que prouver ?

1996 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les sujets doivent exécuter les ordres reçus et ne reconnaître d’autre droit que celui établi par les proclamations de la souveraine Puissance (1). Peut-être va-t-on prétendre qu’ainsi nous faisons des sujets des esclaves, car une opinion vulgairement répandue nomme esclave celui qui agit sur l’ordre d’un autre, et homme libre celui qui se conduit comme il le veut. Cette manière de voir n’est pas tout à fait conforme à la vérité. En fait, l’individu entraîné par une concupiscence (2) personnelle au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu’exige son intérêt authentique, est soumis au pire des esclavages.

Au contraire, on devra proclamer libre l’individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison. Quant à la conduite déclenchée par un commandement, il faut considérer avant tout, à cet égard, la signification particulière de l’action. A supposer que la fin de l’action serve l’intérêt non de l’agent, mais de celui qui commande l’action, celui qui l’accomplit n’est en effet qu’un esclave, hors d’état de réaliser son intérêt propre. Toutefois dans toute libre République et dans tout État où n’est point pris pour loi suprême le salut de la personne qui donne les ordres, mais celui du peuple entier, l’individu docile à la souveraine Puissance ne doit pas être qualifié d’esclave hors d’état de réaliser son intérêt propre.

SPINOZA

(1) L’autorité politique

(2) Le désir

1996 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Pour juger, faut-il seulement apprendre à raisonner ?

1996 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Sans métaphysique, l’homme peut-il comprendre son existence ?

1996 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Il n’y a de pensée que dans un homme libre, dans un homme qui n’a rien promis, qui se retire, qui se fait solitaire, qui ne s’occupe point de plaire ni de déplaire. L’exécutant n’est point libre ; le chef n’est point libre. Cette folle entreprise de l’union les occupe tous deux. Laisser ce qui divise, choisir ce qui rassemble, ce n’est point penser. Ou plutôt c’est penser à s’unir et à rester unis ; ce n’est rien penser d’autre. La loi de la puissance est une loi de fer. Toute délibération de puissance est sur la puissance, non sur ce qu’on fera. Ce qu’on en fera ? Cela est ajourné, parce que cela diviserait. La puissance, sur le seul pressentiment d’une pensée, frémit toute et se sent défaite. Les pensées des autres, quelles qu’elles soient, voilà les ennemis du chef, mais ses propres pensées ne lui sont pas moins ennemies. Dès qu’il pense, il se divise ; il se fait juge de lui même. Penser, même tout seul, c’est donner audience, et c’est même donner force aux idées de n’importe qui. Lèse-majesté. Toute vie politique va à devenir une vie militaire, si on la laisse aller.

Petit ou grand parti, petit journal ou grand journal, ligne ou nation, église ou association, tous ces êtres collectifs perdent l’esprit pour chercher l’union ; un corps fait d’une multitude d’hommes n’a jamais qu’une toute petite tête, assez occupée d’être la tête. Un orateur quelquefois s’offre aux contradicteurs ; mais c’est qu’alors il croit qu’il triomphera. L’idée qu’il pourrait être battu, et, encore mieux, content d’être battu, ne lui viendra jamais.

ALAIN

1996 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Faire son devoir sans être heureux, est-ce toute la morale ?

1996 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’esprit reste-t-il libre quand il se soumet au vrai ?

1996 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Comment l’avenir diminue-t-il ? Comment s’épuise-t-il, lui qui n’est pas encore ? Et comment le passé s’accroît-il, lui qui n’est plus, si ce n’est parce que dans l’esprit qui a opéré ainsi, il y a ces trois actions : l’attente, l’attention, le souvenir. Le contenu de l’attente passe par l’attention et devient souvenir. L’avenir n’est pas encore, qui le nie ? Mais il y a déjà dans l’esprit l’attente de l’avenir. Et le passé n’est plus rien, qui le nie ? Mais il y a encore dans l’esprit le souvenir du passé. Et le présent, privé d’étendue, n’est qu’un point fugitif, qui le nie ? Mais elle dure pourtant, l’attention à travers laquelle ce qui advient s’achemine à sa disparition. Ce n’est donc pas l’avenir qui est long, lui qui n’existe pas, mais un long avenir, c’est une longue attente de l’avenir, et il n’y a pas plus de long passé, un long passé, c’est un long souvenir du passé.

AUGUSTIN

1996 ES ANTILLES NORMALE Sommes-nous nécessairement les victimes du temps ?

1996 ES ANTILLES NORMALE A-t-on le droit de se taire quand on connaît la vérité ?

1996 ES ANTILLES NORMALE La liberté individuelle peut et même doit être accordée à tous par la communauté publique. Elle ne met en péril ni la paix intérieure, ni le droit dont dispose la souveraine Puissance ; au contraire, elle ne saurait être supprimée sans mettre en péril la paix intérieure et nuire considérablement à la communauté entière. Pour démontrer ma thèse, je pars du droit de nature en l’individu. Ce droit de nature ne connaît d’autre limite que le désir et la puissance de chacun ; nul, suivant le droit de nature, n’est obligé vivre comme il plaît à un autre, mais chacun assure, en personne, la garantie de sa liberté. Je montre ensuite que nul n’aliène effectivement ce droit, à moins de transférer à un autre sa puissance de se défendre. Par conséquent, une personne à qui tous les autres hommes auraient transféré, en même temps que leur puissance de se défendre, leur droit de vivre à leur gré, détiendrait absolument le droit de nature de tous. Autrement dit, les personnes, disposant de l’autorité souveraine en leurs pays respectifs, jouissent du droit d’accomplir tout ce qui est en leur pouvoir. Elles seules, désormais, sont responsables de l’exercice du droit, comme de la liberté de qui que ce soit, et leur vouloir règle la conduite de tous les particuliers. Néanmoins, nul ne pouvant renoncer au pouvoir de se défendre au point qu’il cesse d’être un homme, j’en déduis que nul ne saurait perdre la totalité de son droit de nature.

SPINOZA

1996 L ANTILLES NORMALE Une société juste est-ce une société sans conflits ?

1996 L ANTILLES NORMALE La raison peut-elle rendre raison de tout ?

1996 L ANTILLES NORMALE Il arrive qu’un asservissement total de l’être aimé tue l’amour de l’amant. Le but est dépassé : l’amant se retrouve seul si l’aimé s’est transformé en automate. Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède une chose : il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté.

Mais, d’autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s’entendre dire : "Je vous aime parce que je me suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même ?" Ainsi l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’Autre se détermine elle-même à devenir amour - et cela, non point seulement au commencement de l’aventure mais à chaque instant - et, à la fois, que cette liberté soit captivée par elle-même, qu’elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n’est pas le déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans l’amour, ni une liberté hors d’atteinte : mais c’est une liberté qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu.

SARTRE

1996 S ANTILLES NORMALE Peut-on avoir des exigences à l’égard d’autrui ?

1996 S ANTILLES NORMALE Faut-il chercher la vérité à tout prix ?

1996 S ANTILLES NORMALE On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un État libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir. (...)

Dans la liberté commune nul n’a le droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu’on s’y prenne tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres, il obéit aux lois, mais n’obéit pas aux hommes.

ROUSSEAU

1996 TECHN. ANTILLES NORMALE Est-ce raisonnable d’avoir peur du progrès technique ?

1996 TECHN. ANTILLES NORMALE La conscience est-elle source de liberté ou de contrainte ?

1996 TECHN. ANTILLES NORMALE Qu’est-ce que le droit ? C’est l’égalité. Dès qu’un contrat enferme quelque inégalité, vous soupçonnez aussitôt que ce contrat viole le droit...

Le droit règne là où le petit enfant qui tient son sou dans sa main et regarde avidement les objets étalés, se trouve l’égal de la plus rusée ménagère.

On voit bien ici comment l’état de droit s’opposera au libre jeu de la force. Si nous laissons agir les puissances, l’enfant sera certainement trompé ; même si on ne lui prend pas son sou par force brutale, on lui fera croire sans peine qu’il doit échanger un vieux sou contre un centime neuf (1). C’est contre l’inégalité que le droit a été inventé. Et les lois justes sont celles qui s’ingénient à faire que (2) les hommes, les femmes, les enfants, les malades, les ignorants soient tous égaux. Ceux qui disent, contre le droit, que l’inégalité est dans la nature des choses, disent donc des pauvretés.

ALAIN

(1) un sou valait 5 centimes

(2) "s’ingénient à faire que" : cherchent à obtenir que

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée principale du texte ? Dégagez les étapes de l’argumentation.

2° Définissez ce qu’Alain entend par "état de droit".

3° Traitez la question suivante sous la forme d’un développement argumenté : Pensez-vous comme l’auteur que la recherche de l’égalité soit à l’origine du droit ?

1996 ES ANTILLES REMPLACEMENT Les passions font-elles vivre ou font-elles mourir ?

1996 ES ANTILLES REMPLACEMENT La vérité peut-elle être relative ?

1996 ES ANTILLES REMPLACEMENT La religion, qui est fondée simplement sur la théologie, ne saurait contenir quelque chose de moral. On n’y aura d’autres sentiments que celui de la crainte, d’une part, et l’espoir de la récompense de l’autre, ce qui ne produira qu’un culte superstitieux. Il faut donc que la moralité précède et que la théologie la suive, et c’est là ce qui s’appelle la religion.

La loi considérée en nous s’appelle la conscience. La conscience est proprement l’application de nos actions à cette loi. Les reproches de la conscience resteront sans effet, si on ne les considère pas comme les représentants de Dieu, dont le siège sublime est bien élevé au-dessus de nous, mais qui a aussi établi en nous un tribunal. Mais d’un autre côté, quand la religion ne se joint pas à la conscience morale, elle est aussi sans effet. Comme on l’a déjà dit, la religion, sans la conscience morale est un culte superstitieux. On pense servir Dieu en le louant, par exemple, en célébrant sa puissance, sa sagesse, sans songer à remplir les lois divines, sans même connaître cette sagesse et cette puissance et sans les étudier. On cherche dans ces louanges comme un narcotique pour sa conscience, ou comme un oreiller sur lequel on espère reposer tranquillement.

KANT

1996 L ANTILLES REMPLACEMENT L’amour de l’humanité nous est-il naturel ?

1996 L ANTILLES REMPLACEMENT Le progrès historique est-il un mythe ou une réalité ?

1996 L ANTILLES REMPLACEMENT Je me suis demandé (...) ce que le peuple entend au fond par connaissance, que cherche-t-il quand il la demande ? Rien que ceci : ramener quelque chose d’étranger à quelque chose de connu. Nous, philosophes, que mettons-nous de plus dans ce mot ? Le connu, c’est-à-dire les choses auxquelles nous sommes habitués, de telle sorte que nous ne nous en étonnant plus ; nous y mettons notre menu quotidien, une règle quelconque qui nous mène, tout ce qui nous est familier... Eh quoi ? Notre besoin de connaître n’est-il pas justement notre besoin de familier ? Le désir de trouver, parmi tout ce qui nous est étranger, inhabituel, énigmatique, quelque chose qui ne nous inquiète plus ? Ne serait-ce pas l’instinct de la peur qui nous commanderait de connaître ? Le ravissement qui accompagne l’acquisition de la connaissance ne serait-il pas la volupté de la sécurité retrouvée ?

NIETZSCHE

1996 S ANTILLES REMPLACEMENT Est-ce pour prévenir la récidive que la justice punit ?

1996 S ANTILLES REMPLACEMENT Pouvons-nous nous passer de l’art ?

1996 S ANTILLES REMPLACEMENT N’a-t-on pas un mot qui désignerait, non une jouissance comme le mot bonheur, mais qui cependant indiquerait une satisfaction liée à notre existence, un analogue du bonheur qui doit nécessairement accompagner la conscience de la vertu ? Si ! ce mot existe, c’est contentement de soi-même, qui au sens propre ne désigne jamais qu’une satisfaction négative liée à l’existence, par laquelle on a conscience de n’avoir besoin de rien. La liberté et la conscience de la liberté, comme conscience d’un pouvoir que nous avons de suivre, avec une intention inébranlable, la loi morale, est l’indépendance à l’égard des penchants, du moins comme causes déterminantes (sinon comme causes affectives) de notre désir, et en tant que je suis conscient de cette indépendance dans l’exécution de mes maximes morales, elle est l’unique source d’un contentement immuable, nécessairement lié avec elle, ne reposant sur aucun sentiment particulier, et qui peut s’appeler intellectuel. Le contentement sensible (qui est ainsi appelé improprement) qui repose sur la satisfaction des penchants, si raffinés qu’on les imagine, ne peut jamais être adéquat à ce qu’on se représente. Car les penchants changent, croissent avec la satisfaction qu’on leur accorde et ils laissent toujours un vide plus grand encore que celui qu’on a cru remplir.

KANT

1996 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Être raisonnable, est-ce adopter une position modérée ?

1996 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Doit-on toujours chercher à savoir la vérité ?

1996 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Progrès : changement lent, longtemps imperceptible, et qui consacre une victoire de la volonté contre les forces extérieures. Tout progrès est de liberté. J’arrive à faire ce que je veux, par exemple me lever matin (1), lire la musique, être poli, retenir la colère, ne pas éprouver l’envie, parler distinctement, écrire lisiblement, etc. D’accord entre eux les hommes arrivent à sauver la paix, à diminuer l’injustice et la misère, à instruire tous les enfants, à soigner les malades.

Au contraire on nomme évolution le changement qui nous soumet un peu plus aux forces inhumaines en nous détournant insensiblement de nos beaux projets. Un homme qui dit : "J’ai évolué" veut quelquefois faire entendre qu’il a avancé en sagesse ; il ne peut, la langue ne le permet pas.

ALAIN

(1) "me lever matin" : me lever tôt.

QUESTIONS :

1° Vous dégagerez l’idée centrale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez : "on nomme évolution le changement qui nous soumet un peu plus aux forces inhumaines".

3° Pourquoi les exemples d’Alain "me lever matin, lire la musique, être poli", etc., sont-ils des manifestations de la liberté ?

4° Traitez la question suivante sous forme de développement argumenté : pensez-vous que tout progrès favorise la réalisation de la liberté ?

1996 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on ne pas être soi-même ?

1996 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’étude de l’histoire nous conduit-elle à désespérer de l’homme ?

1996 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE On peut alors demander : pourquoi la religion ne met-elle pas un terme à ce combat sans espoir pour elle en déclarant franchement : "c’est exact que je ne peux pas vous donner ce qu’on appelle d’une façon générale la vérité ; pour cela, il faut vous en tenir à la science.

Mais ce que j’ai à donner est incomparablement plus beau, plus consolant et plus exaltant que tout ce que vous pouvez recevoir de la science. Et c’est pour cela que je vous dis que c’est vrai, dans un autre sens plus élevé".

La réponse est facile à trouver.

La religion ne peut pas faire cet aveu, car elle perdrait ainsi toute influence sur la masse. L’homme commun ne connaît qu’une vérité, au sens commun du mot. Ce que serait une vérité plus élevée ou suprême, il ne peut se le représenter. La vérité lui semble aussi peu susceptible de gradation que la mort, et il ne peut suivre le saut du beau au vrai. Peut-être pensez-vous avec moi qu’il fait bien ainsi.

FREUD

1996 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le droit peut-il garantir la liberté ?

1996 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Accomplir tous ses désirs, est-ce une bonne règle de vie ?

1996 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Une énorme tuile, arrachée par le vent, tombe et assomme un passant. Nous disons que c’est un hasard. Le dirions-nous, si la tuile s’était simplement brisée sur le sol ? Peut-être, mais c’est que nous penserions vaguement alors à un homme qui aurait pu se trouver là, ou parce que, pour une raison ou pour une autre, ce point spécial du trottoir nous intéressait particulièrement, de telle sorte que la tuile semble l’avoir choisi pour y tomber. Dans les deux cas, il n’y a de hasard que parce qu’un intérêt humain est en jeu et parce que les choses se sont passées comme si l’homme avait été pris en considération, soit en vue de lui rendre service, soit plutôt avec l’intention de lui nuire. Ne pensez qu’au vent arrachant la tuile, à la tuile tombant sur le trottoir, au choc de la tuile contre le sol : vous ne voyez plus que du mécanisme, le hasard s’évanouit. Pour qu’il intervienne, il faut que, l’effet ayant une signification humaine, cette signification rejaillisse sur la cause et la colore, pour ainsi dire, d’humanité. Le hasard est donc le mécanisme se comportant comme s’il avait une intention.

BERGSON

1996 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on apprendre à penser ?

1996 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le bonheur est-il le but de la politique ?

1996 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ce ne sont pas les excitations de sa nature qui éveillent en l’homme les passions, ces mouvements désignés par un mot si juste et qui causent de si grands ravages dans ses dispositions primitivement bonnes. Il n’a que de petits besoins, et les soucis qu’ils lui procurent laissent son humeur calme et modérée. Il n’est pauvre (ou ne se croit tel) qu’autant qu’il a peur que les autres hommes puissent le croire pauvre et le mépriser pour cela. L’envie, l’ambition, l’avarice, et les inclinations haineuses qui les suivent, assaillent sa nature, en elle-même modérée, dès qu’il vit au milieu des hommes, et il n’est même pas besoin de supposer ces hommes déjà enfoncés dans le mal, lui donnant de mauvais exemples ; il suffit qu’ils soient là, qu’ils l’entourent dans leurs dispositions morales et qu’ils se rendent mutuellement mauvais.

KANT

1996 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Avoir bonne conscience, est-ce un signe suffisant de moralité ?

1996 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’homme peut-il toujours être raisonnable ?

1996 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE C’est la faiblesse de l’homme qui le rend sociable, ce sont nos misères communes qui portent nos coeurs à l’humanité : nous ne lui devrions rien si nous n’étions pas hommes. Tout attachement est un signe d’insuffisance : si chacun de nous n’avait nul besoin des autres, il ne songerait guère à s’unir à eux. Ainsi de notre infirmité même naît notre frêle bonheur. Un être vraiment heureux est un être solitaire. (...).

Il suit de là que nous nous attachons à nos semblables moins par le sentiment de leurs plaisirs que par celui de leurs peines ; car nous y voyons bien mieux l’identité de notre nature et les garants de leur attachement pour nous. Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection. (...).

L’imagination nous met à la place du misérable plutôt qu’à celle de l’homme heureux, on sent que l’un de ces états nous touche de plus près que l’autre. La pitié est douce, parce qu’en se mettant à la place de celui qui souffre, on sent pourtant le plaisir de ne pas souffrir comme lui.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Expliquez quelles sont, pour Rousseau, les causes qui unissent les hommes.

2° Expliquez les expressions :

a) "Tout attachement est un signe d’insuffisance" ;

b) "nos misères communes nous unissent par affection".

3° Dans une discussion argumentée et progressive, vous vous demanderez si l’on peut trouver d’autres causes que la faiblesse des hommes à la nécessité de leur union.

1996 L ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT L’usage de la parole doit-il être soumis à des règles ?

1996 L ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT L’histoire est-elle le règne du hasard ?

1996 L ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Nous venons de parler de l’hostilité contre la civilisation, engendrée par la pression que celle-ci exerce, par les renonciations aux instincts qu’elle exige. S’imagine-t-on toutes ses interdictions levées, alors on pourrait s’emparer de toute femme qui vous plairait, sans hésiter, tuer son rival ou quiconque vous barrerait le chemin, ou bien dérober à autrui, sans son assentiment, n’importe lequel de ses biens ; que ce serait donc beau et quelle série de satisfactions nous offrirait alors la vie ! Mais la première difficulté se laisse à la vérité vite découvrir. Mon prochain a exactement les mêmes désirs que moi et il ne me traitera pas avec plus d’égards que je ne le traiterai moi même. Au fond, si les entraves dues à la civilisation étaient brisées, ce n’est qu’un seul homme qui pourrait jouir d’un bonheur illimité, un tyran, un dictateur ayant monopolisé tous les moyens de coercition, et alors lui-même aurait raison de souhaiter que les autres observassent du moins ce commandement culturel : tu ne tueras point.

FREUD

1996 S ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT La justice consiste-t-elle à traiter également tous les hommes ?

1996 S ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Sommes-nous entièrement maîtres de nos pensées ?

1996 S ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Quant aux divers sons du langage, c’est la nature qui poussa les hommes à les émettre, et c’est le besoin qui fit naître les noms des choses : à peu près comme nous voyons l’enfant amené, par son incapacité même de s’exprimer avec la langue, à recourir au geste qui lui fait désigner du doigt les objets présents. Chaque être en effet a le sentiment de l’usage qu’il peut faire de ses facultés (...). Ainsi penser qu’alors un homme ait pu donner à chaque chose son nom, et que les autres aient appris de lui les premiers éléments du langage, est vraiment folie. Si celui-ci a pu désigner chaque objet par son nom, émettre les divers sons du langage, pourquoi supposer que d’autres n’auraient pu le faire en même temps que lui ? En outre, si les autres n’avaient pas également usé entre eux la parole, d’où la notion de son utilité lui est-elle venue ? (...).. Enfin qu’y a-t-il de si étrange que le genre humain en possession de la voix et de la langue ait désigné suivant ses impressions diverses les objets par des noms divers ? Les troupeaux privés de la parole et même les espèces sauvages poussent bien des cris différents suivants que la crainte, la douleur ou la joie les pénètrent.

LUCRÈCE

1996 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT La connaissance de l’histoire permet-elle de préparer un avenir meilleur ?

1996 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Respecter la nature, est-ce renoncer à la travailler ?

1996 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Penser est une aventure. Nul ne peut dire où il débarquera, ou bien ce n’est plus penser (...). La condition préalable de n’importe quelle idée, en n’importe qui, c’est un doute radical (...). Non pas seulement à l’égard de ce qui est douteux, car c’est trop facile, mais, à l’égard de ce qui ressemble le plus au vrai, car, même le vrai, la pensée le doit défaire et refaire. Si vous voulez savoir, vous devez commencer par ne plus croire, entendez ne plus donner aux coutumes le visa de l’esprit. Une pensée c’est un doute, mais à l’égard de la coutume, il y a plus que doute, car, quelque force qu’ait la coutume, et même si le penseur s’y conforme, la coutume ne sera jamais preuve.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte en précisant la structure de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "même le vrai, la pensée le doit défaire et refaire" ;

b) "la coutume ne sera jamais preuve".

3° Dans une discussion progressive et argumentée, vous vous demanderez si la croyance s’oppose toujours à la pensée.

1996 ES GROUPEMENTS I-IV NORMALE Peut-on être plus ou moins libre ?

1996 ES GROUPEMENTS I-IV NORMALE Le travail n’est-il qu’une contrainte ?

1996 ES GROUPEMENTS I-IV NORMALE À quelles conditions une démarche est-elle scientifique ?

1996 ES GROUPEMENTS I-IV NORMALE Faut-il parfois désobéir aux lois ?

1996 ES GROUPEMENTS I-IV NORMALE Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que chacun les subit et que personne ne les forme. Un citoyen, même avisé et énergique quand il n’a à conduire que son propre destin, en vient naturellement et par espèce de sagesse à rechercher quelle est l’opinion dominante au sujet des affaires publiques. "Car se dit-il, comme je n’ai ni la prétention ni le pouvoir de gouverner à moi tout seul, il faut que je m’attende à être conduit ; à faire ce qu’on fera, à penser ce qu’on pensera". Remarquez que tous raisonnent de même, et de bonne foi. Chacun a bien peut-être une opinion ; mais c’est à peine s’il se la formule à lui-même ; il rougit à la seule pensée qu’il pourrait être de son avis.

Le voilà donc qui honnêtement écoute les orateurs, lit les journaux, enfin se met à la recherche de cet être fantastique que l’on appelle l’opinion publique. "La question n’est pas de savoir si je veux ou non faire la guerre". Il interroge donc le pays. Et tous les citoyens interrogent le pays, au lieu de s’interroger eux-mêmes.

Les gouvernants font de même, et tout aussi naïvement. Car, sentant qu’ils ne peuvent rien tout seuls, ils veulent savoir où ce grand corps va les mener. Et il est vrai que ce grand corps regarde à son tour vers le gouvernement, afin de savoir ce qu’il faut penser et vouloir. Par ce jeu, il n’est point de folle conception qui ne puisse quelque jour s’imposer à tous, sans que personne pourtant l’ait jamais formée de lui-même et par libre réflexion. Bref, les pensées mènent tout, et personne ne pense. D’où il résulte qu’un État formé d’hommes raisonnables peut penser et agir comme un fou. Et ce mal vient originairement de ce que personne n’ose former son opinion par lui-même ni la maintenir énergiquement, en lui d’abord, et devant les autres aussi.

ALAIN

1996 ES GROUPEMENTS I-IV NORMALE De tous les arguments qui nous persuadent que les bêtes sont dénuées de pensées, le principal, à mon avis, est que bien que les unes soient plus parfaites que les autres dans une même espèce, tout de même que chez les hommes, comme on peut voir chez les chevaux et chez les chiens, dont les uns apprennent beaucoup plus aisément que d’autres ce qu’on leur enseigne ; et bien que toutes nous signifient très facilement leurs impulsions naturelles, telles que la colère, la crainte, la faim, ou autres états semblables, par la voix ou par d’autres mouvements du corps, jamais cependant jusqu’à ce jour on n’a pu observer qu’aucun animal en soit venu à ce point de perfection d’user d’un véritable langage c’est-à-dire d’exprimer soit par la voix, soit par les gestes quelque chose qui puisse se rapporter à la seule pensée et non à l’impulsion naturelle. Ce langage est en effet le seul signe certain d’une pensée latente dans le corps ; tous les hommes en usent, même ceux qui sont stupides ou privés d’esprit, ceux auxquels manquent la langue et les organes de la voix, mais aucune bête ne peut en user ; c’est pourquoi il est permis de prendre le langage pour la vraie différence entre les hommes et les bêtes.

DESCARTES

1996 L GROUPEMENTS I-IV NORMALE L’avenir peut-il être objet de connaissances ?

1996 L GROUPEMENTS I-IV NORMALE Toute passion est-elle déraisonnable ?

1996 L GROUPEMENTS I-IV NORMALE Qu’admire-t-on dans une oeuvre ?

1996 L GROUPEMENTS I-IV NORMALE Les hommes ne vivent-ils en société que par intérêt ?

1996 L GROUPEMENTS I-IV NORMALE Voter, ce n’est pas précisément un des droits de l’Homme ; on vivrait très bien sans voter, si l’on avait la sûreté, l’égalité, la liberté. Le vote n’est qu’un moyen de conserver tous ces biens. L’expérience a fait voir cent fois qu’une élite gouvernante, qu’elle gouverne d’après l’hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n’exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n’exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s’agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c’est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu’ils méconnaissent les droits des citoyens.

On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite (1), où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu’à être assuré que le maître n’est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C’est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif.

ALAIN

(1) Vote par lequel un peuple abandonne le pouvoir à un homme.

1996 L GROUPEMENTS I-IV NORMALE En contemplant une chute d’eau, nous croyons voir dans les innombrables ondulations, serpentements, brisements des vagues, liberté de la volonté et caprice ; mais tout est nécessité, chaque mouvement peut se calculer mathématiquement. Il en est de même pour les actions humaines ; on devrait pouvoir calculer d’avance chaque action, si l’on était omniscient, et de même chaque progrès de la connaissance, chaque erreur, chaque méchanceté. L’homme agissant lui même est, il est vrai, dans l’illusion du libre arbitre ; si à un instant la roue du monde s’arrêtait et qu’il y eût là une intelligence calculatrice omnisciente pour mettre à profit cette pause, elle pourrait continuer à calculer l’avenir de chaque être jusqu’aux temps les plus éloignés et marquer chaque trace où cette roue passera désormais. L’illusion sur soi-même de l’homme agissant, la conviction de son libre arbitre, appartient également à ce mécanisme, qui est objet de calcul.

NIETZSCHE

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Quelle conception de l’homme l’hypothèse de l’inconscient remet-elle en cause ?

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Y a-t-il des vérités définitives ?

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE La morale a-t-elle un rôle à jouer dans les sciences ?

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Le langage permet-il seulement de communiquer ?

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Y a-t-il nécessairement des imperfections dans le langage ?

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Le bonheur est-il inaccessible à l’homme ?

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Relativement au bonheur, aucun principe universellement valable ne peut-être donné pour loi. Car aussi bien les circonstances que l’illusion pleine de contradictions et en outre sans cesse changeante où l’individu place son bonheur (personne ne peut lui prescrire où il doit le placer) font que tout principe ferme est impossible et en lui-même impropre à fonder une législation. La proposition : Salus publica suprema civitatis lex est (1) garde intacte sa valeur et son autorité, mais le salut public qu’il faut d’abord prendre en considération est précisément cette constitution légale qui garantit la liberté de chacun par des lois, en quoi il demeure loisible à chacun de rechercher son bonheur dans la voie qui lui paraît la meilleure, pourvu seulement qu’il ne porte aucune atteinte à la liberté générale, par conséquent au droit des autres cosujets.

KANT

(1) Le salut public est la suprême loi de l’État

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE En fait, le royaume de la liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur, il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de production matérielle proprement dite. De même que l’homme primitif doit lutter contre la nature pour pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l’homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire et de le faire quels que soient la structure de la société et le mode de la production. Avec son développement s’étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps s’élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seule liberté possible est que l’homme social, les producteurs associés règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu’ils contrôlent ensemble au lieu d’être dominés par sa puissance aveugle et qu’ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. C’est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s’épanouir qu’en fondant sur l’autre royaume, sur l’autre base, celle de la nécessité.

MARX

1996 S GROUPEMENTS I-IV NORMALE Il est extrêmement rare que les souveraines Puissances (1) donnent des ordres d’une extrême absurdité, car, dans leur propre intérêt et afin de conserver leur pouvoir, il leur importe avant tout de veiller au bien général et de fonder leur gouvernement sur les critères raisonnables. On sait que le but et le principe de l’organisation en société consistent à soustraire les hommes au règne absurde de la convoitise et à les faire avancer - autant que possible - sur la voie de la raison, de sorte que leur vie s’écoule dans la concorde et la paix. Aussitôt donc que ce principe cesserait d’être mis en oeuvre, tout l’édifice s’écroulerait. Mais seule la souveraine Puissance a la charge d’en assurer le maintien, tandis que les sujets doivent exécuter les ordres reçus et ne reconnaître d’autre droit que celui établi par les proclamations de la souveraine Puissance. Peut-être va-t-on prétendre qu’ainsi nous faisons des sujets des esclaves, car une opinion vulgairement répandue nomme esclave celui qui agit sur l’ordre d’un autre, et homme libre celui qui se conduit comme il veut. Cette manière de voir n’est pas tout à fait conforme à la vérité. En fait, l’individu entraîné par une concupiscence personnelle au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu’exige son intérêt authentique, est soumis au pire des esclavages. Au contraire, on devra proclamer libre l’individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison.

SPINOZA

(1) les détenteurs de l’autorité politique

1996 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE L’homme est-il raisonnable par nature ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE Peut-on échapper aux exigences de la conscience ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE L’art nous détourne-t-il de la réalité ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE Le droit a-t-il pour seul but de pacifier les relations humaines ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE Personne ne peut me conduire à être heureux à sa manière (c’est-à-dire à la manière dont il conçoit le bien-être des autres hommes) ; par contre, chacun peut chercher son bonheur de la manière qui lui paraît bonne, à condition de ne pas porter préjudice à la liberté qu’a autrui de poursuivre une fin semblable (c’est-à-dire de ne pas porter préjudice au droit d’autrui), liberté qui peut coexister avec la liberté de chacun grâce à une possible loi universelle. Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, comme celui d’un père envers ses enfants, c’est-à-dire un gouvernement paternaliste (...) où les sujets sont forcés de se conduire d’une manière simplement passive, à la manière d’enfants mineurs, incapables de distinguer ce qui leur est vraiment utile ou nuisible et qui doivent attendre simplement du jugement d’un chef d’État la manière dont ils doivent être heureux et simplement de sa bonté qu’également il le veuille, est le plus grand despotisme qu’on puisse concevoir (c’est-à-dire une constitution qui supprime toute liberté pour les sujet qui ainsi ne possèdent aucun droit).

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale du texte et faites apparaître les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez :

a) "liberté qui peut coexister avec la liberté de chacun grâce à une possible loi universelle" ;

b) "un gouvernement paternaliste (...) est le plus grand des despotismes".

3° Le rôle du gouvernement est-il seulement de garantir la liberté ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE J’aime la liberté, rien n’est plus naturel ; je suis né libre, il est permis à chacun d’aimer le gouvernement de son pays et si nous laissons les sujets des Rois dire avec tant de bêtise et d’impertinence du mal des Républiques, pourquoi ne nous laisseraient-ils pas dire avec tant de justice et de raison du mal de la royauté ? Je hais la servitude comme la source de tous les maux du genre humain. Les tyrans et leurs flatteurs crient sans cesse : peuples, portez vos fers sans murmure car le premier des biens est le repos ; ils mentent, c’est la liberté. Dans l’esclavage, il n’y a ni paix ni vertu. Quiconque a d’autres maitres que les lois est un méchant.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée essentielle du texte en soulignant les raisons de l’indignation de Rousseau.

2° Expliquer la phrase suivante : "Je hais la servitude comme la source de tous les maux du genre humain".

3° Traitez la question suivante sous la forme d’un développement argumenté : En quoi la loi est-elle bon maître ?

1996 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE Peut-on comprendre le présent si l’on ignore le passé ?

1996 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE À quoi reconnaît-on une attitude religieuse ?

1996 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE Pourquoi nous trompons-nous ?

1996 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE Pour connaître, suffit-il de bien observer ?

1996 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE Le souvenir du fruit défendu est ce qu’il y a de plus ancien dans la mémoire de chacun de nous, comme dans celle de l’humanité. Nous nous en apercevrions si ce souvenir n’était recouvert par d’autres, auxquels nous préférons nous reporter. Que n’eût pas été notre enfance si l’on avait laissé faire ! Nous aurions volé de plaisirs en plaisirs. Mais voici qu’un obstacle surgissait, ni visible ni tangible : une interdiction. Pourquoi obéissons-nous ? La question ne se posait guère ; nous avions pris l’habitude d’écouter nos parents et nos maîtres. Toutefois, nous sentions bien que c’était parce qu’ils étaient nos parents, parce qu’ils étaient nos maîtres. Donc, à nos yeux, leur autorité leur venait moins d’eux-mêmes que de leur situation par rapport à nous. Ils occupaient une certaine place ; c’est de là que partait, avec une force de pénétration qu’il n’aurait pas eue s’il avait été lancé d’ailleurs, le commandement. En d’autres termes, parents et maîtres semblaient agir par délégation. Nous ne nous en rendions pas nettement compte, mais derrière nos parents et nos maîtres nous devinions quelque chose d’énorme ou plutôt d’indéfini, qui pesait sur nous de toute sa masse par leur intermédiaire. Nous dirions plus tard que c’est la société.

BERGSON

1996 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE L’homme est libre : sans quoi conseils, exhortations, préceptes, interdictions, récompenses et châtiments seraient vains. Pour mettre en évidence cette liberté, on doit remarquer que certains êtres agissent sans discernement, comme la pierre qui tombe, et il en est ainsi de tous les êtres privés du pouvoir de connaître. D’autres, comme les animaux, agissent par un discernement, mais qui n’est pas libre. En voyant le loup, la brebis juge bon de fuir, mais par un discernement naturel et non libre, car ce discernement est l’expression d’un instinct naturel (...). Il en va de même pour tout discernement chez les animaux.

Mais l’homme agit par jugement, car c’est par le pouvoir de connaître qu’il estime devoir fuir ou poursuivre une chose. Et comme un tel jugement n’est pas l’effet d’un instinct naturel, mais un acte qui procède de la raison, l’homme agit par un jugement libre qui le rend capable de diversifier son action.

THOMAS D’AQUIN

1996 L GROUPEMENTS II-III NORMALE Peut-on triompher de la mort ?

1996 L GROUPEMENTS II-III NORMALE La paix peut-elle s’accommoder de l’injustice ?

1996 L GROUPEMENTS II-III NORMALE Est-il juste de dire que l’histoire jugera ?

1996 L GROUPEMENTS II-III NORMALE La conscience de soi est-elle une connaissance ?

1996 L GROUPEMENTS II-III NORMALE Supposez qu’un homme, pourtant doué des plus puissantes facultés de réflexion, soit soudain transporté dans ce monde, il observerait immédiatement, certes, une continuelle succession d’objets, un événement en suivant un autre ; mais il serait incapable de découvrir autre chose. Il serait d’abord incapable, par aucun raisonnement, d’atteindre l’idée de cause et d’effet, car les pouvoirs particuliers qui accomplissent toutes les opérations naturelles n’apparaissent jamais aux sens ; et il n’est pas raisonnable de conclure, uniquement parce qu’un événement en précède un autre dans un seul cas, que l’un est la cause et l’autre l’effet. Leur conjonction peut être arbitraire et accidentelle. Il n’y a pas de raison d’inférer l’existence de l’un de l’apparition de l’autre. En un mot, un tel homme, sans plus d’expérience, ne ferait jamais de conjecture ni de raisonnement sur aucune question de fait ; il ne serait certain de rien d’autre que de ce qui est immédiatement présent à sa mémoire et à ses sens.

HUME

1996 L GROUPEMENTS II-III NORMALE On a l’habitude de dire que l’oisiveté est la mère de tous les maux. On recommande le travail pour empêcher le mal. Mais aussi bien la cause redoutée que le moyen recommandé vous convaincront facilement que toute cette réflexion est d’origine plébéienne (1). L’oisiveté, en tant qu’oisiveté, n’est nullement la mère de tous les maux, au contraire, c’est une vie vraiment divine lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’ennui. Elle peut faire, il est vrai, qu’on perde sa fortune, etc., toutefois, une nature patricienne (2) ne craint pas ces choses, mais bien de s’ennuyer. Les dieux de l’Olympe ne s’ennuyaient pas, ils vivaient heureux en une oisiveté heureuse. Une beauté féminine qui ne coud pas, ne file pas, ne repasse pas, ne lit pas et ne fait pas de musique est heureuse dans son oisiveté ; car elle ne s’ennuie pas. L’oisiveté donc, loin d’être la mère du mal, est plutôt le vrai bien. L’ennui est la mère de tous les vices, c’est lui qui doit être tenu à l’écart. L’oisiveté n’est pas le mal et on peut dire que quiconque ne le sent pas prouve, par cela même, qu’il ne s’est pas élevé jusqu’aux humanités. Il existe une activité intarissable qui exclut l’homme du monde spirituel et le met au rang des animaux qui, instinctivement, doivent toujours être en mouvement. Il y a des gens qui possèdent le don extraordinaire de transformer tout en affaire, dont toute la vie est affaire, qui tombent amoureux et se marient, écoutent une facétie et admirent un tour d’adresse, et tout avec le même zèle affairé qu’ils portent à leur travail de bureau.

KIERKEGAARD

(1) Populaire

(2) Aristocratique

1996 S GROUPEMENTS II-III NORMALE En quel sens peut-on dire que nos paroles dépassent notre pensée ?

1996 S GROUPEMENTS II-III NORMALE La recherche du vrai dans les sciences doit-elle se passer du concours de l’imagination ?

1996 S GROUPEMENTS II-III NORMALE Les coupables qui se disent forcés au crime sont aussi menteurs que méchants : comment ne voient-ils point que la faiblesse dont ils se plaignent est leur propre ouvrage, que leur première dépravation vient de leur volonté, qu’à force de vouloir céder à leurs tentations, ils leur cèdent enfin malgré eux et les rendent irrésistibles ? Sans doute il ne dépend plus d’eux de n’être pas méchants et faibles, mais il dépendit d’eux de ne le pas devenir. O que nous resterions aisément maîtres de nous et de nos passions, même durant cette vie, si, lorsque nos habitudes ne sont point encore acquises, lorsque notre esprit commence à s’ouvrir, nous savions l’occuper des objets qu’il doit connaître pour apprécier ceux qu’il ne connaît pas ; si nous voulions sincèrement nous éclairer, non pour briller aux yeux des autres, mais pour être bons et sages selon la nature, pour nous rendre heureux en pratiquant nos devoirs ! Cette étude nous paraît ennuyeuse et pénible, parce que nous n’y songeons que déjà corrompus par le vice, déjà livrés à nos passions. Nous fixons nos jugements et notre estime avant de connaître le bien et le mal, et puis, rapportant tout à cette fausse mesure, nous ne donnons à rien sa juste valeur.

ROUSSEAU

1996 TECHN. GROUPEMENTS II-III NORMALE Tous les problèmes peuvent-ils avoir une solution technique ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS II-III NORMALE La conviction d’avoir raison fait-elle obstacle au dialogue ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS II-III NORMALE Résistance et obéissance, voilà les deux vertus (1) du citoyen. Par l’obéissance il assure l’ordre ; par la résistance il assure la liberté. Et il est bien clair que l’ordre et la liberté ne sont point séparables, car le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée, à toute minute, n’enferme (2) aucune liberté ; c’est une vie animale, livrée à tous les hasards. Donc les deux termes, ordre et liberté, sont bien loin d’être opposés, j’aime mieux dire qu’ils sont corrélatifs. La liberté ne va pas sans l’ordre, l’ordre ne vaut rien sans la liberté.

Obéir en résistant, c’est tout le secret. Ce qui détruit l’obéissance est anarchie, ce qui détruit la résistance est tyrannie. Ces deux maux s’appellent (3), car la tyrannie employant la force contre les opinions, les opinions, en retour, emploient la force contre la tyrannie, et inversement, quand la résistance devient désobéissance, les pouvoirs ont beau jeu pour écraser la résistance, et ainsi deviennent tyranniques. Dès qu’un pouvoir use de force pour tuer la critique, il est tyrannique.

ALAIN

(1) "vertus" : qualités

(2) "n’enferme" : n’implique

(3) " s’appellent" : s’impliquent réciproquement

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation de ce texte.

2° Expliquez :

a) "...le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée, à toute minute..." ;

b) “Ce qui détruit l’obéissance est anarchie, ce qui détruit la résistance est tyrannie".

3° Diriez-vous aussi que "résistance et obéissance sont les deux vertus du citoyen" ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS II-III SECOURS L’homme a-t-il besoin de l’art ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS II-III SECOURS Le droit ne fait-il que traduire un rapport de forces ?

1996 TECHN. GROUPEMENTS II-III SECOURS Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix, puis à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux et plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblant donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sous notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et précisez la structure de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "La conscience s’en retire" ;

b) "à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres" ;

c) "les moments de crise intérieure où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait".

3° Dans une discussion argumentée et progressive, vous vous demanderez ce qui provoque l’éveil de la conscience.

1996 ES INDE NORMALE L’artiste est-il nécessairement un homme de génie ?

1996 ES INDE NORMALE Tout peut-il avoir une valeur marchande ?

1996 ES INDE NORMALE Communément on tient que la liberté consiste à pouvoir faire impunément tout ce que bon nous semble et que la servitude est une restriction de cette liberté. Mais on le prend fort mal de ce biais-là ; car, à ce compte, il n’y aurait personne libre dans la république, vu que les États doivent maintenir la paix du genre humain par l’autorité souveraine, qui tient la bride à la volonté des personnes privées. Voici quel est mon raisonnement sur cette matière : (...) je dis que la liberté n’est autre chose que l’absence de tous les empêchements qui s’opposent à quelque mouvement ; ainsi l’eau qui est enfermée dans un vase n’est pas libre, à cause que le vase l’empêche de se répandre et, lorsqu’il se rompt, elle recouvre sa liberté. Et de cette sorte une personne jouit de plus ou moins de liberté, suivant l’espace qu’on lui donne ; comme dans une prison étroite, la captivité est bien plus dure qu’en un lieu vaste où les coudées sont plus franches.

HOBBES

1996 L INDE NORMALE Désirer, est-ce nécessairement souffrir ?

1996 L INDE NORMALE Le bien et le mal sont-ils des conventions ?

1996 L INDE NORMALE Que des martyrs prouvent quelque chose quant à la vérité d’une cause, cela est si peu vrai que je veux montrer qu’aucun martyr n’eut jamais le moindre rapport avec la vérité. Dans la façon qu’a un martyr de jeter sa certitude à la face de l’univers s’exprime un si bas degré d’honnêteté intellectuelle, une telle fermeture d’esprit devant la question de la vérité, que cela ne vaut jamais la peine qu’on la réfute. La vérité n’est pas une chose que l’un posséderait et l’autre non (..). Plus on s’avance dans les choses de l’esprit, et plus la modestie, l’absence de prétentions sur ce point deviennent grandes : être compétent dans trois ou quatre domaines, avouer pour le reste son ignorance...

Les martyrs furent un grand malheur dans l’histoire : ils séduisirent. Déduire qu’une cause pour laquelle un homme accepte la mort doit bien avoir quelque chose pour elle - cette logique fut un frein inouï pour l’examen, l’esprit critique, la prudence intellectuelle. Les martyrs ont porté atteint à la vérité. Il suffit encore aujourd’hui d’une certaine cruauté dans la persécution pour donner à une secte sans aucun intérêt une bonne réputation. Comment ? Que l’on donne sa vie pour une cause, cela change-t-il quelque chose à sa valeur ? Ce fut précisément l’universelle stupidité historique de tous les persécuteurs qui donnèrent à la cause adverse l’apparence de la dignité.

NIETZSCHE

1996 S INDE NORMALE La démarche scientifique exclut-elle tout recours à l’imagination ?

1996 S INDE NORMALE Le temps est-il essentiellement destructeur ?

1996 S INDE NORMALE Un homme peut travailler avec autant d’art qu’il le veut à se représenter une action contraire à la loi qu’il se souvient avoir commise, comme une erreur faite sans intention, comme une simple imprévoyance qu’on ne peut jamais entièrement éviter, par conséquent comme quelque chose où il a été entraîné par le torrent de la nécessité naturelle, et à se déclarer ainsi innocent, il trouve cependant que l’avocat qui parle en sa faveur ne peut réduire au silence l’accusateur qui est en lui s’il a conscience qu’au temps où il commettait l’injustice, il était dans son bon sens, c’est -à-dire qu’il avait l’usage de sa liberté. Quoiqu’il s’explique sa faute par quelque mauvaise habitude, qu’il a insensiblement contractée en négligeant de faire attention à lui-même et qui est arrivée à un tel degré de développement qu’il peut considérer la première comme une conséquence naturelle de cette habitude, il ne peut jamais néanmoins ainsi se mettre en sûreté cotre le blâme intérieur et le reproche qu’il se fait à lui-même. C’est là-dessus aussi que se fonde le repentir qui se produit à l’égard d’une action accomplie depuis longtemps, chaque fois que nous nous en souvenons.

KANT

1996 TECHN. INDE NORMALE Faut-il croire les historiens ?

1996 TECHN. INDE NORMALE Peut-on forcer un homme à être libre ?

1996 TECHN. INDE NORMALE Le plus pressant intérêt du chef, de même que son devoir le plus indispensable, est (...) de veiller à l’observation des lois dont il est le ministre (1), et sur lesquelles est fondée toute son autorité. S’il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit-il les observer lui-même, (lui) qui jouit de toute leur faveur. Car son exemple est de telle force que, quand même le peuple voudrait bien souffrir (2) qu’il s’affranchît du joug de la loi, il devrait se garder de profiter d’une si dangereuse prérogative, que d’autres s’efforceraient bientôt d’usurper à leur tour, et souvent à son préjudice. Au fond, comme tous les engagements de la société sont réciproques par leur nature, il n’est pas possible de se mettre au-dessus de la loi sans renoncer à ses avantages, et personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne.

ROUSSEAU

(1) "ministre" : (ici, au sens ancien du terme) serviteur.

(2) "souffrir" : accepter, supporter.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation de ce texte.

2° Expliquez :

a) "S’il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit -il les observer lui- même" ;

b) "les engagements de la société sont réciproques par nature".

.

3° Est-ce seulement par intérêt que le chef doit obéir à la loi ?

1996 ES JAPON NORMALE L’homme est-il libre par nature ?

1996 ES JAPON NORMALE Peut-on toujours dire la vérité ?

1996 ES JAPON NORMALE La méthode des mathématiciens dans la découverte et l’exposé des sciences - c’est-à-dire la démonstration des conclusions par définitions, postulats, et axiomes - est la meilleure et la plus sûre pour chercher la vérité et l’enseigner : voilà l’opinion unanime de tous ceux qui veulent s’élever au-dessus du vulgaire. A juste titre d’ailleurs. Car on ne peut tirer une connaissance rigoureuse et ferme de ce qu’on ne connaît pas encore que de choses déjà connues avec certitude. Il est donc nécessaire de s’en servir comme d’un fondement stable sur lequel on puisse établir par la suite tout l’édifice de la connaissance humaine, sans risquer qu’il s’affaisse ou s’écroule au moindre choc. Or, que ce soit le cas des notions qui, sous le nom de définitions, postulats et axiomes, sont fréquemment utilisées par ceux qui cultivent les mathématiques, on n’en pourra douter si on a tant soit peu salué du seuil cette noble discipline. Car les définitions ne sont guère que des explications très larges de termes et noms qui désignent les objets dont il sera question. Et les postulats et les axiomes (...) sont des propositions si claires, si évidentes, que tous ceux qui ont simplement compris correctement les mots ne peuvent que donner leur assentiment.

SPINOZA

1996 L JAPON NORMALE L’imagination ne produit-elle qu’illusion ?

1996 L JAPON NORMALE L’exercice du pouvoir est-il compatible avec le respect de la justice ?

1996 L JAPON NORMALE Concevoir qu’un fait est la raison d’un autre fait, qu’une vérité procède d’une autre vérité, ce n’est autre chose que saisir des liens de dépendance et de subordination, c’est-à-dire saisir un ordre entre des objets divers, et cette dépendance ne nous frappe, n’est aperçue par nous, que parce que nous avons la faculté de comparer et de préférer un arrangement à une autre, comme plus simple, plus régulier et par conséquent plus parfait ; en d’autres termes, parce que nous avons l’idée de ce qui constitue la perfection de l’ordre, et parce qu’il est de l’essence de notre nature raisonnable de croire que la nature a mis de l’ordre dans les choses, et de nous croire d’autant plus près de la véritable explication des choses, que l’ordre dans lequel nous sommes parvenus à les ranger nous semble mieux satisfaire aux conditions de simplicité, d’unité et d’harmonie qui, selon notre raison, constituent la perfection de l’ordre.

COURNOT

1996 S JAPON NORMALE La désobéissance rend-elle plus libre ?

1996 S JAPON NORMALE Pourquoi cherchons-nous à connaître notre passé ?

1996 S JAPON NORMALE Peut-on sortir de sa culture ?

1996 S JAPON NORMALE Les sciences peuvent-elles nous éclairer sur le bien et le mal ?

1996 S JAPON NORMALE Pourquoi l’homme veut-il s’affliger en contemplant des aventures tragiques et lamentables, qu’il ne voudrait pas lui-même souffrir ? Et cependant, spectateur, il veut de ce spectacle ressentir l’affliction, et en cette affliction consiste son plaisir. Qu’est-ce là, sinon une pitoyable folie ? Car nous sommes d’autant plus émus que nous sommes moins guéris de ces passions. Quand on souffre soi-même, on nomme ordinairement cela misère, et quand on partage les souffrances d’autrui, pitié. Mais quelle est cette pitié inspirée par les fictions de la scène ? Ce n’est pas à aider autrui que le spectateur est incité, mais seulement à s’affliger, et il aime l’auteur de ces fictions dans la mesure où elles l’affligent. Si le spectacle de ces malheurs antiques ou fabuleux ne l’attriste pas, il se retire avec des paroles de mépris et de critique. S’il éprouve de la tristesse, il demeure là, attentif et joyeux.

Ce sont donc les larmes et les impressions douloureuses que nous aimons. Sans doute tout homme cherche la joie. Il ne plaît à personne d’être malheureux, mais on aime éprouver de la pitié, et, comme la pitié ne va pas sans douleur, n’est-ce pas pour cette seule raison que la douleur est aimée ? Ce phénomène a sa source dans l’amitié que les hommes ont les uns pour les autres.

AUGUSTIN Confessions

1996 S JAPON NORMALE Maintenant considère ceci.

Quel but se propose la peinture relativement à chaque objet ? Est-ce de représenter ce qui est tel qu’il est, ou ce qui paraît tel qu’il paraît ; est-ce l’imitation de l’apparence ou de la réalité ?

De l’apparence dit-il.

L’art d’imiter est donc bien éloigné du vrai, et, s’il peut tout exécuter, c’est, semble-t-il, qu’il ne touche qu’une petite partie de chaque chose, et cette partie n’est qu’un fantôme. Nous pouvons dire par exemple que le peintre nous peindra un cordonnier, un charpentier ou tout autre artisan sans connaître le métier d’aucun d’eux ; il n’en fera pas moins, s’il est bon peintre, illusion aux enfants et aux ignorants, en peignant un charpentier et en le montrant de loin, parce qu’il lui aura donné l’apparence d’un charpentier véritable.

Assurément.

Mais voici, mon ami, ce qu’il faut, selon moi, penser de tout cela : quand quelqu’un vient nous dire qu’il a rencontré un homme au courant de tous les métiers et qui connaît mieux tous les détails de chaque art que n’importe quel spécialiste, il faut lui répondre qu’il est naïf et qu’il est tombé sans doute sur un charlatan ou un imitateur qui lui a jeté de la poudre aux yeux, et que, s’il l’a pris pour un savant universel, c’est qu’il n’est pas capable de distinguer la science, l’ignorance et l’imitation.

PLATON

1996 ES LA RÉUNION NORMALE Pourquoi le travail est-il spécifiquement humain ?

1996 ES LA RÉUNION NORMALE Nos obligations portent-elles atteinte à notre liberté ?

1996 ES LA RÉUNION NORMALE Il faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, ce qui aura le plus d’intérêt pour l’historien à venir. Quand cet historien considérera notre présent à nous, il cherchera surtout l’explication de son présent à lui, et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveau. Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd’hui, si ce doit être une création. Comment donc nous réglerions-nous aujourd’hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu’il faut enregistrer, ou plutôt pour fabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes est l’avènement de la démocratie. Que dans le passé, tel qu’il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions des signes avant-coureurs, c’est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n’auraient été notées par eux que s’ils avaient su que l’humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n’était pas plus marquée alors qu’une autre, ou plutôt elle n’existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, je veux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie. Les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. Ni la course, ni la direction, ni par conséquent son terme n’étaient donnés quand ces faits se produisaient : donc ces faits n’étaient pas encore des signes.

BERGSON

1996 L LA RÉUNION NORMALE Peut-on ne pas savoir ce que l’on dit ?

1996 L LA RÉUNION NORMALE N’y a-t-il de foi que religieuse ?

1996 L LA RÉUNION NORMALE Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l’amour de soi même, concourt à la conservation mutuelle de toute l’espèce. C’est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir, c’est elle qui, dans l’état de nature, tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n’est tenté de désobéir à sa douce voix : c’est elle qui détournera tout sauvage robuste d’enlever à un faible enfant ou à un vieillard infirme sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs : c’est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée, Fais à autrui comme tu veux qu’on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien moins parfaite, mais plus utile peut être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible. C’est en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu’il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l’éducation. Quoiqu’il puisse appartenir à Socrate et aux esprits de sa trempe d’acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus si sa conservation n’eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent.

ROUSSEAU

1996 S LA RÉUNION NORMALE Pourquoi faire son devoir ?

1996 S LA RÉUNION NORMALE De quelle liberté l’art témoigne-t-il ?

1996 S LA RÉUNION NORMALE La vie quotidienne, pour ses fins variables et relatives, peut se contenter d’évidences et de vérités relatives. La science, elle, veut des vérités variables une fois pour toutes et pour tous, définitives, et donc des vérifications nouvelles et ultimes. Si, en fait, comme elle-même doit finir par s’en convaincre, la science ne réussit pas à édifier un système de vérités absolues, si elle doit sans arrêt modifier les vérités acquises, elle obéit cependant à l’idée de vérité absolue, de vérité scientifique, et elle tend par là vers un horizon infini d’approximations qui convergent toutes vers cette idée. A l’aide de ces approximations, elle croit pouvoir dépasser la conscience naïve et aussi se dépasser infiniment elle-même. Elle croit le pouvoir aussi par la fin qu’elle se pose, à savoir l’universalité systématique de la connaissance.

HUSSERL

1996 TECHN. LA RÉUNION NORMALE La culture est-elle la négation de la nature, ou son accomplissement ?

1996 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Ma liberté exclut-elle celle des autres, ou bien la suppose-t-elle ?

1996 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Il semble que [...] le but de celui qui fait des lois soit d’amener les hommes à se conduire moralement. Or n’importe quel homme peut en amener un autre à se conduire moralement. Donc n’importe quel homme [...] peut établir la loi [...]. (Mais à ce raisonnement), il faut répondre qu’une personne privée ne peut efficacement amener les gens à se conduire moralement, elle ne peut que donner des conseils, et si ses conseils ne sont pas entendus, cette personne n’a aucune force contraignante. La loi au contraire doit avoir cette force contraignante, afin d’amener avec efficacité les gens à se conduire moralement. [...] Et ce pouvoir contraignant appartient au peuple (ou personne publique) : c’est à lui d’infliger des peines [...], et c’est donc à lui seul qu’il revient de faire les lois.

THOMAS D’AQUIN

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation de ce texte.

2° Expliquez :

a) "une personne privée... ne peut que donner des conseils" ;

b) "Ce pouvoir contraignant appartient au peuple (ou personne publique)".

3° Quand les élus font des lois, diriez-vous que c’est le peuple lui-même qui les fait ?

1996 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Pourquoi l’homme transforme-t-il la nature ?

1996 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE En art, tout s’apprend-il ?

1996 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE L’être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d’outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main.

Aussi, ceux qui disent que l’homme n’est pas bien constitué et qu’il est le moins bien partagé (1) des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et n’a pas d’armes pour combattre) sont dans l’erreur. Car les autres animaux n’ont chacun qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour un autre. L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible (2) d’en changer et même d’avoir l’arme qu’il veut et quand il veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance ou épée ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu’elle est capable de tout saisir et tout tenir.

ARISTOTE

(1) "le moins bien partagé" : le moins bien pourvu

(2) "il lui est toujours loisible" : il a toujours la possibilité de

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les principales étapes de l’argumentation.

2° Expliquez : "la main semble bien être non pas un outil mais plusieurs".

3° Traitez la question suivante sous forme de développement argumenté : la supériorité de l’homme consiste-t-elle dans sa capacité d’acquérir le plus grand nombre de techniques ?

1996 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Y a-t-il une servitude volontaire ?

1996 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Est-ce parce qu’ils sont ignorants que les hommes ont des croyances ?

1996 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Quand les enfants commencent à parler, ils pleurent moins. Ce progrès est naturel : un langage est substitué à l’autre. Sitôt qu’ils peuvent dire qu’ils souffrent avec des paroles, pourquoi le diraient-ils avec des cris, si ce n’est quand la douleur est trop vive pour que la parole puisse l’exprimer ? S’ils continuent alors à pleurer, c’est la faute des gens qui sont autour d’eux. Dès qu’une fois Emile* aura dit : J’ai mal, il faudra des douleurs biens vives pour le forcer de pleurer.

Un autre progrès rend aux enfants la plainte moins nécessaire : c’est celui de leurs forces. Pouvant plus par eux-mêmes, ils ont un besoin moins fréquent de recourir à autrui. Avec leur force se développe la connaissance qui les met en état de la diriger. C’est à ce second degré que commence proprement la vie de l’individu ; c’est alors qu’il prend la conscience de lui-même.

ROUSSEAU

1996 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Est-ce par amour de la vérité que l’homme recherche le savoir ?

1996 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Suis-je dans le même temps qu’autrui ?

1996 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Chacun sent bien que la force ne peut rien contre le droit ; mais beaucoup sont disposés à reconnaître que la force peut quelque chose pour le droit. Ici se présente une difficulté (1) qui paraît insurmontable à beaucoup et qui les jette dans le dégoût de leur propre pensée, sur quoi compte le politique. Ce qui égare d’abord l’esprit, c’est que les règles du droit sont souvent appliquées par la force, avec l’approbation des spectateurs. L’arrestation, l’emprisonnement, la déportation (1), la mort sont des exemples qui frappent. Comment nier que le droit ait besoin de la force ? (...) Je suis bien loin de mépriser cet ordre ancien et vénérable que l’agent au carrefour représente si bien. Et je veux remarquer d’abord ceci, c’est que l’autorité de l’agent est reconnue plutôt que subie. Je suis pressé, le bâton levé produit en moi un mouvement d’impatience et même de colère, mais enfin je veux cet ordre au carrefour, et non pas une lutte de force entre les voitures, et le bâton de l’agent me rappelle cette volonté mienne, que la passion allait me faire oublier. Ce que j’exprime en disant qu’il y a un ordre de droit entre l’agent et moi, entre les autres voyageurs et moi, ou bien, si l’on veut dire autrement, un état de paix véritable. Si cet ordre n’est point reconnu et voulu par moi, si je cède seulement à une force évidemment supérieure, il n’y a ni paix ni droit, mais seulement un vainqueur, qui est l’agent, et un vaincu, qui est moi.

ALAIN

(1) L’auteur pense ici au bagne de Cayenne.

1996 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT La science nous livre-t-elle le réel tel qu’il est ?

1996 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Qu’ai-je le droit d’exiger des autres ?

1996 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Tant que l’homme est plongé dans la situation historique, il lui arrive de ne même pas concevoir les défauts et les manques d’une organisation politique ou économique déterminée, non comme on dit sottement parce qu’il en "a l’habitude", mais parce qu’il la saisit dans la plénitude d’être et qu’il ne peut même imaginer qu’il puisse en être autrement. Car il faut ici inverser l’opinion générale et convenir de ce que ce n’est pas la dureté d’une situation ou les souffrances qu’elle impose qui sont motifs pour qu’on conçoive un autre état de choses où il en irait mieux pour tout le monde, au contraire, c’est à partir du jour où l’on peut concevoir un autre état des choses qu’une lumière neuve tombe sur nos peines et sur nos souffrances et que nous décidons qu’elles sont insupportables. L’ouvrier de 1830 est capable de se révolter si l’on baisse les salaires, car il conçoit facilement une situation où son misérable niveau de vie serait moins bas cependant que celui qu’on veut lui imposer. Mais il ne se représente pas ses souffrances comme intolérables, il s’en accommode, non par résignation, mais parce qu’il manque de la culture et de la réflexion nécessaires pour lui faire concevoir un état social où ces souffrances n’existeraient pas. Aussi n’agit-il pas.

SARTRE

1996 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on faire l’éloge de la passion ?

1996 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Un peuple est-il responsable de son histoire ?

1996 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’état de nature, cette guerre de tous contre tous, a pour conséquence que rien ne peut être injuste. Les notions de droit et de tort, de justice et d’injustice n’ont dans cette situation aucune place. Là où il n’y a pas de pouvoir commun il n’y a pas de loi ; là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas d’injustice : force et ruse sont à la guerre les vertus cardinales. Justice et injustice n’appartiennent pas à la liste des facultés naturelles de l’esprit ou du corps ; car dans ce cas elles pourraient se trouver chez un homme qui serait seul au monde (au même titre que ses sens ou ses passions). En réalité la justice et l’injustice sont des qualités qui se rapportent aux hommes en société, non à l’homme solitaire. La même situation de guerre a aussi pour conséquence qu’il n’y existe ni propriété (...) ni distinction du mien et du tien, mais seulement qu’à chacun appartient ce qu’il peut s’approprier et juste aussi longtemps qu’il est capable de le garder.

HOBBES

1996 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Qu’est-ce qu’un fait de culture ?

1996 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’exercice de la philosophie contribue-t-il au développement de la démocratie ?

1996 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La première fois qu’un enfant voit un bâton à moitié plongé dans l’eau, il voit un bâton brisé : la sensation est vraie, et elle ne laisserait pas de l’être, quand même nous ne saurions point la raison de cette apparence. Si donc vous lui demandez ce qu’il voit, il dit : un bâton brisé, et il dit vrai, car il est très sûr qu’il a la sensation d’un bâton brisé. Mais quand, trompé par son jugement, il va plus loin, et qu’après avoir affirmé qu’il voit un bâton brisé, il affirme encore que ce qu’il voit est en effet un bâton brisé, alors il dit faux. Pourquoi cela ? parce qu’alors il devient plus actif, et qu’il ne juge plus par inspection, mais par induction, en affirmant ce qu’il ne sent, savoir que le jugement qu’il reçoit par un sens serait confirmé par un autre.

Puisque toutes nos erreurs viennent de nos jugements, il est clair que si nous n’avions jamais besoin de juger, nous n’aurions nul besoin d’apprendre ; nous ne serions jamais dans le cas de nous tromper ; nous serions plus heureux de notre ignorance que nous ne pouvons l’être de notre savoir.

ROUSSEAU

1996 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on penser par soi-même sans penser contre soi-même ?

1996 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Rendre visible l’invisible, est-ce la vocation de l’art ?

1996 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Quels que soient les immenses services rendus à l’industrie par les théories scientifiques, quoique (...) la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu’éprouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes. Pour sentir combien ce besoin est profond et impérieux, il suffit de penser un instant aux effets physiologiques de l’étonnement, et de considérer que la sensation la plus terrible que nous puissions éprouver est celle qui se produit toutes les fois qu’un phénomène nous semble s’accomplir contradictoirement aux lois naturelles qui nous sont familières. Ce besoin de disposer les faits dans un ordre que nous puissions concevoir (ce qui est l’objet propre de toutes les théories scientifiques) est tellement inhérent à notre organisation (1) que, si nous ne parvenions pas à la satisfaire par des conceptions positives, nous retournerions inévitablement aux explications théologiques et métaphysiques auxquelles il a primitivement donné naissance.

COMTE

(1) synonyme ici de "nature"

1996 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Puis-je être certain d’être dans le vrai ?

1996 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE S’intéresser à l’histoire, est-ce se réfugier dans le passé ?

1996 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit point vouloir.

Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même (1) ce pouvoir.

MONTESQUIEU

(1) "tout de même" : tout autant, de la même façon.

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée centrale de ce texte ? Comment Montesquieu l’établit-il ?

2° Expliquer :

a) "un État, c’est-à-dire (...) une société où il y a des lois" ;

b) Comment comprenez-vous l’expression : "ce que l’on doit vouloir" ?

c) Comment définissez-vous "l’indépendance" ?

3° Les lois limitent-elles la liberté ?

1996 ES POLYNÉSIE NORMALE Tout peut-il s’expliquer historiquement ?

1996 ES POLYNÉSIE NORMALE Qu’est-ce qui fait la valeur d’une oeuvre d’art ?

1996 ES POLYNÉSIE NORMALE Il me semble que, quelque pénibles que soient les travaux que la société exige, on peut tout faire avec des hommes libres.

Ce qui me fait penser ainsi, c’est qu’avant que le christianisme eût aboli en Europe la servitude civile, on regardait les travaux des mines comme si pénibles, qu’on croyait qu’ils ne pouvaient être faits que par des esclaves ou par des criminels. Mais on sait qu’aujourd’hui les hommes qui y sont employés vivent heureux. On a, par de petits privilèges, encouragé cette profession ; on a joint à l’augmentation du travail celle du gain ; et on est parvenu à leur faire aimer leur condition plus que toute autre qu’ils eussent pu prendre.

Il n’y a point de travail si pénible qu’on ne puisse proportionner à la force de celui qui le fait, pourvu que ce soit la raison, et non pas l’avarice, qui le règle. On peut, par la commodité des machines que l’art invente ou applique, suppléer au travail forcé qu’ailleurs on fait faire aux esclaves. Les mines des Turcs, dans le banat de Témeswar (1), étaient plus riches que celles de Hongrie, et elles ne produisaient pas autant, parce qu’ils n’imaginaient jamais que les bras de leurs esclaves.

Je ne sais si c’est l’esprit ou le coeur qui me dicte cet article-ci. Il n’y a peut-être pas de climat sur la terre où l’on ne pût engager au travail des hommes libres. Parce que les lois étaient mal faites on a trouvé des hommes paresseux : parce que ces hommes étaient paresseux, on les a mis dans l’esclavage.

MONTESQUIEU

(1) Province limitrophe de la Hongrie et de la Turquie

1996 L POLYNÉSIE NORMALE Les hommes n’agissent-ils que par intérêt ?

1996 L POLYNÉSIE NORMALE Pourquoi des artistes ?

1996 L POLYNÉSIE NORMALE Je pensai que les sciences des livres, au moins celles dont les raisons ne sont que probables, et qui n’ont aucune démonstration, s’étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent. Et ainsi je pensai que, pour ce que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes, et qu’il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseillaient peut-être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs ni si solides qu’ils auraient été si nous avions eu l’usage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous n’eussions jamais été conduits que par elle.

DESCARTES

1996 S POLYNÉSIE NORMALE Ai-je besoin d’autrui pour être objectif ?

1996 S POLYNÉSIE NORMALE L’artiste fait-il ce qu’il veut ?

1996 S POLYNÉSIE NORMALE Parmi tous les arts et toutes nos facultés, vous n’en trouverez aucun qui soit capable de se prendre soi-même pour objet d’étude, aucun, par conséquent, qui soit apte à porter sur soi un jugement d’approbation ou de désapprobation. La grammaire, jusqu’où s’étend sa capacité spéculative ? Jusqu’à distinguer les lettres. Et la musique ? Jusqu’à distinguer la mélodie. L’une ou l’autre se prend-elle pour objet d’étude ? Nullement. Mais si tu écris à un ami, le fait que tu dois choisir ces lettres-ci, la grammaire te le dira. Quant à savoir s’il faut oui ou non écrire à cet ami, la grammaire ne te le dira pas. Ainsi pour les mélodies, la musique. Mais faut-il chanter maintenant ou jouer de la lyre, ou ne faut-il ni chanter ni jouer de la lyre, la musique ne te le dira pas. Qui donc le dira ? La faculté qui se prend elle-même aussi bien que tout le reste comme objet d’étude. Quelle est-elle ? La Raison. Seule, en effet, de celles que nous avons reçues, elle est capable d’avoir conscience d’elle-même, de sa nature, de son pouvoir, de la valeur qu’elle apporte en venant en nous, et d’avoir conscience également des autres facultés.

ÉPICTÈTE

1996 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Est-ce par crainte du châtiment que l’on obéit aux lois ?

1996 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Peut-on prouver qu’une oeuvre d’art est belle ?

1996 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que l’éducation fait de lui. Il faut remarquer que l’homme n’est éduqué que par des hommes et par des hommes qui ont également été éduqués. C’est pourquoi le manque de discipline et d’instruction (que l’on remarque) chez quelques hommes fait de ceux-ci de mauvais éducateurs pour leurs élèves. Si seulement un être d’une nature supérieure se chargeait de notre éducation, on verrait alors ce que l’on peut faire de l’homme. Mais comme l’éducation d’une part ne fait qu’apprendre certaines choses aux hommes et d’autre part ne fait que développer en eux certaines qualités, il est impossible de savoir jusqu’où vont les dispositions naturelles de l’homme. Si du moins avec l’appui des grands de ce monde et en réunissant les forces de beaucoup d’hommes on faisait une expérience, cela nous donnerait déjà beaucoup de lumières pour savoir jusqu’où il est possible que l’homme s’avance.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation" ;

b) "il est impossible de savoir jusqu’où vont les dispositions naturelles".

3° L’homme n’est-il que ce que d’autres hommes ont fait de lui ?

1996 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Dans la connaissance et dans l’action, faut-il toujours se méfier de ses premières impressions ?

1996 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Dans quel but les hommes se donnent-ils des lois ?

1996 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art ne donne plus cette satisfaction des besoins spirituels, que des peuples et des temps révolus cherchaient et ne trouvaient qu’en lui. Les beaux jours de l’art grec comme l’âge d’or de la fin du Moyen Age sont passés. La culture réflexive de notre époque nous contraint, tant dans le domaine de la volonté que dans celui du jugement, à nous en tenir à des vues universelles d’après lesquelles nous réglons tout ce qui est particulier ; formes universelles, lois, devoirs, droits, maximes sont les déterminations fondamentales qui commandent tout. Or le goût artistique comme la production artistique exigent plutôt quelque chose de vivant, dans lequel l’universel ne figure pas sous forme de loi et de maxime, mais confonde son action avec celle du sentiment et de l’impression, de la même façon que l’imagination fait une place à l’universel et au rationnel, en les unissant à une apparence sensible et concrète. Voilà pourquoi notre époque n’est en général pas propice à l’art...

Dans ces circonstances l’art, ou du moins sa destination suprême, est pour nous quelque chose du passé. De ce fait, il a perdu pour nous sa vérité et sa vie ; il est relégué dans notre représentation, loin d’affirmer sa nécessité effective et de s’assurer une place de choix, comme il le faisait jadis. Ce que suscite en nous une oeuvre artistique de nos jours, mis à part un plaisir immédiat, c’est un jugement, étant donné que nous soumettons à un examen critique son fond, sa forme et leur convenance ou disconvenance réciproque.

La science de l’art est donc bien plus un besoin à notre époque que dans les temps où l’art donnait par lui-même, en tant qu’art, pleine satisfaction. L’art nous invite à la médiation philosophique, qui a pour but non pas de lui assurer un renouveau, mais de reconnaître rigoureusement ce qu’il est dans son fond.

HEGEL

1996 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT À quoi reconnaît-on qu’une expérience est scientifique ?

1996 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT La violence est-elle toujours destructrice ?

1996 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le droit ne dépend pas de l’intention qu’on a en agissant. On peut faire quelque chose avec une excellente intention, la conduite n’est pas pour autant justifiée, mais peut être, sans qu’on y prenne garde, contraire au droit. D’autre part, une conduite, par exemple l’affirmation de ma propriété, peut être juridiquement tout à fait justifiée et faire place cependant à une intention méchante, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement pour moi de défendre mon droit, mais bien plutôt de nuire à autrui. Sur le droit comme tel cette intention n’a aucune influence.

Le droit n’a rien à voir avec la conviction que ce que j’ai à faire soit juste ou injuste. Tel est particulièrement le cas en ce qui concerne la punition. On tâche sans doute de persuader le criminel qu’il est puni à bon droit. Mais qu’il en soit ou non convaincu ne change rien au droit qu’on lui applique.

Enfin le droit ne dépend non plus en rien de la disposition d’esprit dans laquelle un acte est accompli. Il arrive très souvent qu’on agisse de façon correcte par simple crainte de la punition, ou parce qu’on a peur de n’importe quelle autre conséquence désagréable, telle que perdre sa réputation ou son crédit. Il se peut aussi qu’en agissant selon le droit on songe à la récompense qu’on obtiendra ainsi dans une autre vie. Le droit comme tel est indépendant de ces dispositions d’esprit.

HEGEL

1996 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’État est-il, par définition, indifférent aux intérêts particuliers ?

1996 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Prendre conscience, est-ce se libérer ?

1996 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La vérité, dit-on, consiste dans l’accord de la connaissance avec l’objet. Selon cette simple définition de mot, ma connaissance doit donc s’accorder avec l’objet pour avoir valeur de vérité. Or le seul moyen que j’ai de comparer l’objet avec ma connaissance c’est que je le connaisse. Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-même, mais c’est bien loin de suffire à la vérité. Car puisque l’objet est hors de moi et que la connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet s’accorde avec ma connaissance de l’objet. Les anciens appelaient diallèle (1) un tel cercle dans la définition. Et effectivement c’est cette faute que les sceptiques n’ont cessé de reprocher aux logiciens ; ils remarquaient qu’il en est de cette définition de la vérité comme d’un homme qui ferait une déposition au tribunal et invoquerait comme témoin quelqu’un que personne ne connaît, mais qui voudrait être cru en affirmant que celui qui l’invoque comme témoin est un honnête homme. Reproche absolument fondé, mais la solution du problème en question est totalement impossible pour tout le monde. En fait la question qui se pose ici est de savoir si, et dans quelle mesure il y a un critère de la vérité certain, universel et pratiquement applicable. Car tel est le sens de la question : qu’est-ce que la vérité ?

KANT

(1) mot d’origine grecque utilisé par les logiciens pour désigner un cercle vicieux

1996 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT À quoi sert la raison ?

1996 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Y a-t-il un sens à juger une oeuvre d’art du point de vue moral ?

1996 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix, puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait. Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et l’argumentation.

2° Expliquez :

a) “Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous”.

b) "conscience est synonyme de choix" ;

3° Est-ce dans l’hésitation que nous sommes le plus conscients ?

1996 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’histoire enseigne-t-elle la relativité des valeurs ?

1996 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Un homme peut-il m’être totalement étranger ?

1996 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Une injustice que l’on a faite à quelqu’un est beaucoup plus lourde à porter qu’une injustice que quelqu’un d’autre vous a faite (non pas précisément pour des raisons morales, il faut le remarquer) ; car, au fond, celui qui agit est toujours celui qui souffre, mais bien entendu seulement quand il est accessible au remords ou bien à la certitude que, par son acte, il aura armé la société contre lui et il se sera lui-même isolé. C’est pourquoi, abstraction faite de tout ce que commandent la religion et la morale, on devrait, rien qu’à cause de son bonheur intérieur, donc pour ne pas perdre son bien-être, se garder de commettre une injustice plus encore que d’en subir une : car dans ce dernier cas, on a la consolation de la bonne conscience, de l’espoir de la vengeance, de la pitié et de l’approbation des hommes justes, et même de la société tout entière, laquelle craint les malfaiteurs.

NIETZSCHE

1996 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE D’où vient que le progrès scientifique laisse subsister des croyances irrationnelles ?

1996 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE La punition est-elle la forme légale de la vengeance ?

1996 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Les artistes ont quelque intérêt à ce que l’on croie à leurs intuitions subites, à leurs prétendues inspirations ; comme si l’idée de l’oeuvre d’art, du poème, la pensée fondamentale d’une philosophie tombaient du ciel tel un rayon de la grâce. En vérité, l’imagination du bon artiste, ou penseur, ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine ; on voit ainsi aujourd’hui, par les Carnets de Beethoven, qu’il a composé ses plus magnifiques mélodies petit à petit, les tirant pour ainsi dire d’esquisses multiples. Quant à celui qui est moins sévère dans son choix et s’en remet volontiers à sa mémoire reproductrice, il pourra le cas échéant devenir un grand improvisateur ; mais c’est un bas niveau que celui de l’improvisation artistique au regard de l’idée choisie avec peine et sérieux pour une oeuvre. Tous les grands hommes étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s’agissait d’inventer, mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d’arranger.

NIETZSCHE

1996 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE La connaissance scientifique abolit-elle toute croyance ?

1996 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE A-t-on le devoir d’aimer autrui ?

1996 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE - Eh quoi ! La liberté est-elle absence de la raison ?

- A Dieu ne plaise ! Folie et liberté ne vont pas ensemble.

- Mais je veux que tout arrive suivant mon idée, quelle que soit cette idée.

- Tu es fou, tu déraisonnes. Ne sais-tu pas que la liberté est une belle chose, une chose précieuse ? Or, vouloir au petit bonheur que se produise ce qui au petit bonheur m’est venu à l’idée risque non seulement de n’être pas beau, mais d’être même tout ce qu’il y a de plus laid. Voyons, que faisons-nous s’il s’agit d’écrire ? Est-ce que je me propose d’écrire selon ma volonté le nom de Dion ? Non, mais on m’apprend à vouloir l’écrire comme il doit l’être. (...) Sinon, il serait absolument inutile d’apprendre n’importe quoi, si chacun pouvait accommoder ses connaissances à sa volonté. Et ce serait uniquement dans le domaine le plus grave et le plus important, celui de la liberté, qu’il me sera permis de vouloir au petit bonheur ? Nullement, mais s’instruire consiste précisément à apprendre à vouloir chaque chose comme elle arrive.

ÉPICTÈTE

1996 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Sommes-nous maîtres de notre histoire ?

1996 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Est-ce seulement par peur du châtiment que l’on obéit à la loi ?

1996 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE À quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d’âme ne le créent certes pas de toutes pièces, ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui. Au fur et à mesure qu’ils nous parlent, des nuances d’émotions et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle l’image photographique qui n’a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l’artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l’imitation, je veux dire la peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice du texte et les étapes de son argumentation.

a) Analysez la comparaison qu’établit Bergson entre le rôle du "bain" dans lequel l’image photographique est "plongée" et le rôle de "révélateur" du poète ;

b) expliquez : "une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes".

3° Créer ou imiter : l’artiste doit-il choisir ?

1997 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’art n’obéit-il à aucune règle ?

1997 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La diversité des opinions rend-elle vaine la recherche de la vérité ?

1997 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les passions, puisqu’elles peuvent se conjuguer avec la réflexion la plus calme, qu’elles ne peuvent donc pas être irréfléchies comme les émotions et que, par conséquent, elles ne sont pas impétueuses (1) et passagères, mais qu’elles s’enracinent et peuvent subsister en même temps que le raisonnement, portent, on le comprend aisément, le plus grand préjudice à la liberté ; si l’émotion est une ivresse, la passion est une maladie, qui exècre toute médication (2), et qui par là est bien pire que tous les mouvements passagers de l’âme ; ceux-ci font naître du moins le propos de s’améliorer, alors que la passion est un ensorcellement qui exclut toute amélioration.

KANT

(1) impétueuses : dont l’impulsion est violente et rapide

(2) exécrer toute médication : haïr, détester, repousser tout remède

1997 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le langage sert-il à exprimer la réalité ?

1997 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le travail n’est-il que servitude ?

1997 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Que soit vrai tout ce que l’on dit tant aux autres qu’à soi-même, c’est ce qu’il est impossible de garantir dans tous les cas, parce qu’on peut se tromper ; mais que ce soit sincère, c’est ce que l’on peut et doit toujours garantir, parce qu’on s’en rend compte immédiatement. Dans le premier cas, il faut, par un jugement logique de la raison, confronter l’affirmation avec l’objet ; dans le second, à l’instant où l’on constate sa conviction, on confronte devant la conscience l’affirmation avec le sujet. Si l’on pose l’affirmation par rapport à l’objet sans s’être assuré qu’on peut la poser aussi par rapport au sujet, on avance autre chose que ce dont on est convaincu, on ment (...).

Les moralistes parlent d’une conscience fausse, mais ils disent une absurdité. Si une pareille conscience existait, personne ne serait plus jamais assuré d’avoir bien agi, puisque le juge en dernier ressort lui-même pourrait se tromper. Il m’arrive sans doute de me tromper dans le jugement qui me fait croire que j’ai raison ; mais ce jugement procède de l’intelligence, et celle-ci se borne, d’une manière exacte ou erronée, à juger objectivement. Mais dans ce sentiment intime : je crois avoir raison, ou : je fais semblant de le croire, je ne puis absolument pas me tromper, puisque ce jugement, ou mieux cette phrase n’est que l’expression de ce sentiment même.

KANT

1997 ES ANTILLES NORMALE La technique n’est-elle pour l’homme qu’un moyen ?

1997 ES ANTILLES NORMALE Dois- je tenir compte de ce que font les autres pour orienter ma conduite ?

1997 ES ANTILLES NORMALE Il y a l’avenir qui se fait et l’avenir qu’on fait. L’avenir réel se compose des deux. Au sujet de l’avenir qui se fait, comme orage ou éclipse, il ne sert à rien d’espérer, il faut savoir et observer avec des yeux secs. Comme on essuie les verres de la lunette, ainsi il faut essuyer la buée des passions sur les yeux. J’entends bien. Les choses du ciel, que nous ne modifions jamais, nous ont appris la résignation et l’esprit géomètre qui sont une bonne partie de la sagesse. Mais dans les choses terrestres, que de changements par l’homme industrieux ! Le feu, le blé, le navire, le chien dressé, le cheval dompté, voilà des oeuvres que l’homme n’aurait point faites si la science avait tué l’espérance.

Surtout dans l’ordre humain lui-même, où la confiance fait partie des faits, je compte très mal si je ne compte point ma propre confiance. Si Je crois que je vais tomber, je tombe, si je crois que je ne puis rien, je ne puis rien. Si je crois que mon espérance me trompe, elle me trompe. Attention là. Je fais le beau temps et l’orage, en moi d’abord, autour de moi aussi, dans le monde des hommes. Car le désespoir, et l’espoir aussi, vont de l’un à l’autre plus vite que ne changent les nuages.

ALAIN

1997 L ANTILLES NORMALE Peut-on vouloir ce qu’on ne désire pas ?

1997 L ANTILLES NORMALE L’imagination est-elle la cause de notre malheur ?

1997 L ANTILLES NORMALE La vérité ou la fausseté, la critique et l’adéquation critique à des données évidentes, voilà autant de thèmes banals qui déjà jouent sans cesse dans la vie pré-scientifique. La vie quotidienne, pour ses fins variables et relatives, peut se contenter d’évidences et de vérités relatives. La science, elle, veut des vérités valables une fois pour toutes et pour tous, définitives, et, partant, des vérifications nouvelles et ultimes.

Si, en fait, comme elle-même doit finir par s’en convaincre, la science ne réussit pas à édifier un système de vérités "absolues", si elle doit sans arrêt modifier les vérités acquises, elle obéit cependant à l’idée de vérité absolue, de vérité scientifique, et elle tend par là vers un horizon infini d’approximations qui convergent toutes vers cette idée. A l’aide de ces approximations, elle croit pouvoir dépasser la connaissance naïve et aussi se dépasser infiniment elle-même. Elle croit le pouvoir aussi par la fin qu’elle pose, à savoir l’universalité systématique de la connaissance.

HUSSERL

1997 S ANTILLES NORMALE L’explication scientifique des conduites humaines est-elle incompatible avec l’affirmation de la liberté ?

1997 S ANTILLES NORMALE Puis-je invoquer le cours de l’histoire pour m’excuser de n’avoir pas agi ?

1997 S ANTILLES NORMALE La piété, ce n’est pas se montrer à tout instant couvert d’un voile et tourné vers une pierre, et s’approcher de tous les autels ; ce n’est pas se pencher jusqu’à terre en se prosternant, et tenir la paume de ses mains ouvertes en face des sanctuaires divins, ce n’est point inonder les autels du sang des animaux, ou lier sans cesse des voeux à d’autres voeux ; mais c’est plutôt pouvoir tout regarder d’un esprit que rien ne trouble. Car lorsque levant la tête, nous contemplons les espaces célestes de ce vaste monde, et les étoiles scintillantes fixées dans les hauteurs de l’éther, et que notre pensée se porte sur les cours du soleil et de la lune, alors une angoisse, jusque là étouffée en notre coeur sous d’autres maux, s’éveille et commence à relever la tête : n’y aurait-il pas en face de nous des dieux dont la puissance infinie entraîne d’un mouvement varié les astres à la blanche lumière ? Livré au doute par l’ignorance des causes, l’esprit se demande s’il y a eu vraiment un commencement, une naissance du monde, s’il doit y avoir une fin, et jusqu’à quand les remparts du monde pourront supporter la fatigue de ce mouvement inquiet ; ou bien si, doués par les dieux d’une existence éternelle, ils pourront prolonger leur course dans l’infini du temps et braver les forces puissantes de l’éternité ?

LUCRÈCE

1997 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’être humain peut-il perdre son humanité ?

1997 ES ANTILLES REMPLACEMENT La vérité est-elle tyrannique ?

1997 ES ANTILLES REMPLACEMENT Pour former l’État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous soient de la même opinion et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté se former une opinion et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l’intention de changer quoi que ce soit dans l’État de par l’autorité de son propre décret.

SPINOZA

1997 L ANTILLES REMPLACEMENT L’historien peut-il être objectif ?

1997 L ANTILLES REMPLACEMENT Une oeuvre d’art est-elle nécessairement belle ?

1997 L ANTILLES REMPLACEMENT Nul être matériel n’est actif par lui-même, et moi je le suis. On a beau me disputer cela, je le sens, et ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J’ai un corps sur lequel les autres agissent et qui agit sur eux ; cette action réciproque n’est pas douteuse ; mais ma volonté est indépendante de mes sens, je consens ou je résiste, je succombe ou je suis vainqueur, et je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j’ai voulu faire, ou quand je ne fais que céder à mes passions. J’ai toujours la puissance de vouloir, non la force d’exécuter. Quand je me livre aux tentations, j’agis selon l’impulsion des objets externes. Quand je me reproche cette faiblesse, je n’écoute que ma volonté, je suis esclave par mes vices, et libre par mes remords ; le sentiment de ma liberté ne s’efface en moi que quand je me déprave, et que j’empêche enfin la voix de l’âme de s’élever contre la loi du corps. Je ne connais la volonté que par le sentiment de la mienne.

ROUSSEAU

1997 S ANTILLES REMPLACEMENT Le progrès scientifique est-il lié à l’évolution des techniques ?

1997 S ANTILLES REMPLACEMENT La reproduction des oeuvres d’art nuit-elle à l’art ?

1997 S ANTILLES REMPLACEMENT Il y a cette différence entre les devoirs que la religion nous oblige à rendre à Dieu, et ceux que la société demande que nous rendions aux autres hommes, que les principaux devoirs de la religion sont intérieurs et spirituels : parce que Dieu pénètre les coeurs, et qu’absolument parlant il n’a nul besoin de ses créatures, et que les devoirs de la société sont presque tous extérieurs. Car outre que les hommes ne peuvent savoir nos sentiments à leur égard, si nous ne leur en donnons des marques sensibles, ils ont tous besoin les uns des autres, soit pour la conservation de leur vie, soit pour leur instruction particulière, soit enfin pour mille et mille secours dont ils ne peuvent se passer.

Ainsi exiger des autres les devoirs intérieurs et spirituels, qu’on ne doit qu’à Dieu, esprit pur, scrutateur des coeurs, seul indépendant et suffisant à lui-même, c’est un orgueil de démon. C’est vouloir dominer sur les esprits : c’est s’attribuer la qualité de scrutateur des coeurs. C’est en un mot exiger ce qu’on ne nous doit point.

MALEBRANCHE

1997 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Avons-nous quelque chose à apprendre de nos erreurs ?

1997 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT La violence peut-elle être un remède à l’injustice ?

1997 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Les hommes ne sont pas nés pour devenir astronomes, ou chimistes ; pour passer toute leur vie pendus à une lunette, ou attachés à un fourneau ; et pour tirer ensuite des conséquences assez utiles de leurs observations laborieuses. Je veux (1) qu’un astronome ait découvert le premier des terres, des mers, et des montagnes dans la lune ; qu’il se soit aperçu le premier des taches qui tournent sur le soleil, et qu’il en ait exactement calculé les mouvements. Je veux qu’un chimiste ait enfin trouvé le secret de fixer le mercure (...) : en sont-ils pour cela devenus plus sages et plus heureux ? Ils se sont peut être fait quelques réputation dans le monde ; mais s’ils y ont pris garde, cette réputation n’a fait qu’étendre leur servitude. Les hommes peuvent regarder l’astronomie, la chimie, et presque toutes les autres sciences comme des divertissements d’un honnête homme (2), mais ils ne doivent pas se laisser surprendre par leur éclat, ni les préférer à la science de l’homme.

MALEBRANCHE

(1) Je veux : je veux bien, je consens, j’admets.

(2) Un honnête homme : un homme accompli.

QUESTIONS :

1° Dégagez clairement la thèse du texte. Précisez l’argumentation de l’auteur.

2° Expliquez “s’ils y ont pris garde, cette réputation n’a fait qu’étendre leur servitude”.

3° La recherche de la sagesse et de l’épanouissement peut-elle être indépendante de la connaissance du monde ?

1997 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les mathématiques sont-elles une science comme les autres ?

1997 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Suffit-il de bien raisonner pour être raisonnable ?

1997 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les rapports entre les hommes sont-ils déterminés par leurs intérêts ?

1997 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les artistes nous apprennent-ils ce que nous sommes ?

1997 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE C’est une erreur de distinguer les passions en permises et défendues, pour se livrer aux premières et se refuser aux autres. Toutes sont bonnes quand on en reste le maître ; toutes sont mauvaises quand on s’y laisse assujettir. Ce qui nous est défendu par la nature, c’est d’étendre nos attachements plus loin que nos forces : ce qui nous est défendu par la raison, c’est de vouloir ce que nous ne pouvons obtenir, ce qui nous est défendu par la conscience n’est pas d’être tentés, mais de nous laisser vaincre aux tentations. Il ne dépend pas de nous d’avoir ou de n’avoir pas de passions, mais il dépend de nous de régner sur elles. Tous sentiments que nous dominons sont légitimes ; tous ceux qui nous dominent sont criminels. Un homme n’est pas coupable d’aimer la femme d’autrui, s’il tient cette passion malheureuse asservie à la loi du devoir ; il est coupable d’aimer sa propre femme au point d’immoler tout à son amour.

ROUSSEAU

1997 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pufendorf (1) dit que, tout de même qu’on transfère son bien à autrui par des conventions et des contrats, on peut aussi se dépouiller de sa liberté en faveur de quelqu’un. C’est là, ce me semble, un fort mauvais raisonnement. Car, premièrement, le bien que j’aliène (2) me devient une chose tout à fait étrangère, et dont l’abus m’est indifférent ; mais il importe qu’on n’abuse point de ma liberté, et je ne puis, sans me rendre coupable du mal qu’on me forcera de faire, m’exposer à devenir l’instrument du crime. De plus, le droit de propriété n’étant que de convention et d’institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu’il possède. Mais il n’en est pas de même des dons essentiels de la nature, tels que la vie et la liberté, dont il est permis à chacun de jouir, et dont il est moins douteux qu’on ait droit de se dépouiller : en s’ôtant l’un on dégrade son être, en s’ôtant l’autre on l’anéantit autant qu’il est en soi (3) ; et, comme nul bien temporel (4) ne peut dédommager de l’une et de l’autre, ce serait offenser à la fois la nature et la raison que d’y renoncer, à quelque prix que ce fût.

ROUSSEAU

(1) Pufendorf : théoricien du droit

(2) aliéner : au sens juridique, donner ou vendre (du latin alienus : qui appartient à un autre, étranger)

(3) autant qu’il en soit : entièrement

(4) temporel : qui appartient au domaine des choses matérielles (par opposition à ce qui est spirituel)

1997 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Comprend-on mieux ce dont on connaît l’histoire ?

1997 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’imagination est-elle créatrice ?

1997 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La géométrie est très utile pour rendre l’esprit attentif aux choses dont on veut découvrir les rapports ; mais il faut avouer qu’elle nous est quelquefois occasion d’erreur, parce que nous nous occupons si fort des démonstrations évidentes et agréables que cette science nous fournit, que nous ne considérons pas assez la nature (...).

On suppose, par exemple, que les planètes décrivent par leurs mouvements des cercles et des ellipses parfaitement régulières ; ce qui n’est point vrai. On fait bien de le supposer, afin de raisonner, et aussi parce qu’il s’en faut peu que cela ne soit vrai, mais on doit toujours se souvenir que le principe sur lequel on raisonne est une supposition. De même, dans les mécaniques on suppose que les roues et les leviers sont parfaitement durs et semblables à des lignes et à des cercles mathématiques sans pesanteur et sans frottement (...).

Il ne faut donc pas s’étonner si on se trompe, puisque l’on veut raisonner sur des principes qui ne sont point exactement connus ; et il ne faut pas s’imaginer que la géométrie soit inutile à cause qu’elle ne nous délivre pas de toutes nos erreurs. Les suppositions établies, elle nous le fait raisonner conséquemment. Nous rendant attentifs à ce que nous considérons, elle nous le fait connaître évidemment. Nous reconnaissons même par elle si nos suppositions sont fausses ; car étant toujours certains que nos raisonnements sont vrais, et l’expérience ne s’accordant point avec eux, nous découvrons que les principes supposés sont faux, mais dans la géométrie et l’arithmétique on ne peut n’en découvrir dans les sciences exactes (1) qui soit un peu difficile.

MALEBRANCHE

(1) au XVIIe siècle, sciences de la nature

1997 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le progrès technique ne pose-t-il de problèmes qu’au technicien ?

1997 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vérité est-elle ce qui désarme les conflits ?

1997 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les hommes ne sont naturellement ni rois, ni grands (1), ni courtisans, ni niches ; tous sont nés nus et pauvres, tous sujets aux misères de la vie, aux chagrins, aux maux, aux besoins, aux douleurs de toute espèce, enfin, tous sont condamnés à la mort. Voilà ce qui est vraiment de l’homme ; voilà de quoi nul mortel n’est exempt. Commencez donc par étudier de la nature humaine ce qui en est le plus inséparable, ce qui constitue le mieux de l’humanité. A seize ans l’adolescent sait ce que c’est que souffrir ; car il a souffert lui-même ; mais à peine sait-il que d’autres êtres souffrent aussi, le voir sans le sentir n’est pas le savoir, et, comme je l’ai dit cent fois, l’enfant n’imaginant point ce que sentent les autres ne connaît de maux que les siens : mais quand le premier développement des sens allume en lui le feu de l’imagination, il commence à se sentir dans ses semblables, à s’émouvoir de leurs plaintes et à souffrir de leurs douleurs. C’est alors que le triste tableau de l’humanité souffrante doit porter à son coeur le premier attendrissement qu’il ait jamais éprouvé.

ROUSSEAU

(1) grands : nobles

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte en expliquant le lien qui unit les deux paragraphes.

2° Expliquez les passages suivants du texte :

a) “les hommes ne sont naturellement ni rois, ni grands, ni courtisans, ni riches” ;

b) “il commence à se sentir dans ses semblables”.

3° La pitié est-elle ce qui caractérise le mieux l’humanité ?

1997 L ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Quel rapport y a-t-il entre les mathématiques et la réalité ?

1997 L ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Quelle différence y a-t-il entre expliquer un acte et juger de sa valeur morale ?

1997 L ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT On charge les hommes, dès l’enfance, du soin de leur honneur, de leur bien, de leurs amis, et encore du bien et de l’honneur de leurs amis. On les accable d’affaires, de l’apprentissage des langues et d’exercices, et on leur fait entendre qu’ils ne sauraient être heureux sans que leur santé, leur honneur, leur fortune et celle de leurs amis soient en bon état, et qu’une seule chose qui manque les rendrait malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. - Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux ! Que pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux ? - Comment ! ce qu’on pourrait faire ? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins, car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu’ils sont, d’où ils viennent, où ils vont ; et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner, et c’est pourquoi, après leur avoir tant préparé d’affaires, s’ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille, de l’employer à se divertir, à jouer, et à s’occuper toujours tout entier. Que le coeur de l’homme est creux et plein d’ordure (1).

PASCAL

(1) Ordure : impureté

1997 S ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT L’homme peut-il être humain sans la présence d’autrui ?

1997 S ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Le sentiment du beau est-il communicable ?

1997 S ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Tous les bons esprits répètent (...) qu’il n’y a de connaissances réelles que celles qui reposent sur des faits observés. Cette maxime fondamentale est évidemment incontestable, si on l’applique, comme il convient, à l’état viril (1) de notre intelligence. Mais en se reportant à la formation de nos connaissances, il n’en est pas moins certain que l’esprit humain, dans son état primitif, ne pouvait ni ne devait penser ainsi. Car, si d’un côté toute théorie positive doit nécessairement être fondée sur des observations, il est également sensible, d’un autre côté, que, pour se livrer à l’observation, notre esprit a besoin d’une théorie quelconque. Si, en contemplant les phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et, par conséquent, d’en tirer aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les retenir, et, le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos yeux.

COMTE

(1) viril : est à prendre au sens de "développé" ou "évolué"

1997 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Le droit et la morale obligent-ils de la même façon ?

1997 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT Peut-on à la fois préserver et dominer la nature ?

1997 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 REMPLACEMENT L’activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de foncièrement différent de l’activité de l’inventeur en mécanique, du savant astronome ou historien, du maître en tactique. Toutes ces activités s’expliquent si l’on se représente des hommes dont la pensée est active dans une direction unique, qui utilisent tout comme matière première, qui ne cessent d’observer diligemment (1) leur vie intérieure et celle d’autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens. Le génie ne fait rien que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme. Toute activité de l’homme est compliquée à miracles, non pas seulement celle du génie, mais aucune n’est un "miracle" - D’où vient donc cette croyance qu’il n’y a de génie que chez l’artiste, l’orateur et le philosophe ? qu’eux seuls ont une "intuition" ? Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d’autre part éprouver d’envie. Nommer quelqu’un "divin" c’est dire : "ici nous n’avons pas à rivaliser". En outre, tout ce qui est fini, parfait, excite l’étonnement, tout ce qui est en train de se faire est déprécié. Or, personne ne peut voir dans l’oeuvre de l’artiste comment elle s’est faite ; c’est son avantage, car partout où l’on peut assister à la formation, on est un peu refroidi...

NIETZSCHE

(1) avec une attention passionnée.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte.

2° Expliquez les passages suivants du texte :

a) "Le génie ne fait rien que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme" ;

b) "Mais aucune n’est un miracle" ;

c) "Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d’autre part éprouver d’envie".

3° L’activité du génie diffère-t-elle de toutes les autres comme on le pense généralement ?

1997 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE L’homme est-il le produit de son histoire ?

1997 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE Les hommes peuvent-ils en même temps être libres et égaux ?

1997 TECHN. GROUPEMENTS I-IV NORMALE N’est-ce pas ce qui fait la souveraineté de la culture musicale : rien ne pénètre davantage au fond de l’âme que le rythme et l’harmonie, rien ne s’attache plus fortement à elle en apportant la beauté ? Elle la rend belle, si du moins elle a été correctement pratiquée ; car, dans le contraire, c’est l’inverse.

D’un autre côté, celui qui l’a pratiquée comme il faut est tout particulièrement sensible à l’imperfection des oeuvres mal travaillées ou mal venus ; c’est à bon droit qu’il s’en détourne avec irritation pour accorder son approbation à celles qui sont belles ; y prenant plaisir et les accueillant en son âme, il s’en nourrit et devient homme accompli, c’est à bon droit qu’il dénonce la laideur et la prend en haine, tout jeune encore et avant même d’être capable de raisonner ; et lorsque la raison lui vient, celui qui a reçu une telle culture est tout disposé à lui accorder l’accueil empressé qu’on réserve à un parent proche.

PLATON

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation de ce texte.

2° Expliquez : "Rien ne pénètre davantage au fond de l’âme que le rythme et l’harmonie” et “Celui qui l’a pratiquée comme il faut est tout particulièrement sensible à l’imperfection des oeuvres mal travaillées".

3° L’art rend-il l’homme meilleur ?

1997 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE L’histoire est-elle ce qui arrive à l’homme ou ce qui arrive par l’homme ?

1997 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE Toute oeuvre d’art nous parle-t-elle de l’homme ?

1997 ES GROUPEMENTS II-III NORMALE L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre, et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.

Mais si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent.

L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, et qu’on peut les négliger pour ceux des autres.

MONTESQUIEU

1997 TECHN. GROUPEMENTS II-III NORMALE La conscience d’être libre peut-elle être illusoire ?

1997 TECHN. GROUPEMENTS II-III NORMALE Peut-on se passionner pour la vérité ?

1997 TECHN. GROUPEMENTS II-III NORMALE S’il n’y a pas d’histoire proprement dite là où les événements dérivent nécessairement et régulièrement les uns des autres, en vertu des lois constantes par lesquelles le système est régi (...), il n’y a pas non plus d’histoire, dans le vrai sens du mot, pour une suite d’événements qui seraient sans aucune liaison entre eux. Ainsi les registres (1) d’une loterie publique pourraient offrir une succession de coups singuliers, quelquefois piquants pour la curiosité, mais ne constitueraient pas une histoire : car les coups se succèdent sans s’enchaîner, sans que les premiers exercent aucune influence sur ceux qui les suivent, à peu prés comme dans ces annales où les prêtres de l’Antiquité avaient soin de consigner les monstruosités et les prodiges à mesure qu’ils venaient à leur connaissance. Tous ces événements merveilleux, sans liaison les uns avec les autres, ne peuvent former une histoire dans le vrai sens du terme, quoiqu’ils se succèdent suivant un certain ordre chronologique.

COURNOT

(1) registres = annales

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation de ce texte.

2°Expliquez : "Il n’y a pas d’histoire là où les événements dérivent nécessairement et régulièrement les uns des autres" et "Tous ces événements merveilleux, sans liaison les uns avec les autres, ne peuvent former une histoire".

3° Pourquoi la compréhension de l’histoire ne peut-elle se réduire à une simple chronologie ?

1997 ES INDE NORMALE Suffit-il d’être conscient de ses actes pour en être responsable ?

1997 ES INDE NORMALE Une société juste peut-elle s’accommoder d’inégalités ?

1997 ES INDE NORMALE Rien de plus singulier que le personnage de Hamlet (1). S’il ressemble par certains côtés à d’autres hommes, ce n’est pas par là qu’il nous intéresse le plus. Mais il est universellement accepté, universellement tenu pour vivant. C’est en ce sens seulement qu’il est d’une vérité universelle. De même pour les autres produits de l’art. Chacun d’eux est singulier, mais il finira, s’il porte la marque du génie, par être accepté de tous le monde. Pourquoi l’accepte-t-on ? Et s’il est unique en son genre, à quel signe reconnaît-on qu’il est vrai ? Nous le reconnaissons, je crois, à l’effort même qu’il nous amène à faire sur nous pour voir sincèrement à notre tour. La sincérité est communicative. Ce que l’artiste a vu, nous ne le reverrons pas, sans doute, du moins pas tout à fait de même, mais s’il a vu pour tout de bon, l’effort qu’il a fait pour écarter le voile s’impose à notre imitation. Son oeuvre est un exemple qui nous sert de leçon. Et à l’efficacité de la leçon se mesure précisément la vérité de l’oeuvre. La vérité porte donc en elle une puissance de conviction, de conversion même, qui est la marque à laquelle elle se reconnaît. Plus grande est l’oeuvre et plus profonde la vérité entrevue, plus l’effet pourra s’en faire attendre, mais plus aussi cet effet tendra à devenir universel.

BERGSON

1997 L INDE NORMALE Dissiper une illusion, est-ce seulement corriger une erreur ?

1997 L INDE NORMALE Qu’est-ce qu’un homme de bonne volonté ?

1997 L INDE NORMALE La perception est exactement une anticipation de nos mouvements et de leurs effets. Et sans doute la fin est toujours d’obtenir ou d’écarter quelque sensation, comme si je veux cueillir un fruit ou éviter le choc d’une pierre. Bien percevoir, c’est connaître d’avance quel mouvement j’aurai à faire pour arriver à ces fins. Celui qui perçoit bien sait d’avance ce qu’il a faire. Le chasseur perçoit bien qu’il sait retrouver ses chiens qu’il entend, il perçoit bien qu’il sait atteindre la perdrix qui s’envole. L’enfant perçoit mal lorsqu’il veut saisir la lune entre ses mains et ainsi du reste. Donc ce qu’il y a de vrai ou de douteux, ou de faux dans la perception, c’est cette évaluation, si sensible surtout à la vue dans la perspective et le relief, mais sensible aussi pour l’ouïe et l’odorat, et même sans doute pour un toucher exercé, quand les mains d’un aveugle palpent. Quand à la sensation elle-même, elle n’est ni douteuse, ni fausse ni par conséquent vraie ; elle est actuelle (1) toujours dès qu’on l’a. Ainsi ce qui est faux dans la perception d’un fantôme, ce n’est point ce que nos yeux nous font éprouver, lueur fugitive ou tache colorée, mais bien notre anticipation. Voir un fantôme c’est supposer, d’après les impressions visuelles, qu’en allongeant la main on toucherait quelque être animé (...). Mais pour ce que j’éprouve actuellement, sans aucun doute je l’éprouve ; il n’y a point de science de cela puisqu’il n’y a point d’erreur de cela.

Toute étude de ce que je ressens consiste toujours à savoir ce que cela signifie et comment cela varie avec mes mouvements.

ALAIN

(1) c’est-à-dire réelle

1997 S INDE NORMALE Faut-il travailler pour être heureux ?

1997 S INDE NORMALE La recherche scientifique est-elle une recherche de la vérité ?

1997 S INDE NORMALE Lorsqu’on déclare voir l’avenir, ce que l’on voit, ce ne sont pas les événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrement dit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être leurs signes qui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà : ils ne sont pas futurs, mais déjà présents aux voyants et c’est grâce à eux que l’avenir est conçu par l’esprit et prédit. Ces conceptions existent déjà, et ceux qui prédisent l’avenir les voient présentes en eux-mêmes.

Je voudrais faire appel à l’éloquence d’un exemple pris entre une foule d’autres. Je regarde l’aurore, j’annonce le proche lever du soleil. Ce que j’ai sous les yeux est présent, ce que j’annonce est futur : non point le soleil qui est déjà, mais son lever qui n’est pas encore. Pourtant si je n’avais pas une image mentale de ce lever même, comme à cet instant où j’en parle, il me serait impossible de le prédire. Mais cette aurore que j’aperçois dans le ciel n’est pas le lever du soleil, bien qu’elle le précède, pas davantage ne l’est l’image que je porte dans mon esprit : seulement toutes les deux sont présentes, je les vois et ainsi je puis dire d’avance ce qui va se passer. L’avenir n’est donc pas encore ; s’il n’est pas encore, il n’est pas et s’il n’est pas, il ne peut absolument pas se voir, mais on peut le prédire d’après les signes présents qui sont déjà et qui se voient.

AUGUSTIN

1997 TECHN. INDE NORMALE La raison a-t-elle besoin de douter ?

1997 TECHN. INDE NORMALE Une oeuvre d’art s’adresse-t-elle seulement aux hommes de son temps ?

1997 TECHN. INDE NORMALE Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance, il assure l’ordre ; par la résistance, il assure la liberté. Et il est bien clair que l’ordre et la liberté ne sont point séparables, car le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée à toute minute, n’enferme aucune liberté ; c’est une vie animale, livrée à tous hasards. Donc les deux termes, ordre et liberté, sont bien loin d’être opposés ; j’aime mieux dire qu’ils sont corrélatifs. La liberté ne va pas sans l’ordre, l’ordre ne vaut rien sans la liberté. Obéir en résistant, c’est tout le secret. Ce qui détruit l’obéissance est anarchie ; ce qui détruit la résistance est tyrannie. Ces deux maux s’appellent, car la tyrannie employant la force contre les opinions, les opinions, en retour, emploient la force contre la tyrannie, et, inversement, quand la résistance devient désobéissance, les pouvoirs ont beau jeu pour écraser la résistance, et ainsi deviennent tyranniques. Dès qu’un pouvoir use de force pour tuer la critique, il est tyrannique.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée générale du texte et précisez la structure de son argumentation.

2° Expliquez :

a) “Le jeu des forces, (...) n’enferme aucune liberté” ;

b) “Ce qui détruit l’obéissance est anarchie, ce qui détruit la résistance est tyrannie”.

3° Dans un développement progressif et argumenté, vous vous efforcerez de délimiter un droit du citoyen à la résistance.

1997 ES JAPON NORMALE Un artiste doit-il être original ?

1997 ES JAPON NORMALE Qu’est-ce qu’être maître de soi ?

1997 ES JAPON NORMALE Radicale est la différence entre la conscience de l’animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l’être dispose, elle est coextensive (1) à la frange d’action possible qui entoure l’action réelle : conscience est synonyme d’invention et de liberté. Or, chez l’animal, l’invention n’est jamais qu’une variation sur le thème de la routine. Enfermé dans les habitudes de l’espèce, il arrivera sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n’échappe à l’automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau : les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes ; en tirant sur sa chaîne, il ne réussit qu’à l’allonger. Avec l’homme, la conscience brise la chaîne. Chez l’homme, et chez l’homme seulement, elle se libère.

BERGSON

(1) coextensive : dont l’étendue coïncide avec

1997 L JAPON NORMALE Faire ce qu’on veut, est-ce faire ce qui plaît ?

1997 L JAPON NORMALE La connaissance commune est-elle, pour la connaissance scientifique, un point d’appui ou un obstacle ?

1997 L JAPON NORMALE Il n’y a donc pas et il ne saurait y avoir de régime politique absolument préférable à tous les autres, il y a seulement des états de civilisation plus perfectionnés les uns que les autres. Les institutions bonnes à une époque peuvent être et sont même le plus souvent mauvaises à une autre, et réciproquement. Ainsi, par exemple, l’esclavage, qui est aujourd’hui une monstruosité, était certainement, à son origine, une très belle institution, puisqu’elle avait pour objet d’empêcher le fort d’égorger le faible ; c’était un intermédiaire inévitable dans le développement général de la civilisation.

De même, en sens inverse, la liberté, qui, dans une proportion raisonnable, est si utile à un individu et à un peuple qui ont atteint un certain degré d’instruction et contracté quelques habitudes de prévoyance, parce qu’elle permet le développement de leurs facultés, est très nuisible à ceux qui n’ont pas encore rempli ces deux conditions, et qui ont indispensablement besoin, pour eux-mêmes autant que pour les autres, d’être tenus en tutelle. Il est donc évident qu’on ne saurait s’entendre sur la question absolue du meilleur gouvernement possible.

COMTE

1997 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Dire à quelqu’un "sois naturel", est-ce lui donner un bon conseil ?

1997 TECHN. LA RÉUNION NORMALE La conscience est-elle ce qui me rend libre ?

1997 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à un autre, que l’État est institué ; au contraire, c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est-à-dire conserve aussi bien qu’il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir. Non, je le répète, la fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’État est donc en réalité la liberté.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée principale du texte ?

2° Expliquer :

a) “ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte (...) que l’État est institué” ;

b) “son droit naturel d’exister et d’agir” ;

c) “la fin de l’État”.

3° Peut-on concilier le pouvoir de l’État et la liberté individuelle ?

1997 ES MÉTROPOLE NORMALE La vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

1997 ES MÉTROPOLE NORMALE Le respect n’est-il dû qu’à la personne ?

1997 ES MÉTROPOLE NORMALE À quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d’âme ne le créent certes pas de toutes pièces, ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui. Au fur et à mesure qu’ils nous parlent, des nuances d’émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l’image photographique qui n’a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l’artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l’imitation, je veux dire la peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.

BERGSON

1997 L MÉTROPOLE NORMALE Si le droit est relatif au temps et aux lieux, faut-il renoncer à l’idée d’une justice universelle ?

1997 L MÉTROPOLE NORMALE Dans quels domaines est-il légitime de prendre la nature comme modèle ?

1997 L MÉTROPOLE NORMALE Il me semble que l’erreur qu’on commet le plus ordinairement touchant les désirs est qu’on ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous de celles qui n’en dépendent point : car, pour celles qui ne dépendent que de nous, c’est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu’elles sont bonnes pour ne les pouvoir désirer avec trop d’ardeur, à cause que c’est suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous, et il est certain qu’on ne saurait avoir un désir trop ardent pour la vertu, outre que ce que nous désirons en cette façon ne pouvant manquer de nous réussir, puisque c’est de nous seuls qu’il dépend, nous en recevons toujours toute la satisfaction que nous en avons attendue. Mais la faute qu’on a coutume de commettre en ceci n’est jamais qu’on désire trop, c’est seulement qu’on désire trop peu ; et le souverain remède contre cela est de délivrer l’esprit autant qu’il se peut de toutes sortes d’autres désirs moins utiles, puis de tâcher de connaître bien clairement et de considérer avec attention la bonté de ce qui est à désirer.

DESCARTES

1997 S MÉTROPOLE NORMALE L’imaginaire et le réel se contredisent-ils ?

1997 S MÉTROPOLE NORMALE Ne doit-on tenir pour vrai que ce qui est scientifiquement prouvé ?

1997 S MÉTROPOLE NORMALE Peut-on changer le cours de l’histoire ?

1997 S MÉTROPOLE NORMALE Les hommes peuvent-ils avoir des droits sans avoir des devoirs ?

1997 S MÉTROPOLE NORMALE Il y a (...) deux vues classiques. L’une consiste à traiter l’homme comme le résultat des influences physiques, physiologiques et sociologiques qui le détermineraient du dehors et feraient de lui une chose entre les choses. L’autre consiste à reconnaître dans l’homme, en tant qu’il est esprit et construit la représentation des causes mêmes qui sont censées agir sur lui, une liberté acosmique (1). D’un côté l’homme est une partie du monde, de l’autre il est conscience constituante du monde. Aucune de ces deux vues n’est satisfaisante. À la première on opposera toujours (...) que si l’homme était une chose entre les choses, il ne saurait en connaître aucune, puisqu’il serait, comme cette chaise ou comme cette table, enfermé dans ses limites, présent en un certain lieu de l’espace et donc incapable de se les représenter tous. Il faut lui reconnaître une manière d’être très particulière, l’être intentionnel, qui consiste à viser toutes choses et à ne demeurer en aucune. Mais si l’on voulait conclure de là que par notre fond nous sommes esprit absolu, on rendrait incompréhensibles nos attaches corporelles et sociales, notre insertion dans le monde, on renoncerait à penser la condition humaine.

MERLEAU-PONTY

(1) liberté acosmique : qui ne dépend pas de notre "insertion dans le monde".

1997 S MÉTROPOLE NORMALE C’est beaucoup que d’avoir fait régner l’ordre et la paix dans toutes les parties de la république ; c’est beaucoup que l’État soit tranquille et la loi respectée : mais si l’on ne fait rien de plus, il y aura dans tout cela plus d’apparence que de réalité, et le gouvernement se fera difficilement obéir s’il se borne à l’obéissance. S’il est bon de savoir employer les hommes tels qu’ils sont ; il vaut beaucoup mieux encore les rendre tels qu’on a besoin qu’ils soient, l’autorité la plus absolue est celle qui pénètre jusqu’à l’intérieur de l’homme, et ne s’exerce pas moins sur la volonté que sur les actions. Il est certain que les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être. Guerriers, citoyens, hommes, quand il le veut ; populace et canaille quand il lui plaît : et tout prince qui méprise ses sujets se déshonore lui même en montrant qu’il n’a pas su les rendre estimables. Formez donc des hommes si vous voulez commander à des hommes : si vous voulez qu’on obéisse aux lois, faites qu’on les aime, et que pour faire ce qu’on doit, il suffise de songer qu’on doit le faire.

ROUSSEAU

1997 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’art peut-il nous affranchir de l’ordre du temps ?

1997 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les vérités scientifiques ne sont-elles que conventionnelles ?

1997 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Je puis vouloir une éclipse, ou simplement un beau soleil qui sèche le grain, au lieu de cette tempête grondeuse et pleureuse, je puis, à force de vouloir, espérer et croire enfin que les choses iront comme je veux ; mais elles vont leur train. D’où je vois bien que ma prière est d’un nigaud. Mais quand il s’agit de mes frères les hommes, ou de mes soeurs les femmes, tout change. Ce que je crois finit souvent par être vrai. Si Je me crois haï, je serai haï ; pour l’amour de même. Si je crois que l’enfant que j’instruis est incapable d’apprendre, cette croyance écrite dans mes regards et dans mes discours le rendra stupide, au contraire, ma confiance et mon attente est comme un soleil qui mûrira les fleurs et les fruits du petit bonhomme. Je prête, dites-vous, à la femme que j’aime, des vertus qui elle n’a point, mais si elle sait que je crois en elle, elle les aura. Plus ou moins, mais il faut essayer ; il faut croire. Le peuple, méprisé, est bientôt méprisable, estimez-le, il s’élèvera. La défiance a fait plus d’un voleur ; une demi-confiance est comme une injure ; mais si je savais la donner toute, qui donc me tromperait ? Il faut donner d’abord.

ALAIN

1997 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Un art peut-il se passer de règles ?

1997 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les hommes font-ils leur propre histoire ?

1997 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Supposons que quelqu’un affirme, en parlant de son penchant au plaisir, qu’il lui est tout à fait possible d’y résister quand se présentent l’objet aimé et l’occasion : si, devant la maison où il rencontre cette occasion, une potence était dressée pour l’y attacher aussitôt qu’il aurait satisfait sa passion, ne triompherait-il pas alors de son penchant ? On ne doit pas chercher longtemps ce qu’il répondrait. Mais demandez-lui si, dans le cas où son prince lui ordonnerait, en le menaçant d’une mort immédiate, de porter un faux témoignage contre un honnête homme qu’il voudrait perdre sous un prétexte plausible, il tiendrait comme possible de vaincre son amour pour la vie, si grand qu’il puisse être. Il n’osera peut-être assurer qu’il le ferait ou qu’il ne le ferait pas, mais il accordera sans hésiter que cela lui est possible. Il juge donc qu’il peut faire une chose, parce qu’il a conscience qu’il doit le faire et reconnaît ainsi sa liberté qui, sans loi morale, lui serait restée inconnue.

KANT

1997 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’histoire peut-elle justifier le mal ?

1997 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’artiste doit-il chercher à plaire ?

1997 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ce qui exigeait un génie vraiment supérieur, c’était de chercher et de découvrir dans les phénomènes les plus vulgaires, dans la chute d’une pierre, dans les balancements d’une lampe suspendue, ce que tant de philosophes, tant de docteurs, tant de raisonneurs sur les choses divines et humaines avaient eu sous les yeux depuis des milliers d’années, sans songer qu’il y eût là quelque chose à chercher et à découvrir. De tout temps le genre humain avait senti le besoin de l’observation et de l’expérience, avait vécu d’observations bien ou mal conduites, rattachées tant bien que mal à des théories plus ou moins aventureuses : mais l’expérience précise, numérique, quantitative, et surtout l’expérience indirecte qui utilise les relations mathématiques pour mesurer, à l’aide de grandeurs sur lesquelles nos sens et nos instruments ont prise, d’autres grandeurs insaisissables directement, à cause de leur extrême grandeur ou de leur extrême petitesse, voilà ce dont les plus doctes n’avaient pas l’idée. On ne songeait pas à diriger systématiquement l’expérience, de manière à forcer la Nature à livrer son secret, à dévoiler la loi mathématique, simple et fondamentale, qui se dérobe à la faiblesse de nos sens ou que masque la complication des phénomènes.

COURNOT

1997 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’ignorance est-elle une excuse ?

1997 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il enterrer le passé ?

1997 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Si dans une Cité les sujets ne prennent pas les armes parce qu’ils sont sous l’empire de la terreur, on doit dire, non que la paix y règne, mais plutôt que la guerre n’y règne pas. La paix en effet n’est pas la simple absence de guerre, elle est une vertu qui a son origine dans la force d’âme car l’obéissance est une volonté constante de faire ce qui, suivant le droit de la cité, doit être fait. Une Cité (...) où la paix est un effet de l’inertie des sujets conduits comme un troupeau et formés uniquement à la servitude, peut être appelée "solitude", plutôt que "Cité".

Quand nous disons que l’État le meilleur est celui où les hommes vivent dans la concorde, j’entends qu’ils vivent d’une vie proprement humaine, d’une vie qui ne se définit point par la circulation du sang et l’accomplissement des autres fonctions communes à tous les autres animaux.

SPINOZA

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation de ce texte.

2° Expliquez :

a) “La paix n’est pas la simple absence de guerre” ;

b) “faire ce qui, suivant le droit de la Cité, doit être fait” ;

c) “ils vivent d’une vie proprement humaine...”.

3° Peut-on être libre sans exercer sa citoyenneté ?

1997 L MÉTROPOLE SECOURS À quoi reconnaît-on l’humanité en chaque homme ?

1997 L MÉTROPOLE SECOURS Le savoir exclut-il toute forme de croyance ?

1997 L MÉTROPOLE SECOURS À quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d’âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui. Au fur et à me sure qu’ils nous parlent, des nuances d’émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l’image photographique qui n’a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l’artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l’imitation, je veux dire la peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes.

BERGSON

1997 ES POLYNÉSIE NORMALE Pourquoi un fait devrait-il être établi ?

1997 ES POLYNÉSIE NORMALE S’il y a une beauté naturelle, rend-elle l’art inutile ?

1997 ES POLYNÉSIE NORMALE A un esclave, oui, je donnerais des conseils, et s’il arrivait qu’il ne consente pas à les suivre, je l’y contraindrais. Mais un père ou une mère, je tiens pour impie de les contraindre sauf en cas de folie. En revanche, s’ils mènent une vie régulière, qui leur plaît à eux, mais pas à moi, il ne faut ni les irriter en vain par des reproches ni, bien sûr, se mettre à leur service, fût-ce pour les flatter, en leur procurant la satisfaction de désirs, alors que personnellement je n’accepterais pas de vivre en chérissant de tels désirs. C’est donc en ayant le même état d’esprit à l’égard de la cité qui est la sienne que doit vivre le sage. Si le régime politique de cette cité ne lui semble pas être bon, qu’il le dise, si, en le disant, il ne doit ni parler en vain ni risquer la mort, mais qu’il n’use pas contre sa patrie de la violence qu’entraîne un renversement du régime politique. Quand il n’est pas possible d’assurer l’avènement du meilleur (régime politique) sans bannir et sans égorger les hommes, il vaut mieux rester tranquille et prier pour son bien personnel et pour celui de la cité.

PLATON

1997 S POLYNÉSIE NORMALE Le passionné est-il l’ennemi de lui-même ?

1997 S POLYNÉSIE NORMALE À quoi peut-on reconnaître la vérité ?

1997 S POLYNÉSIE NORMALE Cette espérance en des temps meilleurs, sans laquelle jamais un réel désir d’accomplir quelque chose qui aille dans le sens du bien général n’aurait enflammé le coeur humain, a aussi toujours eu une influence sur l’activité des bons esprits. (...) Malgré le triste spectacle non pas tant des maux d’origine naturelle qui pèsent sur le genre humain, que de ceux que les hommes s’infligent à eux mêmes les uns les autres, l’esprit s’éclaire pourtant devant la perspective que l’avenir sera peut-être meilleur, et il le fait certes avec une bienveillance désintéressée, étant donné que nous serons depuis longtemps dans la tombe et ne récolterons pas les fruits de ce nous aurons nous-mêmes en partie semé. Les arguments empiriques déployés contre le succès de ces résolutions inspirées par l’espoir sont ici sans effet. Car la proposition selon laquelle ce qui jusqu’à maintenant n’a pas encore réussi ne doit pour cette raison jamais réussir non plus, ne justifie même pas qu’on abandonne une intention pragmatique (1) ou technique (comme par exemple les voyages aériens avec des ballons aérostatiques), mais encore moins qu’on abandonne une intention morale qui, dès que sa réalisation ne peut pas être démontrée impossible, devient un devoir.

KANT

(1) pragmatique est à prendre au sens d’utilitaire

1997 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Une passion peut-elle résister au temps ?

1997 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Y a-t-il un droit à l’erreur ?

1997 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT A l’égard de l’égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes, mais que, quant à la puissance, elle soit au-dessous de toute violence et ne s’exerce jamais qu’en vertu du rang et des lois, et, quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre. Ce qui suppose, du côté des grands, modération de biens et de crédit, et du côté des petits, modération d’avarice et de convoitise. Cette égalité, disent-ils (1), est une chimère de spéculation qui ne peut exister dans la pratique. Mais si l’abus est inévitable, s’ensuit-il qu’il ne faille pas au moins le régler ? C’est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir.

ROUSSEAU

(1) disent-ils : dira-t-on

1997 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’erreur a-t-elle un rôle dans l’élaboration de la vérité ?

1997 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Étudier l’économie, est-ce étudier l’homme ?

1997 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Tu oublies encore une fois, mon ami, que la loi ne se préoccupe pas d’assurer un bonheur exceptionnel à une classe de citoyens, mais qu’elle s’efforce de réaliser le bonheur de la cité toute entière, en unissant les citoyens par la persuasion ou la contrainte, et en les amenant à se faire part les uns aux autres des avantages que chaque classe peut apporter à la communauté ; et que, si elle forme de tels hommes dans la cité, ce n’est point pour les laisser libres de se tourner du côté qu’il leur plaît, mais pour les faire concourir à fortifier le lien de l’État.

PLATON

1997 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Les valeurs morales sont-elles relatives ?

1997 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Choisit-on d’être celui qu’on est ?

1997 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Il faut toujours remonter de l’apparence à la chose ; il n’y a point au monde de lunette ni d’observatoire d’où l’on voit autre chose que des apparences. La perception droite, ou, si l’on veut, la science, consiste à se faire une idée exacte de la chose, d’après laquelle idée on pourra expliquer toutes les apparences. Par exemple, on peut penser le soleil à deux cents pas en l’air ; on expliquera ainsi qu’il passe au-dessus des arbres et de la colline, mais on n’expliquera pas bien que les ombres soient toutes parallèles ; on expliquera encore moins que le soleil se couche au delà des objets les plus lointains ; on n’expliquera nullement comment deux visées vers le centre du soleil, aux deux extrémités d’une base de cent mètres, soient comme parallèles. Et, en suivant cette idée, on arrive peu à peu à reculer le soleil, d’abord au delà de la lune, et ensuite bien loin au delà de la lune, d’où l’on conclura que le soleil est fort gros. Je ne vois point que le soleil est bien plus gros que la terre, mais je pense qu’il est ainsi. Il n’y a point d’instrument qui me fera voir cette pensée comme vraie. Cette remarque assez simple mettrait sans doute un peu d’ordre dans ces discussions que l’on peut lire partout sur la valeur des hypothèses scientifiques. Car ceux qui se sont instruits trop vite et qui n’ont jamais réfléchi sur des exemples simples, voudraient qu’on leur montre la vérité comme on voit la lune grossie dans une lunette.

ALAIN

1997 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Avons-nous besoin de rêver ?

1997 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’État doit-il être sans pitié ?

1997 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Il semble que le savoir scientifique acquis soit toujours essayé, toujours contrôlé, toujours critiqué. Un peu de doute potentiel reste toujours en réserve dans les notions scientifiques (...). On ne l’élimine pas par une expérience réussie. Il pourra renaître, s’actualiser quand une autre expérience est rencontrée. Et, précisément, à la différence de la connaissance commune, la connaissance scientifique est faite de la rencontre d’expériences nouvelles ; elle prend son dynamisme de la provocation d’expériences qui débordent le champ d’expériences anciennes. On n’est donc jamais sûr que ce qui fut fondamental le restera. Le dogmatisme scientifique est un dogmatisme qui s’émousse. Il peut trancher un débat actuel et cependant être un embarras quand l’expérience enjoint de "remettre en question" une notion. Tout savoir scientifique est ainsi soumis à une autocritique. On ne s’instruit, dans les sciences modernes, qu’en critiquant sans cesse son propre savoir.

BACHELARD

1997 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU REMPLACEMENT En quel sens peut-on dire que la vérité s’impose ?

1997 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU REMPLACEMENT La loi est-elle une garantie contre l’injustice ?

1997 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU REMPLACEMENT Il existe un préjugé très répandu, d’après lequel l’art a débuté par le simple et le naturel. Ceci peut être vrai dans une certaine mesure, car, par rapport à l’art, le grossier et le sauvage constituent le plus simple ; les vrais débuts, tels que les conçoit l’art, sont tout autre chose. Les débuts simples et naturels, au sens du grossier et du sauvage, n’ont rien à voir avec l’art et la beauté, comme n’ont rien d’artistique les figures simples dessinées par les enfants, par exemple, qui, avec quelques traits informes, tracent une figure humaine, un cheval, etc. La beauté, en tant qu’oeuvre d’art, a besoin, dès ses débuts, d’une technique élaborée, exige de nombreux essais et un long exercice, et le simple, en tant que simplicité du beau, la grandeur idéale, est plutôt un résultat obtenu après de nombreuses médiations qui avaient pour but d’éliminer la variété, les exagérations, les confusions, le malaisé, sans que cette victoire se ressente des travaux préliminaires, du travail de préparation et d’élaboration, de façon que la beauté surgisse dans toute sa liberté, apparaisse comme faite d’une seule coulée.

HEGEL

QUESTIONS :

a) Quel préjugé Hegel combat-il dans ce texte ?

b) Comment établit-il la distinction entre deux forme de "naturel" ?

c) Quelle thèse soutient-il ?

2° Expliquez :

a) "la beauté, en tant qu’oeuvre d’art, a besoin, dès ses débuts, d’une technique élaborée" ;

b) "le simple (...) est plutôt un résultat obtenu après de nombreuses médiations".

3° Y a-t-il du naturel dans l’art ?

1998 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on dire des vérités scientifiques qu’elles sont provisoires ?

1998 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-ce l’ignorance de ce que nous sommes qui fait la force de nos passions ?

1998 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il ne serait pas raisonnable de croire que les peuples se sont d’abord jetés entre les bras d’un maître absolu, sans conditions et sans retour, et que le premier moyen de pourvoir à la sûreté commune, qu’aient imaginé des hommes fiers et indomptés, a été de se précipiter dans l’esclavage. En effet, pourquoi se sont-ils donné des supérieurs, si ce n’est pour les défendre contre l’oppression, et protéger leurs biens, leurs libertés et leurs vies, qui sont, pour ainsi dire, les éléments constitutifs de leur être ? Or, dans les relations d’homme à homme, le pis qui puisse arriver à l’un étant de se voir à la discrétion de l’autre, n’eût-il pas été contre le bon sens de commencer par se dépouiller entre les mains d’un chef des seules choses, pour la conservation desquelles ils avaient besoin de son secours ? Quel équivalent eût-il pu leur offrir pour la concession d’un si beau droit ? et s’il eût osé l’exiger sous le prétexte de les défendre, n’eût-il pas aussitôt reçu la réponse de l’apologue (1) : "Que nous fera de plus l’ennemi ?" Il est donc incontestable, et c’est la maxime fondamentale de tout le droit politique, que les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté, et non pour les asservir.

ROUSSEAU

(1) apologue : petite fable visant à illustrer une leçon morale

1998 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Qu’est-ce qu’un État libre ?

1998 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Doit-on apprendre à devenir soi -même ?

1998 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Quand se présente un objet ou un événement naturels, toute notre sagacité et toute notre pénétration sont impuissantes à découvrir ou même à conjecturer sans expérience quel événement en résultera ou à porter nos prévisions au-delà de l’objet immédiatement présent à la mémoire et aux sens. Même après un cas ou une expérience unique où nous avons observé qu’un événement en suivait un autre, nous ne sommes pas autorisés à former une règle générale ou à prédire ce qui arrivera dans des cas analogues ; car on tiendrait justement pour une impardonnable témérité de juger du cours entier de la nature par une expérience isolée, même précise ou certaine. Mais quand une espèce particulière d’événements a toujours, dans tous les cas, été conjointe à une autre, nous n’hésitons pas plus longtemps à prédire l’une à l’apparition de l’autre et à employer ce raisonnement qui peut seul nous apporter la certitude sur une question de fait ou d’existence. Nous appelons alors l’un des objets cause et l’autre effet. Nous supposons qu’il y a une connexion entre eux, et un pouvoir dans l’un qui lui fait infailliblement produire l’autre et le fait agir avec la plus grande certitude et la plus puissante nécessité.

HUME

1998 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Obéir me dégage-t-il de toute responsabilité ?

1998 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Faut-il recourir à la notion d’inspiration pour rendre compte de la production artistique ?

1998 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’arithmétique n’est pas plus que la géométrie une promotion naturelle d’une raison immuable. L’arithmétique n’est pas fondée sur la raison. C’est la doctrine de la raison qui est fondée sur l’arithmétique élémentaire. Avant de savoir compter, je ne savais guère ce qu’était la raison. En général, l’esprit doit se plier aux conditions du savoir. Il doit créer en lui une structure correspondant à la structure du savoir. Il doit se mobiliser autour d’articulations qui correspondent aux dialectiques du savoir. Que serait une fonction sans des occasions de fonctionner ? Que serait une raison sans des occasions de raisonner ? La pédagogie de la raison doit donc profiter de toutes les occasions de raisonner. Elle doit chercher la variété des raisonnements, ou mieux du raisonnement [...]. La raison, encore une fois, doit obéir à la science.

BACHELARD

1998 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Prendre son temps est-ce le perdre ?

1998 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE N’y a-t-il de science que de ce qui est mathématisable ?

1998 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE S’il était découvert que l’espèce humaine, considérée dans sa totalité, a avancé et a été en train de progresser même aussi longtemps que l’on voudra, personne ne pourrait pourtant assurer que n’intervienne désormais, à cet instant précis, en raison des dispositions physiques de notre espèce, l’époque de son recul ; et inversement, si l’on marche à reculons et vers le pire en une chute accélérée, on ne doit pas écarter l’espoir de pouvoir rencontrer le point d’inflexion, précisément là où, en raison des dispositions morales de notre espèce, le cours de celle -ci se retournerait vers le mieux. Car nous avons affaire à des êtres agissant librement, auxquels certes se peut à l’avance dicter ce qu’ils doivent faire, mais ne se peut prédire ce qu’ils feront, et qui, du sentiment des maux qu’ils s’infligèrent à eux -mêmes, savent, si cela empire vraiment, retirer un motif renforcé de faire désormais mieux que ce n’était en tout cas avant cette situation.

KANT

1998 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La vérité est-elle soumise au temps ?

1998 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Expliquer, est-ce justifier ?

1998 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Comment nous comportons-nous vis-à-vis des actes d’un homme de notre entourage ? Tout d’abord nous considérons ce qu’il en résulte pour nous, nous ne les considérons que sous ce point de vue. Cet effet causé sur nous, nous y voyons l’intention de l’acte et pour finir nous attribuons à cet homme comme un caractère permanent le fait d’avoir eu de telles intentions, et désormais nous le qualifions, par exemple, d’"homme nuisible". Triple erreur ! Triple méprise, vieille comme le monde ! [...]. Ne faut-il pas chercher l’origine de toute morale dans ces horribles petites conclusions : "ce qui me nuit est quelque chose de mauvais (de nuisible en soi) ; ce qui m’est utile est quelque chose de bon (de bienfaisant et d’utile en soi), ce qui me nuit une ou plusieurs fois est hostile en soi et foncièrement ; ce qui m’est utile une ou plusieurs fois est amical en soi et foncièrement. "O pudenda origo" (1) ! Cela ne revient-il pas à interpréter les misérables relations occasionnelles et souvent fortuites d’un autre à nous comme si ces relations étaient l’essence et le fond de son être, et prétendre qu’envers tout le monde et envers soi-même il n’est capable que de relations semblables à celles dont nous avons fait une ou plusieurs fois l’expérience ? Et derrière cette véritable folie n’y a-t-il pas la plus immodeste de toutes les arrière-pensées : croire qu’il faut que nous soyons nous-mêmes le principe du bien puisque le bien et le mal se mesurent d’après nous ?

NIETZSCHE

(1) Ô honteuse origine

1998 ES ANTILLES NORMALE Peut-on se connaître soi-même ?

1998 ES ANTILLES NORMALE Parler, n’est-ce pas toujours en un sens donner sa parole ?

1998 ES ANTILLES NORMALE L’homme sauvage, quand il a dîné, est en paix avec toute la nature, et l’ami de tous ses semblables. S’agit-il quelquefois de disputer son repas ? Il n’en vient jamais aux coups sans avoir auparavant comparé la difficulté de vaincre avec celle de trouver ailleurs sa subsistance et comme l’orgueil ne se mêle pas du combat, il se termine par quelques coups de poing. Le vainqueur mange, le vaincu va chercher fortune, et tout est pacifié, mais chez l’homme en société, ce sont bien d’autres affaires ; il s’agit premièrement de pourvoir au nécessaire, et puis au superflu ; ensuite viennent les délices, et puis les immenses richesses, et puis des sujets, et puis des esclaves ; il n’a pas un moment de relâche. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que moins les besoins sont naturels et pressants, plus les passions augmentent, et, qui pis est, le pouvoir de les satisfaire ; de sorte qu’après de longues prospérités, après avoir englouti bien des trésors et désolé bien des hommes, mon héros finira par tout égorger jusqu’à ce qu’il soit l’unique maître de l’univers. Tel est en abrégé le tableau moral, sinon de la vie humaine, au moins des prétentions secrètes du coeur de tout homme civilisé.

ROUSSEAU

1998 L ANTILLES NORMALE Est-il juste de dire que seul le présent existe ?

1998 L ANTILLES NORMALE L’amitié est-elle la forme idéale du rapport à autrui ?

1998 L ANTILLES NORMALE L’expérience paraît enseigner cependant que, dans l’intérêt de la paix et de la concorde, il convient que tout le pouvoir appartienne à un seul. Nul État en effet n’est demeuré aussi longtemps sans aucun changement notable que celui des Turcs (1) et en revanche nulles cités n’ont été moins durables que les Cités populaires ou démocratiques, et il n’en est pas où se soient élevées plus de séditions. Mais si la paix doit porter le nom de servitude, de barbarie et de solitude, il n’est rien pour les hommes de si lamentable que la paix. Entre les parents et les enfants il y a certes plus de querelles et des discussions plus âpres qu’entre maîtres et esclaves, et cependant il n’est pas de l’intérêt de la famille ni de son gouvernement que l’autorité paternelle se change en une domination et que les enfants soient tels que des esclaves. C’est donc la servitude, non la paix, qui demande que tout le pouvoir soit aux mains d’un seul : ainsi que nous l’avons déjà dit, la paix ne consiste pas dans l’absence de guerre, mais dans l’union des âmes, c’est-à-dire dans la concorde.

SPINOZA

(1) allusion à l’empire ottoman

1998 S ANTILLES NORMALE Faut-il accorder de l’importance aux mots ?

1998 S ANTILLES NORMALE Dans quelle mesure une connaissance scientifique donne-t-elle du pouvoir sur l’avenir ?

1998 S ANTILLES NORMALE Pour éviter de heurter, je dois faire ici remarquer que, lorsque je nie que la justice soit une vertu naturelle, je fais usage du mot naturel uniquement en tant qu’opposé à artificiel. Dans un autre sens du mot, comme il n’y a pas de principe de l’esprit humain qui soit plus naturel qu’un sens de la vertu, de même il n’y a pas de vertu plus naturelle que la justice. L’espèce humaine est une espèce inventive et quand une invention est évidente et absolument nécessaire, on peut la dire naturelle tout aussi justement qu’on le dit de toute chose qui procède de principes originels immédiatement et sans l’intervention de la pensée et de la réflexion. Bien que les lois de la justice soient artificielles, elles ne sont pas arbitraires. Et elle n’est pas impropre, l’expression qui les appelle des lois de nature, si par naturel nous entendons ce qui est commun à une espèce, ou même si nous en limitons le sens à ce qui est inséparable de l’espèce.

HUME

1998 TECHN. ANTILLES NORMALE Toutes les contraintes sociales sont-elles des oppressions ?

1998 TECHN. ANTILLES NORMALE La nature nous fournit-elle des outils ?

1998 TECHN. ANTILLES NORMALE Afin de ne pas perdre courage et de ne pas succomber au dégoût, parmi des oisifs débiles (1) et incorrigibles, ou parmi des compagnons qui ne sont actifs qu’en apparence mais en réalité seulement agités et frétillants, l’homme d’action jette un regard en arrière et interrompt un moment sa course, ne fût-ce que pour reprendre haleine. Mais son but est toujours un bonheur, pas nécessairement son propre bonheur, mais celui d’une nation ou de l’humanité tout entière. Il répugne à la résignation et il use de l’histoire comme d’un remède à la résignation. Il ne peut le plus souvent compter sur aucune récompense, si ce n’est la gloire, c’est-à-dire le droit d’occuper une place d’honneur dans le temple de l’histoire (2), où il pourra servir de maître, de consolateur ou d’avertissement pour la postérité (3). Car la loi qu’il reconnaît, c’est que tout ce qui a jamais été capable d’élargir et d’embellir la notion de "l’homme" doit rester éternellement présent, afin de maintenir éternellement présente cette possibilité.

NIETZSCHE

(1) débiles : sans (véritable) énergie

(2) temple de l’histoire : ce que retient l’histoire

(3) postérité : les générations futures

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte en analysant la valeur originale que l’auteur accorde à l’histoire.

a) expliquez : "il use de l’histoire comme d’un remède à la résignation" ;

b) expliquez la dernière phrase.

3° À quoi l’histoire peut-elle servir ?

1998 ES ANTILLES REMPLACEMENT De quoi pouvons-nous être sûrs ?

1998 ES ANTILLES REMPLACEMENT Faut-il préférer l’injustice au désordre ?

1998 ES ANTILLES REMPLACEMENT Il y a un objet culturel qui va jouer un rôle essentiel dans la perception d’autrui : c’est le langage. Dans l’expérience du dialogue, il se constitue entre autrui et moi un terrain commun, ma pensée et la sienne ne font qu’un seul tissu, mes propos et ceux de l’interlocuteur sont appelés par l’état de la discussion, ils s’insèrent dans une opération commune dont aucun de nous n’est le créateur. [...] Nous sommes l’un pour l’autre collaborateurs dans une réciprocité parfaite, nos perspectives glissent l’une dans l’autre, nous coexistons à travers un même monde. Dans le dialogue présent, je suis libéré de moi-même, les pensées d’autrui sont bien des pensées siennes, ce n’est pas moi qui les forme, bien que je les saisisse aussitôt nées ou que je les devance, et même, l’objection que me fait l’interlocuteur m’arrache des pensées que je ne savais pas posséder, de sorte que si je lui prête des pensées, il me fait penser en retour.

MERLEAU-PONTY

1998 L ANTILLES REMPLACEMENT Est-il insensé de vouloir transformer l’homme ?

1998 L ANTILLES REMPLACEMENT À quoi reconnaît-on un jugement vrai ?

1998 L ANTILLES REMPLACEMENT Le corps politique, aussi bien que le corps de l’homme, commence à mourir dès sa naissance et porte en lui-même les causes de sa destruction. Mais l’un et l’autre peut avoir une constitution plus ou moins robuste et propre à le conserver plus ou moins longtemps. La constitution de l’homme est l’ouvrage de la nature, celle de l’État est l’ouvrage de l’art. Il ne dépend pas des hommes de prolonger leur vie, il dépend d’eux de prolonger celle de l’État aussi loin qu’il est possible, en lui donnant la meilleure constitution qu’il puisse avoir. Le mieux constitué finira, mais plus tard qu’un autre, si nul accident imprévu n’amène sa perte avant le temps.

Le principe de la vie politique est dans l’autorité souveraine. La puissance législative est le coeur de l’État, la puissance exécutive en est le cerveau, qui donne le mouvement à toutes les parties. Le cerveau peut tomber en paralysie et l’individu vivre encore. Un homme reste imbécile et vit : mais sitôt que le coeur a cessé ses fonctions, l’animal est mort.

Ce n’est point par les lois que l’État subsiste, c’est par le pouvoir législatif.

ROUSSEAU

1998 S ANTILLES REMPLACEMENT La spontanéité est-elle une marque de liberté ?

1998 S ANTILLES REMPLACEMENT Les vérités mathématiques constituent-elles le modèle de toute vérité ?

1998 S ANTILLES REMPLACEMENT Rien ne peut s’opposer à une impulsion passionnelle, rien ne peut retarder une impulsion passionnelle qu’une impulsion contraire ; si cette impulsion contraire naissait parfois de la raison, cette faculté devrait avoir une influence primitive sur la volonté et elle devrait être capable de produire, aussi bien que d’empêcher, un acte de volition. Mais, si la raison n’a pas d’influence primitive, il est impossible qu’elle puisse contrebalancer un principe qui a ce pouvoir ou qu’elle puisse faire hésiter l’esprit un moment. Il apparaît ainsi que le principe, qui s’oppose à notre passion, ne peut s’identifier à la raison et que c’est improprement qu’on l’appelle de ce nom. Nous ne parlons ni avec rigueur ni philosophiquement lorsque nous parlons du combat de la passion et de la raison.

HUME

1998 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Y a-t-il un progrès dans l’art ?

1998 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Sommes-nous conscients ou avons-nous à nous rendre conscients ?

1998 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Pufendorf (1) dit que, tout de même qu’on transfère son bien à autrui par des conventions et des contrats, on peut aussi se dépouiller de sa liberté en faveur de quelqu’un. C’est là, ce me semble, un fort mauvais raisonnement ; car premièrement le bien que j’aliène (2) me devient une chose tout à fait étrangère, et dont l’abus m’est indifférent, mais il m’importe qu’on n’abuse point de ma liberté, et je ne puis sans me rendre coupable du mal qu’on me forcera de faire, m’exposer à devenir l’instrument du crime. De plus, le droit de propriété n’étant que de convention et d’institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu’il possède : mais il n’en est pas de même des dons essentiels de la nature, tels que la vie et la liberté, dont il est permis à chacun de jouir... En s’ôtant l’une on dégrade son être ; en s’ôtant l’autre on l’anéantit autant qu’il est en soi ; et comme nul bien temporel ne peut dédommager de l’une et de l’autre, ce serait offenser à la fois la nature et la raison que d’y renoncer à quelque prix que ce fût.

ROUSSEAU

(1) Juriste du 17e siècle

(2) aliéner : donner ou vendre

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée générale de ce texte et quelles sont les étapes de l’argumentation ?

a) Expliquez : "le bien que j’aliène me devient une chose tout à fait étrangère et dont l’abus m’est indifférent" ;

b) comment "puis-je me rendre coupable du mal" qu’on me forcerait de faire ?

c) qu’est-ce qu’"offenser à la fois la nature et la raison" ?

3° La liberté est-elle un bien comme un autre ?

1998 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Est-ce le recours à l’expérience qui garantit le caractère scientifique d’une théorie ?

1998 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La religion peut-elle se définir par sa fonction sociale ?

1998 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Là où les charges publiques sont l’objet d’une bataille, ceux qui y auront été vainqueurs auront si complètement accaparé à leur profit les affaires publiques, qu’aux vaincus ils ne laisseront même pas la moindre part de l’autorité, ni à ces vaincus eux -mêmes, ni à leurs descendants et que, d’un autre côté, ils se surveilleront les uns les autres dans leur vie, de peur que l’un d’entre eux, parvenu un jour au pouvoir, ne se dresse avec le souvenir des torts qui lui ont été faits. Non, sans nul doute, voilà ce que nous disons à présent : ce ne sont pas là des organisations politiques ; ce ne sont pas des lois comme elles doivent être, toutes celles qui n’ont pas été instituées en vue de l’intérêt commun de l’État dans son ensemble ; mais, quand elles l’ont été en vue de l’intérêt de quelques-uns, ces gens-là, je dis que ce sont des factieux(1) et non point des citoyens, je dis que ce qu’ils appellent leurs justes droits n’est qu’un mot vide de sens.

PLATON

(1) factieux : individus qui, au nom d’intérêts particuliers ou partisans, se disposent à agir contre l’État

1998 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Que nous apprend l’expérience ?

1998 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE A-t-on le droit de mentir ?

1998 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’homme est un être raisonnable, et comme tel, c’est dans la science qu’il puise l’aliment, la nourriture qui lui conviennent : mais si étroites sont les bornes de l’entendement humain, que, sous ce rapport, il ne peut espérer que peu de satisfaction, soit de l’étendue, soit de la certitude des connaissances qu’il acquiert. L’homme est un être sociable autant qu’un être raisonnable : mais il ne lui est pas toujours donné d’avoir la jouissance d’une compagnie agréable et amusante ou de conserver lui-même son goût pour la société. L’homme est aussi un être actif ; et cette disposition, autant que les diverses nécessités de la vie humaine, fait de lui l’esclave de ses affaires et de ses occupations ; mais l’esprit demande qu’on lui donne un peu de relâche ; il ne peut rester constamment tendu vers les soucis et le travail. Il semble donc que la nature ait indiqué un genre de vie mixte comme le plus convenable à l’espèce humaine, et qu’elle nous ait en secret exhortés à ne laisser aucun de ces penchants tirer par trop de son côté, au point de nous rendre incapables d’autres occupations et d’autres divertissements. Abandonnez-vous à votre passion pour la science, dit-elle, mais que votre science soit humaine, et qu’elle ait un rapport direct avec l’action et la société. La pensée abstruse (1) et les profondes recherches, je les interdis, et leur réserve de sévères punitions : la morne mélancolie qu’elles mènent à leur suite, l’incertitude sans fin où elles vous plongent, et l’accueil glacé qu’on réserve à vos prétendues découvertes, dès que vous les avez communiquées. Soyez philosophe : mais que toute votre philosophie ne vous empêche pas de rester homme.

HUME

(1) abstruse : obscure

1998 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Avons-nous le devoir de faire respecter nos droits ?

1998 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Déraisonner, est-ce perdre la raison ?

1998 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance (1) ne souhaite pas être injuste ou intempérant, et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de nous rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’en suit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre vous n’êtes plus capable de la rattraper, mais pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.

ARISTOTE

(1) Intempérance : absence de mesure dans les désirs.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse d’Aristote et l’organisation de l’argumentation.

2° Expliquez :

a) “sans avoir l’ignorance pour excuse” ;

b) “car le principe de votre acte était en vous” ;

3° L’habitude peut-elle faire perdre à l’homme sa liberté ?

1998 L INDE NORMALE Faut-il s’abstenir de penser pour être heureux ?

1998 L INDE NORMALE Quelles compétences faut-il avoir pour apprécier une oeuvre d’art ?

1998 L INDE NORMALE Un habile législateur qui entend servir l’intérêt commun et celui de la patrie plutôt que le sien propre et celui de ses héritiers, doit employer toute son industrie pour attirer à soi tout le pouvoir. Un esprit sage ne condamnera jamais quelqu’un pour avoir usé d’un moyen hors des règles ordinaires pour régler une monarchie ou fonder une république. Ce qui est à désirer, c’est que si le fait l’accuse, le résultat l’excuse ; si le résultat est bon, il est acquitté ; tel est le cas de Romulus. Ce n’est pas la violence qui restaure, mais la violence qui ruine qu’il faut condamner. Le législateur aura assez de sagesse et de vertu pour ne pas léguer à autrui l’autorité qu’il a prise en main : les hommes étant plus enclins au mal qu’au bien, son successeur pourrait bien faire mauvais usage de l’autorité dont pour sa part il aura bien usé ; d’ailleurs un seul homme est bien capable de constituer un État, mais bien courte serait la durée et de l’État et de ses lois si l’exécution en était remise aux mains d’un seul ; le moyen de l’assurer, c’est de la confier aux soins et à la garde de plusieurs.

MACHIAVEL

(1) propension : préférence spontanée

1998 S INDE NORMALE La guerre peut-elle être juste ?

1998 S INDE NORMALE Tout s’en va-t-il avec le temps ?

1998 S INDE NORMALE L’universalité d’un même nom donné à plusieurs choses est cause que les hommes ont cru que ces choses étaient universelles elles-mêmes, et ont soutenu sérieusement qu’outre Pierre, Jean et le reste des hommes existants qui ont été ou qui seront dans le monde, il devait encore y avoir quelqu’autre chose que nous appelons l’homme en général ; ils se sont trompés en prenant la dénomination générale ou universelle pour la chose qu’elle signifie. En effet lorsque quelqu’un demande à un peintre de lui faire la peinture d’un homme ou de l’homme en général, il ne lui demande que de choisir tel homme dont il voudra tracer la figure, et celui-ci sera forcé de copier un des hommes qui ont été, qui sont ou qui seront, dont aucun n’est l’homme en général. Mais lorsque quelqu’un demande à ce peintre de lui peindre le Roi ou toute autre personne particulière, il borne le peintre à représenter uniquement la personne dont il a fait choix. Il est donc évident qu’il n’y a rien d’universel que les noms...

HOBBES

1998 TECHN. INDE NORMALE La loi constitue-t-elle, pour la liberté, un obstacle ou une condition ?

1998 TECHN. INDE NORMALE L’humanité peut-elle se désintéresser de son passé ?

1998 TECHN. INDE NORMALE Il est remarquable que le monde animal ne fasse point voir la moindre trace d’une action par outil. Il est vrai aussi que les animaux n’ont point de monuments ni aucun genre d’écriture. Aucun langage véritable ne lie une génération à l’autre. Ils ne reçoivent en héritage que leur forme ; aussi n’ont-ils d’autres instruments que leurs pattes et mandibules, ou, pour mieux dire, leur corps entier qui se fait place. Ils travaillent comme ils déchirent, mastiquent et digèrent, réduisent en pulpe tout ce qui se laisse broyer. Au contraire, l’outil est quelque chose qui résiste, et qui impose sa forme à la fois à l’action et à la chose faite. Par la seule faux, l’art de faucher est transmis du père à l’enfant. L’arc veut une position des bras et de tout le corps, et ne cède point. La scie de même ; les dents de fer modèrent l’effort et réglementent le mouvement ; c’est tout à fait autre chose que de ronger. Tel est le premier aspect de l’outil. J’en aperçois un autre, qui est que l’outil est comme une armure. Car le corps vivant est aisément meurtri, et la douleur détourne ; au lieu que l’outil oppose solide à solide, ce qui fait que le jeu des muscles perce enfin le bois, la roche, et le fer même. Le lion mord vainement l’épieu, le javelot, la flèche. Ainsi l’homme n’est plus à corps perdu dans ses actions mais il envoie l’outil à la découverte. Si le rocher en basculant retient la pioche ou le pic, ce n’est pas comme s’il serrait la main ou le bras. L’homme se retrouve intact, et la faute n’est point sans remède. D’où un genre de prudence où il n’y a point de peur. On comprend d’après ces remarques la puissance de l’outil.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Dégagez les principales étapes de l’analyse de l’outil.

2° Expliquez les phrases :

a) “Par la seule faux, l’art de faucher est transmis du père à l’enfant” ;

b) “la faute n’est point sans remède”.

3° Dans un développement argumenté, vous examinerez en quoi il n’y a de technique qu’humaine.

1998 ES JAPON NORMALE Peut-il être raisonnable de désobéir à la loi ?

1998 ES JAPON NORMALE Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?

1998 ES JAPON NORMALE Qu’est-ce qu’un jugement vrai ? Nous appelons vraie l’affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance ? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l’affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c’est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c’est tel ou tel fait déterminé s’accomplissant en tel ou tel point de l’espace et du temps, c’est du singulier, c’est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l’expérience, celle-ci par exemple : "la chaleur dilate les corps". De quoi pourrait-elle bien être la copie ? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d’un corps déterminé à des moments déterminés, en la photographiant dans ses diverses phases. Même, par métaphore, je puis encore dire que l’affirmation "cette barre de fer se dilate" est la copie de ce qui se passe quand j’assiste à la dilatation de la barre de fer. Mais une vérité qui s’applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j’ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien.

BERGSON

1998 L JAPON NORMALE La raison est-elle seulement affaire de logique ?

1998 L JAPON NORMALE Suffit-il de faire son devoir ?

1998 L JAPON NORMALE Le symbole est avant tout un signe. Mais dans la simple présentation, le rapport qui existe entre le sens et son expression est un rapport purement arbitraire. Cette expression, cette image ou cette chose sensible représente si peu elle-même qu’elle éveille plutôt en nous l’idée d’un contenu qui lui est tout à fait étranger, avec lequel elle n’a, à proprement parler, rien de commun [...]. Un [...] exemple de ces signes nous est fourni par les couleurs, employées dans les cocardes, les drapeaux, etc., pour montrer à quelle nation appartient un individu, un navire, etc. En elle -même, une pareille couleur ne possède aucune qualité qui lui serait commune avec ce qu’elle signifie, c’est-à-dire avec la notion qu’elle est censée représenter. Ce n’est cependant pas à cause de cette indifférence réciproque qui existe entre le signe et l’expression que le symbole intéresse l’art, lequel implique, au contraire et d’une façon générale, un rapport, une parenté, une interpénétration concrète entre signification et forme.

HEGEL

1998 S JAPON NORMALE Faut-il renoncer à s’interroger sur ce qui est hors de portée de la connaissance scientifique ?

1998 S JAPON NORMALE L’oeuvre d’art est-elle nécessairement belle ?

1998 S JAPON NORMALE Quand je m’y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achètera une charge (1) à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.

PASCAL

(1) une charge : une fonction (sous l’Ancien Régime, il fallait acheter le droit d’exercer certaines fonctions)

1998 ES LA RÉUNION NORMALE La liberté de pensée est-elle compatible avec la nécessité de la vérité ?

1998 ES LA RÉUNION NORMALE Peut-on faire comme si le passé n’existait pas ?

1998 ES LA RÉUNION NORMALE Il n’est point de connaissance qui soit superflue et inutile de façon absolue et à tous égards, encore que nous ne soyons pas toujours à même d’en apercevoir l’utilité. C’est par conséquent une objection aussi mal avisée qu’injuste que les esprits superficiels adressent aux grands hommes qui consacrent aux sciences des soins laborieux lorsqu’ils viennent demander : à quoi cela sert-il ? On ne doit en aucun cas poser une telle question quand on prétend s’occuper de science. A supposer qu’une science ne puisse apporter d’explication que sur un quelconque objet possible, de ce seul fait son utilité serait déjà suffisante. Toute connaissance parfaite a toujours quelque utilité possible : même si elle nous échappe jusqu’à présent, il se peut que la postérité la découvre. Si en cultivant les sciences on n’avait jamais mesuré l’utilité qu’au profit matériel qu’on pourrait retirer, nous n’aurions pas l’arithmétique et la géométrie. Aussi bien notre intelligence est ainsi conformée qu’elle trouve satisfaction dans la simple connaissance et même une satisfaction plus grande que dans l’utilité qui en résulte. L’homme y prend conscience de sa valeur propre ; il a la sensation de ce qui se nomme : avoir l’intelligence. Les hommes qui ne sentent pas cela doivent envier les bêtes. La valeur intrinsèque que les connaissances tiennent de leur perfection logique est incomparable avec leur valeur extrinsèque, qu’elles tirent de leur application.

KANT

1998 L LA RÉUNION NORMALE Peut-on être libre quand on n’a pas le choix ?

1998 L LA RÉUNION NORMALE Les mots peuvent-ils nous manquer ?

1998 L LA RÉUNION NORMALE Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être. Nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire, et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité ou la générosité ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir afin d’attacher ces vertus-là à notre autre être et les détacherions plutôt de nous pour les joindre à l’autre. Nous serions de bon coeur poltrons pour en acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et d’échanger souvent l’un pour l’autre.

PASCAL

1998 S LA RÉUNION NORMALE Vaut-il mieux parler de découverte scientifique ou d’invention scientifique ?

1998 S LA RÉUNION NORMALE Le bonheur n’est-il qu’une question de chance ?

1998 S LA RÉUNION NORMALE Dans la peinture de portraits, où il s’agit de fixer les traits d’un homme, la ressemblance est certainement un élément très important et, cependant, dans les meilleurs portraits, dans ceux qu’on s’accorde à reconnaître comme les mieux réussis, la ressemblance n’est jamais parfaite, il leur manque toujours quelque chose par rapport au modèle naturel. L’imperfection de cet art tient à ce que ses représentations, malgré les efforts d’exactitude, restent toujours plus abstraites que les objets naturels dans leur existence immédiate.

Le plus abstrait, c’est une esquisse, un dessin. Lorsqu’on emploie des couleurs, qu’on prend pour règle la nature, on trouve toujours que quelque chose a été omis, que la représentation, l’imitation n’est pas aussi parfaite que la formation naturelle. Or, ce qui rend ces représentations particulièrement imparfaites, c’est le manque de spiritualité. Lorsque des tableaux de ce genre servent à reproduire des traits humains, ils doivent avoir une expression de spiritualité qui manque d’ailleurs à l’homme naturel, tel qu’il se présente à nous directement, sous son aspect de tous les jours. Or, c’est ce que le naturalisme est incapable de faire, et c’est en cela que se manifeste son impuissance. C’est l’expression de spiritualité qui doit dominer le tout.

HEGEL

1998 TECHN. LA RÉUNION NORMALE À quoi sert la technique ?

1998 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Qu’est-ce qu’être raisonnable ?

1998 TECHN. LA RÉUNION NORMALE On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation. Si l’homme naissait grand et fort, sa taille et sa force lui seraient inutiles jusqu’à ce qu’il eût appris à s’en servir ; elles lui seraient préjudiciables, en empêchant les autres de songer à l’assister ; et, abandonné à lui -même, il mourrait de misère avant d’avoir connu ses besoins. On se plaint de l’état de l’enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l’homme n’eût commencé par être enfant.

Nous naissons faibles, nous avons besoin de force ; nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d’assistance, nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n’avons pas à notre naissance, et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l’éducation.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Quelle est la thèse de l’auteur ? Montrez comment les arguments du texte parviennent à l’établir.

2° Expliquez les phrases suivantes :

- "On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation" ;

- "On se plaint de l’état de l’enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l’homme n’eût commencé par être enfant".

3° Pourquoi l’homme a-t-il besoin d’éducation ?

1998 ES LIBAN NORMALE L’égalité est-elle nécessairement juste ?

1998 ES LIBAN NORMALE Peut-on mesurer la valeur du travail ?

1998 ES LIBAN NORMALE Pour le savant, la connaissance sort de l’ignorance comme la lumière sort des ténèbres. Le savant ne voit pas que l’ignorance est un tissu d’erreurs positives, tenaces, solidaires. Il ne se rend pas compte que les ténèbres spirituelles ont une structure et que, dans ces conditions, toute expérience objective correcte doit toujours déterminer la correction d’une erreur subjective. Mais on ne détruit pas les erreurs une à une facilement. Elles sont coordonnées. L’esprit scientifique ne peut se constituer qu’en détruisant l’esprit non scientifique. Trop souvent le savant se confie (1) à une pédagogie fractionnée alors que l’esprit scientifique devrait viser à une réforme subjective totale. Tout réel progrès dans la pensée scientifique nécessite une conversion.

BACHELARD

(1) se confie : fait confiance

1998 S LIBAN NORMALE Peut-on être heureux sans le savoir ?

1998 S LIBAN NORMALE Y a-t-il une différence de nature entre l’homme et l’animal ?

1998 S LIBAN NORMALE L’histoire humaine peut bien, dans ses passions, dans ses préjugés, dans tout ce qui relève des impulsions immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y a des pensées qui ont été rectifiées, élargies, complétées. Elles ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. Or l’esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant. Sa structure est la conscience de ses fautes historiques. Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d’une longue erreur, on pense l’expérience comme rectification de l’illusion commune et première [...]. L’essence même de la réflexion, c’est de comprendre qu’on n’avait pas compris.

BACHELARD

1998 ES MÉTROPOLE NORMALE L’éphémère a-t-il de la valeur ?

1998 ES MÉTROPOLE NORMALE L’exigence de justice a-t-elle sa place dans les rapports économiques ?

1998 ES MÉTROPOLE NORMALE Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir recours à différents procédés. On peut l’avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s’enfuir. On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l’être attaché par des bienfaits, au point qu’il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu’au sien propre. Lorsqu’on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l’esprit de l’individu soumis. Mais si l’on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l’esprit aussi bien que le corps de celui-ci. Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d’espoir. Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant. Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d’un autre, dans la mesure où un esprit peut être dupé par un autre. Il s’ensuit qu’un esprit ne jouit d’une pleine indépendance, que s’il est capable de raisonnement correct. On ira plus loin. Comme la puissance humaine doit être appréciée d’après la force non tant du corps que de l’esprit, les hommes les plus indépendants sont ceux chez qui la raison s’affirme davantage et qui se laissent davantage guider par la raison. En d’autres termes, je déclare l’homme d’autant plus en possession d’une pleine liberté, qu’il se laisse guider par la raison.

SPINOZA

1998 L MÉTROPOLE NORMALE Puis-je faire confiance à mes sens ?

1998 L MÉTROPOLE NORMALE Peut-on dire d’un acte qu’il est inhumain ?

1998 L MÉTROPOLE NORMALE On ne doit pas, sans doute, exagérer l’influence de l’intelligence sur la conduite des hommes. Mais, certainement, la force de la démonstration a une importance très supérieure à celle qu’on lui a supposée jusqu’ici. L’histoire de l’esprit humain prouve que cette force a souvent déterminé, à elle seule, des changements dans lesquels elle avait à lutter contre les plus grandes forces humaines réunies. Pour n’en citer que l’exemple le plus remarquable, c’est la seule puissance des démonstrations positives qui a fait adopter la théorie du mouvement de la terre, qui avait à vaincre non seulement la résistance du pouvoir théologique, encore si vigoureux à cette époque, mais surtout l’orgueil de l’espèce humaine tout entière, appuyé sur les motifs les plus vraisemblables qu’une idée fausse ait jamais eus en sa faveur. Des expériences aussi décisives devraient nous éclairer sur la force prépondérante qui résulte des démonstrations véritables. C’est principalement parce qu’il n’y en a jamais eu encore dans la politique, que les hommes d’État se sont laissé entraîner dans de si grandes aberrations pratiques. Que les démonstrations paraissent, les aberrations cesseront bientôt.

COMTE

1998 S MÉTROPOLE NORMALE Comment décider qu’un acte est juste ?

1998 S MÉTROPOLE NORMALE La valeur d’une théorie se mesure-t-elle à son efficacité pratique ?

1998 S MÉTROPOLE NORMALE Apprendre à se connaître est très difficile (...) et un très grand plaisir en même temps (quel plaisir de se connaître !) ; mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes : ce qui le prouve, ce sont les reproches que nous adressons à d’autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmes erreurs, aveuglés que nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, par l’indulgence et la passion qui nous empêchent de juger correctement. Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous connaître, c’est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu’un ami est un autre soi-même. Concluons : la connaissance de soi est un plaisir qui n’est pas possible sans la présence de quelqu’un d’autre qui soit notre ami ; l’homme qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d’amitié pour apprendre à se connaître soi-même.

ARISTOTE

1998 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’opinion a-t-elle nécessairement tort ?

1998 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Y a-t-il des règles de l’art ?

1998 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE On pose la question de savoir si l’homme est par nature moralement bon ou mauvais. Il n’est ni l’un ni l’autre, car l’homme par nature n’est pas du tout un être moral ; il ne devient un être moral que lorsque sa raison s’élève jusqu’aux concepts du devoir et de la loi. On peut cependant dire qu’il contient en lui-même à l’origine des impulsions menant à tous les vices, car il possède des penchants et des instincts qui le poussent d’un côté, bien que la raison le pousse du côté opposé. Il ne peut donc devenir moralement bon que par la vertu, c’est-à-dire en exerçant une contrainte sur lui-même, bien qu’il puisse être innocent s’il est sans passion.

La plupart des vices naissent de ce que l’état de culture fait violence à la nature et cependant notre destination en tant qu’homme est de sortir du pur état de nature où nous ne sommes que des animaux.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégager l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation

2° Expliquer ce que signifie :

a) "L’homme par nature n’est pas du tout un être moral" ;

b) “Il possède des penchants et des instincts qui le poussent d’un côté bien que la raison le pousse du côté opposé” ;

c) "L’état de culture fait violence à la nature" ;

d) "Innocent" dans le contexte.

3° Être moral, est-ce contrarier ou suivre sa nature ?

1998 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT En apprenant sa langue maternelle n’apprend-on qu’à parler ?

1998 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT La passion est-elle une excuse ?

1998 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT La loi étant un commandement, et un commandement consistant dans le fait que celui qui commande exprime ou manifeste sa volonté par oral, par écrit, ou par quelque autre indice adéquat, on comprendra aisément que le commandement de la République n’est loi que pour ceux qui ont le moyen d’en prendre connaissance. Pour les faibles d’esprit, les enfants et les fous, il n’est pas de loi, pas plus que pour les animaux. Ils ne peuvent pas davantage mériter les épithètes de juste ou d’injuste : ils n’ont pas en effet le pouvoir de passer des conventions ni d’en comprendre les conséquences, et par conséquent ils n’ont jamais pris sur eux d’autoriser les actions d’un souverain (1), comme doivent le faire ceux qui se créent une République. Et de même que ceux que la nature ou un accident a privés de la connaissance de la loi en général, tout homme qu’un accident quelconque ne provenant pas de sa faute a privé du moyen de prendre connaissance de quelque loi particulière est excusé s’il ne l’observe pas : à proprement parler, cette loi n’est pas loi pour lui.

HOBBES

(1) souverain : le terme "souverain" ne désigne pas ici le monarque, mais le détenteur de l’autorité publique

1998 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Croire en la science, est-ce une forme de religion ?

1998 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Qui peut être tenu pour responsable ?

1998 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il est certain qu’aucune inclination de l’esprit humain n’a à la fois une force suffisante et une orientation appropriée pour contrebalancer l’amour du gain et changer les hommes en membres convenables de la société, en faisant qu’ils s’interdisent les possessions d’autrui. La bienveillance à l’égard de ceux qui nous sont étrangers est trop faible pour cette fin ; quant aux autres passions, elles attisent plutôt cette avidité, quand nous observons que plus étendues sont nos possessions, plus grande est notre capacité de satisfaire tous nos appétits. Il n’y a, par conséquent, aucune passion susceptible de contrôler le penchant intéressé, si ce n’est ce penchant lui-même, par une modification de son orientation. Or, la moindre réflexion doit nécessairement donner lieu à cette modification, puisqu’il est évident que la passion est beaucoup mieux satisfaite quand on la réfrène que lorsqu’on la laisse libre, et qu’en maintenant la société, nous favorisons beaucoup plus l’acquisition de possessions qu’en nous précipitant dans la condition de solitude et d’abandon qui est la conséquence inévitable de la violence et d’une licence universelle. Par conséquent, la question portant sur la méchanceté ou sur la bonté de la nature humaine n’entre pas du tout en ligne de compte dans cette autre question portant sur l’origine de la société, ni non plus il n’y a à considérer autre chose que les degrés de sagacité ou de folie des hommes. Car, que l’on estime vicieuse ou vertueuse la passion de l’intérêt personnel, c’est du pareil au même, puisque c’est elle-même, seule, qui le réfrène : de sorte que, si elle est vertueuse, les hommes deviennent sociaux grâce à leur vertu ; si elle est vicieuse, leur vice a le même effet.

HUME

1998 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Avons-nous le devoir de faire le bonheur des autres ?

1998 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on reprocher à une oeuvre d’art de ne rien vouloir dire ?

1998 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Étant donné en effet qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait suffisamment établi de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme leur étant le plus profitable. Car si nous prenons le mot de liberté dans son sens propre de liberté corporelle, c’est-à-dire de n’être ni enchaîné ni emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde, de la part des hommes, de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas que les lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs) pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses qu’en réglementant leurs actions le souverain a passées sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable, et ainsi de suite.

HOBBES

1998 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’histoire des hommes est-elle uniquement déterminée par les circonstances ?

1998 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’art s’adresse-t-il à tous ?

1998 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Comme dans les démocraties le peuple paraît à peu près faire ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.

Mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir.

Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même (1) ce pouvoir.

MONTESQUIEU

(1) "Tout de même" signifie ici : "de la même façon", "également"

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les articulations de son exposition.

a) Expliquez :

a) "On a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple" ;

b) "La liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir" ;

b) Pourquoi Montesquieu affirme-t-il que le citoyen n’aurait plus de liberté s’il pouvait faire ce que les lois défendent ?

3° En quoi les lois sont-elles nécessaires à la liberté ?

1998 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La satisfaction des besoins est-elle le fondement des échanges entre les hommes ?

1998 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Un homme libre est-il un homme sans obligation ?

1998 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Si on veut se rendre compte de l’essence grandiose de la religion, il faut se représenter ce qu’elle entreprend d’accomplir pour les hommes. Elle les informe sur l’origine et la constitution du monde, elle leur assure protection et un bonheur fini dans les vicissitudes de la vie, elle dirige leurs opinions et leurs actions par des préceptes qu’elle soutient de toute son autorité. Elle remplit donc trois fonctions. Par la première, elle satisfait le désir humain de savoir, elle fait la même chose que ce que la science tente avec ses propres moyens, et entre ici en rivalité avec elle. C’est à sa deuxième fonction qu’elle doit sans doute la plus grande partie de son influence. Lorsqu’elle apaise l’angoisse des hommes devant les dangers et les vicissitudes de la vie, lorsqu’elle les assure d’une bonne issue, lorsqu’elle leur dispense de la consolation dans le malheur, la science ne peut rivaliser avec elle. Celle-ci enseigne, il est vrai, comment on peut éviter certains dangers, combattre victorieusement bien des souffrances ; il serait très injuste de contester qu’elle est pour les hommes une puissante auxiliaire, mais dans bien des situations, elle doit abandonner l’homme à sa souffrance et ne sait lui conseiller que la soumission. C’est dans sa troisième fonction, quand elle donne des préceptes, qu’elle édicte des interdits et des restrictions, que la religion s’éloigne le plus de la science.

FREUD

1998 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-il vrai que les hommes n’ont que le gouvernement qu’ils méritent ?

1998 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Prévoir, est-ce expliquer ?

1998 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Les hommes sont ainsi faits qu’ils ne supportent rien plus malaisément que de voir les opinions qu’ils croient vraies tenues pour criminelles [...], par où il arrive qu’ils en viennent à détester les lois, à tout oser contre les magistrats, à juger non pas honteux, mais très beau, d’émouvoir des séditions pour une telle cause et de tenter quelle entreprise violente que ce soit. Puis donc que telle est la nature humaine, il est évident que les lois concernant les opinions menacent non les criminels, mais les hommes de caractère indépendant, qu’elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les plus honnêtes, et qu’elles ne peuvent être maintenues en conséquence sans grand danger pour l’État. Ajoutons que de telles lois condamnant des opinions sont du tout inutiles : ceux qui jugent saines les opinions condamnées ne peuvent obéir à ces lois ; à ceux qui au contraire les rejettent comme fausses, ces lois paraîtront conférer un privilège et ils en concevront un tel orgueil que plus tard, même le voulant, les magistrats ne pourraient les abroger.

SPINOZA

1998 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’imaginaire n’est-il qu’un refuge ?

1998 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une communication véritablement humaine peut-elle se passer de la parole ?

1998 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’adversité, la douleur, la pauvreté sont de grandes tentations menant l’homme à violer son devoir. L’aisance, la force, la santé et la prospérité en général, qui s’opposent à cette influence, peuvent donc aussi, semble-t-il, être considérées comme des fins qui sont en même temps des devoirs, je veux dire celui de travailler à son propre bonheur et de ne pas s’appliquer seulement à celui d’autrui. Mais alors ce n’est pas le bonheur qui est la fin, mais la moralité du sujet, et le bonheur n’est que le moyen légitime d’écarter les obstacles qui s’opposent à cette fin ; aussi personne n’a ainsi le droit d’exiger de moi le sacrifice de mes fins qui ne sont pas immorales. Ce n’est pas directement un devoir que de chercher pour elle-même l’aisance, mais indirectement ce peut bien en être un, à savoir écarter la misère comme étant une forte tentation à mal agir. Mais alors ce n’est pas de mon bonheur, mais de ma moralité, que j’ai comme fin et aussi comme devoir de conserver l’intégrité.

KANT

1998 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Reconnaître la vérité, est-ce renoncer à sa liberté de penser ?

1998 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-ce pour mieux comprendre le présent que l’on étudie l’histoire ?

1998 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Quand je dis que tous les hommes sont égaux, c’est comme si je disais : il est raisonnable d’agir avec tous pacifiquement, c’est-à-dire de ne point régler ses actions sur leur force, ou sur leur intelligence, ou sur leur science, ou sur leur richesse. Et en somme je décide, quand je dis qu’ils sont égaux, de ne point rompre la paix, de ne point mettre en pratique les règles de la guerre. Par exemple voilà un enfant qui porte une rose ; je désire avoir cette rose. Selon les règles de la guerre, je n’ai qu’à la prendre ; si au contraire l’enfant est entouré de gardes, je n’ai qu’à m’en priver. Mais si j’agis selon le droit, cela veut dire que je ne tiendrai compte ni de sa force ni de la mienne, et que je ne m’y prendrai pas autrement pour avoir cette rose, que si l’enfant était un Goliath (1).

ALAIN

(1) Goliath : personnage de la Bible doué d’une force hors du commun

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et les étapes de son argumentation.

a) Qu’y a-t-il de commun entre "régler ses actions sur (la) force (des hommes), (...) leur intelligence, (...) leur science, (...) leur richesse" ?

b) Quelle différence y a-t-il entre agir "selon les règles de la guerre" et agir "selon le droit" ?

3° Etablir l’égalité des droits, est-ce l’affaire de la raison ?

1998 ES POLYNÉSIE NORMALE N’y a-t-il que des passions déraisonnables ?

1998 ES POLYNÉSIE NORMALE Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ?

1998 ES POLYNÉSIE NORMALE La fin dernière de l’État n’est pas la domination ; ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à un autre que l’État est institué ; au contraire c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir. Non, je le répète, la fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire, il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’État est donc en réalité la liberté.

SPINOZA

1998 S POLYNÉSIE NORMALE Que peut-on savoir de soi ?

1998 S POLYNÉSIE NORMALE L’imagination enrichit-elle la connaissance ?

1998 S POLYNÉSIE NORMALE Il est, décidément, indispensable aux hommes de se donner des lois et de vivre conformément à ces lois ; autrement, il n’y aucune différence entre eux et les animaux qui, sous tous les rapports, sont les plus sauvages. Et voici quelle en est la raison : il n’y a absolument pas d’homme qui naisse avec une aptitude naturelle, aussi bien à discerner par la pensée ce qui est avantageux pour l’humanité en vue de l’organisation politique, que, une fois cela discerné, à posséder constamment la possibilité comme la volonté de réaliser dans la pratique ce qui vaut le mieux. En premier lieu, il est difficile en effet de reconnaître la nécessité, pour un art politique vrai, de se préoccuper, non pas de l’intérêt individuel, mais de l’intérêt commun, car l’intérêt commun fait la cohésion des États, tandis que l’intérêt individuel les désagrège brutalement ; difficile en outre de reconnaître que l’avantage, à la fois de l’intérêt commun et de l’intérêt individuel, de tous les deux ensemble, est que l’on mette en belle condition ce qui est d’intérêt commun, plutôt que ce qui est d’intérêt individuel. En second lieu, à supposer que, d’aventure, on ait acquis dans les conditions scientifiques voulues la connaissance de cette nécessité naturelle ; à supposer, en outre de cela, que dans l’État, on soit investi d’une souveraineté absolue et qui n’ait point de comptes à rendre, il ne serait jamais possible que l’on demeurât toujours fidèle à cette conviction, c’est-à-dire que, tout au long de la vie, on entretînt à la place maîtresse l’intérêt commun, et l’intérêt individuel en état de subordination à l’égard de l’intérêt commun.

PLATON

1998 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Faut-il s’être d’abord trompé pour pouvoir parvenir à la vérité ?

1998 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Serions-nous plus libres sans machines ?

1998 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’anatomiste ne devrait jamais rivaliser avec le peintre. Dans ses dissections soigneuses et ses descriptions précises des moindres éléments du corps humain, il ne prétend pas donner à ses représentations une attitude ou une expression gracieuse et séduisante. Il y a même quelque chose de repoussant, ou au moins d’étriqué, dans les vues qu’il donne des choses. Il est nécessaire de placer les objets plus à distance et de les protéger davantage du regard pour les rendre plus séduisants pour l’oeil et l’imagination. L’anatomiste, cependant, est admirablement qualifié pour conseiller le peintre, il est même impossible d’exceller dans le second art sans l’aide du premier. Il nous faut avoir une connaissance exacte des éléments, de leur situation et de leurs relations avant de pouvoir dessiner avec exactitude et élégance.

HUME

a) Quelle est l’idée directrice de ce texte ?

b) quelles sont les étapes de l’argumentation ?

2° Expliquez :

a) “il ne prétend pas donner à ses représentations une attitude ou une expression gracieuse et séduisante” ;

b) “Il est nécessaire de placer les objets plus à distance et de les protéger davantage du regard pour les rendre plus séduisants pour l’oeil et l’imagination.

3° Faut-il être un bon observateur pour être un artiste ?

1998 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’homme est-il par nature un être religieux ?

1998 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Tout le monde est-il artiste ?

1998 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT La liberté des opinions ne peut être sans limites. Je vois qu’on la revendique comme un droit tantôt pour une propagande, tantôt pour une autre. Or, on comprend pourtant bien qu’il n’y a pas de droit sans limites ; cela n’est pas possible, à moins que l’on ne se place dans l’état de liberté et de guerre, où l’on peut bien dire que l’on se donne les droits, mais où, aussi, l’on ne possède que ceux que l’on peut maintenir par sa propre force. Mais dès que l’on fait société avec d’autres, les droits des uns et des autres forment un système équilibré ; il n’est pas dit du tout que tous auront tous les droits possibles ; il est dit seulement que tous auront les mêmes droits ; et c’est cette égalité des droits qui est sans doute la forme de la justice ; car les circonstances ne permettent jamais d’établir un droit tout à fait sans restriction ; par exemple il n’est pas dit qu’on ne barrera pas une rue dans l’intérêt commun ; la justice exige seulement que la rue soit barrée aux mêmes conditions pour tout le monde. Donc je conçois bien que l’on revendique comme citoyen, et avec toute l’énergie que l’on voudra y mettre, un droit dont on voit que les autres citoyens ont la jouissance. Mais vouloir un droit sans limites, cela sonne mal.

ALAIN

1998 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on faire plus que son devoir ?

1998 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La science est-elle en mesure de dicter des conclusions morales ?

1998 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le trésor de raison consciente d’elle-même qui nous appartient, qui appartient à l’époque contemporaine, ne s’est pas produit de manière immédiate, n’est pas sorti du sol du temps présent, mais pour lui c’est essentiellement un héritage, plus précisément le résultat du travail et, à vrai dire, du travail de toutes les générations antérieures du genre humain. De même que les arts de la vie extérieure, la quantité de moyens et de procédés habiles, les dispositions et les habitudes de la vie sociale et politique sont un résultat de la réflexion, de l’invention, des besoins, de la nécessité et du malheur, de la volonté et de la réalisation de l’histoire qui précède notre époque, de même ce que nous sommes en fait de sciences et plus particulièrement de philosophie nous le devons à la tradition qui enlace tout ce qui est passager et qui est par suite passé, pareille à une chaîne sacrée, [...] et qui nous a conservé et transmis tout ce qu’a créé le temps passé.

Or, cette tradition n’est pas seulement une ménagère qui se contente de garder fidèlement ce qu’elle a reçu et le transmet sans changement aux successeurs ; elle n’est pas une immobile statue de pierre, mais elle est vivante et grossit comme un fleuve puissant qui s’amplifie à mesure qu’il s’éloigne de sa source.

HEGEL

1998 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’histoire nous permet-elle de savoir qui nous sommes ?

1998 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Peut-on combattre une croyance par le raisonnement ?

1998 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Comment expliquer qu’un pianiste, qui croit mourir de peur en entrant sur la scène, soit immédiatement guéri dès qu’il joue ? On dira qu’il ne pense plus alors à avoir peur, et c’est vrai ; mais j’aime mieux réfléchir plus près de la peur elle-même, et comprendre que l’artiste secoue sa peur et la défait par ces souples mouvements des doigts. Car, comme tout se tient en notre machine, les doigts ne peuvent se délier si la poitrine ne l’est aussi ; la souplesse, comme la raideur, envahit tout ; et, dans ce corps bien gouverné, la peur ne peut plus être. Le vrai chant et la vraie éloquence ne rassurent pas moins, par ce travail mesuré qui est alors imposé à tous les muscles. Chose remarquable et trop peu remarquée, ce n’est point la pensée qui nous délivre des passions, mais c’est plutôt l’action qui nous délivre. On ne pense point comme on veut, mais quand les actions sont assez familières, quand les muscles sont dressés et assouplis par gymnastique, on agit comme on veut. Dans les moments d’anxiété n’essayez point de raisonner, car votre raisonnement se tournera en pointes contre vous-même ; mais plutôt essayez ces élévations et flexions des bras que l’on apprend maintenant dans toutes les écoles ; le résultat vous étonnera. Ainsi le maître de philosophie vous renvoie au maître de gymnastique.

ALAIN

1998 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’apprentissage de la liberté peut-il se faire sans contraintes ?

1998 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE La présence d’autrui nous évite-t-elle la solitude ?

1998 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE A tout prendre, les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n’importe quel autre de ses résultats ; car c’est sur l’intelligence de la méthode que repose l’esprit scientifique, et tous les résultats de la science ne pourraient empêcher, si lesdites méthodes venaient à se perdre, une recrudescence de la superstition et de l’absurdité reprenant le dessus. Des gens intelligents peuvent bien apprendre tout ce qu’ils veulent des résultats de la science, on n’en remarque pas moins à leur conversation, et notamment aux hypothèses qui y paraissent, que l’esprit scientifique leur fait toujours défaut : ils n’ont pas cette méfiance instinctive pour les aberrations de la pensée qui a pris racine dans l’âme de tout homme de science à la suite d’un long exercice. Il leur suffit de trouver une hypothèse quelconque sur une matière donnée, et les voilà tout feu tout flamme pour elle, s’imaginant qu’ainsi tout est dit. Avoir une opinion, c’est bel et bien pour eux s’en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à coeur en guise de conviction. Y a-t-il une chose inexpliquée, ils s’échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication ; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences.

NIETZSCHE

1998 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Une vérité est-elle discutable ?

1998 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Est-ce la volonté du plus grand nombre qui fonde le droit ?

1998 TECHN. SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’Histoire est un grand miroir où l’on se voit tout entier. Un homme ne fait rien qu’un autre ne fasse ou ne puisse faire. En faisant donc attention aux grands exemples de cruautés, de dérèglements, d’impudicités, et de semblables crimes nous apercevons où nous peut porter la corruption de notre coeur quand nous ne travaillons pas à la guérir. La pratique du monde enseigne l’art de vivre ; ceux-là y excellent qui ont voyagé, et qui ont eu commerce (1) avec des personnes de différents pays, et de différente humeur. L’Histoire supplée (2) à cette pratique du monde, à ces pénibles voyages que peu de personnes peuvent faire. On y voit de quelle manière les hommes ont toujours vécu. On apprend à supporter les accidents de la vie, à n’en être pas surpris, à ne se plaindre point de son siècle, comme si nos plaintes pouvaient empêcher des maux dont aucun âge n’a été exempt.

ROUSSEAU

(1) commerce : relation

(2) suppléer à : remplacer

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "Un homme ne fait rien qu’un autre ne fasse ou ne puisse faire" ;

b) "nous apercevons où nous peut porter la corruption de notre coeur quand nous ne travaillons pas à la guérir" ;

c) "l’Histoire supplée à cette pratique du monde".

3° L’Histoire nous apprend-elle à vivre ?

1998 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU REMPLACEMENT L’exigence de la vérité est-elle compatible avec le souci d’être tolérant ?

1998 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU REMPLACEMENT Faut-il renoncer à faire du travail une valeur ?

1998 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU REMPLACEMENT L’amour de soi, qui ne regarde qu’à nous, est content quand nos vrais besoins sont satisfaits ; mais l’amour-propre, qui se compare, n’est jamais content et ne saurait l’être, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, exige aussi que les autres nous préfèrent à eux ; ce qui est impossible. Voilà comment les passions douces et affectueuses naissent de l’amour de soi, et comment les passions haineuses et irascibles naissent de l’amour-propre. Ainsi, ce qui rend l’homme essentiellement bon est d’avoir peu de besoins, et de peu se comparer aux autres ; ce qui le rend essentiellement méchant est d’avoir beaucoup de besoins, et de tenir beaucoup à l’opinion. Sur ce principe il est aisé de voir comment on peut diriger au bien ou au mal toutes les passions des enfants et des hommes. Il est vrai que, ne pouvant vivre toujours seuls, ils vivront difficilement toujours bons : cette difficulté même augmentera nécessairement avec leurs relations.

ROUSSEAU

1999 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Sommes-nous maîtres de nos paroles ?

1999 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’amour du beau s’apprend-il ?

1999 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le coeur de l’homme est toujours droit sur tout ce qui ne se rapporte pas personnellement à lui. Dans les querelles dont nous sommes purement spectateurs, nous prenons à l’instant le parti de la justice, et il n’y a point d’acte de méchanceté qui ne nous donne une vive indignation, tant que nous n’en tirons aucun profit ; mais quand notre intérêt s’y mêle, bientôt nos sentiments se corrompent ; et c’est alors seulement que nous préférons le mal qui nous est utile, au bien que nous fait aimer la nature. N’est-ce pas un effet nécessaire de la constitution des choses, que le méchant tire un double avantage, de son injustice, et de la probité d’autrui ? Quel traité plus avantageux pourrait-il faire que d’obliger le monde entier d’être juste, excepté lui seul ; en sorte que chacun lui rendît fidèlement ce qui lui est dû, et qu’il ne rendît ce qu’il doit à personne ? Il aime la vertu, sans doute, mais il l’aime dans les autres, parce qu’il espère en profiter ; il n’en veut point pour lui, parce qu’elle lui serait coûteuse.

ROUSSEAU

1999 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Pourquoi échangeons-nous ?

1999 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une théorie sans expérience nous apprend-elle quelque chose ?

1999 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Celui dont les désirs ont atteint leur terme ne peut pas davantage vivre que celui chez qui les sensations et les imaginations sont arrêtées. La félicité est une continuelle marche en avant du désir, d’un objet à un autre, la saisie du premier n’étant encore que la route qui mène au second. La cause en est que l’objet du désir de l’homme n’est pas de jouir une seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à jamais sûre la route de son désir futur. Aussi les actions volontaires et les inclinations de tous les hommes ne tendent-elles pas seulement à leur procurer, mais aussi à leur assurer une vie satisfaite. Elles diffèrent des passions chez les divers individus, et, pour une autre part, de la différence touchant la connaissance ou l’opinion qu’a chacun des causes qui produisent l’effet désiré.

Aussi, je mets au premier rang, à titre d’inclination générale de toute l’humanité, un désir perpétuel et sans trêve d’acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu’à la mort. La cause n’en est pas toujours qu’on espère un plaisir plus intense que celui qu’on a déjà réussi à atteindre, ou qu’on ne peut pas se contenter d’un pouvoir modéré : mais plutôt qu’on ne peut pas rendre sûrs, sinon en en acquérant davantage, le pouvoir et les moyens dont dépend le bien-être qu’on possède présentement.

HOBBES

1999 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on concevoir une société sans travail ?

1999 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le rôle de l’historien est-il de juger ?

1999 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il faut voir en quoi consiste le mensonge. Il ne suffit pas de dire quelque chose de faux pour mentir, si par exemple on croit, ou si on a l’opinion que ce que l’on dit est vrai. Il y a d’ailleurs une différence entre croire et avoir une opinion : parfois, celui qui croit sent qu’il ignore ce qu’il croit, bien qu’il ne doute en rien de la chose qu’il sait ignorer, tant il y croit fermement ; celui qui, en revanche, a une opinion, estime qu’il sait que ce qu’il ne sait pas.

Or quiconque énonce un fait que, par croyance ou opinion, il tient pour vrai, même si ce fait est faux, ne ment pas. Il le doit à la foi qu’il a en ses paroles, et qui lui fait dire ce qu’il pense ; il le pense comme il le dit. Bien qu’il ne mente pas, il n’est pas cependant sans faute, s’il croit des choses à ne pas croire, ou s’il estime savoir ce qu’il ignore, quand bien même ce serait vrai. Il prend en effet l’inconnu pour le connu.

Est donc menteur celui qui pense quelque chose en son esprit, et qui exprime autre chose dans ses paroles, ou dans tout autre signe.

AUGUSTIN

1999 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Est-il possible de choisir ses sentiments ?

1999 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’État est-il l’ennemi de l’individu ?

1999 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Concernant la partie des créatures qui est vivante, bien que dépourvue de raison, un traitement violent et en même temps cruel des animaux est opposé au devoir de l’homme envers lui-même, parce qu’ainsi la sympathie à l’égard de leurs souffrances se trouve émoussée en l’homme et que cela affaiblit et peu à peu anéantit une disposition naturelle très profitable à la moralité dans la relation avec les autres hommes. Cela est vrai quand bien même, dans ce qui est permis à l’homme, s’inscrit le fait de tuer rapidement (d’une manière qui évite de les torturer) les animaux, ou encore de les astreindre à un travail (ce à quoi, il est vrai, les hommes eux aussi doivent se soumettre), à condition simplement qu’il n’excède pas leurs forces ; à l’inverse, il faut avoir en horreur les expériences physiques qui les martyrisent pour le simple bénéfice de la spéculation, alors que, même sans elles, le but pourrait être atteint. Même la reconnaissance pour les services longtemps rendus par un vieux cheval ou un vieux chien (comme s’ils étaient des personnes de la maison) appartient indirectement aux devoirs de l’homme, à savoir au devoir conçu en considération de ces animaux, mais cette reconnaissance, envisagée directement, n’est jamais qu’un devoir de l’homme envers lui-même.

KANT

1999 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Y a-t-il une compétence politique ?

1999 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les sens sont-ils notre unique source de connaissance ?

1999 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Qu’est-ce qu’un inconscient ? C’est un homme qui ne se pose pas de question. Celui qui agit avec vitesse et sûreté ne se pose pas de question ; il n’en a pas le temps. Celui qui suit son désir ou son impulsion sans s’examiner soi-même n’a point non plus occasion de parler, comme Ulysse, à son propre coeur, ni de dire Moi, ni de penser Moi. En sorte que, faute d’examen moral, il manque aussi de cet examen contemplatif qui fait qu’on dit : "Je sais que je sais ; je sais que je désire ; je sais que je veux". Pour prendre conscience, il faut se diviser soi-même. Ce que les passionnés, dans le paroxysme, ne font jamais ; ils sont tout entiers à ce qu’ils font et à ce qu’ils disent ; et par là ils ne sont point du tout pur eux-mêmes. Cet état est rare. Autant qu’il reste de bon sens en un homme, il reste des éclairs de penser à ce qu’il dit ou à ce qu’il fait ; c’est se méfier de soi ; c’est guetter de soi l’erreur ou la faute. Peser, penser, c’est le même mot ; ne le ferait-on qu’un petit moment, c’est cette chaîne de points clairs qui fait encore le souvenir. Qui s’emporte sans scrupule aucun, sans hésitation aucune, sans jugement aucun ne sait plus ce qu’il fait, et ne saura jamais ce qu’il a fait".

ALAIN

1999 S AMÉRIQUE DU SUD REMPLACEMENT Qu’est-ce qu’une oeuvre d’art réussie ?

1999 S AMÉRIQUE DU SUD REMPLACEMENT La fonction de l’histoire est-elle de préserver le souvenir ?

1999 S AMÉRIQUE DU SUD REMPLACEMENT La vérité, dit-on, consiste dans l’accord de la connaissance avec l’objet. Selon cette simple définition de mot, ma connaissance doit donc s’accorder avec l’objet pour avoir valeur de vérité. Or le seul moyen que j’ai de comparer l’objet avec ma connaissance c’est que je le connaisse. Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-même ; mais c’est bien loin de suffire à la vérité. Car puisque l’objet est hors de moi et que la connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet s’accorde avec ma connaissance de l’objet. Les anciens appelaient diallèle un tel cercle (1) dans la définition. Et effectivement c’est cette faute que les sceptiques n’ont cessé de reprocher aux logiciens ; ils remarquaient qu’il en est de cette définition de la vérité comme d’un homme qui ferait une déposition au tribunal et invoquerait comme témoin quelqu’un que personne ne connaît, mais qui voudrait être cru en affirmant que celui qui l’invoque comme témoin est un honnête homme. Reproche absolument fondé, mais la solution du problème en question est totalement impossible pour tout le monde. En fait la question qui se pose est de savoir si, et dans quelle mesure il y a un critère de la vérité certain, universel et pratiquement applicable. Car tel est le sens de la question : qu’est-ce que la vérité ?

KANT

1999 ES ANTILLES NORMALE Doit-on le respect au vivant ?

1999 ES ANTILLES NORMALE La liberté est-elle possible sans le courage ?

1999 ES ANTILLES NORMALE Il est manifeste (...) que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain, et il est comme celui qui est décrié en ces termes par Homère : "sans famille, sans loi, sans maison". Car un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre, étant comme un pion isolé dans un jeu. C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait une famille et une cité.

ARISTOTE

1999 L ANTILLES NORMALE Qu’est-ce qu’un homme juste ?

1999 L ANTILLES NORMALE Changer, est-ce devenir quelqu’un d’autre ?

1999 L ANTILLES NORMALE La source première de notre connaissance est l’expérience. Pour qu’il y ait expérience, il faut, absolument parlant, que nous ayons perçu une chose elle-même. Mais on doit, en outre, distinguer perception et expérience. D’entrée de jeu la perception ne contient qu’un unique objet qui est maintenant, de façon fortuite, ainsi constitué, mais qui, une autre fois, peut être autrement constitué. Or, si je répète la perception et que, dans cette perception répétée, je remarque et retienne fermement ce qui reste égal à soi-même en toutes ces perceptions, c’est là une expérience. L’expérience contient avant tout des lois, c’est-à-dire une liaison entre deux phénomènes telle que, si l’un est présent, l’autre aussi suit toujours. Mais l’expérience ne contient que l’universalité d’un tel phénomène, non la nécessité de la corrélation. L’expérience enseigne seulement qu’une chose est ainsi, c’est-à-dire comme elle se trouve, ou donnée, mais non encore les fondements ou le pourquoi.

HEGEL

1999 S ANTILLES NORMALE Le développement des sciences est-il recherche du savoir ou de la puissance ?

1999 S ANTILLES NORMALE "Vivre l’instant présent" : est-ce une règle de vie satisfaisante ?

1999 S ANTILLES NORMALE Il faut donc qu’une oeuvre d’art soit faite, terminée, et solide. Et cela va jusqu’au détail, comme on verra, puisque ce qui n’est pas pris dans la masse ne peut pas orner. C’est pourquoi l’improvisation sans règles n’est jamais belle ; c’est l’art de l’orateur qui parvient à fixer un simple récit dans la masse de son discours. Disons qu’aucune conception n’est oeuvre. Et c’est l’occasion d’avertir tout artiste qu’il perd son temps à chercher parmi les simples possibles quel serait le plus beau ; car aucun possible n’est beau ; le réel seul est beau. Faites donc et jugez ensuite. Telle est la première condition en tout art, comme la parenté des mots artiste et artisan le fait bien entendre ; mais une réflexion suivie sur la nature de l’imagination conduit bien plus sûrement à cette importante idée, d’après laquelle toute méditation sans objet réel est nécessairement stérile. Pense ton oeuvre, oui, certes ; mais on ne pense que ce qui est : fais donc ton oeuvre.

ALAIN

1999 TECHN. ANTILLES NORMALE La loi n’a-t-elle pour fin que la sécurité ?

1999 TECHN. ANTILLES NORMALE Un objet technique peut-il être objet d’art ?

1999 TECHN. ANTILLES NORMALE Lorsque, dans les matières qui se fondent sur l’expérience et le témoignage, nous bâtissons notre connaissance sur l’autorité d’autrui, nous ne nous rendons ainsi coupables d’aucun préjugé ; car dans ce genre de choses puisque nous ne pouvons faire nous-mêmes l’expérience de tout ni le comprendre par notre propre intelligence, il faut bien que l’autorité de la personne soit le fondement de nos jugements. - Mais lorsque nous faisons de l’autorité d’autrui le fondement de notre assentiment à l’égard de connaissances rationnelles, alors nous admettons ces connaissances comme simple préjugé. Car c’est de façon anonyme que valent les vérités rationnelles ; il ne s’agit pas alors de demander : qui a dit cela ? mais bien qu’a-t-il dit ? Peu importe si une connaissance a une noble origine ; le penchant à suivre l’autorité des grands hommes n’en est pas moins très répandu tant à cause de la faiblesse des lumières personnelles que par désir d’imiter ce qui nous est présenté comme grand. À quoi s’ajoute que l’autorité personnelle sert, indirectement, à flatter notre vanité.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation du texte.

2° Expliquez les expressions suivantes

a) "nous ne nous rendons ainsi coupables d’aucun préjugé" ;

b) "alors nous admettons ces connaissances comme simple préjugé".

3° À quelles conditions pouvons-nous avoir confiance en l’autorité d’autrui sans tomber dans le préjugé ?

1999 ES ANTILLES REMPLACEMENT La théorie permet-elle de négliger l’expérience ?

1999 ES ANTILLES REMPLACEMENT N’échange-t-on que des biens ?

1999 ES ANTILLES REMPLACEMENT Dès que le plus faible des hommes a compris qu’il peut garder son pouvoir de juger, tout pouvoir extérieur tombe devant celui-là. Car il faut que tout pouvoir persuade. Il a des gardes, c’est donc qu’il a persuadé ses gardes. Par un moyen ou par un autre, promesse ou menace ; si les gardes refusent de croire, il n’y a plus de tyran. Mais les hommes croient aisément. Ils soumettent leur jugement aux promesses et aux menaces. Nous ne le voyons que trop. Ce n’est pas peu de dissoudre d’abord cette force politique, qui se présente à l’esprit sous les apparences d’une force mécanique. Toute force politique agit par les esprits et sur les esprits. Les armées sont armées par l’opinion. Dès que les citoyens refusent d’approuver et de croire, les canons et les mitrailleuses ne peuvent plus rien.

ALAIN

1999 L ANTILLES REMPLACEMENT Leurs passions divisent-elles les hommes ?

1999 L ANTILLES REMPLACEMENT Pourquoi revendique-t-on le droit d’être citoyen ?

1999 L ANTILLES REMPLACEMENT Mais je croyais avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires, et à leurs fables. Car c’est quasi le même (1) de converser (2) avec ceux des autres siècles que de voyager. Il est bon de savoir quelque chose des moeurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes (3) soit ridicule et contre raison, ainsi qu’ont coutume de faire ceux qui n’ont rien vu. Mais lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays ; et lorsqu’on est trop curieux des choses qui se pratiquaient aux siècles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci. Outre que les fables font imaginer plusieurs événements comme possibles qui ne le sont point ; et que même les histoires les plus fidèles, si elles ne changent ni n’augmentent la valeur des choses pour les rendre plus dignes d’être lues, au moins en omettent-elles presque toujours les plus basses et moins illustres circonstances, d’où vient que le reste ne paraît pas tel qu’il est, et que ceux qui règlent leurs moeurs par les exemples qu’ils en tirent sont sujets à tomber dans les extravagances des paladins de nos romans, et à concevoir des desseins qui passent (4) leurs forces.

DESCARTES

(1) Par "quasi le même", il faut entendre "presque la même chose"

(2) Par "converser", il faut entendre "entrer en relation"

(3) Par "nos modes", il faut entendre "nos habitudes"

(4) Par "passent", il faut entendre "dépassent"

1999 S ANTILLES REMPLACEMENT Que convient-il d’entendre par "avoir tout pour être heureux" ?

1999 S ANTILLES REMPLACEMENT Ce que la morale interdit, l’État peut-il le prescrire ?

1999 S ANTILLES REMPLACEMENT A vrai dire, certains de ces êtres (1) n’offrent pas un aspect agréable ; mais la connaissance du plan de la Nature en eux réserve à ceux qui peuvent saisir les causes, ceux qui ont le naturel philosophique, des jouissances inexprimables. En vérité, il serait déraisonnable et absurde que nous trouvions du plaisir à contempler les images de ces êtres, parce que nous y saisissons en même temps le talent du sculpteur et du peintre, et que, les examinant en eux-mêmes, dans leur organisation par la Nature, nous n’éprouvions pas une joie plus grande encore de cette contemplation, au moins si nous pouvons saisir l’enchaînement des causes. Il ne faut donc pas céder à une répugnance enfantine et nous détourner de l’étude du moindre de ces animaux. En toutes les parties de la Nature il y a des merveilles ; on dit qu’Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l’ayant trouvé se chauffant au feu de sa cuisine, hésitaient à entrer, fit cette remarque : "Entrez, il y a des dieux aussi dans la cuisine". Eh bien, de même, entrons sans dégoût dans l’étude de chaque espèce animale : en chacune, il y a de la nature et de la beauté.

ARISTOTE

(1) : il s’agit des êtres vivants

1999 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT La liberté est-elle le premier des droits ?

1999 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT L’accord entre les hommes est-il un critère suffisant de la vérité ?

1999 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Quel but l’homme poursuit-il en imitant la nature ? Celui de s’éprouver lui-même, de montrer son habileté et de se réjouir d’avoir fabriqué quelque chose ayant une apparence naturelle. (...) Mais cette joie et cette admiration de soi-même ne tardent pas à tourner en ennui et mécontentement, et cela d’autant lus vite et plus facilement que l’imitation reproduit plus fidèlement le modèle naturel. Il y a des portraits dont on a dit assez spirituellement qu’ils sont ressemblants jusqu’à la nausée. D’une façon générale, la joie que procure une imitation réussie ne peut être qu’une joie très relative, car dans l’imitation de la nature le contenu, la matière sont des données qu’on a que la peine d’utiliser. L’homme devrait éprouver une joie plus grande en produisant quelque chose qui soit bien de lui, quelque chose qui lui soit particulier et dont il puisse dire qu’il est sien. Tout outil technique, un navire par exemple ou, plus particulièrement, un instrument scientifique doit lui procurer plus de joie, parce que c’est sa propre oeuvre, et non une imitation. Le plus mauvais outil technique a plus de valeur à ses yeux ; il peut être fier d’avoir inventé le marteau, le clou, parce que ce sont des inventions originales, et non imitées. L’homme montre mieux son habileté dans des productions surgissant de l’esprit qu’en imitant la nature.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez les deux propositions suivantes

a) " cette joie et cette admiration de soi-même ne tardent pas à tourner en ennui et mécontentement."

b) " L’homme devrait éprouver une joie plus grande en produisant quelque chose qui soit bien de lui".

3° Pourquoi les productions qui surgissent de l’esprit humain ont-elles plus de valeur que les oeuvres qui imitent la nature ?

1999 S ESPAGNE SECOURS Peut-on, au nom de la morale, condamner un artiste pour l’une de ses oeuvres ?

1999 S ESPAGNE SECOURS Le conflit des opinions est-il un effet de l’ignorance ?

1999 S ESPAGNE SECOURS On introduit souvent une différence entre ce que l’homme est intérieurement et ses actes. Cette distinction n’a aucune vérité dans l’histoire. L’homme s’identifie à la série de ses actes. On s’imagine que l’intention peut être excellente même si les actes ne valent rien. Certes, il peut arriver dans certains cas que l’homme dissimule ses intentions, mais c’est là une situation à part. La vérité oblige à dire que l’extérieur ne saurait se différencier de l’intérieur. C’est surtout dans l’histoire qu’il faut écarter les subtilités concernant des distinctions momentanées. Les peuples valent ce que valent leurs actes. Et leurs actes traduisent leurs buts.

HEGEL

1999 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La liberté est-elle notre plus grand bien ?

1999 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il avoir vécu un événement pour le comprendre ?

1999 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme sera contaminée par un tel mal, nous n’atteindrons jamais complètement ce que nous désirons et nous disons que l’objet de nos désirs, c’est la vérité. Car le corps nous cause mille difficultés par la nécessité où nous sommes de le nourrir ; qu’avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse au réel. Il nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d’innombrables sottises, si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser. Guerres, dissensions, batailles, c’est le corps seul et ses appétits qui en sont cause ; car on ne fait la guerre que pour amasser des richesses et nous sommes forcés d’en amasser à cause du corps, dont le service nous tient en esclavage. La conséquence de tout cela, c’est que nous n’avons pas de loisir à consacrer à la philosophie. Mais le pire de tout, c’est que, même s’il nous laisse quelque loisir et que nous nous mettions à examiner quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le trouble et la confusion et nous paralyse au point qu’il nous rend incapables de discerner la vérité.

PLATON

1999 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’invention technique relève-t-elle de la raison ou de l’imagination ?

1999 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il choisir entre être heureux et être libre ?

1999 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ramener quelque chose d’inconnu à quelque chose de connu, cela soulage, rassure, satisfait, et procure en outre un sentiment de puissance. Avec l’inconnu, c’est le danger, l’inquiétude, le souci qui apparaissent - le premier mouvement instinctif vise à éliminer ces pénibles dispositions. Premier principe : n’importe quelle explication vaut mieux que pas d’explication du tout. Comme au fond il ne s’agit que d’un désir de se débarrasser d’explications angoissantes, on ne se montre pas très exigeant sur les moyens de les chasser : la première idée par laquelle l’inconnu se révèle connu fait tant de bien qu’on la "tient pour vraie". La preuve du plaisir (ou de l’efficacité) comme critère de la vérité... Ainsi, l’instinct de causalité est provoqué et excité par le sentiment de crainte. Aussi souvent que possible le "pourquoi ?" ne doit pas tant donner la cause pour elle-même qu’une certaine sorte de cause : une cause rassurante, qui délivre et soulage.

NIETZSCHE

1999 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vérité peut-elle laisser indifférent ?

1999 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le beau peut-il ne pas plaire ?

1999 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE On demande comment un homme peut être libre, et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas les siennes. Comment les opposants sont-ils libres et soumis à des lois auxquelles ils n’ont pas consenti ? Je réponds que la question est mal posée. Le citoyen consent à toutes les lois, même à celles qu’on passe malgré lui, et même à celles qui le punissent quand il ose en violer quelqu’une. La volonté constante de tous les membres de l’État est la volonté générale : c’est par elle qu’ils sont citoyens et libres. Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple, ce qu’on leur demande n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ou s’ils la rejettent, mais si elle est conforme ou non à la volonté générale qui est la leur ; chacun en donnant son suffrage dit son avis là-dessus, et du calcul des voix se tire la déclaration de la volonté générale. Quand donc l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé, et que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas. Si mon avis particulier l’eût emporté, j’aurais fait autre chose que ce que j’avais voulu, c’est alors que je n’aurais pas été libre.

ROUSSEAU

1999 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on apprendre à aimer une oeuvre d’art ?

1999 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Que recherche-t-on en réclamant toujours plus de liberté ?

1999 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’ignorance peut être ou bien savante, scientifique, ou bien vulgaire. Celui qui voit distinctement les limites de la connaissance, par conséquent le champ de l’ignorance, à partir d’où il commence à s’étendre, par exemple le philosophe qui aperçoit et montre à quoi se limite notre capacité de savoir relatif à la structure de l’or, faute de données requises à cet effet, est ignorant de façon technique ou savante. Au contraire, celui qui est ignorant sans apercevoir les raisons des limites de l’ignorance et sans s’en inquiéter est ignorant de façon non savante. Un tel homme ne sait même pas qu’il ne sait rien. Car il est impossible d’avoir la représentation de son ignorance autrement que par la science ; tout comme un aveugle ne peut se représenter l’obscurité avant d’avoir recouvré la vue.

Ainsi la connaissance de notre ignorance suppose que nous ayons la science et du même coup nous rend modeste, alors qu’au contraire s’imaginer savoir gonfle la vanité.

KANT

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée principale du texte et quelles sont les étapes de son argumentation ?

2° Expliquez : "II est impossible d’avoir la représentation de son ignorance autrement que par la science".

3° Les limites de la connaissance remettent-elles en cause la possibilité d’atteindre le vrai ?

1999 L INDE NORMALE Le passé a-t-il plus de réalité que le futur ?

1999 L INDE NORMALE Peut-on dire que la connaissance scientifique consiste à substituer à la sensibilité de l’homme celle d’un instrument de mesure ?

1999 L INDE NORMALE Soit un cube de bois. Que je le voie ou que je le touche, on peut dire que j’en prends une vue, ou que je le saisis par un côté. Il y a des milliers d’aspects différents d’un même cube pour les yeux, et aucun n’est cube. Il n’y a point de centre d’où je puisse voir le cube en sa vérité. Mais le discours permet de construire le cube en sa vérité, d’où j’explique ensuite aisément toutes ces apparences, et même je prouve qu’elles devaient apparaître comme elles font (...). Retenons l’exemple facile du cube, de ce cube que nul oeil n’a vu et ne verra jamais comme il est, mais par qui seulement l’oeil peut voir un cube, c’est-à-dire le reconnaître sous ses diverses apparences. Et disons encore que, si je vois un cube, et si je comprends ce que je vois, il n’y a pas ici deux mondes, ni deux vies ; mais c’est un seul monde et une seule vie. Le vrai cube n’est ni loin ni près ni ailleurs ; mais c’est lui qui a toujours fait que ce monde visible est vrai et fut toujours vrai.

ALAIN

1999 S INDE NORMALE La rationalité scientifique satisfait-elle tous les besoins de la raison ?

1999 S INDE NORMALE La recherche du bonheur est-elle nécessairement immorale ?

1999 S INDE NORMALE La plupart des inventions humaines sont sujettes au changement. Elles dépendent de l’humeur et du caprice, sont à la mode pour un temps et sombrent ensuite dans l’oubli. On peut sans doute craindre qu’il faille placer la justice sur le même plan si l’on accorde qu’elle est une invention humaine. Mais les deux cas sont largement différents. L’intérêt sur lequel la justice se fonde est le plus grand que l’on puisse imaginer et il s’étend à tous les lieux et tous les temps ; il n’est pas possible qu’une autre invention puisse le servir ; c’est un intérêt évident, qui se révèle dès la toute première formation de la société : toutes ces causes font que les règles de justice sont constantes et immuables, au moins aussi immuables que la nature humaine.

HUME

1999 TECHN. INDE NORMALE L’art doit-il s’intéresser à la laideur ?

1999 TECHN. INDE NORMALE La connaissance du passé est-elle toujours utile ?

1999 TECHN. INDE NORMALE La force semble être l’injustice même ; mais on parlerait mieux en disant que la force est étrangère à la justice ; car on ne dit pas qu’un loup est injuste. Toutefois le loup raisonneur de la fable est injuste, car il veut être approuvé ; ici se montre l’injustice, qui serait donc une prétention d’esprit. Le loup voudrait que le mouton n’ait rien à répondre, ou tout au moins qu’un arbitre permette ; et l’arbitre, c’est le loup lui-même. Ici les mots nous avertissent assez ; il est clair que la justice relève du jugement, et que le succès n’y fait rien. Plaider, c’est argumenter. Rendre justice, c’est juger. Peser des raisons, non des forces. La première justice est donc une investigation d’esprit et un examen des raisons. Le parti pris est par lui-même injustice ; et même celui qui se trouve favorisé, et qui de plus croit avoir raison, ne croira jamais qu’on lui a rendu bonne justice à lui tant qu’on n’a pas fait justice à l’autre, en examinant aussi ses raisons de bonne foi ; de bonne foi, j’entends en leur cherchant toute la force possible, ce que l’institution des avocats réalise passablement.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les différentes étapes de l’argumentation.

2° Expliquez :

a) "la force est étrangère à la justice."

b) "le parti pris est par lui-même injustice."

3° Le droit exige-t-il qu’aucun jugement ne soit rendu sans examen des arguments des deux parties ?

1999 ES JAPON NORMALE L’État doit-il reconnaître des limites à sa puissance ?

1999 ES JAPON NORMALE Le respect d’autrui exclut-il toute passion ?

1999 ES JAPON NORMALE Cette considération fait encore connaître qu’il y une Lumière née avec nous. Car puisque les sens et les inductions (1) ne nous sauraient jamais apprendre des vérités tout à fait universelles, ni ce qui est absolument nécessaire, mais seulement ce qui est, et ce qui se trouve dans des exemples particuliers, et puisque nous connaissons cependant des vérités nécessaires et universelles des sciences, en quoi nous sommes privilégiés au-dessus des bêtes : il s’ensuit que nous avons tiré ces vérités en partie de ce qui est en nous. Ainsi peut-on y mener un enfant par de simples interrogations à la manière de Socrate, sans lui rien dire, et sans le rien faire expérimenter sur la vérité de ce qu’on lui demande. Et cela se pourrait pratiquer fort aisément dans les nombres, et autres matières approchantes.

Je demeure cependant d’accord que, dans le présent état, les sens externes nous sont nécessaires pour penser, et que, si nous n’en avions eu aucun, nous ne penserions pas. Mais ce qui est nécessaire pour quelque chose, n’en fait point l’essence pour cela. L’air nous est nécessaire pour la vie, mais notre vie est autre chose que l’air. Les sens nous fournissent de la matière pour le raisonnement, et nous n’avons jamais des pensées si abstraites, que quelque chose de sensible ne s’y mêle ; mais le raisonnement demande encore autre chose que ce qui est sensible.

LEIBNIZ

(1) induction : passage du particulier au général

1999 L JAPON NORMALE Une société peut-elle être objet de connaissance ?

1999 L JAPON NORMALE Peut-on échapper à son temps ?

1999 L JAPON NORMALE La volonté qui ne se décide pas n’est pas une volonté effective. L’homme sans caractère ne parvient jamais à se décider. La cause de l’indécision peut également résider dans une certaine délicatesse de l’âme, laquelle sait qu’en se déterminant, elle s’engage dans la finitude, se donne des limites en abandonne ainsi l’infinité ; mais elle ne veut pas renoncer à la totalité qu’elle a en vue. Une telle âme est une âme morte, même si elle veut être une belle âme. Goethe dit (...) que celui qui veut accomplir quelque chose de grand doit savoir se limiter. Ce n’est que par la décision que l’homme entre dans la réalité effective, même s’il doit lui en coûter beaucoup. L’inertie reste absorbée dans ses pensées et n’en veut pas sortir, car elle se ménage ainsi une possibilité universelle. C’est pourquoi la volonté sûre d’elle-même ne va pas à sa perte en se déterminant.

HEGEL

1999 S JAPON NORMALE Promettre, est-ce renoncer à sa liberté ?

1999 S JAPON NORMALE Qu’est-ce que penser avec rigueur ?

1999 S JAPON NORMALE Tous ces particuliers mercenaires, que le peuple appelle sophistes et regarde comme ses rivaux, n’enseignent pas d’autres maximes que celles que le peuple lui-même professe dans les assemblées, et c’est là ce qu’ils appellent sagesse. On dirait un homme qui, après avoir observé les mouvements instinctifs et les appétits d’un animal grand et robuste, par où il faut l’approcher et par où le toucher, quand et pourquoi il s’irrite ou s’apaise, quels cris il a coutume de pousser en chaque occasion, et quel ton de voix l’adoucit ou l’effarouche, après avoir appris tout cela par une longue expérience, l’appellerait sagesse, et l’ayant systématisé en une sorte d’art, se mettrait à l’enseigner, bien qu’il ne sache vraiment ce qui, de ces habitudes et de ces appétits, est beau ou laid, bon ou mauvais, juste ou injuste ; se conformant dans l’emploi de ces termes aux instincts du grand animal ; appelant bon ce qui le réjouit, et mauvais ce qui l’importune, sans pouvoir légitimer autrement ces qualifications ; nommant juste et beau le nécessaire, parce qu’il n’a pas vu et n’est point capable de montrer aux autres combien la nature du nécessaire diffère, en réalité, de celle du bon. Un tel homme, par Zeus ! ne te semblerait-il pas un étrange éducateur ?

PLATON

1999 L JAPON REMPLACEMENT Le progrès technique peut-il combler toutes les attentes de l’humanité ?

1999 L JAPON REMPLACEMENT Pourquoi tenons-nous à être reconnus ?

1999 L JAPON REMPLACEMENT Rien n’est plus certain : les hommes sont en grande part gouvernés par l’intérêt, et même lorsqu’ils portent leur préoccupation au-delà d’eux-mêmes, cela ne va pas très loin ; dans la vie courante, il ne leur est pas habituel de regarder plus loin que leurs amis et leurs relations les plus proches. Il n’est pas moins certain qu’il leur est impossible de servir leur intérêt d’une manière aussi efficace qu’au moyen d’une observance universelle et inflexible des règles de justice, qui seules leur permettent de maintenir la société et de s’empêcher de tomber dans cette condition misérable et sauvage que l’on représente couramment comme l’état de nature. De même que l’intérêt qu’ont tous les hommes à soutenir l’édifice de la société et à observer les règles de justice est grand, de même il est tangible et manifeste, y compris pour ceux qui sont les plus primitifs et les moins cultivés de la race humaine, et il est presque impossible que celui qui a fait l’expérience de la société se méprenne sur ce point.

HUME

1999 ES LA RÉUNION NORMALE Pourquoi veut-on être libre ?

1999 ES LA RÉUNION NORMALE Est-ce aux sciences qu’il faut demander la vérité sur l’homme ?

1999 ES LA RÉUNION NORMALE Il y a une estime publique attachée aux différents arts (1) en raison inverse de leur utilité réelle. Cette estime se mesure directement sur leur inutilité même, et cela doit être. Les arts les plus utiles sont ceux qui gagnent le moins, parce que le nombre des ouvriers se proportionne au besoin des hommes, et que le travail nécessaire à tout le monde reste forcément à un prix que le pauvre peut payer. Au contraire, ces importants qu’on n’appelle pas artisans, mais artistes, travaillant uniquement pour les oisifs et les riches, mettent un prix arbitraire à leurs babioles ; et, comme le mérite de ces vains travaux n’est que dans l’opinion, leur prix même fait partie de ce mérite, et on les estime à proportion de ce qu’ils coûtent. Le cas qu’en fait le riche ne vient pas de leur usage, mais de ce que le pauvre ne les peut payer.

ROUSSEAU

(1) arts : les arts et les métiers

1999 L LA RÉUNION NORMALE L’État n’est-il nécessaire que parce que les hommes manquent de morale ?

1999 L LA RÉUNION NORMALE Les historiens refont-ils l’histoire ?

1999 L LA RÉUNION NORMALE Qu’elle (la science moderne) ait créé la méthode expérimentale, c’est certain ; mais cela ne veut pas dire qu’elle ait élargi de tous côtés le champ d’expériences où l’on travaillait avant elle. Bien au contraire, elle l’a rétréci sur plus d’un point ; et c’est d’ailleurs ce qui a fait sa force. Les anciens avaient beaucoup observé, et même expérimenté. Mais ils observaient au hasard, dans n’importe quelle direction. En quoi consista la création de la "méthode expérimentale" ? A prendre des procédés d’observation et d’expérimentation qu’on pratiquait déjà, et, plutôt que de les appliquer dans toutes les directions possibles, à les faire converger sur un seul point, la mesure, - la mesure de telle ou telle grandeur variable qu’on soupçonnait être fonction de telles ou telles autres grandeurs variables, également à mesurer. La "loi", au sens moderne du mot, est justement l’expression d’une relation constante entre des grandeurs qui varient. La science moderne est donc fille des mathématiques ; elle est née le jour où l’algèbre eut acquis assez de force et de souplesse pour enlacer la réalité et la prendre dans le filet de ses calculs.

BERGSON

1999 S LA RÉUNION NORMALE Peut-on tout prévoir ?

1999 S LA RÉUNION NORMALE Les devoirs sont-ils seulement des contraintes ?

1999 S LA RÉUNION NORMALE Le monde sensible n’est pas un objet donné directement de toute éternité et sans cesse semblable à lui-même, mais le produit de l’industrie et de l’état de la société, et cela en ce sens qu’il est un produit historique, le résultat de l’activité de toute une série de générations dont chacune se hissait sur les épaules de la précédente, perfectionnait son industrie et son commerce et modifiait son régime social en fonction de la transformation des besoins.

Les objets de la certitude sensible la plus simple ne sont eux-mêmes donnés que par le développement social, l’industrie et les échanges commerciaux. On sait que le cerisier, comme presque tous les arbres fruitiers, a été transplanté sous nos latitudes par le commerce, il y a peu de siècles seulement, et ce n’est donc que grâce à cette action d’une société déterminée à une époque déterminée qu’il fut donnée à la certitude sensible.

MARX

1999 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Comment peut-on distinguer l’histoire de la fiction ?

1999 TECHN. LA RÉUNION NORMALE De quoi la technique nous libère-t-elle ?

1999 TECHN. LA RÉUNION NORMALE II est certain qu’il n’est personne qui n’aime mieux gouverner qu’être gouverné ; personne ne cède volontairement le commandement à un autre. (...) II est évident par suite que la masse de la population ne transférerait jamais son droit à un petit nombre d’hommes ou à un seul si elle pouvait s’accorder avec elle-même, et si les discussions qui s’engagent le plus souvent dans les grandes assemblées n’engendraient pas des rébellions. D’après cela la masse de la population ne transférera jamais librement à un roi que ce qu’il lui est absolument impossible de garder en son pouvoir, c’est-à-dire le droit de mettre fin aux discussions et de prendre une décision rapide. S II arrive souvent en effet, qu’on élise un roi à cause de la guerre, parce que les rois font la guerre plus efficacement, on consent à la servitude dans la paix, en admettant que la paix règne dans un État où le souverain pouvoir a été confié à un seul [...], tandis qu’au contraire un État démocratique a cela surtout de remarquable que sa valeur est beaucoup plus grande en temps de paix qu’en temps de guerre.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale du texte et les principales étapes de l’argumentation

a) Pourquoi, selon Spinoza, une population se soumet-elle à un commandement ?

b) Quels sont les arguments qui permettent à Spinoza d’associer la guerre et la monarchie, la paix et la démocratie ?

3° Y a-t-il des conditions qui légitiment qu’on renonce à sa liberté ?

1999 ES LIBAN NORMALE Pourquoi est-il nécessaire de bien parler ?

1999 ES LIBAN NORMALE Doit-on se soucier du passé ?

1999 ES LIBAN NORMALE Est libre l’homme qui ne rencontre pas d’obstacles et qui a tout à sa disposition comme il veut. L’homme qui peut être arrêté, contraint, entravé ou jeté malgré lui dans quelque entreprise est un esclave. Mais quel est celui qui ne rencontre pas d’obstacles ? C’est celui qui ne désire rien qui lui soit étranger. Et qu’est-ce qui nous est étranger ? C’est ce qu’il ne dépend pas de nous d’avoir ou de ne pas avoir, ni d’avoir avec telle qualité dans telles conditions. Ainsi le corps nous est-il étranger, étrangères ses parties, étrangère notre fortune ; si tu t’attaches à l’une de ces choses comme à ton bien propre, tu subiras le châtiment que mérite celui qui convoite des choses étrangères. Telle est la route qui conduit à la liberté, le seul moyen de nous affranchir de l’esclavage.

ÉPICTÈTE

1999 L LIBAN NORMALE Le réel se réduit-il à ce que l’on perçoit ?

1999 L LIBAN NORMALE Le travail est-il en lui-même aliénation ?

1999 L LIBAN NORMALE Le droit ne dépend en rien de la disposition d’esprit dans laquelle un acte est accompli. Il arrive très souvent qu’on agisse de façon correcte par simple crainte de la punition, ou parce qu’on a peur de n’importe quelle autre conséquence désagréable, telle que perdre sa réputation ou son crédit. Il se peut aussi qu’en agissant selon le droit on songe à la récompense qu’on obtiendra ainsi dans une autre vie. Le droit comme tel est indépendant de ces dispositions d’esprit.

Il faut distinguer droit et morale. Le droit peut très bien permettre une action qu’interdise la morale. Le droit, par exemple, m’autorise à disposer de mon bien de façon tout à fait inconditionnelle, mais la morale contient des déterminations qui limitent ce droit de disposition. Il peut sembler que la morale permette bien des actions que le droit interdit, mais la morale n’exige pas seulement l’observation du droit à l’égard d’autrui, elle ajoute de plus au droit la disposition d’esprit qui consiste à respecter le droit pour lui-même. C’est la morale elle-même qui impose que, d’abord, le droit soit respecté, et que, là où cesse le domaine du droit, interviennent des déterminations morales. Pour qu’une conduite ait une valeur morale, il est nécessaire de discerner si cette conduite est juste ou injuste, bonne ou méchante.

HEGEL

1999 S LIBAN NORMALE L’usage de la force par l’État est-il légitime ?

1999 S LIBAN NORMALE La philosophie change-t-elle le monde ?

1999 S LIBAN NORMALE En histoire des sciences, il faut nécessairement comprendre, mais juger (1). Là est vraie plus qu’ailleurs cette opinion : "Ce n’est que par la plus grande force du présent que doit être interprété le passé".

L’histoire des empires et des peuples a pour idéal, à juste titre, le récit objectif des faits ; elle demande à l’historien de ne pas juger et si l’historien impose les valeurs de son temps à la détermination des valeurs des temps disparus, on l’accuse, avec raison, de suivre le "mythe du progrès".

Mais voici une différence évidente : pour la pensée scientifique, le progrès est démontré, il est démontrable, sa démonstration est même un élément pédagogique indispensable pour le développement de la culture scientifique. Autrement dit, le progrès est la dynamique même de la culture scientifique, et c’est cette dynamique que l’histoire des sciences doit écrire. Elle doit décrire en jugeant, en valorisant, en enlevant toute possibilité à un retour vers des notions erronées. L’histoire des sciences ne peut insister sur les erreurs du passé qu’à titre de repoussoir.

BACHELARD

(1) "il faut nécessairement comprendre, mais juger", lire : il faut nécessairement comprendre, mais aussi juger".

1999 ES MÉTROPOLE NORMALE Peut-on se mentir à soi-même ?

1999 ES MÉTROPOLE NORMALE À quelles conditions une activité est-elle un travail ?

1999 ES MÉTROPOLE NORMALE Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas dépendre de quoi que ce soit, nous nous estimons indépendants : sophisme qui montre combien l’homme est orgueilleux et despotique. Car il admet ici qu’en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance dès qu’il la subirait, son postulat étant qu’il vit habituellement dans l’indépendance et qu’il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s’il venait exceptionnellement à la perdre. - Mais si c’était l’inverse qui était vrai, savoir qu’il constamment dans une dépendance multiforme, mais s’estime libre quand il cesse de sentir la pression de ses chaînes du fait d’une longue accoutumance ? S’il souffre encore, ce n’est plus que de ses chaînes nouvelles : - le "libre arbitre" ne veut proprement rien dire d’autre que ne pas sentir ses nouvelles chaînes.

NIETZSCHE

1999 S MÉTROPOLE NORMALE À quoi reconnaît-on qu’un événement est historique ?

1999 S MÉTROPOLE NORMALE La liberté humaine est-elle limitée par la nécessité de travailler ?

1999 S MÉTROPOLE NORMALE Trop souvent nous nous représentons encore l’expérience comme destinée à nous apporter des faits bruts : l’intelligence, s’emparant de ces faits, les rapprochant les uns des autres, s’élèverait ainsi à des lois de plus en plus hautes. Généraliser serait donc une fonction, observer en serait une autre. Rien de plus faux que cette conception du travail de synthèse, rien de plus dangereux pour la science et pour la philosophie. Elle a conduit à croire qu’il y avait un intérêt scientifique à assembler des faits pour rien, pour le plaisir, à les noter paresseusement et même passivement, en attendant la venue d’un esprit capable de les dominer et de les soumettre à des lois. Comme si une observation scientifique n’était pas toujours la réponse à une question, précise ou confuse ! Comme si des observations notées passivement à la suite les unes des autres étaient autre chose que des réponses décousues à des questions posées au hasard ! Comme si le travail de généralisation consistait à venir, après coup, trouver un sens plausible à ce discours incohérent.

BERGSON

1999 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Juge-t-on du beau ou le perçoit-on ?

1999 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Le droit nous dit-il ce qu’il est juste de faire ?

1999 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Qu’est-ce qu’un jugement vrai ? Nous appelons vraie l’affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance. Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l’affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c’est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c’est tel ou tel fait déterminé s’accomplissant en tel ou tel point de l’espace et du temps, c’est du singulier, c’est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l’expérience, celle-ci par exemple : "La chaleur dilate les corps". De quoi pourrait-elle bien être la copie ? II est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d’un corps déterminé, en la photographiant dans ses diverses phases (...). Mais une vérité qui s’applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j’ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien.

BERGSON

QUESTIONS

a) Formuler la thèse critiquée par Bergson

b) Quel argument lui oppose-t-il ?

2° Expliquer

a) "ce qui est réel, c’est du singulier, c’est du changeant" ;

b) "nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet".

3° Faut-il renoncer à connaître ce qui est changeant ?

1999 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Peut-il y avoir savoir-faire sans savoir ?

1999 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Faire régner la justice, est-ce seulement appliquer le droit ?

1999 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Le seul qui fait sa volonté est celui qui n’a pas besoin pour la faire de mettre les bras d’un autre au bout des siens (1) : d’où il suit que le premier de tous les biens n’est pas l’autorité mais la liberté. L’homme vraiment libre ne veut que ce qu’il peut et fait ce qu’il lui plaît. (...)

La société a fait l’homme plus faible, non seulement en lui ôtant le droit qu’il avait sur ses propres forces, mais surtout en les lui rendant insuffisantes. Voilà pourquoi ses désirs se multiplient avec sa faiblesse, et voilà ce qui fait celle de l’enfance comparée à l’âge d’homme. Si l’homme est un être fort et si l’enfant est un être faible, ce n’est pas parce que le premier a plus de force absolue que le second, mais c’est parce que le premier peut naturellement se suffire à lui-même et que l’autre ne le peut.

ROUSSEAU

(1) Par "mettre les bras d’un autre au bout des siens", il faut entendre : "solliciter l’aide d’autrui"

QUESTIONS :

1° Dégager l’idée générale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquer

a) "Le premier de tous les biens n’est pas l’autorité mais la liberté" ;

b) "L’homme vraiment libre ne veut que ce qu’il peut et fait ce qu’il lui plaît" ;

c) "La société a fait l’homme plus faible".

3° Être libre, est-ce ne dépendre que de soi ?

1999 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT À quoi peut-on reconnaître la liberté de l’esprit ?

1999 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Quel rôle joue l’hypothèse dans la recherche de la vérité ?

1999 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’idée essentielle qu’il nous faut noter est que, même si le talent et le génie de l’artiste comportent un moment naturel (1), ce moment n’en demande pas moins essentiellement à être formé et éduqué par la pensée, de même qu’il nécessite une réflexion sur le mode de sa production ainsi qu’un savoir-faire exercé et assuré dans l’exécution. Car l’un des aspects principaux de cette production est malgré tout un travail extérieur, dès lors que l’oeuvre d’art a un côté purement technique qui confine à l’artisanal, surtout en architecture et en sculpture, un peu moins en peinture et en musique, et dans une faible mesure encore en poésie. Pour acquérir en ce domaine un parfait savoir-faire, ce n’est pas l’inspiration qui peut être d’un quelconque secours, mais seulement la réflexion, l’application et une pratique assidue. Or il se trouve qu’un tel savoir-faire est indispensable à l’artiste s’il veut se rendre maître du matériau extérieur et ne pas être gêné par son âpre résistance.

HEGEL

(1) moment naturel : don

1999 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on considérer l’histoire tout à la fois comme un savoir indispensable et comme une science impossible ?

1999 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Un bonheur sans illusion est-il concevable ?

1999 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il y a une liaison dans les perceptions des animaux qui a quelque ressemblance avec la raison ; mais elle n’est fondée que dans la mémoire des faits, et nullement dans la connaissance des causes. C’est ainsi qu’un chien fuit le bâton dont il a été frappé parce que la mémoire lui représente la douleur que ce bâton lui a causée. Et les hommes en tant qu’ils sont empiriques, c’est-à-dire dans les trois quarts de leurs actions, n’agissent que comme des bêtes ; par exemple, on s’attend qu’il fera jour demain parce que l’on a toujours expérimenté ainsi. Il n’y a qu’un astronome qui le prévoie par raison ; et même cette prédiction manquera enfin, quand la cause du jour, qui n’est point éternelle, cessera. Mais le raisonnement véritable dépend des vérités nécessaires ou éternelles ; comme sont celles de la logique, des nombres, de la géométrie, qui font la connexion indubitable des idées et les conséquences immanquables. Les animaux où ces conséquences ne se remarquent point sont appelés bêtes ; mais ceux qui connaissent ces vérités nécessaires sont proprement ceux qu’on appelle animaux raisonnables.

LEIBNIZ

1999 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le malheur donne-t-il le droit d’être injuste ?

1999 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La force de l’État est-elle nécessaire à la liberté des citoyens ?

1999 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Dans la vie courante, on a coutume, il est vrai, de parler de belles couleurs, d’un beau ciel, d’un beau torrent, et encore de belles fleurs, de beaux animaux et même de beaux hommes. Nous ne voulons pas ici nous embarquer dans la question de savoir dans quelle mesure la qualité de beauté peut être attribuée légitimement à de tels objets et si en général le beau naturel peut être mis en parallèle avec le beau artistique. Mais il est permis de soutenir dès maintenant que le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature. Car la beauté artistique est la beauté (...) née de l’esprit. Or autant l’esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature. Même, abstraction faite du contenu, une mauvaise idée, comme il nous en passe par la tête, est plus élevée que n’importe quel produit naturel ; car en une telle idée sont présents toujours l’esprit et la liberté.

HEGEL

1999 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT La justice peut-elle se passer d’institutions ?

1999 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être esclave de soi-même ?

1999 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les premiers mouvements naturels de l’homme étant de se mesurer avec tout ce qui l’environne, et d’éprouver dans chaque objet qu’il aperçoit toutes les qualités sensibles qui peuvent se rapporter à lui, sa première étude est une sorte de physique expérimentale relative à sa propre conservation, et dont on le détourne par des études spéculatives (1) avant qu’il ait reconnu sa place ici-bas. Tandis que ses organes délicats et flexibles peuvent s’ajuster aux corps sur lesquels ils doivent agir, tandis que ses sens encore purs sont exempts d’illusion, c’est le temps d’exercer les uns et les autres aux fonctions qui leur sont propres ; c’est le temps d’apprendre à connaître les rapports sensibles que les choses ont avec nous. Comme tout ce qui entre dans l’entendement (2) y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive ; c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle : nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres à tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous apprendre à nous servir de la raison d’autrui ; c’est nous apprendre à beaucoup croire, et à ne jamais rien savoir.

ROUSSEAU

(1) études spéculatives : qui ne s’appuient sur aucune expérience sensible

(2) entendement : ici, faculté de raisonner

QUESTIONS :

1° Dégager la thèse du texte et son argumentation.

a) Pourquoi la perception de l’enfant constitue-t-elle, selon Rousseau, une forme de "physique expérimentale relative à sa propre conservation" ?

b) Expliquez la distinction entre "raison sensitive" et "raison intellectuelle".

3° La perception suffit-elle à fonder un savoir ?

1999 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Toute vérité a-t-elle besoin d’être prouvée ?

1999 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Être libre, est-ce ne se soumettre à rien ?

1999 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Pour connaître les hommes, il faut les voir agir. Dans le monde on les entend parler ; ils montrent leurs discours et cachent leurs actions : mais dans l’histoire elles sont dévoilées, et on les juge sur les faits. Leurs propos même aident à les apprécier ; car, comparant ce qu’ils font à ce qu’ils disent, on voit à la fois ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent paraître : plus ils se déguisent, mieux on les connaît.

Malheureusement cette étude a ses dangers, ses inconvénients de plus d’une espèce. II est difficile de se mettre dans un point de vue (1) d’où l’on puisse juger ses semblables avec équité. Un des grands vices de l’histoire est qu’elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par les bons ; comme elle n’est intéressante que par les révolutions, les catastrophes, tant qu’un peuple croît et prospère dans le calme d’un paisible gouvernement, elle n’en dit rien ; elle ne commence à en parler que quand, ne pouvant plus se suffire à lui-même, il prend part aux affaires de ses voisins, ou les laisse prendre part aux siennes ; elle ne l’illustre que quand il est déjà sur son déclin : toutes nos histoires commencent où elles devraient finir.

ROUSSEAU

(1) Par "se mettre dans un point de vue", il faut entendre "se placer à un point de vue"

(2) Par "avec équité", il faut entendre "avec justice"

QUESTIONS

1° Dégager l’idée générale du texte et les étapes de son argumentation

2° Expliquer

a) "Pour connaître les hommes, il faut les voir agir" ;

b) "II est difficile de se mettre dans un point de vue d’où l’on puisse juger ses semblables avec équité" ;

c) "Un des grands vices de l’histoire est qu’elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par les bons".

3° L’histoire nous conduit-elle à désespérer des hommes ?

1999 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE La philosophie peut-elle se passer d’une réflexion sur les sciences ?

1999 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Peut-on convaincre autrui qu’une oeuvre d’art est belle ?

1999 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Le choix n’est certainement pas la même chose que le souhait, bien qu’il en soit visiblement fort voisin. Il n’y a pas de choix, en effet, des choses impossibles, et si on prétendait faire porter son choix sur elles on passerait pour insensé ; au contraire, il peut y avoir souhait des choses impossibles, par exemple de l’immortalité. D’autre part, le souhait peut porter sur des choses qu’on ne saurait d’aucune manière mener à bonne fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète remporte la victoire ; au contraire, le choix ne s’exerce jamais sur de pareilles choses, mais seulement sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens. En outre, le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous souhaitons être en bonne santé, mais nous choisissons les moyens qui nous feront être en bonne santé ; nous pouvons dire encore que nous souhaitons d’être heureux, mais il inexact de dire que nous choisissons de l’être : car, d’une façon générale, le choix porte, selon toute apparence, sur les choses qui dépendent de nous.

ARISTOTE

1999 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La force de notre volonté est-elle autre chose que celle de nos désirs ?

1999 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il une méthode pour découvrir la vérité ?

1999 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Je change donc sans cesse. Mais ce n’est pas assez dire. Le changement est bien plus radical qu’on ne le croirait d’abord.

Je parle en effet de chacun de mes états comme s’il formait un bloc. Je dis bien que je change, mais le changement m’a l’air de résider dans le passage d’un état à l’état suivant : de chaque état, pris à part, J’aime à croire qu’il reste ce qu’il est pendant tout le temps qu’il se produit. Pourtant, un léger effort d’attention me révélerait qu’il n’y a pas d’affection, pas de représentation, pas de volition (1) qui ne se modifie à tout moment ; si un état d’âme cessait de varier, sa durée cesserait de couler. Prenons le plus stable des états internes, la perception visuelle d’un objet extérieur immobile. L’objet a beau rester le même, j’ai beau le regarder du même côté, sous le même angle, au même jour : la vision que j’ai n’en diffère pas moins de celle que je viens d’avoir, quand ce ne serait que parce qu’elle a vieilli d’un instant. Ma mémoire est là, qui pousse quelque chose de ce passé dans ce présent. Mon état d’âme, en avançant sur la route du temps, s’enfle continuellement de la durée qu’il ramasse ; il fait, pour ainsi dire, boule de neige avec lui-même. A plus forte raison en est-il ainsi des états plus profondément intérieurs, sensations, affections, désirs, etc., qui ne correspondent pas, comme une simple perception visuelle, à un objet extérieur invariable. Mais il est commode de ne pas faire attention à ce changement ininterrompu, et de ne le remarquer que lorsqu’il devient assez gros pour imprimer au corps une nouvelle attitude, à l’attention une direction nouvelle. A ce moment précis on trouve qu’on a changé d’état. La vérité est qu’on change sans cesse, et que l’état lui-même est déjà du changement.

BERGSON

(1) volition : acte de vouloir

1999 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on juger autrui ?

1999 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Dans quelle mesure les énoncés scientifiques peuvent-ils être considérés comme des vérités ?

1999 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Tous ces coureurs se donnent bien de la peine. Tous ces joueurs de ballon se donnent bien de la peine. Tous ces boxeurs se donnent bien de la peine. On lit partout que les hommes cherchent le plaisir ; mais cela n’est pas évident ; il semble plutôt qu’ils cherchent la peine et qu’ils aiment la peine. Le vieux Diogène (1) disait : "Ce qu’il y a de meilleur c’est la peine". On dira là-dessus qu’ils trouvent tous leur plaisir dans cette peine qu’ils cherchent ; mais c’est jouer sur les mots ; c’est bonheur et non plaisir qu’il faudrait dire ; et ce sont deux choses très différentes, aussi différentes que l’esclavage et la liberté.

On veut agir, on ne veut pas subir. Tous ces hommes qui se donnent tant de peine n’aiment sans doute pas le travail forcé ; personne n’aime le travail forcé ; personne n’aime les maux qui tombent ; personne n’aime sentir la nécessité. Mais aussitôt que je me donne librement de la peine, me voilà content.

ALAIN

(1) Philosophe grec de l’Antiquité

1999 ES POLYNÉSIE NORMALE Si la technique est libératrice, de quoi nous libère-t-elle ?

1999 ES POLYNÉSIE NORMALE Puis-je invoquer l’inconscient sans ruiner la morale ?

1999 ES POLYNÉSIE NORMALE Le problème d’une constitution, fût-ce pour un peuple de démons (qu’on me pardonne ce qu’il y a de choquant dans l’expression) n’est pas impossible à résoudre, pourvu que ce peuple soit doué d’entendement : "une multitude d’êtres raisonnables souhaitent tous pour leur conservation des lois universelles, quoique chacun d’eux ait un penchant secret à s’en excepter soi-même. Il s’agit de leur donner une constitution qui enchaîne tellement leurs passions personnelles l’une par l’autre, que, dans leur conduite extérieure, l’effet en soit aussi insensible que s’ils n’avaient pas du tout ces dispositions hostiles". Pourquoi ce problème serait-il insoluble ? Il n’exige pas qu’on obtienne l’effet désiré d’une réforme morale des hommes. Il demande uniquement comment on pourrait tirer parti du mécanisme de la nature, pour diriger tellement la contrariété des intérêts personnels, que tous les individus, qui composent un peuple, se contraignissent eux-mêmes les uns les autres à se ranger sous le pouvoir coercitif d’une législation, et amenassent ainsi un état pacifique de législation.

KANT

1999 L POLYNÉSIE NORMALE À quoi servent les preuves ?

1999 L POLYNÉSIE NORMALE Y a-t-il un droit au travail ?

1999 L POLYNÉSIE NORMALE En ce moment je cause avec vous, je prononce le mot "causerie". Il est clair que ma conscience se représente ce mot tout d’un coup (1) ; sinon, elle n’y verrait pas un mot unique, elle ne lui attribuerait pas un sens. Pourtant, lorsque j’articule la dernière syllabe du mot, les deux premières ont été articulées déjà ; elles sont du passé par rapport à celle-là, qui devrait alors s’appeler du présent. Mais cette dernière syllabe "rie", je ne l’ai pas prononcée instantanément ; le temps, si court soit-il, pendant lequel je l’ai émise, est décomposable en parties, et ces parties sont du passé par rapport à la dernière d’entre elles, qui serait, elle, du présent définitif si elle n’était décomposable à son tour : de sorte que vous aurez beau faire, vous ne pourrez tracer une ligne de démarcation entre le passé et le présent, ni par conséquent entre la mémoire et la conscience. A vrai dire, quand j’articule le mot "causerie", j’ai présents à l’esprit non seulement le commencement, le milieu et la fin du mot, mais encore les mots qui ont précédé, mais encore tout ce que j’ai déjà prononcé de la phrase ; sinon, j’aurais perdu le fil de mon discours. Maintenant, si la ponctuation du discours eût été différente, ma phrase eût pu commencer plus tôt ; elle eût englobé, par exemple, la phrase précédente, et mon "présent" se fût dilaté encore davantage dans le passé. Poussons ce raisonnement jusqu’au bout : supposons que mon discours dure depuis des années, depuis le premier éveil de ma conscience, qu’il se poursuive en une phrase unique, et que ma conscience soit assez détachée de l’avenir, assez désintéressée de l’action, pour s’employer exclusivement à embrasser le sens de la phrase : je ne chercherais pas plus d’explication, alors, à la conservation intégrale de cette phrase que je n’en cherche à la survivance des deux premières syllabes du mot "causerie" quand je prononce la dernière. Or, je crois bien que notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase unique entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupée par des points.

BERGSON

(1) "tout d’un coup" : d’un seul coup

1999 S POLYNÉSIE NORMALE La notion de vie a-t-elle un statut scientifique ?

1999 S POLYNÉSIE NORMALE Faut-il chercher en toute chose l’efficacité ?

1999 S POLYNÉSIE NORMALE S’écoulant dans le lit assuré du bon sens, la philosophie naturelle (1) produit au mieux une rhétorique de vérités triviales. Lui reproche-t-on l’insignifiance de ce qu’elle présente, elle assure en réplique que le sens et le contenu sont présents dans son coeur et doivent être aussi dans le coeur des autres ; elle a en effet, à son avis, prononcé l’ultime parole en parlant de l’innocence du coeur et de la pureté de la conscience morale, à quoi on ne peut rien objecter, et au-delà de quoi on ne peut rien demander. Cependant, ce qu’il fallait faire c’était ne pas laisser le meilleur au fond du coeur, mais le tirer du puits pour l’exposer à la lumière du jour. (...) Puisque le sens commun fait appel au sentiment, son oracle intérieur, il rompt tout contact avec qui n’est pas de son avis, il est ainsi contraint d’expliquer qu’il n’a rien d’autre à dire à celui qui ne trouve pas et ne sent pas en soi-même la même vérité ; en d’autres termes, il foule aux pieds la racine de l’humanité, car la nature de l’humanité, c’est de tendre à l’accord mutuel ; son existence est seulement dans la communauté instituée des consciences.

HEGEL

(1) "philosophie naturelle" : façon de penser du sens commun

1999 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Est-ce l’égalité des droits qui assure l’égalité des hommes ?

1999 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Faut-il être raisonnable pour être libre ?

1999 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE On a rappelé que l’homme avait toujours inventé des machines, que l’antiquité en avait connu de remarquable, que des dispositifs ingénieux furent imaginés bien avant l’éclosion de la science moderne et ensuite, très souvent, indépendamment d’elle : aujourd’hui encore de simples ouvriers, sans culture scientifique, trouvent des perfectionnements auxquels de savants ingénieurs n’avaient pas pensé. L’invention mécanique est un don naturel. Sans doute elle a été limitée dans ses effets tant qu’elle s’est bornée à utiliser des énergies actuelles et, en quelque sorte, visibles : effort musculaire, force du vent ou d’une chute d’eau. La machine n’a donné tout son rendement que du jour où l’on a su mettre à son service, par un simple déclenchement, des énergies potentielles emmagasinées pendant des millions d’années, empruntées au soleil, disposées dans la houille, le pétrole, etc. Mais ce jour fut celui de l’invention de la machine à vapeur, et l’on sait qu’elle n’est pas sortie de considérations théoriques (1). Hâtons-nous d’ajouter que le progrès, d’abord lent, s’est effectué à pas de géant lorsque la science se fut mise de la partie. II n’en est pas moins vrai que l’esprit d’invention mécanique, qui coule dans un lit étroit tant qu’il est laissé à lui-même, qui s’élargit indéfiniment quand il a rencontré la science, en reste distinct et pourrait à la rigueur s’en séparer. Tel, le Rhône entre dans le lac de Genève, paraît y mêler ses eaux, et montre à sa sortie qu’il avait conservé son indépendance.

BERGSON

(1) Les premières machines à vapeur furent réalisées vers 1690. La théorie scientifique qui explique leur fonctionnement date, elle, de 1824.

QUESTIONS :

1° Dégager I’idée directrice de ce texte et les étapes de son argumentation.

a) Expliquer : "l’invention mécanique est un don naturel" ;

b) Que signifie l’image du fleuve à la fin du texte ?

3° Les techniques ne sont-elles qu’une application des sciences ?

1999 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’abus de pouvoir est-il inévitable ?

1999 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le passé peut-il faire l’objet d’une connaissance scientifique ?

1999 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Mais il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires, consiste, principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses, que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu’elles aient aussi des passions et même souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions même leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. Car, d’une part, se considérant comme immortelles et capables de recevoir de très grands contentements, puis, d’autre part, considérant qu’elles sont jointes à des corps mortels et fragiles, qui sont sujets à beaucoup d’infirmités, et qui ne peuvent manquer de périr dans peu d’années, elles font bien tout ce qui est en leur pouvoir pour se rendre la fortune (1) favorable en cette vie, mais néanmoins elles l’estiment si peu, au regard de l’éternité, qu’elles n’en considèrent quasi les événements que comme nous faisons ceux des comédies. Et comme les histoires tristes et lamentables, que nous voyons représenter sur un théâtre, nous donnent souvent autant de récréation que les gaies, bien qu’elles tirent des larmes de nos yeux ; ainsi ces plus grandes âmes, dont je parle, ont de la satisfaction en elles-mêmes, de toutes les choses qui leur arrivent, même les plus fâcheuses et insupportables.

DESCARTES

(1) la fortune : le sort

1999 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le bien s’impose-t-il à nous de la même manière que le vrai ?

1999 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Travailler est-ce seulement produire ?

1999 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La persuasion commune du vulgaire semble être différente. La plupart en effet semblent croire qu’ils sont libres dans la mesure où il leur est permis d’obéir à l’appétit sensuel et qu’ils renoncent à leurs droits dans la mesure où ils sont astreints à vivre suivant les prescriptions de la loi divine. La moralité donc et la religion, et absolument parlant tout ce qui se rapporte à la force d’âme, ils croient que ce sont des fardeaux dont ils espèrent être déchargés après la mort pour recevoir le prix de la servitude, c’est-à-dire de la moralité et de la religion, et ce n’est pas seulement cet espoir, c’est aussi et principalement la crainte d’être punis d’affreux supplices après la mort qui les induit à vivre suivant les prescriptions de la loi divine autant que leur petitesse et leur impuissance intérieure le permettent. Et, si les hommes n’avaient pas cet espoir et cette crainte, s’ils croyaient au contraire que les âmes périssent avec le corps et que les malheureux, épuisés par le fardeau de la moralité, n’ont devant eux aucune vie à venir, ils reviendraient à leur complexion (1) et voudraient tout gouverner suivant leur appétit sensuel et obéir à la fortune plutôt qu’à eux-mêmes. Ce qui ne me paraît pas moins absurde que si quelqu’un, parce qu’il ne croit pas pouvoir nourrir son corps de bons aliments dans l’éternité, aimait mieux se saturer de poisons et de substances mortifères, ou parce qu’on croit que l’âme n’est pas éternelle ou immortelle, on aimait mieux être dément et vivre sans raison ; absurdités telles qu’elles méritent à peine d’être relevées.

SPINOZA

1999 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Dire que l’art qu’il n’est pas utilitaire, est-ce dire qu’il est inutile ?

1999 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Puis-je, au nom de ma conscience, refuser de me soumettre aux lois ?

1999 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de leur propre mouvement, ni dans des conditions choisies par eux seuls, mais bien dans les conditions qu’ils trouvent directement et qui leur sont données et transmises. La tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils appellent craintivement les esprits du passé à leur rescousse, qu’ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes, pour jouer une nouvelle scène de l’Histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage d’emprunt. C’est ainsi que la Révolution de 1789 à 1814 se drapa successivement dans le costume de la République romaine, puis dans celui de l’Empire romain. C’est ainsi que le débutant, qui a appris une nouvelle langue la retraduit toujours dans sa langue maternelle, mais il ne se sera approprié l’esprit de cette nouvelle langue et ne sera en mesure de s’en servir pour créer librement, que lorsqu’il saura se mouvoir dans celle-ci en oubliant en elle sa langue d’origine.

MARX

QUESTIONS :

1° Dégager l’idée directrice du texte et les étapes de son argumentation.

a) Expliquer : "pour jouer une nouvelle scène de l’Histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage d’emprunt".

b) Que signifie la comparaison finale avec l’apprentissage d’une nouvelle langue, et qu’apporte-t-elle à l’argumentation ?

3° Les hommes font-ils librement leur histoire ?

1999 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Peut-on être juste avec les autres sans les aimer ?

1999 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE La technique accroît-elle notre liberté ?

1999 ES SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Devant le réel le plus complexe, si nous étions livrés à nous-mêmes, c’est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherions la connaissance : le monde serait notre représentation. Par contre, si nous étions livrés tout entiers à la société, c’est du côté du général, de l’utile, du convenu, que nous chercherions la connaissance : le monde serait notre convention. En fait, la vérité scientifique est une prédiction, mieux, une prédication. Nous appelons les esprits à la convergence en annonçant la nouvelle scientifique, en transmettant du même coup une pensée et une expérience, liant la pensée à l’expérience dans une vérification : le monde scientifique est donc notre vérification.

BACHELARD

1999 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Peut-on résister à la vérité ?

1999 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Travailler, est-ce seulement mettre en oeuvre une technique ?

1999 L SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE La différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires, consiste, principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses, que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu’elles aient aussi des passions, et même souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions (1) même les servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. (...). Ainsi, ressentant de la douleur en leur corps, elles s’exercent à la supporter patiemment, et cette épreuve qu’elles font de leur force, leur est agréable ; ainsi, voyant leurs amis en quelque grande affliction, elles compatissent à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de s’exposer à la mort pour ce sujet, s’il en est besoin. Mais, cependant, le témoignage que leur donne leur conscience, de ce qu’elles s’acquittent en cela de leur devoir, et font une action louable et vertueuse, les rend plus heureuses, que toute la tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige.

DESCARTES

(1) littéralement ce qui les afflige : événements malheureux qui seraient susceptibles de les plonger dans la tristesse.

1999 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE L’expérience instruit-elle ?

1999 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Le refus du travail a-t-il un sens ?

1999 S SPORTIFS HAUT NIVEAU NORMALE Le véritable champ du génie est celui de l’imagination, parce qu’elle est créatrice et qu’elle se trouve moins que d’autres facultés sous la contrainte des règles ; ce qui la rend d’autant plus capable d’originalité. La démarche mécanique de l’enseignement, en forçant à toute heure l’élève à l’imitation, est assurément préjudiciable à la levée de germe du génie, en son originalité. Tout art réclame cependant certaines règles mécaniques fondamentales, celle de l’adéquation de l’oeuvre à l’idée sous-jacente, c’est-à-dire la vérité dans la représentation de l’objet conçu en pensée. Cette exigence doit être apprise avec la rigueur de l’école, elle est à la vérité un effet de l’imitation. Quant à libérer l’imagination de cette contrainte et à laisser le talent hors du banal procéder sans règle et s’exalter jusqu’à contredire la nature, cela pourrait bien donner une folie originale qui ne serait tout de même pas exemplaire, et ne pourrait donc pas non plus être rangée dans le génie.

KANT

1999 L TUNISIE SECOURS Peut-on être philosophe sans être savant ?

1999 L TUNISIE SECOURS L’égalité des hommes est-elle un fait ou une idée ?

1999 L TUNISIE SECOURS Les animaux peuvent aussi sentir à l’extérieur les objets corporels, grâce à leurs sens, et s’en souvenir après les avoir fixés dans leur mémoire, désirer parmi eux ceux qui leur conviennent et éviter ceux qui leur nuisent. Mais reconnaître ceux-ci, retenir non seulement les souvenirs amassés naturellement, mais aussi ceux confiés volontairement à la mémoire, imprimer à nouveau en elle, par l’évocation et la pensée, ceux qui glissent peu à peu dans l’oubli (car, de même que la pensée se forme sur ce que contient la mémoire, de même ce qui est dans la mémoire est consolidé par la pensée) ; composer des visions imaginaires, en choisissant, et pour ainsi dire en cousant ensemble n’importe quels souvenirs ; voir comment, en ce genre de fictions, on peut distinguer le vraisemblable du vrai, tant dans le domaine spirituel que dans le domaine corporel ; tous ces phénomènes et ceux du même genre, même s’ils concernent et intéressent le sensible, et tout ce que l’âme tire des sens, font quand même appel à la raison, et ne sont pas le partage des bêtes comme le nôtre (1).

AUGUSTIN

(1) "ne sont pas le partage des bêtes comme le nôtre" : n’appartiennent pas aux bêtes comme aux hommes.

1999 S TUNISIE SECOURS Y a-t-il une vérité en art ?

1999 S TUNISIE SECOURS L’obéissance à une loi commune à tous est-elle une servitude ?

1999 S TUNISIE SECOURS L’esprit a une structure variable dès l’instant où la connaissance a une histoire. En effet, l’histoire humaine peut bien, dans ses passions, dans ses préjugés, dans tout ce qui relève des impulsions immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y a des pensées qui ne recommencent pas ; ce sont les pensées qui ont été rectifiées, élargies, complétées. Elles ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. Or l’esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance. Il juge son passé historique en le condamnant. Sa structure est la conscience de ses fautes historiques. Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d’une longue erreur, on pense l’expérience comme rectification de l’illusion commune et première.

BACHELARD

2000 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-il raisonnable de lutter contre le temps ?

2000 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Que vaut l’idée d’un droit international ?

2000 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Dire faux n’est mentir que par l’intention de tromper, et l’intention même de tromper loin d’être toujours jointe avec celle de nuire a quelquefois un but tout contraire. Mais pour rendre un mensonge innocent il ne suffit pas que l’intention de nuire ne soit pas expresse, il faut de plus la certitude que l’erreur dans laquelle on jette ceux à qui l’on parle ne peut nuire à eux ni à quelque personne en quelque façon que ce soit. Il est rare et difficile qu’on puisse avoir cette certitude ; aussi est-il difficile et rare qu’un mensonge soit parfaitement innocent. Mentir pour son avantage à soi-même est imposture, mentir pour nuire est calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge. Mentir sans profit ni préjudice de soi ni d’autrui n’est pas mentir ; ce n’est pas mensonge, c’est fiction.

ROUSSEAU

2000 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Faut-il dire la science ou les sciences ?

2000 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Un pouvoir qui use de violence est-il un pouvoir fort ?

2000 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’oeuvre et l’artiste. En vain on alléguera que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre et que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité.

BERGSON

2000 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’imagination est-elle créatrice ?

2000 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Comment sait-on qu’un autre être est conscient ?

2000 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La volonté étant, de sa nature, très étendue, ce nous est un avantage très grand de pouvoir agir par son moyen, c’est-à-dire librement ; en sorte que nous soyons tellement les maîtres de nos actions, que nous sommes dignes de louange lorsque nous les conduisons bien : car, tout ainsi qu’on ne donne point aux machines qu’on voit se mouvoir en plusieurs façons diverses, aussi justement qu’on saurait désirer, des louanges qui se rapportent véritablement à elles, parce que ces machines ne représentent aucune action qu’elles ne doivent faire par le moyen de leurs ressorts, et qu’on en donne à l’ouvrier qui les a faites, parce qu’il a eu le pouvoir et la volonté de les composer avec tant d’artifice ; de même on doit nous attribuer quelque chose de plus, de ce que nous choisissons ce qui est vrai, lorsque nous le distinguons d’avec le faux, par une détermination de notre volonté, que si nous y étions déterminés et contraints par un principe étranger.

DESCARTES

2000 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Respecter autrui est-ce respecter sa différence ?

2000 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La philosophie peut-elle se passer de l’idée de vérité ?

2000 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Si la nature humaine était constituée de telle sorte que les hommes désirent au plus haut point ce qui leur est le plus utile, aucune science ne serait nécessaire pour instituer la concorde et la bonne foi ; mais comme on constate qu’il en va tout autrement avec les hommes, l’État doit être nécessairement institué de telle sorte que tous, aussi bien les gouvernants que les gouvernés, qu’ils le veuillent ou ne le veuillent pas, accomplissent pourtant ce qui importe au salut commun, c’est-à-dire que tous, spontanément, ou par la force, ou par la nécessité, soient contraints de vivre selon les prescriptions de la Raison ; si les affaires de l’État sont ainsi agencées, il en résultera que rien de ce qui concerne le salut commun ne sera totalement délégué à la bonne foi d’un individu. Personne en effet n’est assez vigilant pour ne pas dormir parfois, et personne n’eut jamais l’âme assez forte et intègre pour n’être pas parfois brisé ou vaincu, précisément quand la plus grande force d’âme eût été nécessaire. Ce serait la pire sottise que d’exiger d’autrui ce que personne ne peut s’imposer à soi-même, d’exiger que l’autre soit plus soucieux d’autrui que de soi, qu’il ne soit pas cupide, ni envieux, ni envieux, ni ambitieux, lui qui, chaque jour, est sollicité par toutes ces passions.

SPINOZA

2000 ES ANTILLES NORMALE L’ordre s’oppose-t-il à la liberté ?

2000 ES ANTILLES NORMALE L’historien peut-il se détacher du présent ?

2000 ES ANTILLES NORMALE Un vrai ami ne doit jamais approuver les erreurs de son ami. Car enfin nous devrions considérer que nous leur faisons plus de tort que nous ne pensons, lorsque nous défendons leurs opinions sans discernement. Nos applaudissements ne font que leur enfler le coeur et les confirmer dans leurs erreurs ; ils deviennent incorrigibles ; ils agissent et ils décident enfin comme s’ils étaient devenus infaillibles.

D’où vient que les plus riches, les plus puissants, les plus proches, et généralement tous ceux qui sont élevés au-dessus des autres, se croient fort souvent infaillibles, et qu’ils se comportent comme s’ils avaient beaucoup plus de raison que ceux qui sont d’une condition vile ou médiocre, si ce n’est parce qu’on approuve indifféremment et lâchement toutes leurs pensées ? Ainsi l’approbation que nous donnons à nos amis, leur fait croire peu à peu qu’ils ont plus d’esprit que les autres : ce qui les rend fiers, hardis, imprudents et capables de tomber dans les erreurs les plus grossières sans s’en apercevoir. C’est pour cela que nos ennemis nous rendent souvent un meilleur service, et nous éclairent beaucoup plus l’esprit par leurs oppositions, que ne font nos amis, par leurs approbations.

MALEBRANCHE

2000 L ANTILLES NORMALE N’y a-t-il de bonheur que dans l’instant ?

2000 L ANTILLES NORMALE La liberté d’expression est-elle nécessaire à la liberté de penser ?

2000 L ANTILLES NORMALE L’expérience nous présente un flux de phénomènes : si telle ou telle affirmation relative à l’un d’eux nous permet de maîtriser ceux qui le suivront ou même simplement de les prévoir, nous disons de cette affirmation qu’elle est vraie. Une proposition telle que "la chaleur dilate les corps", proposition suggérée par la vue de la dilatation d’un certain corps, fait que nous prévoyons comment d’autres corps se comporteront en présence de la chaleur ; elle nous aide à passer d’une expérience ancienne à des expériences nouvelles ; c’est un fil conducteur, rien de plus. La réalité coule ; nous coulons avec elle ; et nous appelons vraie toute affirmation qui, en nous dirigeant à travers la réalité mouvante, nous donne prise sur elle et nous place dans de meilleures conditions pour agir.

BERGSON

2000 S ANTILLES NORMALE Peut-on prévoir l’avenir ?

2000 S ANTILLES NORMALE L’oeuvre d’art nous met-elle en présence d’une vérité impossible à atteindre par d’autres voies ?

2000 S ANTILLES NORMALE Toutes les sciences, et principalement celles qui renferment des questions très difficiles à éclaircir, sont remplies d’un nombre infini d’erreurs ; et nous devons avoir pour suspects, tous ces gros volumes que l’on compose tous les jours sur la médecine, sur la physique, sur la morale, et principalement sur des questions particulières de ces sciences, qui sont beaucoup plus composées (1) que les générales. On doit même juger que ces livres sont d’autant plus méprisables, qu’ils sont mieux reçus du commun des hommes ; j’entends de ceux qui sont peu capables d’application, et qui ne savent pas faire usage de leur esprit : parce que l’applaudissement du peuple à quelque opinion sur une matière difficile, est une marque infaillible qu’elle est fausse, et qu’elle n’est appuyée que sur les notions trompeuses des sens, ou sur quelques fausses lueurs de l’imagination. Néanmoins il n’est pas impossible, qu’un homme seul puisse découvrir un très grand nombre de vérités cachées aux siècles passés : supposé que cette personne ne manque pas d’esprit, et qu’étant dans la solitude, éloigné autant qu’il se peut de tout ce qui pourrait le distraire, il s’applique sérieusement à la recherche de la vérité.

MALEBRANCHE

(1) Sciences composées : sciences dont l’objet est complexe

2000 TECHN. ANTILLES NORMALE "Ceci n’est pas de l’art" : peut-on justifier ce jugement ?

2000 TECHN. ANTILLES NORMALE La nature fait-elle bien les choses ?

2000 TECHN. ANTILLES NORMALE Les exigences de la vie en une société organisée n’interdisent à personne de penser, de juger et, par suite, de s’exprimer spontanément, à condition que chacun se contente d’exprimer ou d’enseigner sa pensée en ne faisant appel qu’aux ressources du raisonnement et s’abstienne de chercher appui sur la ruse, la colère, la haine ; enfin, à condition qu’il ne se flatte pas d’introduire la moindre mesure nouvelle dans l’État, sous l’unique garantie de son propre vouloir. Par exemple, admettons qu’un sujet ait montré en quoi une loi est déraisonnable et qu’il souhaite la voir abroger. S’il prend soin, en même temps, de soumettre son opinion au jugement de la souveraine Puissance (1) (car celle-ci est seule en position de faire et d’abroger des lois), s’il s’abstient entre-temps de toute manifestation active d’opposition à la loi en question, il est - au titre d’excellent citoyen - digne en tout point de la reconnaissance de la communauté. Au contraire, si son intervention ne vise qu’à accuser les pouvoirs publics d’injustice et à les désigner aux passions de la foule, puis, s’il s’efforce de faire abroger la loi de toute manière, ce sujet est indubitablement un perturbateur et un rebelle.

SPINOZA

(1) le pouvoir souverain dans un État

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée générale du texte et les différentes étapes de son argumentation.

2° Expliquez les affirmations suivantes : "s’il s’abstient entre-temps de toute manifestation active d’opposition à la loi en question".

3° Le citoyen n’a-t-il le droit de s’opposer aux lois qu’en paroles ?

2000 ES ANTILLES REMPLACEMENT Une oeuvre d’art gagne-t-elle à être commentée ?

2000 ES ANTILLES REMPLACEMENT Y a-t-il du nouveau dans l’histoire ?

2000 ES ANTILLES REMPLACEMENT Il arrive parfois sans doute qu’avec le plus scrupuleux examen de nous-mêmes nous ne trouvons absolument rien qui, en dehors du principe moral du devoir, ait pu être assez puissant pour nous pousser à telle ou telle bonne action et à tel grand sacrifice ; mais de là on ne peut nullement conclure avec certitude que réellement ce ne soit point une secrète impulsion de l’amour-propre qui, sous le simple mirage de cette idée, ait été la vraie cause déterminante de la volonté ; c’est que nous nous flattons volontiers en nous attribuant faussement un principe de détermination plus noble mais en réalité nous ne pouvons jamais, même par l’examen le plus rigoureux, pénétrer entièrement jusqu’aux mobiles secrets ; or, quant il s’agit de valeur morale, l’essentiel n’est point dans les actions, que l’on voit, mais dans ces principes intérieurs des actions, que l’on ne voit pas.

KANT

2000 L ANTILLES REMPLACEMENT Sait-on toujours ce que l’on dit ?

2000 L ANTILLES REMPLACEMENT Maîtrise-t-on le temps ?

2000 L ANTILLES REMPLACEMENT Si les hommes étaient ainsi disposés par la nature qu’ils n’eussent de désir que pour ce qu’enseigne la vraie raison, certes la société n’aurait besoin d’aucune loi, il suffirait simplement d’éclairer les hommes par des enseignements moraux pour qu’ils fassent d’eux-mêmes et d’une âme libre ce qui est vraiment utile. Mais tout autre est la disposition de la nature humaine ; tous observent bien leur intérêt, mais ce n’est pas suivant l’enseignement de la droite raison ; c’est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions de l’âme (qui n’ont aucun égard à l’avenir et ne tiennent compte que d’elles-mêmes) qu’ils désirent quelque objet et le jugent utile. De là vient que nulle société ne peut subsister sans un pouvoir de commandement et une force, et par suite sans des lois qui modèrent et contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein.

SPINOZA

2000 S ANTILLES REMPLACEMENT La recherche de l’objectivité dans la connaissance scientifique exclut-elle l’appel à l’imagination ?

2000 S ANTILLES REMPLACEMENT L’homme est-il responsable de tout ce qu’il fait ?

2000 S ANTILLES REMPLACEMENT Les hommes ne retirent pas d’agrément (mais au contraire un grand déplaisir) de la vie en compagnie, là où il n’existe pas de pouvoir capable de les tenir tous en respect. Car chacun attend que son compagnon l’estime aussi haut qu’il s’apprécie lui-même, et à chaque signe de dédain, ou de mésestime il s’efforce naturellement, dans toute la mesure où il l’ose, d’arracher la reconnaissance d’une valeur plus haute : à ceux qui le dédaignent, en leur nuisant, aux autres, en leur donnant cela en exemple. De la sorte, nous pouvons trouver dans la nature humaine trois causes principales de querelle : premièrement, la rivalité ; deuxièmement, la méfiance, troisièmement, la fierté. La première de ces choses fait prendre l’offensive aux hommes en vue de leur profit. La seconde, en vue de leur sécurité. La troisième, en vue de leur réputation. Dans le premier cas, ils usent de violence pour se rendre maître de la personne d’autres hommes, de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs biens. Dans le second cas, pour défendre ces choses. Dans le troisième cas, pour des bagatelles, par exemple pour un mot, un sourire, une opinion qui diffère de la leur, ou quelque autre signe de mésestime, que celle-ci porte directement sur eux-mêmes, ou qu’elle rejaillisse sur eux, étant adressée à leur parenté, à leurs amis, à leur nation, à leur profession, à leur nom.

HOBBES

2000 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Est-ce par la conscience qu’il faut définir l’homme ?

2000 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT En quoi suis-je concerné par la liberté des autres ?

2000 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT L’oeuvre d’art vient donc de l’esprit et existe pour l’esprit, et sa supériorité consiste en ce que si le produit naturel est un produit doué de vie, il est périssable, tandis qu’une oeuvre d’art est une oeuvre qui dure. La durée présente un intérêt plus grand. Les événements arrivent, mais, aussitôt arrivés, ils s’évanouissent ; l’oeuvre d’art leur confère de la durée, les représente dans leur vérité impérissable. L’intérêt humain, la valeur spirituelle d’un événement, d’un caractère individuel, d’une action, dans leur évolution et leurs aboutissements, sont saisis par l’oeuvre d’art qui les fait ressortir d’une façon plus pure et transparente que dans la réalité ordinaire, non artistique. C’est pourquoi l’oeuvre d’art est supérieure à tout produit de la nature qui n’a pas effectué ce passage par l’esprit. C’est ainsi que le sentiment et l’idée qui, en peinture, ont inspiré un paysage confère à cette oeuvre de l’esprit un rang plus élevé que celui du paysage tel qu’il existe dans la nature. Tout ce qui est de l’esprit est supérieur à ce qui existe à l’état naturel.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée générale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez l’affirmation suivante : "l’oeuvre d’art leur confère de la durée, les représente dans leur vérité impérissable."

3° Quelle différence y a-t-il entre la beauté des choses naturelles et celle des oeuvres d’art ?

2000 ES ASIE NORMALE Sommes-nous libres quand nous agissons mal ?

2000 ES ASIE NORMALE Y a-t-il de l’intelligence dans les techniques ?

2000 ES ASIE NORMALE De même que l’on peut dire des plantes (par exemple, des pommes de terre) et des animaux domestiques, dans la mesure où, du point de vue de leur abondance, ils constituent l’oeuvre de l’homme, qu’on est en droit de les utiliser, de les exploiter et de les consommer (de les faire abattre), de même, semble-t-il, on pourrait dire aussi du pouvoir suprême de l’État, du souverain, qu’il a le droit de mener ses sujets, qui sont, pour la plus grande part, son propre produit, à la guerre comme à une chasse et à une bataille rangée comme à une partie de plaisir. En fait, ce principe juridique [...] possède certes une validité en ce qui concerne les animaux, lesquels peuvent être une propriété de l’homme, mais ne peut en revanche en aucune manière s’appliquer à l’homme, notamment en tant que citoyen, lequel doit toujours être considéré dans l’État comme un membre qui participe à l’activité législatrice (non seulement comme moyen, mais en même temps aussi comme fin en soi) et doit donc donner son libre consentement, par l’intermédiaire de ses représentants, non seulement à la guerre en général, mais aussi à chaque déclaration de guerre particulière - condition limitative sous laquelle seulement l’État peut disposer de lui pour ce périlleux service.

KANT

2000 L ASIE NORMALE Qu’attendons-nous pour être heureux ?

2000 L ASIE NORMALE L’irrationalité n’est-elle qu’une faiblesse de l’esprit ?

2000 L ASIE NORMALE Il n’y a (...) pas d’art d’agrément. On peut fabriquer des objets qui font plaisir en liant autrement des idées déjà prêtes et en présentant des formes déjà vues. Cette peinture ou cette parole seconde est ce qu’on entend généralement par culture. L’artiste selon Balzac ou selon Cézanne ne se contente pas d’être un animal cultivé, il assume la culture depuis son début et la fonde à nouveau, il parle comme le premier homme a parlé et peint comme si l’on n’avait jamais peint. L’expression ne peut alors pas être la traduction d’une pensée déjà claire, puisque les pensées claires sont celles qui ont déjà été dites en nous-mêmes ou par les autres. La "conception" ne peut pas précéder l’"exécution". Avant l’expression, il n’y a rien qu’une fièvre vague et seule l’oeuvre faite et comprise prouvera qu’on devait trouver là quelque chose plutôt que rien. Parce qu’il est revenu pour en prendre conscience au fonds d’expérience muette et solitaire sur lequel sont bâtis la culture et l’échange des idées, l’artiste lance son oeuvre comme un homme a lancé la première parole, sans savoir si elle sera autre chose qu’un cri, si elle pourra se détacher du flux de la vie individuelle où elle naît et présenter [...] l’existence indépendante d’un sens identifiable. Le sens de ce que va dire l’artiste n’est nulle part, ni dans les choses, qui ne sont pas encore sens, ni en lui-même, dans sa vie informulée.

MERLEAU-PONTY

2000 S ASIE NORMALE Le travail a-t-il une valeur morale ?

2000 S ASIE NORMALE La recherche du bonheur est-elle un idéal égoïste ?

2000 S ASIE NORMALE Je juge de l’ordre du monde, quoique j’en ignore la fin, parce que pour juger de cet ordre il me suffit de comparer les parties entre elles, d’étudier leurs concours, leurs rapports, d’en remarquer le concert. J’ignore pourquoi l’univers existe, mais je ne laisse pas de voir comment il est modifié, je ne laisse pas d’apercevoir l’intime correspondance par laquelle les êtres qui le composent se prêtent un secours mutuel. Je suis comme un homme qui verrait pour la première fois une montre ouverte et qui ne laisserait pas d’en admirer l’ouvrage, quoiqu’il ne connût pas l’usage de la machine et qu’il n’eût point vu le cadran. Je ne sais, dirait-il, à quoi le tout est bon, mais je vois que chaque pièce est faite pour les autres, j’admire l’ouvrier dans le détail de son ouvrage, et je suis bien sûr que tous ces rouages ne marchent ainsi de concert que pour une fin commune qu’il m’est impossible d’apercevoir.

ROUSSEAU

2000 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les paroles engagent-elles tout autant que les actes ?

2000 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’historien est-il un homme de science ?

2000 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Certains fondent la peine sur la menace et pensent que si quelqu’un commet un crime malgré cette menace, la peine doit nécessairement ’s’ensuivre, parce que le criminel en avait connaissance. S’ensuit-il toutefois que la menace soit conforme au droit ? La menace suppose que l’homme n’est pas un être libre et elle veut le contraindre par la représentation d’un mal. Mais le droit et la justice doivent avoir leur fondement dans la liberté et dans la volonté, et non dans un état de non-liberté, auquel la menace s’applique. Cette théorie fonde la peine à la manière d’un maître qui agite un bâton devant son chien et l’homme n’y est pas traité selon sa dignité et sa liberté, mais comme un chien. La menace qui, en réalité, peut révolter l’homme, au point qu’il prouve contre elle sa liberté, laisse entièrement de côté la justice.

HEGEL

2000 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La politique est-elle l’affaire de tous ?

2000 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Est-il raisonnable de donner un sens à tout ?

2000 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Bornons-nous (...) à considérer les phénomènes naturels où les causes et les effets s’enchaînent, de l’aveu de tout le monde, d’après une nécessité rigoureuse ; alors il sera certainement vrai de dire que le présent est gros de l’avenir, et de tout l’avenir, en ce sens que toutes les phases subséquentes sont implicitement déterminées par la phase actuelle, sous l’action des lois permanentes ou des décrets éternels auxquels la nature obéit ; mais on ne pourra pas dire sans restriction que le présent est de même gros du passé, car il y a eu dans le passé des phases dont l’état actuel n’offre plus de traces, et auxquelles l’intelligence la plus puissante ne saurait remonter, d’après la connaissance théorique des lois permanentes et l’observation de l’état actuel ; tandis que cela suffirait à une intelligence pourvue de facultés analogues à celles de l’homme, quoique plus puissantes, pour lire dans l’état actuel la série de tous les phénomènes futurs, ou du moins pour embrasser une portion de cette série d’autant plus grande que ses facultés iraient en se perfectionnant davantage. Ainsi, quelque bizarre que l’assertion puisse paraître au premier coup d’oeil, la raison est plus apte à connaître scientifiquement l’avenir que le passé.

COURNOT

2000 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Être juste est-ce être dans son droit ?

2000 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Suffit-il de s’en tenir aux faits pour être dans le vrai ?

2000 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pour les Politiques on les croit plus occupés à tendre aux hommes des pièges qu’à les diriger pour le mieux, et on les juge habiles plutôt que sages. L’expérience en effet leur a enseigné qu’il y aura des vices aussi longtemps qu’il y aura des hommes ; ils s’appliquent donc à prévenir la malice humaine, et cela par des moyens dont une longue expérience a fait connaître l’efficacité, et que des hommes mus par la crainte plutôt que guidés par la raison ont coutume d’appliquer ; agissant en cela d’une façon qui paraît contraire à la religion, surtout aux théologiens : selon ces derniers en effet, le souverain devrait conduire les affaires publiques conformément aux règles morales que le particulier est tenu d’observer. Il n’est pas douteux cependant que les Politiques ne traitent dans leurs écrits de la Politique avec beaucoup plus de bonheur que les philosophes : ayant eu l’expérience pour maîtresse, ils n’ont rien enseigné en effet qui fût inapplicable.

SPINOZA

2000 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le technicien n’est-il qu’un exécutant ?

2000 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le droit d’expression autorise-t-il à soutenir n’importe quelle opinion ?

2000 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les hommes sont si bien les mêmes, à toutes les époques et en tous les lieux, que l’histoire ne nous indique rien de nouveau ni d’étrange sur ce point. Son principal usage est seulement de nous découvrir les principes constants et universels de la nature humaine en montrant les hommes dans toutes les diverses circonstances et situations, et en nous fournissant des matériaux d’où nous pouvons former nos informations et nous familiariser avec les ressorts (1) réguliers de l’action et de la conduite humaines. Ces récits de guerres, d’intrigues et de révolutions sont autant de recueils d’expériences qui permettent au philosophe politique ou moral de fixer les principes de sa science, de la même manière que le médecin ou le philosophe de la nature se familiarise avec la nature des plantes, des minéraux et des autres objets extérieurs par les expériences qu’il fait sur eux.

HUME

(1) ressorts : causes

QUESTIONS

1° Dégagez l’idée générale du texte et son argumentation.

2° Expliquez :

a) " les principes constants et universels de la nature humaine".

b) "fixer les principes de sa science".

3° Qu’est-ce que l’histoire nous apprend sur la nature humaine ?

2000 TMD GROUPEMENTS I-IV REMPLACEMENT La condition humaine peut-elle être transformée par la technique ?

2000 TMD GROUPEMENTS I-IV REMPLACEMENT L’État est-il un mal nécessaire ?

2000 TMD GROUPEMENTS I-IV REMPLACEMENT Aucune idée, parmi celles qui se réfèrent à l’ordre des faits naturels, ne tient de plus près à la famille des idées religieuses que l’idée de progrès, et n’est plus propre à devenir le principe d’une sorte de foi religieuse, pour ceux qui n’en ont plus d’autre. Elle a, comme la foi religieuse, la vertu de relever les âmes et les caractères. L’idée du progrès indéfini, c’est l’idée d’une perfection suprême, d’une loi qui domine toutes les lois particulières, d’un but éminent auquel tous les êtres doivent concourir dans leur existence passagère. C’est donc au fond, l’idée du divin ; et il ne faut point être surpris si, chaque fois qu’elle est spécieusement (1) invoquée en faveur d’une cause, les esprits les plus élevés, les âmes les plus généreuses se sentent entraînés de ce côté. Il ne faut pas non plus s’étonner que le fanatisme y trouve un aliment, et que la maxime qui tend à corrompre toutes les religions, celle que l’excellence de la fin justifie les moyens, corrompe aussi la religion du progrès.

COURNOT

(1) spécieusement : faussement

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice de ce texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "C’est donc au fond l’idée du divin" ;

b) "La maxime qui tend à corrompre toutes les religions, celle que l’excellence de la fin justifie les moyens."

3° Parle-t-on correctement lorsque l’on parle de religion du progrès ?

2000 L INDE NORMALE Peut-on tout exprimer ?

2000 L INDE NORMALE Les différences sont-elles des inégalités ?

2000 L INDE NORMALE A l’école, l’activité de l’enfant commence à acquérir, de façon essentielle et radicale, une signification sérieuse, à savoir qu’elle n’est plus abandonnée à l’arbitraire et au hasard, au plaisir et au penchant du moment ; l’enfant apprend à déterminer son agir d’après un but et d’après des règles, il cesse de valoir à cause de sa personnalité immédiate, et commence de valoir suivant ce qu’il fait et de s’acquérir du mérite. Dans la famille, l’enfant doit agir comme il faut dans le sens de l’obéissance personnelle et de l’amour ; à l’école, il doit se comporter dans le sens du devoir et d’une loi, et, pour réaliser un ordre universel, simplement formel, faire telle chose et s’abstenir de telle autre chose qui pourrait bien autrement être permise à l’individu. Instruit au sein de la communauté qu’il forme avec plusieurs, il apprend à tenir compte d’autrui, à faire confiance à d’autres hommes qui lui sont tout d’abord étrangers et à avoir confiance en lui-même vis-à-vis d’eux, et il s’engage ici dans la formation et la pratique des vertus sociales.

HEGEL

2000 S INDE NORMALE Que peut nous apprendre une image ?

2000 S INDE NORMALE L’amour peut-il être un devoir ?

2000 S INDE NORMALE Les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu’aujourd’hui, et chacune d’elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière. Il en est de même de tout ce que les animaux produisent par ce mouvement occulte. La nature les instruit à mesure que la nécessité les presse ; mais cette science fragile se perd avec les besoins qu’ils en ont : comme ils la reçoivent sans étude, ils n’ont pas le bonheur de la conserver ; et toutes les fois qu’elle leur est donnée, elle leur est nouvelle, puisque, la nature n’ayant pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur inspire cette science nécessaire, toujours égale de peur qu’ils ne tombent dans le dépérissement, et ne permet pas qu’ils y ajoutent, de peur qu’ils ne passent les limites qu’elle leur a prescrites. Il n’en est pas de même de l’homme, qui n’est produit que pour l’infinité. Il est dans l’ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s’instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu’il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu’il s’est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu’ils en ont laissés.

PASCAL

2000 TECHN. INDE NORMALE Peut-on être sûr d’avoir raison ?

2000 TECHN. INDE NORMALE Pourquoi s’intéresse-t-on aux oeuvres d’art ?

2000 TECHN. INDE NORMALE Le dernier progrès que fit la raison, achevant d’élever l’homme tout à fait au-dessus de la société animale, ce fut qu’il comprit (obscurément encore) qu’il était proprement la fin de la nature (1), et que rien de ce qui vit sur terre ne pouvait lui disputer ce droit. La première fois qu’il dit au mouton : "la peau que tu portes, ce n’est pas pour toi, mais pour moi que la nature te l’a donnée", qu’il lui retira et s’en revêtit, il découvrit un privilège, qu’il avait, en raison de sa nature, sur tous les animaux. Et il cessa de les considérer comme ses compagnons dans la création, pour les regarder comme des moyens et des instruments mis à la disposition de sa volonté en vu d’atteindre les desseins (2) qu’il se propose. Cette représentation implique (obscurément sans doute) cette contrepartie, à savoir qu’il n’avait pas le droit de traiter un autre homme de cette façon, mais qu’il devait le considérer comme un associé participant sur un pied d’égalité avec lui aux dons de la nature.

KANT

(1) la fin : le but

(2) Les dessins : les projets

QUESTIONS

1° Dégagez la thèse de l’auteur et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "qu’il était proprement la fin de la nature".

b) "qu’il n’avait pas le droit de traiter un autre homme de cette façon".

3° Doit-on considérer que, dans la nature, les être vivants ne son que des moyens pour l’homme ?

2000 ES LA RÉUNION NORMALE L’ignorance est-elle un obstacle à la liberté ?

2000 ES LA RÉUNION NORMALE La technique peut-elle changer la condition humaine ?

2000 ES LA RÉUNION NORMALE La langue est un instrument à penser. Les esprits que nous appelons paresseux, somnolents, inertes, sont vraisemblablement surtout incultes, et en ce sens qu’ils n’ont qu’un petit nombre de mots et d’expressions ; et c’est un trait de vulgarité bien frappant que l’emploi d’un mot à tout faire. Cette pauvreté est encore bien riche, comme les bavardages et les querelles le font voir ; toutefois la précipitation du débit et le retour des mêmes mots montrent bien que ce mécanisme n’est nullement dominé. L’expression "ne pas savoir ce qu’on dit" prend alors tout son sens. On observera ce bavardage dans tous les genres d’ivresse et de délire. Et je ne crois même point qu’il arrive à l’homme de déraisonner par d’autres causes : l’emportement dans le discours fait de la folie avec des lieux communs (1). Aussi est-il vrai que le premier éclair de pensée, en tout homme et en tout enfant, est de trouver un sens à ce qu’il dit. Si étrange que cela soit, nous sommes dominés par la nécessité de parler sans savoir ce que nous allons dire ; et cet état [...] est originaire en chacun ; l’enfant parle naturellement avant de penser, et il est compris des autres bien avant qu’il se comprenne lui-même. Penser c’est donc parler à soi.

ALAIN

(1) lieux communs : idées reçues, clichés.

2000 L LA RÉUNION NORMALE Qui doit faire les lois ?

2000 L LA RÉUNION NORMALE La connaissance scientifique progresse-t-elle par l’accumulation des observations ?

2000 L LA RÉUNION NORMALE Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création : plus riche, est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement. Le commerçant qui développe ses affaires, le chef d’usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en raison de l’argent qu’il gagne et de la notoriété qu’il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans la satisfaction qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu’il goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir appelé quelque chose à la vie.

BERGSON

2000 S LA RÉUNION NORMALE Sans langage, puis-je prendre conscience de moi-même ?

2000 S LA RÉUNION NORMALE Le progrès technique change-t-il la condition humaine ?

2000 S LA RÉUNION NORMALE Ceux en qui naturellement la volonté peut le plus aisément vaincre les passions et arrêter les mouvements du corps qui les accompagnent ont sans doute les âmes les plus fortes ; mais il y en a qui ne peuvent éprouver leur force, parce qu’ils ne font jamais combattre leur volonté avec ses propres armes, mais seulement avec celles que lui fournissent quelques passions pour résister à quelques autres. Ce que je nomme ses propres armes sont des jugements fermes et déterminés touchant la connaissance du bien et du mal, suivant lesquels elle a résolu de conduire les actions de sa vie ; et les âmes les plus faibles de toutes sont celles dont la volonté ne se détermine point ainsi à suivre certains jugements, mais se laisse continuellement emporter aux passions présentes, lesquelles, étant souvent contraires les unes aux autres, la tirent tour à tour à leur parti et, l’employant à combattre contre elle-même, mettent l’âme au plus déplorable état qu’elle puisse être. Ainsi, lorsque la peur représente la mort comme un mal extrême et qui ne peut être évité que par la fuite, si l’ambition, d’autre côté, représente l’infamie de cette fuite comme un mal pire que la mort, ces deux passions agitent diversement la volonté, laquelle obéissant tantôt à l’une, tantôt à l’autre, s’oppose continuellement à soi-même, et ainsi rend l’âme esclave et malheureuse.

DESCARTES

2000 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT Les hommes doivent-ils choisir entre l’exploitation de la nature et sa protection ?

2000 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT La diversité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ?

2000 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT Eveiller l’âme : tel est, dit-on, le but final de l’art, tel est l’effet qu’il doit chercher à obtenir. C’est de cela que nous avons à nous occuper en premier lieu. En envisageant le but final de l’art sous ce dernier aspect, en nous demandant notamment quelle est l’action qu’il doit exercer, qu’il peut exercer et qu’il exerce effectivement, nous constatons aussitôt que le contenu de l’art comprend tout le contenu de l’âme et de l’esprit, que son but consiste à révéler à l’âme tout ce qu’elle recèle d’essentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. Il nous procure l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu’il représente, et, en même temps, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes.

HEGEL

2000 ES LIBAN NORMALE Les techniques naissent-elles d’abord des besoins ?

2000 ES LIBAN NORMALE La pensée de chacun perd-elle à se dire dans le langage de tous ?

2000 ES LIBAN NORMALE Les mathématiques offrent ce caractère particulier et bien remarquable, que tout s’y démontre par le raisonnement seul, sans qu’on ait besoin de faire aucun emprunt à l’expérience, et que néanmoins tous les résultats obtenus sont susceptibles d’être confirmés par l’expérience, dans les limites d’exactitude que l’expérience comporte. Par là les mathématiques réunissent au caractère de sciences rationnelles, celui de sciences positives, dans le sens que le langage moderne donne à ce mot. On démontre en arithmétique que le produit de plusieurs nombres ne change pas, dans quelque ordre qu’on les multiplie : or, rien de plus facile que de vérifier en toute rigueur cette proposition générale sur tant d’exemples qu’on voudra, et d’en avoir ainsi une confirmation expérimentale. On démontre en géométrie que la somme des trois angles d’un triangle vaut deux angles droits : c’est ce qu’on peut vérifier en mesurant avec un rapporteur les trois angles d’un triangle tracé sur le papier, en mesurant avec un graphomètre les trois angles d’un triangle tracé sur le terrain, et en faisant la somme. La vérification ne sera pas absolument rigoureuse, parce que la mesure d’une grandeur continue comporte toujours des petites erreurs : mais on s’assurera, en multipliant les vérifications, que les différences sont tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre et qu’elles ont tous les caractères d’erreurs fortuites. On n’établit pas d’une autre manière les lois expérimentales de la physique.

COURNOT

2000 L LIBAN NORMALE Le désir de savoir est-il naturel ?

2000 L LIBAN NORMALE Peut-on apprendre à mourir ?

2000 L LIBAN NORMALE Socrate - Est-il plus grand mal pour une cité que ce qui la divise et la rend multiple au lieu d’une ? Est-il plus grand bien que ce qui l’unit et la rend une ?

Glaucon - Non.

Socrate - Eh bien ! la communauté de plaisir et de peine n’est-elle pas un bien dans la cité, lorsque, autant que possible, tous les citoyens se réjouissent ou s’affligent également des mêmes événements heureux ou malheureux ?

Glaucon - Si, très certainement.

Socrate - Et n’est-ce pas l’égoïsme de ces sentiments qui la divise, lorsque les uns éprouvent une vive douleur, et les autres une vive joie, à l’occasion des mêmes événements publics ou particuliers ?

Glaucon - Sans doute.

Socrate - Or, cela ne vient-il pas de ce que les citoyens ne sont point unanimes à prononcer ces paroles : ceci me concerne, ceci ne me concerne pas, ceci m’est étranger ?

Glaucon - Sans aucun doute.

Socrate - Par conséquent, la cité dans laquelle la plupart des citoyens disent à propos des mêmes choses : ceci me concerne, ceci ne me concerne pas, cette cité est excellemment organisée ?

Glaucon - Certainement.

Socrate - Et ne se comporte-t-elle pas, à très peu de chose près, comme un seul homme ? Je m’explique : quand un de nos doigts reçoit quelque coup, la communauté du corps et de l’âme, qui forme une seule organisation, à savoir celle de son principe directeur, éprouve une sensation ; tout entière et simultanément elle souffre avec l’une de ses parties : aussi disons-nous que l’homme a mal au doigt. Il en est de même de toute autre partie de l’homme, qu’il s’agisse du malaise causé par la douleur, ou du mieux-être qu’entraîne le plaisir.

Glaucon - Il y a nécessité qu’il en soit ainsi dans une cité aux bonnes lois.

PLATON

2000 S LIBAN NORMALE Le vivant n’est-il que matière ?

2000 S LIBAN NORMALE Pourquoi les hommes sont-ils injustes ?

2000 S LIBAN NORMALE Que l’âme ne cherche donc pas à s’atteindre comme une absente, mais qu’elle s’applique à discerner sa présence ! Qu’elle ne cherche pas à se connaître comme si elle était une inconnue pour elle-même, mais qu’elle se distingue de ce qu’elle sait n’être pas elle ! Ce précepte qu’elle reçoit, le Connais-toi toi-même, comment se souciera-t-elle de le mettre en pratique, si elle ne sait ce que signifient le connais et le toi-même ? Dès lors qu’elle comprend ces deux mots, c’est qu’elle se connaît aussi elle-même. Car on ne dit pas à l’âme "Connais-toi toi-même", comme on lui dit "Connais les Chérubins et les Séraphins" (1) : bien qu’ils soient pour nous des absents, nous croyons en eux, parce que la foi nous apprend que ce sont des puissances célestes. On ne lui prescrit pas non plus de se connaître, comme on lui dirait "Connais la volonté de cet homme" : car cette volonté ne nous est pas présente, nous n’en avons ni l’intuition, ni l’intelligence, sinon grâce à la manifestation de signes extérieurs ; encore, ces signes, y croyons-nous plus que nous ne les comprenons ! On ne lui dit pas non plus ces paroles comme on dirait à quelqu’un "Regarde ton visage", ce qui ne se peut faire que dans un miroir. Car notre visage lui aussi échappe à notre vue : il ne se trouve pas là où peut se diriger notre regard. Mais lorsqu’on dit à l’âme "Connais-toi toi-même", dès l’instant qu’elle comprend ces paroles "toi-même" elle se connaît ; cela, pour la simple raison qu’elle est présente à elle-même.

AUGUSTIN

(1) Les Chérubins et les Séraphins sont des anges

2000 L MÉTROPOLE NORMALE La mémoire suffit-elle à l’historien ?

2000 L MÉTROPOLE NORMALE L’exigence de justice et celle de liberté sont-elles séparables ?

2000 L MÉTROPOLE NORMALE Quand l’enfant s’amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d’un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu’il s’exerce davantage. La reconstitution était d’ailleurs instantanée, l’enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin. L’opération n’exige donc pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n’exige aucun temps. C’est que le résultat en est donné. C’est que l’image est créée déjà et que, pour l’obtenir, il suffit d’un travail de recomposition et de réarrangement, - travail qu’on peut supposer allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d’être instantané. Mais pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. Ce n’est pas un intervalle qu’on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail. La contracter ou la dilater serait modifier à la fois l’évolution psychologique qui la remplit et l’invention qui en est le terme. Le temps d’invention ne fait qu’un ici avec l’invention même. C’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps. Enfin c’est un processus vital, quelque chose comme la maturation d’une idée.

Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste, mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’oeuvre d’art. Et c’est ce rien qui prend du temps.

BERGSON

2000 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Connaître, est-ce expérimenter ?

2000 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est-il légitime de penser que l’histoire se répète ?

2000 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Celui qui renonce à sa liberté et l’échange pour de l’argent agit contre l’humanité. La vie elle-même ne doit être tenue en haute estime que pour autant qu’elle nous permet de vivre comme des hommes, c’est-à-dire non pas en recherchant tous les plaisirs, mais de façon à ne pas déshonorer notre humanité. Nous devons dans notre vie être dignes de notre humanité : tout ce qui nous en rend indignes nous rend incapables de tout et suspend l’homme en nous. Quiconque offre son corps à la malice d’autrui pour en retirer un profit - par exemple en se laissant rouer de coups en échange de quelques bières - renonce du même coup à sa personne, et celui qui le paie pour cela agit de façon aussi méprisable que lui. D’aucune façon ne pouvons-nous, sans sacrifier notre personne, nous abandonner à autrui pour satisfaire son inclination, quand bien même nous pourrions par là sauver de la mort nos parents et nos amis. On peut encore moins le faire pour de l’argent. Si c’est pour satisfaire ses propres inclinations qu’on agit ainsi, cela est peut-être naturel mais n’en contredit pas moins la vertu et la moralité ; si c’est pour l’argent ou pour quelque autre but, on consent alors à se laisser utiliser comme une chose malgré le fait qu’on soit une personne, et on rejette ainsi la valeur de l’humanité.

KANT

2000 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les arts sont-ils un langage ?

2000 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est-ce un devoir de respecter la nature ?

2000 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT On dit volontiers : ma volonté a été déterminée par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d’emblée que je me sois ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n’a pas été seulement passif ; il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c’est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n’est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de causes et ma volonté n’est pas l’effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s’ensuive nécessairement. Mais en tant que réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l’homme allègue qu’il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l’état d’être non libre ou naturel, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d’un autre ni l’effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n’ont jamais sur l’homme que le pouvoir qu’il leur accorde lui-même.

HEGEL

2000 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Obéir, est-ce nécessairement se soumettre ?

2000 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT En quel sens peut-on parler d’espaces imaginaires ?

2000 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Socrate : Ainsi donc celui qui pense laisser après lui un art consigné dans un livre, comme celui qui le recueille en pensant qu’il sortira de cette écriture un enseignement clair et durable, fait preuve d’une grande simplicité (1) [...] s’il pense que des discours écrits sont quelque chose de plus qu’un mémento (2) qui rappelle à celui qui les connaît déjà les choses traitées dans le livre.

Phèdre (3) : C’est très juste.

Socrate : C’est que l’écriture, Phèdre, a un grave inconvénient, tout comme la peinture. Les produits de la peinture sont comme s’ils étaient vivants ; mais pose-leur une question, ils gardent gravement le silence. Il en est de même des discours écrits. On pourrait croire qu’ils parlent en personnes intelligentes, mais demande-leur de t’expliquer ce qu’ils disent, ils ne répondront qu’une chose, toujours la même. Une fois écrit, le discours roule partout et passe indifféremment dans les mains des connaisseurs et dans celles des profanes, et il ne sait pas distinguer à qui il faut, à qui il ne faut pas parler. S’il se voit méprisé ou injurié injustement, il a toujours besoin du secours de son père ; car il n’est pas capable de repousser une attaque et de se défendre lui-même.

Phèdre : C’est également très juste.

PLATON

(1) simplicité : ici, naïveté.

(2) memento : aide-mémoire

(3) Phèdre est un interlocuteur masculin de Socrate

QUESTIONS :

a) Quelle est la thèse soutenue par Socrate ?

b) Quels sont ses arguments ?

a) Quel est le sens de la comparaison de l’écriture avec la peinture ?

b) Expliquer : "il ne sait pas distinguer à qui il faut, à qui il ne faut pas parler".

c) Pourquoi le discours écrit a-t-il "toujours besoin du secours de son père" ?

3° Les discours écrits sont-ils impropres à enseigner la vérité ?

2000 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’expérience de l’oeuvre d’art modifie-t-elle la conscience que nous avons du monde ?

2000 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être trop raisonnable ?

2000 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT On décrit souvent l’état de nature comme un état parfait de l’homme, en ce qui concerne tant le bonheur que la bonté morale. Il faut d’abord noter que l’innocence est dépourvue, comme telle, de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l’absence des besoins d’où peut naître la méchanceté. D’autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la violence et l’injustice, précisément parce que les hommes ne s’y considèrent que du seul point de vue de la nature. Or, de ce point de vue là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux forces du corps et quant aux dispositions de l’esprit, et c’est par la violence et la ruse qu’ils font valoir l’un contre l’autre leur différence.

HEGEL

2000 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE L’art modifie-t-il notre rapport à la réalité ?

2000 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Les sciences humaines pensent-elles l’homme comme un être prévisible ?

2000 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Le penchant de l’instinct est indéterminé. Un sexe est attiré vers l’autre, voilà le mouvement de la nature. Le choix, les préférences, l’attachement personnel sont l’ouvrage des lumières, des préjugés, de l’habitude ; il faut du temps et des connaissances pour nous rendre capables d’amour, on n’aime qu’après avoir jugé, on ne préfère qu’après avoir comparé. Ces jugements se font sans qu’on s’en aperçoive, mais ils n’en sont pas moins réels. Le véritable amour, quoi qu’on en dise, sera toujours honoré des hommes ; car, bien que ses comportements nous égarent, bien qu’il n’exclue pas du coeur qui le sent des qualités odieuses et même qu’il en produise, il en suppose pourtant toujours d’estimables sans lesquelles on serait hors d’état de le sentir. Ce choix qu’on met en opposition avec la raison nous vient d’elle ; on a fait l’amour aveugle parce qu’il a de meilleurs yeux que nous, et qu’il voit des rapports que nous ne pouvons apercevoir. Pour qui n’aurait nulle idée de mérite ni de beauté, toute femme serait également bonne, et la première venue serait toujours la plus aimable. Loin que l’amour vienne de la nature, il est la règle et le frein de ses penchants.

ROUSSEAU

2000 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Les passions nous empêchent-elles de faire notre devoir ?

2000 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE À quoi servent les sciences ?

2000 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Si (...) les fourmis, par exemple, ont un langage, les signes qui composent ce langage doivent être en nombre bien déterminé, et chacun d’eux rester invariablement attaché, une fois l’espèce constituée, à un certain objet ou à une certaine opération. Le signe est adhérent à la chose signifiée. Au contraire, dans une société humaine, la fabrication et l’action sont de forme variable, et, de plus, chaque individu doit apprendre son rôle, n’y étant pas prédestiné par sa structure. Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu’on sait à ce qu’on ignore. Il faut un langage dont les signes - qui ne peuvent pas être en nombre infini - soient extensibles à une infinité de choses. Cette tendance du signe à se transporter d’un objet à un autre est caractéristique du langage humain. On l’observe chez le petit enfant, du jour où il commence à parler. Tout de suite, et naturellement, il étend le sens des mots qu’il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour détacher et transporter ailleurs le signe qu’on avait attaché devant lui à un objet. "N’importe quoi peut désigner n’importe quoi", tel est le principe latent du langage enfantin. On a eu tort de confondre cette tendance avec la faculté de généraliser. Les animaux eux-mêmes généralisent, et d’ailleurs un signe, fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un genre. Ce qui caractérise les signes du langage humain, ce n’est pas tant leur généralité que leur mobilité. Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un signe mobile.

BERGSON

2000 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE L’imagination peut-elle s’affranchir de toute contrainte ?

2000 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE À quoi tient la force des religions ?

2000 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Telle est la nature de l’équitable, qui est un correctif de la loi là où elle se montre insuffisante en raison de son caractère général. Tout ne peut être réglé par la loi. En voici la raison : pour certaines choses, on ne peut établir de loi, par conséquent, il faut un décret. En effet, pour tout ce qui est indéterminé, la règle ne peut donner de détermination précise, au contraire de ce qui se passe dans l’architecture à Lesbos (1), avec la règle de plomb ; cette règle, qui ne reste pas rigide, peut épouser les formes de la pierre ; de même les décrets s’adaptent aux circonstances particulières. On voit ainsi clairement ce qu’est l’équitable, que l’équitable est juste et qu’il est supérieur à une certaine sorte de juste. On voit par là avec évidence ce qu’est aussi l’homme équitable : celui qui choisit délibérément une telle attitude et la pratique ; celui qui n’est pas trop pointilleux, au sens péjoratif, sur le juste, mais qui prend moins que son dû tout en ayant la loi de son côté, est un homme équitable, et cette disposition est l’équité, qui est une forme de justice et non une disposition différente.

ARISTOTE

(1) la "règle de Lesbos" sert à mesurer les courbes.

QUESTIONS :

a) Quelle est la thèse retenue par Aristote ?

b) Comment l’établit-il ?

a) En quoi le "caractère général" de la loi appelle-t-il un "correctif" ? Qu’apporte à l’analyse l’image de la règle de plomb ?

b) Expliquer : "l’équitable est juste et (...) il est supérieur à une certaine sorte de juste".

c) En quoi consiste la pratique de l’homme équitable ?

3° Peut-on appliquer la loi de manière injuste ?

2000 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Être libre consiste-t-il à se suffire à soi-même ?

2000 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Que veut-on dire quand on dit : "c’est beau" ?

2000 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT La philosophie ne peut être rapprochée de la science, en ce sens qu’elle en formerait, soit le premier, soit le dernier échelon. C’est le produit d’une autre faculté de l’intelligence, qui, dans la sphère de son activité, s’exerce et se perfectionne suivant un mode qui lui est propre. C’est aussi quelque chose de moins impersonnel que la science. La science se transmet identiquement par l’enseignement oral et dans les livres ; elle devient le patrimoine commun de tous les esprits, et dépouille bientôt le cachet du génie qui l’a créée ou agrandie. Dans l’ordre des spéculations philosophiques, les développements de la pensée sont seulement suscités par la pensée d’autrui ; ils conservent toujours un caractère de personnalité qui fait que chacun est obligé de se faire sa philosophie. La pensée philosophique est bien moins que la pensée poétique sous l’influence des formes du langage, mais elle en dépend encore, tandis que la science se transmet sans modification aucune d’un idiome à l’autre.

COURNOT

2000 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Nature et société sont-elles au même titre objet de science ?

2000 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’oeuvre d’art nous apprend-elle quelque chose ?

2000 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’homme public, puisqu’il se mêle de gouverner les autres, ne peut se plaindre d’être jugé sur ses actes dont les autres portent la peine, ni sur l’image souvent inexacte qu’ils donnent de lui. Comme Diderot le disait du comédien en scène, nous avançons que tout homme qui accepte de jouer un rôle porte autour de soi un "grand fantôme" dans lequel il est désormais caché, et qu’il est responsable de son personnage même s’il n’y reconnaît pas ce qu’il voulait être. Le politique n’est jamais aux yeux d’autrui ce qu’il est à ses propres yeux, non seulement parce que les autres le jugent témérairement, mais encore parce qu’ils ne sont pas lui, et que ce qui est en lui erreur ou négligence peut être pour eux mal absolu, servitude ou mort. Acceptant, avec un rôle politique, une chance de gloire, il accepte aussi un risque d’infamie, l’une et l’autre "imméritées". L’action politique est de soi impure parce qu’elle est action de l’un sur l’autre et parce qu’elle est action à plusieurs. [...] Aucun politique ne peut se flatter d’être innocent. Gouverner, comme on dit, c’est prévoir, et le politique ne peut s’excuser sur l’imprévu. Or il y a de l’imprévisible. Voilà la tragédie.

MERLEAU-PONTY

2000 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’amitié peut-elle être le fondement de la vie en société ?

2000 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pourquoi craindre la mort ?

2000 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Ce ne sont pas nos sens qui nous trompent, mais c’est notre volonté qui nous trompe par ses jugements précipités. Quand on voit, par exemple, de la lumière, il est très certain que l’on voit de la lumière ; quand on, sent de la chaleur, on ne se trompe point de croire que l’on en sent, [...]. Mais on se trompe quand on juge que la chaleur que l’on sent est hors de l’âme qui la sent [...]. Les sens ne nous jetteraient donc point dans l’erreur si nous faisions bon usage de notre liberté, et si nous ne nous servions point de leur rapport pour juger des choses avec trop de précipitation. Mais parce qu’il est très difficile de s’en empêcher, et que nous y sommes quasi contraints à cause de l’étroite union de notre âme avec notre corps, voici de quelle manière nous nous devons conduire dans leur usage pour ne point tomber dans l’erreur. Nous devons observer exactement cette règle de ne juger jamais par les sens de ce que les choses sont en elles-mêmes, mais seulement du rapport qu’elles ont avec notre corps.

MALEBRANCHE

2000 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il combattre les passions pour être libre ?

2000 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’étude du passé rend-elle le présent plus étrange ou plus familier ?

2000 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une doctrine inconciliable avec la société civile, c’est que chaque fois qu’un homme agit contre sa conscience, c’est une faute. Cette doctrine repose sur la présomption par laquelle on se fait soi-même juge du bien et du mal. En effet, la conscience d’un homme et son jugement, c’est tout un. Et la conscience, comme le jugement, peut être erronée. En conséquence, encore que celui qui n’est pas assujetti à la loi civile commette une faute chaque fois qu’il agit contre sa conscience (puisqu’il n’a pas d’autre règle à suivre que sa propre raison), il n’en va pas de même de celui qui vit dans une République, car la loi est alors la conscience publique, par laquelle il a antérieurement accepté d’être guidé. S’il n’en est pas ainsi, étant donné la diversité des consciences privées, qui ne sont rien d’autre que des opinions privées, la République sera nécessairement divisée, et nul ne s’aventurera à obéir au pouvoir souverain au-delà de ce qui aura trouvé grâce à ses propres yeux.

HOBBES

2000 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT L’absence de passions est-elle une vertu ?

2000 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT La vérité est-elle un idéal périmé ?

2000 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT La société, qui est la mise en commun des énergies individuelles, bénéficie des efforts de tous et rend à tous leur effort plus facile. Elle ne peut subsister que si elle se subordonne l’individu, elle ne peut progresser que si elle le laisse faire : exigences opposées qu’il faudrait réconcilier. Chez l’insecte, la première condition est seule remplie. Les sociétés de fourmis et d’abeilles sont admirablement disciplinées et unies, mais figées dans une immuable routine. Si l’individu s’y oublie lui-même, la société oublie aussi sa destination ; l’un et l’autre, en état de somnambulisme, font et refont indéfiniment le tour du même cercle, au lieu de marcher, droit en avant, à une efficacité sociale plus grande et à une liberté individuelle plus complète. Seules, les sociétés humaines tiennent fixés devant leurs yeux les deux buts à atteindre. En lutte avec elles-mêmes et en guerre les unes avec les autres, elles cherchent visiblement, par le frottement et par le choc, à arrondir des angles, à user des antagonismes, à éliminer des contradictions, à faire que les volontés individuelles s’insèrent sans se déformer dans la volonté sociale et que les diverses sociétés entrent à leur tour, sans perdre leur originalité ni leur indépendance, dans une société plus vaste.

BERGSON

2000 L NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Le citoyen doit-il obéir à l’État ou à sa conscience ?

2000 L NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT L’existence du mal met-elle en échec la raison ?

2000 L NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Les bêtes sont purement empiriques et ne font que se régler sur les exemples, car elles n’arrivent jamais à former des propositions nécessaires, autant qu’on en peut juger ; au lieu que les hommes sont capables des sciences démonstratives. C’est encore pour cela que la faculté que les bêtes ont de faire des consécutions est quelque chose d’inférieur à la raison qui est dans les hommes. Les consécutions des bêtes sont purement comme celles des simples empiriques, qui prétendent que ce qui est arrivé quelquefois arrivera encore dans un cas où ce qui les frappe est pareil, sans être capables de juger si les mêmes raisons subsistent. C’est par là qu’il est si aisé aux hommes d’attraper les bêtes, et qu’il est si facile aux simples empiriques de faire des fautes. C’est de quoi les personnes devenues habiles par l’âge et par l’expérience ne sont pas exemptes lorsqu’elles se fient trop à leur expérience passée, comme il est arrivé à plusieurs dans les affaires civiles et militaires, parce qu’on ne considère point assez que le monde change et que les hommes deviennent plus habiles en trouvant mille adresses nouvelles, au lieu que les cerfs ou les lièvres de ce temps ne deviennent point plus rusés que ceux du temps passé. Les consécutions des bêtes ne sont qu’une ombre du raisonnement, c’est-à-dire ce ne sont que connexions d’imagination, et que passages d’une image à une autre.

LEIBNIZ

2000 S NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT À quelles conditions une action est-elle libre ?

2000 S NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Sommes-nous responsables de l’avenir ?

2000 S NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Il suffit que nous parlions d’un objet pour nous croire objectifs. Mais, par notre premier choix, l’objet nous désigne plus que nous ne le désignons et ce que nous croyons nos pensées fondamentales sur le monde sont souvent des confidences sur la jeunesse de notre esprit. Parfois nous nous émerveillons devant un objet élu, nous accumulons les hypothèses et les rêveries ; nous formons ainsi des convictions qui ont l’apparence d’un savoir. Mais la source initiale est impure : l’évidence première n’est pas une vérité fondamentale. En fait, l’objectivité scientifique n’est possible que si l’on a d’abord rompu avec l’objet immédiat, si l’on a refusé la séduction du premier choix, si l’on a arrêté et contredit les pensées qui naissent de la première observation. Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l’objet. Elle doit d’abord tout critiquer : la sensation, le sens commun, la pratique même la plus constante, l’étymologie enfin, car le verbe (1), qui est fait pour chanter et séduire, rencontre rarement la pensée.

BACHELARD

(1) Le verbe : la parole.

2000 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on avoir peur d’être libre ?

2000 ES POLYNÉSIE NORMALE À quoi reconnaît-on qu’une découverte est scientifique ?

2000 ES POLYNÉSIE NORMALE Des lois bien faites doivent, à la vérité, déterminer elles-mêmes autant de cas qu’il se peut, en laisser le moins possible à la décision des juges, d’abord parce qu’un ou quelques hommes de saine intelligence et aptes à légiférer ou juger sont plus faciles à trouver qu’un grand nombre ; ensuite parce que les lois ne se font qu’après un long examen, tandis que les jugements se prononcent séance tenante ; aussi est-il difficile que ceux qui sont appelés à juger décident comme il faudrait du juste et de l’utile. Mais de toutes les raisons la plus importante est que le jugement du législateur ne porte pas sur le particulier, mais sur le futur et le général, tandis que le membre de l’assemblée et le juge ont à prononcer immédiatement sur des cas actuels et déterminés. Dans leur appréciation interviennent souvent amitié, haine, intérêt personnel ; aussi ne sont-ils plus en état de se faire une idée adéquate de la vérité et leur jugement est-il obnubilé par un sentiment égoïste de plaisir ou de peine. Il faut, nous le répétons, abandonner le moins de questions possible à la décision souveraine du juge ; mais la nécessité veut qu’on lui laisse à décider si la chose s’est produite ou ne s’est pas produite, si elle sera possible ou impossible ; si elle a ou n’a pas le caractère prétendu ; car il ne se peut que le législateur prévoie ces choses.

ARISTOTE

2000 L POLYNÉSIE NORMALE A quelles conditions peut-on contester la loi ?

2000 L POLYNÉSIE NORMALE Pour bien agir, faut-il vouloir le bien d’autrui ?

2000 L POLYNÉSIE NORMALE Les sens, quoique nécessaires pour toutes nos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les donner toutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c’est-à-dire des vérités particulières ou individuelles. Or tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu’ils soient, ne suffisent pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit point que ce qui est arrivé arrivera de même. [...] D’où il paraît que les vérités nécessaires, telles qu’on les trouve dans les mathématiques pures et particulièrement dans l’arithmétique et dans la géométrie, doivent avoir des principes dont la preuve ne dépende point des exemples ni par conséquence du témoignage des sens, quoique sans les sens on ne se serait jamais avisé d’y penser.

LEIBNIZ

2000 S POLYNÉSIE NORMALE Les passions sont-elles à l’origine des désordres politiques ?

2000 S POLYNÉSIE NORMALE Un homme peut-il en juger un autre ?

2000 S POLYNÉSIE NORMALE La vérité, je (1) le déclare en effet, la formule en est ce que j’ai écrit : "Chacun de nous est la mesure de toutes choses, de celles qui sont comme de celles qui ne sont pas" (...) Ainsi, rappelle-toi en effet (...) l’homme qui se porte mal et pour qui ce qu’il mange apparaît et est amer, tandis que cela est et apparaît à l’opposé pour celui qui se porte bien. Or, à aucun de ces deux hommes il ne faut attribuer un savoir supérieur à celui de l’autre : ce n’est pas possible en effet, et il ne faut pas non plus accuser d’ignorance le malade parce qu’il en juge comme il fait, tandis qu’on attribuerait au bien portant le savoir, parce qu’il en juge différemment. Mais ce qu’il faut, c’est opérer sur le malade, un changement de sens opposé ; car l’autre manière d’être est meilleure. C’est ainsi, d’autre part, que l’éducation consiste à opérer un changement qui fait passer d’une certaine manière d’être à celle qui vaut mieux ; mais tandis que ce changement, le médecin l’effectue au moyen de drogues, c’est par la parole que le Sophiste l’effectue.

PLATON

(1) C’est un interlocuteur de Socrate qui parle.

2000 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Est-il légitime de réglementer le développement des techniques ?

2000 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Le présent peut-il s’expliquer intégralement par l’histoire ?

2000 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Pourquoi, dans la vie de tous les jours, les hommes disent-ils la plupart du temps la vérité ? -Sûrement pas parce qu’un dieu a interdit le mensonge. Mais, premièrement, parce que c’est plus commode ; car le mensonge réclame invention, dissimulation et mémoire. Ensuite, parce qu’il est avantageux, quand tout se présente simplement, de parler sans détours : je veux ceci, j’ai fait cela, et ainsi de suite ; c’est-à-dire parce que les voies de la contrainte et de l’autorité sont plus sûres que celles de la ruse. - Mais s’il arrive qu’un enfant ait été élevé au milieu de complications familiales, il maniera le mensonge tout aussi naturellement et dira toujours involontairement ce qui répond à son intérêt ; sens de la vérité, répugnance pour le mensonge en tant que tel lui sont absolument étrangers, et ainsi donc il ment en toute innocence.

NIETZSCHE

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "le mensonge réclame invention, dissimulation et mémoire."

b) "les voies de la contrainte et de l’autorité sont plus sûres que celles de la ruse".

3° Disons-nous la vérité par respect pour la vérité ?

2000 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art peut-il être un refuge ?

2000 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Un amour passionné est-il un véritable amour ?

2000 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Parce que le corps de l’État doit être conduit comme par une seule âme et [parce] que la volonté de la Cité doit être prise pour la volonté de tous, on doit estimer que ce que la Cité a décrété est juste et bon comme si chaque citoyen l’avait décidé. Et c’est pourquoi, même si un sujet considère que les lois de la Cité sont injustes, il est tenu cependant de s’y soumettre. Mais on peut objecter : n’est-il par contraire à la loi de la raison de se soumettre entièrement au jugement d’autrui ? Par conséquent, l’état de société n’est-il pas contraire à la raison ? D’où il suivrait que l’état de société est un état irrationnel et qu’il ne peut être institué que par des hommes privés de raison et pas du tout par ceux qui vivent sous la conduite de la raison. Mais parce que la raison n’enseigne rien qui soit contraire à la nature, une saine raison ne peut commander que chacun relève de son propre droit aussi longtemps que les hommes sont soumis à leur passions Ajoutons que la raison enseigne sans réserve de chercher la paix qu’on ne peut certes obtenir que si les lois communes de la Cité ne sont pas transgressées. C’est pourquoi plus un homme est conduit par la raison, c’est-à-dire, plus il est libre, plus il observera constamment les lois de la cité et suivra les prescriptions des Puissances souveraines dont il est le sujet.

SPINOZA

2000 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Les hommes sont-ils des êtres à part dans la nature ?

2000 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Les connaissances scientifiques sont-elles vraies ?

2000 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Préférer l’imaginaire, ce n’est pas seulement préférer une richesse, une beauté, un luxe en image à la médiocrité présente malgré leur caractère irréel. C’est adopter aussi des sentiments et une conduite "imaginaires", à cause de leur caractère imaginaire. On ne choisit pas seulement telle ou telle image, on choisit l’état imaginaire avec tout ce qu’il comporte, on ne fuit pas seulement le contenu du réel (pauvreté, amour déçu, échec de nos entreprises, etc.), on fuit la forme même du réel, son caractère de présence, le genre de réaction qu’il demande de nous, la subordination de nos conduites à l’objet, l’inépuisabilité des perceptions, leur indépendance, la façon même que nos sentiments ont de se développer. [...] Le rêveur morbide (1) qui s’imagine être roi ne s’accommoderait pas d’une royauté effective ; même pas d’une tyrannie où tous ses désirs seraient exaucés. C’est que, en effet, jamais un désir n’est à la lettre exaucé du fait précisément de l’abîme qui sépare le réel de l’imaginaire. L’objet que je désirais, on peut bien me le donner mais c’est sur un autre plan d’existence auquel je devrai m’adapter.

SARTRE

(1) "morbide" : qui se complaît maladivement dans l’imaginaire.

2000 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Pourquoi revenir sur le passé ?

2000 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La morale s’apprend-elle ?

2000 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Lorsque nous avons la première fois aperçu en notre enfance une figure triangulaire tracée sur le papier, cette figure n’a pu nous apprendre comme il fallait concevoir le triangle géométrique, parce qu’elle ne le représentait pas mieux qu’un mauvais crayon une image parfaite. Mais, d’autant que l’idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d’un triangle peint, de là vient qu’ayant vu cette figure composée nous ne l’avons pas conçue elle-même, mais plutôt le véritable triangle. Tout ainsi que quand nous jetons les yeux sur une carte où il y a quelques traits qui sont tracés et arrangés de telle sorte qu’ils représentent la face d’un homme, alors cette vue n’excite pas tant en nous l’idée de ces mêmes traits que celle d’un homme : ce qui n’arriverait pas ainsi si la face d’un homme ne nous était connue d’ailleurs, et si nous n’étions plus accoutumés à penser à elle que non pas à ses traits, lesquels assez souvent même nous ne saurions distinguer les uns des autres quand nous en sommes un peu éloignés. Ainsi, certes, nous ne pourrions jamais connaître le triangle géométrique par celui que nous voyons tracé sur le papier, si notre esprit n’en avait eu l’idée d’ailleurs.

DESCARTES

2001 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-il nécessaire de pouvoir pour vouloir ?

2001 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-il raisonnable de se quereller pour des mots ?

2001 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE On a coutume cependant de demander si le souverain est lié par les lois et si en conséquence il peut commettre des fautes. Puisque cependant les mots de loi et de faute ne s’appliquent pas seulement à la législation de la Cité mais aux lois communes de toute la nature, et qu’il y a lieu d’avoir égard avant tout aux règles que pose la raison, nous ne pouvons dire, absolument parlant, que la Cité n’est liée par aucune loi et ne peut commettre de faute. Si, en effet, la Cité n’avait ni lois ni règles, non pas même celles sans lesquelles elle ne serait pas une Cité, il faudrait voir en elle non une chose appartenant à la nature, mais une chimère. La Cité commet donc une faute quand elle agit ou permet d’agir de telle façon que sa propre ruine puisse être la conséquence des actes accomplis : nous dirons alors qu’elle commet une faute dans le sens où les philosophes et aussi les médecins disent que la nature peut fauter, ce qui signifie que la Cité commet une faute quand elle agit contrairement au commandement de la raison. C’est surtout en effet quand elle se conforme au commandement de la raison, que la Cité est maîtresse d’elle-même. Lors donc qu’elle agit contrairement à la raison, et dans la mesure où elle le fait, elle se manque à elle-même et on peut dire qu’elle faute.

SPINOZA

2001 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE De quoi sommes-nous responsables ?

2001 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le désir peut-il être désintéressé ?

2001 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Quelque réelle que soit, sans doute, la satisfaction attachée à la seule découverte de la vérité, elle n’a jamais assez d’intensité pour diriger la conduite habituelle ; l’impulsion d’une passion quelconque est même indispensable à notre chétive intelligence pour déterminer et soutenir presque tous ses efforts. Si cette inspiration émane d’une affection bienveillante, on la remarque comme étant à la fois plus rare et plus estimable ; sa vulgarité empêche, au contraire, de la distinguer quand elle est due aux motifs personnels de gloire, d’ambition, ou de cupidité. Telle est, au fond, la seule différence ordinaire. Lors même que l’impulsion mentale résulterait, en effet, d’une sorte de passion exceptionnelle pour la pure vérité, sans aucun mélange d’orgueil ou de vanité, cet exercice idéal, dégagé de toute destination sociale, ne cesserait pas d’être profondément égoïste.

COMTE

2001 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Suis-je libre de penser ce que je veux ?

2001 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE N’est-on moral que par intérêt ?

2001 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ceux qui ont à l’excès les dons de la fortune - force, richesse, amis et autres avantages de ce genre - ne veulent ni ne savent obéir (et ce défaut, ils le tiennent, dès l’enfance, de leur famille : à cause d’une vie trop facile, ils n’ont pas pris, même à l’école, l’habitude d’obéir), tandis que ceux qui sont privés, d’une manière excessive, de ces avantages sont trop avilis. Le résultat, c’est que ces derniers ne savent pas commander, mais seulement obéir en esclaves à l’autorité, tandis que les autres ne savent obéir à aucune autorité mais seulement commander en maîtres. Ainsi donc, il se forme une cité d’esclaves et de maîtres, mais non d’hommes libres, les uns pleins d’envie, les autres de mépris, sentiments très éloignés de l’amitié et de la communauté de la cité car communauté implique amitié : avec ses ennemis, on ne veut même pas faire en commun un bout de chemin. La cité, elle, se veut composée le plus possible, d’égaux et de semblables, ce qui se rencontre surtout dans la classe moyenne.

ARISTOTE

2001 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La liberté consiste-t-elle à faire ce qui nous plaît ?

2001 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La recherche de la vérité peut-elle se passer du doute ?

2001 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Une oeuvre géniale, qui commence par déconcerter, pourra créer peu à peu par sa seule présence une conception de l’art et une atmosphère artistique qui permettront de la comprendre ; elle deviendra alors rétrospectivement géniale : sinon, elle serait restée ce qu’elle était au début, simplement déconcertante. Dans une spéculation financière, c’est le succès qui fait que l’idée avait été bonne. Il y a quelque chose du même genre dans la création artistique, avec cette différence que le succès, s’il finit par venir à l’oeuvre qui avait d’abord choqué, tient à une transformation du goût du public opérée par l’oeuvre même ; celle-ci était donc force en même temps que matière ; elle a imprimé un élan que l’artiste lui avait communiqué ou plutôt qui est celui même de l’artiste, invisible et présent en elle.

BERGSON

2001 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’illusion est-elle la force ou la faiblesse de la passion ?

2001 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La parole suffit-elle à faire échec à la violence ?

2001 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Fréquemment (...) quelques-uns se mettent à scruter des propositions avec tant de hâte qu’ils appliquent à leur solution un esprit errant à l’aventure, avant de remarquer à quels signes ils reconnaîtront l’objet cherché, s’il vient à se présenter. Ils ne sont pas moins niais qu’un serviteur envoyé quelque part par son maître et qui serait si désireux d’obéir qu’il se mettrait à courir en hâte sans avoir encore reçu d’ordre et sans savoir où on lui ordonne d’aller.

Au contraire, dans toute question, quoiqu’il doive y avoir quelque chose d’inconnu, car autrement sa recherche serait vaine, il faut néanmoins que cet inconnu soit désigné par des conditions si précises que nous soyons entièrement déterminés à rechercher un objet particulier plutôt qu’un autre. C’est à l’examen de ces conditions, disons-nous, qu’il faut dès le début nous livrer, et c’est ce qui arrivera si nous appliquons notre pénétration intellectuelle à les saisir distinctement par intuition une à une, en recherchant avec soin quelle limitation reçoit de chacune d’elles cet inconnu que nous cherchons. L’esprit humain, en effet, a coutume de se tromper ici de deux façons, soit en prenant quelque chose de plus que ce qui lui a été donné pour déterminer la question, soit au contraire en faisant quelque omission.

DESCARTES

2001 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Ne fait-on son devoir que par crainte du regard d’autrui ?

2001 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La justice suppose-t-elle l’égalité ?

2001 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les hommes sont la proie d’une si aveugle curiosité qu’ils conduisent souvent leur esprit par des chemins inconnus, et sans aucune raison d’espérer, mais seulement pour courir leur chance d’y trouver par hasard ce qu’ils cherchent ; comme quelqu’un qui brûlerait d’un désir si brutal de découvrir un trésor, qu’il ne cesserait de courir les rues çà et là, cherchant si par hasard il n’en trouverait pas un qu’un voyageur aurait perdu. C’est ainsi que travaillent presque tous les chimistes, la plupart des géomètres, et plus d’un philosophe ; et certes je ne nie point que parfois ils ne vagabondent avec assez de bonne fortune pour trouver quelque vérité ; je n’admets pas pour autant qu’ils en soient plus habiles, mais seulement plus chanceux. Il vaut cependant bien mieux ne jamais songer à chercher la vérité sur quelque objet que ce soit, que le faire sans méthode : car il est très certain que ces recherches désordonnées et ces méditations obscures troublent la lumière naturelle et aveuglent l’esprit ; et tous ceux qui s’habituent ainsi à marcher dans les ténèbres affaiblissent tant leur vue que par la suite ils ne peuvent plus supporter la lumière du jour : l’expérience aussi le confirme, puisque nous voyons très souvent ceux qui ne se sont jamais souciés d’étudier porter des jugements bien plus solides et bien plus clairs sur ce qui se présente à eux, que ceux qui ont passé tout leur temps dans les écoles.

DESCARTES

2001 ES ANTILLES NORMALE Suffit-il d’être poli envers autrui pour le respecter ?

2001 ES ANTILLES NORMALE Notre pensée est-elle prisonnière de la langue que nous parlons ?

2001 ES ANTILLES NORMALE II est inadmissible de dire que la science est un domaine de l’activité intellectuelle humaine, que la religion et la philosophie en sont d’autres, de valeur au moins égale, et que la science n’a pas à intervenir dans les deux autres, qu’elles ont toutes la même prétention à la vérité, et que chaque être humain est libre de choisir d’où il veut tirer ses convictions et où il veut placer sa foi. Une telle conception passe pour particulièrement distinguée, tolérante, compréhensive et libre de préjugés étroits. Malheureusement, elle n’est pas soutenable, elle participe à tous les traits nocifs d’une Weltanschauung (1) absolument non scientifique et lui équivaut pratiquement. Il est évident que la vérité ne peut être tolérante, qu’elle n’admet ni compromis ni restriction, que la recherche considère tous les domaines de l’activité humaine comme les siens propres et qu’il lui faut devenir inexorablement critique lorsqu’une autre puissance veut en confisquer une part pour elle-même.

FREUD

(1) Weltanschauung : vision du monde.

2001 L ANTILLES NORMALE Une théorie scientifique doit-elle se prémunir contre toute critique ?

2001 L ANTILLES NORMALE Un pouvoir peut-il s’exercer sans chercher à se justifier ?

2001 L ANTILLES NORMALE Ce qui est digne d’être poursuivi par soi, nous le nommons plus parfait que ce qui est poursuivi pour une autre chose, et ce qui n’est jamais désirable en vue d’une autre chose, nous le déclarons plus parfait que les choses qui sont désirables à la fois par elles mêmes et pour cette autre chose, et nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose. Or le bonheur semble être au suprême degré une fin de ce genre, car nous le choisissons toujours pour lui-même et jamais en vue d’une autre chose : au contraire, l’honneur, le plaisir, l’intelligence ou toute vertu quelconque, sont des biens que nous choisissons assurément pour eux-mêmes (puisque, même si aucun avantage n’en découlait pour nous, nous les choisirions encore), mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur, car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale, en vue d’autre chose que lui-même.

ARISTOTE

2001 S ANTILLES NORMALE La technique peut-elle améliorer l’homme ?

2001 S ANTILLES NORMALE Peut-on opposer le devoir à la liberté ?

2001 S ANTILLES NORMALE Quand on a cru, sans connaître l’art de raisonner, qu’un raisonnement est vrai, il peut se faire que peu après on le trouve faux, alors qu’il l’est parfois et parfois ne l’est pas, et l’expérience peut se renouveler sur un autre et un autre encore. II arrive notamment, tu le sais, que ceux qui ont passé leur temps à controverser finissent par s’imaginer qu’ils sont devenus très sages et que, seuls, ils ont découvert qu’il n’y a rien de sain ni de sûr ni dans aucune chose ni dans aucun raisonnement, mais que tout est dans un flux et un reflux continuels, absolument comme dans l’Euripe (1) et que rien ne demeure un moment dans le même état.

- C’est parfaitement vrai, dis-je.

- Alors, Phédon, reprit-il, s’il est vrai qu’il y ait des raisonnements vrais, solides et susceptibles d’être compris, ne serait-ce pas une triste chose de voir un homme qui, pour avoir entendu des raisonnements qui, tout en restant les mêmes, paraissent tantôt vrais, tantôt faux, au lieu de s’accuser lui-même et son incapacité, en viendrait par dépit à rejeter la faute sur les raisonnements, au lieu de s’en prendre à lui-même, et dès lors continuerait toute sa vie à haïr et ravaler les raisonnements et serait ainsi privé de la vérité et de la connaissance de la réalité ?

- Oui, par Zeus, dis-je, ce serait une triste chose.

PLATON

(1) L’Euripe : détroit qui sépare l’Eubée de la Béotie, où se produisent un flux et un reflux perpétuels.

2001 STI AA ANTILLES NORMALE Ce qui est naturel échappe-t-il à l’histoire ?

2001 STI AA ANTILLES NORMALE L’art peut-il revendiquer la laideur ?

2001 STI AA ANTILLES NORMALE Ces noms de juste et d’injuste, comme aussi ceux de justice et d’injustice, sont équivoques : car ils signifient choses diverses, suivant qu’on les attribue aux personnes ou aux actions. Quand on les applique aux actions justes, juste signifie le même que fait à bon droit, et injuste, fait tout au contraire de l’équité. Celui qui a fait quelque chose justement est nommé innocent, et ne mérite pas pour cela seul le titre de juste ; comme celui qui a commis une injustice est nommé coupable, plutôt qu’injuste. Mais quand ces termes sont appliqués aux personnes, être juste signifie le même que se plaire aux actions justes, s’étudier à rendre la justice, et l’observer partout ponctuellement. Au contraire, être injuste se dit d’une personne qui méprise la justice, et qui ne la mesure pas à ses promesses, mais à sa commodité présente. Par ainsi, il y a différence entre la justice, ou l’injustice, qui se trouvent en l’âme d’une personne, dans le fonds de ses moeurs, et celles qui se voient dans une action, ou dans une omission mauvaise. Et comme il peut échapper à un homme juste une infinité d’actions injustes, il en peut aussi sortir de justes d’une personne injuste. Cela étant, on peut nommer juste, un homme qui fait des actions justes, à cause que les lois les commandent, et qui n’en commet d’autres que par infirmité. Mais on doit appeler injuste, celui qui n’agit justement que par la crainte qu’il a des peines que les lois imposent et qui, en faisant des actions injustes, suit la pente de ses mauvaises inclinations.

HOBBES

QUESTIONS :

a) Concernant le juste et l’injuste, ce texte établit une distinction : laquelle ?

b) Analysez la manière dont cette distinction est développée.

a) Quelle différence y a-t-il entre "innocent" et "juste", entre "coupable" et "injuste" ?

b) Que signifie commettre des actions injustes "par infirmité" ?

3° Respecter les lois, craindre les châtiments, est-ce la même chose ?

2001 TECHN. ANTILLES NORMALE La conscience n’est-elle tournée que vers elle-même ?

2001 TECHN. ANTILLES NORMALE Le cours de l’histoire est-il prévisible ?

2001 TECHN. ANTILLES NORMALE L’animal aussi produit. Il se construit un nid, des habitations, comme l’abeille, le castor, la fourmi, etc. Mais il ne produit que ce dont il a immédiatement besoin pour lui ou pour son petit ; il produit d’une façon unilatérale, tandis que l’homme produit d’une façon universelle ; il ne produit que sous l’emprise du besoin physique immédiat, tandis que l’homme produit même lorsqu’il est libéré de tout besoin physique et ne produit vraiment que lorsqu’il en est vraiment libéré. L’animal ne produit que lui-même, tandis que l’homme reproduit la nature tout entière, le produit de l’animal fait directement partie de son corps physique, tandis que l’homme affronte librement son produit. L’animal ne façonne que selon la mesure et selon les besoins de l’espèce à laquelle il appartient, tandis que l’homme sait produire à la mesure de toute espèce et sait appliquer partout à l’objet la nature qui est la sienne. C’est pourquoi l’homme façonne aussi d’après les lois de la beauté.

MARX

1° Dégagez le sens de l’opposition présente dans ce texte.

2° Expliquez :

a) "il ne produit que ce dont il a immédiatement besoin" ;

b) "l’homme affronte librement son produit" ;

c) "appliquer partout à l’objet la nature qui est la sienne".

3° Toute production humaine est-elle une production libre ?

2001 ES ANTILLES REMPLACEMENT En quel sens les sciences de l’homme sont-elles des sciences ?

2001 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le droit et l’intérêt général peuvent-il s’opposer ?

2001 ES ANTILLES REMPLACEMENT Cette idée de la personnalité qui éveille le respect, qui nous met devant les yeux la sublimité de notre nature (d’après sa détermination), en nous faisant remarquer en même temps le défaut d’accord de notre conduite avec elle, et en abaissant par cela même la présomption, est naturelle, même à la raison humaine la plus commune, et aisément remarquée. Tout homme, même médiocrement honorable, n’a-t-il pas trouvé quelquefois qu’il s’est abstenu d’un mensonge, d’ailleurs inoffensif, par lequel il pouvait ou se tirer lui-même d’une affaire désagréable ou procurer quelque avantage à un ami cher et plein de mérite, pour avoir le droit de ne pas se mépriser en secret à ses propres yeux ? Dans les grands malheurs de la vie, qu’il aurait pu éviter en se mettant au-dessus du devoir, un honnête homme n’est-il pas soutenu par la conscience d’avoir en sa personne maintenu l’humanité dans sa dignité, de l’avoir honorée, de n’avoir pas de raison de rougir de lui-même à ses propres yeux et de craindre le spectacle intérieur de l’examen de conscience ?

KANT

2001 L ANTILLES REMPLACEMENT Prétendre distinguer l’homme de l’animal, est-ce légitime ?

2001 L ANTILLES REMPLACEMENT Exiger l’obéissance, est-ce nécessairement porter atteinte à la liberté ?

2001 L ANTILLES REMPLACEMENT On charge les hommes, dès l’enfance, du soin de leur honneur, de leur bien, de leurs amis, et encore du bien et de l’honneur de leurs amis. On les accable d’affaires, de l’apprentissage des langues et d’exercices, et on leur fait entendre qu’ils ne sauraient être heureux sans que leur santé, leur honneur, leur fortune et celle de leurs amis soient en bon état, et qu’une seule chose qui manque les rendrait malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. - Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux ! Que pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux ? - Comment ! ce qu’on pourrait faire ? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins (1) car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu’ils sont, d’où ils viennent, où ils vont : et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner. Et c’est pourquoi, après leur avoir tant préparé d’affaires, s’ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l’employer à se divertir, à jouer et à s’occuper toujours tout entiers.

PASCAL

(1) soins : soucis.

2001 S ANTILLES REMPLACEMENT La franchise est-elle au service de la vérité ?

2001 S ANTILLES REMPLACEMENT Le bonheur est-il une aspiration universelle ?

2001 S ANTILLES REMPLACEMENT Si la constitution naturelle des hommes leur faisait désirer avec le plus d’ardeur ce qui tend à leur plus haut intérêt, toute intervention expresse, en vue de faire régner la concorde et la bonne foi, serait superflue. Mais telle n’est pas la pente habituelle de la nature humaine, on le sait. L’État doit donc être organisé nécessairement de manière que tous, gouvernants et gouvernés - qu’ils agissent de bon ou de mauvais gré - n’en mettent pas moins leur conduite au service du salut général. En d’autres termes, il faut que tous, par force et par nécessité si ce n’est spontanément, soient contraints de vivre selon la discipline de la raison. Pour que soit atteint ce résultat, le fonctionnement de l’État sera réglé de telle sorte, qu’aucune affaire important au salut général ne soit jamais confiée à un seul individu, présumé de bonne foi. Car l’homme le plus vigilant est cependant assujetti au sommeil, par intervalles, le plus fort et le plus inébranlable est sujet à faiblir ou à se laisser vaincre, aux moments précis où il aurait besoin de la plus grande énergie.

SPINOZA

2001 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Ce qui est subjectif est-il nécessairement faux ?

2001 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Le développement technique met-il l’homme en contradiction avec la nature ?

2001 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Il y a des cas où des hommes, même avec une éducation qui a été profitable à d’autres, montrent cependant dès l’enfance une méchanceté si précoce, et y font des progrès si continus dans leur âge mûr qu’on les prend pour des scélérats (1) de naissance et qu’on les tient, en ce qui concerne leur façon de penser, pour tout à fait incorrigibles ; et toutefois on les juge pour ce qu’ils font et ce qu’ils ne font pas, on leur reproche leurs crimes comme des fautes, bien plus, eux-mêmes (les enfants) trouvent ces reproches tout à fait fondés, exactement comme si en dépit de la nature désespérante du caractère qu’on leur attribue, ils demeuraient aussi responsables que tout autre homme. Cela ne pourrait arriver si nous ne supposions pas que tout ce qui sort du libre choix d’un homme (comme sans doute toute action faite à dessein) a pour fondement une causalité par liberté, qui, dès la plus tendre jeunesse, exprime son caractère dans ses actions.

KANT

(1) Scélérat : individu sans moralité

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "on leur reproche leurs crimes comme des fautes"

b) "en dépit de la nature désespérante du caractère qu’on leur attribue".

3° Le fait de tenir quelqu’un pour responsable prouve-t-il qu’il est libre ?

2001 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Une oeuvre d’art peut-elle être plus vraie que son modèle ?

2001 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La liberté peut-elle être prouvée ?

2001 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Quand je vois chacun de nous sans cesse occupé de l’opinion publique étendre pour ainsi dire son existence tout autour de lui sans réserver presque rien dans son propre coeur, je crois voir un petit insecte former de sa substance une grande toile par laquelle seule il paraît sensible tandis qu’on le croirait mort dans son trou. La vanité de l’homme est la toile d’araignée qu’il tend sur tout ce qui l’environne. L’une est aussi solide que l’autre, le moindre fil qu’on touche met l’insecte en mouvement, il mourrait de langueur si l’on laissait la toile tranquille, et si d’un doigt on la déchire il achève de s’épuiser plutôt que de ne la pas refaire à l’instant. Commençons par redevenir nous, par nous concentrer en nous, par circonscrire notre âme des mêmes bornes que la nature a données à notre être, commençons en un mot par nous rassembler où nous sommes, afin qu’en cherchant à nous connaître tout ce qui nous compose vienne à la fois se présenter à nous. Pour moi, je pense que celui qui sait le mieux en quoi consiste le moi humain est le plus près de la sagesse et que comme le premier trait d’un dessin se forme des lignes qui le terminent (1), la première idée de l’homme est de le séparer de tout ce qui n’est pas lui.

ROUSSEAU

(1) "qui le terminent" : qui le délimitent.

2001 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Sommes-nous responsables de notre manque de volonté ?

2001 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les sciences de l’homme sont-elles vraiment des sciences ?

2001 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Nous avons dit que les lois étaient des institutions particulières et précises du législateur ; et les moeurs et les manières, des institutions de la nation en général. De là il suit que lorsqu’on veut changer les moeurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois : cela paraîtrait trop tyrannique ; il vaut mieux les changer par d’autres moeurs et d’autres manières.

Ainsi lorsqu’un prince veut faire de grands changements dans sa nation, il faut qu’il réforme par les lois ce qui est établi par les lois, et qu’il change par les manières ce qui est établi par les manières : et c’est une très mauvaise politique de changer par les lois ce qui doit être changé par les manières.

La loi qui obligeait les Moscovites à se faire couper la barbe et les habits, et la violence de Pierre Ier, qui faisait tailler jusqu’aux genoux les longues robes de ceux qui entraient dans les villes, étaient tyranniques. II y a des moyens pour empêcher les crimes : ce sont les peines ; il y en a pour faire changer les manières : ce sont les exemples.

(...) En général, les peuples sont très attachés à leurs coutumes ; les leur ôter violemment, c’est les rendre malheureux : il ne faut donc pas les changer, mais les engager à les changer eux-mêmes.

MONTESQUIEU

2001 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La poursuite de mon intérêt m’oppose-t-elle aux autres ?

2001 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La technique n’est-elle qu’outils et machines ?

2001 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Mais quand nous supposerions l’homme maître absolu de son esprit et de ses idées, il serait encore nécessairement sujet à l’erreur par sa nature. Car l’esprit de l’homme est limité, et tout esprit limité est par sa nature sujet à l’erreur. La raison en est, que les moindres choses ont entre elles une infinité de rapports, et qu’il faut un esprit infini pour les comprendre. Ainsi un esprit limité ne pouvant embrasser ni comprendre tous ces rapports quelque effort qu’il fasse, il est porté à croire que ceux qu’il n’aperçoit pas n’existent point, principalement lorsqu’il ne fait pas d’attention à la faiblesse et à la limitation de son esprit, ce qui lui est fort ordinaire. Ainsi la limitation de l’esprit toute seule, emporte avec soi la capacité de tomber dans l’erreur.

Toutefois si les hommes, dans l’état même où ils sont de faiblesse (...), faisaient toujours bon usage de leur liberté, ils ne se tromperaient jamais. Et c’est pour cela que tout homme qui tombe dans l’erreur est blâmé avec justice, et mérite même d’être puni : car il suffit pour ne se point tromper de ne juger que de ce qu’on voit, et de ne faire jamais des jugements entiers, que des choses que l’on est assuré d’avoir examinées dans toutes leurs parties, ce que les hommes peuvent faire. Mais ils aiment mieux s’assujettir à l’erreur, que de s’assujettir à la règle de la vérité : ils veulent décider sans peine et sans examen. Ainsi il ne faut pas s’étonner, s’ils tombent dans un nombre infini d’erreurs, et s’ils font souvent des jugements assez incertains.

MALEBRANCHE

2001 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le développement de la technique permet-il à l’homme d’acquérir une plus grande liberté ?

2001 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on penser par soi-même sans se soucier de ce que pensent les autres ?

2001 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vie en commun ne devient possible que lorsqu’une pluralité parvient à former un groupement plus puissant que ne l’est lui-même chacun de ses membres, et à maintenir une forte cohésion en face de tout individu pris en particulier. La puissance de cette communauté en tant que "Droit" s’oppose alors à celle de l’individu, flétrie (1) du nom de force brutale. En opérant cette substitution de la puissance collective à la force individuelle, la civilisation fait un pas décisif. Son caractère essentiel réside en ceci que les membres de la communauté limitent leurs possibilités de plaisir alors que l’individu isolé ignorait toute restriction de ce genre.

FREUD

(1) flétrir = déprécier.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et son organisation.

2° Expliquez :

a) "La puissance de cette communauté en tant que "Droit"" ;

b) "la civilisation fait un pas décisif".

3° Le droit s’établit-il nécessairement contre les individus ?

2001 ES INDE NORMALE L’art n’est-il qu’un mode d’expression subjectif ?

2001 ES INDE NORMALE Le langage peut-il être un obstacle à la recherche de la vérité ?

2001 ES INDE NORMALE Même quand il s’agit des lois écrites, la meilleure solution n’est pas toujours de les conserver immuables. En effet, dans l’ordre politique il est impossible de préciser par écrit tous les détails, car la loi écrite a forcément pour objet le général, tandis que les actions ont rapport aux cas particuliers. Ces considérations montrent donc avec évidence que des changements sont opportuns pour certaines lois et dans certains cas. Mais si on considère les choses sous un autre angle, une grande vigilance, paraîtra s’imposer dans ce domaine. Quand, en effet, l’avantage qu’on retire du changement apporté est de faible intérêt, et comme, en revanche, il est dangereux d’habituer les hommes à abroger les lois à la légère, mieux vaut manifestement fermer les yeux sur quelques erreurs des législateurs ou des magistrats, car le profit qu’on pourra retirer d’une modification de la loi sera loin de compenser le dommage qui sera causé par l’habitude de désobéir à ceux qui gouvernent. La loi n’a aucun pouvoir de contraindre à l’obéissance, en dehors de la force de la coutume, et celle-ci ne s’établit qu’après un laps de temps considérable, de sorte que passer facilement des lois existantes à de nouvelles lois toutes différentes, c’est affaiblir l’autorité de la loi.

ARISTOTE

2001 L INDE NORMALE Peut-on être libre sans être responsable ?

2001 L INDE NORMALE Que peuvent les techniques ?

2001 L INDE NORMALE Dans l’éducation, la notion d’obstacle pédagogique est également méconnue. J’ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences plus encore que les autres si c’est possible, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l’erreur, de l’ignorance et de l’irréflexion. (...) Les professeurs de sciences imaginent que l’esprit commence comme une leçon (...) qu’on peut faire comprendre une démonstration en la répétant point pour point. Ils n’ont pas réfléchi au fait que l’adolescent arrive dans la classe de Physique avec des connaissances empiriques déjà constituées : il s’agit alors non pas d’acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne. Un seul exemple : l’équilibre des corps flottants fait l’objet d’une intuition familière qui est un tissu d’erreurs. D’une manière plus ou moins nette, on attribue une activité au corps qui flotte, mieux au corps qui nage. Si l’on essaie avec la main d’enfoncer un morceau de bois dans l’eau, il résiste. On n’attribue pas facilement la résistance à l’eau. Il est dès lors assez difficile de faire comprendre le principe d’Archimède dans son étonnante simplicité mathématique si l’on n’a pas d’abord critiqué et désorganisé le complexe impur des intuitions premières. En particulier sans cette psychanalyse des erreurs initiales, on ne fera jamais comprendre que le corps qui émerge et le corps complètement immergé obéissent à la même loi.

BACHELARD

2001 S INDE NORMALE La technique peut-elle garantir le bonheur ?

2001 S INDE NORMALE Les théories simplifient-elles l’expérience ?

2001 S INDE NORMALE Il est obligatoire qu’au comportement juridiquement correct se lie aussi, de façon essentielle, le comportement moral. Mais il peut arriver qu’au comportement juridiquement correct ne se lie aucunement la disposition d’esprit orientée vers le droit, et même que ce comportement fasse place à une disposition d’esprit immorale. La conduite juridiquement correcte, dans la mesure où elle a pour mobile le respect de la loi, est en même temps une conduite morale. C’est, de façon juridiquement correcte, mais, en même temps, avec une disposition d’esprit morale, qu’il faut tout d’abord se conduire, purement et simplement, et ensuite seulement, hors de toute interdiction juridique (de toute obligation de droit) la conduite morale peut intervenir comme telle. Les hommes aiment à se conduire de façon morale ou noble et, plutôt que de remplir leurs obligations juridiques, ils préfèrent souvent répandre des dons désintéressés. Car, en se conduisant avec noblesse, ils se donnent à eux-mêmes conscience de leur perfection particulière, alors qu’en suivant la règle de droit ils se situent à un niveau de parfaite universalité, qui leur est commun avec tout le monde.

HEGEL

2001 TECHN. INDE NORMALE La liberté de pensée consiste-t-elle à penser ce qu’on veut ?

2001 TECHN. INDE NORMALE L’histoire de chacun dépend-elle de l’histoire de tous ?

2001 TECHN. INDE NORMALE L’universalité du besoin d’art ne tient pas à autre chose qu’au fait que l’homme est un être pensant et doué de conscience. En tant que doué de conscience, l’homme doit se placer en face de ce qu’il est, de ce qu’il est d’une façon générale, et en faire un objet pour soi. Les choses de la nature se contentent d’être, elles sont simples, ne sont qu’une fois, mais l’homme, en tant que conscience, se dédouble : il est une fois, mais il est pour lui-même. Il projette devant lui ce qu’il est ; il se contemple, se représente lui-même. Il faut donc chercher le besoin général qui provoque une oeuvre d’art dans la pensée de l’homme, puisque l’oeuvre d’art est un moyen à l’aide duquel l’homme extériorise ce qu’il est.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte.

2°Expliquez

a) "Les choses de la nature se contentent d’être, elles sont simples, ne sont qu’une fois, mais l’homme, en tant que conscience, se dédouble " ;

b) "l’oeuvre d’art est un moyen à l’aide duquel l’homme extériorise ce qu’il est".

3° Pourrions-nous nous passer d’oeuvres d’art ?

2001 ES JAPON NORMALE Travailler, est-ce perdre son temps ?

2001 ES JAPON NORMALE La beauté oblige-t-elle à penser ?

2001 ES JAPON NORMALE L’homme est un être destiné à la société (bien qu’il soit aussi insociable), et en cultivant l’état de société il ressent puissamment le besoin de s’ouvrir aux autres (même sans avoir là d’intention précise) ; mais d’un autre côté, retenu et averti par la peur de l’abus que les autres pourraient faire de cette révélation de ses pensées, il se voit alors contraint de renfermer en lui-même une bonne part de ses jugements (surtout ceux qu’il porte sur les autres hommes). (...) II consentirait bien aussi à révéler aux autres ses défauts et ses fautes, mais il doit craindre que l’autre ne dissimule les siens et que lui-même puisse ainsi baisser dans l’estime de ce dernier s’il lui ouvrait tout son coeur.

Si donc il trouve un homme qui ait de bonnes intentions et soit sensé, de telle sorte qu’il puisse, sans avoir à se soucier de ce danger, lui ouvrir son coeur en toute confiance et s’accorde de surcroît avec lui sur la manière de juger des choses, il peut donner libre cours à ses pensées. Il n’est plus entièrement seul avec ses pensées, comme dans une prison, mais jouit d’une liberté dont il est privé dans la foule où il lui faut se renfermer en lui-même.

KANT

2001 L JAPON NORMALE Est-il possible de penser par soi-même ?

2001 L JAPON NORMALE Peut-on mal agir sans le savoir ?

2001 L JAPON NORMALE D’un côté, la destination de chacun dans la société n’étant plus déterminée par aucune maxime généralement respectée, et les institutions pratiques ayant dû se conformer à cette situation des esprits, l’essor des ambitions particulières n’est plus contenu réellement que par la puissance irrégulière et fortuite des circonstances extérieures propres aux divers individus. D’un autre côté, le sentiment social cherchant vainement, soit dans la raison privée, soit dans les préjugés publics, des notions exactes et fixes sur ce qui constitue le bien général dans chaque cas qui se présente, il finit par dégénérer peu à peu en une vague intention philanthropique, incapable d’exercer aucune action réelle sur la conduite de la vie. Par cette double influence, chacun, dans les grands rapports sociaux, est graduellement conduit à se faire centre, et la notion de l’intérêt particulier restant seule bien claire au milieu de tout ce chaos moral, l’égoïsme pur devient naturellement le seul mobile assez énergique pour diriger l’existence active.

COMTE

2001 S JAPON NORMALE Faire son devoir, est-ce renoncer à sa liberté ?

2001 S JAPON NORMALE Y a-t-il contradiction entre la prétention des sciences à la vérité et le fait qu’elles ont une histoire ?

2001 S JAPON NORMALE II y en a qui vont jusqu’à cette absurdité d’expliquer un mot par le mot même. J’en sais qui ont défini la lumière en cette sorte : "La lumière est un mouvement luminaire des corps lumineux" ; comme si on pouvait entendre les mots de luminaire et de lumineux sans celui de lumière.

On ne peut entreprendre de définir l’être sans tomber dans cette absurdité : car on ne peut définir un mot sans commencer par celui-ci, c’est, soit qu’on l’exprime ou qu’on le sous-entende. Donc pour définir l’être, il faudrait dire c’est, et ainsi employer le mot défini dans sa définition.

On voit assez de là qu’il y a des mots incapables d’être définis ; et si la nature n’avait suppléé à ce défaut par une idée pareille qu’elle a donnée à tous les hommes, toutes nos expressions seraient confuses ; au lieu qu’on en use avec la même assurance et la même certitude que s’ils étaient expliqués d’une manière parfaitement exempte d’équivoques : parce que la nature nous en a elle-même donné sans paroles une intelligence plus nette que celle que l’art nous acquiert par nos explications.

PASCAL

2001 ES LIBAN NORMALE Peut-on ne vivre que pour agir ?

2001 ES LIBAN NORMALE Tout ce qui est évident est-il vrai ?

2001 ES LIBAN NORMALE Si la parole présupposait la pensée, si parler c’était d’abord se joindre à l’objet par une intention de connaissance ou par une représentation, on ne comprendrait pas pourquoi la pensée tend vers l’expression comme vers son achèvement, pourquoi l’objet le plus familier nous paraît indéterminé tant que nous n’en avons pas retrouvé le nom, pourquoi le sujet pensant lui-même est dans une sorte d’ignorance de ses pensées tant qu’il ne les a pas formulées pour soi ou même dites et écrites, comme le montre l’exemple de tant d’écrivains qui commencent un livre sans savoir au juste ce qu’ils y mettront. Une pensée qui se contenterait d’exister pour soi, hors des gênes de la parole et de la communication, aussitôt apparue tomberait à l’inconscience, ce qui revient à dire qu’elle n’existerait pas même pour soi.

MERLEAU-PONTY

2001 L LIBAN NORMALE Suffit-il d’être dans son droit pour avoir raison ?

2001 L LIBAN NORMALE Peut-on vivre sans se faire d’illusion ?

2001 L LIBAN NORMALE La grandeur de l’homme est si visible, qu’elle se tire même de sa misère. Car ce qui est nature aux animaux, nous l’appelons misère en l’homme.

(...) Car qui se trouve malheureux de n’être pas roi, sinon un roi dépossédé ? Trouvait-on Paul-Émile (1) malheureux de n’être plus consul ? Au contraire, tout le monde trouvait qu’il était heureux de l’avoir été, parce que sa condition n’était pas de l’être toujours. Mais on trouvait Persée si malheureux de n’être plus roi, parce que sa condition était de l’être toujours, qu’on trouvait étrange de ce qu’il supportait la vie. Qui se trouve malheureux de n’avoir qu’une bouche ? et qui ne se trouverait malheureux de n’avoir qu’un oeil ? On ne s’est peut-être jamais avisé de s’affliger de n’avoir pas trois yeux, mais on est inconsolable de n’en point avoir.

PASCAL

(1) Paul-Émile est le général qui vainquit Persée, roi de Macédoine.

2001 S LIBAN NORMALE La recherche scientifique a-t-elle des limites ?

2001 S LIBAN NORMALE La religion et la morale ont-elles la même finalité ?

2001 S LIBAN NORMALE Qu’est-ce donc que la liberté ? Naître, c’est à la fois naître du monde et naître au monde. Le monde est déjà constitué, mais aussi jamais complètement constitué. Sous le premier rapport, nous sommes sollicités, sous le second nous sommes ouverts à une infinité de possibles. Mais cette analyse est encore abstraite, car nous existons sous les deux rapports à la fois. Il n’y a donc jamais déterminisme et jamais choix absolu, jamais je ne suis chose et jamais conscience nue. En particulier, même nos initiatives, même les situations que nous avons choisies nous portent, une fois assumées, comme par une grâce d’état. La généralité du "rôle" et de la situation vient au secours de la décision, et, dans cet échange entre la situation et celui qui l’assume, il est impossible de délimiter la "part de la situation" et la "part de la liberté". On torture un homme pour le faire parler. S’il refuse de donner les noms et les adresses qu’on veut lui arracher, ce n’est pas par une décision solitaire et sans appuis ; il se sentait encore avec ses camarades, et, encore engagé dans la lutte commune, il était comme incapable de parler ; ou bien, depuis des mois ou des années, il a affronté en pensée cette épreuve et misé toute sa vie sur elle ; ou enfin, il veut prouver en la surmontant ce qu’il a toujours pensé et dit de la liberté. Ces motifs n’annulent pas la liberté, ils font du moins qu’elle ne soit pas sans étais (1) dans l’être.

MERLEAU-PONTY

(1) soutiens

2001 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Pourquoi s’intéresser à l’histoire ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Le développement technique transforme-t-il réellement l’homme ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c’est une convention vaine et contradictoire de stipuler (1) d’une part une autorité absolue et de l’autre une obéissance sans bornes. N’est-il pas clair qu’on n’est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition, sans équivalent, sans échange n’entraîne-t-elle pas la nullité de l’acte ? Car quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient, et que son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n’a aucun sens ?

ROUSSEAU

(1) stipuler : affirmer

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée générale du texte et la structure de son argumentation.

2° Expliquez : "N’est-il pas clair qu’on n’est engagé en rien envers celui dont on a droit de tout exiger ?"

3° En quoi toute forme d’esclavage est-elle contraire au droit ?

2001 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Des cultures différentes font-elles des humanités différentes ?

2001 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT N’exprime-t-on que ce dont on a conscience ?

2001 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Toutes les actions auxquelles nul ne peut être incité ni par des promesses ni par des menaces, sont en dehors des lois de la Cité. Nul par exemple ne peut se dessaisir de sa faculté de juger ; par quelles promesses ou par quelles menaces un homme pourrait-il être amené à croire que le tout n’est pas plus grand que la partie (...) ou que le corps qu’il voit être fini est un être infini ? D’une manière générale, comment pourrait-il être amené à croire ce qui est contraire à ce qu’il sent ou pense ? De même, par quelles promesses ou par quelles menaces un homme pourrait-il être amené à aimer ce qu’il hait ou à haïr ce qu’il aime ? Et il faut en dire autant de tout ce dont la nature humaine a horreur à ce point qu’elle le juge pire que tous les maux : qu’un homme porte témoignage contre lui-même, se mette lui-même au supplice, tue son père et sa mère, ne s’efforce pas d’éviter la mort, et autres choses semblables, auxquelles ni promesses ni menaces ne peuvent amener personne. Si cependant l’on prétendait que la Cité a le droit ou le pouvoir de commander de telles choses, ce serait à nos yeux comme si l’on disait qu’un homme a le droit d’être insensé ou de délirer.

SPINOZA

2001 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE De quelle vérité l’opinion est-elle capable ?

2001 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Donner pour recevoir, est-ce le principe de tout échange ?

2001 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Le criminel qui connaît tout l’enchaînement des circonstances ne considère pas, comme son juge et son censeur, que son acte est en dehors de l’ordre et de la compréhension : sa peine cependant lui est mesurée exactement selon le degré d’étonnement qui s’empare de ceux-ci, en voyant cette chose incompréhensible pour eux, l’acte du criminel. - Lorsque le défenseur d’un criminel connaît suffisamment le cas et sa genèse, les circonstances atténuantes qu’il présentera, les unes après les autres, finiront nécessairement par effacer toute la faute. Ou, pour l’exprimer plus exactement encore : le défenseur atténuera degré par degré cet étonnement qui veut condamner et attribuer la peine, il finira même par le supprimer complètement, en forçant tous les auditeurs honnêtes à s’avouer dans leur for intérieur : "Il lui fallut agir de la façon dont il a agi ; en punissant, nous punirions l’éternelle nécessité." - Mesurer le degré de la peine selon le degré de connaissance que l’on a ou peut avoir de l’histoire du crime, - n’est-ce pas contraire à toute équité ?

NIETZSCHE

2001 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE La question "qui suis-je ?" admet-elle une réponse exacte ?

2001 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Tout pouvoir s’accompagne-t-il de violence ?

2001 L MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Dans toutes les créatures qui ne font pas des autres leurs proies et que de violentes passions n’agitent pas, se manifeste un remarquable désir de compagnie, qui les associe les unes les autres. Ce désir est encore plus manifeste chez l’homme : celui-ci est la créature de l’univers qui a le désir le plus ardent d’une société, et il y est adapté par les avantages les plus nombreux. Nous ne pouvons former aucun désir qui ne se réfère pas à la société. La parfaite solitude est peut-être la plus grande punition que nous puissions souffrir. Tout plaisir est languissant quand nous en jouissons hors de toute compagnie, et toute peine devient plus cruelle et plus intolérable. Quelles que soient les autres passions qui nous animent, orgueil, ambition, avarice, curiosité, désir de vengeance, ou luxure, le principe de toutes, c’est la sympathie : elles n’auraient aucune force si nous devions faire entièrement abstraction des pensées et des sentiments d’autrui. Faites que tous les pouvoirs et tous les éléments de la nature s’unissent pour servir un seul homme et pour lui obéir ; faites que le soleil se lève et se couche à son commandement ; que la mer et les fleuves coulent à son gré ; que la terre lui fournisse spontanément ce qui peut lui être utile et agréable : il sera toujours misérable tant que vous ne lui aurez pas donné au moins une personne avec qui il puisse partager son bonheur, et de l’estime et de l’amitié de qui il puisse jouir.

HUME

2001 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE La liberté se définit-elle comme un pouvoir de refuser ?

2001 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Notre connaissance du réel se limite-t-elle au savoir scientifique ?

2001 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE C’est la faiblesse de l’homme qui le rend sociable : ce sont nos misères communes qui portent nos coeurs à l’humanité, nous ne lui devrions rien si nous n’étions pas hommes. Tout attachement est un signe d’insuffisance : si chacun de nous n’avait nul besoin des autres, il ne songerait guère à s’unir à eux. Ainsi de notre infirmité même naît notre frêle bonheur. Un être vraiment heureux est un être solitaire : Dieu seul jouit d’un bonheur absolu ; mais qui de nous en a l’idée ? Si quelque être imparfait pouvait se suffire à lui-même, de quoi jouirait-il selon nous ? Il serait seul, il serait misérable. Je ne conçois pas que celui qui n’a besoin de rien puisse aimer quelque chose ; je ne conçois pas que celui qui n’aime rien puisse être heureux.

Il suit de là que nous nous attachons à nos semblables moins par le sentiment de leurs plaisirs que par celui de leurs peines ; car nous y voyons bien mieux l’identité de notre nature et les garants de leur attachement pour nous. Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection.

ROUSSEAU

2001 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE L’indépendance suffit-elle à définir la liberté ?

2001 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE L’art répond-il à un besoin ?

2001 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Cette table même, que nous voyons blanche et que nous sentons dure, nous croyons qu’elle existe indépendamment de notre perception, nous croyons qu’elle est quelque chose d’extérieur à notre esprit qui la perçoit. Notre présence ne lui confère pas l’existence ; notre absence ne l’anéantit pas. Elle conserve une existence invariable et entière, indépendante de la situation des êtres intelligents qui la perçoivent ou la contemplent.

Mais cette opinion universelle et primitive de tous les hommes est bientôt détruite par la plus légère philosophie (1), qui nous apprend que rien ne peut jamais être présent à l’esprit qu’une image ou une perception et que les sens sont seulement des guichets à travers lesquels ces images sont introduites, sans qu’ils soient capables de produire un rapport immédiat entre l’esprit et l’objet. La table que nous voyons semble diminuer quand nous nous en éloignons ; mais la table réelle, qui existe indépendamment de nous, ne souffre pas de modification ; ce n’était donc que son image qui était présente à l’esprit.

HUME

(1) la plus légère philosophie : la philosophie la plus élémentaire.

QUESTIONS :

1° Enoncez la thèse du texte et soulignez les moments de sa démonstration.

a) Expliquez : "Notre présence ne lui confère pas l’existence ; notre absence ne l’anéantit pas".

b) Pourquoi les sens ne sont-ils pas "capables de produire un rapport immédiat entre l’esprit et l’objet" ?

3° Est-ce la perception qui nous renseigne sur la réalité ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Une oeuvre d’art peut-elle ne pas être belle ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Le projet de maîtriser la nature est-il raisonnable ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Si la culture a établi le commandement de ne pas tuer le voisin que l’on hait, qui nous fait obstacle et dont on convoite les biens, cela fut manifestement dans l’intérêt de la vie en commun des hommes qui, autrement, serait impraticable. Car le meurtrier attirerait sur lui la vengeance des proches de la victime du meurtre et la sourde envie des autres, qui intérieurement se sentent tout autant enclins à un tel acte de violence. Il ne jouirait donc pas longtemps de sa vengeance ou de son butin, il aurait bien au contraire toute chance d’être lui-même bientôt abattu. Quand bien même, grâce à une force et à une prudence extraordinaires, il se protégerait d’un adversaire isolé, il ne pourrait que succomber à une union d’adversaires plus faibles. Si une telle union ne se constituait pas, la pratique du meurtre se prolongerait indéfiniment.

FREUD

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale et les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez : "Si une telle union ne se constituait pas, la pratique du meurtre se prolongerait indéfiniment".

3° Le respect de la vie d’autrui n’est-il justifié que par l’intérêt commun ?

2001 TMD MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Le progrès de l’humanité se réduit-il au progrès technique ?

2001 TMD MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE Être libre est-ce agir ?

2001 TMD MÉTROPOLE + LA RÉUNION NORMALE L’un aime le son des instruments à vent, l’autre celui des instruments à corde. Discuter là-dessus avec l’intention de dénoncer l’erreur du jugement d’autrui qui diffère du nôtre, comme s’il lui était logiquement opposé, serait pure folie ; le principe : à chacun son goût (s’agissant des sens) vaut dans le domaine de l’agréable.

Il en va tout autrement du beau. Il serait (tout au contraire) ridicule que quelqu’un qui se flatterait d’avoir du goût songeât à en donner la preuve en disant : cet objet (l’édifice que nous voyons, le vêtement que porte celui-ci, le concert que nous entendons, le poème qui est soumis à notre appréciation) est beau pour moi. Car ce qui lui plaît à lui simplement, il ne doit pas le qualifier de beau. Il ne manque pas de choses qui peuvent avoir pour lui attrait et agrément, personne ne s’en soucie, mais lorsqu’il donne une chose pour belle, il attribue aux autres la même satisfaction, il ne juge pas simplement pour lui, mais pour quiconque et parle alors de la beauté comme si c’était une propriété des choses. Aussi dit-il : la chose est belle, et en jugeant de la satisfaction il ne compte pas sur l’adhésion d’autrui parce qu’il l’a obtenue en maintes occasions, mais il exige d’eux cette adhésion.

KANT

QUESTIONS :

1° Quelle thèse ce texte établit-il ? Quelles sont les étapes de son argumentation ?

2° Expliquez :

a) "Le principe : à chacun son goût (s’agissant des sens) vaut dans le domaine de l’agréable" ;

b) "Lorsqu’il donne une chose pour belle, il attribue aux autres la même satisfaction."

2° Puis-je appeler beau ce qui ne plait qu’à moi ?

2001 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Dans la passion suis-je moi-même ?

2001 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Les religions empêchent-elles les hommes de s’entendre ?

2001 ES MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Il faut (...) préciser contre le sens commun que la formule "être libre" ne signifie pas "obtenir ce qu’on a voulu", mais "se déterminer à vouloir (au sens large de choisir) par soi-même". Autrement dit, le succès n’importe aucunement à la liberté. La discussion qui oppose le sens commun aux philosophes vient ici d’un malentendu : le concept empirique et populaire de "liberté" produit de circonstances historiques, politiques et morales équivaut à "faculté d’obtenir les fins choisies". Le concept technique et philosophique de liberté, le seul que nous considérions ici, signifie seulement : autonomie du choix. Il faut cependant noter que le choix étant identique au faire suppose, pour se distinguer du rêve et du souhait, un commencement de réalisation. Ainsi ne dirons-nous pas qu’un captif est toujours libre de sortir de prison, ce qui serait absurde, ni non plus qu’il est toujours libre de souhaiter l’élargissement ce qui serait une lapalissade (1) sans portée, mais qu’il est toujours libre de chercher à s’évader (ou à se faire libérer) - c’est-à-dire que quelle que soit sa condition, il peut projeter son évasion et s’apprendre à lui-même la valeur de son projet par un début d’action. Notre description de la liberté, ne distinguant pas entre le choisir et le faire, nous oblige à renoncer du coup à la distinction entre l’intention et l’acte.

SARTRE

(1) Évidence.

2001 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Faut-il douter de tout ?

2001 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Le progrès technique est-il la condition du bonheur ?

2001 S MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Si une génération humaine quittait la scène d’un seul coup et qu’une autre lui succédât, comme c’est le cas chez les vers à soie et les papillons, la nouvelle race, à supposer qu’elle ait assez de bon sens pour choisir son gouvernement, ce qui assurément n’est jamais le cas chez les hommes, pourrait bien établir ses propres institutions volontairement et par un consentement général, sans aucun égard envers les lois ou les précédents qui prévalurent parmi ses ancêtres. Mais comme la société humaine est dans un flux perpétuel, puisqu’à chaque heure un homme quitte ce monde et qu’un autre y pénètre, il est nécessaire au maintien de la stabilité du gouvernement que les nouveaux rejetons se conforment à la constitution établie et qu’ils suivent pas à pas le sentier que leurs pères, marchant sur les traces des leurs, ont jalonné pour eux. Certes, toute institution humaine doit nécessairement faire place à certaines innovations, et l’on doit se réjouir quand les lumières du génie orientent les innovations d’une époque du côté de la raison, de la liberté et de la justice ; mais des innovations violentes, aucun individu n’est fondé à en introduire : elles sont dangereuses même lorsque c’est le législateur qui s’y essaye ; en règle générale, on doit en attendre plus de mal que de bien ; et si l’histoire offre des exemples du contraire, il ne faut pas les transformer en autant de précédents, mais les considérer seulement comme prouvant que la science politique offre peu de règles dépourvues d’exceptions et qui ne soient parfois soumises à la fortune et à la contingence.

HUME

2001 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Peut-on voir les choses telles qu’elles sont ?

2001 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Le droit a-t-il pour fin de protéger le faible ?

2001 STI AA MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Il est impossible de persévérer dans la pratique de la contemplation de quelque ordre de beauté que ce soit, sans être fréquemment obligé de faire des comparaisons entre les divers degrés et genres de perfection, et sans estimer l’importance relative des uns par rapport aux autres. Un homme qui n’a eu aucune possibilité de comparer les différentes sortes de beauté n’a absolument aucune qualification pour donner son opinion sur un objet qui lui est présenté. C’est seulement par comparaison que nous fixons les épithètes de louange, ou de blâme, et apprenons à assigner le juste degré de l’un ou de l’autre. Le plus grossier des barbouillages comporte un certain lustre de couleurs, et une exactitude d’imagination, qui sont en tant que tels, des beautés, et affecteraient de la plus grande admiration l’esprit d’un paysan ou d’un Indien. Les ballades (1) les plus vulgaires ne sont pas entièrement dépourvues d’harmonie, ni de naturel, et personne, si ce n’est un homme familiarisé avec des beautés supérieures, n’énoncerait que leurs rythmes sont désagréables, ou que les histoires qu’elles content sont sans intérêt. Une grande infériorité de beauté donne du déplaisir à une personne accoutumée aux plus grandes perfections dans ce genre, et elle est considérée pour cette raison comme une laideur, de même que nous supposons naturellement que l’objet le plus fini que nous connaissions atteint le summum de la perfection, et qu’il mérite les plus grands applaudissements. Quelqu’un d’accoutumé à voir, à examiner et à peser la valeur des réalisations de diverses sortes qui ont été admirées dans des époques et des nations différentes, est seul habilité à juger des mérites d’une oeuvre qu’on lui présente, et à lui assigner le rang qui lui revient parmi les productions du génie.

HUME

(1) La ballade : ici, genre littéraire populaire issu de la chanson à danser.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et analysez la manière dont il est construit.

a) Expliquez : "C’est seulement par comparaison que nous fixons les épithètes de louange, ou de blâme, et apprenons à assigner le juste degré de l’un de l’autre".

b) Pourquoi reconnaître de la beauté dans "le plus grossier des barbouillages" ou "les ballades les plus vulgaires" n’exclut-il pas qu’il y ait des "beautés supérieures" ?

3° Le goût s’éduque-t-il ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT L’homme n’a-t-il que les droits que lui donnent les lois de son pays ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Qu’est-ce que vivre conformément à la nature ?

2001 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n’est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s’étourdir ou s’endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller, dès qu’il en perçoit la voix terrible. Il est bien possible à l’homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l’entendre.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée générale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez : "il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller".

3° Peut-on s’affranchir de la conscience morale ?

2001 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La liberté est-elle une donnée ou une conquête ?

2001 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’intérêt pour l’histoire est-il refus du présent ?

2001 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE II n’est pas possible qu’on soit aimé de beaucoup de gens d’une amitié parfaite, pas plus qu’il n’est possible d’aimer beaucoup de personnes à la fois. La véritable amitié est une sorte d’excès en son genre. C’est une affection qui l’emporte sur toutes les autres, et ne s’adresse par sa nature même qu’à un seul individu ; or il n’est pas très facile que plusieurs personnes plaisent à la fois si vivement à la même, pas plus peut-être que ce n’est bon. Il faut aussi s’être éprouvé mutuellement et avoir un parfait accord de caractère, ce qui est toujours fort difficile. Mais on peut bien plaire à une foule de personnes, quand il ne s’agit que d’intérêt et de plaisir ; car il y a toujours beaucoup de gens disposés à ces liaisons et les services qu’on échange ainsi peuvent ne durer qu’un instant. De ces deux sortes d’amitiés, celle qui se produit par le plaisir ressemble davantage à l’amitié véritable, quand les conditions qui la font naître sont les mêmes de part et d’autre, et que les amis se plaisent l’un à l’autre ou se plaisent aux mêmes amusements. C’est là ce qui forme les amitiés des jeunes gens ; car c’est surtout dans celles-là qu’il y a de la libéralité et de la générosité de coeur. Au contraire, l’amitié par intérêt n’est guère digne que de l’âme des marchands.

ARISTOTE

2001 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La discorde est-elle le pire de tous les maux ?

2001 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Mesurer le temps, est-ce en faire l’expérience ?

2001 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Un commandement ordonnant à chacun de chercher à se rendre heureux serait une sottise ; car on n’ordonne jamais à quelqu’un ce qu’il veut déjà inévitablement de lui-même. II ne faudrait que lui ordonner les lignes de conduite ou, plutôt, les lui proposer, parce qu’il ne peut pas tout ce qu’il veut. Au contraire, ordonner la moralité sous le nom de devoir est tout à fait raisonnable, car tout le monde ne consent pas volontiers à obéir à ses préceptes, quand elle est en conflit avec des inclinations ; et, quant aux mesures à prendre sur la façon dont on peut obéir à cette loi, on n’a pas à les enseigner ici, car ce qu’un homme veut à cet égard, il le peut aussi.

Celui qui a perdu au jeu peut bien s’en vouloir à lui-même ainsi qu’en vouloir à son imprudence, mais, s’il a conscience d’avoir triché (encore qu’il ait ainsi gagné), il doit se mépriser lui-même nécessairement dès qu’il se compare avec la loi morale. Il faut donc bien que celle-ci soit autre chose que le principe du bonheur personnel. Car, être contraint de se dire à soi-même : "Je suis un misérable, bien que j’aie rempli ma Bourse", exige un autre critère de jugement que s’il s’agissait de s’approuver soi-même et de se dire : "Je suis un homme prudent, car j’ai enrichi ma caisse."

KANT

2001 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le savoir est-il une condition du bonheur ?

2001 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La démocratie n’est-elle qu’un idéal ?

2001 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le mot du langage commun est à la fois trop riche (il déborde de loin le concept par son ancienneté traditionnelle, par l’ensemble de violences et de cérémonies qui constitue sa "mémoire", son "passé vivant") et trop pauvre (il est défini par rapport à l’ensemble de la langue comme détermination fixe de celle-ci et non comme possibilité souple d’exprimer le neuf). Dans les sciences exactes, quand le neuf surgit, le mot pour le nommer est inventé simultanément par quelques-uns et adopté rapidement par tous (...). Mais l’écrivain - bien qu’il lui arrive d’inventer des mots - a rarement recours à ce procédé pour transmettre un savoir ou un affect. II préfère utiliser un mot "courant" en le chargeant d’un sens nouveau qui se surajoute aux anciens : en gros, on dirait qu’il a fait voeu d’utiliser tout le langage commun et lui seulement, avec tous les caractères désinformatifs qui en limitent la portée. Si l’écrivain adopte le langage courant, ce n’est donc pas seulement en tant que le langage peut transmettre un savoir mais aussi en tant qu’il ne le transmet pas.

SARTRE

2001 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pour qu’une production soit une oeuvre d’art, suffit-il qu’elle me plaise ?

2001 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Être libre, est-ce avoir tous les droits ?

2001 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une propriété de la raison consiste à pouvoir, avec l’appui de l’imagination, créer artificiellement des désirs, non seulement sans fondements établis sur un instinct naturel, mais même en opposition avec lui ; ces désirs, au début, favorisent peu à peu l’éclosion de tout un essaim de penchants superflus, et qui plus est, contraires à la nature, sous l’appellation de "sensualité" (1). L’occasion de renier l’instinct de la nature n’a eu en soi peut-être que peu d’importance, mais le succès de cette première tentative, le fait de s’être rendu compte que sa raison avait le pouvoir de franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux, fut, chez l’homme capital et décisif pour la conduite de sa vie.

KANT

(1) sensualité : recherche du plaisir des sens pour lui-même.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et la structure de ce texte.

2° Expliquez :

a) "créer artificiellement des désirs" ;

b) "sa raison avait le pouvoir de franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux".

3° En quel sens peut-on dire que la raison affranchit l’homme de la nature ?

2001 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Choisir, est-ce renoncer à sa liberté ?

2001 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Pourquoi le temps est-il précieux ?

2001 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Ainsi on peut bien apprendre tout ce que Newton a exposé dans son oeuvre immortelle, les Principes de la philosophie de la nature, si puissant qu’ait dû être le cerveau nécessaire pour ces découvertes ; en revanche on ne peut apprendre à composer des poèmes d’une manière pleine d’esprit, si précis que puissent être tous les préceptes pour l’art poétique, et si excellents qu’en soient les modèles. La raison en est que Newton pouvait rendre parfaitement clair et déterminé non seulement pour lui-même, mais aussi pour tout autre et pour ses successeurs, tous les moments de la démarche qu’il dut accomplir, depuis les premiers éléments de la géométrie jusqu’à ses découvertes les plus importantes et les plus profondes ; mais aucun Homère ou aucun Wieland (1) ne peut montrer comment ses idées riches de poésie et toutefois en même temps grosses de pensées surgissent et s’assemblent dans son cerveau, parce qu’il ne le sait pas lui-même et aussi ne peut l’enseigner à personne. Dans le domaine scientifique ainsi, le plus remarquable auteur de découvertes ne se distingue que par le degré de l’imitateur et de l’écolier le plus laborieux, tandis qu’il est spécifiquement différent de celui que la nature a doué pour les beaux-arts.

KANT

(1) Poète et romancier allemand, contemporain de Kant

2001 ES POLYNÉSIE NORMALE Une passion maîtrisée est-elle encore une passion ?

2001 ES POLYNÉSIE NORMALE La vérité n’est-elle recherchée que pour les avantages qu’on en attend ?

2001 ES POLYNÉSIE NORMALE Celui qui a l’intention de faire à autrui une fausse promesse apercevra aussitôt qu’il veut se servir d’un autre homme simplement comme d’un moyen, sans que ce dernier contienne en même temps la fin en lui-même. Car celui que je veux par cette promesse faire servir à mes desseins ne peut absolument pas adhérer à ma façon d’en user envers lui et contenir ainsi lui-même la fin de cette action. Cette violation du principe de l’humanité dans d’autres hommes tombe plus évidemment sous les yeux quand on tire les exemples d’atteintes portées à la liberté ou à la propriété d’autrui. Car là il apparaît clairement que celui qui viole les droits des hommes a l’intention de se servir de la personne des autres simplement comme d’un moyen, sans considérer que les autres, en qualité d’êtres raisonnables, doivent être toujours estimés en même temps comme des fins, c’est-à-dire uniquement comme des êtres qui doivent pouvoir contenir aussi en eux la fin de cette même action.

KANT

2001 L POLYNÉSIE NORMALE Est-ce un bien de perdre ses illusions ?

2001 L POLYNÉSIE NORMALE La fonction sociale fait-elle l’homme ?

2001 L POLYNÉSIE NORMALE Dans les gouvernements despotiques, où, comme nous avons dit, on n’est déterminé à agir que par l’espérance des commodités de la vie, le prince qui récompense n’a que de l’argent à donner. Dans une monarchie, où l’honneur règne seul, le prince ne récompenserait que par des distinctions, si les distinctions que l’honneur établit n’étaient jointes à un luxe qui donne nécessairement des besoins : le prince y récompense donc par des honneurs qui mènent à la fortune. Mais, dans une république, où la vertu règne, motif qui se suffit à lui-même, et qui exclut tous les autres, l’État ne récompense que par des témoignages de cette vertu.

C’est une règle générale, que les grandes récompenses, dans une monarchie et dans une république, sont un signe de leur décadence ; parce qu’elles prouvent que leurs principes sont corrompus ; que, d’un côté, l’idée de l’honneur n’y a plus tant de force ; que, de l’autre, la qualité de citoyen s’est affaiblie.

MONTESQUIEU

2001 S POLYNÉSIE NORMALE Faut-il renoncer à définir le beau ?

2001 S POLYNÉSIE NORMALE La maîtrise de soi dépend-elle de la connaissance de soi ?

2001 S POLYNÉSIE NORMALE La justice est un rapport de convenance, qui se trouve réellement entre deux choses ; ce rapport est toujours le même, quelque être qui le considère, soit que ce soit Dieu, soit que ce soit un ange, ou enfin que ce soit un homme.

Il est vrai que les hommes ne voient pas toujours ces rapports ; souvent même, lorsqu’ils les voient, ils s’en éloignent ; et leur intérêt est toujours ce qu’ils voient le mieux. La justice élève sa voix ; mais elle a peine à se faire entendre dans le tumulte des passions.

Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu’ils ont intérêt de les commettre, et qu’ils préfèrent leur propre satisfaction à celle des autres. C’est toujours par un retour sur eux-mêmes qu’ils agissent : nul n’est mauvais gratuitement. Il faut qu’il y ait une raison qui détermine, et cette raison est toujours une raison d’intérêt.

Mais il n’est pas possible que Dieu fasse jamais rien d’injuste ; dès qu’on suppose qu’il voit la justice, il faut nécessairement qu’il la suive : car, comme il n’a besoin de rien, et qu’il se suffit à lui-même, il serait le plus méchant de tous les êtres, puisqu’il le serait sans intérêt.

Ainsi, quand il n’y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice ; c’est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous avons une si belle idée, et qui, s’il existait, serait nécessairement juste. Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne devrions pas l’être de celui de l’équité.

Voilà (...) ce qui m’a fait penser que la justice est éternelle et ne dépend point des conventions humaines ; et, quand elle en dépendrait, ce serait une vérité terrible, qu’il faudrait se dérober à soi-même.

MONTESQUIEU

2001 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Peut-on nous reprocher ce que nous sommes ?

2001 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE La technique échappe-t-elle à la raison ?

2001 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Parmi un millier d’opinions différentes que des hommes divers entretiennent sur le même sujet, il y en a une, et une seulement, qui est juste et vraie. Et la seule difficulté est de la déterminer et de la rendre certaine. Au contraire, un millier de sentiments différents, excités par le même objet, sont justes, parce qu’aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l’objet. Il marque seulement une certaine conformité ou une relation entre l’objet et les organes ou facultés de l’esprit, et si cette conformité n’existait pas réellement, le sentiment n’aurait jamais pu, selon toute possibilité, exister. La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente. Une personne peut même percevoir de la difformité là où une autre perçoit de la beauté. Et tout individu devrait être d’accord avec son propre sentiment, sans prétendre régler ceux des autres.

HUME

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l’objet" ;

b) "la beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses".

3° Peut-on se tromper en disant qu’une chose est belle ?

2001 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Que pouvons-nous faire de notre passé ?

2001 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Toute relation à autrui est-elle un échange ?

2001 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Mais qu’est-ce qu’une bonne loi ? Par bonne loi, je n’entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par le pouvoir souverain, et tout ce qui est fait par ce pouvoir est cautionné et reconnu pour sien par chaque membre du peuple : et ce que chacun veut ne saurait être dit injuste par personne. Il en est des lois de la République comme des lois des jeux : ce sur quoi les joueurs se sont accordés n’est pour aucun d’eux une injustice. Une bonne loi se caractérise par le fait qu’elle est, en même temps nécessaire au bien du peuple, et claire.

En effet, le rôle des lois, qui ne sont que des règles revêtues d’une autorité, n’est pas d’entraver toute action volontaire, mais seulement de diriger et de contenir les mouvements des gens, de manière à éviter qu’emportés par l’impétuosité de leurs désirs, leur précipitation ou leur manque de discernement, ils ne se fassent du mal : ce sont comme des haies disposées non pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. C’est pourquoi si une loi n’est pas nécessaire, et que la vraie fin de toute loi lui fasse donc défaut, elle n’est pas bonne.

HOBBES

2001 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on connaître ce dont on n’a pas l’expérience ?

2001 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Pourquoi la justice a-t-elle besoin d’institutions ?

2001 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le paradoxe de l’objet d’art c’est que sa signification demeure irréelle, c’est-à-dire hors du monde, et que, cependant, elle peut être la cause et la fin d’activités réelles. Un tableau met en jeu des intérêts économiques ; on l’achète, on le vend. En temps de guerre, on "l’évacue" comme s’il était une personne. À la signature du traité de paix, il peut faire l’objet d`une clause spéciale que le gouvernement vainqueur impose au gouvernement vaincu. Et, sans doute, cela provient de sa valeur, des traditions qui s’y rattachent, etc. ; mais les intérêts particuliers, l’orgueil national, l’appréciation esthétique, tout, finalement, se réfère à une signification première qui est imaginaire. Autrement dit, la réalité d’une société comporte la socialisation de certaines irréalités. Imaginaires en tant qu’elles se rapportent à des événements qui n’ont jamais eu lieu ou à des personnages qui n’ont jamais existé, parfois même à des lois qui ne sont pas celles de notre univers, les oeuvres "reçues" sont réelles en ceci qu’elles provoquent des actions réelles, des sentiments réels et qu’elles définissent le développement historique d’une société.

SARTRE

2001 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art s’enseigne-t-il ?

2001 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le droit peut-il se mêler de tout ?

2001 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Mais souvent la passion nous fait croire certaines choses beaucoup meilleures et plus désirables qu’elles ne sont ; puis, quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et perdu cependant l’occasion de posséder d’autres biens plus véritables, la jouissance (1) nous en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est pourquoi le vrai office de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en effet, les plus désirables ; en quoi, si la fortune (2) s’oppose à nos desseins et les empêche de réussir, nous aurons au moins la satisfaction de n’avoir rien perdu par notre faute.

DESCARTES

(1) jouissance : possession

(2) fortune : hasard

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

a) Expliquez pourquoi "la passion nous fait croire certaines choses (...) meilleures (...) qu’elles ne sont" ;

b) expliquez : "le vrai office de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens".

3° La raison suffit-elle à nous garantir le bonheur ?

2002 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE N’exprime-t-on que ce dont on a conscience ?

2002 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Reconnaît-on l’artiste à son savoir-faire ?

2002 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le gouvernement arbitraire d’un prince juste et éclairé est toujours mauvais. Ses vertus sont la plus dangereuse et la plus sûre des séductions : elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, à respecter, à servir son successeur, quel qu’il soit, méchant et stupide. II enlève au peuple le droit de délibérer, de vouloir ou ne vouloir pas, de s’opposer même à sa volonté, lorsqu’il ordonne le bien ; cependant ce droit d’opposition, tout insensé qu’il est, est sacré : sans quoi les sujets ressemblent à un troupeau dont on méprise la réclamation, sous prétexte qu’on le conduit dans de gras pâturages. En gouvernant selon son bon plaisir, le tyran commet le plus grand des forfaits. Qu’est-ce qui caractérise le despote ? Est-ce la bonté ou la méchanceté ? Nullement. Ces deux notions n’entrent seulement pas dans sa définition. C’est l’étendue et non l’usage de l’autorité qu’il s’arroge. Un des plus grands malheurs qui pût arriver à une nation, ce seraient deux ou trois règnes d’une puissance juste, douce, éclairée, mais arbitraire : les peuples seraient conduits par le bonheur à l’oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage.

DIDEROT Lettre à Helvétius

2002 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le bonheur consiste-t-il à ne plus rien désirer ?

2002 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’homme est-il un objet de connaissance comme un autre ?

2002 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une doctrine inconciliable avec la société civile, c’est que chaque fois qu’un homme agit contre sa conscience c’est une faute. Cette doctrine repose sur la présomption par laquelle on se fait soi-même juge du bien et du mal. En effet, la conscience d’un homme, et son jugement, c’est tout un. Et la conscience, comme le jugement, peut être erronée. En conséquence, encore que celui qui n’est pas assujetti à la loi civile commette une faute chaque fois qu’il agit contre sa conscience (puisqu’il n’a pas d’autre règle à suivre que sa propre raison), il n’en va pas de même de celui qui vit dans une République, car la loi est alors la conscience publique, par laquelle il a antérieurement accepté d’être guidé. S’il n’en est pas ainsi, étant donné la diversité des consciences privées, qui ne sont rien d’autre que des opinions privées, la République sera nécessairement divisée, et nul ne s’aventurera à obéir au pouvoir souverain au-delà de ce qui aura trouvé grâce à ses propres yeux.

HOBBES Léviathan

2002 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ne désire-t-on que ce dont on manque ?

2002 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Qu’est-ce qu’une parole vraie ?

2002 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La liberté des sujets ne consiste pas en ce qu’ils soient exempts des lois de l’État, ou que les souverains ne puissent pas établir telles lois que bon leur semble. Mais, parce que tous les mouvements et toutes les actions des particuliers ne peuvent jamais être tellement réglés, ni leur variété si limitée, qu’il n’en demeure presque une infinité qui ne sont ni commandées, ni défendues et que les lois laissent au franc arbitre (1) des hommes, chacun est libre à leur égard. (...) Car les lois n’ont pas été inventées pour empêcher toutes les actions des hommes, mais afin de les conduire, de même que la nature n’a pas donné des bords aux rivières pour en arrêter, mais pour en diriger la course. La mesure de cette liberté doit être prise sur le bien des sujets et sur l’intérêt de l’État (2). C’est pourquoi j’estime que c’est une chose particulièrement contraire au devoir des souverains et de tous ceux qui ont droit de donner des lois, d’en établir plus qu’il n’en est absolument de besoin pour l’intérêt des particuliers, et pour celui de la république.

HOBBES Du Citoyen

(1) libre arbitre

(2) cette liberté doit être mesurée d’après le bien des sujets et l’intérêt de l’État.

2002 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La science peut-elle produire des croyances ?

2002 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La force et le droit s’opposent-ils nécessairement ?

2002 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples (1) plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent : ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes. L’exercice de leurs devoirs politiques leur paraît un contre-temps fâcheux qui les distrait de leur industrie (2). S’agit-il de choisir leurs représentants, de prêter main-forte à l’autorité, de traiter en commun la chose commune, le temps leur manque ; ils ne sauraient dissiper ce temps si précieux en travaux inutiles. Ce sont là jeux d’oisifs qui ne conviennent point à des hommes graves et occupés des intérêts sérieux de la vie. Ces gens-là croient suivre la doctrine de l’intérêt, mais ils ne s’en font qu’une idée grossière, et, pour mieux veiller à ce qu’ils nomment leurs affaires, ils négligent la principale qui est de rester maîtres d’eux-mêmes.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

(1) ces peuples : les peuples démocratiques.

(2) industrie : au sens large, ensemble des activités notamment économiques.

2002 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Peut-on penser sans douter ?

2002 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Sommes-nous responsables de notre histoire ?

2002 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’influence du langage sur la sensation est plus profonde qu’on ne le pense généralement. Non seulement le langage nous fait croire à l’invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur le caractère de la sensation éprouvée. Ainsi, quand je mange d’un mets réputé exquis, le nom qu’il porte, gros de l’approbation qu’on lui donne, s’interpose entre ma sensation et ma conscience ; je pourrai croire que la saveur me plaît, alors qu’un léger effort d’attention me prouverait le contraire. Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. Pour lutter à armes égales, celles-ci devraient s’exprimer par des mots précis ; mais ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience

2002 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Un choix peut-il être rationnel ?

2002 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les vérités scientifiques sont-elles indiscutables ?

2002 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Socrate : La rhétorique qui s’adresse au peuple d’Athènes et à celui des autres cités, c’est-à-dire des assemblées d’hommes libres, qu’en devons-nous penser ? Es-tu d’avis que les orateurs parlent toujours en vue du plus grand bien, avec la constante préoccupation de rendre les citoyens meilleurs par leurs discours, ou bien estimes-tu qu’ils courent après la faveur populaire, qu’ils sacrifient l’intérêt public à leur intérêt privé, et qu’ils traitent les peuples comme des enfants auxquels ils veulent plaire avant tout, sans s’inquiéter de savoir s’ils les rendent meilleurs ou pires par ces procédés ?

Calliclès : Cette question est plus complexe : il y a des orateurs dont les discours s’inspirent de l’intérêt public, et d’autres qui font comme tu le dis.

Socrate : il suffit : s’il y a deux sortes d’éloquence politique, l’une des deux est une flatterie et une vilaine chose ; l’autre seule est belle, celle qui travaille à améliorer les âmes des citoyens et qui s’efforce toujours vers le meilleur, que cela plaise ou non à l’auditoire.

PLATON Gorgias

2002 ES ANTILLES NORMALE La liberté des échanges est-elle une condition de la liberté politique ?

2002 ES ANTILLES NORMALE Peut-on contredire l’expérience ?

2002 ES ANTILLES NORMALE Supposons que, si je savais jouer au tennis, l’un d’entre vous, me voyant jouer, me dise : "Vous jouez bien mal" et que je lui réponde : "Je sais que je joue mal, mais je ne veux pas jouer mieux", tout ce que mon interlocuteur pourrait dire serait : "Ah bon, dans ce cas, tout va bien." Mais supposez que j’aie raconté à l’un d’entre vous un mensonge extravagant, qu’il vienne me dire : "Vous vous conduisez en goujat" et que je réponde : "Je sais que je me conduis mal, mais de toute façon, je ne veux aucunement mieux me conduire", pourrait-il dire alors : "Ah bon, dans ce cas tout va bien" ? Certainement pas ; il dirait : "Eh bien, vous devez vouloir mieux vous conduire." Là, vous avez un jugement de valeur absolu, alors que celui de l’exemple antérieur était un jugement relatif. Dans son essence, la différence entre ces deux types de jugements semble manifestement consister en ceci : tout jugement de valeur relative est un simple énoncé de faits et peut par conséquent être formulé de telle façon qu’il perd toute apparence de jugement de valeur. [...] Ce que je veux soutenir maintenant, bien que l’on puisse montrer que tout jugement de valeur relative se ramène à un simple énoncé de faits, c’est qu’aucun énoncé de faits ne peut être ou ne peut impliquer un jugement de valeur absolue.

WITTGENSTEIN Conférence sur l’éthique

2002 L ANTILLES NORMALE La science est-elle une croyance justifiée ?

2002 L ANTILLES NORMALE Le temps nous appartient-il ?

2002 L ANTILLES NORMALE L’adversité, la douleur, la pauvreté sont de grandes tentations menant l’homme à violer son devoir. L’aisance, la force, la santé et la prospérité en général, qui s’opposent à cette influence, peuvent donc aussi, semble-t-il, être considérées comme des fins qui sont en même temps des devoirs, je veux dire le devoir de travailler à son propre bonheur et de ne pas s’appliquer seulement à celui d’autrui. - Mais alors ce n’est pas le bonheur qui est la fin, mais la moralité du sujet et le bonheur n’est que le moyen légitime d’écarter les obstacles qui s’opposent à cette fin ; aussi personne n’a ainsi le droit d’exiger de moi le sacrifice de mes fins qui ne sont pas immorales. Ce n’est pas directement un devoir que de chercher pour elle-même l’aisance, mais indirectement ce peut bien en être un, à savoir écarter la misère comme étant une forte tentation de mal agir. Mais alors ce n’est pas de mon bonheur, mais de ma moralité que j’ai comme fin et aussi comme devoir de conserver l’intégrité.

KANT Doctrine de la vertu

2002 S ANTILLES NORMALE L’histoire est-elle ce que nous ferons ?

2002 S ANTILLES NORMALE Peut-on s’accorder sur des vérités morales ?

2002 S ANTILLES NORMALE Acceptons, pour un instant, l’hypothèse que le jugement pût être réprimé et les hommes tenus si étroitement en bride, qu’ils n’osent prononcer un mot que sur l’ordre de la souveraine Puissance (1). Jamais, en revanche, on n’obtiendra que toutes leurs pensées soient conformes aux volontés politiques officielles. Que se produirait-il donc ? Les sujets poursuivraient quotidiennement des pensées sans rapport aucun avec leurs paroles ; la bonne foi, si indispensable à la communauté publique, se corromprait, tandis que, sur les traces détestables de l’adulation (2) et de la perfidie, la fourberie, la déchéance des meilleures coutumes de vie seraient encouragées. Au surplus, il faudrait entretenir de singulières illusions pour escompter des hommes une si parfaite docilité, fût-ce en leurs paroles ; plus, au contraire, on s’efforce de les priver de leur liberté d’expression, et plus leur résistance est acharnée. Or les sujets qu’on réduit ainsi à la lutte ne sont point de ces individus cupides, flatteurs ni de ces lâches, pour qui le sort le plus beau consiste à contempler des pièces d’or dans une cassette et à avoir le ventre bien rempli ; ce sont des hommes qui ont trouvé, en leur éducation, en la pureté de leur vie et la noblesse de leur caractère, une haute libération intérieure.

SPINOZA Traité des autorités théologique et politique

(1) souveraine Puissance : pouvoir politique.

(2) adulation : flatterie, louange excessive.

2002 STI AA ANTILLES NORMALE L’égalité des droits est-elle une condition de la liberté ?

2002 STI AA ANTILLES NORMALE L’imagination peut-elle se passer de modèles ?

2002 STI AA ANTILLES NORMALE SOCRATE : Y a-t-il quelque chose que tu appelles savoir ?

GORGIAS : Oui.

S. : Et quelque chose que tu appelles croire ?

G. : Certainement.

S. : Te semble-t-il que savoir et croire, la science et la croyance, soient choses identiques ou différentes ?

G. : Pour moi, Socrate, je les tiens pour différentes.

S. : Tu as raison, et je vais t’en donner la preuve. Si l’on te demandait : "Y a-t-il, Gorgias, une croyance fausse et une vraie ?" tu dirais oui, je suppose.

G. : Oui.

S. : Mais y a-t-il de même une science fausse et une vraie ?

G. : Pas du tout.

S. : II est donc évident que savoir et croire ne sont pas la même chose.

G. : C’est juste.

S. : Cependant, ceux qui croient sont persuadés aussi bien que ceux qui savent.

G. : C’est vrai.

S. : Alors veux-tu que nous admettions deux sortes de persuasion, l’une qui produit la croyance sans la science, et l’autre qui produit la science ?

G. : Parfaitement.

PLATON

QUESTIONS :

a) Ce texte établit une distinction : laquelle ?

b) Analysez la manière dont cette distinction est produite.

a) Pourquoi n’y a-t-il pas "une science fausse et une science vraie" ?

b) En quel sens "ceux qui croient sont [-ils] persuadés aussi bien que ceux qui savent" ? Appuyer votre réponse sur l’analyse d’un ou plusieurs exemples.

3° S’accorder sur la vérité exclut-il toute forme de persuasion ?

2002 TECHN. ANTILLES NORMALE Le droit peut-il s’opposer aux traditions ?

2002 TECHN. ANTILLES NORMALE La formule "à chacun sa vérité" fait-elle problème ?

2002 TECHN. ANTILLES NORMALE Inventer est tout autre chose que découvrir. Car ce qu’on découvre est considéré comme déjà existant sans être révélé, par exemple l’Amérique avant Colomb ; mais ce que l’on invente, la poudre à canon par exemple, n’était pas connu avant l’artisan qui l’a fabriqué. Les deux choses peuvent avoir leur mérite. On peut trouver quelque chose que l’on ne cherche pas (comme l’alchimiste le phosphore) et ce n’est pas un mérite. - Le talent d’inventeur s’appelle le génie, mais on n’applique jamais ce nom qu’à un créateur, c’est-à-dire à celui qui s’entend à faire quelque chose et non pas à celui qui se contente de connaître et de savoir beaucoup de choses ; on ne l’applique pas à qui se contente d’imiter, mais à qui est capable de faire dans ses ouvrages une production originale ; en somme à un créateur, à cette condition seulement que son oeuvre soit un modèle.

KANT

1° Dégagez la thèse du texte et la manière dont le texte est construit.

a) Qu’est-ce qui distingue l’invention de la découverte ?

b) Quels sont leurs mérites respectifs ?

3° Pourquoi le génie ne se contente-t-il pas d’imiter ?

4° La technique peut-elle donner lieu à des productions originales ?

2002 ES ANTILLES REMPLACEMENT Comment peut-on savoir que l’on a raison ?

2002 ES ANTILLES REMPLACEMENT Sans les mots, que saurions-nous des choses ?

2002 ES ANTILLES REMPLACEMENT Un peuple composé uniquement de paysans découvrirait et inventerait peu de choses ; au contraire, les mains oisives font les têtes actives. Les arts et les sciences sont eux-mêmes enfants du luxe, et ils lui paient leur dette. Leur oeuvre est ce perfectionnement de la technologie, dans toutes ses branches, mécaniques, chimiques et physiques, qui, de nos jours, a porté le machinisme à une hauteur qu’on n’aurait jamais soupçonnée, et qui, notamment par la vapeur et l’électricité, accomplit des merveilles que les temps antérieurs auraient attribuées à l’intervention du diable. Dans les fabriques et manufactures de tout genre, et jusqu’à un certain point dans l’agriculture, les machines accomplissent mille fois plus de travail que n’auraient jamais pu en accomplir les mains de tous les gens à l’aise, des lettrés et des intellectuels devenus oisifs, et qu’il n’aurait pu s’en accomplir par l’abolition du luxe et par la pratique universelle de la vie campagnarde. Ce ne sont pas les riches seuls, mais tous, qui bénéficient de ces industries.

SCHOPENHAUER Éthique et politique

2002 L ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on reprocher à l’art d’être mensonger ?

2002 L ANTILLES REMPLACEMENT La limitation du pouvoir de l’État garantit-elle la liberté des individus ?

2002 L ANTILLES REMPLACEMENT Un poète a dit qu’il n’est pas possible de discerner ce qui est juste de ce qui est injuste. Un philosophe a dit que c’est une faiblesse que d’avoir de la honte et de la pudeur pour des actions infâmes. On dit souvent de semblables paradoxes par une fougue d’imagination, ou dans l’emportement de ses passions. Mais pourquoi condamnera-t-on ces sentiments, s’il n’y a un ordre, une règle, une raison universelle et nécessaire, qui se présente toujours à ceux qui savent rentrer dans eux-mêmes ? Nous ne craignons point de juger les autres ou de nous juger nous-mêmes en bien des rencontres (1) ; mais par quelle autorité le faisons-nous, si la Raison qui juge en nous, lorsqu’il nous semble que nous prononçons des jugements contre nous-mêmes et contre les autres, n’est notre souveraine et celle de tous les hommes ?

MALEBRANCHE De la Recherche de la vérité

(1) en bien des rencontres : en bien des occasions.

2002 S ANTILLES REMPLACEMENT La société peut-elle être rendue responsable des illusions de notre conscience ?

2002 S ANTILLES REMPLACEMENT Faire quelque chose pour son bien, est-ce toujours faire le bien ?

2002 S ANTILLES REMPLACEMENT La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, prisonnier de préjugés dérivés du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison.

Pour un tel individu, le monde tend à devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à penser conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons [...] que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l’habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous entoure, elle accroît énormément notre connaissance d’une réalité possible et différente ; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de ceux qui n’ont jamais parcouru la région du doute libérateur, et elle garde intact notre sentiment d’émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau.

RUSSELL Problèmes de philosophie

2002 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT L’histoire est-elle dépourvue de sens ?

2002 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Toute vérité est-elle vérifiable ?

2002 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Si tu veux bien réfléchir, Socrate, à l’effet visé par la punition du coupable, la réalité elle-même te montrera que les hommes considèrent la vertu comme une chose qui s’acquiert. Personne, en effet, en punissant un coupable, n’a en vue ni ne prend pour mobile le fait même de la faute commise, à moins de s’abandonner comme une bête féroce à une vengeance dénuée de raison : celui qui a souci de punir intelligemment ne frappe pas â cause du passé - car ce qui est fait est fait - mais en prévision de l’avenir, afin que ni le coupable ni les témoins de sa punition ne soient tentés de recommencer. Penser ainsi, c’est penser que la vertu peut s’enseigner, s’il est vrai que le châtiment a pour fin l’intimidation.

PLATON

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Qu’est-ce qui montre que "les hommes considèrent la vertu comme une chose qui s’acquiert" ?

3° Comment le texte permet-il de distinguer "punition" et a vengeance" ?

4° Le châtiment peut-il être le moyen d’une éducation véritable ?

2002 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Si les hommes créent les valeurs, peuvent-ils encore y croire ?

2002 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on désirer autre chose que l’impossible ?

2002 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE - Socrate : Quelle réponse probante pourrait-on faire à qui poserait cette question : dormons-nous et rêvons-nous ce que nous pensons, ou sommes-nous éveillés et conversons-nous réellement ensemble ?

- Théétète : On est bien embarrassé, Socrate, de trouver une preuve pour s’y reconnaître ; car tout est pareil et se correspond exactement dans les deux états. Prenons, par exemple, la conversation que nous venons de tenir : rien ne nous empêche de croire que nous la tenons aussi en dormant, et lorsqu’en rêvant nous croyons conter des rêves, la ressemblance est singulière avec ce qui se passe à l’état de veille.

- Socrate : Tu vois donc qu’il n’est pas difficile de soulever une controverse là-dessus, alors qu’on se demande même si nous sommes éveillés ou si nous rêvons. De plus, comme le temps où nous dormons est égal à celui où nous sommes éveillés, dans chacun de ces deux états notre âme soutient que les idées qu’elle a successivement sont absolument vraies, en sorte que, pendant une moitié du temps, ce sont les unes que nous tenons pour vraies et, pendant l’autre moitié, les autres, et nous les affirmons les unes et les autres avec la même assurance.

- Théétète : Cela est certain.

- Socrate : N’en faut-il pas dire autant des maladies et de la folie, sauf pour la durée, qui n’est plus égale ?

- Théétète : C’est juste.

- Socrate : Mais quoi ? est-ce par la longueur et par la brièveté du temps qu’on définira le vrai ?

- Théétète : Ce serait ridicule à beaucoup d’égards.

- Socrate Mais peux-tu faire voir par quelque autre indice clair lesquelles de ces croyances sont vraies ?

- Théétète : Je ne crois pas.

PLATON Théétète

2002 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La beauté est-elle intemporelle ?

2002 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Un désir peut-il être coupable ?

2002 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. Ce sont certes de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s’il agit autrement. La contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu’un d’autre. Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de !a société est celui qui concerne les autres. Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain.

MILL De la Liberté

2002 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Est-on toujours maître de ce que l’on fait ?

2002 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Est-il possible d’expliquer une oeuvre d’art ?

2002 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il semble assez évident que, s’il n’y avait pas de croyance, il ne pourrait y avoir rien de faux ni rien de vrai, dans le sens où le vrai est un corrélatif du faux. Si nous imaginons un monde uniquement matériel, il n’y aurait là aucune place pour le faux et bien qu’il dût contenir ce qu’on peut appeler "des faits", il ne contiendrait pas de vérités dans le sens où le vrai est une entité du même ordre que le faux. En réalité, le vrai et le faux sont des propriétés que possèdent les croyances et les affirmations ; par conséquent, dans un monde purement matériel qui ne contiendrait ni croyances, ni affirmations, il n’y aurait place, ni pour le vrai, ni pour le faux.

Mais, comme nous venons de le remarquer, on peut observer que la conformité ou la non conformité d’une croyance à la vérité dépend toujours de quelque chose qui est extérieur à la croyance même. Si je crois que Charles 1er d’Angleterre est mort sur l’échafaud, je crois à quelque chose de vrai, non par suite d’une qualité intrinsèque de ma croyance, qualité qui pourrait être découverte simplement en analysant ma croyance, mais à cause d’un événement historique qui s’est passé il y a plus de trois siècles. Si je crois que Charles 1er est mort dans son lit, l’objet de ma croyance est faux ; la force d’une telle croyance, ou le soin pris pour la former, ne peuvent empêcher l’objet d’être faux, encore une fois à cause de ce qui s’est passé en 1649 et non à cause d’une qualité intrinsèque de ma croyance. Ainsi, bien que la vérité ou la fausseté soient des propriétés de la croyance, ces propriétés dépendent des rapports existant entre les croyances et les autres choses et non d’une qualité intérieure des croyances.

RUSSELL Problèmes de philosophie

2002 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Conserver le passé, est-ce le seul but de l’histoire ?

2002 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on se connaître soi-même ?

2002 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d’outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main.

Aussi, ceux qui disent que l’homme n’est pas bien constitué et qu’il est le moins bien pourvu des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et n’a pas d’armes pour combattre) sont dans l’erreur. Car les autres animaux n’ont qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de changer pour un autre, mais ils sont forcés, pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir et pour faire n’importe quoi d’autre, et ne doivent jamais déposer l’armure qu’ils ont autour de leur corps ni changer l’arme qu’ils ont reçue en partage. L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d’en changer et même d’avoir l’arme qu’il veut et quand il veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance ou épée ou tout autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu’elle est capable de tout saisir et de tout tenir.

ARISTOTE

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2° Expliquez

a) "elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres" ;

b) "les autres animaux n’ont qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de changer pour un autre".

3° En quoi la technique est-elle révélatrice de l’intelligence humaine ?

2002 ES INDE NORMALE Agir moralement, est-ce nécessairement lutter contre ses désirs ?

2002 ES INDE NORMALE L’État peut-il exiger de chacun qu’il travaille ?

2002 ES INDE NORMALE Apprendre grâce à nos erreurs et à nos facultés critiques est d’une importance fondamentale dans le domaine des faits comme dans celui des normes. Mais suffit-il de faire appel à la critique ? Ne faut-il pas aussi recourir à l’autorité de l’expérience et de l’intuition ?

Dans le domaine des faits, nous ne nous bornons pas à critiquer nos théories, nous les soumettons à l’expérience et à l’observation. Croire que nous pouvons avoir recours à l’expérience en tant qu’autorité serait pourtant une grave erreur, quand bien même certains philosophes, ont décrit la perception par les sens, et surtout par la vue, comme une source de connaissance, de "données" à l’aide desquelles nous édifions notre expérience. Cette description me paraît totalement erronée. Notre expérience et nos observations ne consistent pas en "données", mais en un réseau de conjectures et d’hypothèses qui s’entremêlent à un ensemble de croyances traditionnelles, scientifiques ou non. L’expérience et l’observation, à l’état pur, c’est-à-dire abstraction faite de toute attente ou théorie, n’existent pas. Autrement dit, il n’y a pas de données pures pouvant être considérées comme sources de connaissance et utilisées comme moyens de critique.

POPPER La Société ouverte et ses ennemis

2002 L INDE NORMALE La liberté de chacun s’arrête-t-elle seulement là où commence celle d’autrui ?

2002 L INDE NORMALE Une société sans travail est-elle souhaitable ?

2002 L INDE NORMALE Quand on dit de chaque être vivant qu’il vit et qu’il reste le même - par exemple, on dit qu’il reste le même de l’enfance à la vieillesse -, cet être en vérité n’a jamais en lui les mêmes choses. Même si l’on dit qu’il reste le même, il ne cesse pourtant, tout en subissant certaines pertes, de devenir nouveau, par ses cheveux, par sa chair, par ses os, par son sang, c’est-à-dire par tout son corps.

Et cela est vrai non seulement de son corps, mais aussi de son âme. Dispositions, caractères, opinions, désirs, plaisirs, chagrins, craintes, aucune de ces choses n’est jamais identique en chacun de nous ; bien au contraire, il en est qui naissent, alors que d’autres meurent. C’est en effet de cette façon que se trouve assurée la sauvegarde de tout ce qui est mortel ; non pas parce cet être reste toujours exactement le même à l’instar de ce qui est divin, mais parce que ce qui s’en va et qui vieillit laisse place à un être nouveau, qui ressemble à ce qu’il était. Voilà par quel moyen, Socrate, ce qui est mortel participe de l’immortalité, tant le corps que tout le reste.

PLATON Le Banquet

2002 S INDE NORMALE Suffit-il de constater pour atteindre la vérité ?

2002 S INDE NORMALE Vivre en société, est-ce seulement vivre ensemble ?

2002 S INDE NORMALE Parmi les choses qu’on ne rencontre pas dans la nature, mais seulement dans le monde fabriqué par l’homme, on distingue entre objets d’usage et oeuvres d’art ; tous deux possèdent une certaine permanence qui va de la durée ordinaire à une immortalité potentielle dans le cas de l’oeuvre d’art. En tant que tels, ils se distinguent d’une part des produits de consommation, dont la durée au monde excède à peine le temps nécessaire à les préparer, et d’autre part, des produits de l’action, comme les événements, les actes et les mots, tous en eux-mêmes si transitoires qu’ils survivraient à peine à l’heure ou au jour où ils apparaissent au monde, s’ils n’étaient conservés d’abord par la mémoire de l’homme, qui les tisse en récits, et puis par ses facultés de fabrication. Du point de vue de la durée pure, les oeuvres d’art sont clairement supérieures à toutes les autres choses ; comme elles durent plus longtemps au monde que n’importe quoi d’autre, elles sont les plus mondaines des choses. Davantage, elles sont les seules choses à n’avoir aucune fonction dans le processus vital de la société ; à proprement parler, elles ne sont pas fabriquées pour les hommes, mais pour le monde, qui est destiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations. Non seulement elles ne sont pas consommées comme des biens de consommation, ni usées comme des objets d’usage : mais elles sont délibérément écartées des procès de consommation et d’utilisation, et isolées loin de la sphère des nécessités de la vie humaine.

ARENDT La Crise de la culture

2002 TECHN. INDE NORMALE La liberté, réalité ou illusion ?

2002 TECHN. INDE NORMALE Ce qui est naturel est-il normal ?

2002 TECHN. INDE NORMALE L’histoire est pour l’espèce humaine ce que la raison est pour l’individu. Grâce à sa raison, l’homme n’est pas renfermé comme l’animal dans les limites étroites du présent visible ; il connaît encore le passé infiniment plus étendu, source du présent qui s’y rattache : c’est cette connaissance seule qui lui procure une intelligence plus nette du présent et lui permet même de formuler des inductions pour l’avenir (1). L’animal, au contraire, dont la connaissance sans réflexion est bornée à l’intuition, et par suite au présent, erre parmi les hommes, même une fois apprivoisé, ignorant, engourdi, stupide, désarmé et esclave. De même un peuple qui ne connaît pas sa propre histoire est borné au présent de la génération actuelle : il ne comprend ni sa nature, ni sa propre existence, dans l’impossibilité où il est de les rapporter à un passé qui les explique ; il peut moins encore anticiper sur l’avenir. Seule l’histoire donne à un peuple une entière conscience de lui-même. L’histoire peut donc être regardée comme la conscience raisonnée de l’espèce humaine ; elle est à l’humanité ce qu’est à l’individu la conscience soutenue par la raison, réfléchie et cohérente, dont le manque condamne l’animal à rester enfermé dans le champ étroit du présent intuitif.

SCHOPENHAUER

(1) Induire pour l’avenir : étendre à l’avenir ce que nous apprend le présent.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

a) Expliquez pourquoi l’animal est renfermé "dans les limites étroites du présent visible" par opposition à l’homme ;

b) Pourquoi l’histoire joue-t-elle, pour un peuple, le même rôle que la "conscience soutenue par la raison pour un individu" ?

3° Qu’est-ce que la connaissance de son passé apporte à un peuple ?

2002 ES JAPON NORMALE Faut-il connaître scientifiquement les sociétés pour savoir les gouverner ?

2002 ES JAPON NORMALE En quel sens les mots nous apprennent-ils à penser ?

2002 ES JAPON NORMALE Quoi que nous fassions nous sommes censés le faire pour "gagner notre vie" ; tel est le verdict de la société, et le nombre des gens, des professionnels en particulier, qui pourraient protester a diminué très rapidement. La seule exception que consente la société concerne l’artiste qui, à strictement parler, est le dernier "ouvrier" dans une société du travail. La même tendance à rabaisser toutes les activités sérieuses au statut du gagne-pain se manifeste dans les plus récentes théories du travail, qui, presque unanimement, définissent le travail comme le contraire du jeu. En conséquence, toutes les activités sérieuses, quels qu’en soient les résultats, reçoivent le nom de travail et toute activité qui n’est nécessaire ni à la vie de l’individu ni au processus vital de la société est rangée parmi les amusements. Dans ces théories qui, en répercutant au niveau théorique l’opinion courante d’une société de travail, la durcissent et la conduisent à ses extrêmes, il ne reste même plus l’"oeuvre" de l’artiste : elle se dissout dans le jeu, elle perd son sens pour le monde. On a le sentiment que l’amusement de l’artiste remplit la même fonction dans le processus vital de travail de la société que le tennis ou les passe-temps dans la vie de l’individu. (...) Au point de vue du "gagne-pain" toute activité qui n’est pas liée au travail devient un "passe-temps".

ARENDT Condition de l’homme moderne

2002 L JAPON NORMALE En quoi mes opinions sont-elles miennes ?

2002 L JAPON NORMALE Est-ce un devoir de travailler ?

2002 L JAPON NORMALE Ce qu’est le meilleur régime pour tout État, on le connaît facilement en considérant la fin de la société civile : cette fin n’est rien d’autre que la paix et la sécurité de la vie. Par suite, le meilleur État est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, et dont le Droit n’est jamais transgressé. En effet, il est certain que les séditions, les guerres et le mépris ou la transgression des lois doivent être imputés non tant à la malignité (1) des sujets qu’au mauvais régime de l’État. Les hommes, en effet, ne naissent pas aptes à la vie en société, ils le deviennent. En outre, les passions naturelles des hommes sont partout les mêmes ; si donc dans un corps politique la malignité humaine assure mieux son règne que dans un autre et si on y commet plus de péchés, cela vient certainement de ce qu’un tel corps politique n’a pas assez pourvu à la concorde, n’a pas établi son Droit avec assez de sagesse (...). Car une société civile qui n’a pas éliminé les causes de sédition, où il faut toujours redouter une guerre, et où enfin les lois sont presque toujours violées, ne diffère pas beaucoup de l’état naturel, où chacun vit selon ses inclinations, mais avec un grand péril pour sa vie.

SPINOZA Traité politique

(1) malignité : méchanceté.

2002 S JAPON NORMALE La vérité peut-elle se passer des mots ?

2002 S JAPON NORMALE Peut-on agir inconsciemment ?

2002 S JAPON NORMALE Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et au moindre bruit des passions publiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.

Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. II ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du coeur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2002 ES LA RÉUNION NORMALE Parler, est-ce agir ?

2002 ES LA RÉUNION NORMALE Que voulons-nous dire lorsque nous disons d’un artiste qu’il a du génie ?

2002 ES LA RÉUNION NORMALE Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire â la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre (1) qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne.

Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent.

II y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple, et qui pensent avoir assez garanti la liberté des individus, quand c’est au pouvoir national qu’ils la livrent. Cela ne me suffit point. La nature du maître m’importe bien moins que l’obéissance.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

(1) souffre : supporte.

2002 L LA RÉUNION NORMALE Penser, est-ce se parler à soi-même ?

2002 L LA RÉUNION NORMALE Pourquoi faire son devoir ?

2002 L LA RÉUNION NORMALE On découvre aisément d’où naît la passion d’un peuple pour la liberté. L’expérience prouve que jamais les peuples n’ont accru et leur richesse et leur puissance sauf sous un gouvernement libre. Et vraiment on ne peut voir sans admiration Athènes, délivrée de la tyrannie (...), s’élever en moins de cent ans à une telle grandeur. Mais plus merveilleuse encore est celle à laquelle s’éleva Rome après l’expulsion de ses rois. Ces progrès sont faciles à expliquer : c’est le bien général et non l’intérêt particulier qui fait la puissance d’un État ; et sans contredit on n’a vraiment en vue le bien public que dans les républiques : quoi que ce soit qui contribue à ce bien commun, on l’y réalise ; et si parfois on lèse ainsi quelques particuliers, tant de citoyens y trouvent de l’avantage qu’ils peuvent toujours passer outre à l’opposition du petit nombre des citoyens lésés.

C’est le contraire qui se passe sous le gouvernement d’un prince : le plus souvent, son intérêt particulier est en opposition avec celui de l’État.

MACHIAVEL Discours sur la première décade de Tite-Live

2002 S LA RÉUNION NORMALE Pour chercher la vérité, faut-il s’affranchir de toute subjectivité ?

2002 S LA RÉUNION NORMALE Pourquoi écrire l’histoire ?

2002 S LA RÉUNION NORMALE Si la force ne peut se rendre maîtresse des opinions des hommes, ni en implanter de nouvelles dans leurs coeurs, en revanche, la courtoisie, l’amitié et la douceur sont capables de ce genre d’effets ; beaucoup d’hommes, que leurs occupations et la paresse empêchent de se livrer à l’examen, n’adoptent leurs opinions que sur la foi d’autrui, même en matière de religion ; mais jamais ils ne consentent à les recevoir de gens dont ils ne sont pas assurés qu’ils sont savants, bienveillants et sincères ; or, ils ne sauraient prêter de telles qualités à quelqu’un qui les persécute.

Quant à ceux qui cherchent, il est vrai qu’ils n’adhèrent pas à l’opinion d’un autre en raison des seules bonnes dispositions de celui-ci ; mais ils seront d’autant plus disposés à être convaincus et à chercher les raisons qui pourraient les persuader de partager l’opinion de quelqu’un qu’ils sont obligés de chérir.

La force est un mauvais moyen pour faire que les dissidents reviennent de leurs opinions ; en revanche, lorsque vous les convainquez de partager votre propre opinion, vous les attachez solidement au char de l’État ; mais pour ceux qui demeurent fermes en leurs convictions, et qui continuent d’avoir des opinions différentes, la force ne réussira certainement pas à en faire pour vous des amis.

LOCKE Essai sur la tolérance

2002 STI AA LA RÉUNION NORMALE Peut-on parler d’injustices naturelles ?

2002 STI AA LA RÉUNION NORMALE Une société sans religion est-elle possible ?

2002 STI AA LA RÉUNION NORMALE Quand deux dénominations sont jointes ensemble dans une consécution (1) ou affirmation, telle que Un homme est une créature vivante, ou Si c’est un homme, c’est une créature vivante, si la deuxième dénomination, créature vivante, désigne tout ce que désigne la première, homme, alors l’affirmation ou consécution est vraie ; autrement elle est fausse. Car vrai et faux sont des attributs de la parole, et non des choses. Là où il n’est point de parole, il n’y a ni vérité ni fausseté. II peut y avoir erreur, comme lorsqu’on attend ce qui n’arrivera pas ou qu’on suppose ce qui n’est pas arrivé : mais ni dans un cas ni dans l’autre on ne peut vous reprocher de manquer à la vérité.

Puisque la vérité consiste à ordonner correctement les dénominations employées dans nos affirmations, un homme qui cherche l’exacte vérité doit se rappeler ce que représente chaque dénomination dont il use, et la placer en conséquence : autrement, il se trouvera empêtré dans les mots comme un oiseau dans les gluaux (2) ; et plus il se débattra, plus il sera englué. C’est pourquoi en géométrie, qui est presque la seule science exacte, on commence par établir la signification des mots employés, opération qu’on appelle définitions, et on place ces définitions au début du calcul.

HOBBES

(1) consécution : succession de deux propositions. Exemple : "Si c’est un homme, c’est une créature vivante".

(2) gluaux : pièges destinés à attraper les petits oiseaux, formé d’une branche enduite d’une matière collante, la glu.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes du raisonnement.

a) Expliquez pourquoi "si la deuxième dénomination [...] désigne tout ce que désigne la première [...], alors l’affirmation [...] est vraie" ;

b) quelle différence le texte établit-il entre "erreur" et "fausseté" ?

3° Peut-il y avoir une vérité hors du langage ?

2002 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Suffit-il de connaître la vérité pour renoncer à ses préjugés ?

2002 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Y a-t-il une différence essentielle entre l’artiste et l’artisan ?

2002 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Comme le libre jugement des hommes est tout à fait divers et que chacun pense à lui seul tout savoir, et qu’il est impossible que tous pensent également la même chose, et parlent d’une seule voix, ils ne pourraient vivre en paix si chacun n’avait pas renoncé au droit d’agir selon le seul décret (1) de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir selon son propre décret que l’individu a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite personne ne peut, sans danger pour le droit du pouvoir souverain, agir à l’encontre du décret de celui-ci, mais il peut totalement penser et juger, et par conséquent aussi s’exprimer, à condition cependant qu’il se contente de parler et d’enseigner, et de défendre son opinion par la seule Raison, sans introduire par la ruse, la colère et la haine, quelque mesure contraire à l’État qui ne ressortirait que de l’autorité de son propre vouloir.

SPINOZA

(1) décret : décision

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et montrez l’enchaînement de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "ils ne pourraient vivre en paix si chacun n’avait pas renoncé au droit d’agir selon le seul décret de sa pensée" ;

b) "défendre son opinion par la seule Raison".

3° La liberté d’expression peut-elle être sans limites ?

2002 ES LIBAN NORMALE Nos désirs s’expliquent-ils seulement par la recherche du plaisir ?

2002 ES LIBAN NORMALE Les sciences de l’homme ont-elles pour modèle les sciences de la nature ?

2002 ES LIBAN NORMALE Recevoir un intérêt ou une usure pour de l’argent prêté est une chose injuste de soi, car en faisant cela on vend une chose qui n’existe même pas ; d’où résulte évidemment cette sorte d’inégalité qui est opposée à la justice. Pour rendre cette proposition évidente, remarquons d’abord qu’il est des choses dont l’usage entraîne leur destruction ; ainsi le vin que nous buvons, le blé que nous mangeons se consomment ou se détruisent par l’usage. Pour de telles choses on ne doit pas séparer l’usage de la chose elle-même ; du moment où la chose est cédée, on en cède aussi l’usage. (...) Il est des choses, au contraire, qui ne sont pas du tout destinées à être consumées ou détruites par l’usage ; l’usage d’une maison consiste à l’habiter et non à la détruire. Pour ces sortes de choses on peut traiter séparément de l’usage et de la chose elle-même ; ainsi l’on peut vendre une maison en s’en réservant l’usage pour quelque temps, et, réciproquement, céder l’usage d’une maison, en s’en réservant la propriété. Voilà pourquoi on est en droit de faire payer l’usage d’une maison et de demander en outre qu’elle soit convenablement entretenue, comme cela se pratique dans les baux et les locations. Mais la monnaie a été principalement inventée (...) pour faciliter les échanges. D’où il suit que l’usage propre et principal de l’argent monnayé consiste en ce qu’il soit dépensé et consumé en servant aux commutations ordinaires. Il est donc illicite en soi de retirer un intérêt pour l’usage de l’argent prêté, ce en quoi consiste l’usure proprement dite. Et de même qu’on est tenu de restituer toute autre chose injustement acquise, de même on est tenu de restituer l’argent qui est le fruit de l’usure.

THOMAS D’AQUIN Somme théologique

2002 L LIBAN NORMALE La mort est-elle un obstacle au bonheur ?

2002 L LIBAN NORMALE La connaissance objective exclut-elle toute forme de subjectivité ?

2002 L LIBAN NORMALE Bien que la terre et toutes les créatures inférieures appartiennent en commun à tous les hommes, chacun garde la propriété de sa propre personne. Sur celle-ci, nul n’a droit que lui-même. Le travail de son corps et l’ouvrage de ses mains, pouvons-nous dire, sont vraiment à lui. Toutes les fois qu’il fait sortir un objet de l’état où la Nature l’a mis et l’a laissé, il y mêle son travail, il y joint quelque chose qui lui appartient et de ce fait, il se l’approprie. Cet objet, soustrait par lui à l’état commun dans lequel la Nature l’avait placé, se voit adjoindre par ce travail quelque chose qui exclut le droit commun des autres hommes. Sans aucun doute, ce travail appartient à l’ouvrier (1) ; nul autre que l’ouvrier ne saurait avoir de droit sur ce à quoi le travail s’attache, dès 1ors que ce qui reste suffit aux autres en quantité et en qualité.

LOCKE Deuxième Traité du gouvernement civil

(1) l’ouvrier : le travailleur

2002 S LIBAN NORMALE Que vaut l’excuse : "C’est plus fort que moi" ?

2002 S LIBAN NORMALE Quelle est l’indépendance de la société par rapport au pouvoir politique ?

2002 S LIBAN NORMALE Nous remarquons par exemple l’éclair et le tonnerre. Ce phénomène nous est bien connu et nous le percevons souvent. Cependant l’homme ne se satisfait pas de la simple familiarité qui rend bien connu, du phénomène seulement sensible, mais il veut aller voir derrière celui-ci, il veut savoir ce qu’il est, il veut le concevoir. C’est pourquoi on réfléchit, on veut savoir la cause, comme quelque chose qui diffère du phénomène en tant que tel, l’intérieur dans sa différence d’avec ce qui est simplement extérieur. On redouble ainsi le phénomène, on le brise en deux en intérieur et extérieur, force et extériorisation, cause et effet. L’intérieur - la force - est ici à nouveau l’universel, ce qui dure, non pas tel ou tel éclair, telle ou telle plante, mais ce qui demeure le même en toute chose. Le sensible est quelque chose de singulier et de disparaissant ; l’élément durable en lui, nous apprenons à le connaître au moyen de la réflexion.

HEGEL Encyclopédie des sciences philosophiques

2002 ES MÉTROPOLE NORMALE Ne désirons-nous que les choses que nous estimons bonnes ?

2002 ES MÉTROPOLE NORMALE Défendre ses droits, est-ce la même chose que défendre ses intérêts ?

2002 ES MÉTROPOLE NORMALE C’est l’avènement de l’automatisation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l’humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l’asservissement à la nécessité (...).

C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société qui est égalitaire, car c’est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d’aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l’homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et parmi les intellectuels il ne reste que quelques solitaires pour considérer ce qu’ils font comme des oeuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.

ARENDT Condition de l’homme moderne

2002 L MÉTROPOLE NORMALE Connaissons-nous mieux le présent que le passé ?

2002 L MÉTROPOLE NORMALE Sans l’art, parlerait-on de beauté ?

2002 L MÉTROPOLE NORMALE Quand je dis que nous avons le sentiment intérieur de notre liberté, je ne prétends pas soutenir que nous ayons le sentiment intérieur d’un pouvoir de nous déterminer à vouloir quelque chose sans aucun motif physique (1) ; pouvoir que quelques gens appellent indifférence pure. Un tel pouvoir me paraît renfermer une contradiction manifeste [...] ; car il est clair qu’il faut un motif, qu’il faut pour ainsi dire sentir, avant que de consentir. Il est vrai que souvent nous ne pensons pas au motif qui nous a fait agir ; mais c’est que nous n’y faisons pas réflexion, surtout dans les choses qui ne sont pas de conséquence. Certainement il se trouve toujours quelque motif secret et confus dans nos moindres actions ; et c’est même ce qui porte quelques personnes à soupçonner et quelquefois à soutenir qu’ils (2) ne sont pas libres ; parce qu’en s’examinant avec soin, ils découvrent les motifs cachés et confus qui les font vouloir. Il est vrai qu’ils ont été agis pour ainsi dire, qu’ils ont été mus ; mais ils ont aussi agi par l’acte de leur consentement, acte qu’ils avaient le pouvoir de ne pas donner dans le moment qu’ils l’ont donné ; pouvoir, dis-je, dont ils avaient le sentiment intérieur dans le moment qu’ils en ont usé, et qu’ils n’auraient osé nier si dans ce moment on les en eût interrogés.

MALEBRANCHE De la Recherche de la vérité

(1) motif physique : motif qui agit sur la volonté

(2) ils, c’est-à-dire : ces personnes

2002 S MÉTROPOLE NORMALE La diversité des langues est-elle un obstacle à l’entente entre les peuples ?

2002 S MÉTROPOLE NORMALE La politique est-elle une science ou un art ?

2002 S MÉTROPOLE NORMALE Tout ce qui est peut ne pas être. Il n’y a pas de fait dont la négation implique contradiction. L’inexistence d’un être, sans exception, est une idée aussi claire et aussi distincte que son existence. La proposition, qui affirme qu’il n’existe pas, même si elle est fausse, ne se conçoit et ne s’entend pas moins que celle qui affirme qu’il existe. Le cas est différent pour les sciences proprement dites. Toute proposition qui n’est pas vraie y est confuse et inintelligible. La racine cubique de 64 est égale à la moitié de 10, c’est une proposition fausse et l’on ne peut jamais la concevoir distinctement. Mais César n’a jamais existé, ou l’ange Gabriel, ou un être quelconque n’ont jamais existé, ce sont peut-être des propositions fausses, mais on peut pourtant les concevoir parfaitement et elles n’impliquent aucune contradiction.

On peut donc seulement prouver l’existence d’un être par des arguments tirés de sa cause ou de son effet ; et ces arguments se fondent entièrement sur l’expérience. Si nous raisonnons a priori, n’importe quoi peut paraître capable de produire n’importe quoi. La chute d’un galet peut, pour autant que nous le sachions, éteindre le soleil ; ou le désir d’un homme gouverner les planètes dans leurs orbites. C’est seulement l’expérience qui nous apprend la nature et les limites de la cause et de l’effet et nous rend capables d’inférer l’existence d’un objet de celle d’un autre.

HUME Enquête sur l’entendement humain

2002 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Toute contrainte est-elle un obstacle à la liberté ?

2002 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Expliquer une oeuvre d’art, est-ce la comprendre ?

2002 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Attacher une valeur égale aux opinions et aux imaginations de ceux qui sont en désaccord entre eux, c’est une sottise. II est clair, en effet, que ou les uns ou les autres doivent nécessairement se tromper. On peut s’en rendre compte à la lumière de ce qui se passe dans la connaissance sensible : jamais, en effet, la même chose ne paraît, aux uns, douce, et, aux autres, le contraire du doux, à moins que, chez les uns, l’organe sensoriel qui juge des saveurs en question ne soit vicié et endommagé. Mais s’il en est ainsi, ce sont les uns qu’il faut prendre pour mesure des choses, et non les autres. Et je le dis également pour le bien et le mal, le beau et !e laid, et les autres qualités de ce genre. Professer, en effet, l’opinion dont il s’agit, revient à croire que les choses sont telles qu’elles apparaissent à ceux qui, pressant la partie inférieure du globe de l’oeil avec le doigt, donnent ainsi à un seul objet l’apparence d’être double ; c’est croire qu’il existe deux objets, parce qu’on en voit deux, et qu’ensuite il n’y en a plus qu’un seul, puisque, pour ceux qui ne font pas mouvoir le globe de l’oeil, l’objet un parait un.

ARISTOTE

QUESTIONS :

1° À quelle thèse Aristote s’oppose-t-il et sur quel argument appuie-t-il sa critique ?

2° Expliquez :

a) "les uns ou les autres doivent nécessairement se tromper" ;

b) "prendre pour mesure des choses".

3° Chacun peut-il avoir sa vérité ?

2002 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Notre liberté de penser a-t-elle des limites ?

2002 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Que peut la raison pour exclure la violence ?

2002 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE On peut dire d’une façon générale qu’en voulant rivaliser avec la nature par l’imitation, l’art restera toujours au-dessous de la nature et pourra être comparé à un ver faisant des efforts pour égaler un éléphant. Il y a des hommes qui savent imiter les trilles (1) du rossignol, et Kant a dit à ce propos que, dès que nous nous apercevons que c’est un homme qui chante ainsi, et non un rossignol, nous trouvons ce chant insipide (2). Nous y voyons un simple artifice, non une libre production de la nature ou une oeuvre d’art. Le chant du rossignol nous réjouit naturellement, parce que nous entendons un animal, dans son inconscience naturelle, émettre des sons qui ressemblent à l’expression de sentiments humains. Ce qui nous réjouit donc ici, c’est l’imitation de l’humain par la nature.

HEGEL

(1) trille : répétition très rapide de deux notes de musique.

(2) insipide : sans la moindre saveur.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et la structure du texte.

2° Expliquez, pour les distinguer : "libre production de la nature", "oeuvre d’art".

3° Expliquez : "ce qui nous réjouit donc ici, c’est l’imitation de l’humain par la nature".

4°L’art peut-il rivaliser avec la nature ?

2002 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le désir de savoir est-il comblé par la science ?

2002 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT La raison est-elle un maître intérieur ?

2002 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT On peut dire que le principe d’une action démocratique est l’intention de créer, de développer et de protéger des institutions destinées à éviter la tyrannie. Il n’implique pas qu’on puisse les rendre parfaites ou capables de garantir que la politique adoptée par le gouvernement sera bonne, juste, sage, ou même meilleure que celle que pourrait adopter un tyran bienveillant (...). Ce qui est impliqué, en revanche, est la conviction que, dans une démocratie, l’acceptation d’une politique même mauvaise, tant qu’on peut s’employer à la modifier pacifiquement, est préférable à la soumission à une tyrannie, si sage ou si bienveillante soit-elle. Présentée ainsi, la théorie démocratique n’est pas fondée sur l’idée que le pouvoir doit appartenir à la majorité. Elle consiste simplement, face à la méfiance générale qu’inspire traditionnellement la tyrannie, à considérer les diverses méthodes égalitaires de contrôle démocratique - élections générales et gouvernement représentatif, par exemple - comme des garanties éprouvées et raisonnablement efficaces, mais néanmoins susceptibles d’être améliorées et même de fournir certains moyens de cette amélioration.

POPPER La Société ouverte et ses ennemis

2002 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le langage n’est-il qu’un outil ?

2002 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le meilleur des gouvernements est-il celui qui gouverne le moins ?

2002 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Pour ce qui est des vraies vertus, beaucoup d’entre elles ne naissent pas seulement de la connaissance vraie, mais aussi de quelque erreur ou défaut : ainsi, la simplicité d’esprit (1) donne souvent de la bonté, la crainte de la piété, et le désespoir du courage. Et les vertus de ce genre sont différentes entre elles, si bien qu’on leur a donné divers noms. Mais quant à ces vertus pures et parfaites qui découlent de la seule connaissance du bien, elles sont toutes d’une seule et même nature, et peuvent être comprises sous le seul nom de sagesse. Car quiconque a une volonté ferme et constante d’user toujours de sa raison autant que cela est en son pouvoir, et de faire en toutes ses actions ce qu’il, reconnaît être le meilleur, celui-là est véritablement sage, autant que sa nature permet qu’il le soit ; et par cela seul il est juste, courageux, modéré ; et possède toutes les autres vertus, mais tellement jointes entre elles qu’il n’y en a aucune qui surpasse les autres ; c’est pourquoi, bien qu’elles soient beaucoup plus remarquables que celles que le mélange de quelques défauts fait distinguer, toutefois, parce qu’elles sont moins connues du commun des hommes, on n’a pas coutume de leur donner tant de louanges.

DESCARTES Principes de la philosophie

(1) la simplicité d’esprit : la naïveté

2002 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le droit peut-il être naturel ?

2002 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Si la vie était belle, y aurait-il de l’art ?

2002 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT II est vrai que nous ne voyons point qu’on jette par terre toutes les maisons d’une ville pour le seul dessein de les refaire d’autre façon et d’en rendre les rues plus belles ; mais on voit bien que plusieurs font abattre les leurs pour les rebâtir, et que même quelquefois ils y sont contraints quand elles sont en danger de tomber d’elles-mêmes, et que les fondements n’en sont pas bien fermes. A l’exemple de quoi je me persuadai qu’il n’y aurait véritablement point d’apparence (1) qu’un particulier fît dessein de réformer un État, en y changeant tout dès les fondements, et en le renversant pour le redresser ; ni même aussi de réformer le corps des sciences, ou l’ordre établi dans les écoles pour les enseigner ; mais que, pour toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma créance (2), je ne pouvais mieux faire que d’entreprendre une bonne fois de les en ôter, afin d’y en remettre par après ou d’autres meilleurs, ou bien les mêmes, lorsque je les aurais ajustées au niveau de la raison. Et je crus fermement que par ce moyen je réussirais à conduire ma vie beaucoup mieux que si je ne bâtissais que sur de vieux fondements, et que je ne m’appuyasse que sur les principes que je m’étais laissé persuader en ma jeunesse, sans avoir jamais examiné s’ils étaient vrais.

DESCARTES Discours de la méthode

(1) il n’y aurait véritablement point d’apparence : il serait peu vraisemblable

(2) que j’avais reçues jusques alors en ma créance : auxquelles j’adhérais jusqu’alors.

2002 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’art transforme-t-il la nature ou la dévoile-t-il ?

2002 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il défendre sa liberté ?

2002 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT C’est une pensée consolatrice que d’espérer une compensation dis souffrances endurées, et nous l’exigeons de la justice ; il nous faut pourtant nous habituer à ne pas éprouver comme une injustice tout ce qui advient contre notre attente ; il faut que nous nous habituions à nous comprendre dans une plus grande dépendance vis-à-vis de la nature. L’enchevêtrement de nos conditions politiques et civiles ainsi que l’inégalité des modes de vie et des biens de fortune, ont non seulement augmenté la misère en tout genre, mais aussi notre susceptibilité et notre sensibilité. L’irritation, l’impatience accompagnent souvent les souffrances auxquelles notre nature nous expose, ainsi que notre mode de vie qui s’écarte si souvent de celle-ci. Cette impatience provient de ce que nous exigeons que tout se déroule selon nos désirs, et de ce que nous éprouvons nos malheurs comme une injustice.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée directrice du texte ? Comment Hegel en développe-t-il l’analyse ?

2° Expliquez :

a) "nous comprendre dans une plus grande dépendance vis-à-vis de la nature" ;

b) "les souffrances auxquelles notre nature nous expose, ainsi que notre mode de vie".

3° Le sentiment d’injustice n’exprime-t-il qu’un désir illusoire ?

2002 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La diversité des opinions nous empêche-t-elle d’atteindre la vérité ?

2002 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les oeuvres d’art peuvent-elles être utiles ?

2002 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT II faut mener les hommes de telle façon qu’ils ne croient pas être menés, mais vivre selon leur libre décret (1) et conformément à leur complexion (2) propre ; il faut donc les tenir par le seul amour de la liberté, le désir d’accroître leur fortune et l’espoir de s’élever aux honneurs. Cependant, les statues, les cortèges triomphaux et les autres excitants à la vertu, sont des marques de servitude plutôt que des marques de liberté. C’est aux esclaves, non aux hommes libres qu’on donne des récompenses pour leur bonne conduite. Je reconnais que les hommes sont très sensibles à ces stimulants, mais si, à l’origine, on décerne les récompenses honorifiques aux grands hommes, plus tard, l’envie croissant, c’est aux paresseux et à ceux que gonfle l’orgueil de leur richesse, à la grande indignation de tous les bons citoyens. En outre, il est évident que l’égalité, dont la perte entraîne nécessairement la ruine de la liberté commune, ne peut être maintenue sitôt que des honneurs extraordinaires sont décernés par une loi de l’État à un homme qui se distingue par son mérite.

SPINOZA

(1) leur libre décision.

(2) leur nature.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "C’est aux esclaves, non aux hommes libres qu’on donne des récompenses pour leur bonne conduite" ;

b) "la ruine de la liberté commune".

3° Pourquoi la disparition de l’égalité entre les citoyens conduit-elle à la perte de la liberté ?

2002 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT La vie en société m’empêche-t-elle d’être moi-même ?

2002 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’expérience peut-elle tromper ?

2002 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il n’y a rien de plus beau que de conserver le plus de calme possible dans le malheur et de ne pas se révolter, parce qu’on ne sait pas ce qu’il y a de bon et de mauvais dans les situations de ce genre, qu’on ne gagne rien pour la suite à s’indigner, qu’aucune des choses humaines ne mérite qu’on y attache beaucoup d’importance, et que ce qui devrait venir le plus vite possible à notre secours dans ces circonstances en est empêché par le chagrin.

De quoi veux-tu parler ? demanda-t-il.

De la réflexion sur ce qui nous est arrivé, répondis-je. Ici, comme au jeu de dés, il faut contre les coups du sort rétablir sa position par les moyens que la raison démontre être les meilleurs, et, si l’on reçoit un coup, ne pas faire comme les enfants qui portent la main à la partie blessée et perdent leur temps à crier ; il faut au contraire habituer constamment son âme à venir aussi vite que possible guérir ce qui est malade, relever ce qui est tombé et à supprimer les lamentations par l’application du remède.

C’est à coup sûr, dit-il, la meilleure conduite à tenir contre les coups du sort.

PLATON

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de l’auteur et l’organisation du texte.

2° Expliquez :

a) "Parce qu’on ne sait pas ce qu’il y a de bon et de mauvais dans les situations de ce genre " ;

b) "rétablir sa position par les moyens que la raison détermine être les meilleurs".

3° Pour bien vivre faut-il exclure ce qui est étranger à la raison ?

2002 TMD MÉTROPOLE SECOURS La connaissance de l’histoire nous rend-elle plus libres ?

2002 TMD MÉTROPOLE SECOURS L’art est-il évasion de la réalité ?

2002 TMD MÉTROPOLE SECOURS L’homme est un être destiné à la société (bien qu’il soit aussi, pourtant, insociable), et en cultivant l’état de société il éprouve puissamment le besoin de s’ouvrir à d’autres (même sans viser par là quelque but) ; mais d’un autre côté, embarrassé et averti par la crainte du mauvais usage que d’autres pourraient faire du dévoilement de ses pensées, il se voit contraint de renfermer en lui-même une bonne partie de ses jugements (particulièrement quand ils portent sur d’autres hommes). C’est volontiers qu’il s’entretiendrait avec quelqu’un de ce qu’il pense des hommes qu’il fréquente, de même que de ses idées sur le gouvernement, la religion, etc. ; mais il ne peut avoir cette audace, d’une part parce que l’autre, qui retient en lui-même prudemment son jugement, pourrait s’en servir à son détriment, d’autre part, parce que, concernant la révélation de ses propres fautes, l’autre pourrait bien dissimuler les siennes et qu’il perdrait ainsi le respect de ce dernier s’il exposait à son regard, ouvertement, tout son coeur.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale et le mouvement du texte.

2° Expliquez :

a) "en cultivant l’état de société il éprouve puissamment le besoin de s’ouvrir à d’autres (même sans viser par là quelque but)" ;

b) "parce que, concernant la révélation de ses propres fautes, l’autre pourrait bien dissimuler les siennes et qu’il perdrait ainsi le respect de ce dernier s’il exposait à son regard, ouvertement, tout son coeur".

3° La vie en société nous rend-elle dépendants du jugement d’autrui ?

2002 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le doute est-il une force ou une faiblesse ?

2002 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La morale n’est-elle qu’un ensemble de conventions ?

2002 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une loi, suivant sa véritable notion, n’est pas tant faite pour limiter, que pour faire agir un agent intelligent et libre conformément à ses propres intérêts : elle ne prescrit rien que par rapport au bien général de ceux qui y sont soumis. Peuvent-ils être plus heureux sans cette loi là ? Dès lors cette sorte de loi s’évanouit d’elle-même, comme une chose inutile ; et ce qui nous conduit dans des précipices et dans des abîmes, mérite sans doute d’être rejeté. Quoi qu’il en soit, il est certain que la fin d’une loi n’est point d’abolir ou de diminuer la liberté, mais de la conserver et de l’augmenter. Et certes, dans toutes les sortes d’états des êtres créés capables de lois, où il y a point de loi, il n’y a point non plus de liberté. Car la liberté consiste à être exempt de gêne et de violence, de la part d’autrui : ce qui ne saurait se trouver où il n’y a point de loi, et où il n’y a point, selon ce que nous avons dit ci-dessus, une liberté, par laquelle chacun peut faire ce qu’il lui plaît. Car qui peut être libre, lorsque l’humeur fâcheuse de quelque autre pourra dominer sur lui et le maîtriser ? Mais on jouit d’une véritable liberté, quand on peut disposer librement, et comme on veut, de sa personne, de ses actions, de ses possessions, de tout son bien propre, suivant les lois sous lesquelles on vit, et qui font qu’on n’est point sujet à la volonté arbitraire des autres, mais qu’on peut librement suivre la sienne propre.

LOCKE Traité du gouvernement civil

2002 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’existence de déterminations sociales et historiques rend-elle impossible la liberté individuelle ?

2002 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on à la fois valoriser l’opinion dans le débat public et la combattre dans le travail de la pensée ?

2002 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il me faut voir enfin, s’il est en la puissance de l’homme de trouver ce qu’il cherche, et si cette quête qu’il a employée depuis tant de siècles, l’a enrichi de quelque nouvelle force et de quelque vérité solide. Je crois qu’il me confessera, s’il parle en conscience, que tout l’acquêt (1) qu’il a retiré d’une si longue poursuite, c’est d’avoir appris à reconnaître sa faiblesse. L’ignorance qui était naturellement en nous, nous l’avons, par longue étude, confirmée et avérée. Il est advenu aux gens véritablement savants ce qu’il advient aux épis de blé : ils vont s’élevant et se haussant la tête droite et fière ; mais, quand ils sont pleins et grossis de grain en leur maturité, ils commencent à s’humilier et à baisser les cornes. Pareillement les hommes ayant tout essayé et tout sondé, n’ayant trouvé en cet amas de science et provision de tant de choses diverses rien de massif et ferme, et rien que vanité, ils ont renoncé à leur présomption et reconnu leur condition naturelle.

MONTAIGNE Apologie de Raymond Sebond

(1) l’acquis

2002 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on penser l’homme hors de l’histoire ?

2002 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Qu’est-ce qui fonde nos certitudes ?

2002 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Dans la première enfance de l’esprit humain, les travaux théoriques et les travaux pratiques sont exécutés par le même individu pour toutes les opérations ; ce qui n’empêche pas que, même alors, leur distinction, quoique moins saillante, ne soit très réelle. Bientôt ces deux ordres de travaux commencent à se séparer, comme exigeant des capacités et des cultures différentes, et, en quelque sorte, opposées. A mesure que l’intelligence collective et individuelle de l’espèce humaine se développe, cette division se prononce et se généralise toujours davantage, et elle devient la source de nouveaux progrès. On peut vraiment mesurer, sous le rapport philosophique, le degré de civilisation d’un peuple par le degré auquel la division de la théorie et de la pratique se trouve poussée, combiné avec le degré d’harmonie qui existe entre elles. Car le grand moyen de civilisation est la séparation des travaux et la combinaison des efforts.

COMTE Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société

2002 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-il raisonnable de critiquer le progrès technique ?

2002 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le respect des opinions peut-il être un obstacle à la recherche de la vérité ?

2002 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le but final de l’instauration d’un régime politique n’est pas la domination, ni la répression des hommes, ni leur soumission au joug d’un autre. Ce à quoi l’on a visé par un tel système, c’est à libérer l’individu de la crainte - de sorte que chacun vive, autant que possible, en sécurité ; en d’autres termes conserve au plus au point son droit naturel de vivre et d’accomplir une action (sans nuire ni à soi-même ni à autrui). Non, je le répète, le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates ! Ce qu’on a voulu leur donner, c’est, bien plutôt, la pleine latitude de s’acquitter dans une sécurité parfaite des fonctions de leur corps et de leur esprit. Après quoi, ils seront en mesure de raisonner plus librement, ils ne s’affronteront plus avec les armes de la haine, de la colère, de la ruse et ils se traiteront mutuellement sans injustice. Bref, le but de l’organisation en société, c’est la liberté !

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et la structure du raisonnement.

2° Expliquez :

a) "le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates !" ;

b) "Après quoi, ils seront en mesure de raisonner plus librement".

3° La liberté est-elle le principal but de la vie en société ?

2002 ES POLYNÉSIE NORMALE La liberté peut-elle être un fardeau ?

2002 ES POLYNÉSIE NORMALE La connaissance de soi est-elle plus facile que la connaissance des choses ?

2002 ES POLYNÉSIE NORMALE Que les arts soient fonctionnels, que les cathédrales satisfassent un besoin religieux de la société, qu’un tableau soit né du besoin de s’exprimer de l’individu peintre, que le spectateur le regarde par désir de se perfectionner, toutes ces questions ont si peu de rapport avec l’art et sont historiquement si neuves qu’on est tenté simplement de les évacuer comme préjugés modernes. Les cathédrales furent bâties ad majorem gloriam Dei (1) ; si, comme constructions, elles servaient certainement les besoins de la communauté, leur beauté élaborée ne pourra jamais être expliquée par ces besoins, qui auraient pu être satisfaits tout aussi bien par quelque indescriptible bâtisse. Leur beauté transcende tout besoin, et les fait durer à travers les siècles. Mais si la beauté, beauté d’une cathédrale comme beauté d’un bâtiment séculier, transcende besoins et fonctions, jamais elle ne transcende le monde, même s’il arrive que l’oeuvre ait un contenu religieux. Au contraire, c’est la beauté même de l’art religieux qui transforme les contenus et les soucis religieux ou autres de ce monde en réalités tangibles.

ARENDT La Crise de la culture

(1) pour la plus grande gloire de Dieu

2002 L POLYNÉSIE NORMALE Y a-t-il quelque chose de vrai dans la sensation ?

2002 L POLYNÉSIE NORMALE Le travail peut-il rendre libre ?

2002 L POLYNÉSIE NORMALE Dans la foule des vieillards, j’ai envie d’en attraper un et de lui dire : "Nous te voyons arrivé au terme de la vie humaine ; cent ans ou davantage pèsent sur toi. Eh bien ! reviens sur ta vie pour en faire le bilan ; dis-nous quelle durée en a été soustraite par un créancier, par une maîtresse, par un roi, par un client, combien de temps t’ont pris les querelles de ménage, les réprimandes aux esclaves, les complaisances qui t’ont fait courir aux quatre coins de la ville. Ajoute les maladies dont nous sommes responsables ; ajoute encore le temps passé à ne rien faire ; tu verras que tu as bien moins d’années que tu n’en comptes. Remémore-toi combien de fois tu as été ferme dans tes desseins, combien de journées se sont passées comme tu l’avais décidé ; quand tu as disposé de toi-même, quand tu as eu le visage sans passion et l’âme sans crainte, ce qui a été ton oeuvre dans une existence si longue, combien de gens se sont arraché ta vie, sans que tu t’aperçoives de ce que tu perdais ; combien, de ta vie t’ont dérobé une douleur futile, une joie sotte, un désir aveugle, un entretien flatteur, combien peu t’est resté de ce qui est tien : et tu comprendras que tu meurs prématurément." Quelles en sont les causes ? Vous vivez comme si vous deviez toujours vivre ; jamais vous ne pensez à votre fragilité. Vous ne remarquez pas combien de temps est déjà passé, vous le perdez comme s’il venait d’une source pleine et abondante, alors pourtant que ce jour même, dont vous faites cadeau à un autre, homme ou chose, est votre dernier jour. C’est en mortels que vous possédez tout, c’est en immortels que vous désirez tout.

SÉNÈQUE De la Brièveté de la vie

2002 S POLYNÉSIE NORMALE Le sujet humain peut-il être connu comme un objet ?

2002 S POLYNÉSIE NORMALE Peut-on revendiquer sans cesse des droits nouveaux ?

2002 S POLYNÉSIE NORMALE [Croire]. C’est être persuadé de la vérité d’un fait ou d’une proposition ou parce qu’on ne s’est pas donné la peine de l’examen, ou parce qu’on a mal examiné, on parce qu’on a bien examiné. Il n’y a guère que le dernier cas dans lequel l’assentiment puisse être ferme et satisfaisant. Il est aussi rare que difficile d’être content de soi, lorsqu’on n’a fait aucun usage de sa raison, ou lorsque l’usage qu’on en a fait est mauvais. Celui qui croit, sans avoir aucune raison de croire, eût-il rencontré la vérité, se sent toujours coupable d’avoir négligé la prérogative la plus importante de sa nature, et il n’est pas possible qu’il imagine qu’un heureux hasard pallie l’irrégularité de sa conduite. Celui qui se trompe, après avoir employé les facultés de son âme dans toute leur étendue, se rend â lui-même le témoignage d’avoir rempli son devoir de créature raisonnable ; et il serait aussi condamnable de croire sans examen, qu’il le serait de ne pas croire une vérité évidente ou clairement prouvée. On aura donc bien réglé son assentiment et on l’aura placé comme on doit, lorsqu’en quelques cas et sur quelque matière que ce soit, on aura écouté la voix de sa conscience et de sa raison. Si on eût agi autrement, on eût péché contre ses propres lumières, et abusé de facultés qui ne nous ont été données pour aucune autre fin que pour suivre la plus grande probabilité : on ne peut contester ces principes, sans détruire la raison et jeter l’homme dans des perplexités fâcheuses.

DIDEROT Encyclopédie

2002 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Le droit peut-il être fondé sur la nature ?

2002 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’art existerait-il sans la technique ?

2002 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE II ne servirait de rien de compter les suffrages pour suivre l’opinion garantie par le plus d’auteurs, car s’il s’agit d’une question difficile, il est plus croyable que la vérité en a été découverte par un petit nombre plutôt que par beaucoup. Même si tous étaient d’accord, leur enseignement ne nous suffirait pas : nous ne deviendrons jamais mathématiciens, par exemple, bien que notre mémoire possède toutes les démonstrations faites par d’autres, si notre esprit n’est pas capable de résoudre toute sorte de problèmes ; nous ne deviendrons pas philosophes, pour avoir lu tous les raisonnements de Platon et d’Aristote, sans pouvoir porter un jugement solide sur ce qui nous est proposé. Ainsi, en effet, nous semblerions avoir appris, non des sciences, mais des histoires.

DESCARTES

QUESTIONS :

1° Dégagez les idées principales du texte et les étapes de son argumentation.

a) Pourquoi "est-il plus croyable que la vérité en a été découverte par un petit nombre plutôt que par beaucoup" ?

b) Pourquoi ne suffit-il pas de posséder "toutes les démonstrations faites par d’autres" pour devenir mathématicien ? Pourquoi ne suffit-il pas d’avoir lu tous les raisonnements des philosophes pour être philosophe ?

c) Expliquez : "porter un jugement solide".

3° L’unanimité est-elle un critère de vérité ?

2002 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Les hommes ne communiquent-ils que dans l’espoir de se mettre d’accord ?

2002 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Faut-il être instruit pour prendre plaisir à une oeuvre d’art ?

2002 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Socrate. - Admettons-nous qu’il ne faut jamais faire le mal volontairement, ou qu’on peut le faire à certaines conditions, à d’autres non ? ou bien reconnaissons-nous que faire le mal n’est jamais bon, jamais beau, comme nous en sommes convenus plus d’une fois antérieurement ? et c’est ce que nous venons encore de dire. Est-ce que par hasard tous ces principes dont nous convenions jusqu’ici se seraient dissipés dans ces derniers jours ? Est-ce que vraiment, à notre âge, Criton, vieux comme nous le sommes, nous avons pu, depuis si longtemps, nous entretenir sérieusement ensemble, sans nous apercevoir que nous parlions comme des enfants ? Quoi ? ces affirmations ne subsistent-elles pas toujours les mêmes, acceptées ou rejetées par le grand nombre ? Qu’il nous faille attendre un sort encore pire ou un sort meilleur, en tout cas agir injustement n’est-ce pas toujours un mal et une honte pour qui le fait ? L’affirmons-nous oui ou non ?

Criton. - Nous l’affirmons.

Socrate. - Ainsi, jamais on ne doit agir injustement.

Criton. - Non, assurément.

Socrate. - Même à l’injustice on ne doit pas répondre par l’injustice comme on le pense communément, puisqu’il ne faut jamais être injuste.

Criton. - Cela est évident.

Socrate. - Et faire du mal à quelqu’un, Criton, le doit-on, oui ou non ?

Criton. - Non certes, Socrate.

Socrate. - Mais rendre le mal pour le mal, cela est-il juste, comme on le dit communément, ou injuste ?

Criton. - Non, cela n’est pas juste.

Socrate. - Car faire du mal à quelqu’un, ce n’est pas autre chose qu’être injuste.

Criton. - Tu dis vrai.

Socrate. - Ainsi, il ne faut ni répondre à l’injustice par l’injustice ni faire du mal à personne, pas même à qui nous en aurait fait. Fais bien attention, Criton, en concédant cela, à ne pas le concéder contre ta pensée ; car je sais que peu d’hommes en conviennent, que peu en conviendront.

PLATON Criton

2002 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Y a-t-il d’autres formes de liberté que la liberté politique ?

2002 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on tout désirer à la fois ?

2002 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT II s’en faut bien que les faits décrits dans l’histoire soient la peinture exacte des mêmes faits tels qu’ils sont arrivés : ils changent de forme dans la tête de l’historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte de ses préjugés. Qui est-ce qui sait mettre exactement le lecteur au lieu de la scène pour voir un événement tel qu’il s’est passé ? L’ignorance ou la partialité déguise tout. Sans altérer même un trait historique, en étendant ou resserrant des circonstances qui s’y rapportent, que de faces différentes on peut lui donner ! Mettez un même objet à divers points de vue, à peine paraîtra-t-il le même, et pourtant rien n’aura changé que l’oeil du spectateur. Suffit-il, pour l’honneur de la vérité, de me dire un fait véritable en me le faisant voir tout autrement qu’il n’est arrivé ? Combien de fois un arbre de plus ou de moins, un rocher à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé par le vent ont décidé de l’événement d’un combat sans que personne s’en soit aperçu ! Cela empêche-t-il que l’historien ne vous dise la cause de la défaite ou de la victoire avec autant d’assurance que s’il eût été partout ? Or que m’importent les faits en eux-mêmes, quand la raison m’en reste inconnue ? et quelles leçons puis-je tirer d’un événement dont j’ignore la vraie cause ? L’historien m’en donne une, mais il la controuve (1) ; et la critique elle-même, dont on fait tant de bruit, n’est qu’un art de conjecturer, l’art de choisir entre plusieurs mensonges celui qui ressemble le mieux à la vérité.

ROUSSEAU Émile ou de L’Éducation

(1) Controuver : inventer mensongèrement pour tromper

2002 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Qu’est-ce qui fait notre humanité ?

2002 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Dans quelle mesure peut-on dire que les mots pensent pour nous ?

2002 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT "Ah ! ta sagesse te permet-elle donc de méconnaître qu’il faut honorer sa patrie plus encore qu’une mère, plus qu’un père, plus que tous les ancêtres, qu’elle est plus respectable, plus sacrée, qu’elle tient un plus haut rang au jugement des dieux et des hommes sensés ; oui, il faut la vénérer, lui céder, lui complaire, quand elle se fâche, plus qu’à un père ; il faut, ou la faire changer d’idée, ou exécuter ce qu’elle ordonne, souffrir même paisiblement ce qu’elle veut qu’on souffre, se laisser, s’il le faut, frapper, enchaîner, ou mener au combat pour y être blessé ou pour y mourir ; tout cela, il faut le faire, car c’est ce qui est juste ; et on ne doit ni se dérober, ni reculer, ni abandonner son poste, mais au combat, au tribunal, partout, le devoir est d’exécuter ce qu’ordonne l’État et la patrie, ou, sinon, de la faire changer d’idée par les moyens légitimes. Quant à la violence, n’est-elle pas impie envers une mère, envers un père, et bien plus encore envers la patrie ?" - Que dirons-nous à cela, Criton ? les lois ont-elles tort ou raison ?

PLATON Criton

2002 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Qu’est-il raisonnable d’espérer de l’histoire ?

2002 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’ignorance est-elle la seule cause de nos erreurs ?

2002 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Pour les actes accomplis par crainte de plus grands maux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyran nous ordonne d’accomplir une action honteuse, alors qu’il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu’en accomplissant cette action nous assurerions leur salut, et en refusant de le faire, leur mort), pour de telles actions la question est débattue de savoir si elles sont volontaires ou involontaires. C’est là encore ce qui se produit dans le cas d’une cargaison que l’on jette par-dessus bord au cours d’une tempête : dans l’absolu personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s’agit de son propre salut et de celui de ses compagnons un homme sensé agit toujours ainsi. De telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin (1) de l’action varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou d’involontaire, se référer au moment où elle s’accomplit.

ARISTOTE

(1) La fin : le but

QUESTIONS :

1°Dégagez la thèse du texte et la manière dont le texte est construit.

a) Expliquez et comparez les deux exemples du texte ;

b) expliquez : "elles sont librement choisies au moment où on les accompli".

3° Une action volontaire est-elle une action libre ?

2003 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Un homme se définit-il par ses actes ?

2003 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Faut-il ne croire que ce que l’on voit ?

2003 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE II faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, ce qui aura le plus d’intérêt pour l’historien à venir. Quand cet historien considérera notre présent à nous, il y recherchera surtout l’explication de son présent à lui, et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveauté. Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd’hui, si ce doit être une création. Comment donc nous réglerions-nous aujourd’hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu’il faut enregistrer, ou plutôt pour fabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes est l’avènement de la démocratie. Que dans le passé, tel qu’il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions les signes avant-coureurs, c’est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n’auraient été notées par eux que s’ils avaient su que l’humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n’était pas plus marquée alors qu’une autre, ou plutôt elle n’existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, je veux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie. Les signes avant-coureurs ne sont à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée.

BERGSON La Pensée et le mouvant

2003 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Pourquoi faudrait-il chercher à se connaître soi-même ?

2003 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Suffit-il d’être dans le présent pour vivre le présent ?

2003 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Or, ceux qui précisément possèdent la rectitude dans l’exercice du pouvoir, qu’ils exercent leur pouvoir avec ou contre le consentement des gouvernés, qu’ils se conforment ou non à des lois écrites, qu’ils soient riches ou pauvres, il faut, selon notre principe, les considérer comme des gouvernants, quelle que soit la forme de leur pouvoir, pourvu qu’il se règle sur un art. Il en va de même des médecins : nous ne les considérons pas comme moins qualifiés, qu’ils nous soignent avec notre consentement ou sans lui, par incision ou brûlure, ou par l’application de quelque autre traitement douloureux. Ils ne sont pas moins médecins, qu’ils observent ou non des règles écrites, qu’ils soient riches ou pauvres ; dans tous les cas, nous ne les en appelons pas moins médecins, tant que leur surveillance est fondée sur l’art, tant qu’ils nous purgent, ou nous font maigrir par quelque autre procédé, ou même nous font prendre de l’embonpoint, avec pour seule fin le bien de notre corps. Nous leur conservons ce titre, enfin, tant qu’ils améliorent l’état de notre corps, et que, chacun pour leur compte, ils sauvegardent par leurs soins leurs patients. Voilà de quelle manière, à mon avis, et pas autrement, nous devrons décider que c’est là la seule définition correcte de l’autorité médicale, et de toute autre autorité.

PLATON Le Politique.

2003 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’art transforme-t-il l’homme ?

2003 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les faits sont-ils des preuves ?

2003 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La conscience est le savoir revenant sur lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle-même, qui se met en demeure de décider et de se juger. Ce mouvement intérieur est dans toute pensée : car celui qui ne se dit pas finalement "Que dois-je penser ?" ne peut pas être dit penser. La conscience est toujours implicitement morale ; et l’immoralité consiste toujours à ne point vouloir penser qu’on pense, et à ajourner le jugement intérieur. On nomme bien inconscients ceux qui ne se posent aucune question d’eux-mêmes à eux-mêmes. Ce qui n’exclut pas les opinions sur les opinions et tous les savoir-faire, auxquels il manque la réflexion, c’est-à-dire le recul en soi-même qui permet de se connaître et de se juger, et cela est proprement la conscience.

Rousseau disait bien que la conscience ne se trompe jamais, pourvu qu’on l’interroge. Exemple : ai-je été lâche en telle circonstance ? Je le saurai si je veux y regarder. Ai-je été juste en tel arrangement ? Je n’ai qu’à m’interroger : mais j’aime bien mieux m’en rapporter à d’autres.

ALAIN Définitions.

2003 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Toutes les croyances se valent-elles ?

2003 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Le beau est-il toujours surprenant ?

2003 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens, et qu’ils aiment mieux servir de leur bourse que de leur personne, l’État est déjà près de sa ruine. Faut-il marcher au combat ? ils payent des troupes et restent chez eux ; faut-il aller au conseil ? ils nomment des députés et restent chez eux. A force de paresse et d’argent, ils ont enfin des soldats pour asservir la patrie et des représentants pour la vendre.

C’est le tracas du commerce et des arts, c’est l’avide intérêt du gain, c’est la mollesse et l’amour des commodités, qui changent les services personnels en argent. On cède une partie de son profit pour l’augmenter à son aise. Donnez de l’argent, et bientôt vous aurez des fers. Ce mot de Finance est un mot d’esclave ; il est inconnu dans la cité. Dans un État vraiment libre les citoyens font tout avec leurs bras et rien avec de l’argent : loin de payer pour s’exempter de leurs devoirs, ils paieraient pour les remplir eux-mêmes. Je suis bien loin des idées communes ; je crois les corvées moins contraires à la liberté que les taxes.

ROUSSEAU Du Contrat social

2003 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’objectivité est-elle le privilège des sciences ?

2003 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’artiste peut-il être indifférent au beau ?

2003 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Il n’est légitime de modifier les lois humaines que dans la mesure où cette modification est profitable à l’intérêt commun. Or le changement de loi lui-même, pris en soi, entraîne un certain dommage pour l’intérêt commun. La coutume contribue en effet pour beaucoup à l’observance des lois, à tel point, que ce qui se fait contre la coutume, même si c’est de peu d’importance, semble grave. Il résulte de là que tout changement de la loi diminue la force contraignante de la loi en ébranlant la coutume, et c’est pourquoi l’on ne doit jamais modifier une loi humaine à moins que le gain qui en résulte d’autre part pour l’intérêt commun ne compense le dommage qu’on lui fait subir sur ce point. C’est ce qui peut arriver, soit qu’une très considérable et très évidente utilité doive résulter du statut nouveau, soit qu’il y ait nécessité urgente à l’admettre, soit que la loi reçue contienne une iniquité manifeste ou que son maintien soit nuisible à beaucoup de citoyens.

THOMAS D’AQUIN Somme théologique

2003 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Parler, est-ce trahir sa pensée ?

2003 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Peut-on connaître sans méthode ?

2003 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Regardez-y de près et vous verrez que le mot liberté est un mot vide de sens ; qu’il n’y a point, et qu’il ne peut y avoir d’êtres libres ; que nous ne sommes que ce qui convient à l’ordre général, à l’organisation, à l’éducation, et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous invinciblement. On ne conçoit non plus (1) qu’un être agisse sans motif, qu’un des bras d’une balance agisse sans l’action d’un poids ; et le motif nous est toujours extérieur, étranger, attaché ou par une nature ou par une cause quelconque, qui n’est pas nous. Ce qui nous trompe, c’est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l’habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. Nous avons tant loué, tant repris, nous l’avons été tant de fois, que c’est un préjugé bien vieux que celui de croire que nous et les autres voulons, agissons librement. Mais s’il n’y a point de liberté, il n’y a point d’action qui mérite la louange ou le blâme. Il n’y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou châtier.

DIDEROT Lettres à Landois

(1) non plus : pas davantage

2003 ES ANTILLES NORMALE Peut-on choisir sa vie ?

2003 ES ANTILLES NORMALE Une société peut-elle se passer d’État ?

2003 ES ANTILLES NORMALE La pensée n’est rien d’"intérieur", elle n’existe pas hors du monde et hors des mots. Ce qui nous trompe là-dessus, ce qui nous fait croire à une pensée qui existerait pour soi avant l’expression, ce sont les pensées déjà constituées et déjà exprimées que nous pouvons rappeler à nous silencieusement et par lesquelles nous nous donnons l’illusion d’une vie intérieure. Mais en réalité ce silence prétendu est bruissant de paroles, cette vie intérieure est un langage intérieur. La pensée "pure" se réduit à un certain vide de la conscience, à un voeu instantané. L’intention significative nouvelle ne se connaît elle-même qu’en se recouvrant de significations déjà disponibles, résultat d’actes d’expression antérieurs. Les significations disponibles s’entrelacent soudain selon une loi inconnue, et une fois pour toutes un nouvel être culturel a commencé d’exister. La pensée et l’expression se constituent donc simultanément.

MERLEAU-PONTY Phénoménologie de la perception.

2003 L ANTILLES NORMALE Le bon sens a-t-il toujours raison ?

2003 L ANTILLES NORMALE Peut-on reprocher au langage d’être imparfait ?

2003 L ANTILLES NORMALE Chaque homme vise aux mêmes buts, qui sont les honneurs et la richesse ; mais ils emploient pour les atteindre des moyens variés : l’un la prudence, l’autre la fougue ; l’un la violence, l’autre l’astuce ; celui-ci la patience, cet autre la promptitude ; et toutes ces méthodes sont bonnes en soi. Et l’on voit encore de deux prudents l’un réussir et l’autre échouer ; et à l’inverse deux hommes également prospères qui emploient des moyens opposés. Tout s’explique par les seules circonstances qui conviennent ou non à leurs procédés. De là résulte que des façons de faire différentes produisent un même effet, et de deux conduites toutes pareilles l’une atteint son but, l’autre fait fiasco. Ainsi s’explique également le caractère variable du résultat. Voici quelqu’un qui se gouverne avec patience et circonspection ; si les choses tournent d’une manière sa méthode est heureuse, son succès assuré ; si elles changent soudain de sens, il n’en tire que ruine parce qu’il n’a pas su modifier son action. Très peu d’hommes, quelle que soit leur sagesse, savent s’adapter à ce jeu ; ou bien parce qu’ils ne peuvent s’écarter du chemin où les pousse leur nature ; ou bien parce que, ayant toujours prospéré par ce chemin, ils n’arrivent point à se persuader d’en prendre un autre. C’est pourquoi l’homme d’un naturel prudent ne sait pas employer la fougue quand il le faudrait, ce qui cause sa perte. Si tu savais changer de nature quand changent les circonstances, ta fortune ne changerait point.

MACHIAVEL Le Prince.

2003 S ANTILLES NORMALE Le fait de vivre dans une société nous ôte-t-il le droit de la critiquer ?

2003 S ANTILLES NORMALE L’efficacité technique suppose-t-elle nécessairement la connaissance scientifique ?

2003 S ANTILLES NORMALE Ce qu’on n’a jamais vu, ce dont on n’a jamais entendu parler, on peut pourtant le concevoir ; et il n’y a rien au-dessus du pouvoir de la pensée, sauf ce qui implique une absolue contradiction.

Mais, bien que notre pensée semble posséder cette liberté illimitée, nous trouverons, en l’examinant de plus près, qu’elle est réellement resserrée en de très étroites limites et que tout ce pouvoir créateur de l’esprit n’est rien de plus que la faculté de composer, de transposer, d’accroître ou de diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l’expérience. Quand nous pensons à une montagne d’or, nous joignons seulement deux idées compatibles, or et montagne, que nous connaissions auparavant. Nous pouvons concevoir un cheval vertueux ; car le sentiment que nous avons de nous-mêmes nous permet de concevoir la vertu ; et nous pouvons unir celle-ci à la figure et à la forme d’un cheval, animal qui nous est familier. Bref, tous les matériaux de la pensée sont tirés de nos sens, externes ou internes ; c’est seulement leur mélange et leur composition qui dépendent de l’esprit et de la volonté.

HUME . Enquête sur l’entendement humain.

2003 STI AA ANTILLES NORMALE Puis-je être libre sans être responsable ?

2003 STI AA ANTILLES NORMALE Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?

2003 STI AA ANTILLES NORMALE Le grand art des jardins est tenu au style par l’obéissance. Premièrement il respecte la forme de la terre [...] ; et même on peut dire qu’il la rend plus visible par les perspectives, les pentes, les tournants, les escaliers, les grottes. Secondement, il obéit aux arbres, qui sont des êtres de durée, précieux, exigeants, de long travail. II obéit aussi à toutes les plantes, les rangeant selon la hauteur et selon le soleil, les espaçant selon les racines. La symétrie et la règle, les droites, les courbes, les intervalles revenant, marques de l’homme, nous plaisent alors, mais comme des produits de la nature même, de la nature non forcée. Ce point d’heureuse obéissance est le difficile à toucher en tous les arts ; mais l’art des jardins nous instruit peut-être mieux qu’un autre ; car lorsqu’on taille les ifs en forme d’oiseaux ou de personnages, on sent bien alors que l’on perd le beau, et que l’on tombe dans l’ornement arbitraire. Et c’est le difficile, en des arts comme la musique et la peinture, de ne point tailler des ifs en forme de paons.

ALAIN

QUESTIONS :

1) Dégagez la thèse de ce texte et faites apparaître les étapes de son argumentation.

2) Expliquez

a) "il la rend plus visible" ;

b) "[les] marques de l’homme nous plaisent alors, mais comme des produits de la nature même" ;

c) "on perd le beau, [...] on tombe dans l’ornement arbitraire".

3) L’art doit-il obéir à la nature ?

2003 TECHN. ANTILLES NORMALE Agir selon sa conscience, est-ce agir selon ses valeurs personnelles ?

2003 TECHN. ANTILLES NORMALE À quoi reconnaît-on une oeuvre d’art ?

2003 TECHN. ANTILLES NORMALE Il est aisé de voir qu’entre les différences qui distinguent les hommes, plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l’ouvrage de l’habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société. Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui en dépendent, viennent souvent plus de la manière dont on a été élevé que de la constitution primitive des corps. Il en est de même des forces de l’esprit, et non seulement l’éducation met de la différence entre les esprits cultivés, et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui se trouve entre les premiers à proportion de la culture. Or si l’on compare la diversité prodigieuse d’éducations et de genres de vie qui règne dans les différents ordres de l’état civil (1), avec la simplicité et l’uniformité de la vie animale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même manière, et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien la différence d’homme à homme doit être moindre dans l’état de nature que dans celui de société, et combien l’inégalité naturelle doit augmenter dans l’espèce humaine par l’inégalité d’institution.

ROUSSEAU

(1) les différents ordres de l’état civil : les différentes classes de la société.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale et les articulations du texte.

a) Expliquez, en vous appuyant sur des exemples du texte, pourquoi les différences culturelles passent pour naturelles.

b) Quel sens a la distinction entre inégalité naturelle et inégalité d’institution ?

3° L’éducation augmente-elle inévitablement les inégalités ?

2003 ES ANTILLES REMPLACEMENT Pourquoi désire-t-on savoir ?

2003 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on opposer le loisir au travail ?

2003 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’homme libre, c’est celui à qui tout advient selon sa volonté, celui à qui personne ne peut faire obstacle. - Quoi ? la liberté serait-elle déraison ? - Bien loin de là ! Folie et liberté ne vont pas ensemble. - Mais je veux qu’il arrive tout ce qui me paraît bon, quelle que soit la chose qui me paraît telle. - Tu es fou, tu déraisonnes. - Ne sais-tu pas que la liberté est chose belle et estimable ? Vouloir au hasard qu’adviennent les choses qu’un hasard me fait croire bonnes, voilà qui risque de ne pas être une belle chose et même d’être la plus laide de toutes. Comment procédons-nous dans l’écriture des lettres ? Est-ce que je veux écrire à ma fantaisie le nom de Dion ? Non pas ; mais on m’apprend à vouloir l’écrire comme il doit l’être. Et en musique ? c’est la même chose. Que faisons-nous en général, dès qu’il y a un art ou une science ? La même chose ; et le savoir n’aurait aucun prix, si les choses se pliaient à nos caprices. Et ici, où il s’agit de la chose la plus importante, de la chose capitale, de la liberté, me serait-il donc permis de vouloir au hasard ? Nullement ; s’instruire, c’est apprendre à vouloir chaque événement tel qu’il se produit.

ÉPICTÈTE Entretiens.

2003 L ANTILLES REMPLACEMENT La culture n’est-elle qu’une seconde nature ?

2003 L ANTILLES REMPLACEMENT L’expérience est-elle la seule source du savoir ?

2003 L ANTILLES REMPLACEMENT On peut concevoir des hommes arrivés à un certain degré de liberté qui les satisfasse entièrement. Ils jouissent alors de leur indépendance sans inquiétude et sans ardeur. Mais les hommes ne fonderont jamais une égalité qui leur suffise.

Un peuple a beau faire des efforts, il ne parviendra pas à rendre les conditions parfaitement égales dans son sein ; et s’il avait le malheur d’arriver à ce nivellement absolu et complet, il resterait encore l’inégalité des intelligences, qui, venant directement de Dieu, échappera toujours aux lois.

Quelque démocratique que soit l’état social et la constitution politique d’un peuple, on peut donc compter que chacun de ses citoyens apercevra toujours près de soi plusieurs points qui le dominent, et l’on peut prévoir qu’il tournera obstinément ses regards de ce seul côté. Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’oeil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande.

Chez les peuples démocratiques, les hommes obtiendront aisément une certaine égalité ; ils ne sauraient atteindre celle qu’ils désirent.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique.

2003 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Se sentir libre suppose-t-il qu’on le soit ?

2003 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT La raison peut-elle nous éclairer dans notre vie ?

2003 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT C’est précisément à cause de ces dangers dont la nature nous menace que nous nous sommes rapprochés et avons créé la civilisation qui, entre autres raisons d’être, doit nous permettre de vivre en commun. À la vérité, la tâche principale de la civilisation, sa raison d’être essentielle est de nous protéger contre la nature. On le sait, elle s’acquitte, sur bien des chapitres, déjà fort bien de cette tâche et plus tard elle s’en acquittera évidemment un jour encore bien mieux. Mais personne ne nourrit l’illusion que la nature soit déjà domptée, et bien peu osent espérer qu’elle soit un jour tout entière soumise à l’homme. Voici les éléments, qui semblent se moquer de tout joug que chercherait à leur imposer l’homme : la terre, qui tremble, qui se fend, qui engloutit l’homme et son oeuvre, l’eau, qui se soulève, et inonde et noie toute chose, la tempête, qui emporte tout devant soi ; voilà les maladies, que nous savons depuis peu seulement être dues aux attaques d’autres êtres vivants, et enfin l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C’est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d’une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grande tâche commune : le maintien de l’humanité face aux forces supérieures de la nature.

FREUD

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale et le mouvement général du texte.

2° Expliquez :

a) pourquoi le projet de maîtrise de la nature est-il qualifié par Freud d’"illusion" ?

b) en quel sens la nature peut-elle être à la fois "sublime" et "cruelle" ?

c) pourquoi la lutte contre les catastrophes est-elle qualifiée par Freud de "spectacle noble et exaltant" ?

3° La tâche principale de la civilisation est-elle de nous protéger contre la nature ?

2003 S ANTILLES SECOURS Une théorie scientifique est-elle une invention ou une découverte ?

2003 S ANTILLES SECOURS Peut-on se passer de la beauté ?

2003 S ANTILLES SECOURS En vain on essaie de se représenter un individu dégagé de toute vie sociale. Même matériellement, Robinson (1) dans son île reste en contact avec les autres hommes, car les objets fabriqués qu’il a sauvés du naufrage, et sans lesquels il ne se tirerait pas d’affaire, le maintiennent dans la civilisation et par conséquent dans la société. Mais un contact moral lui est plus nécessaire encore, car il se découragerait vite s’il ne pouvait opposer à des difficultés sans cesse renaissantes qu’une force individuelle dont il sent les limites. Dans la société à laquelle il demeure idéalement attaché il puise de l’énergie ; il a beau ne pas la voir, elle est là qui le regarde : si le moi individuel conserve vivant et présent le moi social, il fera, isolé, ce qu’il ferait avec l’encouragement et même l’appui de la société entière. Ceux que les circonstances condamnent pour un temps à la solitude, et qui ne trouvent pas en eux-mêmes les ressources de la vie intérieure profonde, savent ce qu’il en coûte de se "laisser aller", c’est-à-dire de ne pas fixer le moi individuel au niveau prescrit par le moi social.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion.

(1) Robinson Crusoé : personnage de marin échoué sur une île déserte.

2003 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Puis-je ne pas savoir ce que je fais ?

2003 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Sans les échanges, le travail aurait-il une valeur ?

2003 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il est impossible de poursuivre dans la pratique de la contemplation de quelque genre de beauté que ce soit sans être fréquemment obligé de faire des comparaisons entre les nombreuses sortes et degrés de réussite, et d’estimer leurs proportions les unes par rapport aux autres. Un homme qui n’a point l’occasion de comparer les différents genres de beauté est bien entendu disqualifié pour émettre une opinion concernant un objet qui lui est présenté. Par la comparaison seule nous déterminons les épithètes relevant de l’éloge ou du blâme et apprenons comment en attribuer le degré approprié à chacun. Le plus indigent des barbouillages exhibe un certain lustre (1) de couleurs et une certaine exactitude de l’imitation qui peuvent passer pour des beautés et entraîne [...] la plus haute admiration. Les plus vulgaires ballades ne sont pas entièrement dépourvues d’harmonie ou de naturel et nul, à moins d’être familiarisé avec des beautés supérieures, ne pourrait déclarer que leurs couplets sont rudes ou leur récit inintéressant. Une beauté très inférieure fait souffrir la personne accoutumée aux plus grandes réussites du genre, et se trouve être pour cette raison qualifiée de laideur de la même façon que l’objet le plus abouti que nous connaissions est naturellement supposé avoir atteint au pinacle (2) de la perfection et devoir recevoir les plus grands éloges. Seul celui qui est accoutumé à voir, à examiner et à soupeser les nombreuses oeuvres admirées, au cours d’époques différentes et au sein de différentes nations peut estimer le mérite d’un ouvrage exposé à sa vue et lui assigner son rang approprié au sein des productions du génie.

HUME De la Norme du goût.

(1) éclat.

(2) sommet.

2003 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il attendre de la science qu’elle ait réponse à tout ?

2003 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on être pleinement homme sans penser à la mort ?

2003 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les enfants vivent sous l’empire du désir, et c’est surtout chez eux que l’on rencontre la recherche de l’agréable. Si donc on ne rend pas l’enfant docile et soumis à l’autorité, il ira fort loin dans cette voie : car dans un être sans raison, la recherche de l’agréable est insatiable et s’alimente de tout, et l’exercice même du désir renforce la tendance innée ; et si ces désirs sont grands et forts, ils vont jusqu’à chasser le raisonnement. Aussi doivent-ils être modérés et en petit nombre et n’être jamais en conflit avec la raison. Et c’est là ce que nous appelons un caractère docile et maîtrisé. Et de même que l’enfant doit vivre en se conformant aux prescriptions de son gouverneur, ainsi la partie désirante de l’âme doit-elle se conformer à la raison. C’est pourquoi il faut que la partie désirante de l’homme modéré soit en harmonie avec la raison, car pour ces deux facultés le bien est le but visé, et l’homme modéré a le désir des choses qu’on doit rechercher, de la manière dont elles doivent l’être et au moment convenable, ce qui est également la façon dont la raison l’ordonne.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque.

2003 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il hiérarchiser les désirs ?

2003 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’État est-il l’ami de tous en même temps que l’ennemi de chacun ?

2003 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il y a un défaut de l’esprit que les Grecs ont désigné sous le nom d’amathia, indocilité (1), c’est-à-dire difficulté d’apprendre et de s’instruire ; cette disposition paraît venir de la fausse opinion où l’on est que l’on connaît déjà la vérité sur l’objet dont il s’agit, car il est certain qu’il y a moins d’inégalité de capacité entre les hommes, que d’inégalité d’évidence entre ce qu’enseignent les mathématiciens et ce qui se trouve dans les autres livres. Si donc les esprits des hommes étaient comme un papier blanc (...), ils seraient également disposés à reconnaître la vérité de tout ce qui leur serait présenté suivant une méthode convenable et par de bons raisonnements ; mais lorsqu’ils ont une fois acquiescé à des opinions fausses et les ont authentiquement enregistrées dans leurs esprits, il est tout aussi impossible de leur parler intelligiblement que d’écrire lisiblement sur un papier déjà barbouillé d’écriture. Ainsi la cause immédiate de l’indocilité est le préjugé, et la cause du préjugé est une opinion fausse de notre propre savoir.

HOBBES De la Nature humaine.

(1) anglais indocibility, français indocilité : désigne chez une personne le fait d’être réfractaire à tout enseignement.

2003 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La connaissance de l’histoire permet-elle de changer le cours de l’histoire ?

2003 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art change-t-il la vie ?

2003 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’homme doit de bonne heure être habitué à se soumettre aux prescriptions de la raison. Si en sa jeunesse on laisse l’homme n’en faire qu’à sa volonté et que rien ne lui est opposé, il conserve durant sa vie entière une certaine sauvagerie. Et il ne sert en rien à certains d’être en leur jeunesse protégés par une excessive tendresse maternelle, car plus tard ils n’en rencontreront que plus de résistances et ils subiront des échecs dès qu’ils s’engageront dans les affaires du monde. C’est une faute habituelle dans l’éducation des princes que de ne jamais leur opposer dans leur jeunesse une véritable résistance, parce qu’ils sont destinés à régner. Chez l’homme, en raison de son penchant pour la liberté, il est nécessaire de polir sa rudesse ; en revanche chez l’animal cela n’est pas nécessaire en raison de l’instinct.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

a) expliquez : "il conserve durant sa vie entière une certaine sauvagerie" ; Pourquoi ?

b) pourquoi est-ce une faute, dans l’éducation des princes, "de ne jamais leur opposer dans leur jeunesse une véritable résistance" ?

3° Une éducation sans contrainte est-elle possible ?

2003 ES INDE NORMALE Peut-on croire à ce qu’on sait ne pas être vrai ?

2003 ES INDE NORMALE Est-il légitime qu’une oeuvre d’art fasse l’objet d’un échange marchand ?

2003 ES INDE NORMALE Il semble qu’on puisse affirmer que l’homme ne saurait rien de la liberté intérieure s’il n’avait d’abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde. Nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d’autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son foyer, d’aller dans le monde et de rencontrer d’autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d’homme libre ne découlait pas automatiquement de l’acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d’autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer - un monde politiquement organisé, en d’autres termes, où chacun des hommes libres pût s’insérer par la parole et par l’action.

ARENDT La Crise de la culture.

2003 L INDE NORMALE La singularité des événements historiques s’oppose-t-elle à leur explication ?

2003 L INDE NORMALE La rigueur d’un raisonnement suffit-elle pour garantir la vérité ?

2003 L INDE NORMALE La société et l’union entre les hommes se conserveront d’autant mieux qu’on manifestera plus de bienveillance à ceux avec qui on a une union plus étroite. Mais il semble qu’il faut reprendre de plus haut les principes naturels de la communauté et de la société des hommes. Il en est d’abord un que l’on voit dans la société du genre humain pris dans son ensemble. Le lien de cette société, c’est la raison et le langage ; grâce à eux, on s’instruit et l’on enseigne, l’on communique, l’on discute, l’on juge, ce qui rapproche les hommes les uns des autres et les unit dans une sorte de société naturelle ; rien ne les éloigne plus de la nature des bêtes, à qui nous attribuons souvent le courage, aux chevaux par exemple ou aux lions, mais non pas la justice, l’équité ou la bonté ; c’est qu’elles ne possèdent ni raison ni langage. Cette société est largement ouverte ; elle est société des hommes avec les hommes, de tous avec tous ; en elle il faut maintenir communs tous les biens que la nature a produits à l’usage commun de l’homme ; quant à ceux qui sont distribués d’après les lois et le droit civil, qu’on les garde selon ce qui a été décidé par les lois ; quant aux autres, que l’on respecte la maxime du proverbe grec : "Entre amis, tout est commun." [...] Ennius (1) donne un exemple particulier qui peut s’étendre à beaucoup de cas : "L’homme qui indique aimablement son chemin à un voyageur égaré agit comme un flambeau où s’allume un autre flambeau ; il n’éclaire pas moins quand il a allumé l’autre".

CICÉRON Traité des devoirs.

(1) Poète Latin.

2003 S INDE NORMALE La liberté de parole suffit-elle à rendre l’homme libre ?

2003 S INDE NORMALE Pourquoi désirer ce qui n’est pas nécessaire ?

2003 S INDE NORMALE Notre connaissance des vérités, différente en cela de notre connaissance des objets, a un contraire qui est l’erreur. En ce qui concerne les objets, nous pouvons en avoir connaissance ou ne pas en avoir connaissance, mais il n’y a pas d’état d’esprit déterminé qui puisse être qualifié de connaissance erronée des objets, tant, en tout cas, que nous nous bornons à la connaissance directe. Tout ce dont nous avons une connaissance directe et immédiate est forcément quelque chose ; nous pouvons ensuite tirer des déductions fausses de notre connaissance, mais cette connaissance même ne peut être trompeuse. Par conséquent, il n’y a pas deux solutions en ce qui concerne la connaissance directe. Mais en ce qui concerne la connaissance des vérités, il peut y avoir deux solutions. Notre croyance peut aller à ce qui est faux aussi bien qu’à ce qui est vrai. Nous savons que sur de nombreux sujets, des individus différents professent des opinions différentes et incompatibles ; en conséquence, une partie de nos croyances est totalement erronée.

RUSSELL Problèmes de philosophie.

2003 TECHN. INDE NORMALE Le pouvoir que nous avons sur la nature repose-t-il sur la connaissance de ce qu’elle est ?

2003 TECHN. INDE NORMALE La vérité peut-elle changer ?

2003 TECHN. INDE NORMALE Les actions dont les principes sont en nous dépendent elles-mêmes de nous et sont volontaires.

En faveur de ces considérations, on peut, semble-t-il, appeler en témoignage à la fois le comportement des individus dans leur vie privée et la pratique des législateurs eux-mêmes : on châtie, en effet, et on oblige à réparation ceux qui commettent des actions mauvaises, à moins qu’ils n’aient agi sous la contrainte ou par une ignorance dont ils ne sont pas eux-mêmes causes. En effet, nous punissons quelqu’un pour son ignorance même, si nous le tenons pour responsable de son ignorance, comme par exemple dans le cas d’ébriété où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que le principe de l’acte réside dans l’auteur de l’action lui-même, qui était maître de ne pas s’enivrer et qui est ainsi responsable de son ignorance.

ARISTOTE

QUESTIONS

1° Dégagez l’idée principale du texte et son argumentation.

a) Comment Aristote distingue-t-il les actions qui "dépendent de nous" et celles qui n’en dépendent pas ?

b) en vous servant de cette distinction vous expliquerez les exemples du texte.

3° L’ignorance est-elle toujours une excuse ?

2003 ES JAPON NORMALE L’art n’est-il qu’un jeu ?

2003 ES JAPON NORMALE Le respect du droit peut-il tenir lieu de morale ?

2003 ES JAPON NORMALE La méthode des sciences est caractérisée par une exigence de débat public, qui se présente sous deux aspects. Le premier est que toute théorie, si inattaquable qu’elle apparaisse à son auteur, peut et doit inviter à la critique ; l’autre est que, pour éviter les équivoques et les malentendus, elle doit être soumise à l’expérience dans des conditions reconnues par tous. C’est seulement si l’expérimentation peut être répétée et vérifiée par d’autres, qu’elle devient l’arbitre impartial des controverses scientifiques.

Ce critère de l’objectivité scientifique, d’ailleurs, tous les organismes ou services chargés de contrôler ou de diffuser la pensée scientifique - laboratoires, congrès, publications spécialisées, etc. - le reconnaissent et l’appliquent. Seul le pouvoir politique, quand il se dresse contre la liberté de critiquer, mettra en péril une forme de contrôle dont dépend, en définitive, tout progrès scientifique et technique.

On peut montrer par des exemples pourquoi ce sont les méthodes, plutôt que les résultats, qui déterminent ce qui est scientifique. Si un auteur intuitif a écrit un livre contenant des résultats dits scientifiques que, vu l’état des connaissances à son époque, rien ne permettait de comprendre ou de vérifier, dira-t-on pour autant qu’il a écrit un livre de science, même si, par la suite, l’expérience prouve que sa théorie était exacte ? La réponse, selon moi, doit être négative.

POPPER La Société ouverte et ses ennemis.

2003 L JAPON NORMALE Les hommes peuvent-ils se passer de travailler ?

2003 L JAPON NORMALE La tolérance suppose-t-elle l’indifférence à la vérité ?

2003 L JAPON NORMALE Au nombre des choses qui peuvent porter un penseur au désespoir se trouve d’avoir reconnu que l’illogique est nécessaire à l’homme, et qu’il en naît beaucoup de bien. L’illogique tient si solidement au fond des passions, du langage, de l’art, de la religion, et généralement de tout ce qui confère quelque valeur à la vie, que l’on ne saurait l’en arracher sans gâter ces belles choses irréparablement. Ce sont les hommes par trop naïfs qui peuvent seuls croire à la possibilité de transformer la nature humaine en nature purement logique ; mais s’il devait y avoir des degrés pour approcher ce but, que ne faudrait-il pas laisser perdre chemin faisant ! Même l’être le plus raisonnable a de temps en temps besoin de retrouver la nature, c’est-à-dire le fond illogique de sa relation avec toutes choses.

NIETZSCHE Humain, trop humain.

2003 S JAPON NORMALE Nos désirs nous égarent-ils ?

2003 S JAPON NORMALE Y a-t-il un privilège de la vérité scientifique ?

2003 S JAPON NORMALE II existe une forme d’autorité en vertu de laquelle on commande à des personnes de même origine et qui sont de surcroît des hommes libres - c’est celle-là que nous appelons l’autorité politique ; le gouvernant doit apprendre à l’exercer en étant lui-même gouverné, comme on apprend à commander la cavalerie en étant simple cavalier et à être chef d’armée en servant dans une armée, et ainsi d’une brigade ou d’une compagnie. C’est pourquoi l’on a raison de dire aussi qu’on ne peut bien commander si l’on n’a soi-même été commandé. La perfection propre à ces deux états est différente, mais, en fait, le bon citoyen doit savoir et pouvoir être commandé et commander ; et c’est la perfection même du citoyen de connaître le gouvernement des hommes libres sous ses deux aspects à la fois.

ARISTOTE Politique.

2003 ES LA RÉUNION NORMALE Les sciences de l’homme peuvent-elles être expérimentales ?

2003 ES LA RÉUNION NORMALE Le sujet peut-il échapper à ses désirs ?

2003 ES LA RÉUNION NORMALE Là où les charges publiques sont l’objet d’une bataille, ceux qui y auront été vainqueurs auront si complètement accaparé à leur profit les affaires publiques, qu’aux vaincus ils ne laisseront même pas la moindre part de l’autorité, ni à ces vaincus eux-mêmes, ni à leurs descendants et que, d’un autre côté, ils se surveilleront les uns les autres dans leur vie, de peur que l’un d’entre eux, parvenu un jour au pouvoir, ne se dresse avec le souvenir des torts qui lui ont été faits. Non, sans nul doute, voilà ce que nous disons à présent : ce ne sont pas là des organisations politiques ; ce ne sont pas des lois comme elles doivent être, toutes celles qui n’ont pas été instituées en vue de l’intérêt commun de l’État dans son ensemble ; mais, quand elles l’ont été en vue de l’intérêt de quelques-uns, ces gens-là, je dis que ce sont des factieux (1) et non point des citoyens, je dis que ce qu’ils appellent leurs justes droits n’est qu’un mot vide de sens ! Or, tout ce que je dis à présent a pour but de signifier que (...) nous ne donnerons d’autorité à quelqu’un, ni parce qu’il est riche, ni parce qu’il possède un autre avantage du même genre, que ce soit sa vigueur, sa haute stature ou la noblesse de sa famille. Mais l’homme qui envers les lois établies pratique une stricte obéissance et dont c’est la façon de triompher dans la Cité, c’est à celui-là que, nous l’affirmons, devra être, en premier, attribuée la place la plus importante parmi les serviteurs de ces divinités que sont les lois.

PLATON Les Lois.

(1) factieux : dont les agissements compromettent l’unité de l’État.

2003 L LA RÉUNION NORMALE L’homme a-t-il un droit sur la nature ?

2003 L LA RÉUNION NORMALE L’objet du désir en est-il la cause ?

2003 L LA RÉUNION NORMALE Vouloir tout régler par des lois, c’est exciter les vices plutôt que les corriger. Ce que l’on ne peut empêcher, il faut nécessairement le permettre, en dépit du dommage qui souvent peut en résulter. Combien de maux ont leur origine dans le luxe, l’envie, l’avidité, l’ivrognerie et autres passions semblables ! On les supporte cependant parce qu’on ne peut les empêcher par le pouvoir des lois et bien que ce soient réellement des vices ; encore bien plus la liberté du jugement, qui est en réalité une vertu, doit-elle être admise et ne peut-elle être opprimée. Ajoutons qu’elle n’engendre pas d’inconvénients que l’autorité publique ne puisse éviter ; sans parler ici de la nécessité première de cette liberté pour l’avancement des sciences et des arts ; car les sciences et les arts ne peuvent être cultivés avec un heureux succès que par ceux dont le jugement est libre et entièrement affranchi.

SPINOZA Traité théologico-politique.

2003 S LA RÉUNION NORMALE Le droit et la morale ont-ils les mêmes fins ?

2003 S LA RÉUNION NORMALE Ne désire-t-on que ce qui a de la valeur pour autrui ?

2003 S LA RÉUNION NORMALE Quand nous nous donnons principalement pour objectif de découvrir des lois générales, c’est que nous les considérons comme ayant intrinsèquement plus de prix qu’aucun des faits pouvant être reliés grâce à elles. En astronomie, la connaissance de la loi de la gravitation est manifestement d’une beaucoup plus grande valeur que celle de la position d’une planète particulière, une nuit particulière, voire toutes les nuits durant toute une année. Il y a dans la loi une beauté, une simplicité et une majesté éclairant une foule de détails qui demeureraient privés d’intérêt sans cela. Il en va de même en biologie : jusqu’à ce que la théorie de l’évolution fasse jaillir un sens de la déconcertante variété des structures organiques, les faits particuliers ne présentaient d’intérêt que pour le naturaliste averti. En histoire, il en va cependant tout autrement. Un grand nombre de faits historiques possèdent en eux-mêmes une valeur intrinsèque, un profond intérêt qui en justifie l’étude, quelle que soit la possibilité que nous avons de les relier au moyen de lois causales.

RUSSELL Essais philosophiques.

2003 STI AA LA RÉUNION NORMALE Peut-on dire de la nature qu’elle est injuste ?

2003 STI AA LA RÉUNION NORMALE Créer, est-ce rompre avec la tradition ?

2003 STI AA LA RÉUNION NORMALE Il n’en est pas moins vrai, personne n’en peut douter, qu’il est de beaucoup plus utile aux hommes de vivre suivant les lois et les injonctions (1) certaines de la Raison, lesquelles tendent uniquement [...] à ce qui est réellement utile aux hommes. En outre il n’est personne qui ne désire vivre à l’abri de la crainte autant qu’il se peut, et cela est tout à fait impossible aussi longtemps qu’il est loisible à chacun de faire tout ce qui lui plaît, et qu’il n’a pas reconnu à la Raison plus de droits qu’à la haine et à la colère ; personne en effet ne vit sans angoisse parmi les inimitiés (2), les haines, la colère et les ruses, il n’est personne qui ne tâche en conséquence d’y échapper autant qu’il est en lui. Que l’on considère encore que, s’ils ne s’entraident pas, les hommes vivent très misérablement et que, s’ils ne cultivent pas la Raison, ils restent asservis aux nécessités de la vie [...], et l’on verra très clairement que pour vivre dans la sécurité et le mieux possible, les hommes ont dû nécessairement aspirer à s’unir en un corps et ont fait par là que le droit que chacun avait de nature sur toutes choses, appartînt à la collectivité et fût déterminé non plus par la force et l’appétit de l’individu mais par la puissance et la volonté de tous ensemble.

SPINOZA

(1) injonctions : commandements.

(2) inimitiés : sentiments hostiles.

2003 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Puis-je avoir la certitude que mes choix sont libres ?

2003 TECHN. LA RÉUNION NORMALE A-t-on le droit de refuser la loi ?

2003 TECHN. LA RÉUNION NORMALE S’il n’y a pas d’histoire proprement dite, là où les événements dérivent nécessairement et régulièrement les uns des autres en vertu de lois constantes (1), il n’y a pas non plus d’histoire, dans le vrai sens du mot, pour une suite d’événements qui seraient sans aucune liaison entre eux. Ainsi les registres d’une loterie publique pourraient offrir une succession de coups réguliers, quelquefois piquants pour la curiosité, mais ne constitueraient pas une histoire : car les coups se succèdent sans s’enchaîner, sans que les premiers exercent aucune influence sur ceux qui les suivent, à peu près comme dans ces annales où les prêtres de l’Antiquité avaient soin de consigner (2) les monstruosités et les prodiges à mesure qu’ils venaient à leur connaissance. Tous ces événements merveilleux, sans liaison les uns avec les autres, ne peuvent former une histoire, dans le vrai sens du mot, quoiqu’ils se succèdent suivant un certain ordre chronologique.

COURNOT

(1) "lois constantes" : par exemple les lois de la physique.

(2) "consigner" : inscrire dans un registre.

QUESTIONS

1° Enoncez l’idée centrale et la structure du texte.

2° Expliquez :

a) "car les coups se succèdent sans s’enchaîner, sans que les premiers exercent aucune influence sur ceux qui les suivent" ;

b) pourquoi "les registres d’une loterie publique" ne forment pas un récit.

3° En quoi l’histoire n’est-elle pas seulement une succession d’événements ?

2003 ES LIBAN NORMALE Y a-t-il une beauté des objets techniques ?

2003 ES LIBAN NORMALE Peut-on expliquer un événement historique ?

2003 ES LIBAN NORMALE II est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance ne souhaite pas être injuste ou intempérant ; et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de nous rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’ensuit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre, vous n’êtes plus capable de la rattraper, mais pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début, il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque.

2003 S LIBAN NORMALE La morale est-elle affaire de principes ou d’expérience ?

2003 S LIBAN NORMALE Toute vérité est-elle bonne à dire ?

2003 S LIBAN NORMALE Manifestement, la liberté ne caractérise pas toute forme de rapports humains et toute espèce de communauté. Là où des hommes vivent ensemble mais ne forment pas un corps politique - par exemple, dans les sociétés tribales pu dans l’intimité du foyer - les facteurs réglant leurs actions et leur conduite ne sont pas la liberté, mais les nécessités de la vie et le souci de sa conservation. En outre, partout où le monde fait par l’homme ne devient pas scène pour l’action et la parole - par exemple dans les communautés gouvernées de manière despotique qui exilent leurs sujets dans l’étroitesse du foyer et empêchent ainsi la naissance d’une vie publique - la liberté n’a pas de réalité mondaine. Sans une vie publique politiquement garantie, il manque à la liberté l’espace mondain où faire son apparition. Certes, elle peut encore habiter le coeur des hommes comme désir, volonté, souhait ou aspiration ; mais le coeur humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et sont relatives l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose.

ARENDT La Crise de la culture.

2003 L LIBAN SECOURS Y a-t-il des opinions indéfendables ?

2003 L LIBAN SECOURS Penser notre existence nous évite-t-il de la subir ?

2003 L LIBAN SECOURS On ne devrait jamais admettre, selon moi, l’excuse qui consiste à atténuer un acte coupable sous prétexte qu’il est naturel, ou qu’il est inspiré par un sentiment naturel. Il n’a guère été commis de mauvaises actions qui ne soient parfaitement naturelles, et dont les mobiles n’aient été des sentiments parfaitement naturels. Par conséquent, cela ne constitue pas une excuse au regard de la raison, mais il est tout à fait "naturel" que c’en soit une aux yeux d’une foule de gens, car pour eux l’expression signifie qu’ils éprouvent un sentiment semblable à celui du criminel. Quand ils disent d’une chose dont ils ne peuvent nier le caractère condamnable, qu’elle est néanmoins naturelle, ils veulent dire qu’ils peuvent imaginer qu’eux-mêmes soient tentés de la commettre. La plupart des gens éprouvent une indulgence considérable envers toutes les actions dont ils sentent une source possible à l’intérieur d’eux-mêmes, réservant leur rigueur à des actions, peut-être moins mauvaises en réalité, dont ils ne peuvent comprendre en aucune manière qu’on puisse les commettre. Si une action les persuade (souvent sur des bases très contestables) que la personne qui l’a commise ne leur ressemble en rien, il est rare qu’ils mettent beaucoup de soin à examiner quel degré précis de blâme elle mérite, ou même s’il est justifié de porter sur elle une condamnation quelconque. Ils mesurent le degré de culpabilité par la force de leur antipathie, et de là vient que des différences d’opinion et même des différences de goûts ont suscité une aversion morale aussi intense que les crimes les plus atroces.

MILL La Nature.

2003 ES MÉTROPOLE NORMALE Pourquoi sommes-nous sensibles à la beauté ?

2003 ES MÉTROPOLE NORMALE Le dialogue est-il le chemin de la vérité ?

2003 ES MÉTROPOLE NORMALE La vraie philosophie de l’histoire revient à voir que sous tous ces changements infinis, et au milieu de tout ce chaos, on n’a jamais devant soi que le même être, identique et immuable, occupé aujourd’hui des mêmes intrigues qu’hier et que de tout temps : elle doit donc reconnaître le fond identique de tous ces faits anciens ou modernes, survenus en Orient comme en Occident ; elle doit découvrir partout la même humanité, en dépit de la diversité des circonstances, des costumes et des moeurs. Cet élément identique, et qui persiste à travers tous les changements, est fourni par les qualités premières du coeur et de l’esprit humains - beaucoup de mauvaises et peu de bonnes. La devise générale de l’histoire devrait être : Eadem, sed aliter [les mêmes choses, mais d’une autre manière]. Celui qui a lu Hérodote (1) a étudié assez l’histoire pour en faire la philosophie ; car il y trouve déjà tout ce qui constitue l’histoire postérieure du monde : agitations, actions, souffrances et destinée de la race humaine, telles qu’elles ressortent des qualités en question et du sort de toute vie sur terre.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation.

2003 L MÉTROPOLE NORMALE Le bonheur est-il affaire privée ?

2003 L MÉTROPOLE NORMALE L’idée d’une liberté totale a-t-elle un sens ?

2003 L MÉTROPOLE NORMALE Les noms des choses qui ont la propriété de nous affecter, c’est-à-dire de celles qui nous procurent du plaisir ou du déplaisir, ont, dans la conversation courante des hommes, une signification changeante parce que tous les hommes ne sont pas affectés de la même façon par la même chose, ni le même homme à des moments différents. Étant donné en effet que tous les noms sont donnés pour signifier nos représentations et que toutes nos affections ne sont rien d’autre que des représentations, lorsque nous avons des représentations différentes des mêmes choses, nous ne pouvons pas facilement éviter de leur donner des noms différents. Car même si la nature de ce que nous nous représentons est la même, il reste que la diversité des façons que nous avons de la recueillir, diversité qui est fonction de la différence de constitution de nos corps et des préventions de notre pensée, donne à chaque chose une teinture de nos différentes passions. C’est pourquoi, lorsqu’ils raisonnent, les hommes doivent prendre garde aux mots, lesquels ont aussi, au-delà de la signification de ce que nous imaginons leur être propre, une signification renvoyant à la nature, à la disposition et à l’intérêt de celui qui parle ; tels sont les noms des vertus et des vices : car un homme appelle sagesse ce qu’un autre appelle crainte ; et l’un appelle cruauté ce qu’un autre appelle justice ; l’un prodigalité ce qu’un autre appelle magnificence ; l’un gravité ce qu’un autre appelle stupidité, etc. Il en résulte que de tels noms ne peuvent jamais être les véritables fondements d’aucune espèce de raisonnement. Les métaphores et les figures du discours ne le peuvent pas davantage : mais elles sont moins dangereuses parce qu’elles professent leur caractère changeant, ce que ne font pas les autres noms.

HOBBES Léviathan

2003 S MÉTROPOLE NORMALE La vérité dépend-elle de nous ?

2003 S MÉTROPOLE NORMALE Prendre conscience de soi, est-ce devenir étranger à soi ?

2003 S MÉTROPOLE NORMALE La raison [...] énonce en nous son veto irrésistible : Il ne doit y avoir aucune guerre ; ni celle entre toi et moi dans l’état de nature, ni celle entre nous en tant qu’États, qui bien qu’ils se trouvent intérieurement dans un état légal, sont cependant extérieurement (dans leur rapport réciproque) dans un état dépourvu de lois - car ce n’est pas ainsi que chacun doit chercher son droit. Ainsi la question n’est plus de savoir si la paix perpétuelle est quelque chose de réel ou si ce n’est qu’une chimère et si nous ne nous trompons pas dans notre jugement théorique, quand nous admettons le premier cas, mais nous devons agir comme si la chose qui peut-être ne sera pas devait être, et en vue de sa fondation établir la constitution [...] qui nous semble la plus capable d’y mener et de mettre fin à la conduite de la guerre dépourvue de salut vers laquelle tous les États sans exception ont jusqu’à maintenant dirigé leurs préparatifs intérieurs, comme vers leur fin suprême. Et si notre fin, en ce qui concerne sa réalisation, demeure toujours un voeu pieux, nous ne nous trompons certainement pas en admettant la maxime d’y travailler sans relâche, puisqu’elle est un devoir.

KANT Métaphysique des Moeurs, Première partie : Doctrine du droit.

2003 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Reconnaître le vrai, est-ce perdre sa liberté ?

2003 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Le droit doit-il régler toutes les affaires humaines ?

2003 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Les enfants, grands imitateurs, essayent tous de dessiner : je voudrais que le mien cultivât cet art, non précisément pour l’art même, mais pour se rendre l’oeil juste et la main flexible ; et, en général, il importe fort peu qu’il sache tel ou tel exercice, pourvu qu’il acquière la perspicacité du sens et la bonne habitude du corps qu’on gagne par cet exercice. Je me garderai donc bien de lui donner un maître à dessiner, qui ne lui donnerait à imiter que des imitations, et ne le ferait dessiner que sur des dessins : je veux qu’il n’ait d’autre maître que la nature, ni d’autre modèle que les objets. Je veux qu’il ait sous les yeux l’original même et non pas le papier qui le représente, qu’il crayonne une maison sur une maison, un arbre sur un arbre, un homme sur un homme, afin qu’il s’accoutume à bien observer les corps et leurs apparences, et non pas à prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations. Je le détournerai même de rien tracer de mémoire en l’absence des objets, jusqu’à ce que, par des observations fréquentes, leurs figures exactes s’impriment bien dans son imagination ; de peur que, substituant à la vérité des choses des figures bizarres et fantastiques, il ne perde la connaissance des proportions et le goût des beautés de la nature.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

a) Pourquoi, selon Rousseau, les enfants doivent-ils cultiver l’art du dessin ?

b) Quelles sont les étapes de son argumentation ?

a) Expliquez : "prendre des imitations fausses et conventionnelles pour de véritables imitations".

b) Analysez la distinction entre l’imagination dans laquelle "s’impriment" des "figures exactes" et l’imagination productrice de "figures bizarres et fantastiques".

3° Faut-il apprendre à voir ?

2003 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Respecter la nature, est-ce renoncer à la transformer ?

2003 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’homme cherche-t-il toujours à connaître la vérité ?

2003 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Le premier et le plus grand intérêt public est toujours la justice. Tous veulent que les conditions soient égales pour tous, et la justice n’est que cette égalité. Le citoyen ne veut que les lois et que l’observation des lois. Chaque particulier (1) dans le peuple sait bien que s’il y a des exceptions, elles ne seront pas en sa faveur. Ainsi tous craignent les exceptions, et qui craint les exceptions aime la loi.

Chez les chefs c’est toute autre chose. (...) Ils cherchent des préférences partout. S’ils veulent des lois, ce n’est pas pour leur obéir, c’est pour en être les arbitres. Ils veulent des lois pour se mettre à leur place et pour se faire craindre en leur nom. Tout les favorise dans ce projet. Ils se servent des droits qu’ils ont pour usurper (2) sans risque ceux qu’ils n’ont pas.

ROUSSEAU

(1) particulier : individu, personne singulière.

(2) usurper : commettre un abus en prétendant avoir le droit pour soi.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale du texte et les étapes du raisonnement.

2° Expliquez

a) "le plus grand intérêt public est toujours la justice" ;

b) "qui craint les exceptions aime la loi".

3° Pourquoi l’égalité est-elle essentielle au droit ?

2003 TMD MÉTROPOLE NORMALE La passion nous sépare-t-elle d’autrui ?

2003 TMD MÉTROPOLE NORMALE La compréhension du présent suppose-t-elle une connaissance du passé ?

2003 TMD MÉTROPOLE NORMALE - Maintenant considère ceci. Quel but se propose la peinture relativement à chaque objet ? Est-ce de représenter ce qui est tel qu’il est, ou ce qui paraît tel qu’il paraît ; est-ce l’imitation de l’apparence ou de la réalité ?

- De l’apparence, à mon avis.

- L’art d’imiter est donc bien éloigné du vrai, et, s’il peut tout exécuter, c’est, semble-t-il, qu’il ne touche qu’une petite partie de chaque chose, et cette partie n’est qu’une image. Nous pouvons dire par exemple que le peintre nous peindra un cordonnier, un charpentier ou tout autre artisan sans connaître le métier d’aucun d’eux ; il n’en fera pas moins, s’il est bon peintre, illusion aux enfants et aux ignorants, en peignant un charpentier et en le montrant de loin parce qu’il lui aura donné l’apparence d’un charpentier véritable.

- Assurément.

- Mais voici, mon ami, ce qu’il faut, selon moi, penser de tout cela : quand quelqu’un vient nous dire qu’il a rencontré un homme au courant de tous les métiers et qui connaît mieux tous les détails de chaque art que n’importe quel spécialiste, il faut lui répondre qu’il est naïf et qu’il est tombé sans doute sur un charlatan ou un imitateur qui lui a jeté de la poudre aux yeux, et que, s’il l’a pris pour un savant universel, c’est qu’il n’est pas capable de distinguer la science, l’ignorance et l’imitation.

PLATON

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et les principaux moments du texte.

2° Expliquez :

a) "il ne touche qu’une petite partie de chaque chose, et cette partie n’est qu’une image"

b) "s’il l’a pris pour un savant universel, c’est qu’il n’est pas capable de distinguer la science, l’ignorance et l’imitation".

3° Le but de l’art est-il la vérité ?

2003 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT La liberté a-t-elle un prix ?

2003 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on communiquer son expérience ?

2003 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ce qu’il faut craindre d’ailleurs, ce n’est pas tant la vue de l’immoralité des grands que celle de l’immoralité menant à la grandeur. Dans la démocratie, les simples citoyens voient un homme qui sort de leurs rangs et qui parvient en peu d’années à la richesse et à la puissance ; ce spectacle excite leur surprise et leur envie ; ils recherchent comment celui qui était hier leur égal est aujourd’hui revêtu du droit de les diriger. Attribuer son élévation à ses talents ou à ses vertus est incommode, car c’est avouer qu’eux-mêmes sont moins vertueux et moins habiles que lui. Ils en placent donc la principale cause dans quelques-uns de ses vices, et souvent ils ont raison de le faire. Il s’opère ainsi je ne sais quel odieux mélange entre les idées de bassesse et de pouvoir, d’indignité et de succès, d’utilité et de déshonneur.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2003 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une connaissance peut-elle se passer de l’expérience sensible ?

2003 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT A-t-on besoin de certitudes pour agir ?

2003 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m’entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse. Tous les jours j’aperçois les mêmes maisons, et comme je sais que ce sont les mêmes objets, je les désigne constamment par le même nom, et je m’imagine aussi qu’elles m’apparaissent toujours de la même manière. Pourtant, si je me reporte, au bout d’un assez long temps, à l’impression que j’éprouvai pendant les premières années, je m’étonne du changement singulier, inexplicable et surtout inexprimable, qui s’est accompli en elle. Il semble que ces objets, continuellement perçus par moi et se peignant sans cesse dans mon esprit, aient fini par m’emprunter quelque chose de mon existence consciente ; comme moi ils ont vécu, et comme moi vieilli. Ce n’est pas là illusion pure ; car si l’impression d’aujourd’hui était absolument identique à celle d’hier, quelle différence y aurait-il entre percevoir et reconnaître, entre apprendre et se souvenir ? Pourtant cette différence échappe à l’attention de la plupart ; on ne s’en apercevra guère qu’à la condition d’en être averti, et de s’interroger alors scrupuleusement soi-même. La raison en est que notre vie extérieure et pour ainsi dire sociale a plus d’importance pratique pour nous que notre existence intérieure et individuelle. Nous tendons instinctivement à solidifier nos impressions, pour les exprimer par le langage. De là vient que nous confondons le sentiment même, qui est dans un perpétuel devenir, avec son objet extérieur permanent, et surtout avec le mot qui exprime cet objet.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience.

2003 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La conscience peut-elle être un fardeau ?

2003 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Croire, est-ce renoncer à savoir ?

2003 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’amour de la démocratie est celui de l’égalité.

L’amour de la démocratie est encore l’amour de la frugalité. Chacun devant y avoir le même bonheur et les mêmes avantages, y doit goûter les mêmes plaisirs, et former les mêmes espérances ; chose qu’on ne peut attendre que de la frugalité générale.

L’amour de l’égalité, dans une démocratie, borne l’ambition au seul désir, au seul bonheur de rendre à sa patrie de plus grands services que les autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui rendre tous des services égaux ; mais ils doivent tous également lui en rendre. En naissant, on contracte envers elle une dette immense dont on ne peut jamais s’acquitter.

Ainsi les distinctions y naissent du principe de l’égalité, lors même qu’elle paraît ôtée par des services heureux, ou par des talents supérieurs.

L’amour de la frugalité borne le désir d’avoir à l’attention que demande le nécessaire pour sa famille et même le superflu pour sa patrie. Les richesses donnent une puissance dont un citoyen ne peut pas user pour lui ; car il ne serait pas égal. Elles procurent des délices dont il ne doit pas jouir non plus parce qu’elles choqueraient l’égalité tout de même (1).

MONTESQUIEU De l’Esprit des Lois.

(1) pareillement

2003 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Pour être libre, vaut-il mieux ne pas s’engager ?

2003 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Dire que l’homme a une histoire, est-ce dire que l’humanité change ?

2003 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’existence des êtres finis est si pauvre et si bornée que, quand nous ne voyons que ce qui est, nous ne sommes jamais émus. Ce sont les chimères qui ornent les objets réels ; et si l’imagination n’ajoute un charme à ce qui nous frappe, le stérile plaisir qu’on y prend se borne à l’organe, et laisse toujours le coeur froid. La terre, parée des trésors de l’automne, étale une richesse que l’oeil admire mais cette admiration n’est point touchante ; elle vient plus de la réflexion que du sentiment. Au printemps, la campagne presque nue n’est encore couverte de rien, les bois n’offrent point d’ombre, la verdure ne fait que de poindre, et le coeur est touché à son aspect. En voyant renaître ainsi la nature, on se sent ranimer soi-même ; l’image du plaisir nous environne ; ces compagnes de la volupté, ces douces larmes, toujours prêtes à se joindre à tout sentiment délicieux, sont déjà sur le bord de nos paupières ; mais l’aspect des vendanges a beau être animé, vivant, agréable, on le voit toujours d’un oeil sec.

Pourquoi cette différence ? C’est qu’au spectacle du printemps l’imagination joint celui des saisons qui le doivent suivre ; à ces tendres bourgeons que l’oeil aperçoit, elle ajoute les fleurs, les fruits, les ombrages, quelquefois les mystères qu’ils peuvent couvrir. Elle réunit en un point des temps qui doivent se succéder, et voit moins les objets comme ils seront que comme elle les désire, parce qu’il dépend d’elle de les choisir. En automne, au contraire, on n’a plus à voir que ce qui est. Si l’on veut arriver au printemps, l’hiver nous arrête, et l’imagination glacée expire sur la neige et sur les frimas.

ROUSSEAU

a) Dégagez la thèse de Rousseau et les étapes de son argumentation.

b) Précisez les éléments de la comparaison qu’il établit entre l’automne et le printemps.

2) Expliquez

a) "quand nous ne voyons que ce qui est, nous ne sommes jamais émus" et "[elle] voit moins les objets comme ils seront que comme elle les désire".

b) "elle vient plus de la réflexion que du sentiment".

3/ Qu’est-ce qui me touche dans ce que je perçois ?

2003 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les oeuvres d’art nous font-elles oublier le réel ?

2003 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Suffit-il d’avoir raison pour convaincre ?

2003 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Chacun sent bien que la force ne peut rien contre le droit ; mais beaucoup sont disposés à reconnaître que la force peut quelque chose pour le droit [...]. Je suis bien loin de mépriser cet ordre ancien et vénérable que l’agent (1) au carrefour représente si bien. Et je veux remarquer d’abord ceci, c’est que l’autorité de l’agent est reconnue plutôt que subie. Je suis pressé ; le bâton levé produit en moi un mouvement d’impatience et même de colère ; mais enfin je veux cet ordre au carrefour et non pas une lutte de force entre les voitures ; et le bâton de l’agent me rappelle cette volonté mienne, que la passion allait me faire oublier. Ce que j’exprime en disant qu’il y a un ordre de droit entre l’agent et moi, entre les autres voyageurs et moi ; ou bien, si l’on veut dire autrement, un état de paix véritable. Si cet ordre n’est point reconnu et voulu par moi, si je cède seulement à une force évidemment supérieure, il n’y a ni paix ni droit, mais seulement un vainqueur, qui est l’agent, et un vaincu, qui est moi.

ALAIN

(1) agent : agent de police.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes du raisonnement.

2° Expliquez

a) "Et je veux remarquer d’abord ceci, c’est que l’autorité de l’agent est reconnue plutôt que subie" ;

b) "ce que j’exprime en disant qu’il y a un ordre de droit entre l’agent et moi, entre les autres voyageurs et moi".

3° N’obéit-on à la loi que par peur de la sanction ?

2003 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il se méfier de l’imagination ?

2003 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on se rendre maître du temps ?

2003 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le principe du devoir envers soi-même est d’un tout autre ordre et n’a aucun rapport avec notre bien-être et notre bonheur terrestre. Loin d’occuper le dernier rang, ces devoirs envers soi viennent en premier et sont les plus importants de tous, car - sans encore expliquer de quoi ils retournent - il est évident qu’on ne peut rien attendre d’un homme qui déshonore sa propre personne.

Celui qui contrevient aux devoirs qu’il a envers lui-même rejette du même coup l’humanité et n’est plus en état de s’acquitter de ses devoirs envers les autres. L’homme qui a mal accompli ses devoirs envers autrui, en manquant de générosité, de bonté et de compassion à son endroit, mais qui a observé les devoirs qu’il a envers lui-même en vivant comme il convient, peut encore posséder une certaine valeur intrinsèque. Celui qui au contraire a transgressé ces devoirs envers soi ne possède aucune valeur intrinsèque. Par conséquent la violation des devoirs envers soi-même enlève toute valeur à l’homme, tandis que la violation de ses devoirs envers les autres lui ôte sa valeur de manière simplement relative.

Aussi les devoirs envers soi sont-ils la condition première sous laquelle les devoirs envers autrui pourront être observés [...]. Un ivrogne ne fait de mal à personne, et s’il est de forte constitution, il peut bien ne pas se nuire à lui-même en abusant de la boisson, et pourtant il est un objet de mépris.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et ses articulations.

2° Expliquez l’expression suivante : "La violation des devoirs envers soi-même enlève toute valeur à l’homme, tandis que la violation de ses devoirs envers les autres lui ôte sa valeur de manière simplement relative".

3° Le respect d’autrui suppose-t-il le respect de soi ?

2003 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La conscience peut-elle être un obstacle pour l’action ?

2003 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-il raisonnable d’opposer théorie et expérience ?

2003 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La justice, parmi les autres vertus, a pour fonction propre d’ordonner l’homme en ce qui est relatif à autrui. En effet, elle implique une certaine égalité, comme son nom lui-même l’indique : ce qui s’égale "s’ajuste", dit-on communément ; or l’égalité se définit par rapport à autrui. Les autres vertus au contraire ne perfectionnent l’homme que dans ce qui le concerne personnellement.

Ainsi donc, ce qui est droit dans les oeuvres de ces vertus, et à quoi tend l’intention vertueuse comme à son objet propre, ne se définit que par rapport au sujet vertueux, tandis que le droit, dans les oeuvres de justice, est constitué par son rapport avec autrui, même abstraction faite du sujet ; en effet, nous appelons juste dans notre action ce qui correspond à autre chose selon une certaine égalité, par exemple le paiement du salaire qui est dû en raison d’un service.

En conséquence, on appelle juste, avec toute la rectitude de justice que cela comporte, le terme auquel aboutit l’acte de la vertu de justice, sans même considérer la façon dont le sujet l’accomplit, alors que, pour les autres vertus, c’est au contraire la façon dont le sujet agit qui sert à déterminer la rectitude de ce qu’il fait. C’est pourquoi l’objet de la justice, contrairement à celui des autres vertus, se détermine en lui-même, spécialement, et porte le nom de juste. Et c’est précisément le droit. Celui-ci est donc bien l’objet de la justice.

THOMAS D’AQUIN Somme théologique.

2003 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on être immoral sans le savoir ?

2003 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une société sans conflits est-elle souhaitable ?

2003 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Chacun de nous a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l’âme. Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu’on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d’un mobile sans jamais combler l’espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience.

2003 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Répondre à un désir, est-ce nécessairement le satisfaire ?

2003 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on opposer le théoricien et l’observateur ?

2003 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Puisqu’il est évident que l’inspiration ne forme rien sans matière, il faut donc à l’artiste, à l’origine des arts et toujours, quelque premier objet ou quelque première contrainte de fait, sur quoi il exerce d’abord sa perception, comme l’emplacement et les pierres pour l’architecte, un bloc de marbre pour le sculpteur, un cri pour le musicien, une thèse pour l’orateur, une idée pour l’écrivain, pour tous des coutumes acceptées d’abord. Par quoi se trouve défini l’artiste, tout à fait autrement que d’après la fantaisie. Car tout artiste est percevant et actif, artisan toujours en cela. Plutôt attentif à l’objet qu’à ses propres passions ; on dirait presque passionné contre les passions, j’entends impatient surtout à l’égard de la rêverie oisive : ce trait est commun aux artistes, et les fait passer pour difficiles. [...] Mais si l’on revient aux principes jusqu’ici exposés, on se détournera de penser que quelque objet beau soit jamais créé hors de l’action. Ainsi la méditation de l’artiste serait plutôt observation que rêverie, et encore mieux observation de ce qu’il a fait comme source et règle de ce qu’il va faire. Bref, la loi suprême de l’invention humaine est que l’on n’invente qu’en travaillant. Artisan d’abord.

ALAIN Système des beaux-arts.

2003 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-il impossible aux historiens d’être objectifs ?

2003 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Un homme peut-il renoncer à sa liberté ?

2003 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le sensible dans l’art ne concerne que ceux de nos sens qui sont intellectualisés : la vue et l’ouïe, à l’exclusion de l’odorat, du goût et du toucher. Car l’odorat, le goût et le toucher n’ont affaire qu’à des éléments matériels et à leurs qualités immédiatement sensibles, l’odorat à l’évaporation de particules matérielles dans l’air, le goût à la dissolution de particules matérielles, le toucher au froid, au chaud, au lisse, etc. Ces sens n’ont rien à faire avec les objets de l’art qui doivent se maintenir dans une réelle indépendance et ne pas se borner à offrir des relations sensibles. Ce que ces sens trouvent agréable n’est pas le beau que connaît l’art. C’est donc à dessein que l’art crée un royaume d’ombres, de formes, de tonalités, d’intuitions ; ces formes et ces tonalités sensibles, l’art ne les fait pas seulement intervenir pour elles-mêmes et sous leur apparence immédiate, mais encore afin de satisfaire des intérêts spirituels supérieurs, parce qu’ils sont capables de faire naître une résonance dans les profondeurs de la conscience, un écho dans l’esprit.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Dégager l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Répondre aux questions suivantes en prenant appui sur le texte

a) Pourquoi les sens "non intellectualisés" n’ont-ils rien à faire avec l’art ?

b) En quoi le beau nous élève-t-il au-dessus de l’agréable ?

3° Qu’est-ce qui nous plaît dans une oeuvre d’art ?

2003 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on refuser d’être libre ?

2003 ES POLYNÉSIE NORMALE Y a-t-il un sens à parler de désirs inconscients ?

2003 ES POLYNÉSIE NORMALE Les poètes sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage. Or, comme c’est dans et par le langage conçu comme une certaine espèce d’instrument que s’opère la recherche de la vérité, il ne faut pas s’imaginer qu’ils visent à discerner le vrai ni à l’exposer. Ils ne songent pas non plus à nommer le monde et, par le fait, ils ne nomment rien du tout, car la nomination implique un perpétuel sacrifice du nom à l’objet nommé : le nom s’y révèle l’inessentiel, en face de la chose qui est essentielle. Ils ne parlent pas ; ils ne se taisent pas non plus : c’est autre chose. En fait, le poète s’est retiré d’un seul coup du langage-instrument ; il a choisi une fois pour toutes l’attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des signes. Car l’ambiguïté du signe implique qu’on puisse à son gré le traverser comme une vitre et poursuivre à travers lui la chose signifiée ou tourner son regard vers sa réalité et le considérer comme objet. L’homme qui parle est au-delà des mots, près de l’objet ; le poète est en deçà. Pour le premier, ils sont domestiques ; pour le second, ils restent à l’état sauvage. Pour celui-là, ce sont des conventions utiles, des outils qui s’usent peu à peu et qu’on jette quand ils ne peuvent plus servir ; pour le second, ce sont des choses naturelles qui croissent naturellement sur la terre comme l’herbe et les arbres.

SARTRE Qu’est-ce que la Littérature ?

2003 L POLYNÉSIE NORMALE Faut-il considérer les lois comme un mal nécessaire ?

2003 L POLYNÉSIE NORMALE Obéir à la raison suffit-il à rendre heureux ?

2003 L POLYNÉSIE NORMALE Chaque mot de notre langue a beau être conventionnel, le langage n’est pas une convention, et il est aussi naturel à l’homme de parler que de marcher. Or, quelle est la fonction primitive du langage ? C’est d’établir une communication en vue d’une coopération. Le langage transmet des ordres ou des avertissements. Il prescrit ou il décrit. Dans le premier cas, c’est l’appel à l’action immédiate ; dans le second, c’est le signalement de la chose ou de quelqu’une de ses propriétés, en vue de l’action future. Mais, dans un cas comme dans l’autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale. Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain. Les propriétés qu’il signale sont les appels de la chose à une activité humaine. Le mot sera donc le même, comme nous le disions, quand la démarche suggérée sera la même, et notre esprit attribuera à des choses diverses la même propriété, se les représentera de la même manière, les groupera enfin sous la même idée, partout où la suggestion du même parti à tirer, de la même action à faire, suscitera le même mot. Telles sont les origines du mot et de l’idée.

BERGSON La Pensée et le mouvant.

2003 S POLYNÉSIE NORMALE Sommes-nous démunis face à ce dont nous n’avons jamais fait l’expérience ?

2003 S POLYNÉSIE NORMALE Faut-il séparer la beauté et la vérité ?

2003 S POLYNÉSIE NORMALE La morale est étroitement liée à la politique : elle est une tentative pour imposer à des individus les désirs collectifs d’un groupe ; ou, inversement, elle est une tentative faite par un individu pour que ses désirs deviennent ceux de son groupe. Ceci n’est possible, bien entendu, que si ses désirs ne sont pas trop visiblement contraires à l’intérêt général : le cambrioleur peut difficilement tenter de persuader les gens qu’il leur fait du bien, quoique des ploutocrates (1) fassent des tentatives de ce genre, et réussissent même souvent. Quand l’objet de nos désirs peut bénéficier à tous, il ne paraît pas déraisonnable d’espérer que d’autres se joindront à nous ; ainsi le philosophe qui fait grand cas de la Vérité, de la Bonté et de la Beauté est persuadé qu’il n’exprime pas seulement ses propres désirs, mais qu’il montre la voie du bonheur à toute l’humanité. Contrairement au cambrioleur, il peut croire que l’objet de ses désirs a une valeur impersonnelle.

La morale est une tentative pour donner une importance universelle, et non simplement personnelle, à certains de nos désirs. Je dis "certains" de nos désirs, parce que c’est manifestement impossible dans certains cas, comme nous l’avons vu pour le cambrioleur. L’homme qui s’enrichit à la Bourse au moyen de renseignements secrets ne souhaite pas que les autres soient également bien informés : la Vérité (dans la mesure où il en fait cas) est pour lui une possession privée, et non le bien universel qu’elle est pour le philosophe.

RUSSELL Science et religion.

(1) un ploutocrate : celui qui tire sa puissance de sa richesse

2003 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Peut-on avoir de bonnes raisons de ne pas dire la vérité ?

2003 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Peut-on exercer sa liberté sans prendre de risques ?

2003 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Ce qui est bien et conforme à l’ordre est tel par la nature des choses et indépendamment des conventions humaines. Toute justice vient de Dieu, lui seul en est la source ; mais si nous savions la recevoir de si haut nous n’aurions besoin ni de gouvernement ni de lois. Sans doute il est une justice universelle émanée de la raison seule ; mais cette justice pour être admise entre nous doit être réciproque. A considérer humainement les choses, faute de sanction naturelle les lois de la justice sont vaines parmi les hommes ; elles ne font que le bien du méchant et le mal du juste, quand celui-ci les observe avec tout le monde sans que personne les observe avec lui. Il faut donc des conventions et des lois pour unir les droits aux devoirs et ramener la justice à son objet. Dans l’état de nature, où tout est commun, je ne dois rien à ceux à qui je n’ai rien promis, je ne reconnais pour être à autrui que ce qui m’est inutile. Il n’en est pas ainsi dans l’état civil (1) où tous les droits sont fixés par la loi.

ROUSSEAU

(1) état civil : état de société

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale du texte et les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez

a) "il est une justice universelle émanée de la raison seule" ;

b) "faute de sanction naturelle les lois de la justice sont vaines parmi les hommes" ;

c) "dans l’état civil où tous les droits sont fixés par la loi".

3° Faut-il des lois pour que la justice se réalise ?

2003 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Dialoguer, n’est-ce que débattre ?

2003 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’originalité suffit-elle à faire la valeur d’une oeuvre d’art ?

2003 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’expérience paraît enseigner que dans l’intérêt de la paix et de la concorde, il convient que tout le pouvoir appartienne à un seul. Nul État en effet n’est demeuré aussi longtemps sans aucun changement notable que celui des Turcs et en revanche nulles cités n’ont été moins durables que les Cités populaires ou démocratiques, et il n’en est pas où se soient élevées plus de séditions. Mais si la paix doit porter le nom de servitude, de barbarie et de solitude, il n’est rien pour les hommes de si lamentable que la paix. Entre les parents et les enfants il y a certes plus de querelles et des discussions plus âpres qu’entre maîtres et esclaves, et cependant il n’est pas de l’intérêt de la famille ni de son gouvernement que l’autorité paternelle se change en une domination et que les enfants soient tels que des esclaves. C’est donc la servitude, non la paix, qui demande que tout le pouvoir soit, aux mains d’un seul : ainsi que nous l’avons déjà dit, la paix ne consiste pas dans l’absence de guerre, mais dans l’union des âmes, c’est-à-dire dans la concorde.

SPINOZA Traité politique.

2003 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT D’où viennent nos connaissances ?

2003 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Pour se libérer du passé faut-il l’oublier ?

2003 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Sitôt que les hommes sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse ; l’égalité, qui était entre eux, cesse, et l’état de guerre commence.

Chaque société particulière vient à sentir sa force ; ce qui produit un état de guerre de nation à nation. Les particuliers, dans chaque société, commencent à sentir leur force ; ils cherchent à tourner en leur faveur les principaux avantages de cette société ; ce qui fait entre eux un état de guerre.

Ces deux sortes d’état de guerre font établir les lois parmi les hommes. Considérés comme habitants d’une si grande planète, qu’il est nécessaire qu’il y ait différents peuples, ils ont des lois dans le rapport que ces peuples ont entre eux ; et c’est le DROIT DES GENS (1) (...).

Le droit des gens est naturellement fondé sur ce principe, que les diverses nations doivent se faire, dans la paix, le plus de bien, et, dans la guerre, le moins de mal qu’il est possible, sans nuire à leurs véritables intérêts.

L’objet de la guerre, c’est la victoire ; celui de la victoire, la conquête ; celui de la conquête, la conservation. De ce principe et du précédent doivent dériver toutes les lois qui forment le droit des gens.

MONTESQUIEU De l’Esprit des lois.

(1) "gens" est pris ici au sens de peuple.

2003 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’interdit est-il une condition de la liberté ?

2003 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Connaître est-ce nécessairement expliquer ?

2003 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’homme est destiné par sa raison à exister en société avec des hommes et à se cultiver, se civiliser, se moraliser, dans cette société, par l’art et les sciences, si grand que puisse être son penchant animal à s’abandonner passivement aux séductions du confort et du bien-vivre qu’il appelle félicité : bien plutôt est-il destiné à se rendre activement digne de l’humanité, en luttant contre les obstacles dont l’accable la grossièreté de sa nature.

L’homme doit donc nécessairement être éduqué en vue du bien ; mais celui qui a le devoir de l’éduquer est à son tour un homme qui est encore plongé dans la grossièreté de la nature et doit pourtant produire ce dont lui-même a besoin. De là vient le constant écart de l’être humain par rapport à sa destination, avec toujours des tentatives répétées pour y revenir.

KANT Anthropologie du point de vue pragmatique.

2003 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art n’a-t-il pour but que le plaisir ?

2003 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT La technique est-elle moralement neutre ?

2003 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT On pense que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n’est pas absolument vrai, car en réalité être captif (1) de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c’est le pire esclavage, et la liberté n’est qu’à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l’action par commandement, c’est-à-dire à l’obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un esclave. Si la fin (2) de l’action n’est pas l’utilité de l’agent (3) lui-même, mais de celui qui la commande, alors l’agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui même, mais un sujet.

SPINOZA

(1) être captif : être prisonnier

(2) la fin : le but

(3) l’agent : celui qui agit

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

a) Expliquez "être captif de son plaisir est le pire esclavage" ;

b) expliquez "la liberté n’est qu’à celui qui, de son entier consentement, vit sous la seule conduite de la raison" ;

c) que signifie l’opposition entre un esclave et un sujet ?

3° L’obéissance est-elle nécessairement contraire à la liberté ?

2004 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on être à la fois libre et heureux ?

2004 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’activité artistique est-elle un travail ?

2004 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Si en effet, Socrate, tu veux bien faire réflexion sur le sens de cette expression punir les méchants, cela suffira pour te convaincre que les hommes regardent la vertu comme une chose qu’on peut acquérir ; personne en effet ne punit un homme injuste par la simple considération et le simple motif qu’il a commis une injustice, à moins qu’il ne punisse à l’aveugle, comme une bête féroce ; mais celui qui veut punir judicieusement ne punit pas à cause de l’injustice, qui est chose passée, car il ne saurait faire que ce qui est fait ne soit pas fait ; mais il punit en vue de l’avenir, afin que le coupable ne retombe plus dans l’injustice et que son châtiment retienne ceux qui en sont les témoins. Penser ainsi, c’est penser que la vertu peut être enseignée, puisque le châtiment a pour but de détourner du vice. Telle est l’opinion de tous ceux qui punissent en leur nom et au nom de l’État.

PLATON Protagoras

2004 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le langage est-il une invention humaine ?

2004 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’esprit cesse-t-il d’être libre lorsque la vérité s’impose à lui ?

2004 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ne nous laissons jamais aller aux disputes et aux batailles. Laissons là le combat, et, quels que soient les outrages que nous infligeront les insensés (car seuls les insensés sont capables d’outrage), n’y prêtons pas attention ; mettons dans le même sac les honneurs de la foule et ses injustices : ils ne méritent ni notre joie, ni notre peine.

Sans quoi, la crainte ou l’horreur des offenses nous feront négliger bien des obligations, et nous nous soustrairons à nos devoirs d’ordre public ou privé, fût-il question de vie ou de mort, angoissés à l’idée d’entendre une parole blessante. Parfois aussi, exaspérés contre les puissants, nous laisserons éclater notre colère avec une liberté sans mesure. Or la liberté ne consiste pas à ne rien supporter : non ! la liberté consiste à placer son âme au-dessus des injustices et à faire de soi-même la seule source de ses joies, à rompre avec les éléments extérieurs, pour ne pas avoir à mener la vie tourmentée de celui qui craint les rires et les mauvaises langues à toute heure et en tout lieu. Qui en effet ne serait capable de nous infliger une offense, dès lors qu’un seul homme a eu ce pouvoir ?

SÉNÈQUE De la Constance du sage

2004 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’État est-il menacé quand les citoyens discutent les lois ?

2004 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Y a-t-il des désirs naturels ?

2004 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE On a établi une fausse comparaison entre les sciences, qui consistent tout entières en une connaissance qui appartient à l’esprit, et les arts (1), qui exigent quelque exercice et quelque disposition du corps ; on voyait bien qu’on ne saurait proposer au même homme l’apprentissage simultané de tous les arts, et qu’au contraire celui qui n’en cultive qu’un seul devient plus aisément un maître artiste ; en effet, ce ne sont pas les mains d’un même homme qui peuvent s’accoutumer à cultiver les champs et à jouer de la cithare, ou à remplir différents offices de ce genre, aussi commodément qu’à pratiquer l’un seulement d’entre eux ; on a donc cru qu’il en était de même pour les sciences, et, en les distinguant l’une de l’autre à raison de la diversité de leurs objets, on a pensé qu’il fallait les étudier chacune à part, en laissant toutes les autres de côté. En quoi l’on s’est assurément trompé.

Toutes les sciences ne sont en effet rien d’autre que l’humaine sagesse, qui demeure toujours une et identique à elle-même, quelque différents que soient les objets auxquels elle s’applique, et qui ne reçoit pas d’eux plus de diversité que n’en reçoit la lumière du soleil de la variété des choses qu’elle éclaire ; il n’y a donc pas lieu de contenir l’esprit en quelques bornes que ce soit ; loin en effet que la connaissance d’une seule vérité, à l’exemple de la pratique d’un seul art, nous empêche d’en découvrir une autre, elle nous y aide plutôt.

DESCARTES Règles pour la direction de l’esprit.

(1) Le mot est ici pris dans le sens large qu’il avait anciennement, et qui couvre les métiers et techniques aussi bien que ce que nous appelons aujourd’hui les "beaux-arts".

2004 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE En quoi l’homme est-il un être de parole ?

2004 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE N’est-on heureux que par hasard ?

2004 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Tous les hommes sont sensibles à la nécessité de la justice pour maintenir la paix et l’ordre, et tous les hommes sont sensibles à la nécessité de la paix et de l’ordre pour maintenir la société. En dépit de cette forte et évidente nécessité, telle est cependant la fragilité ou la perversité de notre nature qu’il est impossible aux hommes de rester fidèlement et infailliblement sur le chemin de la justice. Des circonstances extraordinaires se produisent qui amènent un homme à plutôt trouver ses intérêts défendus par la fraude et le vol qu’à être choqué par la fracture que son injustice crée dans l’union sociale. Mais beaucoup plus souvent, il se trouve détourné de ses intérêts supérieurs, importants mais lointains, par l’apparence du présent, ses tentations étant souvent très frivoles. Cette grande faiblesse est incurable dans la nature humaine.

Les hommes doivent donc s’ingénier à pallier ce qu’ils ne peuvent guérir. Il leur faut instituer des personnes qu’ils nomment magistrats, dont la fonction spécifique est de promulguer les décrets de l’équité, d’en punir les transgresseurs, de fustiger (1) la fraude et la violence, et de contraindre les hommes, bien que récalcitrants, à suivre leurs intérêts réels et permanents. En un mot, l’obéissance est un nouveau devoir qu’il faut inventer afin de supporter celui de la justice ; et les liens de l’équité doivent être renforcés par ceux de l’assujettissement.

HUME De l’Origine du gouvernement.

(1) "Fustiger" signifie dans ce texte "corriger".

2004 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Quelles leçons pouvons-nous tirer de nos expériences ?

2004 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La loi doit-elle être la même pour tous ?

2004 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Toute morale est contraire au laisser-aller, c’est une tyrannie qui s’exerce sur la "nature" et aussi sur la "raison" ; ce n’est pas pour autant une objection, à moins qu’on ne veuille décréter au nom de quelque autre morale l’interdiction de toute tyrannie et de toute déraison. L’essentiel de toute morale, ce qui en fait la valeur inestimable c’est qu’elle est une longue contrainte. [...] Il faut se souvenir que c’est toujours par l’effet d’une contrainte que le langage est parvenu à acquérir vigueur et liberté : contrainte métrique, tyrannie de la rime et du rythme. Que de peines se sont données dans toutes les nations les poètes et les orateurs, sans en excepter quelques prosateurs de nos jours, dont l’oreille est d’une exigence inexorable ! [...] Si étrange que cela puisse sembler, tout ce qui existe et a jamais existé sur la terre, en fait de liberté, de finesse, d’audace, de danse et de magistrale assurance, que ce soit dans la pensée proprement dite, dans l’art de gouverner, de parler ou de convaincre, dans les arts ou dans les morales, n’a jamais pu fleurir que sous la tyrannie de ces "lois arbitraires". Et je le dis très sérieusement, selon toute apparence c’est la contrainte qui est la nature ou le naturel, et non pas le laisser-aller. Tout artiste sait par expérience combien il est loin du sentiment du laisser-aller, quand il est dans l’état qui lui est le plus "naturel", l’état d’inspiration, où en pleine liberté il ordonne, dispose, agence et construit. Avec quelle rigueur et quelle précision délicate il obéit justement alors à de multiples lois dont la rigueur et la précision le mettraient au défi de les formuler en concepts ; comparé à ces lois, le concept le plus ferme a quelque chose de flottant, de complexe, d’équivoque. Pour le dire encore une fois, il semble que l’essentiel "au ciel et sur la terre" soit d’obéir longuement et toujours dans le même sens ; il en résulte, il finit toujours par en résulter quelque chose pour quoi il vaut la peine de vivre : vertu, art, musique, danse, raison, spiritualité, quelque chose d’illuminant, de raffiné, de fou, de divin.

NIETZSCHE Par delà Bien et mal.

2004 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Pour connaître la vérité, faut-il nécessairement passer par l’erreur ?

2004 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’art peut-il être défini comme la production du beau ?

2004 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Quand on oppose la société idéale à la société réelle comme deux antagonistes qui nous entraîneraient en des sens contraires, on réalise et on oppose des abstractions. La société idéale n’est pas en dehors de la société réelle ; elle en fait partie. Bien loin que nous soyons partagés entre elles comme entre deux pôles qui se repoussent, on ne peut pas tenir à l’une sans tenir à l’autre. Car une société n’est pas simplement constituée par la masse des individus qui la composent, par le sol qu’ils occupent, par les choses dont ils se servent, par les mouvements qu’ils accomplissent, mais, avant tout, par l’idée qu’elle se fait d’elle-même. Et sans doute, il arrive qu’elle hésite sur la manière dont elle doit se concevoir : elle se sent tiraillée en des sens divergents. Mais ces conflits, quand ils éclatent, ont lieu non entre l’idéal et la réalité, mais entre idéaux différents, entre celui d’hier et celui d’aujourd’hui, entre celui qui a pour lui l’autorité de la tradition et celui qui est seulement en voie de devenir.

DURKHEIM Les Formes élémentaires de la vie religieuse.

2004 ES ANTILLES NORMALE L’oeuvre d’art doit-elle d’abord plaire ?

2004 ES ANTILLES NORMALE Y a-t-il des vérités indiscutables ?

2004 ES ANTILLES NORMALE La patrie ne peut subsister sans la liberté, ni la liberté sans la vertu, ni la vertu sans les citoyens ; vous aurez tout si vous formez des citoyens ; sans cela vous n’aurez que de méchants esclaves, à commencer par les chefs de l’État. Or former des citoyens n’est pas l’affaire d’un jour ; et pour les avoir hommes, il faut les instruire enfants. Qu’on me dise que quiconque a des hommes à gouverner, ne doit pas chercher hors de leur nature une perfection dont ils ne sont pas susceptibles ; qu’il ne doit pas vouloir détruire en eux les passions, et que l’exécution d’un pareil projet ne serait pas plus désirable que possible. Je conviendrai d’autant mieux de tout cela, qu’un homme qui n’aurait point de passions serait certainement un fort mauvais citoyen : mais il faut convenir aussi que si l’on n’apprend point aux hommes à n’aimer rien, il n’est pas impossible de leur apprendre à aimer un objet plutôt qu’un autre, et ce qui est véritablement beau, plutôt que ce qui est difforme. Si, par exemple, on les exerce assez tôt à ne jamais regarder leur individu que par ses relations avec le corps de l’État, et à n’apercevoir, pour ainsi dire, leur propre existence que comme une partie de la sienne, ils pourront parvenir enfin à s’identifier en quelque sorte avec ce plus grand tout, à se sentir membres de la patrie, à l’aimer de ce sentiment exquis que tout homme isolé n’a que pour soi-même, à élever perpétuellement leur âme à ce grand objet, et à transformer ainsi en une vertu sublime, cette disposition dangereuse d’où naissent tous nos vices.

ROUSSEAU Sur l’Economie politique.

2004 L ANTILLES NORMALE Un homme peut-il perdre tous ses droits ?

2004 L ANTILLES NORMALE La connaissance historique est-elle essentiellement interprétative ?

2004 L ANTILLES NORMALE Chacun de nous est un corps soumis aux mêmes lois que toutes les autres portions de matière. Si on le pousse, il avance ; si on le tire, il recule, si on le soulève et qu’on l’abandonne, il retombe. Mais, à côté de ces mouvements qui sont provoqués mécaniquement par une cause extérieure, il en est d’autres qui semblent venir du dedans et qui tranchent sur les précédents par leur caractère imprévu : on les appelle "volontaires". Quelle en est la cause ? C’est ce que chacun de nous désigne par les mots "je" ou "moi". Et qu’est-ce que le moi ? Quelque chose qui paraît, à tort ou à raison, déborder de toutes parts le corps qui y est joint, le dépasser dans l’espace aussi bien que dans le temps. Dans l’espace d’abord, car le corps de chacun de nous s’arrête aux contours précis qui le limitent, tandis que par notre faculté de percevoir, et plus particulièrement de voir, nous rayonnons bien au-delà de notre corps : nous allons jusqu’aux étoiles. Dans le temps ensuite, car le corps est matière, la matière est dans le présent et, s’il est vrai que le passé y laisse des traces, ce ne sont des traces de passé que pour une conscience qui les aperçoit et qui interprète ce qu’elle aperçoit à la lumière de ce qu’elle se remémore : la conscience, elle, retient ce passé, l’enroule sur lui-même au fur et à mesure que le temps se déroule et prépare avec lui un avenir qu’elle contribuera à créer.

BERGSON L’Énergie spirituelle.

2004 S ANTILLES NORMALE Une société sans État est-elle possible ?

2004 S ANTILLES NORMALE Le désir est-il un obstacle à la liberté ?

2004 S ANTILLES NORMALE Pour la vie quotidienne, dont les buts sont changeants et relatifs, des évidences et des vérités relatives suffisent. Mais la science cherche des vérités qui sont et restent valables une fois pour toutes, qui sont et doivent rester valables pour tous, elle cherche, par conséquent, des vérifications originales et radicales. Si, comme elle doit elle-même finir par le reconnaître, la science ne parvient pas en fait à réaliser un système de vérités absolues, et si elle est contrainte de modifier sans cesse ses vérités, elle n’en obéit pas moins à l’idée d’une vérité absolue ou rigoureusement attestée, et elle vit donc dans un horizon infini d’approximations qui convergent vers cette idée. Grâce à ces approximations, elle croit pouvoir infiniment dépasser la connaissance naïve et ainsi se dépasser elle-même.

HUSSERL Méditations cartésiennes.

2004 STI AA ANTILLES NORMALE Faut-il chercher la vérité au-delà des apparences ?

2004 STI AA ANTILLES NORMALE L’art n’est-il qu’un luxe ?

2004 STI AA ANTILLES NORMALE La puissance des lois dépend encore plus de leur propre sagesse que de la sévérité de leurs ministres, et la volonté publique tire son plus grand poids de la raison qui l’a dictée : c’est pour cela que Platon (1) regarde comme une précaution très importante de mettre toujours à la tête des édits un préambule raisonné qui en montre la justice et l’utilité. En effet, la première des lois est de respecter les lois : la rigueur des châtiments n’est qu’une vaine ressource imaginée par de petits esprits pour substituer la terreur à ce respect qu’ils ne peuvent obtenir. On a toujours remarqué que les pays où les supplices sont les plus terribles, sont aussi ceux où ils sont le plus fréquents ; de sorte que la cruauté des peines ne marque guère que la multitude des infracteurs (2), et qu’en punissant tout avec la même sévérité, l’on force les coupables de commettre des crimes pour échapper à la punition de leurs fautes.

ROUSSEAU

(1) La connaissance de la doctrine de Platon n’est pas requise pour l’explication.

(2) Infracteurs : ceux qui commettent des infractions, qui désobéissent aux lois.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice de ce texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "la volonté publique tire son plus grand poids de la raison qui l’a dictée" ;

b) "la première des lois est de respecter les lois" ;

c) "l’on force les coupables de commettre des crimes pour échapper à la punition de leurs fautes".

3° D’où vient la force des lois ?

2004 TECHN. ANTILLES NORMALE Le développement technique est-il sans fin ?

2004 TECHN. ANTILLES NORMALE Peut-on tirer des leçons de l’histoire ?

2004 TECHN. ANTILLES NORMALE À quand remets-tu encore le moment de te juger digne des plus grands biens et de ne transgresser en rien les prescriptions de la raison ? Tu as reçu en dépôt les principes, que tu devais t’engager à mettre en pratique, et tu t’es engagé. Quel maître attends-tu donc encore, pour t’en remettre à lui du soin de ton propre redressement ? Tu n’es plus un adolescent, mais te voici un homme fait. Si maintenant tu donnes dans la négligence et dans la nonchalance, si toujours tu ajoutes les délais aux délais, si tu remets jour après jour le moment fixé pour t’occuper de toi-même, sans même t’en rendre compte tu n’auras fait aucun progrès, et c’est en profane (1) que tu traverseras la vie et la mort. Dès maintenant donc, juge-toi digne de vivre en adulte et en homme qui progresse : que tout ce qui est manifestement le meilleur soit pour toi une loi inviolable. Que la vie t’apporte de la peine ou de l’agrément, de la gloire ou de l’obscurité, souviens-toi que c’est l’heure du combat, qu’il n’y a plus moyen de différer, qu’un seul jour, une seule action commande la ruine ou le salut de ton progrès.

ÉPICTÈTE

(1) Profane : ignorant

QUESTIONS :

1° À quoi invite ici Epictète et pour quelles raisons ?

2° Expliquez :

a) "tu as reçu en dépôt les principes, que tu devais t’engager à mettre en pratique, et tu t’es engagé" ;

b) "si tu remets jour après jour le moment fixé pour t’occuper de toi-même, sans même t’en rendre compte tu n’auras fait aucun progrès" ;

c) "juge-toi digne de vivre en adulte et en homme qui progresse".

3° Vivre selon la raison, est-ce un combat ?

2004 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on séparer penser et parler ?

2004 ES ANTILLES REMPLACEMENT Notre bonheur doit-il quelque chose à la chance ?

2004 ES ANTILLES REMPLACEMENT Si, comme je le crois, les sentiments moraux ne sont pas innés, mais acquis, ils n’en sont pas moins, pour cela, naturels. Il est naturel à l’homme de parler, de raisonner, de bâtir des villes, de cultiver le sol, quoique ce soient là des facultés acquises. Les sentiments moraux, à la vérité, ne font pas partie de notre nature, si on entend par là qu’ils devraient être présents chez nous tous, à un degré appréciable quelconque ; fait regrettable, sans doute, et reconnu par ceux qui croient le plus fortement à l’origine transcendante de ces sentiments. Cependant, comme les autres aptitudes acquises, la faculté morale, si elle ne fait pas partie de notre nature, s’y développe naturellement ; comme les autres facultés, elle est capable de prendre naissance spontanément, et, très faible au début, elle peut être portée par la culture à un haut degré de développement. Malheureusement aussi, en recourant autant qu’il est nécessaire aux sanctions extérieures et en utilisant l’influence des premières impressions, on peut la développer dans n’importe quelle direction, ou presque ; en sorte qu’il n’y a guère d’idée, si absurde ou si malfaisante qu’elle soit, qu’on ne puisse imposer à l’esprit humain en lui donnant, par le jeu de ces influences, toute l’autorité de la conscience.

MILL De l’Utilitarisme.

2004 L ANTILLES REMPLACEMENT Doit-on apprendre à percevoir ?

2004 L ANTILLES REMPLACEMENT Nos relations avec autrui sont-elles nécessairement conflictuelles ?

2004 L ANTILLES REMPLACEMENT C’est le futur qui décide si le passé est vivant ou mort. Le passé, en effet, est originellement projet, comme le surgissement actuel de mon être. Et, dans la mesure même où il est projet, il est anticipation ; son sens lui vient de l’avenir qu’il préesquisse. Lorsque le passé glisse tout entier au passé, sa valeur absolue dépend de la confirmation ou de l’infirmation des anticipations qu’il était. Mais c’est précisément de ma liberté actuelle qu’il dépend de confirmer le sens de ces anticipations, en les reprenant à son compte, c’est-à-dire en anticipant, à leur suite, l’avenir qu’elles anticipaient ou de les infirmer en anticipant simplement un autre avenir. Ainsi l’ordre de mes choix d’avenir va déterminer un ordre de mon passé et cet ordre n’aura rien de chronologique. Il y aura d’abord le passé toujours vivant et toujours confirmé : mon engagement d’amour, tels contrats d’affaires, telle image de moi-même à quoi je suis fidèle. Puis le passé ambigu qui a cessé de me plaire et que je retiens par un biais : par exemple, ce costume que je porte - et que j’achetai à une certaine époque où j’avais le goût d’être à la mode - me déplaît souverainement à présent et, de ce fait, le passé où je l’ai choisi est véritablement mort. Mais d’autre part mon projet actuel d’économie est tel que je dois continuer à porter ce costume plutôt que d’en acquérir un autre. Dès lors il appartient à un passé mort et vivant à la fois.

SARTRE L’Être et le néant.

2004 S ANTILLES REMPLACEMENT Le travail n’est-il qu’un moyen de subsistance ?

2004 S ANTILLES REMPLACEMENT Est-ce à moi de juger mes actes ?

2004 S ANTILLES REMPLACEMENT La raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après ses propres plans et elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, elle doit obliger la nature à répondre à ces questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle ; car autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé d’avance, nos observations ne se rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin. Il faut donc que la raison se présente à la nature tenant, d’une main, ses principes qui seuls peuvent donner aux phénomènes concordant entre eux l’autorité de la loi, et de l’autre, l’expérimentation qu’elle a imaginée d’après ses principes, pour être instruite par elle, il est vrai, mais non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais, au contraire, comme un juge en fonctions qui force les témoins à répondre aux questions qu’il leur pose.

KANT Critique de la raison pure.

2004 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Une société peut-elle se passer d’artistes ?

2004 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Sommes-nous responsables de nos erreurs ?

2004 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Si nous considérons combien sont petites les différences de force ou de connaissance entre les hommes mûrs, et combien il est facile aux plus faibles, par la force ou l’esprit, ou les deux, de détruire entièrement le pouvoir du plus fort (car il ne faut que peu de force pour ôter la vie à un homme) on peut conclure que les hommes considérés dans le simple état de nature, devraient reconnaître qu’ils sont égaux entre eux ; et que celui qui s’en contente, peut passer pour modéré.

D’autre part, si l’on considère la grande différence qui existe entre les hommes, différence qui provient de la diversité de leurs passions, et combien certains sont pleins de vaine gloire et espèrent obtenir préséance et supériorité sur leurs semblables, non seulement quand ils sont égaux en pouvoir, mais aussi quand ils sont inférieurs, il faut obligatoirement reconnaître qu’il doit nécessairement s’ensuivre que ceux qui sont modérés et ne recherchent rien d’autre que l’égalité naturelle, seront inévitablement exposés à la force des autres qui tenteront de les dominer. Et de là inévitablement procédera une méfiance générale en l’espèce humaine et la crainte mutuelle des uns et des autres.

HOBBES

QUESTIONS :

1° En étudiant la structure du raisonnement de l’auteur, dégagez sa thèse.

2° Expliquez :

a) "les hommes considérés dans le simple état de nature, devraient reconnaître qu’ils sont égaux entre eux" ;

b) "la grande différence [...] qui provient de la diversité de leurs passions" ;

c) "une méfiance générale en l’espèce humaine et la crainte mutuelle des uns et des autres".

3° L’égalité n’est-elle que naturelle ?

2004 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il de bonnes techniques et de mauvaises ?

2004 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Apprend-on à percevoir ?

2004 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Bien que le gouvernement soit une invention très profitable et même, dans certaines circonstances, absolument nécessaire à l’espèce humaine, elle n’est pas nécessaire dans toutes les circonstances, et les hommes ne sont pas dans l’impossibilité de maintenir un certain temps la société sans avoir recours à cette invention. Ils sont, c’est vrai, toujours plus enclins à préférer l’intérêt présent à celui qui est distant et éloigné, et il ne leur est pas facile de résister à la tentation d’un bien dont ils peuvent profiter immédiatement, parce qu’ils craignent un mal qui se trouve au loin ; mais cette faiblesse, cependant, se fait moins remarquer quand les possessions et les plaisirs de la vie sont peu nombreux et de peu de valeur, ainsi qu’ils le sont toujours dans l’enfance de la société. Un Indien n’est que peu tenté d’en déposséder un autre de sa hutte ou de lui voler son arc, puisqu’il est déjà pourvu des mêmes avantages ; quant à la plus grande chance qui peut, à la pêche ou à la chasse, aider l’un plus que l’autre, elle n’est qu’accidentelle et temporaire et elle ne tendra que faiblement à troubler la société. Et je suis si loin de penser, avec certains philosophes, que les hommes sont totalement incapables de faire société sans gouvernement, que j’affirme que les premiers rudiments de gouvernement ne résultent pas de querelles entre hommes d’une même société, mais entre hommes de sociétés différentes.

HUME Traité de la nature humaine.

2004 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La liberté requiert-elle l’extinction du désir ?

2004 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le vivant est-il un objet de science comme un autre ?

2004 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il existe une loi vraie, c’est la droite raison, conforme à la nature, répandue dans tous les êtres, toujours d’accord avec elle-même, non sujette à périr, qui nous appelle impérieusement à remplir notre fonction, nous interdit la fraude et nous en détourne. L’honnête homme n’est jamais sourd à ses commandements et à ses défenses ; ils sont sans actions sur le pervers. A cette loi nul amendement n’est permis, il n’est licite de l’abroger ni en totalité ni en partie. [...] Cette loi n’est pas autre à Athènes, autre à Rome, autre aujourd’hui, autre demain, c’est une seule et même loi éternelle et immuable, qui régit toutes les nations et en tout temps, il y a pour l’enseigner et la prescrire à tous un dieu unique : conception, délibération, mise en vigueur de la loi lui appartiennent également. Qui n’obéit pas à cette loi s’ignore lui-même et, parce qu’il aura méconnu la nature humaine, il subira par cela même le plus grand châtiment, même s’il échappe aux autres supplices.

CICÉRON De la République.

2004 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La liberté s’oppose-t-elle à la sécurité ?

2004 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il se méfier de sa conscience ?

2004 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il semble, à première vue, que de tous les animaux qui peuplent le globe terrestre, il n’y en ait pas un à l’égard duquel la nature ait usé de plus de cruauté qu’envers l’homme : elle l’a accablé de besoins et de nécessités innombrables et l’a doté de moyens insuffisants pour y subvenir. Chez les autres créatures, ces deux éléments se compensent l’un l’autre. Si nous regardons le lion en tant qu’animal carnivore et vorace, nous aurons tôt fait de découvrir qu’il est très nécessiteux ; mais si nous tournons les yeux vers sa constitution et son tempérament, son agilité, son courage, ses armes et sa force, nous trouverons que ces avantages sont proportionnés à ses besoins. Le mouton et le boeuf sont privés de tous ces avantages, mais leurs appétits sont modérés et leur nourriture est d’une prise facile. Il n’y a que chez l’homme que l’on peut observer à son plus haut degré d’achèvement cette conjonction, qui n’est pas naturelle, de la faiblesse et du besoin.

[...] Ce n’est que par la société qu’il est capable de suppléer à ses déficiences et de s’élever à une égalité avec les autres créatures, voire d’acquérir une supériorité sur elles. Par la société, toutes ses infirmités sont compensées et, bien qu’en un tel état ses besoins se multiplient sans cesse, néanmoins ses capacités s’accroissent toujours plus et le laissent, à tous points de vue, plus satisfait et plus heureux qu’il ne pourrait jamais le devenir dans sa condition sauvage et solitaire.

HUME

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° En vous appuyant sur le texte, répondez aux questions suivantes :

a) qu’est-ce qui distingue l’homme des autres animaux ?

b) pourquoi le mouton et le boeuf ne sont-ils pas désavantagés par rapport au lion ?

3° Qu’est-ce que la vie en société apporte à l’homme ?

2004 ES INDE NORMALE La raison n’a-t-elle pour fin que la connaissance du réel ?

2004 ES INDE NORMALE Puis-je juger la culture à laquelle j’appartiens ?

2004 ES INDE NORMALE Ce qu’on ne doit pas perdre de vue, c’est que le génie, pour être fécond, doit posséder une pensée disciplinée et cultivée, et un exercice plus ou moins long. Et cela, parce que l’oeuvre d’art présente un côté purement technique dont on n’arrive à se rendre maître que par l’exercice. Ceci est plus particulièrement vrai des arts qui comportent une dextérité manuelle, par laquelle ils se rapprochent plus ou moins des métiers manuels. Tel est le cas de l’architecture et de la sculpture, par exemple. La dextérité manuelle est moins nécessaire en musique et en poésie. Mais, même dans celle-ci, il y a tout un côté qui demande, sinon un apprentissage, tout au moins une certaine expérience : l’art de rimer constitue le côté technique de la poésie, et ce n’est pas par l’inspiration qu’on en acquiert la connaissance. Tout art s’exerce sur une matière plus ou moins dense, plus ou moins résistante, qu’il s’agit d’apprendre à maîtriser. D’autre part, l’artiste doit connaître d’autant mieux les profondeurs de l’âme et de l’esprit humain que le rang qu’il ambitionne est plus élevé. Or, cette connaissance ne s’acquiert pas non plus d’une façon directe, mais à la suite d’une étude du monde extérieur et du monde intérieur. Et c’est cette étude qui lui fournit les sujets de ces représentations.

HEGEL Introduction à l’esthétique.

2004 L INDE NORMALE Y a-t-il une connaissance rationnelle de ce qui change ?

2004 L INDE NORMALE Comment justifier le respect d’autrui ?

2004 L INDE NORMALE Interrogez un homme tout à fait sans préjugés : voici à peu près en quels termes il s’exprimera au sujet de cette conscience immédiate que l’on prend si souvent pour garante d’un prétendu libre arbitre : "Je peux faire ce que je veux. Si je veux aller à gauche, je vais à gauche ; si je veux aller à droite, je vais à droite. Cela dépend uniquement de mon bon vouloir : je suis donc libre." Un tel témoignage est certainement juste et véridique ; seulement il présuppose la liberté de la volonté, et admet implicitement que la décision est déjà prise : la liberté de la décision elle-même ne peut donc nullement être établie par cette affirmation. Car il n’y est fait aucune mention de la dépendance ou de l’indépendance de la volonté au moment où elle se produit, mais seulement des conséquences de cet acte, une fois qu’il est accompli, ou, pour parler plus exactement, de la nécessité de sa réalisation en tant que mouvement corporel. C’est le sentiment intime qui est à la racine de ce témoignage qui seul fait considérer à l’homme naïf, c’est-à-dire sans éducation philosophique (ce qui n’empêche pas qu’un tel homme puisse être un grand savant dans d’autres branches), que le libre arbitre est un fait d’une certitude immédiate : en conséquence, il le proclame comme une vérité indubitable, et ne peut même pas se figurer que les philosophes soient sérieux quand ils le mettent doute.

SCHOPENHAUER Essai sur le libre arbitre

2004 S INDE NORMALE L’hypothèse de l’inconscient rend-elle inutile la recherche d’une maîtrise des désirs ?

2004 S INDE NORMALE La raison se reconnaît-elle dans la technique ?

2004 S INDE NORMALE Depuis les Grecs, nous savons qu’une vie politique réellement développée conduit à une remise en question du domaine de la vie privée, et à un profond ressentiment vis-à-vis du miracle le plus troublant : le fait que chacun de nous a été fait ce qu’il est - singulier, unique et immuable. Toute cette sphère du strictement donné, reléguée au rang de la vie privée dans la société civilisée, constitue une menace permanente pour la sphère publique qui se fonde sur la loi d’égalité avec la même logique que la sphère privée repose sur la loi de la différence universelle et sur la différenciation. L’égalité, à la différence de tout ce qui est impliqué dans l’existence pure et simple, n’est pas quelque chose qui nous est donné mais l’aboutissement de l’organisation humaine, dans la mesure où elle est guidée par le principe de justice. Nous ne naissons pas égaux ; nous devenons égaux en tant que membres d’un groupe, en vertu de notre décision de nous garantir mutuellement des droits égaux.

ARENDT L’Impérialisme.

2004 TECHN. INDE NORMALE Ce qui est naturel peut-il être mauvais ?

2004 TECHN. INDE NORMALE L’art est-il un luxe ?

2004 TECHN. INDE NORMALE On dit bien que la liberté de parler ou d’écrire peut assurément nous être enlevée par une autorité supérieure, mais non point la liberté de penser. Quelles seraient toutefois l’étendue et la justesse de notre pensée si nous ne pensions pas pour ainsi dire en communauté avec d’autres, dans une communication réciproque de nos pensées ! On peut donc dire que cette autorité extérieure qui arrache aux hommes la liberté de faire part publiquement, chacun, de ses pensées, leur arrache en même temps la liberté de penser, le seul joyau qui nous reste encore dans la multitude des fardeaux de la vie civile et qui, seul, peut nous aider encore à trouver un remède à tous les maux de cette condition.

KANT

QUESTIONS :

1° Quelle est la thèse de l’auteur ? Sur quels arguments repose-t-elle ?.

a) Que veut dire "l’étendue et la justesse de notre pensée" ?

b) expliquez pourquoi "la communication réciproque de nos pensées" est la condition d’une pensée élargie et cohérente ;

c) pourquoi la liberté de pensée est-elle "le seul joyau qui nous reste encore dans la multitude des fardeaux de la vie civile" ? Vous vous demanderez ce que veut dire l’adverbe encore.

3° Pense-t-on bien quand on pense seul ?

2004 ES JAPON NORMALE Peut-on remettre en question une vérité établie scientifiquement ?

2004 ES JAPON NORMALE L’esprit religieux ne se manifeste-t-il que dans les religions ?

2004 ES JAPON NORMALE Un homme qui se nourrit de glands qu’il ramasse sous un chêne, ou de pommes qu’il cueille sur des arbres, dans un bois, se les approprie certainement par-là. On ne saurait contester que ce dont il se nourrit, en cette occasion, ne lui appartienne légitimement. Je demande donc : Quand est-ce que ces choses qu’il mange commencent à lui appartenir en propre ? Lorsqu’il les digère, ou lorsqu’il les mange, ou lorsqu’il les cuit, ou lorsqu’il les porte chez lui, ou lorsqu’il les cueille ? Il est visible qu’il n’y a rien qui puisse les rendre siennes, que le soin et la peine qu’il prend de les cueillir et de les amasser. Son travail distingue et sépare alors ces fruits des autres biens qui sont communs ; il y ajoute quelque chose de plus que la nature, la mère commune de tous, n’y a mis ; et, par ce moyen, ils deviennent son bien particulier. Dira-t-on qu’il n’a point un droit de cette sorte sur ces glands et sur ces pommes qu’il s’est appropriés, à cause qu’il n’a pas là-dessus le consentement de tous les hommes ? Dira-t-on que c’est un vol, de prendre pour soi, et de s’attribuer uniquement, ce qui appartient à tous en commun ? Si un tel consentement était nécessaire, la personne dont il s’agit, aurait pu mourir de faim, nonobstant (1) l’abondance au milieu de laquelle Dieu l’a mise. Nous voyons que dans les communautés qui ont été formées par accord et par traité, ce qui est laissé en commun serait entièrement inutile, si on ne pouvait en prendre et s’en approprier quelque partie et par quelque voie. Il est certain qu’en ces circonstances on n’a point besoin du consentement de tous les membres de la société. Ainsi, l’herbe que mon cheval mange, les mottes de terre que mon valet a arrachées, et les creux que j’ai faits dans des lieux auxquels j’ai un droit commun avec d’autres, deviennent mon bien et mon héritage propre, sans le consentement de qui que ce soit. Le travail, qui est mien, mettant ces choses hors de l’état commun où elles étaient, les a fixées et me les a appropriées.

LOCKE Traité du gouvernement civil

(1) Nonobstant : en dépit de.

2004 L JAPON NORMALE La tolérance va-t-elle jusqu’à laisser autrui dans son erreur ?

2004 L JAPON NORMALE L’histoire suppose-t-elle nécessairement de la violence ?

2004 L JAPON NORMALE Les esprits bouillants, les imaginations ardentes ne s’accommodent pas de l’indolence des sceptiques. Ils aiment mieux hasarder un choix que de n’en faire aucun ; se tromper que de vivre incertains : soit qu’ils se méfient de leurs bras, soit qu’ils craignent la profondeur des eaux, on les voit toujours suspendus à des branches dont ils sentent toute la faiblesse et auxquelles ils aiment mieux demeurer accrochés que de s’abandonner au torrent. Ils assurent tout, bien qu’ils n’aient rien soigneusement examiné : ils ne doutent de rien, parce qu’ils n’en ont ni la patience ni le courage. Sujets à des lueurs qui les décident, si par hasard ils rencontrent la vérité, ce n’est point à tâtons, c’est brusquement, et comme par révélation. J’ai vu des individus de cette espèce inquiète qui ne concevaient pas comment on pouvait allier la tranquillité d’esprit avec l’indécision.

"Le moyen de vivre heureux sans savoir qui l’on est, d’où l’on vient, où l’on va, pourquoi l’on est venu !" Je me pique d’ignorer tout cela, sans en être plus malheureux, répondait froidement le sceptique : ce n’est point ma faute si j’ai trouvé ma raison muette quand je l’ai questionnée sur mon état. Toute ma vie j’ignorerai, sans chagrin, ce qu’il m’est impossible de savoir. Pourquoi regretterai-je des connaissances que je n’ai pu me procurer, et qui, sans doute, ne sont pas fort nécessaires, puisque j’en suis privé ? J’aimerais autant, a dit un des premiers génies de notre siècle, m’affliger sérieusement de n’avoir pas quatre yeux, quatre pieds et deux ailes.

DIDEROT Pensées philosophiques

2004 S JAPON NORMALE La religion est-elle étrangère à la raison ?

2004 S JAPON NORMALE Faut-il connaître l’intention d’un artiste pour juger son oeuvre ?

2004 S JAPON NORMALE Déjà l’observation a besoin d’un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n’est jamais la première observation qui est la bonne. L’observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d’observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l’immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas. Naturellement, dès qu’on passe de l’observation à l’expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique.

BACHELARD Le nouvel Esprit scientifique.

2004 ES LA RÉUNION NORMALE Une interprétation est-elle nécessairement subjective ?

2004 ES LA RÉUNION NORMALE Toute relation à autrui est-elle porteuse de conflits ?

2004 ES LA RÉUNION NORMALE Si naturellement, en effet, qu’on fasse son devoir, on peut rencontrer en soi de la résistance ; il est utile de s’y attendre, et de ne pas prendre pour accordé qu’il soit facile de rester bon époux, bon citoyen, travailleur consciencieux, enfin honnête homme. Il y a d’ailleurs une forte part de vérité dans cette opinion ; car s’il est relativement aisé de se maintenir dans le cadre social, encore a-t-il fallu s’y insérer, et l’insertion exige un effort. L’indiscipline naturelle de l’enfant, la nécessité de l’éducation, en sont la preuve. Il n’est que juste de tenir compte à l’individu du consentement virtuellement donné à l’ensemble de ses obligations, même s’il n’a plus à se consulter pour chacune d’elles. Le cavalier n’a qu’à se laisser porter ; encore a-t-il dû se mettre en selle. Ainsi pour l’individu vis-à-vis de la société. En un certain sens il serait faux, et dans tous les sens il serait dangereux, de dire que le devoir peut s’accomplir automatiquement. Erigeons donc en maxime pratique que l’obéissance au devoir est une résistance à soi-même.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion.

2004 L LA RÉUNION NORMALE Faut-il tout interpréter ?

2004 L LA RÉUNION NORMALE Le bonheur n’est-il que dans l’attente du bonheur ?

2004 L LA RÉUNION NORMALE La solidarité sociale n’existe que du moment où un moi social se surajoute en chacun de nous au moi individuel. Cultiver ce "moi social" est l’essentiel de notre obligation vis-à-vis de la société. Sans quelque chose d’elle en nous, elle n’aurait sur nous aucune prise ; et nous avons à peine besoin d’aller jusqu’à elle, nous nous suffisons à nous-mêmes, si nous la trouvons présente en nous. Sa présence est plus ou moins marquée selon les hommes ; mais aucun de nous ne saurait s’isoler d’elle absolument. Il ne le voudrait pas, parce qu’il sent bien que la plus grande partie de sa force vient d’elle, et qu’il doit aux exigences sans cesse renouvelées de la vie sociale cette tension ininterrompue de son énergie, cette constance de direction dans l’effort, qui assure à son activité le plus haut rendement. Mais il ne le pourrait pas, même s’il le voulait, parce que sa mémoire et son imagination vivent de ce que la société a mis en elles, parce que l’âme de la société est immanente au langage qu’il parle, et que, même si personne n’est là, même s’il ne fait que penser, il se parle encore à lui-même. En vain on essaie de se représenter un individu dégagé de toute vie sociale.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion.

2004 S LA RÉUNION NORMALE Les hommes peuvent-ils s’associer sans renoncer à leur liberté ?

2004 S LA RÉUNION NORMALE Peut-on expliquer la croyance religieuse sans la détruire ?

2004 S LA RÉUNION NORMALE La vie est tendance, et l’essence d’une tendance est de se développer en forme de gerbe, créant, par le seul fait de sa croissance, des directions divergentes entre lesquelles se partage son élan. C’est ce que nous observons sur nous-mêmes dans l’évolution de cette tendance spéciale que nous appelons notre caractère. Chacun de nous, en jetant un coup d’oeil rétrospectif sur son histoire, constatera que sa personnalité d’enfant, quoique indivisible, réunissait en elle des personnes diverses qui pouvaient rester fondues ensemble parce qu’elles étaient à l’état naissant : cette indécision pleine de promesses est même un des plus grands charmes de l’enfance. Mais les personnalités qui s’entrepénètrent deviennent incompatibles en grandissant, et comme chacun de nous ne vit qu’une seule vie, force lui est de faire un choix. Nous choisissons en réalité sans cesse, et sans cesse aussi nous abandonnons beaucoup de choses. La route que nous parcourons dans le temps est jonchée des débris de tout ce que nous commencions d’être, de tout ce que nous aurions pu devenir. Mais la nature, qui dispose d’un nombre incalculable de vies, n’est point astreinte à de pareils sacrifices. Elle conserve les diverses tendances qui ont bifurqué en grandissant. Elle crée, avec elles, des séries divergentes d’espèces qui évolueront séparément.

BERGSON L’Évolution créatrice.

2004 STI AA LA RÉUNION NORMALE La religion n’a-t-elle de fonction que sociale ?

2004 STI AA LA RÉUNION NORMALE La beauté est-elle la seule fin de l’art ?

2004 STI AA LA RÉUNION NORMALE Le choix n’est certainement pas (...) un souhait, bien qu’il en soit visiblement fort voisin. Il n’y a pas de choix, en effet, des choses impossibles, et si on prétendait faire porter son choix sur elles on passerait pour insensé ; au contraire, il peut y avoir souhait de choses impossibles, par exemple de l’immortalité. D’autre part, le souhait peut porter sur des choses qu’on ne saurait d’aucune manière mener à bonne fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète remporte la victoire ; au contraire, le choix ne s’exerce jamais sur de pareilles choses, mais seulement sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens. En outre, le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix, sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous souhaitons être en bonne santé, mais nous choisissons les moyens qui nous feront être en bonne santé ; nous pouvons dire encore que nous souhaitons d’être heureux, mais il est inexact de dire que nous choisissons de l’être : car, d’une façon générale, le choix porte, selon toute apparence, sur les choses qui dépendent de nous.

ARISTOTE

QUESTIONS :

1° Comment Aristote établit-il la distinction qui structure le texte ?

2° Expliquez :

a) "si on prétendait faire porter son choix sur [des choses impossibles] on passerait pour insensé" ;

b) "le choix [s’exerce] seulement sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens" ;

c) "le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix, sur les moyens pour parvenir à la fin".

3° Être libre, est-ce souhaiter ou choisir ?

2004 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Suffit-il de suivre l’opinion dominante pour atteindre la vérité ?

2004 TECHN. LA RÉUNION NORMALE À quels obstacles se heurte l’historien quand il écrit l’histoire ?

2004 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Parmi les erreurs qui passent pour des vérités établies et sont devenues des préjugés, nous rencontrons d’abord l’opinion que l’homme est libre naturellement, mais que dans la société, et dans l’État où il entre nécessairement en même temps, il doit restreindre cette liberté naturelle (...) En ce sens on admet un état de nature où l’homme est représenté en possession de ses droits naturels dans l’exercice illimité de sa liberté.

Mais la liberté n’est pas comme un état immédiat et naturel, elle doit bien plutôt être acquise et conquise, et certes, grâce à une intervention infinie de l’éducation du savoir et du vouloir. C’est pourquoi l’état de nature est plutôt celui de l’injustice, de la violence, de l’instinct naturel indompté, des actions et des sentiments inhumains. La société et l’État imposent assurément des bornes, limitent ces sentiments informes et ces instincts grossiers (...). Mais cette limitation est la condition même d’où sortira la délivrance ; et l’État comme la société sont les conditions dans lesquelles bien plutôt la liberté se réalise.

HEGEL

QUESTIONS

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez

a) "nous rencontrons d’abord l’opinion que l’homme est libre naturellement, mais que dans la société, et dans l’État où il entre nécessairement en même temps, il doit restreindre cette liberté naturelle" ;

b) "la liberté n’est pas comme un état immédiat et naturel, elle doit bien plutôt être acquise et conquise".

3° Pourquoi la liberté doit-elle être conquise ?

2004 ES LIBAN NORMALE L’État doit-il garantir la justice dans les échanges ?

2004 ES LIBAN NORMALE Peut-on faire son devoir par habitude ?

2004 ES LIBAN NORMALE Il est extrêmement utile de faire souvent réflexion sur les manières presque infinies dont les hommes sont liés aux objets sensibles ; et un des meilleurs moyens pour se rendre assez savant dans ces choses, c’est de s’étudier et de s’observer soi-même. C’est par l’expérience de ce que nous sentons dans nous-mêmes que nous nous instruisons avec une entière assurance de toutes les inclinations des autres hommes, et que nous connaissons avec quelque certitude une grande partie des passions auxquelles ils sont sujets. Que si (1) nous ajoutons à ces expériences la connaissance des engagements particuliers où ils se trouvent et celle des jugements propres à chacune des passions desquels nous parlerons dans la suite, nous n’aurons peut-être pas tant de difficultés à deviner la plupart de leurs actions que les astronomes en ont à prédire les éclipses. Car encore que les hommes soient libres, il est très rare qu’ils fassent usage de leur liberté contre leurs inclinations naturelles et leurs passions violentes.

MALEBRANCHE La Recherche de la vérité.

(1) Que si nous ajoutons : si nous ajoutons

2004 L LIBAN NORMALE Y a-t-il de faux désirs ?

2004 L LIBAN NORMALE Peut-on connaître le vivant sans le dénaturer ?

2004 L LIBAN NORMALE Ce qu’il y a de plus insensé, c’est de croire que tout ce qui est réglé par les institutions ou les lois des peuples est juste. Quoi ! Même les lois des tyrans ? Si les Trente (1) avaient voulu imposer aux Athéniens des lois, et si tous les Athéniens avaient aimé ces lois dictées par des tyrans, devrait-on les tenir pour juste ? Le seul droit est celui qui sert de lien à la société, et une seule loi l’institue : cette loi qui établit selon la droite raison des obligations et des interdictions. Qu’elle soit écrite ou non, celui qui l’ignore est injuste. Mais si la justice est l’obéissance aux lois écrites et aux institutions des peuples et si, comme le disent ceux qui le soutiennent, l’utilité est la mesure de toutes choses, il méprisera et enfreindra les lois, celui qui croira y voir son avantage. Ainsi plus de justice, s’il n’y a pas une nature pour la fonder ; si c’est sur l’utilité qu’on la fonde, une autre utilité la renverse. Si donc le droit ne repose pas sur la nature, toutes les vertus disparaissent.

CICÉRON Des Lois.

(1) Nom donné au gouvernement imposé par les Spartiates après la défaite d’Athènes.

2004 S LIBAN NORMALE La religion est-elle essentielle à l’homme ?

2004 S LIBAN NORMALE Une oeuvre d’art est-elle un message ?

2004 S LIBAN NORMALE Des chercheurs, qui ne refuse pas de reconnaître les faits psychanalytiques, mais ne veulent pas admettre l’inconscient, se tirent d’affaire à l’aide du fait incontesté que la conscience aussi - en tant que phénomène - présente une large échelle de gradation dans l’intensité ou la clarté. De même qu’il y a des processus qui sont conscients d’une façon très vive, très aiguë et très saisissable, de même l’expérience vécue nous en présente d’autres qui ne sont conscients que d’une façon faible et même à peine discernable ; et les plus faiblement conscients d’entre eux seraient précisément ceux pour lesquels la psychanalyse prétend employer le terme impropre d’inconscient. Ces processus seraient néanmoins conscients eux aussi ou "dans la conscience", et pourraient être rendus pleinement et fortement conscients si on leur accordait une attention suffisante.

Pour autant que des arguments puissent avoir une influence sur la décision dans une telle question qui dépend ou bien d’une convention ou bien de facteurs affectifs, on peut ajouter ici les remarques suivantes : la référence à une échelle de clarté dans le fait d’être conscient n’a rien de contraignant et n’a pas plus de force démonstrative que les propositions de ce genre : il y a tant de degrés d’éclairement depuis la lumière la plus vive et aveuglante jusqu’à la faible lueur que, par conséquent, il n’y a absolument pas d’obscurité. [...] En outre, en subsumant l’imperceptible sous le conscient (1), on n’aboutit qu’à porter atteinte à la seule et unique certitude immédiate qui soit dans le psychique. Une conscience dont on ne sait rien, cela me paraît beaucoup plus absurde qu’un psychique inconscient.

FREUD Le Moi et le ça.

(1) en subsumant l’imperceptible sous le conscient : : en comprenant dans le conscient.

2004 ES MÉTROPOLE NORMALE Qu’est-ce que comprendre autrui ?

2004 ES MÉTROPOLE NORMALE Toute vérité est-elle démontrable ?

2004 ES MÉTROPOLE NORMALE II y a une vérité dont la connaissance me semble fort utile : qui est que, bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul, et qu’on est, en effet, l’une des parties de l’univers, et plus particulièrement encore l’une des parties de cette terre, l’une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion (1), car on aurait tort de s’exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu’on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n’aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu’en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d’exposer sa vie pour le service d’autrui, lorsque l’occasion s’en présente ; voire on voudrait perdre son âme, s’il se pouvait, pour sauver les autres.

DESCARTES Lettre à Elisabeth

(1) ici : discernement

2004 L MÉTROPOLE NORMALE Doit-on tout attendre de l’État ?

2004 L MÉTROPOLE NORMALE La notion d’inconscient psychique est-elle contradictoire ?

2004 L MÉTROPOLE NORMALE L’origine de toutes les erreurs est, en un certain sens, la même que celle des erreurs de calcul, qui arrivent aux arithméticiens. En effet, il arrive souvent qu’à défaut d’attention ou de mémoire, nous faisons ce qu’il ne faut pas faire ou que nous omettons ce qu’il faut faire, ou bien que nous croyons avoir fait ce que nous n’avons pas fait, ou que nous avons fait ce que nous croyons n’avoir pas fait. Ainsi, il arrive que, dans le calcul (auquel correspond le raisonnement dans l’esprit), on oublie de poser certains signes nécessaires ou qu’on en mette qu’il ne faut pas ; qu’on néglige un des éléments du calcul en les rassemblant, ou qu’on opère contre la règle. Lorsque notre esprit est fatigué ou distrait, il ne fait pas suffisamment attention aux opérations qu’il est en train de faire, ou bien, par une erreur de mémoire, il accepte comme déjà prouvé ce qui s’est seulement profondément enraciné en nous par l’effet de répétitions fréquentes, ou d’un examen prolongé, ou d’un désir ardent. Le remède à nos erreurs est également le même que le remède aux erreurs de calcul : faire attention à la matière et à la forme (1), avancer lentement, répéter et varier l’opération, recourir à des vérifications et à des preuves, découper les raisonnements étendus, pour permettre à l’esprit de reprendre haleine, et vérifier chaque partie par des preuves particulières. Et puisque dans l’action on est quelquefois pressé, il est important de s’habituer à garder le sang-froid et la présence d’esprit, à l’exemple de ceux qui, même au milieu du bruit et sans calculer par écrit, savent exécuter des opérations sur des nombres très élevés. Ainsi l’esprit s’habitue à ne pas se laisser facilement distraire par les sensations externes ou par ses imaginations et ses affections propres, mais à rester maître de ce qu’il est en train de faire, à conserver sa faculté critique ou, comme on dit communément, son pouvoir de faire retour sur lui-même, de manière à pouvoir, tel un moniteur (2) étranger, se dire sans cesse à lui-même : vois ce que tu fais, pourquoi le fais-tu actuellement ?

LEIBNIZ Remarques sur Descartes

(1) "la matière et la forme" : le contenu et l’enchaînement du raisonnement.

(2) moniteur : quelqu’un qui avertit, conseille.

2004 S MÉTROPOLE NORMALE Les hommes ont-ils besoin d’être gouvernés ?

2004 S MÉTROPOLE NORMALE Faut-il chercher à tout démontrer ?

2004 S MÉTROPOLE NORMALE Le fait que l’ami est autre que le flatteur semble montrer clairement que le plaisir n’est pas un bien, ou qu’il y a des plaisirs spécifiquement différents. L’ami, en effet, paraît rechercher notre compagnie pour notre bien, et le flatteur pour notre plaisir, et à ce dernier on adresse des reproches et à l’autre des éloges, en raison des fins différentes pour lesquelles ils nous fréquentent. En outre, nul homme ne choisirait de vivre en conservant durant toute son existence l’intelligence d’un petit enfant, même s’il continuait à jouir le plus possible des plaisirs de l’enfance ; nul ne choisirait non plus de ressentir du plaisir en accomplissant un acte particulièrement déshonorant, même s’il ne devait jamais en résulter pour lui de conséquence pénible. Et il y a aussi bien des avantages que nous mettrions tout notre empressement à obtenir, même s’ils ne nous apportaient aucun plaisir, comme voir, se souvenir, savoir, posséder les vertus. Qu’en fait des plaisirs accompagnent nécessairement ces avantages ne fait pour nous aucune différence, puisque nous les choisirions quand bien même ils ne seraient pour nous la source d’aucun plaisir. Qu’ainsi donc le plaisir ne soit pas le bien, ni que tout plaisir soit désirable, c’est là une chose, semble-t-il, bien évidente.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque

2004 STI AA MÉTROPOLE NORMALE La discussion est-elle source de vérité ?

2004 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Que respecte-t-on en obéissant au droit : la force ou la justice ?

2004 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Pour comprendre comment le sentiment du beau comporte lui-même des degrés, il faudrait le soumettre à une minutieuse analyse. Peut-être la peine qu’on éprouve à le définir tient-elle surtout à ce que l’on considère les beautés de la nature comme antérieures à celles de l’art : les procédés de l’art ne sont plus alors que des moyens par lesquels l’artiste exprime le beau, et l’essence du beau demeure mystérieuse. Mais on pourrait se demander si la nature est belle autrement que par la rencontre heureuse de certains procédés de notre art, et si, en un certain sens, l’art ne procéderait pas de la nature. Sans même aller aussi loin, il semble plus conforme aux règles d’une saine méthode d’étudier d’abord le beau dans les oeuvres où il a été produit par un effort conscient, et de descendre ensuite par transitions insensibles de l’art à la nature, qui est artiste à sa manière.

BERGSON

QUESTIONS :

a) quelle est la question examinée par Bergson dans le texte ?

b) quelle réponse lui apporte-t-il ? Montrez comment il l’établit.

a) expliquez : "les procédés de l’art ne sont plus alors que des moyens par lesquels l’artiste exprime le beau" ;

b) expliquez : "si, en un certain sens, l’art ne précèderait pas la nature" ;

c) pourquoi semble-t-il "plus conforme aux règles d’une saine méthode d’étudier d’abord le beau dans les oeuvres où il a été produit par un effort conscient" ?

3° Est-ce l’art qui nous rend sensibles aux beautés de la nature ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’artiste ne cherche-t-il qu’à divertir ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Peut-on être esclave d’un objet technique ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Les enfants ne sont doués d’aucune raison avant d’avoir acquis l’usage de la parole ; mais on les appelle des créatures raisonnables à cause de la possibilité qui apparaît chez eux d’avoir l’usage de la raison dans l’avenir. Et la plupart des hommes, encore qu’ils aient assez d’usage du raisonnement pour faire quelques pas dans ce domaine (pour ce qui est, par exemple, de manier les nombres jusqu’à un certain point), n’en font guère usage dans la vie courante : dans celle-ci, en effet, ils se gouvernent les uns mieux, les autres plus mal, selon la différence de leurs expériences, la promptitude de leur mémoire, et la façon dont ils sont inclinés vers des buts différents ; mais surtout selon leur bonne ou mauvaise fortune, et les uns d’après les erreurs des autres. Car pour ce qui est de la science, et de règles de conduite certaines, ils en sont éloignés au point de ne pas savoir ce que c’est.

HOBBES

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et la progression du raisonnement.

2° Expliquez :

a) "on les appelle des créatures raisonnables à cause de la possibilité qui apparaît chez eux d’avoir l’usage de la raison dans l’avenir" ;

b) "dans celle-ci [la vie courante], en effet, ils se gouvernent [...] surtout selon leur bonne ou mauvaise fortune, et les uns d’après les erreurs des autres."

3° Quels peuvent être les usages de la raison dans la vie courante ?

2004 TMD MÉTROPOLE NORMALE Est-ce par crainte que l’on obéit aux lois ?

2004 TMD MÉTROPOLE NORMALE Peut-on penser sans les mots ?

2004 TMD MÉTROPOLE NORMALE Les artistes ont un intérêt à ce qu’on croie aux intuitions soudaines, aux prétendues inspirations ; comme si l’idée de l’oeuvre d’art, du poème, la pensée fondamentale d’une philosophie, tombait du ciel comme un rayon de la grâce. En réalité, l’imagination du bon artiste ou penseur produit constamment du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé, exercé, rejette, choisit, combine ; ainsi, l’on se rend compte aujourd’hui d’après les carnets de Beethoven, qu’il a composé peu à peu ses plus magnifiques mélodies et les a en quelque sorte triées d’ébauches multiples. Celui qui discerne moins sévèrement et s’abandonne volontiers à la mémoire reproductrice pourra, dans certaines conditions, devenir un grand improvisateur ; mais l’improvisation artistique est à un niveau fort bas en comparaison des pensées artistiques choisies sérieusement et avec peine. Tous les grands hommes sont de grands travailleurs, infatigables non seulement à inventer, mais encore à rejeter, passer au crible, modifier, arranger.

NIETZSCHE

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée principale et quelles sont les étapes de son développement ?

2° Expliquez

a) "Les artistes ont un intérêt à ce qu’on croie aux intuitions soudaines" ;

b) "son jugement, extrêmement aiguisé, exercé, rejette, choisit, combine" ;

c) "l’improvisation artistique est à un niveau fort bas en comparaison des pensées artistiques choisies sérieusement et avec peine".

3° L’oeuvre d’art est-elle seulement affaire de jugement ?

2004 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les hommes savent-ils l’histoire qu’ils font ?

2004 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’oeuvre d’art est-elle une expression privilégiée de l’esprit ?

2004 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le magistrat n’a pas à se soucier du bien des âmes, ni de leurs affaires dans l’autre monde. Si on l’institue, et si on lui confie le pouvoir, c’est seulement pour que les hommes puissent vivre en paix et en sécurité en société les uns avec les autres. En outre, il est évident que si le magistrat ordonne la pratique des vertus, ce n’est pas parce qu’elles sont vertueuses et qu’elles obligent en conscience, ni parce qu’elles sont des devoirs que l’homme doit à Dieu, ni parce qu’elles sont la voie qu’il faut suivre pour obtenir sa grâce et sa faveur, mais seulement parce qu’elles sont avantageuses à l’homme dans ses rapports avec ses semblables, et parce que la plupart d’entre elles sont des liens et des noeuds fort solides pour la société, et qu’on ne saurait les relâcher sans ruiner tout l’édifice.

Pour d’autres actions, qui n’ont pas une telle influence sur l’État, il peut bien s’agir de vices que l’on reconnaît pour tels à l’égard des autres - comme la convoitise, la désobéissance aux parents, l’ingratitude, la méchanceté, le désir de revanche et bien d’autres encore - mais le magistrat ne tire jamais le glaive pour les combattre.

LOCKE Essai sur la tolérance.

2004 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Pour être juste est-il nécessaire de renoncer à son intérêt ?

2004 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les historiens peuvent-ils éviter d’interpréter ?

2004 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Quand quelqu’un ne trouve pas beau un édifice, un paysage, un poème, il ne se laisse pas imposer intérieurement l’assentiment par cent voix, qui toutes louent ces choses. Certes il peut faire comme si cela lui plaisait à lui aussi, afin de ne pas passer pour dépourvu de goût et il peut même commencer à douter d’avoir assez formé son goût à la connaissance d’un nombre suffisant de choses de ce genre (tout de même que celui qui croit de loin voir une forêt, tandis que d’autres aperçoivent une ville, doute du jugement de sa propre vue). Mais ce qu’il voit bien clairement, c’est que l’assentiment d’autrui ne constitue pas une preuve valable pour le jugement sur la beauté. Et si d’autres peuvent voir et observer pour lui, et si ce que beaucoup ont vu d’une même manière peut constituer une raison démonstrative suffisante pour lui au point de vue théorique et par conséquent logique, même s’il croit avoir vu autrement, en revanche jamais ce qui a plu à un autre ne saurait servir de fondement à un jugement esthétique. Le jugement d’autrui défavorable à notre égard peut sans doute à bon droit nous rendre incertain sur le nôtre, mais il ne saurait jamais nous convaincre qu’il n’est pas légitime. Ainsi il n’existe aucune raison démonstrative empirique pour imposer le jugement de goût à quelqu’un.

KANT Critique de la faculté de juger.

2004 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on cesser de désirer ?

2004 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’artiste travaille-t-il ?

2004 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Communément l’on n’entend pas par loi autre chose qu’un commandement, que les hommes peuvent également exécuter ou négliger, attendu qu’il contient la puissance de l’homme dans des limites déterminées au-delà desquels cette puissance s’étend, et ne commande rien qui dépasse ses forces ; il semble que l’on doive définir la loi comme une règle de vie que l’homme s’impose à lui-même ou impose à d’autres pour une fin quelconque. Toutefois, comme la vraie fin des lois n’apparaît d’ordinaire qu’à un petit nombre et que la plupart des hommes sont à peu près incapables de la percevoir, leur vie étant d’ailleurs fort peu conforme à la Raison, les législateurs ont sagement institué une autre fin bien différente de celle qui suit nécessairement de la nature des lois ; il promettent aux défenseurs des lois ce que le vulgaire (1) aime le plus, tandis qu’ils menacent leurs violateurs de ce qu’ils redoutent le plus. Ils se sont ainsi efforcés de contenir le vulgaire dans la mesure où il est possible de le faire, comme on contient un cheval à l’aide d’un frein. De là cette conséquence qu’on a surtout tenu pour loi une règle de vie prescrite aux hommes par le commandement d’autres hommes, si bien que, suivant le langage courant, ceux qui obéissent aux lois, vivent sous l’empire de la loi et qu’ils semblent être asservis. Il est très vrai que celui qui rend à chacun le sien par crainte du gibet, agit par le commandement d’autrui et est contraint par le mal qu’il redoute ; on ne peut dire qu’il soit juste ; mais celui qui rend à chacun le sien parce qu’il connaît la vraie raison des lois et leur nécessité, agit en constant accord avec lui-même et par son propre décret, non par le décret d’autrui ; il mérite donc être appelé juste.

SPINOZA Traité théologico-politique.

2004 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La vérité est-elle toujours préférable à l’illusion ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être trop libre ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Nous pouvons observer que cette uniformité du genre humain n’empêche pas qu’il n’y ait beaucoup de diversité dans les sentiments de beauté et de valeur, et que l’éducation, la coutume, le préjugé, le caprice et l’humeur modifient fréquemment notre goût. Vous ne convaincrez jamais un homme à qui la musique italienne n’est pas familière et dont l’oreille n’est pas habituée à suivre les complications de cette musique, qu’un air écossais n’est pas préférable. Vous n’avez même pas un seul argument, autre que votre propre goût, que vous puissiez employer pour soutenir votre cause ; et votre adversaire trouvera toujours en son goût personnel un argument plus convaincant en faveur de l’opinion contraire. Si vous êtes sages, chacun de vous accordera que l’autre peut avoir raison ; et comme il y a de nombreux exemples de cette diversité de goût, vous reconnaîtrez ensemble que beauté et valeur sont purement relatives et dépendent d’un sentiment agréable produit par un objet dans un esprit particulier conformément à la constitution et à la structure propre de cet esprit.

HUME

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale du texte et son argumentation.

2° Expliquez :

a) "l’éducation, la coutume, le préjugé, le caprice et l’humeur modifient fréquemment notre goût" ;

b) "vous n’avez même pas un seul argument, autre que votre propre goût, que vous puissiez employer pour soutenir votre cause" ;

c) "beauté et valeur [...] dépendent d’un sentiment agréable produit par un objet dans un esprit particulier".

3° Est-il vrai que les hommes ne puissent s’entendre sur la valeur et la beauté d’une oeuvre d’art ?

2004 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Puis-je penser sans autrui ?

2004 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une oeuvre d’art s’explique-t-elle par son contexte historique ?

2004 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT C’est beaucoup que d’avoir fait régner l’ordre et la paix dans toutes les parties de la république ; c’est beaucoup que l’État soit tranquille et la loi respectée : mais si on ne fait rien de plus il y aura dans tout cela plus d’apparence que de réalités, et le gouvernement se fera difficilement obéir s’il se borne à l’obéissance. S’il est bon de savoir employer les hommes tels qu’ils sont, il vaut beaucoup mieux encore les rendre tels qu’on a besoin qu’ils soient ; l’autorité la plus absolue est celle qui pénètre jusqu’à l’intérieur de l’homme, et ne s’exerce pas moins sur la volonté que sur les actions. Il est certain que les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être. Guerriers, citoyens, hommes, quand il le veut : populace et canaille, quand il lui plaît : et tout prince qui méprise ses sujets se déshonore lui-même en montrant qu’il n’a pas su les rendre estimables. Formez donc des hommes si vous voulez commander à des hommes : si vous voulez qu’on obéisse aux lois, faites qu’on les aime, et que pour faire ce qu’on doit, il suffise de songer qu’on le doit faire.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée principale et quelles sont les étapes de son développement ?

2° Expliquez :

a) "l’autorité la plus absolue est celle qui pénètre jusqu’à l’intérieur de l’homme" ;

b) "guerriers, citoyens, hommes, quand il le veut : populace et canaille, quand il lui plaît" ;

c) "formez donc des hommes si vous voulez commander à des hommes".

3° Revient-il à l’État de faire aimer la loi ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Est-il toujours raisonnable de douter ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Pourquoi accordons-nous de la valeur aux objets techniques ?

2004 TECHN. MÉTROPOLE + LA RÉUNION REMPLACEMENT Le secret d’un homme, c’est la limite même de sa liberté, c’est son pouvoir de résistance aux supplices et à la mort. A ceux qui eurent une activité clandestine, les circonstances de leur lutte apportaient une expérience nouvelle : ils ne combattaient pas au grand jour, comme des soldats ; traqués dans la solitude, arrêtés dans la solitude, c’est dans le délaissement, dans le dénuement le plus complet qu’ils résistaient aux tortures : seuls et nus devant des bourreaux bien rasés, bien nourris, bien vêtus qui se moquaient de leur chair misérable et à qui une conscience satisfaite, une puissance sociale démesurée donnaient toutes les apparences d’avoir raison. Pourtant, au plus profond de cette solitude, c’étaient les autres, tous les autres, tous les camarades de résistance qu’ils défendaient ; un seul mot suffisait pour provoquer dix, cent arrestations. Cette responsabilité totale dans la solitude totale, n’est-ce pas le dévoilement même de notre liberté ?

SARTRE

2004 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-on totalement libre dans l’interprétation d’une oeuvre d’art ?

2004 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’égalité des droits a-t-elle pour condition l’égalité économique ?

2004 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il y a pourtant des circonstances où les actes qui nous paraissent les plus dignes d’un homme juste, de l’homme que nous appelons homme de bien, se transforment en leurs contraires ; rendre un dépôt, faire une promesse et d’une manière générale accomplir ce qu’exigent la sincérité et la bonne foi, ce sont des devoirs que, dans certains cas, il devient juste d’enfreindre et de ne pas observer. Il convient de se rapporter ici aux fondements de la justice que j’ai posés au début : d’abord ne pas nuire à quiconque, ensuite être au service de l’intérêt commun. Quand les circonstances changent, le devoir change lui aussi, et il n’est pas toujours le même : il peut arriver que tenir une promesse convenue soit nuisible ou à celui à qui on a fait la promesse, ou à celui qui a promis. [...] Il ne faut donc pas tenir les promesses qui sont nuisibles à ceux à qui on les a faites ; et, également, si elles nous nuisent plus qu’elles ne servent à celui à qui nous les avons faites, il n’est pas contraire au devoir de préférer le plus au moins : par exemple, si l’on s’est engagé envers quelqu’un à venir en personne pour l’assister, et si dans l’intervalle on a un fils qui tombe gravement malade, il n’est pas contraire au devoir de ne pas faire ce qu’on avait dit qu’on ferait ; et c’est plutôt celui à qui l’on a fait la promesse qui s’écarterait de son devoir s’il se plaignait d’avoir été abandonné. Et qui ne voit qu’il ne faut pas tenir des promesses qu’on nous a arrachées par peur ou par ruse ? De ces promesses nous délie parfois la loi.

CICÉRON Traité des devoirs.

2004 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’inconscient n’est-il qu’un moindre degré de conscience ?

2004 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il se défier de la langue courante pour penser correctement ?

2004 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il convient de travailler à l’élimination de maux concrets et non pour mettre en oeuvre un bien abstrait. Il ne faut pas chercher à instaurer le bonheur par des moyens politiques, mais au contraire à supprimer des maux réels. Ou encore, plus concrètement : il s’agit de combattre la pauvreté par des moyens directs, en s’assurant, par exemple, que tous disposent d’un minimum de revenus, de lutter contre les épidémies et la maladie en créant des hôpitaux et des facultés de médecine, de combattre l’analphabétisme comme on lutte contre la criminalité. L’essentiel est d’employer des moyens directs. Il suffit de déterminer quel est le mal qui affecte le plus gravement la société et de s’efforcer patiemment de montrer à autrui la possibilité de l’éliminer. Mais il ne faut pas chercher à réaliser ces objectifs par des voies indirectes en définissant l’idéal lointain d’une société entièrement bonne et en s’attachant à mettre celui-ci en oeuvre. Quelle que soit la force du sentiment d’obligation que cette vision [...] nous inspire, il n’y a pas lieu de se sentir requis de lui donner corps ou de s’imaginer investi de la mission d’en faire découvrir à autrui toute la beauté. Il ne faut pas que cette vision imaginaire d’un monde merveilleux nous fasse négliger les revendications d’individus qui souffrent hic et nunc. Nos semblables sont fondés à attendre de nous un secours. Aucune génération ne doit être sacrifiée au nom des générations à venir et d’un idéal de bonheur qu’on risque de ne jamais atteindre. Je considère, en résumé, que l’allègement des maux dont souffrent les hommes est le problème qui se pose avec le plus d’acuité à une politique sociale rationnelle et que la question du bonheur est d’un autre ordre. Laissons au domaine privé cette recherche du bonheur.

POPPER Conjectures et réfutations.

2004 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La vérité est-elle la valeur suprême ?

2004 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE De quel droit l’État exerce-t-il un pouvoir ?

2004 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Je ne vois dans tout animal qu’une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu’à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J’aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine, avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes, en qualité d’agent libre. L’un choisit ou rejette par instinct, et l’autre par un acte de liberté ; ce qui fait que la bête ne peut s’écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l’homme s’en écarte souvent à son préjudice. C’est ainsi qu’un pigeon mourrait de faim près d’un bassin rempli des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruits, ou de grain, quoique l’un et l’autre pût très bien se nourrir de l’aliment qu’il dédaigne, s’il s’était avisé d’en essayer. C’est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès, qui leurs causent la fièvre et la mort ; parce que l’esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore, quand la nature se tait.

ROUSSEAU Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.

2004 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Qu’est-ce qu’un homme libre ?

2004 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pourquoi cherchons-nous à connaître la vérité ?

2004 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Au cours des dernières générations, l’humanité a fait accomplir des progrès extraordinaires aux sciences physiques et naturelles et à leurs applications techniques : elle a assuré sa domination sur la nature d’une manière jusqu’ici inconcevable. Les caractères de ces progrès sont si connus que l’énumération en est superflue. Or, les hommes sont fiers de ces conquêtes, et à bon droit. Ils croient toutefois constater que cette récente maîtrise de l’espace et du temps, cet asservissement des forces de la nature, cette réalisation d’aspirations millénaires, n’ont aucunement élevé la somme de jouissance qu’ils attendent de la vie. Ils n’ont pas le sentiment d’être pour cela devenus plus heureux. On devrait se contenter de conclure que la domination de la nature n’est pas la seule condition du bonheur, pas plus qu’elle n’est le but unique de l’oeuvre civilisatrice, et non que les progrès de la technique sont dénués de valeur pour notre bonheur.

FREUD

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

a) Qu’est-ce que les hommes attendaient du développement de la technique ? Pourquoi Freud dit-il qu’ils "sont fiers" de ce développement "à bon droit" ?

b) En quoi l’attente des hommes est-elle cependant déçue ?

3° Que valent les progrès de la technique "pour notre bonheur" ?

2004 ES POLYNÉSIE NORMALE La morale doit-elle imposer des limites à la science ?

2004 ES POLYNÉSIE NORMALE Ne vit-on en société que par nécessité ?

2004 ES POLYNÉSIE NORMALE Je remarque que nos choix sont toujours faits. Nous délibérons après avoir choisi, parce que nous choisissons avant de savoir. Soit un métier : comment le choisit-on ? Avant de le connaître. Où je vois premièrement une alerte négligence, et une sorte d’ivresse de se tromper, comme on dit quelquefois pour les mariages. Mais j’y vois bien aussi une condition naturelle, puisqu’on ne connaît bien un métier qu’après l’avoir fait longtemps. Bref, notre volonté s’attache toujours, si raisonnable qu’elle soit, à sauver ce qu’elle peut d’un choix qui ne fut guère raisonnable. Ainsi nos choix sont toujours derrière nous. Comme le pilote, qui s’arrange du vent et de la vague, après qu’il a choisi de partir. Mais disons aussi que presque tous nous n’ouvrons point le paquet quand nous pourrions. Toujours est-il que chacun autour de nous accuse le destin d’un choix que lui-même a fait. À qui ne pourrions-nous pas dire : "C’est toi qui l’a voulu", ou bien, selon l’esprit de Platon : "C’était dans ton paquet" ?

ALAIN Idées.

2004 L POLYNÉSIE NORMALE Les inventions techniques ont-elles élargi le champ de nos devoirs ?

2004 L POLYNÉSIE NORMALE Les mots nous éloignent-ils des autres ?

2004 L POLYNÉSIE NORMALE L’inclination, la tendance au bonheur de leur nature est pour les hommes une obligation et une raison de prendre soin de ne pas se tromper de bonheur ni de le manquer ; elles les engagent donc nécessairement à la circonspection, à la délibération et à la prudence dans la conduite des actions particulières qui sont les moyens d’obtenir ce bonheur. Quelle que soit la nécessité déterminant à la poursuite du bonheur authentique, la même nécessité, dotée de la même force, établit la suspension, la délibération et la circonspection envers tout désir qui se présente : le satisfaire, n’est-ce pas interférer avec notre vrai bonheur et nous en détourner ? Ceci me semble être le grand privilège des êtres raisonnables ; et je voudrais qu’on se demande sérieusement si la source et la mise en oeuvre majeures de toute la liberté qu’ont les hommes, qu’ils peuvent acquérir, ou qui peut leur être utile, et dont dépend la tournure de leurs actions, ne résident pas en ce qu’ils peuvent suspendre leurs désirs, et les empêcher de déterminer leur volonté à une action jusqu’à ce qu’ils aient soigneusement et correctement examiné le bien et le mal, autant que l’exige l’importance de la chose. Ceci, nous sommes capables de le faire ; et quand nous l’avons fait, nous avons fait notre devoir, tout ce qui est en notre pouvoir, et tout ce qui est effectivement nécessaire.

LOCKE Essai sur l’entendement humain.

2004 S POLYNÉSIE NORMALE Le doute est-il une imperfection de la raison ?

2004 S POLYNÉSIE NORMALE Faut-il renoncer à ses désirs pour être libre ?

2004 S POLYNÉSIE NORMALE C’est la société qui trace à l’individu le programme de son existence quotidienne. On ne peut vivre en famille, exercer sa profession, vaquer aux mille soins de la vie journalière, faire ses emplettes, se promener dans la rue ou même rester chez soi, sans obéir à des prescriptions et se plier à des obligations. Un choix s’impose à tout instant ; nous optons naturellement pour ce qui est conforme à la règle. C’est à peine si nous en avons conscience ; nous ne faisons aucun effort. Une route a été tracée par la société ; nous la trouvons ouverte devant nous et nous la suivons ; il faudrait plus d’initiative pour prendre à travers champs. Le devoir, ainsi entendu, s’accomplit presque toujours automatiquement ; et l’obéissance au devoir, si l’on s’en tenait au cas le plus fréquent, se définirait un laisser-aller ou un abandon. D’où vient donc que cette obéissance apparaît au contraire comme un état de tension, et le devoir lui-même comme une chose raide et dure ? C’est évidemment que des cas se présentent où l’obéissance implique un effort sur soi-même. Ces cas sont exceptionnels ; mais on les remarque, parce qu’une conscience intense les accompagne, comme il arrive pour toute hésitation ; à vrai dire, la conscience est cette hésitation même.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion.

2004 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’homme est-il un animal dénaturé ?

2004 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Peut-on admettre que toutes les créations artistiques se valent ?

2004 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Si tout homme avait suffisamment de sagacité (1) pour percevoir à tout moment le puissant intérêt qui l’oblige à l’observance (2) de la justice et de l’équité, et une force de caractère suffisante pour persévérer dans une constante adhésion à un intérêt général et lointain, en résistant aux séductions du plaisir et de l’avantage présents, il n’y aurait jamais eu, dans ce cas, de choses telles que le gouvernement ou la société politique, mais chacun, en suivant sa liberté naturelle, aurait vécu en toute paix et en parfaite harmonie avec tous les autres. Où est le besoin d’une loi positive, là où la justice naturelle est, en soi, un frein suffisant ? Pourquoi créer des magistrats, là où n’apparaissent jamais de désordre ou d’iniquité ? Pourquoi réduire notre liberté naturelle, lorsque, dans tous les cas, son entier exercice se révèle innocent et bénéfique ? Il est évident que, si le gouvernement était totalement inutile, il n’aurait pas lieu d’être, et que l’unique fondement du devoir d’allégeance (3) est l’avantage qu’il procure à la société, en préservant la paix et l’ordre parmi les hommes.

HUME

(1) Sagacité : intelligence

(2) observance : respect

(3) Allégeance : obéissance

QUESTIONS :

1° Quel est le problème posé par Hume dans le texte et quelle thèse soutient-il ?

2° Expliquez :

a) "persévérer dans une constante adhésion à un intérêt général et lointain" ;

b) "en suivant sa liberté naturelle" ;

c) "le besoin d’une loi positive".

3° L’intérêt est-il le seul fondement du droit ?

2004 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Toute oeuvre d’art n’est-elle que la confession de son auteur ?

2004 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT La morale peut-elle se définir comme l’art d’être heureux ?

2004 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’histoire nous enseigne qu’à chaque moment il a existé autre chose ; la philosophie s’efforce au contraire de nous élever à cette idée que de tout temps la même chose a été, est et sera. En réalité l’essence de la vie humaine comme de la nature est tout entière présente en tout lieu, à tout moment, et n’a besoin, pour être reconnue jusque dans sa source, que d’une certaine profondeur d’esprit. Mais l’histoire espère suppléer à la profondeur par la largeur et par l’étendue : tout fait présent n’est pour elle qu’un fragment, que doit compléter un passé d’une longueur infinie et auquel se rattache un avenir infini lui-même. Tel est l’origine de l’opposition entre les esprits philosophiques et historiques : ceux-là veulent sonder, ceux-ci veulent énumérer jusqu’au bout. [...] La multiplicité n’est que phénomène, et les faits extérieurs, simples formes du monde phénoménal, n’ont par là ni réalité ni signification immédiate. Vouloir en donner une explication et une interprétation directe équivaut donc à vouloir distinguer dans les contours d’un nuage des groupes d’hommes et d’animaux. Ce que raconte l’histoire n’est en fait que le long rêve, le songe lourd et confus de l’humanité.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation.

2004 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on séparer la politique de l’exigence de vérité ?

2004 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ?

2004 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ses idées jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins : quelques philosophes ont même avancé qu’il y a plus de différence de tel homme à tel homme que de tel homme à telle bête ; ce n’est donc pas tant l’entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité d’agent libre. La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister ; et c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme : car la physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation des idées ; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance on ne trouve que des actes purement spirituels, dont on n’explique rien par les lois de la mécanique.

ROUSSEAU Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

2004 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Ce qui est naturel a-t-il nécessairement plus de valeur que ce qui est artificiel ?

2004 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on se libérer du passé ?

2004 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le choix judicieux est l’affaire des gens de savoir : par exemple le choix d’un géomètre appartient à ceux qui sont versés dans la géométrie, et le choix d’un pilote à ceux qui connaissent l’art de gouverner un navire. Car, en admettant même que, dans certains travaux et certains arts, des profanes (1) aient voix au chapitre, leur choix en tout cas n’est pas meilleur que celui des hommes compétents. Par conséquent, en vertu de ce raisonnement, on ne devrait pas abandonner à la masse des citoyens la haute main sur les élections de magistrats (2). Mais peut-être cette conclusion n’est-elle pas du tout pertinente, si la multitude à laquelle on a affaire n’est pas d’un niveau par trop bas (car, bien que chaque individu pris séparément puisse être plus mauvais juge que les gens de savoir, tous, une fois réunis en corps, ne laisseront pas d’être de meilleurs juges que ces derniers, ou du moins pas plus mauvais), et aussi parce que il y a certaines réalisations pour lesquelles leurs auteurs ne sauraient être seul juge ni même le meilleur juge : nous voulons parler de ces arts dont les productions peuvent être appréciées en connaissance de cause même par des personnes étrangères à l’art en question : ainsi la connaissance d’une maison n’appartient pas seulement à celui qui l’a construite ; mais meilleur juge encore sera celui qui l’utilise (en d’autres termes le maître de maison), et le pilote portera sur un gouvernail une meilleure appréciation qu’un charpentier, et l’invité jugera mieux un bon repas que les cuisiniers.

ARISTOTE

(1) profanes : ici, les ignorants.

(2) magistrats : ici, les représentants politiques.

QUESTIONS :

1° en étudiant le raisonnement d’Aristote, dégagez la thèse qu’il soutient.

2° Expliquez :

a) "Le choix judicieux est l’affaire des gens de savoir" ;

b) "si la multitude à laquelle on a affaire n’est pas d’un niveau par trop bas" ;

c) "mais meilleur juge encore sera celui qui l’utilise".

3° Est-ce au peuple qu’il appartient de faire les lois ?

2005 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Un artiste doit-il être un créateur ?

2005 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Pour bien agir dans l’histoire, faut-il en comprendre le sens ?

2005 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Apercevoir, c’est sentir ; comparer, c’est juger ; juger et sentir ne sont pas la même chose. Par la sensation, les objets s’offrent à moi séparés, isolés, tels qu’ils sont dans la nature ; par la comparaison, je les remue, je les transporte pour ainsi dire, je les pose l’un sur l’autre pour prononcer sur leur différence ou sur leur similitude, et généralement sur tous leurs rapports. Selon moi la faculté distinctive de l’être actif ou intelligent est de pouvoir donner un sens à ce mot est. Je cherche en vain dans l’être purement sensitif cette force intelligente qui superpose et puis qui prononce ; je ne la saurais voir dans sa nature. Cet être passif sentira chaque objet séparément, ou même il sentira l’objet total formé des deux ; mais, n’ayant aucune force pour les replier l’un sur l’autre, il ne les comparera jamais, il ne les jugera point.

Voir deux objets à la fois, ce n’est pas voir leurs rapports ni juger de leurs différences ; apercevoir plusieurs objets les uns hors des autres n’est pas les nombrer. Je puis avoir au même instant l’idée d’un grand bâton et d’un petit bâton sans les comparer, sans juger que l’un est plus petit que l’autre, comme je puis voir à la fois ma main entière, sans faire le compte de mes doigts. Ces idées comparatives, plus grand, plus petit, de même que les idées numériques d’un, de deux, etc., ne sont certainement pas des sensations, quoique mon esprit ne les produise qu’à l’occasion de mes sensations. (...)

Quand les deux sensations à comparer sont aperçues, leur impression est faite, chaque objet est senti, les deux sont sentis, mais leur rapport n’est pas senti pour cela. Si le jugement de ce rapport n’était qu’une sensation, et me venait uniquement de l’objet, mes jugements ne me tromperaient jamais, puisqu’il n’est jamais faux que je sente ce que je sens.

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation.

2005 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La démonstration est-elle une condition de la science ?

2005 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Qu’est-ce que se cultiver ?

2005 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE D’une manière générale, il n’est pas douteux qu’une société a tout ce qu’il faut pour éveiller dans les esprits, par la seule action qu’elle exerce sur eux, la sensation du divin ; car elle est à ses membres ce qu’un dieu est à ses fidèles. Un dieu, en effet, c’est d’abord un être que l’homme se représente, par certains côtés, comme supérieur à soi-même et dont il croit dépendre. (...) Or la société, elle aussi, entretient en nous la sensation d’une perpétuelle dépendance. Parce qu’elle a une nature qui lui est propre, différente de notre nature d’individu, elle poursuit des fins qui lui sont également spéciales : mais, comme elle ne peut les atteindre que par notre intermédiaire, elle réclame impérieusement notre concours. Elle exige que, oublieux de nos intérêts, nous nous fassions ses serviteurs et elle nous astreint à toute sorte de gênes, de privations et de sacrifices sans lesquels la vie sociale serait impossible. C’est ainsi qu’à chaque instant nous sommes obligés de nous soumettre à des règles de conduite et de pensée que nous n’avons ni faites ni voulues, et qui même sont parfois contraires à nos penchants et à nos instincts les plus fondamentaux.

DURKHEIM Les Formes élémentaires de la vie religieuse.

2005 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Une société est-elle seulement un système d’échanges ?

2005 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Une vie heureuse n’est-elle qu’une succession de plaisirs ?

2005 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Ce qui est fâcheux, c’est que, quels que soient le caractère et le contenu de l’histoire à venir, qu’elle soit jouée dans la vie publique ou dans le privé, qu’elle comporte un petit nombre ou un grand nombre d’acteurs, le sens ne s’en révélera pleinement que lorsqu’elle s’achèvera. Par opposition à la fabrication dans laquelle le point de vue permettant de juger le produit fini vient de l’image, du modèle perçu d’avance par l’artisan, le point de vue qui éclaire les processus de l’action, et par conséquent tous les processus historiques, n’apparaît qu’à la fin, bien souvent lorsque tous les participants sont morts. L’action ne se révèle pleinement qu’au narrateur, à l’historien qui regarde en arrière et sans aucun doute connaît le fond du problème bien mieux que les participants. Tous les récits écrits par les acteurs eux-mêmes, bien qu’en de rares cas ils puissent exposer de façon très digne de foi des intentions, des buts, des motifs, ne sont aux mains de l’historien que d’utiles documents et n’atteignent jamais à la signification ni à la véracité du récit de l’historien. Ce que dit le narrateur est nécessairement caché à l’acteur, du moins tant qu’il est engagé dans l’action et dans les conséquences, car pour lui le sens de son acte ne réside pas dans l’histoire qui suit. Même si les histoires sont les résultats inévitables de l’action, ce n’est pas l’acteur, c’est le narrateur qui voit et qui "fait" l’histoire.

ARENDT Condition de l’homme moderne

2005 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Y a-t-il une explication rationnelle à tout ?

2005 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’exigence de justice est-elle compatible avec l’existence des inégalités ?

2005 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Est libre celui qui vit comme il veut, qu’on ne peut ni contraindre ni empêcher ni forcer, dont les volontés sont sans obstacles, dont les désirs atteignent leur but, dont les aversions ne rencontrent pas l’objet détesté. Qui veut vivre dans la faute ? - Personne. - Qui veut vivre dans l’erreur, l’emportement, l’injustice, l’intempérance, la plainte de son sort, l’avilissement ? - Personne. - Donc, nul méchant ne vit comme il veut, donc nul méchant n’est libre. Et qui veut vivre dans le chagrin, la crainte, l’envie, la pitié, les désirs non satisfaits, la rencontre des objets qu’on déteste ? - Personne. - Or y a-t-il un méchant qui soit sans chagrin, sans crainte, qui ne rencontre jamais ce qu’il déteste et n’ait pas d’échec dans ses désirs ? - Pas un. - Donc pas un n’est libre.

ÉPICTÈTE Entretiens

2005 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’État a-t-il tous les droits ?

2005 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Nos désirs peuvent-ils être comblés ?

2005 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE S’il était interdit de remettre en question la philosophie (1) newtonienne, l’humanité ne pourrait aujourd’hui la tenir pour vraie en toute certitude. Les croyances pour lesquelles nous avons le plus de garantie n’ont pas d’autre sauvegarde qu’une invitation constante au monde entier de prouver qu’elles ne sont pas fondées. Si le défi n’est pas relevé - ou s’il est relevé et que la tentative échoue - nous demeurerons assez éloignés de la certitude, mais nous aurons fait de notre mieux dans l’état actuel de la raison humaine : nous n’aurons rien négligé pour donner à la vérité une chance de nous atteindre. Les lices (2) restant ouvertes, nous pouvons espérer que s’il existe une meilleure vérité, elle sera découverte lorsque l’esprit humain sera capable de la recevoir. Entre temps, nous pouvons être sûrs que notre époque a approché la vérité d’aussi près que possible. Voilà toute la certitude à laquelle peut prétendre un être faillible, et la seule manière d’y parvenir.

MILL De la Liberté

(1) La philosophie : ici, au sens de théorie.

(2) Les lices : lieux d’affrontements ; par extension : combat d’idées.

2005 ES ANTILLES NORMALE Peut-on perdre sa liberté ?

2005 ES ANTILLES NORMALE Faut-il être seul pour être heureux ?

2005 ES ANTILLES NORMALE Les prophéties touchant les éclipses, comme d’ailleurs toutes celles qui se fondent sur la régularité des saisons (celles-ci représentent peut-être les plus anciennes lois de la nature que l’homme ait clairement comprises comme telles) ne sont possibles que parce que le système solaire est un système stable où les mêmes phénomènes se reproduisent. Et cette situation tient, à son tour, à des facteurs contingents : celui-ci se trouve protégé des influences que pourraient exercer d’autres systèmes mécaniques par d’immenses zones d’espace vide, et il est, par conséquent, assez peu affecté par l’intervention d’éléments extérieurs à lui-même.

On ne saurait donc s’appuyer sur ces exemples pour montrer qu’il est possible d’appliquer à l’histoire la méthode qui consiste à formuler des prédictions à long terme. La société se transforme, elle évolue. Et son évolution exclut, pour l’essentiel, la répétition. Certes, dans la mesure où l’histoire comporte des répétitions, on pourra éventuellement faire certaines prophéties. Il existe, par exemple, une certaine part de répétition dans la manière dont apparaissent de nouvelles révolutions, de nouveaux despotismes. Et l’historien peut se trouver en position de prévoir, dans une certaine mesure, ce type de développements en les confrontant aux cas précédents, c’est-à-dire en étudiant les conditions qui président à leur apparition. Mais cette application des prédictions conditionnelles est assez limitée. Car les aspects les plus décisifs de l’évolution historique ne comportent pas de répétition. Les conditions varient, et on se trouve en présence de configurations (à la suite de découvertes scientifiques, par exemple) qui ne ressemblent à rien de ce qu’on a pu voir auparavant. Le fait que nous sachions prévoir les éclipses ne nous autorise donc pas à espérer pouvoir prédire les révolutions.

POPPER Conjectures et réfutations.

2005 L ANTILLES NORMALE Peut-on être indifférent au bonheur ?

2005 L ANTILLES NORMALE La culture met-elle fin à la nature ?

2005 L ANTILLES NORMALE La perception, par opposition à la sensation, implique des habitudes fondées sur l’expérience passée. Nous pouvons caractériser la sensation comme la partie de notre expérience totale qui est due au seul stimulus, en dehors de toute histoire passée. Quand vous voyez un chien, le noyau sensible est une tache de couleur dépourvue de toutes les adjonctions qui permettent de le reconnaitre comme chien. Vous vous attendez à voir la tache de couleur se mouvoir de la manière dont le ferait un chien, et à entendre, au cas où elle émettrait un bruit, un aboiement ou un grognement, et non le chant d’un coq. Vous êtes convaincu que vous pouvez la toucher et qu’elle ne va pas s’évanouir sans laisser de traces, qu’elle a un avenir et un passé. Je ne prétends pas que vous soyez conscient de tout cela, mais que tout cela est présent comme le montre l’étonnement que vous éprouveriez s’il en advenait autrement. Ce sont ces adjonctions qui transforment une sensation en perception, et ce sont elles qui peuvent rendre une perception erronée.

RUSSELL Histoire de mes idées philosophiques

2005 S ANTILLES NORMALE Tout dans le vivant peut-il être objet de science ?

2005 S ANTILLES NORMALE Peut-on apprendre à créer ?

2005 S ANTILLES NORMALE On admet généralement que l’identité de la personne repose sur celle de la conscience. Si on entend uniquement par cette dernière le souvenir coordonné du cours de notre vie, elle ne suffit pas à expliquer l’autre. Sans doute nous savons un peu plus de notre vie passée que d’un roman lu autrefois ; mais ce que nous en savons est pourtant peu de chose. Les événements principaux, les scènes intéressantes se sont gravés dans la mémoire ; quant au reste, pour un événement retenu, mille autres sont tombés dans l’oubli. Plus nous vieillissons, et plus les faits de notre vie passent sans laisser de trace. Un âge très avancé, une maladie, une lésion du cerveau, la folie peuvent nous priver complètement de mémoire. Mais l’identité de la personne ne s’est pas perdue avec cet évanouissement progressif du souvenir. Elle repose sur la volonté identique, et sur le caractère immuable que celle-ci présente. C’est cette même volonté qui confère sa persistance à l’expression du regard. L’homme se trouve dans le coeur, non dans la tête.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et représentation

2005 STI AA ANTILLES NORMALE Être juste, est-ce être neutre ?

2005 STI AA ANTILLES NORMALE La religion unit-elle ou sépare-t-elle les hommes ?

2005 STI AA ANTILLES NORMALE Corot me fait voir des arbres, une prairie, une vache, une bergère. Qu’al-je besoin de lui ? Il ne manque pas d’arbres, ni de prairies, et véritables. Je me reposerai à l’ombre. Et l’océan lui-même est quelque chose de mieux que ce petit ruban de couleurs que le peintre en a gardé. Le vrai océan me mouillera les pieds. Ou bien ce que j’admire n’est-il que l’étonnant travail de l’imitation ? Non, il n’en est rien ; car je n’aime pas être trompé par une peinture ; et bien plutôt le peintre veut que je ne sois point trompé. Le cadre m’est une sorte d’annonce, qui présente la peinture comme telle, qui la sépare. Au contraire ma fenêtre ouverte me jette dans le monde. Il faut que j’y aille ; je fais le tour des choses, je les nomme, j’en use, je les explore.

La peinture refuse l’exploration. Changez de place, soit ; vous éliminez quelque reflet du monde, toutefois vous ne saisissez jamais qu’un aspect, un moment fixé. Que regarde donc l’homme, par cette autre fenêtre ? Pourquoi y revient-il ? Je suppose qu’il s’y voit lui-même. Mais quoi ? Un arbre, une vache, un nuage, une brume bleue ou rousse, voilà un étrange portrait de moi. C’est que le monde peint est plus moi que l’autre.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Alain distingue notre rapport à l’oeuvre peinte et notre rapport à la réalité. Quels sont les éléments de cette distinction ?

2° Expliquez :

a. "bien plutôt le peintre veut que je ne sois point trompé" ;

b. "La peinture refuse l’exploration" ;

c. "voilà un étrange portrait de moi".

3° Est-ce l’homme qui se reconnait dans la peinture ou le monde qui s’y donne à voir ?

2005 TECHN. ANTILLES NORMALE Désobéir peut-il être un droit ?

2005 TECHN. ANTILLES NORMALE La raison s’oppose-t-elle toujours au préjugé ?

2005 TECHN. ANTILLES NORMALE Même si le talent et le génie de l’artiste comportent un moment naturel, ce moment n’en demande pas moins essentiellement à être formé et éduqué par la pensée, de même qu’il nécessite une réflexion sur le mode de sa production ainsi qu’un savoir-faire exercé et assuré dans l’exécution. Car l’un des aspects principaux de cette production est malgré tout un travail extérieur, dès lors que l’oeuvre d’art a un côté purement technique qui confine à l’artisanal surtout en architecture et en sculpture, un peu moins en peinture et en musique, et dans une faible mesure encore en poésie.

Pour acquérir en ce domaine un parfait savoir-faire, ce n’est pas l’inspiration qui peut être d’un quelconque secours, mais seulement la réflexion, l’application et une pratique assidue. Or il se trouve qu’un tel savoir-faire est indispensable à l’artiste s’il veut se rendre maître du matériau extérieur et ne pas être gêné par son âpre résistance.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a. "le talent et le génie de l’artiste comportent un moment naturel".

b. "l’oeuvre d’art a un côté purement technique qui confine à l’artisanal".

c. "se rendre maître du matériau extérieur".

3° Qu’apporte la technique à l’art ?

2005 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on apprendre â être juste ?

2005 ES ANTILLES REMPLACEMENT Autrui est-il un autre moi-même ?

2005 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’art nous procure, d’une part, l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas et ne nous fera peut-être jamais connaître les expériences des personnes qu’il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dons son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain. C’est ce que l’art a pour tâche de représenter, et il le fait au moyen de l’apparence qui, comme telle, nous est indifférente, dès l’instant où elle sert à éveiller en nous le sentiment et la conscience de quelque chose de plus élevé. C’est ainsi que l’art renseigne l’homme sur l’humain, éveille des sentiments endormis, nous met en présence des vrais intérêts de l’esprit. Nous voyons ainsi que l’art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s’agitent dans l’âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme.

HEGEL Esthétique.

2005 L ANTILLES REMPLACEMENT La langue est-elle un moyen d’expression comme un autre ?

2005 L ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on réduire le devoir moral à une obligation sociale ?

2005 L ANTILLES REMPLACEMENT Je désire tout d’abord vous rappeler en quoi nous prétendons que consiste pour nous la bonne éducation.

Je prétends donc que pour les enfants les premières sensations de leur âge sont le plaisir et la douleur et que c’est sous cette forme que la vertu et le vice apparaissent tout d’abord dans l’âme, tandis que, l’intelligence et les fermes opinions vraies, c’est une chance pour un homme d’y arriver même vers la vieillesse ; celui-là en tout cas est parfait qui possède ces biens et tous ceux qu’ils renferment. J’entends par éducation la première acquisition qu’un enfant fait de la vertu ; si le plaisir, l’amitié, la douleur, la haine naissent comme il faut dans les âmes avant l’éveil de la raison, et que, une fois la raison éveillée, les sentiments s’accordent avec elle à reconnaître qu’ils ont été bien formés par les habitudes correspondantes, cet accord constitue la vertu totale, mais la partie qui nous forme à user comme il faut du plaisir et de la douleur, qui nous fait haïr ce qu’il faut haïr depuis le début jusqu’à la fin, et de même aimer ce qu’il faut aimer, cette partie est celle que la raison isolera pour la dénommer éducation, et ce serait, à mon avis, correctement la dénommer.

PLATON Les Lois.

2005 S ANTILLES REMPLACEMENT Faut-il se connaître soi-même pour bien agir ?

2005 S ANTILLES REMPLACEMENT La raison peut-elle entièrement rendre compte du réel ?

2005 S ANTILLES REMPLACEMENT Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent à travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler. Il lui faut d’abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est supposé par sa conservation. La question est de savoir si le Ciel n’aurait pas pris soin de nous avec plus de bienveillance, en nous offrant toutes les choses déjà préparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurément recevoir une réponse négative : l’homme, en effet, a besoin d’occupations et même de celles qui impliquent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que si Adam et Eve étaient demeurés au Paradis, ils n’auraient rien fait d’autre que d’être assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable.

L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même et que le meilleur repos soit pour lui celui qui suit le travail. Ainsi l’enfant doit être habitué à travailler. Et où donc le penchant au travail doit-il être cultivé, si ce n’est à l’école ? L’école est une culture par contrainte. Il est extrêmement mauvais d’habituer l’enfant à tout regarder comme un jeu.

KANT Réflexions sur l’éducation

2005 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La religion peut-elle n’être qu’une affaire privée ?

2005 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Une interprétation peut-elle prétendre à la vérité ?

2005 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ces objets que savoure le vulgaire comportent un plaisir mince et diffus, et toute joie importée manque de fondement ; celle dont je parle, vers laquelle je m’efforce de te conduire, est solide et apte à s’épanouir davantage à l’intérieur.

Fais, je t’en prie, très cher Lucilius, ce qui seul peut garantir le bonheur : dispense et foule aux pieds ces objets qui resplendissent à l’extérieur, qui te sont promis par un autre ou plutôt à tirer d’un autre ; regarde vers le vrai bien et réjouis-toi de ce qui est à toi. Or, que signifie ce "de ce qui est à toi" ? Toi en personne, et la meilleure partie de toi. Ton pauvre corps également, même si rien ne peut se faire sans lui, crois qu’il est une chose plus nécessaire que grande ; il fournit des plaisirs vains, courts, suivis de remords et, s’ils ne sont dosés avec une grande modération, voués à passer à l’état contraire. Oui, je le dis : le plaisir se tient au bord du précipice, il penche vers la douleur s’il ne respecte pas la mesure ; or, respecter la mesure est difficile dans ce que tu as cru être un bien ; l’avide désir du vrai bien est sans risque.

SÉNÈQUE Lettre à Lucilius

2005 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pourquoi n’a-t-on pas le droit de se faire justice soi-même ?

2005 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Notre perception des choses est-elle affaire de culture ?

2005 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Tout est dans un flux continuel sur la terre. Rien n’y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections qui s’attachent aux choses extérieures passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous, elles rappellent le passé qui n’est plus ou préviennent l’avenir qui souvent ne doit point être : il n’y a rien là de solide à quoi le coeur se puisse attacher. Aussi n’a-t-on guère ici bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure je doute qu’il y soit connu.

Mais s’il est un état où l’âme trouve une assiette assez solide pour s’y reposer tout entière et rassembler là tout son être, sans avoir besoin de rappeler le passé ni d’enjamber sur l’avenir ; où le temps ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours sans néanmoins marquer sa durée et sans aucune trace de succession, sans aucun autre sentiment de privation ni de jouissance, de plaisir ni de peine, de désir ni de crainte que celui seul de notre existence, et que ce sentiment seul puisse la remplir tout entière ; tant que cet état dure celui qui s’y trouve peut s’appeler heureux, non d’un bonheur imparfait, pauvre et relatif, tel que celui qu’on trouve dans les plaisirs de la vie mais d’un bonheur suffisant, parfait et plein, qui ne laisse dans l’âme aucun vide qu’elle sente le besoin de remplir.

ROUSSEAU Les Rêveries du promeneur solitaire.

2005 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le rôle de l’État est-il de définir le bien commun ?

2005 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Nos désirs nous appartiennent-ils ?

2005 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il existe un aspect de la vie religieuse, le plus précieux peut-être, qui est indépendant des découvertes de la science, et qui pourra survivre quelles que soient nos convictions futures au sujet de la nature de l’univers. La religion a été liée dans le passé, non seulement aux credos (1) et aux Eglises, mais à la vie personnelle de ceux qui ressentaient son importance. (...) L’homme qui ressent profondément les problèmes de la destinée humaine, le désir de diminuer les souffrances de l’humanité, et l’espoir que l’avenir réalisera les meilleures possibilités de notre espèce, passe souvent aujourd’hui pour avoir "une tournure d’esprit religieuse", même s’il n’admet qu’une faible partie du christianisme traditionnel. Dans la mesure où la religion consiste en un état d’esprit, et non en un ensemble de croyances, la science ne peut l’atteindre. Peut-être le déclin des dogmes rend-il temporairement plus difficile l’existence d’un tel état d’esprit, tant celui-ci a été intimement lié jusqu’ici aux croyances théologiques. Mais il n’y a aucune raison pour que cette difficulté soit éternelle : en fait, bien des libres penseurs ont montré par leur vie que cet état d’esprit n’est pas forcément lié à un credo (2). Aucun mérite réel ne peut être indissolublement lié à des croyances sans fondement ; et, si les croyances théologiques sont sans fondement, elles ne peuvent être nécessaires à la conservation de ce qu’il y a de bon dans l’état d’esprit religieux. Être d’un autre avis, c’est être rempli de craintes au sujet de ce que nous pouvons découvrir, craintes qui gêneront nos tentatives pour comprendre le monde ; or, c’est seulement dans la mesure o ù nous parvenons à le comprendre que la véritable sagesse devient possible.

RUSSELL Science et religion

(1) credos : contenus de la foi

(2) credo : acte d’adhésion aux contenus de la foi

2005 ES INDE NORMALE Les échanges favorisent-ils la paix entre les hommes ?

2005 ES INDE NORMALE Les hommes savent-ils ce qu’ils désirent ?

2005 ES INDE NORMALE Quant à savoir s’il existe le moindre principe moral qui fasse l’accord de tous, j’en appelle à toute personne un tant soit peu versée dans l’histoire de l’humanité, qui ait jeté un regard plus loin que le bout de son nez. Où trouve-t-on cette vérité pratique (1) universellement acceptée sans doute ni problème aucuns, comme devrait l’être une vérité innée ? La justice et le respect des contrats semblent faire l’accord du plus grand nombre ; c’est un principe qui, pense-t-on, pénètre jusque dans les repaires de brigands, et dans les bandes des plus grands malfaiteurs ; et ceux qui sont allés le plus loin dans l’abandon de leur humanité respectent la fidélité et la justice entre eux. Je reconnais que les hors-la-loi eux-mêmes les respectent entre eux ; mais ces règles ne sont pas respectées comme des Lois de Nature innées : elles sont appliquées comme des règles utiles dans leur communauté ; et on ne peut concevoir que celui qui agit correctement avec ses complices mais pille et assassine en même temps le premier honnête homme venu, embrasse la justice comme un principe pratique (1). La Justice et la Vérité sont les liens élémentaires de toute société : même les hors-la-loi et les voleurs, qui ont par ailleurs rompu avec le monde, doivent donc garder entre eux la fidélité et les règles de l’équité, sans quoi ils ne pourraient rester ensemble, mais qui soutiendrait que ceux qui vivent de fraude et de rapine ont des principes innés de vérité et de justice, qu’ils acceptent et reconnaissent ?

LOCKE Essai sur l’entendement humain

(1) pratique : qui relève de la morale

2005 L INDE NORMALE Pourquoi conserver les oeuvres d’art ?

2005 L INDE NORMALE Peut-on expérimenter sur le vivant ?

2005 L INDE NORMALE Dans un État vraiment libre, les citoyens font tout avec leurs bras, et rien avec de l’argent ; loin de payer pour s’exempter de leurs devoirs, ils paieraient pour les remplir eux-mêmes. Je suis bien loin des idées communes ; je crois les corvées moins contraires à la liberté que les taxes.

Mieux l’État est constitué, plus les affaires publiques l’emportent sur les privées, dans l’esprit des citoyens. Il y a même beaucoup moins d’affaires privées, parce que la somme du bonheur commun fournissant une portion plus considérable à celui de chaque individu, il lui en reste moins à chercher dans les soins (1) particuliers. Dans une cité bien conduite, chacun vole aux assemblées ; sous un mauvais gouvernement, nul n’aime à faire un pas pour s’y rendre, parce que nul ne prend intérêt à ce qui s’y fait, qu’on prévoit que la volonté générale n’y dominera pas, et qu’enfin les soins (1) domestiques absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires. Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État : Que m’importe ? on doit compter que l’État est perdu.

ROUSSEAU Du Contrat social

(1) soins : tâches

2005 S INDE NORMALE Comment pouvons-nous juger d’une injustice ?

2005 S INDE NORMALE La conscience de ce que nous sommes peut-elle faire obstacle à notre bonheur ?

2005 S INDE NORMALE Qui ne voit que la cohésion sociale est due, en grande partie, à la nécessité pour une société de se défendre contre d’autres, et que c’est d’abord contre tous les autres hommes qu’on aime les hommes avec lesquels on vit ? Tel est l’instinct primitif. Il est encore là, heureusement dissimulé sous les apports de la civilisation ; mais aujourd’hui encore nous aimons naturellement et directement nos parents et nos concitoyens, tandis que l’amour de l’humanité est indirect et acquis. A ceux-là nous allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour ; car c’est seulement à travers Dieu, en Dieu, que la religion convie l’homme à aimer le genre humain ; comme aussi c’est seulement à travers la Raison, dans la Raison par où nous communions tous, que les philosophes nous font regarder l’humanité pour nous montrer l’éminente dignité de la personne humaine, le droit de tous au respect. Ni dans un cas ni dans l’autre nous n’arrivons a l’humanité par étapes, en traversant la famille et la nation. Il faut que, d’un bond, nous nous soyons transportés plus loin qu’elle et que nous l’ayons atteinte sans l’avoir prise pour fin, en la dépassant. Qu’on parle d’ailleurs le langage de la religion ou celui de la philosophie, qu’il s’agisse d’amour ou de respect, c’est une autre morale, c’est un autre genre d’obligation, qui viennent se superposer à la pression sociale.

BERGSON Les deux Sources de la Morale et de la Religion.

2005 TECHN. INDE NORMALE La nature a-t-elle des droits ?

2005 TECHN. INDE NORMALE Y a-t-il lieu de distinguer l’art et la technique ?

2005 TECHN. INDE NORMALE Prenons un acte volontaire, par exemple un mensonge nuisible par lequel un homme a introduit un certain désordre dans la société et dont on cherche d’abord les causes qui lui ont donné naissance pour juger ensuite comment il peut lui être attribué avec toutes ses conséquences.

Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère psychologique de cet homme jusque dans ses sources que l’on recherche dans la mauvaise éducation, dans les mauvaises fréquentations, en partie aussi dans la méchanceté d’un naturel insensible à la honte, qu’on attribue en partie à la légèreté et à l’irréflexion, sans négliger les circonstances tout à fait occasionnelles qui ont pu influer. Dans tout cela, on procède comme on le fait, en général, dans la recherche de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné.

Or, bien que l’on croie que l’action soit déterminée par là, on n’en blâme pas moins l’auteur (...). Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l’on regarde celle-ci comme une cause qui aurait pu et aurait dû déterminer autrement la conduite de l’homme, indépendamment de toutes les conditions nommées (...). La raison était pleinement libre, et cet acte doit être attribué entièrement au fait que cet homme l’a négligée.

KANT

QUESTIONS :

1° Quelle est l’idée principale du texte ? Vous dégagerez les deux points de vue qu’il fait apparaître.

a) qu’est-ce que la recherche des causes déterminantes nous apprend sur le comportement d’un homme ? Pour répondre à cette question vous expliquerez la phrase : "on procède, comme on le fait, en général, dans la recherche de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné" ;

b) qu’est-ce qui donne le droit de blâmer ? Pour répondre à cette question vous expliquerez l’expression "une loi de la raison" ;

c) peut-on soutenir en même temps les deux points de vue présentés dans le texte ? Pourquoi ne peut-on renoncer ni à l’un, ni à l’autre ?

3° En quel sens pouvons nous être responsables d’une action ?

2005 ES JAPON NORMALE Les réussites techniques de l’homme peuvent-elles se retourner contre sa liberté ?

2005 ES JAPON NORMALE Interprète-t-on à défaut de pouvoir démontrer ?

2005 ES JAPON NORMALE Tous les hommes sont sensibles à la nécessité de la justice pour maintenir la paix et l’ordre, et tous les hommes sont sensibles à la nécessité de la paix et de l’ordre pour maintenir la société. En dépit de cette forte et évidente nécessité, telle est cependant la fragilité ou la perversité de notre nature qu’il est impossible aux hommes de rester fidèlement et infailliblement sur le chemin de la justice. Des circonstances extraordinaires se produisent qui amènent un homme à plutôt trouver ses intérêts défendus par la fraude et le vol qu’à être choqué par la fracture que son injustice crée dans l’union sociale. Mais beaucoup plus souvent, il se trouve détourné de ses intérêts supérieurs, importants mais lointains, par l’apparence du présent, ses tentations étant souvent très frivoles, Cette grande faiblesse est incurable dans la nature humaine.

Les hommes doivent donc s’ingénier à pallier ce qu’ils ne peuvent guérir. il leur faut instituer des personnes qu’ils nomment magistrats, dont la fonction spécifique est de promulguer les décrets de l’équité, d’en punir les transgresseurs, de fustiger la fraude et la violence, et de contraindre les hommes, bien que récalcitrants, a suivre leurs intérêts réels et permanents. En un mot, l’obéissance est un nouveau devoir qu’il faut inventer afin de supporter celui de la justice : et les liens de l’équité doivent être renforcés par ceux de l’assujettissement.

HUME De l’Origine du gouvernement.

2005 L JAPON NORMALE Ce qu’il y a de travail dans l’art est-il encore de l’art ?

2005 L JAPON NORMALE Peut-on se connaître soi-même sans l’aide d’autrui ?

2005 L JAPON NORMALE Chez les nations où règne le dogme de la souveraineté du peuple, chaque individu forme une portion égale du souverain et participe également au gouvernement de l’État. Chaque individu est donc censé être aussi éclairé, aussi vertueux, aussi fort qu’aucun autre de ses semblables. Pourquoi obéit-il donc à la société, et quelles sont les limites naturelles de cette obéissance ?

Il obéit à la société, non point parce qu’il est inférieur à ceux qui la dirigent, ou moins capable qu’un autre homme de se gouverner lui-même ; il obéit à la société parce que l’union avec ses semblables lui paraît utile et qu’il sait que cette union ne peut exister sans un pouvoir régulateur.

Dans tout ce qui concerne les devoirs des citoyens entre eux, il est donc devenu sujet. Dans tout ce qui ne regarde que lui-même, il est resté maître : il est libre et ne doit compte de ses actions qu’à Dieu. De là cette maxime que l’individu est le meilleur comme le seul juge de son intérêt particulier et que la société n’a le droit de diriger ses actions que quand elle se sent lésée par son fait ou lorsqu’elle a besoin de réclamer son concours.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique.

2005 S JAPON NORMALE La raison s’oppose-t-elle nécessairement au désir ?

2005 S JAPON NORMALE L’activité de l’esprit s’explique-t-elle par des causes matérielles ?

2005 S JAPON NORMALE Dans une assemblée, les grands mouvements d’enthousiasme, d’indignation, de pitié qui se produisent, n’ont pour lieu d’origine aucune conscience particulière. Ils viennent à chacun de nous du dehors et sont susceptibles de nous entraîner malgré nous. Sans doute, il peut se faire que, m’y abandonnant sans réserve, je ne sente pas la pression qu’ils exercent sur moi. Mais elle s’accuse (1) dès que j’essaie de lutter contre eux. Qu’un individu tente de s’opposer à l’une de ces manifestations collectives, et les sentiments qu’il nie se retournent contre lui. Or, si cette puissance de coercition (2) externe s’affirme avec cette netteté dans les cas de résistance, c’est qu’elle existe, quoique inconsciente, dans les cas contraires. Nous sommes alors dupes d’une illusion qui nous fait croire que nous avons élaboré nous-mêmes ce qui s’est imposé à nous du dehors. Mais, si la complaisance avec laquelle nous nous y laissons aller masque la poussée subie, elle ne la supprime pas. C’est ainsi que l’air ne laisse pas d’être pesant quoique nous n’en sentions plus le poids. Alors même que nous avons spontanément collaboré, pour notre part, à l’émotion commune, l’impression que nous avons ressentie est tout autre que celle que nous eussions éprouvée si nous avions été seul. Aussi, une fois que l’assemblée s’est séparée, que ces influences sociales ont cessé d’agir sur nous et que nous nous retrouvons seuls avec nous-mêmes, les sentiments par lesquels nous avons passé nous font l’effet de quelque chose d’étranger où nous ne nous reconnaissons plus. Nous nous apercevons alors que nous les avions subis beaucoup plus que nous ne les avions faits.

DURKHEIM Règles de la méthode sociologique

2005 S LA RÉUNION NORMALE La vérité rend-elle heureux ?

2005 S LA RÉUNION NORMALE Peut-on étudier l’esprit comme on étudie la matière ?

2005 S LA RÉUNION NORMALE Si on élimine la justice, que sont en effet les royaumes, sinon du brigandage en grand ? Les bandes de brigands elles-mêmes ne sont-elles pas, en petit, des royaumes ? Car ce sont des groupes d’hommes, où un chef commande, dont un pacte social resserre les liens, où des conventions règlent le partage du butin.

Si cette société de crime fait assez de recrues parmi les malfaiteurs pour occuper certaines positions, pour fonder des établissements, pour occuper des cités, pour subjuguer les peuples, alors elle s’arroge plus ouvertement le titre de royaume, que lui confère aux regards de tous, non pas un renoncement quelconque â ses convoitises, mais bien l’impunité qu’elle s’est assurée.

Spirituelle et juste fut la réponse que fit à Alexandre le Grand ce pirate tombé en son pouvoir. Le roi lui demandait : "À quoi penses-tu, d’infester ainsi la mer ?

- Et toi, répondit-il, avec une audacieuse franchise, à quoi penses-tu, d’infester la terre ? Parce que je n’ai qu’un petit navire, on m’appelle un "bandit" ; toi, comme tu opères avec une grande flotte, on te nomme un "conquérant"".

AUGUSTIN La Cité de Dieu.

2005 S LIBAN NORMALE En quoi la société a-t-elle besoin de savants ?

2005 S LIBAN NORMALE Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?

2005 S LIBAN NORMALE Tous les métiers plaisent autant que l’on y gouverne, et déplaisent autant que l’on y obéit. Le pilote du tramway a moins de bonheur que le chauffeur de l’omnibus automobile. La chasse libre et solitaire donne des plaisirs vifs, parce que le chasseur fait son plan, le suit ou bien le change, sans avoir à rendre des comptes ni à donner ses raisons. Le plaisir de tuer devant des rabatteurs est bien maigre à côté ; mais encore est-il qu’un habile tireur jouit de ce pouvoir qu’il exerce contre l’émotion, et la surprise. Ainsi ceux qui disent que l’homme cherche le plaisir et fuit la peine décrivent mal. L’homme s’ennuie du plaisir reçu et préfère de bien loin le plaisir conquis ; mais par-dessus tout il aime agir et conquérir ; il n’aime point pâtir ni subir ; aussi choisit-il la peine avec l’action plutôt que le plaisir sans action.

ALAIN Propos sur le bonheur.

2005 L LIBAN SECOURS Faut-il se soucier de l’avenir ?

2005 L LIBAN SECOURS Se croire libre, est-ce être inconscient ?

2005 L LIBAN SECOURS La plupart de ceux qui ont écrit à propos des républiques supposent ou demandent, comme une chose qui ne leur doit pas être refusée, que l’homme soit un animal politique (...) né avec une certaine disposition naturelle à la société. Sur ce fondement-là ils bâtissent la doctrine civile, de sorte que pour la conservation de la paix, et pour la conduite de tout le genre humain, il ne faut plus rien sinon que les hommes s’accordent et conviennent de l’observation de certains pactes et conditions, auxquelles alors ils donnent le titre de lois. Cet axiome, quoique reçu si communément, n’en est pas moins faux et l’erreur vient d’une trop légère considération de la nature humaine.

Car ceux qui regardent plus étroitement les causes pour lesquelles les hommes viennent à s’assembler, et prennent plaisir à la compagnie les uns des autres, trouveront facilement que cela arrive par accident et non parce qu’il ne pourrait pas en être autrement par nature. Car si l’homme devait en aimer un autre par nature, c’est-à-dire en tant qu’homme, il n’y aurait aucune raison pour laquelle chaque homme n’aimerait pas également le premier venu, comme étant autant homme qu’un autre ; on ne saurait pas non plus pourquoi il préférerait fréquenter ceux dont la société lui apporte honneur et profit. Par conséquent, nous ne recherchons pas naturellement la société pour elle-même, mais afin de pouvoir en recevoir quelque honneur ou profit. Nous désirons en priorité ces deux choses, et la société nous ne la désirons qu’en second lieu.

HOBBES Du Citoyen

2005 ES MÉTROPOLE NORMALE Qu’attendons-nous de la technique ?

2005 ES MÉTROPOLE NORMALE L’action politique doit-elle être guidée par la connaissance de l’histoire ?

2005 ES MÉTROPOLE NORMALE L’éthique peut proposer des lois de moralité qui sont indulgentes et qui s’ordonnent aux faiblesses de la nature humaine, et ainsi elle s’accommode à cette nature en ne demandant rien de plus à l’homme que ce qu’il est en mesure d’accomplir. Mais l’éthique peut aussi être rigoureuse et réclamer la plus haute perfection morale. En fait, la loi morale doit elle-même être rigoureuse. Une telle loi, que l’homme soit en mesure ou non de l’accomplir, ne doit pas être indulgente et s’accommoder aux faiblesses humaines, car elle contient la norme de la perfection morale, laquelle doit être stricte et exacte. La géométrie donne par exemple des règles strictes, sans se demander si l’homme peut ou non les appliquer et les observer : le point qu’on dessine au centre d’un cercle a beau ne jamais être assez petit pour correspondre au point mathématique, la définition de ce dernier n’en conserve pas moins toute sa rigueur. De même, l’éthique présente des règles qui doivent être les règles de conduite de nos actions ; ces règles ne sont pas ordonnées au pouvoir de l’homme, mais indiquent ce qui est moralement nécessaire. L’éthique indulgente est la corruption de la mesure de perfection morale de l’humanité. La loi morale doit être pure.

KANT Leçons d’éthique.

2005 L MÉTROPOLE NORMALE Le juste et l’injuste ne sont-ils que des conventions ?

2005 L MÉTROPOLE NORMALE Le langage ne sert-il qu’à communiquer ?

2005 L MÉTROPOLE NORMALE Si le cours naturel des choses était parfaitement bon et satisfaisant, toute action serait une ingérence inutile qui, ne pouvant améliorer les choses, ne pourrait que les rendre pires. Ou, si tant est qu’une action puisse être justifiée, ce serait uniquement quand elle obéit directement aux instincts, puisqu’on pourrait éventuellement considérer qu’ils font partie de l’ordre spontané de la nature ; mais tout ce qu’on ferait de façon préméditée et intentionnelle serait une violation de cet ordre parfait. Si l’artificiel ne vaut pas mieux que le naturel, à quoi servent les arts de la vie ? Bêcher, labourer, bâtir, porter des vêtements sont des infractions directes au commandement de suivre la nature.

Tout le monde déclare approuver et admirer nombre de grandes victoires de l’art sur la nature : joindre par des ponts des rives que la nature avait séparées, assécher des marais naturels, creuser des puits, amener à la lumière du jour ce que la nature avait enfoui à des profondeurs immenses dans la terre, détourner sa foudre par des paratonnerres, ses inondations par des digues, son océan par des jetées. Mais louer ces exploits et d’autres similaires, c’est admettre qu’il faut soumettre les voies de la nature et non pas leur obéir ; c’est reconnaître que les puissances de la nature sont souvent en position d’ennemi face à l’homme, qui doit user de force et d’ingéniosité afin de lui arracher pour son propre usage le peu dont il est capable, et c’est avouer que l’homme mérite d’être applaudi quand ce peu qu’il obtient dépasse ce qu’on pouvait espérer de sa faiblesse physique comparée à ces forces gigantesques. Tout l’éloge de la civilisation, de l’art ou de l’invention revient à critiquer la nature, à admettre qu’elle comporte des imperfections, et que la tâche et le mérite de l’homme sont de chercher en permanence à les corriger ou les atténuer.

MILL La Nature

2005 S MÉTROPOLE NORMALE Être libre, est-ce ne rencontrer aucun obstacle ?

2005 S MÉTROPOLE NORMALE La sensibilité aux oeuvres d’art demande-t-elle à être éduquée ?

2005 S MÉTROPOLE NORMALE Il est assez difficile de comprendre, comment il se peut faire que des gens qui ont de l’esprit, aiment mieux se servir de l’esprit des autres dans la recherche de la vérité, que de celui que Dieu leur a donné. Il y a sans doute infiniment plus de plaisir et plus d’honneur à se conduire par ses propres yeux, que par ceux des autres ; et un homme qui a de bons yeux ne s’avisa jamais de se les fermer, ou de se les arracher, dans l’espérance d’avoir un conducteur. Sapientis oculi in capite ejus, stultus in tenebris ambulat (1). Pourquoi le fou marche-t-il dans les ténèbres ? C’est qu’il ne voit que par les yeux d’autrui et que ne voir que de cette manière, à proprement parler, c’est ne rien voir. L’usage de l’esprit est à l’usage des yeux, ce que l’esprit est aux yeux ; et de même que l’esprit est infiniment au-dessus des yeux, l’usage de l’esprit est accompagné de satisfactions bien plus solides, et qui le contentent bien autrement, que la lumière et les couleurs ne contentent la vue. Les hommes toutefois se servent toujours de leurs yeux pour se conduire, et ils ne se servent presque jamais de leur esprit pour découvrir la vérité.

MALEBRANCHE De la Recherche de la vérité.

(1) "Les yeux du sage sont dans sa tête, l’insensé marche dans les ténèbres"

2005 STI AA MÉTROPOLE NORMALE L’art nous mène-t-il au vrai ?

2005 STI AA MÉTROPOLE NORMALE L’humanité peut-elle se concevoir sans religion ?

2005 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Quand on est jeune il ne faut pas hésiter à s’adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d’en poursuivre l’étude. Car personne ne peut soutenir qu’il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l’âme. Celui qui prétendrait que l’heure de philosopher n’est pas encore venue ou qu’elle est déjà passée, ressemblerait à celui qui dirait que l’heure n’est pas encore arrivée d’être heureux ou qu’elle est déjà passée, Il faut donc que le jeune homme aussi bien que le vieillard cultivent la philosophie : celui-ci pour qu’il se sente rajeunir au souvenir des biens que la fortune (1) lui a accordés dans le passé, celui-là pour être, malgré sa jeunesse, aussi intrépide en face de l’avenir qu’un homme avancé en âge. Il convient ainsi de s’appliquer assidûment à tout ce qui peut nous procurer la félicité, s’il est vrai que quand elle est en notre possession nous avons tout ce que nous pouvons avoir, et que quand elle nous manque, nous faisons tout pour l’obtenir.

ÉPICURE

(1) la fortune : l’heureuse chance.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez

a. "pour acquérir la santé de l’âme" ;

b. "il se sente rajeunir au souvenir des biens que la fortune lui a accordés dans le passé" ;

c. "être, malgré sa jeunesse, aussi intrépide en face de l’avenir qu’un homme avancé en âge".

3° Y a-t-il un temps pour philosopher ?

2005 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Pourquoi voulons-nous être libres ?

2005 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Raisonne-t-on bien quand on veut avoir raison à tout prix ?

2005 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Imiter est naturel aux hommes et se manifeste dès leur enfance (l’homme diffère des autres animaux en ce qu’il est très apte à l’imitation et c’est au moyen de celle-ci qu’il acquiert ses premières connaissances). Et tous les hommes prennent plaisir aux imitations.

Un indice est ce qui se passe dans la réalité : des êtres dont l’original fait peine à la vue, nous aimons à en contempler l’image exécutée avec la plus grande exactitude ; par exemple les formes des animaux les plus vils et des cadavres.

Une raison en est encore qu’apprendre est très agréable non seulement aux philosophes mais pareillement aussi aux autres hommes ; seulement ceux-ci n’y ont qu’une faible part. On se plaît à la vue des images parce qu’on apprend en les regardant et on déduit ce que représente chaque chose, par exemple que cette figure c’est un tel. Si on n’a pas vu auparavant l’objet représenté, ce n’est plus comme imitation que l’oeuvre pourra plaire, mais à raison de l’exécution, de la couleur ou d’une autre cause de ce genre.

ARISTOTE

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et son argumentation.

2.°

a) En vous appuyant sur le texte vous expliquerez pourquoi "tous les hommes prennent plaisir aux imitations".

b) Qu’est-ce qui nous plaît dans une belle représentation ?

3° En quoi les images nous apprennent-elles à regarder et à connaître ?

2005 TMD MÉTROPOLE NORMALE L’histoire peut-elle être une science ?

2005 TMD MÉTROPOLE NORMALE La justice peut-elle se passer de la loi ?

2005 TMD MÉTROPOLE NORMALE Ce qu’il faut dire, c’est que toute sensation se modifie en se répétant, et que si elle ne me paraît pas changer du jour au lendemain, c’est parce que je l’aperçois maintenant à travers l’objet qui en est cause, à travers le mot qui la traduit. Cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu’on ne le pense généralement. Non seulement le langage nous fait croire à l’invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur le caractère de la sensation éprouvée. Ainsi, quand je mange d’un mets réputé exquis, le nom qu’il porte, gros de l’approbation qu’on lui donne, s’interpose entre ma sensation et ma conscience ; je pourrai croire que la saveur me plaît, alors qu’un léger effort d’attention me prouverait le contraire. Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. Pour lutter à armes égales, celles-ci devraient s’exprimer par des mots précis ; mais ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est Instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité.

BERGSON

QUESTIONS ;

1° Quelle est l’idée principale du texte et quelles sont les étapes de son développement ?

2° Expliquez :

a) "Le langage nous fait croire à l’invariabilité de nos sensations" ;

b) "Le nom qu’il porte, gros de l’approbation qu’on lui donne, s’interpose entre ma sensation et ma conscience" ;

c) "Inventés pour témoigner que la sensation est instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité".

3° Les mots nous éloignent-ils de la réalité ?

2005 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on demander à la justice qu’elle nous venge ?

2005 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT De quel bonheur sommes-nous capables ?

2005 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est libre l’homme qui ne rencontre pas d’obstacles et qui a tout à sa disposition comme il veut. L’homme qui peut être arrêté, contraint, entravé ou jeté malgré lui dans quelque entreprise est un esclave. Mais quel est celui qui ne rencontre pas d’obstacle ? C’est celui qui ne désire rien qui lui soit étranger. Et qu’est-ce qui nous est étranger ? C’est ce qu’il ne dépend pas de nous d’avoir ou de ne pas avoir, ni d’avoir avec telle qualité dans telles conditions. Ainsi le corps nous est-il étranger, étrangères ses parties, étrangère notre fortune ; si tu t’attaches à l’une de ces choses comme à ton bien propre, tu subiras le châtiment que mérite celui qui convoite des choses étrangères. Telle est la route qui conduit à la liberté, le seul moyen de nous affranchir de l’esclavage.

ÉPICTÈTE Entretiens.

2005 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT La morale n’est-elle qu’interdictions ?

2005 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on interpréter sans inventer ?

2005 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’égalité peut s’établir dans la société civile, et ne point régner dans le monde politique. On peut avoir le droit de se livrer aux mêmes plaisirs, d’entrer dans les mêmes professions, de se rencontrer dans les mêmes lieux ; en un mot, de vivre de la même manière et de poursuivre la richesse par les mêmes moyens sans prendre tous la même part au gouvernement.

Une sorte d’égalité peut même s’établir dans le monde politique, quoique la liberté politique n’y soit point. On est l’égal de tous ses semblables, moins un, qui est, sans distinction, le maître de tous, et qui prend également, parmi tous, les agents de son pouvoir.

Il serait facile de faire plusieurs autres hypothèses suivant lesquelles une fort grande égalité pourrait aisément se combiner avec des institutions plus ou moins libres, ou même avec des institutions qui ne le seraient point du tout.

Quoique les hommes ne puissent devenir absolument égaux sans être entièrement libres, et que par conséquent l’égalité, dans son degré le plus extrême, se confonde avec la liberté, on est donc fondé à distinguer l’une de l’autre.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2005 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le réel se limite-t-il à ce que perçoivent nos sens ?

2005 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’art a-t-il besoin de modèle ?

2005 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Un homme a beau chercher par tous les artifices à représenter une action illégitime, qu’il se rappelle avoir commise, comme une erreur involontaire, comme une de ces négligences qu’il est impossible d’éviter entièrement, c’est-à-dire comme une chose où il a été entraîné par le torrent de la nécessité naturelle, et se déclarer ainsi innocent, il trouve toujours que l’avocat qui parle en sa faveur ne peut réduire au silence la voix intérieure qui l’accuse, s’il a conscience d’avoir été dans son bon sens, c’est-à-dire d’avoir eu l’usage de sa liberté au moment où il a commis cette action injuste ; et, quoiqu’il s’explique sa faute par une mauvaise habitude, qu’il a insensiblement contractée en négligeant de veiller sur lui-même, et qui en est venue à ce point que cette faute en peut être considérée comme la conséquence naturelle, il ne peut pourtant se mettre en sécurité contre les reproches et le blâme qu’il s’adresse à lui-même.

KANT Critique de la raison pratique.

2005 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’histoire nous affranchit-elle de la nature ?

2005 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT La loi est-elle indiscutable ?

2005 STI AA MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le beau intervient dans toutes les circonstances de notre vie ; il est le génie (1) amical que nous rencontrons partout. En cherchant seulement autour de nous où et comment, sous quelle forme, il se présente à nous, nous trouvons qu’il se rattachait jadis par les liens les plus intimes à la religion et à la philosophie. Nous trouvons notamment que l’homme s’est toujours servi de l’art comme d’un moyen de prendre conscience des idées et des intérêts les plus élevés de son esprit. Les peuples ont déposé leurs conceptions les plus hautes dans les productions de l’art, les ont exprimées et en ont pris conscience par le moyen de l’art. La sagesse et la religion sont concrétisées dans des formes créées par l’art qui nous livre la clef grâce à laquelle nous sommes à même de comprendre la sagesse et la religion de beaucoup de peuples. Dans beaucoup de religions, l’art a été le seul moyen dont l’idée née dans l’esprit s’était servie pour devenir objet de représentation.

HEGEL

(1) génie (ici) : dans la mythologie, divinité qui présidait à la destinée de chacun, à un groupe ou un lieu.

QUESTIONS :

1° Quelle fonction Hegel reconnaît-il à l’art ? Quels sont les éléments de son analyse ?

2° Expliquez en vous appuyant sur des exemples

a. "un moyen de prendre conscience des idées et des intérêts les plus élevés de son esprit".

b. "l’art (...) nous livre la clef grâce à laquelle nous sommes à même de comprendre la sagesse et la religion de beaucoup de peuples".

3° L’art permet-il aux hommes de mieux se comprendre eux-mêmes ?

2005 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Que veut-on dire quand on parle de nature humaine ?

2005 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La technique naît-elle de nos besoins ou de nos rêves ?

2005 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il est de toute évidence que l’observateur qui s’observe et se juge lui-même se place dans de mauvaises conditions pour observer et pour juger. Le médecin le plus célèbre consulte sur sa propre maladie le confrère dont peut-être il ne jugerait pas le concours (1) bien utile, dans une consultation pour autrui. Et pourtant les phénomènes qu’il s’agit en pareil cas d’observer et d’interpréter, sont de ceux que ne trouble pas beaucoup dans leurs cours l’attention que le médecin met à les observer sur lui-même. Que dire donc à propos de ces phénomènes psychologiques, de ces faits de conscience, comme on les appelle, où l’attention de l’observateur, autre phénomène psychologique, intervient au premier chef comme cause modificatrice ? Certes le meilleur moyen de calmer un accès de colère serait de s’observer attentivement quand on est en colère.

COURNOT

(1) le concours : l’aide

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et son argumentation.

a. Pourquoi l’observation de soi-même place-t-elle l’observateur "dans de mauvaises conditions" ?

b. Pourquoi ces conditions sont-elles particulièrement mauvaises à propos des "faits de conscience" ? En quoi l’exemple de la colère illustre-t-il le problème ?

3° Peut-on se connaître soi-même ?

2005 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Y a-t-il une vérité dans l’art ?

2005 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il se plaindre des contraintes que le langage impose à la pensée ?

2005 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Être bienfaisant, lorsqu’on le peut, est un devoir, et, de plus, il y a certaines âmes si naturellement portées à la sympathie que, sans aucun motif de vanité ou d’intérêt, elles trouvent une satisfaction intérieure à répandre la joie autour d’elles, et jouissent du bonheur d’autrui, en tant qu’il est leur ouvrage. Mais je soutiens que dans ce cas l’action, si conforme au devoir, si aimable qu’elle soit, n’a pourtant aucune vraie valeur morale, et qu’elle va de pair avec les autres inclinations, par exemple avec l’ambition, qui, lorsque, par bonheur, elle est conforme à l’intérêt public et au devoir, par conséquent à ce qui est honorable, mérite des éloges et des encouragements, mais non pas notre respect ; car la maxime (1) manque alors du caractère moral, qui veut qu’on agisse par devoir et non par inclination.

KANT

(1) maxime : ici, une règle de conduite.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice et le mouvement du texte.

2° Expliquez :

a) "une action de ce genre, si conforme au devoir, si digne d’affection soit-elle, n’a pourtant aucune véritable valeur morale" ;

b) "non par inclination, mais par devoir."

3° Suffit-il d’avoir de bons sentiments pour être moral ?

2005 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Qui peut me dire ce que je dois faire ?

2005 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il voir dans l’histoire humaine un progrès constant ?

2005 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE On dit d’un chien qu’il connaît son nom, parce qu’il vient quand on l’appelle et qu’il se souvient de son maître, parce qu’il paraît triste lorsque celui-ci est absent et se met à remuer la queue et à aboyer lorsqu’il revient. Que le chien se comporte ainsi, rien de plus certain ; mais la conclusion qu’on en tire en disant qu’il connaît et se souvient est tout à fait douteuse. Plus on examine les conclusions de ce genre, et plus elles paraissent précaires. C’est pourquoi on a été conduit, peu à peu, dans l’étude du comportement animal à renoncer à toute tentative d’interprétation mentale (...). La même méthode pouvait être appliquée au comportement humain, c’est-à-dire que celui-ci pouvait être décrit sans le recours à quoi que ce soit qui ne se prête pas à l’observation extérieure (...). Supposez que vous demandiez à deux écoliers combien font "six fois neuf". L’un vous répondra "cinquante-quatre", l’autre vous donnera une réponse différente, soit "cinquante-six". Nous dirons que le premier sait combien font "six fois neuf" et que l’autre ne le sait pas. Et, cependant, nous nous trouvons tout simplement en présence d’une habitude verbale. Le premier enfant a acquis l’habitude de dire "six fois neuf font cinquante-quatre", l’autre ne l’a pas acquise. La réponse du premier n’exige pas plus de pensée qu’il n’en faut à un cheval pour retourner tout seul à son écurie. Selon les cas, les habitudes peuvent être plus nombreuses et plus compliquées, mais il ne s’agit toujours que d’habitudes.

RUSSELL Analyse de l’Esprit.

2005 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Les valeurs morales sont-elles affaire de choix ?

2005 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La technique n’est-elle qu’une application de la science ?

2005 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Entre nous et notre propre conscience, un voile s’interpose, voile épais pour le commun des hommes, voile léger, presque transparent, pour l’artiste et le poète. Quelle fée a tissé ce voile ? Fut-ce par malice ou par amitié ? Il fallait vivre, et la vie exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu’elles ont à nos besoins. Vivre consiste à agir. Vivre, c’est n’accepter des objets que l’impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s’obscurcir ou ne nous arriver que confusément. Je regarde et je crois voir, j’écoute et je crois entendre, je m’étudie et je crois lire dans le fond de mon coeur. Mais ce que je vois et ce que j’entends du monde extérieur, c’est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite ; ce que je connais de moi-même, c’est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l’action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu’une simplification pratique. Dans la vision qu’ils me donnent des choses et de moi-même, les différences inutiles à l’homme sont effacées, les ressemblances utiles à l’homme sont accentuées, des routes me sont tracées à l’avance où mon action s’engagera.

BERGSON Le Rire

2005 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Beauté et utilité sont-elles incompatibles ?

2005 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une même affirmation peut-elle être vraie aujourd’hui et fausse demain ?

2005 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Les hommes qui, par profession, jugent et punissent, cherchent à fixer dans chaque cas particulier si un criminel est responsable de son acte, s’il a pu se servir de sa raison, s’il a agi pour obéir à des motifs et non pas inconsciemment ou par contrainte. Si on le punit, c’est d’avoir préféré les mauvaises raisons aux bonnes raisons qu’il devait connaître. Lorsque cette connaissance fait défaut, conformément aux idées dominantes, l’homme n’est pas libre et pas responsable : à moins que son ignorance, par exemple son ignorance de la loi, ne soit la suite d’une négligence intentionnelle de sa part ; c’est donc autrefois déjà, lorsqu’il ne voulait pas apprendre ce qu’il devait, qu’il a préféré les mauvaises raisons aux bonnes et c’est maintenant qu’il pâtit (1) des conséquences de son choix. Si, par contre, il ne s’est pas aperçu des meilleures raisons, par hébétement ou idiotie (2), on n’a pas l’habitude de le punir. On dit alors qu’il ne possédait pas le discernement nécessaire, qu’il a agi comme une bête.

NIETZSCHE

(1) il pâtit des conséquences : il subit les conséquences.

(2) hébétement ou idiotie : deux formes d’incapacité mentale.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et précisez les étapes de son raisonnement.

2° Expliquez :

a) "responsable de son acte" ;

b) "’il a agi pour obéir à des motifs et non pas inconsciemment ou par contrainte" ;

c) "On dit alors qu’il ne possédait pas le discernement nécessaire".

3° L’ignorance nous prive-t-elle de notre liberté ?

2005 L NOUVELLE-CALÉDONIE SECOURS Suffit-il d’être proche d’autrui pour le connaître ?

2005 L NOUVELLE-CALÉDONIE SECOURS Les hommes peuvent-ils changer le cours de l’histoire ?

2005 L NOUVELLE-CALÉDONIE SECOURS On imaginerait facilement d’abord que la connaissance puisse se définir comme "la croyance vraie". Quand ce que nous croyons est vrai, on pourrait supposer que nous avons la connaissance de ce que nous croyons. Mais cela ne s’accorderait pas avec la manière dont le mot est employé communément. Pour prendra un exemple très vulgaire : si un homme croit que le nom du dernier Premier ministre commençait par un B, il croit ce qui est vrai, puisque le dernier Premier ministre était Sir Henry Campbell Bannerman. Mais s’il croit que M. Balfour était le dernier Premier ministre, il croira toujours que le nom du dernier Premier ministre commence par un B, et cependant cette croyance, quoique vraie, ne sera pas estimée constituer une connaissance. Si un journal, par une anticipation intelligente, annonce le résultat d’une bataille avant qu’ait été reçu aucun télégramme donnant le résultat, il peut par chance annoncer ce qui se trouve ensuite être le résultat juste, et produire une croyance chez quelques-uns de ses lecteurs les moins expérimentés. Mais bien que leur croyance soit vraie, on ne peut pas dire qu’ils aient une connaissance. Il est donc clair qu’une croyance vraie n’est pas une connaissance, quand elle est déduite d’une croyance fausse.

De même, une croyance vraie ne peut pas être appelée une connaissance quand elle est déduite, par la voie d’un raisonnement faux, même de prémisses vraies. Si je sais que tous les Grecs sont des hommes et que Socrate était un homme, et que j’en infère que Socrate était un Grec, on ne peut pas dire que je sache que Socrate était un Grec, parce que, bien que mes prémisses et ma conclusion soient vraies, la conclusion ne suit pas des prémisses.

RUSSELL Les Problèmes de la philosophie

2005 ES POLYNÉSIE NORMALE L’art est-il une interprétation du monde ?

2005 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on désirer ce qu’on ne connaît pas ?

2005 ES POLYNÉSIE NORMALE Ne sont aliénables que les biens qui, par nature, sont déjà susceptibles d’être extériorisés. Ainsi je ne puis considérer la personnalité comme une chose qui me soit extérieure, car dans la mesure où quelqu’un s’est démis de sa personnalité, il s’est réduit lui-même à l’état de simple chose. Pareille aliénation serait nulle et non avenue. - Un homme aliènerait sa moralité s’il prenait, par exemple, l’engagement vis-à-vis d’un autre homme d’accomplir sur son ordre tous comportements possibles, tant criminels qu’indifférents. Un tel engagement serait sans force, car il concerne la liberté du vouloir, c’est-à-dire ce dont chacun est pour lui-même responsable. Moraux ou immoraux, les actes sont les comportements propres de celui qui les accomplit, et telle est leur nature que je ne puisse les aliéner. - Je ne puis davantage aliéner ma religion. Si une communauté ou même un individu avait abandonné à un tiers le soin de décider de ce que doit être sa croyance, ce serait là un engagement que chacun pourrait rompre unilatéralement, sans commettre aucune injustice à l’égard de ce tiers, puisque ce que je lui aurais abandonné ne pouvait, en aucun cas, devenir sa propriété.

HEGEL Propédeutique philosophique.

2005 L POLYNÉSIE NORMALE La justice est-elle affaire de morale ?

2005 L POLYNÉSIE NORMALE Le jugement esthétique requiert-il de s’exercer dans la solitude ou dans la compagnie des hommes ?

2005 L POLYNÉSIE NORMALE Mais comment le passé, qui, par hypothèse, a cessé d’être, pourrait-il par lui-même se conserver ? N’y a-t-il pas là une contradiction véritable ? - Nous répondons que la question est précisément de savoir si le passé a cessé d’exister, ou s’il a simplement cessé d’être utile. Vous définissez arbitrairement le présent ce qui est, alors que le présent est simplement ce qui se fait. Rien n’est moins que le moment présent, si vous entendez par là cette limite indivisible qui sépare le passé de l’avenir. Lorsque nous pensons ce présent comme devant être, il n’est pas encore ; et quand nous le pensons comme existant, il est déjà passé. Que si, au contraire, vous considérez le présent concret et réellement vécu par la conscience, on peut dire que ce présent consiste en grande partie dans le passé immédiat. Dans la fraction de seconde que dure la plus courte perception possible de lumière, des trillions de vibrations ont pris place, dont la première est séparée de la dernière par un intervalle énormément divisé. Votre perception, si instantanée soit-elle, consiste donc en une incalculable multitude d’éléments remémorés, et, à vrai dire, toute perception est déjà mémoire. Nous ne percevons, pratiquement, que le passé, le présent pur étant l’insaisissable progrès du passé rongeant l’avenir.

BERGSON Matière et mémoire

2005 S POLYNÉSIE NORMALE Suffit-il de traiter tous les hommes de la même façon pour être juste ?

2005 S POLYNÉSIE NORMALE Connaître la vérité, est-ce découvrir le réel ?

2005 S POLYNÉSIE NORMALE Notre sens de la beauté dépend beaucoup de ce principe : quand un objet a tendance à donner du plaisir à qui le possède, il est toujours regardé comme beau ; de même que celui qui tend à causer de la douleur est désagréable et laid. Ainsi, la commodité d’une maison, la fertilité d’un champ, la puissance d’un cheval ou le bon tonnage, la sécurité et la rapidité d’un vaisseau, constituent les beautés principales de ces différents objets. Ici, l’objet que l’on nomme beau ne plaît que par sa tendance à produire un certain effet. Cet effet est le plaisir, ou le profit, de quelque autre personne. Or, le plaisir d’un étranger pour lequel nous n’avons pas d’amitié nous plaît seulement par sympathie. C’est, par conséquent, à ce principe qu’est due la beauté que nous trouvons à tout ce qui est utile. Il apparaîtra aisément, après réflexion, combien ce principe joue pour une part considérable dans la beauté. A chaque fois qu’un objet tend à donner du plaisir à son possesseur, ou, en d’autres termes, quand il est la cause véritable du plaisir, il est sûr de plaire au spectateur, par une sympathie délicate avec le possesseur. On juge belles la plupart des oeuvres d’art en proportion de leur adaptation à l’usage de l’homme, et même beaucoup des productions de la nature tirent leur beauté de cette source. Dans la plupart des cas, élégant et beau ne sont pas des qualités absolues mais relatives, et ne nous plaisent par rien d’autre que leur tendance à produire une fin qui est agréable.

HUME Traité de la nature humaine.

2005 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE La connaissance de la vérité donne-t-elle du pouvoir ?

2005 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE La technique n’est-elle qu’un moyen ?

2005 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Il est extrêmement rare que les souveraines puissances (1) donnent des ordres d’une extrême absurdité, car, dans leur propre intérêt et afin de conserver leur pouvoir, il leur importe avant tout de veiller au bien général et de fonder leur gouvernement sur des critères raisonnables. Comme le dit Sénèque (2), nul n’a été en mesure de poursuivre bien longtemps un règne par trop violent, Dans un régime démocratique, tout particulièrement, les décisions absurdes ne sont pas fort à redouter : il est presque impossible que la majorité des hommes, au sein d’un groupe un peu considérable, se mette d’accord sur une absurdité. En second lieu, on sait que le but et le principe de l’organisation en société consistent à soustraire les hommes au règne absurde de la convoitise, et les faire avancer - autant que possible - sur la voie de la raison, de sorte que leur vie s’écoule dans la concorde et la paix. Aussitôt donc que ce principe cesserait d’être mis en oeuvre, tout l’édifice s’écroulerait.

SPINOZA

(1) souveraines puissances : les autorités politiques

(2)Sénèque : philosophe de l’Antiquité

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de l’auteur et les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez :

a) "dans leur propre intérêt et afin de conserver leur pouvoir, il leur importe avant tout de veiller au bien général".

b) " Dans un régime démocratique, tout particulièrement, les décisions absurdes ne sont pas fort à redouter " ;

c) "règne absurde de la convoitise".

3° Le but de l’organisation en société est-il de faire avancer les hommes sur la voie de la raison ?

2005 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT La technique nous impose-t-elle une conception du monde ?

2005 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on ne pas être l’auteur de ses pensées ?

2005 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’objet de la vie humaine est la félicité de l’homme. Mais qui de nous sait comment on y parvient ? Sans principe, sans but assuré, nous errons de désirs en désirs et ceux que nous venons à bout de satisfaire nous laissent aussi loin du bonheur qu’avant d’avoir rien obtenu. Nous n’avons de règle invariable, ni dans la raison qui manque de soutien, de prise et de consistance, ni dans les passions qui se succèdent et s’entredétruisent incessamment. Victimes de l’aveugle inconstance de nos coeurs, la jouissance des biens désirés ne fait que nous préparer des privations et des peines, tout ce que nous possédons ne sert qu’à nous montrer ce qui nous manque et faute de savoir comment il faut vivre, nous mourons tous sans avoir vécu. S’il est quelque moyen possible de se délivrer de ce doute affreux, c’est de l’étendre pour un temps au delà des bornes naturelles, de se défier de tous ses penchants, de s’étudier soi-même, de porter au fond de son âme le flambeau de la vérité, d’examiner une fois tout ce qu’on pense, tout ce qu’on croit, tout ce qu’on sent et tout ce qu’on doit penser, sentir et croire pour être heureux autant que le permet la condition humaine.

ROUSSEAU Lettres morales.

2005 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Suffit-il de suivre sa conscience pour être dans son droit ?

2005 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT La souffrance est-elle au coeur de l’existence ?

2005 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT En ce qui concerne tout d’abord le pouvoir général de création artistique, on doit, une fois ce pouvoir admis, voir dans l’imagination la faculté artistique la plus importante. On doit cependant se garder de confondre l’imagination créatrice avec imagination purement passive. Nous donnerons à l’imagination créatrice le nom de fantaisie. (...)

La fantaisie ne s’en tient pas à la simple appréhension de la réalité extérieure et intérieure, car l’oeuvre d’art n’est pas seulement une révélation de l’esprit s’incarnant dans des formes extérieures, mais ce qu’elle doit exprimer avant tout, c’est la vérité et la rationalité du réel représenté. Cette rationalité du sujet choisi par l’artiste ne doit pas seulement être présente dans sa conscience et le stimuler, mais il doit, à force de réflexion, en avoir entrevu le fond de vérité et le caractère essentiel. Car sans la réflexion, l’homme ne peut avoir conscience de ce qui se passe en lui, et ce qui nous frappe justement dans une grande oeuvre d’art, c’est le fait, facile à constater, que son sujet a été longuement médité et n’a été réalisé qu’après avoir été retourné sur toutes ses faces et examiné mentalement sous tous ses aspects. Une fantaisie légère ne produit jamais une oeuvre durable.

HEGEL Esthétique.

2005 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Obéir aux lois, est-ce perdre sa liberté ?

2005 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art peut-il être un moyen d’accéder à la vérité ?

2005 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il y a chez les hommes bien de la difficulté, bien de l’embarras quand il s’agit des choses extérieures. "Que vais-je faire ? Que peut-il advenir ? Quelle sera l’issue ? Pourvu que telle ou telle chose ne se rencontre !" Tous ces mots sont ceux de gens qui s’attachent aux choses indépendantes de la volonté. Quel homme dit en effet : "Comment faire pour ne pas donner mon assentiment (1) à l’erreur ? pour ne pas me détourner de la vérité ?" S’il est assez doué pour s’inquiéter de pareilles choses, je l’avertirai : "Pourquoi t’inquiéter ? Cela dépend de toi ; sois en sécurité ; ne te hâte pas de donner ton assentiment avant d’appliquer la règle naturelle." S’il s’inquiète que ses désirs ne soient pas satisfaits et soient mis en échec, que ses aversions le fassent tomber sur l’objet détesté, d’abord je l’embrasserai parce qu’il a laissé de côté tout ce qui effraye les autres et toutes leurs craintes pour s’occuper de son activité propre, dans la région même où est son moi lui-même. Puis je lui dirai : "si tu ne veux pas échouer dans tes désirs ni tomber sur ce que tu détestes, ne désire rien qui te soit étranger, ne cherche à éviter rien de ce qui ne dépend pas de toi. Sinon tu dois échouer et tomber sur les objets détestés". Quelle difficulté là-dedans ? Où y a-t-il place pour ces phrases : "Que va-t-il survenir ? Quelle issue cela aura-t-il ? Pourvu que je ne rencontre pas ceci ou cela !" ?

ÉPICTÈTE Entretiens

2005 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT La technique ôte-t-elle à l’homme sa responsabilité ?

2005 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art doit-il suivre la nature ?

2005 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les Ministres (1) non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.

ROUSSEAU

(1) Ministres : serviteurs

QUESTIONS

1° Dégagez la thèse et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez

a) "dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous" ;

b) "il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi" ;

3° Peut-on obéir tout en restant libre ?

2005 L POLYNÉSIE SECOURS L’intérêt est-il l’unique lien social ?

2005 L POLYNÉSIE SECOURS Peut-on être méchant et libre ?

2005 L POLYNÉSIE SECOURS L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire, du peuple, c’est l’exigence de son bonheur réel. Exiger de renoncer aux illusions relatives à son état, c’est exiger de renoncer à une situation qui a besoin de l’illusion. La critique de la religion est donc en germe la critique de la vallée de larmes dont l’auréole est la religion.

La critique a arraché les fleurs imaginaires de la chaîne, non pour que l’homme porte sa chaîne sans consolation et sans fantaisie, mais pour qu’il rejette la chaîne et cueille la fleur vivante. La critique de la religion désillusionne l’homme afin qu’il réfléchisse, qu’il agisse, qu’il élabore sa réalité, comme le fait un homme désillusionné, devenu raisonnable, afin qu’il gravite autour de son véritable soleil, La religion n’est que le soleil illusoire qui se meut autour de l’homme tant que ce dernier ne se meut pas autour de soi-même.

C’est donc la tâche de l’histoire d’établir la vérité de l’ici-bas, après qu’a disparu l’au-delà de la vérité. C’est en premier lieu la tâche de la philosophie, qui est au service de l’histoire, de démasquer l’aliénation dans ses formes non sacrées, une fois démasquée la forme sacrée de l’aliénation humaine. La critique du ciel se transforme ainsi en critique de la terre.

MARX Introduction à la Critique de la philosophie du Droit de Hegel.

2006 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ce qui est vrai est-il toujours vérifiable ?

2006 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-il vrai que l’ignorant n’est pas libre ?

2006 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une oeuvre d’art nous fait-elle rencontrer le réel ?

2006 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE En transformant la matière, l’homme forme-t-il son esprit ?

2006 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les hommes prétendent que, par nature, Il est bon de commettre l’injustice et mauvais de la souffrir, mais qu’il y a plus de mal à la souffrir que de bien à la commettre. Aussi, lorsque mutuellement ils la commettent et la subissent, et qu’ils goûtent des deux états, ceux qui ne peuvent point éviter l’un ni choisir l’autre estiment utile de s’entendre pour ne plus commettre ni subir l’injustice. De là prirent naissance les lois et les conventions, et l’on appela ce que prescrivait la loi légitime et juste. Voilà l’origine et l’essence de la justice : elle tient le milieu entre le plus grand bien - commettre impunément l’injustice - et le plus grand mal - la subir quand on est incapable de se venger. Entre ces deux extrêmes, la justice est aimée non comme un bien en soi, mais parce que l’impuissance de commettre l’injustice lui donne du prix. En effet, celui qui peut pratiquer cette dernière ne s’entendra jamais avec personne pour s’abstenir de la commettre ou de la subir, car il serait fou. Telle est donc, Socrate, la nature de la justice et telle est son origine, selon l’opinion commune.

PLATON La République

2006 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE J’existe, et j’ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la première vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d’acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu’il m’est, quant à présent, impossible de résoudre. Car, étant continuellement affecté de sensations, ou immédiatement, ou par la mémoire, comment puis-je savoir si le sentiment du moi est quelque chose hors de ces mêmes sensations, et s’il peut être indépendant d’elles ?

Mes sensations se passent en moi, puisqu’elles me font sentir mon existence ; mais leur cause m’est étrangère, puisqu’elles m’affectent malgré que j’en aie, et qu’il ne dépend de moi ni de les produire ni de les anéantir. Je conçois donc clairement que ma sensation qui est en moi, et sa cause ou son objet qui est hors de moi, ne sont pas la même chose.

Ainsi, non seulement j’existe, mais il existe d’autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; et quand ces objets ne seraient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi.

Or, tout ce que je sens hors de moi et qui agit sur mes sens, je l’appelle matière (...).

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation.

2006 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La raison entre-t-elle nécessairement en conflit avec la religion ?

2006 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on démontrer qu’une oeuvre d’art est belle ?

2006 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ce qui fait la difficulté, c’est que l’équitable tout en étant juste, n’est pas le juste légal, le juste suivant la loi ; mais il est une heureuse rectification de la justice rigoureusement légale, La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèce pour lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’y applique avec rectitude. Dans les matières donc où on doit nécessairement se borner à des généralités et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer d’ailleurs les erreurs que cela peut entraîner. La loi n’en est pas moins bonne pour cela ; car la faute ici n’est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque c’est la matière même de l’action qui revêt essentiellement ce caractère d’irrégularité. Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de prévoir le cas et s’est trompé par excès de simplification, de corriger l’omission et de se faire l’interprète de ce qu’eût dit le législateur lui-même s’il avait été présent à ce moment, et de ce qu’il aurait porté dans sa loi s’il avait pu connaître le cas en question.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque

2006 ES ANTILLES NORMALE Peut-il y avoir des lois de l’histoire ?

2006 ES ANTILLES NORMALE Agir par devoir, est-ce nécessairement bien agir ?

2006 ES ANTILLES NORMALE De ce qu’un animal a pu apprendre au cours de son existence individuelle, presque rien ne peut lui survivre. Au contraire, les résultats de l’expérience humaine se conservent presque intégralement et jusque dans le détail, grâce aux livres, aux monuments figurés, aux outils, aux instruments de toute sorte qui se transmettent de génération en génération, à la tradition orale, etc. Le sol de la nature se recouvre ainsi d’une riche alluvion qui va sans cesse en croissant. Au lieu de se dissiper toutes les fois qu’une génération s’éteint ou est remplacée par une autre, la sagesse humaine s’accumule sans terme, et c’et cette accumulation indéfinie qui élève l’homme au-dessus de la bête et au-dessus de lui-même. Mais, tout comme la coopération dont il était d’abord question, cette accumulation n’est possible que dans et par la société. Car pour que le legs de chaque génération puisse être conservé et ajouté aux autres, il faut qu’il y ait une personnalité morale qui dure par-dessus les générations qui passent, qui les relie les unes aux autres : c’est la société. Ainsi, l’antagonisme qui l’on a trop souvent admis entre la société et l’individu ne correspond à rien dans les faits. Bien loin que ces deux termes s’opposent et ne puissent se développer qu’en sens inverse l’un de l’autre, ils s’impliquent. L’individu, en voulant la société, se veut lui-même. L’action qu’elle exerce sur lui, par la voie de l’éducation notamment, n’a nullement pour objet et pour effet de le comprimer, de le diminuer, de le dénaturer, mais, au contraire, de le grandir, et d’en faire un être vraiment humain.

DURKHEIM Éducation et sociologie.

2006 L ANTILLES NORMALE L’ignorant peut-il être libre ?

2006 L ANTILLES NORMALE L’exigence morale est-elle un obstacle à la poursuite du bonheur ?

2006 L ANTILLES NORMALE Dans la perception j’observe les objets. II faut entendre par là que l’objet, quoiqu’il entre tout entier dans ma perception, ne m’est jamais donné que d’un côté à la fois. On connaît l’exemple du cube : je ne puis savoir que c’est un cube tant que je n’ai pas appréhendé ses six faces ; je puis à la rigueur en voir trois à la fois, mais jamais plus. II faut donc que je les appréhende successivement. Et lorsque je passe, par exemple, de l’appréhension des faces ABC à celle des faces BCD, il reste toujours une possibilité pour que la face A se soit anéantie durant mon changement de position. L’existence du cube demeurera donc douteuse. En même temps, nous devons remarquer que lorsque je vois trois faces du cube à la fois, ces trois faces ne se présentent jamais à moi comme des carrés : leurs lignes s’aplatissent, leurs angles deviennent obtus, et je dois reconstituer leur nature de carrés à partir des apparences de ma perception.

On doit apprendre les objets, c’est-à-dire multiplier sur eux les points de vue possibles. L’objet lui-même est la synthèse de toutes ces apparitions. Lorsque, par contre, je pense au cube par un concept, je pense ses six côtés et ses huit angles à la fois ; je pense que ses angles sont droits, ses côtés carrés. Je suis au centre de mon idée, je la saisis tout entière d’un coup. Cela ne veut naturellement pas dire que mon idée n’ait pas besoin de se compléter par un progrès infini. Mais je puis penser les essences en un seul acte de conscience ; je n’ai pas à rétablir d’apparences, je n’ai pas d’apprentissage à faire. Telle est sans doute la différence la plus nette entre la pensée et la perception.

SARTRE L’Imaginaire

2006 S ANTILLES NORMALE La matière est-elle plus facile à connaître que l’esprit ?

2006 S ANTILLES NORMALE Le développement technique est-il une menace pour la liberté ?

2006 S ANTILLES NORMALE Parce que la constitution du corps humain est en mutation permanente, il est impossible que toutes les mêmes choses doivent toujours causer en lui les mêmes appétits et aversions. Les hommes peuvent encore moins accorder leur désir au sujet d’un même objet, quel qu’il soit.

Mais, quel que soit l’objet de l’appétit ou du désir que l’on éprouve, c’est cet objet qu’on appelle bon ; et l’objet de notre haine et de notre aversion est ce qu’on appelle mauvais ; l’objet de notre mépris, on le dit abject et méprisable. En effet, l’usage des mots bon, mauvais, méprisable est toujours relatif à la personne qui les emploie ; il n’y a rien qui soit simplement et absolument tel, pas plus qu’il n’existe des règles du bon et du mauvais extraites de la nature des objets eux-mêmes ; ces règles proviennent de la personne (là où l’État n’existe pas) ou de celle qui la représente (quand l’État existe), ou d’un arbitre, ou juge, que ceux qui sont en désaccord établissent en faisant de sa sentence la norme du bon et du mauvais.

HOBBES Léviathan

2006 STI AA ANTILLES NORMALE Peut-on vouloir ne pas être libre ?

2006 STI AA ANTILLES NORMALE L’oeuvre d’art instruit-elle ?

2006 STI AA ANTILLES NORMALE L’esprit possède une puissance d’autant plus grande de former des fictions qu’il comprend moins et perçoit plus ; et plus il comprend, plus cette puissance diminue. De même que, par exemple, (...) nous ne pouvons pas tant que nous pensons, former la fiction que nous pensons et ne pensons pas, de même nous ne pouvons pas, après avoir compris la nature du corps, former la fiction d’une mouche infinie ; ou bien, après avoir compris la nature de l’âme, nous ne pouvons pas former la fiction qu’elle est carrée, bien que nous puissions énoncer tout cela en paroles. Mais (...) les hommes peuvent former des fictions d’autant plus facilement et en nombre d’autant plus grand qu’ils connaissent moins la Nature ; comme, par exemple, que des arbres parlent, que des hommes se changent brusquement en pierres ou en sources, que des spectres apparaissent dans les miroirs, que le rien devienne quelque chose et même que des dieux se transforment en bêtes et en hommes, ainsi qu’une infinité de choses de ce genre.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et montrez comment l’auteur l’établit.

a) Expliquez : "plus il comprend, plus cette puissance diminue"

b) Analysez les exemples de fictions que donne Spinoza et montrez en quoi il s’agit de fictions.

3° N’imagine-t-on que parce que l’on ignore ?

2006 TECHN. ANTILLES NORMALE Ai-je intérêt à la liberté d’autrui ?

2006 TECHN. ANTILLES NORMALE Faut-il prendre la nature pour modèle ?

2006 TECHN. ANTILLES NORMALE Les sens, quoique nécessaires pour toutes nos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les donner toutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c’est-à-dire des vérités particulières ou individuelles. Or tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu’ils soient, ne suffisent pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit pas que ce qui est arrivé arrivera toujours de même. Par exemple, les Grecs et Romains et tous les autres peuples de la terre connue des anciens ont toujours remarqué qu’avant le décours (1) de 24 heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour. Mais on se serait trompé, si l’on avait cru que la même règle s’observe partout ailleurs, puisque depuis on a expérimenté le contraire dans le séjour de Nova Zembla (2). Et celui-là se tromperait encore, qui croirait que, dans nos climats au moins, c’est une vérité nécessaire et éternelle qui durera toujours, puisqu’on doit juger que la terre et le soleil même n’existent pas nécessairement, et qu’il y aura peut-être un temps où ce bel astre ne sera plus, au moins dans sa présente forme, ni tout son système. D’où il paraît que les vérités nécessaires, telles qu’on les trouve dans les mathématiques pures et particulièrement dans l’arithmétique et dans la géométrie, doivent avoir des principes dont la preuve ne dépende point des exemples, ni par conséquence du témoignage des sens.

LEIBNIZ

(1) ici : l’écoulement

(2) Archipel de l’océan glacial arctique.

QUESTIONS

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de l’argumentation

2° Expliquez :

a) "les sens ne donnent jamais que des exemples, c’est-à-dire des vérités particulières ou individuelles" ;

b) "on se serait trompé, si l’on avait cru que la même règle s’observe partout ailleurs" ;

c) "les vérités nécessaires".

3° L’expérience suffit-elle pour établir une vérité ?

2006 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art peut-il être populaire ?

2006 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le droit doit-il refléter l’évolution des moeurs ou la précéder ?

2006 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le langage n’est pas seulement le revêtement extérieur de la pensée ; c’en est l’armature interne. Il ne se borne pas à la traduire au-dehors une fois qu’elle est formée ; il sert à la faire. Cependant, il a une nature qui lui est propre, et, par suite, des lois qui ne sont pas celles de la pensée. Puisque donc il contribue à l’élaborer, il ne peut manquer de lui faire violence en quelque mesure et de la déformer (...).

Penser, en effet, c’est ordonner nos idées ; c’est, par conséquent, classer. Penser le feu, par exemple, c’est le ranger dans telle ou telle catégorie de choses, de manière à pouvoir dire qu’il est ceci ou cela, ceci et non cela. Mais, d’un autre côté, classer, c’est nommer ; car une idée générale n’a d’existence et de réalité que dans et par le mot qui l’exprime et qui fait, à lui seul, son individualité. Aussi la langue d’un peuple a-t-elle toujours une influence sur la façon dont sont classées dans les esprits et, par conséquent, pensées les choses nouvelles qu’il apprend à connaître ; car elles sont tenues de s’adapter aux cadres préexistants. Pour cette raison, la langue que parlaient les hommes, quand ils entreprirent de se faire une représentation élaborée de l’univers, marqua le système d’idées qui prit alors naissance d’une empreinte ineffaçable.

DURKHEIM Les Formes élémentaires de la vie religieuse

2006 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Tous nos désirs sont-ils personnels ?

2006 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Que reste-t-il du passé ?

2006 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il progrès dans la culture ?

2006 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La conformité au réel est-elle la marque de la vérité ?

2006 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Avec le dialogue se manifeste l’importance politique de l’amitié, et de son humanité propre. Le dialogue (à la différence des conversations intimes où les âmes individuelles parlent d’elles-mêmes), si imprégné qu’il puisse être du plaisir pris à la présence de l’ami, se soucie du monde commun, qui reste "inhumain" en un sens très littéral, tant que des hommes n’en débattent pas constamment. Car le monde n’est pas humain pour avoir été fait par des hommes, et il ne devient pas humain parce que la voix humaine y résonne, mais seulement lorsqu’il est devenu objet de dialogue. Quelque intensément que les choses du monde nous affectent, quelque profondément qu’elles puissent nous émouvoir et nous stimuler, elles ne deviennent humaines pour nous qu’au moment où nous pouvons en débattre avec nos semblables. Tout ce qui ne peut devenir objet de dialogue peut bien être sublime, horrible ou mystérieux, voire trouver voix humaine à travers laquelle résonner dans le monde, mais ce n’est pas vraiment humain. Nous humanisons ce qui se passe dans le monde en nous en parlant, et dans ce parler, nous apprenons à être humains.

ARENDT Vies politiques

2006 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les lois qu’elle édicte, et qui maintiennent l’ordre social, ressemblent (...) par certains côtés aux lois de la nature. Je veux bien que la différence soit radicale aux yeux du philosophe. Autre chose, dit-il, est la loi qui constate, autre chose celle qui ordonne. A celle-ci l’on peut se soustraire ; elle oblige, mais ne nécessite pas. Celle-là est au contraire inéluctable, car si quelque fait s’écartait d’elle, c’est à tort qu’elle aurait été prise pour une loi ; il y en aurait une autre qui serait la vraie, qu’on énoncerait de manière à exprimer tout ce qu’on observe, et à laquelle alors le fait réfractaire se conformerait comme les autres. - Sans doute ; mais il s’en faut que la distinction soit aussi nette pour la plupart des hommes. Loi physique, loi sociale ou morale, toute loi est à leurs yeux un commandement. Il y a un certain ordre de la nature, lequel se traduit par des lois : les faits "obéiraient" à ces lois pour se conformer à cet ordre. (...) Mais si la loi physique tend à revêtir pour notre imagination la forme d’un commandement quand elle atteint une certaine généralité, réciproquement un impératif qui s’adresse à tout le monde se présente un peu à nous comme une loi de la nature. Les deux idées se rencontrent dans notre esprit, y font des échanges. La loi prend au commandement ce qu’il a d’impérieux ; le commandement reçoit de la loi ce qu’elle a d’inéluctable. Une infraction à l’ordre social revêt ainsi un caractère antinaturel : même si elle est fréquemment répétée, elle nous fait l’effet d’une exception qui serait à la société ce qu’un monstre est à la nature.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion

2006 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il du travail dans les oeuvres d’art ?

2006 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le réel résiste-t-il à la connaissance ?

2006 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Suffit-il que son intention soit bonne pour qu’une action soit morale ?

2006 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les oeuvres d’art sont-elles éternelles ?

2006 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Si je laisse de côté toute discussion sur les premiers et obscurs commencements du gouvernement (...), je remarque que le fait que le gouvernement soit fondé sur un contrat peut être entendu en un double sens : ou bien, premier cas, plusieurs individus libres, découvrant l’intolérable désagrément d’un état où règne l’anarchie, où chacun agit selon son bon vouloir, ont consenti par un accord mutuel à se soumettre totalement aux décrets d’un pouvoir législatif déterminé, décrets qui, même s’ils peuvent quelquefois s’exercer avec dureté sur les sujets, doivent pourtant à coup sûr se révéler être un gouvernement plus aisé que celui des humeurs violentes et des volonté inconstantes et contradictoires d’une multitude. Et si nous admettons qu’un tel pacte a été le fondement originel du gouvernement civil, cette simple supposition suffit pour qu’on le tienne comme sacré et inviolable.

Ou bien, second cas, on veut dire que les sujets ont passé un contrat avec leurs souverains ou législateurs respectifs pour devoir à leurs lois une soumission, non pas totale, mais conditionnelle et limitée, autrement dit sous la condition que l’observation de ces lois contribue dans la mesure du possible au bien commun ; dans ce cas, les sujets se réservent encore le droit de surveiller les lois et de juger si elles sont aptes ou non à favoriser le bien commun, ils se réservent aussi le droit (au cas où tous ou partie l’estimeraient nécessaire) de résister aux autorités suprêmes et de changer l’organisation totale du gouvernement par la force, ce qui constitue un droit que tous les hommes, qu’il s’agisse d’individus ou de sociétés, possèdent sur ceux qu’ils ont choisis pour les représenter.

BERKELEY De l’Obéissance passive

2006 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Incontestablement, il est possible de vivre sans bonheur, c’est ce que font involontairement les dix-neuf vingtièmes de l’humanité, même dans les parties du monde actuel qui sont le moins plongées dans la barbarie : et c’est ce que sont souvent appelés à faire volontairement le héros ou le martyr, pour l’amour d’un idéal qu’ils placent au-dessus de leur bonheur personnel.

Mais qu’est-ce que cet idéal, sinon le bonheur des autres ou quelques-unes des conditions du bonheur ? C’est une noble chose que d’être capable de renoncer entièrement à sa part de bonheur ou aux chances de l’atteindre ; mais, en fin de compte, il faut bien que ce sacrifice de soi-même soit fait en vue d’une fin : il n’est pas sa fin à lui-même ; et si l’on nous dit que sa fin n’est pas le bonheur, mais la vertu, qui vaut mieux que le bonheur, je demande alors ceci : le héros ou le martyr accompliraient-il ce sacrifice s’ils ne croyaient pas qu’il dût épargner à d’autres des sacrifices du même genre ? L’accompliraient-ils s’ils pensaient que leur renonciation au bonheur pour eux-mêmes ne dût avoir d’autre résultat pour leurs semblables que de leur faire partager le même sort et de les placer eux aussi dans la condition de gens qui ont renoncé au bonheur ? Honneur à ceux qui sont capables de renoncer pour eux-mêmes aux jouissances personnelles que donne la vie, quand ils contribuent précieusement par un tel renoncement à accroître la somme du bonheur dans le monde !

MILL L’Utilitarisme

2006 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La raison s’oppose-t-elle à toute forme de croyance ?

2006 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art nous rend-il meilleurs ?

2006 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il ne paraît pas qu’on puisse amener l’homme par quelque moyen que ce soit à troquer sa nature contre celle d’un termite (1) ; il sera toujours enclin à défendre son droit à la liberté individuelle contre la volonté de la masse. Un bon nombre de luttes au sein de l’humanité se livrent et se concentrent autour d’une tâche unique : trouver un équilibre approprié, donc de nature à assurer le bonheur de tous, entre ces revendications de l’individu et les exigences culturelles de la collectivité. Et c’est l’un des problèmes dont dépend le destin de l’humanité que de savoir si cet équilibre est réalisable au moyen d’une certaine forme de civilisation, ou bien si au contraire ce conflit est insoluble.

FREUD

(1) Termite : insecte vivant dans un groupe où son rôle est déterminé naturellement.

QUESTIONS :

1° Dégagez le problème soulevé par l’auteur dans le texte.

a) Expliquez : "il sera toujours enclin à défendre son droit à la liberté individuelle contre la volonté de la masse" (lignes 2 et 3)

b) Expliquez : "les exigences culturelles de la collectivité" (ligne 6)

3° Un homme seul peut-il être un homme libre ?

2006 ES ÉTRANGER GROUPE 1 SECOURS Pourrait-on désirer si rien n’était interdit ?

2006 ES ÉTRANGER GROUPE 1 SECOURS La politique peut-elle être un métier ?

2006 ES ÉTRANGER GROUPE 1 SECOURS Cet art que j’appelle l’art de persuader, et qui n’est proprement que la conduite des preuves méthodiques parfaites consiste en trois parties essentielles : à définir les termes dont on doit se servir par des définitions claires ; à proposer des principes ou axiomes évidents pour prouver la chose dont il s’agit ; et à substituer toujours mentalement dans la démonstration les définitions à la place des définis.

Et la raison de cette méthode est évidente, puisqu’il serait inutile de proposer ce qu’on peut prouver et d’en entreprendre la démonstration, si on n’avait auparavant défini clairement tous les termes qui ne sont pas intelligibles ; et qu’il faut de même que la démonstration soit précédée de la demande des principes évidents qui y sont nécessaires, car si on n’assure le fondement on ne peut assurer l’édifice ; et qu’il faut enfin en démontrant substituer mentalement la définition à la place des définis, puisque autrement on pourrait abuser des divers sens qui se rencontrent dans les termes. Il est facile de voir qu’en observant cette méthode on est sûr de convaincre, puisque, les termes étant tous entendus et parfaitement exempts d’équivoques par les définitions, et les principes étant accordés, si dans la démonstration on substitue toujours mentalement les définitions à la place des définis, la force invincible des conséquences ne peut manquer d’avoir tout son effet.

Aussi jamais une démonstration dans laquelle ces circonstances sont gardées n’a pu recevoir le moindre doute ; et jamais celles où elles manquent ne peuvent avoir d’effet de force.

PASCAL De l’Art de persuader.

2006 ES INDE NORMALE L’esprit dépend-il de la matière ?

2006 ES INDE NORMALE Peut-on reprocher à une oeuvre d’art d’être immorale ?

2006 ES INDE NORMALE Il faut reconnaître que l’égalité, qui introduit de grands biens dans le monde, suggère cependant aux hommes des instincts fort dangereux ; elle tend à les isoler les uns des autres, pour porter chacun d’eux à ne s’occuper que de lui seul.

Elle ouvre démesurément leur âme à l’amour des jouissances matérielles.

Le plus grand avantage des religions est d’inspirer des instincts tout contraires. Il n’y a point de religion qui ne place l’objet des désirs de l’homme au-delà et au-dessus des biens de la terre, et qui n’élève naturellement son âme vers des régions fort supérieures à celles des sens. Il n’y en a point non plus qui n’impose à chacun des devoirs quelconques envers l’espèce humaine, ou en commun avec elle, et qui ne le tire ainsi, de temps à autre, de la contemplation de lui-même. Ceci se rencontre dans les religions les plus fausses et les plus dangereuses.

Les peuples religieux sont donc naturellement forts précisément à l’endroit où les peuples démocratiques sont faibles ; ce qui fait bien voir de quelle importance il est que les hommes gardent leur religion en devenant égaux.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2006 L INDE NORMALE Est-il nécessaire de parler pour être compris ?

2006 L INDE NORMALE Le futur n’existe-t-il que dans notre pensée ?

2006 L INDE NORMALE La morale ne contient aucune affirmation, vraie ou fausse, mais se compose de désirs d’un certain genre, à savoir de ceux qui ont trait aux désirs de l’humanité en général. (...) Si deux personnes sont en désaccord sur une question de valeur, ce désaccord ne porte sur aucune espèce de vérité, mais n’est qu’une différence de goûts. Si une personne dit : "J’aime les huîtres" et une autre : "Moi, je ne les aime pas", nous reconnaissons qu’il n’y a pas matière à discussion. (...) Tous les désaccords sur des questions de valeurs sont de cette sorte, bien que nous ne le pensions naturellement pas quand il s’agit de questions qui nous paraissent plus importantes que les huîtres. Le principal motif d’adopter ce point de vue est l’impossibilité complète de trouver des arguments prouvant que telle ou telle chose a une valeur intrinsèque. Si nous étions tous d’accord, nous pourrions dire que nous connaissons les valeurs par intuition. Nous ne pouvons pas démontrer à un daltonien que l’herbe est verte et non rouge. Mais il existe divers moyens de lui démontrer qu’il lui manque une faculté de discernement que la plupart des gens possèdent, tandis que, dans le cas des valeurs, il n’existe aucun moyen de ce genre, et les désaccords sont beaucoup plus fréquents que dans le cas des couleurs. Étant donné qu’on ne peut pas même imaginer un moyen de régler un différend sur une question de valeur, nous sommes forcés de conclure qu’il s’agit d’une affaire de goût, et non de vérité objective.

RUSSELL Science et religion

2006 S INDE NORMALE N’y a-t-il de démonstrations que scientifiques ?

2006 S INDE NORMALE Une communauté politique n’est-elle qu’une communauté d’intérêts ?

2006 S INDE NORMALE Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe.

Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l’étude de la morale, nous avons à moindre frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines. Mais ce n’est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S’il parle à tous les coeurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l’entendent ? Eh ! c’est qu’il nous parle la langue de la nature, que tout nous a fait oublier.

ROUSSEAU Émile

2006 TECHN. INDE NORMALE La liberté est-elle une illusion ?

2006 TECHN. INDE NORMALE Admettre la relativité des vérités conduit-il à renoncer à toute idée de vérité ?

2006 TECHN. INDE NORMALE Dans des milliers d’années, quand le recul du passé n’en laissera plus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de chose, à supposer qu’on s’en souvienne encore ; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée ; elle servira à définir un âge. Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l’histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l’homme et de l’intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens (1), mais Homo faber (2). En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication.

BERGSON L’Évolution créatrice.

(1) homo sapiens : l’homme comme être capable de science.

(2) homo faber : l’homme comme être capable de fabriquer des outils.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte ; comment l’auteur la justifie-t-il ?

a) Expliquez pourquoi les générations futures se souviendront probablement davantage des inventions techniques que de "nos guerres et nos révolutions". Pour répondre à cette question vous préciserez ce qui distingue une invention technique et un événement politique.

b) Expliquez pourquoi l’auteur considère l’invention technique comme la "démarche originelle" de l’intelligence humaine.

3° Expliquez pourquoi l’orgueil nous pousse à nous définir comme homo sapiens plutôt que comme homo faber.

4° L’intelligence de l’homme se réduit-elle à sa dimension technique ?

2006 ES JAPON NORMALE Y a-t-il lieu d’opposer matière et esprit ?

2006 ES JAPON NORMALE Peut-on soutenir que la vérité n’existe pas ?

2006 ES JAPON NORMALE Des chaînes et des bourreaux, ce sont là les instruments grossiers qu’employait jadis la tyrannie ; mais de nos jours la civilisation a perfectionné jusqu’au despotisme lui-même, qui semblait pourtant n’avoir plus rien à apprendre.

Les princes avaient pour ainsi dire matérialisé la violence ; les républiques démocratiques de nos jours l’ont rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu’elle veut contraindre. Sous le gouvernement absolu d’un seul, le despotisme, pour arriver à l’âme, frappait grossièrement le corps ; et l’âme, échappant à ces coups, s’élevait glorieusement au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques, ce n’est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l’âme. Le maître n’y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il dit : Vous êtes libres de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles ; car si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l’accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime, ils feindront encore de vous la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l’humanité. Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur ; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là mêmes vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort.

Les monarchies absolues avaient déshonoré le despotisme ; prenons garde que les républiques démocratiques ne le réhabilitent, et qu’en le rendant plus lourd pour quelques-uns, elles ne lui ôtent, aux yeux du plus grand nombre, son aspect odieux et son caractère avilissant.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique.

2006 L JAPON NORMALE S’opposer à l’autorité est-ce toujours une marque de liberté ?

2006 L JAPON NORMALE Une oeuvre d’art n’est-elle qu’un objet ?

2006 L JAPON NORMALE La seule raison de croire en la permanence des lois du mouvement réside dans le fait que les phénomènes leur ont obéi jusqu’à présent, pour autant que notre connaissance du passé nous permette d’en juger. Certes l’ensemble de preuves que constitue le passé en faveur des lois du mouvement est plus important que celui en faveur du prochain lever de soleil, dans la mesure où le lever du soleil n’est qu’un cas particulier d’application des lois du mouvement, à côté de tant d’autres. Mais la vraie question est celle-ci : est-ce qu’un nombre quelconque de cas passés conformes à une loi constitue une preuve que la loi s’appliquera à l’avenir ? Si la réponse est non, notre attente que le soleil se lèvera demain, que le pain au prochain repas ne nous empoisonnera pas, se révèle sans fondement ; et de même pour toutes les attentes à peine conscientes qui règlent notre vie quotidienne. Il faut remarquer que ces prévisions sont seulement probables ; ce n’est donc pas une preuve qu’elles doivent être confirmées, que nous avons à rechercher, mais seulement une raison de penser qu’il est vraisemblable qu’elles soient confirmées.

RUSSELL Problèmes de philosophie

2006 ES LA RÉUNION NORMALE Ce qui n’est pas matériel peut-il être réel ?

2006 ES LA RÉUNION NORMALE En morale, y a-t-il des certitudes ?

2006 ES LA RÉUNION NORMALE S’il était aussi facile de commander aux esprits qu’aux langues, tout souverain règnerait sans danger et aucun pouvoir politique n’aurait besoin de violence : en effet, chacun vivrait selon le bon plaisir des gouvernants et jugerait selon leur seul décret de ce qui est vrai ou faux, bien ou mal, juste ou injuste. Mais (...) il ne peut bien entendu se faire que l’esprit d’un homme soit entièrement dépendant d’un autre ; en effet, personne ne peut, de gré ou de force, transférer à un autre son droit naturel, c’est-à-dire sa faculté de raisonner librement et de juger de toutes choses. On peut donc tenir pour violent ce gouvernement qui domine les esprits, et affirmer qu’une majesté souveraine comment à l’égard de ses sujets une injustice, et usurpe leur droit, lorsqu’elle veut prescrire à chacun ce qu’il faut admettre comme vrai ou rejeter comme faux, et aussi quelles opinions doivent pousser chacun à la dévotion envers Dieu. Car ces croyances sont du droit de chacun, un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir.

SPINOZA Traité théologico-politique

2006 L LA RÉUNION NORMALE Vivre et exister, est-ce la même chose ?

2006 L LA RÉUNION NORMALE Pourquoi chercher le sens de l’histoire ?

2006 L LA RÉUNION NORMALE Quand je perçois, je ne pense pas le monde, il s’organise devant moi. Quand je perçois un cube, ce n’est pas que ma raison redresse les apparences perspectives et pense à propos d’elles la définition géométrique du cube. Loin que je les corrige, je ne remarque pas même les déformations perspectives, à travers ce que je vois, je suis au cube lui-même dans son évidence. Et de même les objets derrière mon dos ne me sont pas représentés par quelque opération de la mémoire ou du jugement, ils me sont présents, ils comptent pour moi, comme le fond que je ne vois pas n’en continue pas moins d’être présent sous la figure qui le masque en partie. Même la perception du mouvement, qui d’abord paraît dépendre directement du point de repère que l’intelligence choisit, n’est à son tour qu’un élément dans l’organisation globale du champ. Car s’il est vrai que mon train et le train voisin peuvent tour à tour m’apparaître en mouvement au moment où l’un d’eux démarre, il faut remarquer que l’illusion n’est pas arbitraire ou que je ne puis la provoquer à volonté par le choix tout intellectuel et désintéressé d’un point de repère. Si je joue aux cartes dans mon compartiment, c’est le train voisin qui démarre. Si, au contraire, je cherche des yeux quelqu’un dans le train voisin, c’est alors le mien qui démarre. A chaque fois nous apparaît fixe celui des deux où nous avons élu domicile et qui est notre milieu du moment. Le mouvement et le repos se distribuent pour nous dans notre entourage, non pas selon les hypothèses qu’il plaît à notre intelligence de construire, mais selon la manière dont nous nous fixons dans le monde, et selon la situation que notre corps y assume. (...) La perception n’est pas une sorte de science commençante, et un premier exercice de l’intelligence, il nous faut retrouver un commerce avec le monde et une présence au monde plus vieux que l’intelligence.

MERLEAU-PONTY Sens et non-sens

2006 S LA RÉUNION NORMALE La technique doit-elle nous libérer du travail ?

2006 S LA RÉUNION NORMALE La raison a-t-elle des limites ?

2006 S LA RÉUNION NORMALE Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon des lois, sinon rien ne permet de les distinguer des bêtes les plus sauvages à tous égards. La raison en est la suivante : aucun être humain ne possède, en vertu de sa nature, le don de connaître ce qui est le plus profitable aux hommes en tant que citoyens ; et même s’il le connaissait, il ne serait pas toujours en mesure de vouloir et de faire le meilleur. Tout d’abord, il est difficile de reconnaître que le véritable art politique doit se soucier non de l’intérêt particulier, mais de l’intérêt général, car l’intérêt général apporte aux cités une cohésion que l’intérêt particulier fait voler en éclats ; difficile aussi de reconnaître que la consolidation de l’intérêt commun au détriment de l’intérêt particulier profite à la fois à l’intérêt commun et à l’intérêt particulier, à l’un et à l’autre indissociablement. En second lieu, supposons un homme suffisamment avancé dans cet art pour savoir qu’il en est ainsi en vertu d’une nécessité naturelle ; supposons, en outre, que cet homme règne sur la cité sans avoir à lui rendre de compte, en maître absolu ; même en ce cas, il ne pourrait jamais demeurer inébranlable dans ses convictions, c’est-à-dire continuer, toute sa vie durant, à cultiver au premier chef l’intérêt général et à subordonner l’intérêt particulier à l’intérêt général. Au contraire, la nature mortelle le poussera toujours à désirer insatiablement et à agir égoïstement.

PLATON Les Lois

2006 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Peut-on reprocher à une oeuvre d’art d’être choquante ?

2006 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Est-il raisonnable de n’obéir qu’à sa raison ?

2006 TECHN. LA RÉUNION NORMALE On recommande aux rois, aux hommes d’État, aux peuples de s’instruire principalement par l’expérience de l’histoire. Mais l’expérience et l’histoire nous enseignent que peuples et gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire, qu’ils n’ont jamais agi suivant les maximes (1) qu’on aurait pu en tirer. Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, forme une situation si particulière, que c’est seulement en fonction de cette situation unique qu’il doit se décider : les grands caractères sont précisément ceux qui, chaque fois, ont trouvé la solution appropriée. Dans le tumulte des événements du monde, une maxime générale est d’aussi peu de secours que le souvenir des situations analogues qui ont pu se produire dans le passé, car un pâle souvenir est sans force dans la tempête qui souffle sur le présent ; il n’a aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l’actualité. Ce qui façonne l’histoire est d’une tout autre nature que les réflexions tirées de l’histoire. Nul cas ne ressemble exactement à un autre. Leur ressemblance fortuite n’autorise pas à croire que ce qui a été bien dans un cas pourrait l’être également dans un autre. Chaque peuple a sa propre situation, et pour savoir ce qui, à chaque fois, est juste, nul besoin de commencer par s’adresser à l’histoire.

HEGEL

(1) maxime : principe pour l’action.

QUESTIONS

1° Dégagez la thèse et les articulations du texte.

2° Expliquez :

a) "ils n’ont jamais agi suivant les maximes qu’on aurait pu en tirer" ;

b) "les grands caractères sont précisément ceux qui, chaque fois, ont trouvé la solution appropriée" ;

c) "Nul cas ne ressemble exactement à un autre."

3° Peut-on tirer des leçons de l’histoire ?

2006 ES LIBAN NORMALE Toute interprétation est-elle subjective ?

2006 ES LIBAN NORMALE Ne désirons-nous que ce qui nous manque ?

2006 ES LIBAN NORMALE C’est beaucoup que d’avoir fait régner l’ordre et la paix dans toutes les parties de la république ; c’est beaucoup que l’État soit tranquille et la loi respectée : mais si l’on ne fait rien de plus, il y aura dans tout cela plus d’apparence que de réalité, et le gouvernement se fera difficilement obéir s’il se borne à l’obéissance, S’il est bon de savoir employer les hommes tels qu’ils sont, il vaut beaucoup mieux encore les rendre tels qu’on a besoin qu’ils soient ; l’autorité la plus absolue est celle qui pénètre jusqu’à l’intérieur de l’homme, et ne s’exerce pas moins sur la volonté que sur les actions. Il est certain que les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être. Guerriers, citoyens, hommes, quand il le veut ; populace et canaille quand il lui plaît : et tout prince qui méprise ses sujets se déshonore lui-même en montrant qu’il n’a pas su les rendre estimables. Formez donc des hommes si vous voulez commander à des hommes : si vous voulez qu’on obéisse aux lois, faites qu’on les aime, et que pour faire ce qu’on doit, il suffise de songer qu’on le doit faire.

ROUSSEAU Discours sur l’économie politique

2006 L LIBAN NORMALE Que sait-on du réel ?

2006 L LIBAN NORMALE Doit-on faire du travail une valeur ?

2006 L LIBAN NORMALE C’est dans le gouvernement républicain que l’on a besoin de toute la puissance de l’éducation. La crainte des gouvernements despotiques naît d’elle-même parmi les menaces et les châtiments ; l’honneur des monarchies est favorisé par les passions, et les favorise à son tour : mais la vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible.

On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières : elles ne sont que cette préférence.

Cet amour est singulièrement affecté aux démocraties. Dans elles seules, le gouvernement est confié à chaque citoyen. Or, le gouvernement est comme toutes les choses du monde ; pour le conserver, il faut l’aimer.

On n’a jamais ouï dire que les rois n’aimassent pas la monarchie, et que les despotes haïssent le despotisme.

Tout dépend donc d’établir, dans la république, cet amour ; et c’est à l’inspirer, que l’éducation doit être attentive. Mais, pour que les enfants puissent l’avoir, il y un moyen sûr ; c’est que les pères l’aient eux-mêmes.

On est ordinairement le maître de donner à ses enfants ses connaissances ; on l’est encore plus de leur donner ses passions.

Si cela n’arrive pas, c’est que ce qui a été fait dans la maison paternelle est détruit par les impressions du dehors.

Ce n’est point le peuple naissant qui dégénère ; il ne se perd que lorsque les hommes faits sont déjà corrompus.

MONTESQUIEU De l’Esprit des lois.

2006 S LIBAN NORMALE Est-il plus difficile de connaître l’esprit que la matière ?

2006 S LIBAN NORMALE Le désir de liberté peut-il conduire à perdre sa liberté ?

2006 S LIBAN NORMALE Il y a dans la nature humaine une certaine fausseté qui doit, en définitive, comme tout ce qui vient de la nature, contenir une disposition qui aboutit à une bonne fin ; je veux parler de notre inclination à cacher nos vrais sentiments et à afficher certains autres supposés, que nous tenons pour bons et honorables. Il est très certain que grâce à ce penchant qui porte les hommes tant à dissimuler qu’à prendre une apparence qui leur soit avantageuse, ils ne se sont pas seulement civilisés, mais encore moralisés peu à peu dans une certaine mesure, parce que personne ne pouvant percer le fard (1) de la bienséance, de l’honorabilité et de la décence, on trouva, dans ces prétendus bons exemples qu’on voyait autour de soi, une école d’amélioration pour soi-même. Mais cette disposition à se faire passer pour meilleur qu’on ne l’est et à manifester des sentiments que l’on n’a pas, ne sert en quelque sorte que provisoirement à tirer l’homme de sa rudesse et à lui faire prendre au moins d’abord l’apparence du bien qu’il connaît ; car une fois que les véritables principes sont développés et qu’ils sont passés dans la manière de penser, cette fausseté doit alors être peu à peu combattue avec force, car autrement elle corrompt le coeur et étouffe les bons sentiments sous l’ivraie (2) de la belle apparence.

KANT Critique de la raison pure

1) "fard" : maquillage.

2) "ivraie" : sorte de mauvaise herbe proliférante.

2006 ES MÉTROPOLE NORMALE Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?

2006 ES MÉTROPOLE NORMALE Une culture peut-elle être porteuse de valeurs universelles ?

2006 ES MÉTROPOLE NORMALE On serait tenté d’expliquer toute l’organisation sociale par le besoin de manger et de se vêtir, l’Economique dominant et expliquant alors tout le reste ; seulement il est probable que le besoin d’organisation est antérieur au besoin de manger. On connaît des peuplades heureuses qui n’ont point besoin de vêtements et cueillent leur nourriture en étendant la main ; or elles ont des rois, des prêtres, des institutions, des lois, une police ; j’en conclus que l’homme est citoyen par nature.

J’en conclus autre chose, c’est que l’Economique n’est pas le premier des besoins. Le sommeil est bien plus tyrannique que la faim. On conçoit un état où l’homme se nourrirait sans peine ; mais rien ne le dispensera de dormir, si fort et si audacieux qu’il soit, il sera sans perceptions, et par conséquent sans défense, pendant le tiers de sa vie à peu près. Il est donc probable que ses premières inquiétudes lui vinrent de ce besoin-là ; il organisa le sommeil et la veille : les uns montèrent la garde pendant que les autres dormaient ; telle fut la première esquisse de la cité. La cité fut militaire avant d’être économique. Je crois que la Société est fille de la peur, et non pas de la faim. Bien mieux, je dirais que le premier effet de la faim a dû être de disperser les hommes plutôt que de les rassembler, tous allant chercher leur nourriture justement dans les régions les moins explorées. Seulement, tandis que le désir les dispersait, la peur les rassemblait. Le matin, ils sentaient la faim et devenaient anarchistes. Mais le soir ils sentaient la fatigue et la peur, et ils aimaient les lois.

ALAIN Propos sur les pouvoirs

2006 L MÉTROPOLE NORMALE N’avons-nous de devoirs qu’envers autrui ?

2006 L MÉTROPOLE NORMALE Cela a-t-il un sens de vouloir échapper au temps ?

2006 L MÉTROPOLE NORMALE Celui qui se nourrit des glands qu’il a ramassés sous un chêne, ou des pommes qu’il a cueillies aux arbres d’un bois, se les est certainement appropriés. Personne ne peut nier que ces aliments soient à lui. Je demande donc : quand est-ce que ces choses commencent à être à lui ? Lorsqu’il les a digérées, ou lorsqu’il les a mangées, ou lorsqu’il les a fait bouillir, ou lorsqu’il les a rapportées chez lui, ou lorsqu’il les a ramassées ? Il est clair que si le fait, qui vient le premier, de les avoir cueillies ne les a pas rendues siennes, rien d’autre ne le pourrait. Ce travail a établi une distinction entre ces choses et ce qui est commun ; il leur a ajouté quelque chose de plus que ce que la nature, la mère commune de tous, y a mis ; et, par là, ils sont devenus sa propriété privée.

Quelqu’un dira-t-il qu’il n’avait aucun droit sur ces glands et sur ces pommes qu’il s’est appropriés de la sorte, parce qu’il n’avait pas le consentement de toute l’humanité pour les faire siens ? était-ce un vol, de prendre ainsi pour soi ce qui appartenait à tous en commun ? si un consentement de ce genre avait été nécessaire, les hommes seraient morts de faim en dépit de l’abondance des choses (...). Nous voyons que sur les terres communes, qui le demeurent par convention, c’est le fait de prendre une partie de ce qui est commun et de l’arracher à l’état où la laisse la nature qui est au commencement de la propriété, sans laquelle ces terres communes ne servent à rien. Et le fait qu’on se saisisse de ceci ou de cela ne dépend pas du consentement explicite de tous. Ainsi, l’herbe que mon cheval a mangée, la tourbe qu’a coupée mon serviteur et le minerai que j’ai déterré, dans tous les lieux où j’y ai un droit en commun avec d’autres, deviennent ma propriété, sans que soit nécessaire la cession ou le consentement de qui que ce soit. Le travail, qui était le mien, d’arracher ces choses de l’état de possessions communes où elles étaient, y a fixé ma propriété.

LOCKE Second Traité du gouvernement civil

2006 S MÉTROPOLE NORMALE Peut-on juger objectivement la valeur d’une culture ?

2006 S MÉTROPOLE NORMALE L’expérience peut-elle démontrer quelque chose ?

2006 S MÉTROPOLE NORMALE En s’écartant, même sans le vouloir, de la vérité, on contribue beaucoup à diminuer la confiance que peut inspirer la parole humaine, et cette confiance est le fondement principal de notre bien-être social actuel ; disons même qu’il ne peut rien y avoir qui entrave davantage les progrès de la civilisation, de la vertu, de toutes les choses dont le bonheur humain dépend pour la plus large part, que l’insuffisante solidité d’une telle confiance. C’est pourquoi, nous le sentons bien, la violation, en vue d’un avantage présent, d’une règle dont l’intérêt est tellement supérieur n’est pas une solution ; c’est pourquoi celui qui, pour sa commodité personnelle ou celle d’autres individus, accomplit, sans y être forcé, un acte capable d’influer sur la confiance réciproque que les hommes peuvent accorder à leur parole, les privant ainsi du bien que représente l’accroissement de cette confiance, et leur infligeant le mal que représente son affaiblissement, se comporte comme l’un de leurs pires ennemis. Cependant c’est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même, aussi sacrée qu’elle soit, peut comporter des exceptions : ainsi - et c’est la principale - dans le cas où, pour préserver quelqu’un (et surtout un autre que soi-même) d’un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait (par exemple une information à un malfaiteur ou de mauvaises nouvelles à une personne dangereusement malade) et qu’on ne pût le faire qu’en niant le fait. Mais pour que l’exception ne soit pas élargie plus qu’il n’en est besoin et affaiblisse le moins possible la confiance en matière de véracité, il faut savoir la reconnaître et, si possible, en marquer les limites.

MILL L’Utilitarisme.

2006 STI AA MÉTROPOLE NORMALE L’expression "c’est ma vérité" a-t-elle un sens ?

2006 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Le sentiment de la justice est-il naturel ?

2006 STI AA MÉTROPOLE NORMALE Veux-tu vaincre aux Jeux Olympiques ? Moi aussi, par tous les dieux ! car c’est une belle chose. Mais examine bien les tenants et les aboutissants et alors seulement mets-toi à l’oeuvre. Il faut t’astreindre à une discipline, à un régime, t’abstenir de friandises, te soumettre à des exercices, à heure fixe, par la chaleur et par le froid, ne pas boire d’eau froide, ni de vin à ta fantaisie, bref, t’abandonner à ton entraîneur comme à un médecin. Au moment des épreuves il faudra te frotter de poussière (1) ; il peut aussi t’arriver d’avoir le bras démis, le pied tordu, d’avaler beaucoup de poussière, parfois même de recevoir le fouet, et après tout cela, d’être vaincu.

Après avoir tout envisagé, si tu es encore décidé, travaille à devenir athlète. Sinon tu feras comme les enfants qui changent constamment, jouent tantôt au lutteur, tantôt au gladiateur, puis sonnent de la trompette, puis jouent la tragédie. Et toi aussi, tour à tour athlète, gladiateur, orateur, philosophe, tu ne mets ton âme en rien. Comme un singe, tu imites tout ce que tu vois et chaque chose successivement te plaît. C’est que tu t’es engagé sans réfléchir, tu n’as pas fait le tour de la question, mais tu vas au hasard, sans ardeur dans ton choix.

ÉPICTÈTE

(1) après s’être frottés d’huile, les lutteurs se jetaient de la poussière pour faciliter les prises.

QUESTIONS

1° Comment le texte est-il construit ? Dégagez sa thèse.

a) En quoi l’exemple du premier paragraphe éclaire-t-il ce que c’est que vouloir ?

b) expliquez : "tu ne mets ton âme en rien" ;

c) expliquez : "C’est que tu t’es engagé sans réfléchir, (...) tu vas au hasard, sans ardeur dans ton choix".

3° S’engager, est-ce renoncer à sa liberté ?

2006 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Quel besoin avons-nous de chercher la vérité ?

2006 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’intérêt de l’histoire, est-ce d’abord de lutter contre l’oubli ?

2006 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Puisque le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous donnent la même opinion et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain (1), agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté donner son opinion et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l’intention de changer quoi que ce soit dans l’État de l’autorité de son propre décret.

SPINOZA

(1) souverain : autorité individuelle ou collective à qui seule "il appartient de faire des lois" (selon Spinoza)

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de l’auteur et précisez les étapes de son raisonnement.

2° Expliquez :

a) "il peut avec une entière liberté donner son opinion et juger et en conséquence aussi parler" ;

b) "ni dans l’intention de changer quoi que ce soit dans l’État de l’autorité de son propre décret."

3° La liberté d’expression doit-elle être illimitée ?

2006 TMD MÉTROPOLE NORMALE Les théories scientifiques sont-elles tirées de l’expérience ?

2006 TMD MÉTROPOLE NORMALE Les hommes font-ils leur histoire ?

2006 TMD MÉTROPOLE NORMALE Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d’assujettir les hommes, pour les rendre libres ? d’employer au service de l’État les biens, les bras, et la vie même de tous ses membres sans les contraindre et sans les consulter ? d’enchaîner leur volonté de leur propre aveu ? de faire valoir leur consentement contre leur refus, et de les forcer à se punir eux-mêmes, quand ils font ce qu’ils n’ont pas voulu ? Comment se peut-il faire qu’ils obéissent et que personne ne commande, qu’ils servent et n’aient point de maître ; d’autant plus libres en effet que sous une apparente sujétion, nul ne perd de sa liberté que ce qui peut nuire à celle d’un autre ? Ces prodiges sont l’ouvrage de la loi. C’est à la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté. C’est cet organe salutaire de la volonté de tous, qui rétablit dans le droit l’égalité naturelle entre les hommes. C’est cette voix céleste qui dicte à chaque citoyen les préceptes (1) de la raison publique, et lui apprend à agir selon les maximes (2) de son propre jugement, et à n’être pas en contradiction avec lui-même. C’est elle seule aussi que les chefs doivent faire parler quand ils commandent.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée générale du texte.

Comment le texte est-il organisé ?

2° Expliquez :

a) "Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d’assujettir les hommes, pour les rendre libres ?"

b) "les forcer à se punir eux-mêmes, quand ils font ce qu’ils n’ont pas voulu ?"

c) "Comment se peut-il faire qu’ils obéissent et que personne ne commande, qu’ils servent et n’aient point de maître"

3° N’y a-t-il de liberté que par la loi ?

2006 ES POLYNÉSIE NORMALE Le droit sert-il à établir l’ordre ou la justice ?

2006 ES POLYNÉSIE NORMALE Dire que la vérité est relative, est-ce dire qu’il n’y a pas de vérité ?

2006 ES POLYNÉSIE NORMALE Si la vertu est recherchée, non pour sa valeur propre, mais pour ce qu’elle rapporte, cette vertu méritera qu’on l’appelle malice. Plus en effet un homme rapporte toutes ses actions à l’intérêt, moins il est homme de bien ; et par suite mesurer la vertu au prix qu’elle peut valoir, c’est croire qu’il n’y a de vertu que la malice. Où est la bienfaisance, si l’on ne fait pas le bien pour l’amour d’autrui ? Qu’est-ce qu’être reconnaissant, si l’on n’a pas en vue celui-là même à qui l’on témoigne de la gratitude ? Que devient l’amitié sainte, si l’on n’aime pas son ami, comme on dit, de tout son coeur ? Il faudra donc l’abandonner, le rejeter quand on n’aura plus rien à gagner avec lui, plus d’avantages à tirer de lui. Quoi de plus monstrueux ? Mais si l’amitié doit être cultivée pour elle-même, la société des hommes, l’égalité, la justice elles aussi doivent être recherchées pour elles-mêmes. S’il n’en est pas ainsi, il n’y a plus de justice ; car cela même est injuste au plus haut degré que de vouloir une récompense de la justice.

CICÉRON Des Lois

2006 L POLYNÉSIE NORMALE L’interprétation est-elle affaire de choix ?

2006 L POLYNÉSIE NORMALE Peut-on attendre du progrès technique qu’il nous libère du travail ?

2006 L POLYNÉSIE NORMALE La justice (l’équité) prend naissance entre hommes jouissant d’une puissance à peu près égale (...) ; c’est quand il n’y a pas de supériorité nettement reconnaissable, et qu’un conflit ne mènerait qu’à des pertes réciproques et sans résultat, que naît l’idée de s’entendre et de négocier sur les prétentions de chaque partie : le caractère de troc est le caractère initial de la justice. Chacun donne satisfaction à l’autre en recevant lui-même ce dont il fait plus grand cas que l’autre. On donne à chacun ce qu’il veut avoir et qui sera désormais sien, et l’on reçoit en retour ce que l’on désire. La justice est donc échange et balance une fois posée l’existence d’un rapport de forces à peu près égales : c’est ainsi qu’à l’origine la vengeance ressortit à la sphère de la justice, elle est un échange. (...) La justice se ramène naturellement au point de vue d’un instinct de conservation bien entendu, c’est-à-dire à l’égoïsme de cette réflexion : "À quoi bon irais-je me nuire inutilement et peut-être manquer néanmoins mon but ?" Voilà pour l’origine de la justice. Mais du fait que les hommes, conformément à leurs habitudes intellectuelles, ont oublié le but premier des actes dits de justice et d’équité, et notamment que l’on a pendant des siècles dressé les enfants à admirer et imiter ces actes, il s’est peu à peu formé l’illusion qu’une action juste est une action désintéressée ; et c’est sur cette illusion que repose la grande valeur accordée à ces actions.

NIETZSCHE Humain, trop humain

2006 S POLYNÉSIE NORMALE Le travail n’est-il qu’une lutte avec la nature ?

2006 S POLYNÉSIE NORMALE Peut-on désirer ce que l’on possède déjà ?

2006 S POLYNÉSIE NORMALE L’engagement du corps de la nation n’est-il pas de pourvoir à la conservation du dernier de ses membres avec autant de soin qu’à celle de tous les autres ? Et le salut d’un citoyen est-il moins la cause commune que celui de tout l’État ? Qu’on nous dise qu’il est bon qu’un seul périsse pour tous, j’admirerai cette sentence dans la bouche d’un digne et vertueux patriote qui se consacre volontairement et par devoir à la mort pour le salut de son pays : mais si l’on entend qu’il soit permis au gouvernement de sacrifier un innocent au salut de la multitude, je tiens cette maxime pour une des plus exécrables que jamais la tyrannie ait inventées, la plus fausse qu’on puisse avancer, la plus dangereuse que l’on puisse admettre, et la plus directement opposée aux lois fondamentales de la société. Loin qu’un seul doive périr pour tous, tous ont engagé leurs biens et leurs vies à la défense de chacun d’eux, afin que la faiblesse particulière fût toujours protégée par la force publique, et chaque membre par tout l’État. Après avoir par supposition retranché du peuple un individu après l’autre, pressez les partisans de cette maxime à mieux expliquer ce qu’ils entendent par le corps de l’État, et vous verrez qu’ils le réduiront à la fin à un petit nombre d’hommes qui ne sont pas le peuple, mais les officiers du peuple (1), et qui s’étant obligés par un serment particulier à périr eux-mêmes pour son salut, prétendent prouver par là que c’est à lui de périr pour le leur.

ROUSSEAU Discours sur l’économie politique

(1) Ceux qui ont la charge de gouverner.

2006 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Suffit-il de voir pour savoir ?

2006 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d’art ?

2006 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE On remarque aisément qu’une affection cordiale met tout en communauté entre amis ; et que des époux, en particulier, perdent l’un et l’autre leur propriété et ne connaissent plus le tien et le mien qui sont si nécessaires et qui pourtant causent tant de trouble dans la société humaine. Le même effet résulte d’un changement des circonstances où vivent les hommes ; quand par exemple il y a une assez grande abondance d’un bien pour contenter tous les désirs des hommes ; dans ce cas disparaît complètement toute distinction de propriété et tout demeure en commun. Nous pouvons observer cette situation pour l’air et l’eau, qui sont pourtant les plus estimables des objets extérieurs ; et nous pouvons aisément conclure que si les hommes étaient fournis, en même abondance, de tous les biens ou si chacun avait pour autrui la même affection et la même attention tendre que pour soi-même, la justice et l’injustice seraient également inconnues des hommes.

Voici donc une proposition qu’on peut, à mon avis, regarder comme certaine : c’est uniquement de l’égoïsme de l’homme et de sa générosité limitée, en liaison avec la parcimonie (1) avec laquelle la nature a pourvu à la satisfaction de ses besoins, que la justice tire son origine.

HUME

(1) parcimonie : économie de moyens

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "le tien et le mien qui sont si nécessaires et qui pourtant causent tant de trouble dans la société humaine" ;

b) "la justice et l’injustice seraient également inconnues des hommes" ;

c) "la parcimonie avec laquelle la nature a pourvu à la satisfaction de ses besoins, que la justice tire son origine."

3° La justice ne vise-t-elle qu’à garantir l’intérêt de chacun ?

2007 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Suffit-il de remplir ses devoirs pour être heureux ?

2007 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Doit-on avoir peur de la technique ?

2007 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Comme, dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps (1) eût la puissance législative. Mais comme cela est impossible dans les grands États, et est sujet à beaucoup d’inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse par ses représentants tout ce qu’il ne peut faire par lui-même.

L’on connaît beaucoup mieux les besoins de sa ville que ceux des autres villes ; et on juge mieux de la capacité de ses voisins que de celle de ses autres compatriotes. Il ne faut donc pas que les membres du corps législatif soient tirés en général du corps de la nation ; mais il convient que, dans chaque lieu principal, les habitants se choisissent un représentant.

Le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n’y est point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie.

MONTESQUIEU De l’Esprit des lois

(1) le peuple en corps : le peuple constitué en unité politique.

2007 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Appliquer des lois justes suffit-il pour assurer la justice ?

2007 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-ce par l’intériorité qu’il faut définir l’esprit ?

2007 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il serait insensé de donner l’assaut, tête baissée, au monde technique : et ce serait faire preuve de vue courte que de vouloir condamner ce monde comme étant l’oeuvre du diable.

Nous dépendons des objets que la technique nous fournit et qui, pour ainsi dire, nous mettent en demeure de les perfectionner sans cesse. Toutefois, notre attachement aux choses techniques est maintenant si fort que nous sommes, à notre insu, devenus leurs esclaves.

Mais nous pouvons nous y prendre autrement. Nous pouvons utiliser les choses techniques, nous en servir normalement, mais en même temps nous en libérer, de sorte qu’à tout moment nous conservions nos distances à leur égard. Nous pouvons faire usage des objets techniques comme il faut qu’on en use. Mais nous pouvons en même temps les laisser à eux-mêmes comme ne nous atteignant pas dans ce que nous avons de plus intime et de plus propre. Nous pouvons dire "oui" à l’emploi inévitable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire "non", en ce sens que nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être.

Mais si nous disons ainsi à la fois "oui" et "non" aux objets techniques, notre rapport au monde technique ne devient-il pas ambigu et incertain ? Tout au contraire : notre rapport au monde technique devient merveilleusement simple et paisible. Nous admettons les objets techniques dans notre monde quotidien et en même temps nous les laissons dehors, c’est-à-dire que nous les laissons reposer sur eux-mêmes comme des choses qui n’ont rien d’absolu, mais qui dépendent de plus haut qu’elles.

HEIDEGGER Questions IV

2007 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Y a-t-il un art d’être heureux ?

2007 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Suis-je ce que je crois être ?

2007 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au dessus des lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; Il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats (1) ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres (2) non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.

ROUSSEAU Lettres écrites de la montagne

(1) magistrats : ici, dépositaires de l’autorité politique.

(2) ministres : ici, serviteurs.

2007 ES ANTILLES NORMALE Peut-on échanger sans perdre ?

2007 ES ANTILLES NORMALE Autrui est-il mon semblable ?

2007 ES ANTILLES NORMALE L’idée de liberté est l’idée du pouvoir qu’a un agent de faire une action particulière ou de s’en abstenir, selon la détermination ou la pensée de l’esprit qui préfère ’un plutôt que l’autre. Là où l’agent n’a pas le pouvoir de produire l’un des deux selon sa volition (1), là il n’a pas la liberté ; cet agent est soumis à la nécessité. Mais il peut y avoir pensée, il peut y avoir volonté, il peut y avoir volition, là où il n’y a pas de liberté ; ce que l’examen rapide d’un ou deux exemples évidents peut rendre clair.

Une balle de tennis, envoyée par une raquette ou immobile à terre, n’est considérée par personne comme un agent libre. Si l’on en cherche la raison, on verra que c’est parce qu’on ne conçoit pas qu’une balle de tennis pense et qu’elle n’a par conséquent aucune volition ni préférence pour le mouvement plutôt que pour le repos ou vice versa ; elle n’a donc pas de liberté, elle n’est pas un agent libre ; au contraire, ses mouvements comme son repos tombent sous l’idée de nécessaire et en portent le nom. De même, un homme qui tombe dans l’eau parce qu’un pont cède sous ses pas n’a pas de ce fait de liberté, il n’est pas un agent libre ; car, malgré sa volition, malgré sa préférence (ne pas tomber plutôt que tomber), s’abstenir de ce mouvement n’est pas en son pouvoir et l’arrêt ou la cessation de ce mouvement ne suivent pas de sa volition ; sur ce point, il n’est donc pas libre.

LOCKE Essai sur l’entendement humain

(1) volonté

2007 L ANTILLES NORMALE Pour accéder au vrai, suffit-il de s’en tenir aux faits ?

2007 L ANTILLES NORMALE L’inquiétude peut-elle définir l’existence humaine ?

2007 L ANTILLES NORMALE Jetez les yeux sur toutes les nations du monde, parcourez toutes les histoires. Parmi tant de cultes inhumains et bizarres, parmi cette prodigieuse diversité de moeurs et de caractères, vous trouverez partout les mêmes idées de justice et d’honnêteté, partout les mêmes notions de bien et de mal. (...)

Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises, et c’est à ce principe que je donne le nom de conscience.

Mais à ce mot j’entends s’élever de toutes parts la clameur des prétendus sages : erreurs de l’enfance, préjugés de l’éducation ! s’écrient-ils tous de concert. Il n’y a rien dans l’esprit humain que ce qui s’y introduit par l’expérience, et nous ne jugeons d’aucune chose que sur des idées acquises. Ils font plus : cet accord évident et universel de toutes les nations, ils l’osent rejeter ; et contre l’éclatante uniformité du jugement des hommes, ils vont chercher dans les ténèbres quelque exemple obscur et connu d’eux seuls ; comme si tous les penchants de la nature étaient anéantis par la dépravation d’un peuple, et que, sitôt qu’il est des monstres, l’espèce ne fût plus rien.

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation

2007 S ANTILLES NORMALE La société n’est-elle qu’un regroupement d’individus ?

2007 S ANTILLES NORMALE Sait-on ce qu’on désire ?

2007 S ANTILLES NORMALE L’universel, ce qui s’applique à tous les cas, est impossible à percevoir, car ce n’est ni une chose déterminée, ni un moment déterminé, sinon ce ne serait pas un universel, puisque nous appelons universel ce qui est toujours et partout. Puisque donc les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles ne peuvent être perçues, il est clair qu’il n’y a pas de science par la sensation. Mais il est évident encore que, même s’il était possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une démonstration, et que nous n’en aurions pas (comme certains le prétendent) une connaissance scientifique : car la sensation porte nécessairement sur l’individuel, tandis que la science consiste la connaissance universelle. Aussi, si nous étions sur la Lune, et que nous voyions la Terre s’interposer sur le trajet de la lumière solaire, nous ne saurions pas la cause de l’éclipse : nous percevrions qu’en ce moment il y a éclipse, mais nullement le pourquoi, puisque la sensation, avons-nous dit, ne porte pas sur l’universel, Ce qui ne veut pas dire que par l’observation répétée de cet événement, nous ne puissions, en poursuivant l’universel, arriver à une démonstration, car c’est d’une pluralité de cas particuliers que se dégage l’universel.

ARISTOTE Organon, Seconds analytiques

2007 TECHN. ANTILLES NORMALE La culture rend-elle meilleur ?

2007 TECHN. ANTILLES NORMALE Doit-on toujours dire la vérité ?

2007 TECHN. ANTILLES NORMALE Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance il assure l’ordre ; par la résistance il assure la liberté. Et il est bien clair que l’ordre et la liberté ne sont point séparables, car le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée à toute minute, n’enferme (1) aucune liberté ; c’est une vie animale, livrée à tous les hasards. Donc les deux termes, ordre et liberté, sont bien loin d’être opposés ; j’aime mieux dire qu’ils sont corrélatifs. La liberté ne va pas sans l’ordre ; l’ordre ne vaut rien sans la liberté.

Obéir en résistant, c’est tout le secret. Ce qui détruit l’obéissance est anarchie ; ce qui détruit la résistance est tyrannie. Ces deux maux s’appellent, car la tyrannie employant la force contre les opinions, les opinions, en retour, emploient la force contre la tyrannie ; et, inversement, quand la résistance devient désobéissance, les pouvoirs ont beau jeu pour écraser la résistance, et ainsi deviennent tyranniques. Dès qu’un pouvoir use de force pour tuer la critique, il est tyrannique. Voilà d’après quoi un citoyen raisonnable peut d’abord orienter ses réflexions.

ALAIN

(1) ne contient

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée à toute minute, n’enferme aucune liberté" ;

b) "la liberté ne va pas sans l’ordre ; l’ordre ne vaut rien sans la liberté" ;

c) "quand la résistance devient désobéissance, les pouvoirs ont beau jeu pour écraser la résistance, et ainsi deviennent tyranniques".

3° Peut-on résister sans désobéir ?

2007 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’exigence de démonstration nuit-elle à la liberté de penser ?

2007 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le progrès technique peut-il être aliénant ?

2007 ES ANTILLES REMPLACEMENT Si la vertu doit procurer le plaisir, ce n’est pas pour cela qu’on la recherche ; car ce n’est pas lui qu’elle procure, mais lui en plus, et ce n’est pas pour lui qu’elle s’efforce, mais son effort, quoique ayant un autre but, atteint aussi celui-là. Dans un champ labouré pour la moisson, quelques fleurs naissent çà et là ; ce n’est toutefois pas pour ces brins d’herbe, si agréables soient-ils à l’oeil, que l’on a pris tant de peine (autre était le but du semeur, ceci et venu en plus). De même le plaisir aussi n’est pas le prix de la vertu, sa raison d’être, mais son accessoire. Ce n’est point parce qu’il a des charmes qu’il est admis, mais s’il est admis, ses charmes s’ajoutent. Le souverain bien consiste dans le jugement même et dans la tenue d’un esprit excellent qui, sa carrière remplie et ses limites assurées, a réalisé le bonheur parfait, sans rien désirer de plus. En effet, il n’y a rien hors du tout, pas plus qu’au delà de la limite. C’est donc une erreur que de demander la raison pour laquelle j’aspire à la vertu. Car c’est chercher le supra-suprême. Tu veux savoir ce que je demande à la vertu ? Elle-même. Aussi bien n’a-t-elle rien de mieux : elle-même est son prix. Est-ce là trop peu ? Quand je te dirai : "le souverain bien est la rigidité d’une âme inébranlable, sa prévoyance, son sublime, sa santé, son indépendance, son harmonie, sa beauté", exiges-tu encore une grandeur plus haute à quoi rattacher tout cela ? Pourquoi me prononces-tu le nom de plaisir ? C’est de l’homme que je cherche le bien, non du ventre, qui chez les bêtes et les brutes est plus élastique.

SÉNÈQUE Le Bonheur

2007 S ANTILLES REMPLACEMENT Les faits parlent-ils d’eux-mêmes ?

2007 S ANTILLES REMPLACEMENT L’art est-il étranger à la réalité quotidienne ?

2007 S ANTILLES REMPLACEMENT II n’est rien que les hommes puissent moins faire que de gouverner leurs désirs ; et c’est pourquoi la plupart croient que notre liberté d’action existe seulement à l’égard des choses où nous tendons légèrement, parce que le désir peut en être aisément contraint par le souvenir de quelque autre chose fréquemment rappelée ; tandis que nous ne sommes pas du tout libres quand il s’agit de choses auxquelles nous tendons avec une affection vive que le souvenir d’une autre chose ne peut apaiser. S’ils ne savaient d’expérience cependant que maintes fois nous regrettons nos actions et que souvent, quand nous sommes dominés par des affections contraires, nous voyons le meilleur et faisons le pire, rien ne les empêcherait de croire que toutes nos actions sont libres. C’est ainsi qu’un petit enfant croit librement désirer le lait, un jeune garçon en colère vouloir la vengeance, un peureux la fuite. Un homme en état d’ébriété aussi croit dire par un libre décret de l’âme ce que, sorti de cet état, il voudrait avoir tu ; de même le délirant, la bavarde, l’enfant et un très grand nombre d’individus de même farine croient parler par un libre décret de l’âme, alors cependant qu’ils ne peuvent contenir l’impulsion qu’ils ont à parler ; l’expérience donc fait voir aussi clairement que la raison que les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés.

SPINOZA Éthique

2007 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Peut-il y avoir des lois injustes ?

2007 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT L’oeuvre d’art est-elle un moyen de communiquer ?

2007 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT L’un des grands problèmes de l’éducation est de savoir comment allier la soumission à la contrainte de la règle et la capacité d’user de sa liberté. Car la contrainte est nécessaire ! Comment cultiverai-je la liberté par la contrainte ? Je dois accoutumer mon élève à endurer une contrainte imposée à sa liberté et le conduire en même temps à bien user de celle-là.

Sans cela, tout ne sera que mécanisme, et il ne saura pas, au sortir de ses années d’éducation, se servir de sa liberté. Il lui faut sentir de bonne heure l’inévitable résistance de la société, apprendre à connaître la difficulté de subsister, de se priver et d’acquérir, afin d’être indépendant.

Ici s’imposent les observations suivantes : 1° il convient de laisser l’enfant libre en toutes choses (hormis celles où il se nuit à lui-même, en portant par exemple la main sur la lame nue d’un couteau), à condition qu’il n’entrave pas par là la liberté des autres : ainsi ses cris ou son exubérance suffisent à les importuner. 2° Il faut lui montrer qu’il ne peut arriver à ses fins qu’en laissant les autres atteindre les leurs, par exemple, qu’on ne lui fera aucun plaisir s’il ne fait pas ce que l’on veut, qu’il a le devoir de s’instruire, etc. 3° Il faut lui prouver qu’on lui impose une contrainte propre à le mener à l’usage de sa propre liberté, qu’on veille à sa culture pour qu’il puisse un jour être libre, c’est-à-dire qu’il n’ait pas à dépendre du secours d’autrui.

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

° Expliquez :

a) "à endurer une contrainte imposée à sa liberté et le conduire en même temps à bien user de celle-là" ;

b) "l’inévitable résistance de la société" ;

c) "Il faut lui montrer qu’il ne peut arriver à ses fins qu’en laissant les autres atteindre les leurs".

3° Peut-on apprendre à être libre ?

2007 L ANTILLES SECOURS La connaissance historique est-elle une interprétation du passé ?

2007 L ANTILLES SECOURS Peut-il y avoir une justice en dehors du droit ?

2007 L ANTILLES SECOURS Nous ne pouvons former aucun désir qui ne se réfère pas à la société. La parfaite solitude est peut-être la plus grande punition que nous puissions souffrir. Tout plaisir est languissant quand nous en jouissons hors de toute compagnie, et toute peine devient plus cruelle et plus intolérable. Quelles que soient les autres passions qui nous animent, orgueil, ambition, avarice, curiosité, désir de vengeance ou luxure, leur âme, le principe de toutes, c’est la sympathie ; elles n’auraient aucune force, si nous devions les dégager entièrement des pensées et des sentiments d’autrui. Faites que tous les pouvoirs et tous les éléments de la nature s’unissent pour servir un seul homme et pour lui obéir : faites que le soleil se lève et se couche à son commandement ; que la mer et les fleuves coulent à son gré ; que la terre lui fournisse spontanément tout ce qui peut lui être utile ou agréable ; il sera toujours misérable tant que vous ne lui aurez pas donné au moins une personne avec qui il puisse partager son bonheur et de l’estime et de l’amitié de qui il puisse jouir.

HUME Traité de la nature humaine

2007 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Eduquer l’individu, est-ce porter atteinte à sa liberté ?

2007 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Tout travail a-t-il un sens ?

2007 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Laissant donc tous les livres scientifiques qui ne nous apprennent qu’à voir les hommes tels qu’ils se sont faits, et méditant sur les premières et plus simples opérations de l’âme humaine, j’y crois apercevoir deux principes antérieurs à la raison, dont l’un nous intéresse ardemment à notre bien-être et à la conservation de nous-mêmes, et l’autre nous inspire une répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement nos semblables. C’est du concours et de la combinaison que notre esprit est en état de faire de ces deux principes, sans qu’il soit nécessaire d’y faire entrer celui de la sociabilité, que me paraissent découler toutes les règles du droit naturel (...).

De cette manière, on n’est point obligé de faire de l’homme un philosophe avant que d’en faire un homme ; ses devoirs envers autrui ne lui sont pas uniquement dictés par les tardives leçons de la sagesse ; et tant qu’il ne résistera point à l’impulsion intérieure de la commisération, il ne fera jamais du mal à un autre homme ni même à aucun être sensible, excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvant intéressée, il est obligé de se donner la préférence à lui-même. Par ce moyen, on termine aussi les anciennes disputes sur la participation des animaux à la loi naturelle. Car il est clair que, dépourvus de lumières et de liberté, ils ne peuvent reconnaître cette loi ; mais tenant en quelque chose à notre nature par la sensibilité dont ils sont doués, on jugera qu’ils doivent aussi participer au droit naturel, et que l’homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoirs. Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c’est moins parce qu’il est un être raisonnable que parce qu’il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l’homme, doit au moins donner à l’une le droit de n’être point maltraitée inutilement par l’autre.

ROUSSEAU Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

2007 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Parler aux autres, se parler à soi-même, est-ce différent ?

2007 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vérité exige-t-elle qu’on se soumette aux faits ?

2007 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Une fois que les hommes ont découvert par expérience qu’il est impossible de subsister sans la société et de maintenir la société tant qu’ils donnent libre cours à leurs appétits, un intérêt aussi pressant contraint rapidement leurs actions et impose l’obligation d’observer les règles que nous appelons les lois de justice. Cette obligation de l’intérêt n’en reste pas là, mais, suivant le cours nécessaire des passions et des sentiments, elle engendre l’obligation morale du devoir, dès lors que nous approuvons des actions de nature à tendre à la paix dans la société, et désapprouvons celles qui tendent à la troubler. La même obligation naturelle de l’intérêt s’exerce parmi les royaumes indépendants et engendre la même moralité ; de telle sorte que personne, même pas celui dont la morale est corrompue au plus haut point, n’approuvera un prince qui rompt sa promesse et viole un traité volontairement et de son plein gré. Mais nous pouvons ici faire la remarque que si les relations entre différents États sont profitables et même, parfois, nécessaires, elles ne sont pourtant pas aussi nécessaires ou profitables que les relations entre individus, sans lesquelles il est absolument impossible que la nature humaine subsiste. Par conséquent, puisque l’obligation naturelle à la justice entre les différents États n’est pas aussi puissante qu’entre les individus, il faut que l’obligation morale qui en résulte partage sa faiblesse, et nous devons nécessairement accorder une plus grande indulgence à un prince, ou à un ministre, qui en trompe un autre, qu’à un gentilhomme qui rompt sa promesse faite sur l’honneur.

HUME

2007 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ne doit-on tenir pour vrai que ce qui est démontré ?

2007 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’action politique peut-elle être subordonnée à la morale ?

2007 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’oeuvre et l’artiste. En vain on alléguera que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais, dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre, que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience

2007 ES INDE NORMALE La loi pourrait-elle se passer des juges ?

2007 ES INDE NORMALE Comment puis-je savoir qui je suis ?

2007 ES INDE NORMALE Une machine ne pense point, il n’y a ni mouvement ni figure qui produise la réflexion : quelque chose en toi cherche à briser les liens qui le compriment ; l’espace n’est pas ta mesure, l’univers entier n’est pas assez grand pour toi : tes sentiments, tes désirs, ton inquiétude, ton orgueil même, ont un autre principe que ce corps étroit dans lequel tu te sens enchaîné.

Nul être matériel n’est actif par lui-même, et moi je le suis. On a beau me disputer cela, je le sens, et ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J’ai un corps sur lequel les autres agissent et qui agit sur eux ; cette action réciproque n’est pas douteuse ; mais ma volonté est indépendante de mes sens ; je consens ou je résiste, je succombe ou je suis vainqueur, et je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j’ai voulu faire, ou quand je ne fais que céder à mes passions. J’ai toujours la puissance de vouloir, non la force d’exécuter.

ROUSSEAU Émile

2007 L INDE NORMALE N’est-on responsable que de ses propres actes ?

2007 L INDE NORMALE Être cultivé rend-il meilleur ?

2007 L INDE NORMALE Si tous les hommes moins un partageaient la même opinion, ils n’en auraient pas pour autant le droit d’imposer silence à cette personne, pas plus que celle-ci, d’imposer silence aux hommes si elle en avait le pouvoir. Si une opinion n’était qu’une possession personnelle, sans valeur pour d’autres que son possesseur ; si d’être gêné dans la jouissance de cette possession n’était qu’un dommage privé, il y aurait une différence à ce que ce dommage fût infligé à peu ou à beaucoup de personnes. Mais ce qu’il y a de particulièrement néfaste à imposer silence à l’expression d’une opinion, c’est que cela revient à voler l’humanité : tant la postérité que la génération présente, les détracteurs de cette opinion bien davantage que ses détenteurs. Si l’opinion est juste, on les prive de l’occasion d’échanger l’erreur pour la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un bénéfice presque aussi considérable : une perception plus claire et une impression plus vive de la vérité que produit sa confrontation avec l’erreur.

MILL De la Liberté

2007 S INDE NORMALE Qu’admire-t-on dans une oeuvre d’art ?

2007 S INDE NORMALE La vérité est-elle relative à une culture ?

2007 S INDE NORMALE La loi suprême de l’invention humaine est que l’on n’invente qu’en travaillant. Artisan d’abord. Dès que l’inflexible ordre matériel nous donne appui, alors la liberté se montre ; mais dès que nous voulons suivre la fantaisie, entendez l’ordre des affections du corps humain, l’esclavage nous tient, et nos inventions sont alors mécaniques dans la forme, souvent niaises et plus rarement émouvantes, mais sans rien de bon ni de beau. Dès qu’un homme se livre à l’inspiration, j’entends à sa propre nature, je ne vois que la résistance de la matière qui puisse le préserver de l’improvisation creuse et de l’instabilité d’esprit. Par cette trace de nos actions, ineffaçable, nous apprenons la prudence ; mais par ce témoin fidèle de la moindre esquisse, nous apprenons la confiance aussi.

Dans l’imagination errante tout est promesse, par des émotions sans mesure ; aussi il se peut bien que le sculpteur sans expérience souhaite quelque matière plastique qui change aussi vite que ses propres inspirations. Mais quand il souhaiterait seulement quelque aide du diable, par laquelle le marbre serait taillé aussitôt selon le désir, il se tromperait encore sur sa véritable puissance. Si le pouvoir d’exécuter n’allait pas beaucoup plus loin que le pouvoir de penser ou de rêver, il n’y aurait point d’artistes.

ALAIN Système des beaux-arts

2007 ES JAPON NORMALE L’art a-t-il pour fonction d’exprimer ce qui échappe à la science ?

2007 ES JAPON NORMALE Y a-t-il un sens à parler de devoirs envers nos descendants ?

2007 ES JAPON NORMALE Il y a, implanté dans l’âme de la plupart des hommes, un mal qui est plus grave que tous les autres, celui qui fait que chacun est pour lui-même plein d’indulgence, et auquel personne ne prend les moyens d’échapper : ce mal, on l’appelle "amour de soi", en ajoutant que cette indulgence est naturelle à tout homme et qu’il est dans l’ordre des choses qu’il en aille ainsi. Oui, mais en réalité, chacune de nos fautes a en toute occasion pour cause un excès d’amour de soi. Car celui qui aime fait preuve d’aveuglement à l’égard de ce qu’il aime, de sorte que son jugement est erroné quand il porte sur ce qui est juste, bon et beau, car il est convaincu que son intérêt doit toujours mériter plus d’estime que le vrai. Ce n’est en effet ni soi-même ni son intérêt que l’on doit chérir si l’on veut être un grand homme, mais c’est le juste, que l’action juste soit la sienne ou plutôt celle d’autrui. Or, c’est cette même erreur qui explique aussi que tous les hommes prennent leur ignorance pour de la sagesse. De là vient que, alors que nous ne savons pour ainsi dire rien, nous estimons tout savoir et, parce que nous ne laissons par faire aux autres ce que nous ne savons pas faire, nous nous trompons forcément en le faisant nous-mêmes. Aussi tout homme doit-il fuir l’amour excessif qu’il se porte à lui-même et rechercher toujours quelqu’un qui soit meilleur que lui-même, sans s’abriter en pareille occasion derrière aucun sentiment de honte.

PLATON Les Lois

2007 S JAPON NORMALE La moralité se juge-t-elle aux actes ?

2007 S JAPON NORMALE L’exigence de démonstration fait-elle obstacle à la liberté de penser ?

2007 S JAPON NORMALE Lorsque les hommes ont commencé à penser, ils furent obligés de résoudre anthropomorphiquement le monde en une multitude de personnalités faites à leur image ; les accidents et les hasards qu’ils interprétaient superstitieusement étaient donc à leurs yeux des actions, des manifestations de personnes ; autrement dit, ils se comportaient exactement comme les paranoïaques, qui tirent des conclusions du moindre signe fourni par d’autres, et comme se comportent tous les hommes sains qui, avec raison, formulent des jugements sur le caractère de leurs semblables en se basant sur leurs actions accidentelles et non-intentionnelles. Dans notre conception du monde moderne, conception scientifique, et qui est encore loin d’être achevée dans toutes ses parties, la superstition apparaît donc quelque peu déplacée ; mais elle était justifiée dans la conception des époques préscientifiques, puisqu’elle en était un complément logique.

Le Romain, qui renonçait à un important projet, parce qu’il venait de constater un vol d’oiseaux défavorable, avait donc relativement raison ; il agissait conformément à ses prémisses. Mais lorsqu’il renonçait à son projet, parce qu’il avait fait un faux-pas sur le seuil de sa porte. Il se montrait supérieur à nous autres incrédules, il se révélait meilleur psychologue que nous le sommes. C’est que ce faux-pas était pour lui une preuve de l’existence d’un doute, d’une opposition intérieure à ce projet, doute et opposition dont la force pouvait annihiler celle de son intention au moment de l’exécution du projet. On n’est en effet sûr du succès complet que lorsque toutes les forces de l’âme sont tendues vers le but désiré.

FREUD Psychopathologie de la vie quotidienne.

2007 ES LA RÉUNION NORMALE Devons-nous chercher à être heureux ?

2007 ES LA RÉUNION NORMALE Peut-on transformer le réel sans le connaître ?

2007 ES LA RÉUNION NORMALE Le droit ne dépend pas de l’intention qu’on a en agissant. On peut faire quelque chose avec une excellente intention, la conduite n’est pas pour autant justifiée, mais peut être, sans qu’on y prenne garde, contraire au droit. D’autre part, une conduite, par exemple l’affirmation de ma propriété, peut être juridiquement tout à fait justifiée et faire place cependant à une intention méchante, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement pour moi de défendre mon droit, mais bien plutôt de nuire à autrui. Sur le droit comme tel cette intention n’a aucune influence.

Le droit n’a rien à voir avec la conviction que ce que j’ai à faire soit juste ou injuste. Tel est particulièrement le cas en ce qui concerne la punition. On tâche sans doute de persuader le criminel qu’il est puni à bon droit. Mais qu’il en soit ou non convaincu ne change rien au droit qu’on lui applique.

Enfin le droit ne dépend non plus en rien de la disposition d’esprit dans laquelle un acte est accompli. Il arrive très souvent qu’on agisse de façon correcte par simple crainte de la punition, ou parce qu’on a peur de n’importe quelle autre conséquence désagréable, telle que perdre sa réputation ou son crédit. Il se peut aussi qu’en agissant selon le droit on songe à la récompense qu’on obtiendra ainsi dans une autre vie. Le droit comme tel est indépendant de ces dispositions d’esprit.

HEGEL Propédeutique philosophique

2007 L LA RÉUNION NORMALE Est-ce seulement pour connaître que nous cherchons la vérité ?

2007 L LA RÉUNION NORMALE Peut-on ne pas vouloir être libre ?

2007 L LA RÉUNION NORMALE Demandons-nous quels sont les êtres conscients et jusqu’où le domaine de la conscience s’étend dans la nature. Mais n’exigeons pas ici l’évidence complète, rigoureuse, mathématique ; nous n’obtiendrions rien. Pour savoir de science certaine qu’un être est conscient, il faudrait pénétrer en lui, coïncider avec lui, être lui. Je vous défie de prouver, par expérience ou par raisonnement, que moi, qui vous parle en ce moment, je sois un être conscient. Je pourrais être un automate ingénieusement construit par la nature, allant, venant, discourant ; les paroles mêmes par lesquelles je me déclare conscient pourraient être prononcées inconsciemment. Toutefois, si la chose n’est pas impossible, vous m’avouerez qu’elle n’est guère probable. Entre vous et moi il y a une ressemblance extérieure évidente ; et de cette ressemblance extérieure vous concluez, par analogie, à une similitude interne. Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu’une probabilité ; mais il y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2007 S LA RÉUNION NORMALE Peut-on être injuste avec soi-même ?

2007 S LA RÉUNION NORMALE Pourquoi cherchons-nous à connaître le réel ?

2007 S LA RÉUNION NORMALE On considère l’État comme l’antagoniste de l’individu et il semble que le premier ne puisse se développer qu’au détriment du second. La vérité, c’est que l’État a été bien plutôt le libérateur de l’individu. C’est l’État qui, à mesure qu’il a pris de la force, a affranchi l’individu des groupes particuliers et locaux qui tendaient à l’absorber, famille, cité, corporation, etc. L’individualisme a marché dans l’histoire du même pas que l’étatisme. Non pas que l’État ne puisse devenir despotique et oppresseur. Comme toutes les forces de la nature, s’il n’est limité par aucune puissance collective qui le contienne, il se développera sans mesure et deviendra à son tour une menace pour les libertés individuelles. D’où il suit que la force sociale qui est en lui doit être neutralisée par d’autres forces sociales qui lui fassent contrepoids. Si les groupes secondaires sont facilement tyranniques quand leur réaction n’est pas modérée par celle de l’État, inversement celle de l’État, pour rester normale, a besoin d’être modérée à son tour. Le moyen d’arriver à ce résultat, c’est qu’il y ait dans la société, en dehors de l’État, quoique soumis à son influence, des groupes plus restreints (territoriaux, ou professionnels, il n’importe pour l’instant) mais fortement constitués et doués d’une individualité et d’une autonomie suffisante pour pouvoir s’opposer aux empiètement du pouvoir central. Ce qui libère l’individu, ce n’est pas la suppression de tout centre régulateur, c’est leur multiplication, pourvu que ces centres multiples soient coordonnés et subordonnés les uns aux autres.

DURKHEIM L’État et la société civile

2007 ES LIBAN NORMALE La recherche de l’égalité peut-elle être injuste ?

2007 ES LIBAN NORMALE Suis-je l’esclave de mes désirs ?

2007 ES LIBAN NORMALE Tous les hommes recherchent d’être heureux ; cela est sans exception ; quelques différents moyens qu’ils y emploient, ils tendent tous à ce but. ce qui fait que les uns vont à la guerre, et que les autres n’y vont pas, est ce même désir, qui est dans tous les deux, accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui vont se pendre.

Et cependant, depuis un si grand nombre d’années, jamais personne, sans la foi, n’est arrivé à ce point où tous visent continuellement. Tous se plaignent : princes, sujets, nobles, roturiers, vieux, jeunes ; forts, faibles ; savants, ignorants ; sains, malades ; de tous pays, de tous les temps, de tous âges et de toutes conditions.

Une épreuve si longue, si continuelle et si uniforme, devrait bien nous convaincre de notre impuissance d’arriver au bien par nos efforts ; mais l’exemple nous instruit peu. Il n’est jamais si parfaitement semblable, qu’il n’y ait quelque délicate différence ; et c’est de là que nous attendons que notre attente ne sera pas déçue en cette occasion comme en l’autre. Et ainsi, le présent ne nous satisfaisant jamais, l’expérience nous pipe (1), et, de malheur en malheur, nous mène jusqu’à la mort.

PASCAL Pensées

(1) piper : tromper

2007 L LIBAN NORMALE En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ?

2007 L LIBAN NORMALE La division du travail sépare-t-elle les hommes ?

2007 L LIBAN NORMALE Nous avons le libre arbitre, non pas quand nous percevons, mais quand nous agissons. Il ne dépend pas de mon arbitre de trouver le miel doux ou amer, mais il ne dépend pas non plus de mon arbitre qu’un théorème proposé m’apparaisse vrai ou faux ; la conscience n’a qu’à examiner ce qui lui apparaît. Lorsque nous décidons de quelque chose, nous avons toujours présentes à l’esprit ou bien une sensation ou une raison actuelles, ou tout au moins un souvenir actuel d’une sensation ou d’une raison passées ; bien qu’en ce dernier cas nous soyons souvent trompés par l’infidélité de la mémoire ou par l’insuffisance de l’attention. Mais la conscience de ce qui est présent ou de ce qui est passé ne dépend nullement de notre arbitre. Nous ne reconnaissons à fa volonté que le pouvoir de commander à l’attention et à l’intérêt ; et ainsi, quoiqu’elle ne fasse pas le jugement en nous, elle peut toutefois y exercer une influence indirecte. Ainsi il arrive souvent que les hommes finissent par croire ce qu’ils voudraient être la vérité, ayant accoutumé leur esprit à considérer avec le plus d’attention les choses qu’ils aiment ; de cette façon ils arrivent à contenter non seulement leur volonté mais encore leur conscience.

LEIBNIZ Opuscules philosophiques choisis

2007 ES MÉTROPOLE NORMALE Peut-on en finir avec les préjugés ?

2007 ES MÉTROPOLE NORMALE Que gagnons-nous à travailler ?

2007 ES MÉTROPOLE NORMALE Nous n’accusons pas la nature d’immoralité quand elle nous envoie un orage et nous trempe : pourquoi disons-nous donc immoral l’homme qui fait quelque mal ? Parce que nous supposons ici une volonté libre aux décrets arbitraires, là une nécessité. Mais cette distinction est une erreur. En outre, ce n’est même pas en toutes circonstances que nous appelons immorale une action intentionnellement nuisible ; on tue par exemple une mouche délibérément, mais sans le moindre scrupule, pour la pure et simple raison que son bourdonnement nous déplaît, on punit et fait intentionnellement souffrir le criminel afin de se protéger, soi et la société. Dans le premier cas, c’est l’individu qui, pour se conserver ou même pour s’éviter un déplaisir, cause intentionnellement un mal ; dans le second, c’est l’État. Toute morale admet les actes intentionnellement nuisibles en cas de légitime défense, c’est-à-dire quand il s’agit de conservation ! Mais ces deux points de vue suffisent à expliquer toutes les mauvaises actions exercées par des hommes sur les hommes : on veut son plaisir, on veut s’éviter le déplaisir ; en quelque sens que ce soit, il s’agit toujours de sa propre conservation. Socrate et Platon ont raison : quoi que l’homme fasse, il fait toujours le bien, c’est-à-dire ce qui lui semble bon (utile) suivant son degré d’intelligence, son niveau actuel de raison.

NIETZSCHE Humain, trop humain

2007 L MÉTROPOLE NORMALE Toute prise de conscience est-elle libératrice ?

2007 L MÉTROPOLE NORMALE Les oeuvres d’art sont-elles des réalités comme les autres ?

2007 L MÉTROPOLE NORMALE En menant une existence relâchée les hommes sont personnellement responsables d’être devenus eux-mêmes relâchés, ou d’être devenus injustes ou intempérants, dans le premier cas par leur mauvaise conduite, dans le second en passant leur vie à boire ou à commettre des excès analogues : en effet, c’est par l’exercice des actions particulières qu’ils acquièrent un caractère du même genre qu’elles. On peut s’en rendre compte en observant ceux qui s’entraînent en vue d’une compétition ou d’une activité quelconque : tout leur temps se passe en exercices. Aussi, se refuser à reconnaître que c’est à l’exercice de telles actions particulières que sont dues les dispositions de notre caractère est-il le fait d’un esprit singulièrement étroit. En outre, il est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance ne veuille pas être injuste ou intempérant ; et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de nous rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’ensuit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre vous n’êtes plus capable de la rattraper. Pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque

2007 S MÉTROPOLE NORMALE Le désir peut-il se satisfaire de la réalité ?

2007 S MÉTROPOLE NORMALE Que vaut l’opposition du travail manuel et du travail intellectuel ?

2007 S MÉTROPOLE NORMALE La validité des règles de justice, telles qu’elles prévalent entre les individus, n’est pas entièrement suspendue entre les sociétés politiques. Tous les princes se targuent de prendre en considération les droits des autres princes, et certains, cela ne fait pas de doute, sans hypocrisie. Des alliances et des traités sont conclus tous les jours entre États indépendants, et ils ne seraient qu’autant de parchemin gaspillé, si l’on ne constatait, à l’expérience, qu’ils ont quelque influence et autorité. Mais ici réside la différence entre les royaumes et les individus. La nature humaine ne peut en aucune façon subsister sans l’association des individus, et cette association ne pourrait exister si l’on ne respectait pas les lois d’équité et de justice. Désordre, confusion, la guerre de tous contre tous, sont les nécessaires conséquences d’une telle conduite licencieuse. Mais les nations peuvent subsister sans relations. Elles peuvent même subsister, dans une certaine mesure, dans une guerre générale. L’observance de la justice, bien qu’utile entre elles, n’est pas garantie par une nécessité si forte qu’entre les individus, et l’obligation morale est en proportion de l’utilité. Tous les politiques admettent, ainsi que la plupart des philosophes, que des raisons d’État peuvent, en cas d’urgences particulières, dispenser de suivre les règles de justice, et invalider tout traité ou alliance, si les respecter strictement était considérablement préjudiciable à l’une ou l’autre des parties contractantes. Mais rien de moins que la plus extrême nécessité, reconnaît-on, ne peut justifier que les individus violent une promesse, ou envahissent les propriétés des autres.

HUME Enquête sur les principes de la morale

2007 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Les échanges favorisent-ils la paix ?

2007 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Les lois sont-elles l’oeuvre de la raison ?

2007 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit.

BACHELARD

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "l’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances " ;

b) "ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique" ;

c) "rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit".

3° L’opinion fait-elle obstacle à la science ?

2007 TMD MÉTROPOLE NORMALE L’art nous éloigne-t-il de la réalité ?

2007 TMD MÉTROPOLE NORMALE Peut-on se passer de l’État ?

2007 TMD MÉTROPOLE NORMALE L’homme qui n’est soumis à aucune entrave est libre, lui qui a toutes choses sous la main, à son gré. Mais celui que l’on peut entraver ou contraindre, à qui l’on peut faire obstacle, celui que l’on peut, malgré lui, jeter dans quelque difficulté, celui-là est esclave. Et quel est l’homme qui est affranchi de toute entrave ? Celui qui ne désire rien de ce qui lui est étranger. Et quelles choses nous sont étrangères ? Celles qu’il ne dépend de nous ni d’avoir, ni de n’avoir pas, ni d’avoir avec telles ou telles qualités, ou en telles conditions. Donc le corps nous est étranger, ses membres nous sont étrangers, la fortune nous est étrangère. Si, par conséquent, tu t’attaches à quelqu’une de ces choses comme à un objet personnel, tu recevras le châtiment que mérite celui qui désire ce qui lui est étranger. Telle est la route qui conduit à la liberté ; la seule qui délivre de l’esclavage.

ÉPICTÈTE

QUESTIONS :

1° Dégager la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "lui qui a toutes choses sous la main" ;

b) "Celui qui ne désire rien de ce qui lui est étranger" ;

c) "Donc le corps nous est étranger, ses membres nous sont étrangers, la fortune nous est étrangère."

3° Être libre, est-ce ne désirer que ce qui dépend de nous ?

2007 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on parler de tout ?

2007 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Vouloir être libre, est-ce accepter la possibilité du malheur ?

2007 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est-ce qu’il existe aucun fait qui soit indépendant de l’opinion et de l’interprétation ? Des générations d’historiens et de philosophes de l’histoire n’ont-elles pas démontré l’impossibilité de constater des faits sans les interpréter, puisque ceux-ci doivent d’abord être extraits d’un chaos de purs événements (et les principes du choix ne sont assurément pas des données de fait), puis être arrangés en une histoire qui ne peut être racontée que dans une certaine perspective, qui n’a rien à voir avec ce qui a eu lieu à l’origine ? Il ne fait pas de doute que ces difficultés, et bien d’autres encore, inhérentes aux sciences historiques, soient réelles, mais elles ne constituent pas une preuve contre l’existence de la matière factuelle, pas plus qu’elles ne peuvent servir de justification à l’effacement des lignes de démarcation entre le fait, l’opinion et l’interprétation, ni d’excuse à l’historien pour manipuler les faits comme il lui plaît. Même si nous admettons que chaque génération ait le droit d’écrire sa propre histoire, nous refusons d’admettre qu’elle ait le droit de remanier les faits en harmonie avec sa perspective propre ; nous n’admettons pas le droit de porter atteinte à la matière factuelle elle-même.

ARENDT La Crise de la culture

2007 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Avons-nous le choix d’être libre ?

2007 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ne peut-on être heureux qu’au passé ?

2007 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Je ne saurais exprimer un jugement avec des mots, si, dès l’instant que je vais prononcer la première syllabe, je ne voyais pas déjà toutes les idées dont mon jugement est formé. Si elles ne s’offraient pas toutes à la fois, je ne saurais par où commencer, puisque je ne saurais pas ce que je voudrais dire. Il en est de même lorsque je raisonne ; je ne commencerais point, ou je ne finirais point un raisonnement, si la suite des jugements qui le composent, n’était pas en même temps présente à mon esprit.

Ce n’est donc pas en parlant que je juge et que je raisonne. J’ai déjà jugé et raisonné, et ces opérations de l’esprit précèdent nécessairement le discours.

En effet nous apprenons à parler parce que nous apprenons à exprimer par des signes les idées que nous avons et les rapports que nous apercevons entre elles. Un enfant n’apprendrait donc pas à parler, s’il n’avait pas déjà des idées, et s’il ne saisissait pas déjà des rapports. Il juge donc et il raisonne avant de savoir un mot d’aucune langue.

Sa conduite en est la preuve, puisqu’il agit en conséquence des jugements qu’il porte. Mais parce que sa pensée est l’opération d’un instant, qu’elle est sans succession, et qu’il n’a point de moyen pour la décomposer, il pense, sans savoir ce qu’il fait en pensant ; et penser n’est pas encore un art pour lui.

CONDILLAC Cours d’étude pour l’instruction des jeunes gens

2007 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT D’où les lois tirent-elles leur force ?

2007 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le progrès technique transforme-t-il les hommes ?

2007 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT II est douteux que l’intérêt particulier s’accorde invariablement avec l’intérêt général : on sait à quelles difficultés insolubles s’est toujours heurtée la morale utilitaire quand elle a posé en principe que l’individu ne pouvait rechercher que son bien propre, quand elle a prétendu qu’il serait conduit par là à vouloir le bien d’autrui. Un être intelligent, à la poursuite de ce qui est de son intérêt personnel, fera souvent tout autre chose que ce que réclamerait l’intérêt général. Si pourtant la morale utilitaire s’obstine à reparaître sous une forme ou sous une autre, c’est qu’elle n’est pas insoutenable ; et si elle peut se soutenir, c’est justement parce qu’au-dessous de l’activité intelligente, qui aurait en effet à opter entre l’intérêt personnel et l’intérêt d’autrui, il y a un substratum (1) d’activité instinctive primitivement établi par la nature, où l’individuel et le social sont tout près de se confondre. La cellule vit pour elle et aussi pour l’organisme, lui apportant et lui empruntant de la vitalité ; elle se sacrifiera au tout s’il en est besoin ; et elle se dirait sans doute alors, si elle était consciente, que c’est pour elle-même qu’elle le fait. Tel serait probablement aussi l’état d’âme d’une fourmi réfléchissant sur sa conduite. Elle sentirait que son activité est suspendue à quelque chose d’intermédiaire entre le bien de la fourmi et celui de la fourmilière. Or, c’est à cet instinct fondamental que nous avons rattaché l’obligation proprement dite : elle implique, à l’origine, un état de chose où l’individuel et le social ne se distinguent pas l’un de l’autre.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion

(1) noyau, fond permanent

2007 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La raison est-elle plus fiable que l’expérience ?

2007 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Changer d’avis, est-ce faire acte de liberté ?

2007 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.

Mais si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même tes particuliers. Nous voyons que, dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent.

L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité et qu’on peut les négliger pour ceux des autres.

La privation totale du commerce produit au contraire le brigandage, qu’Aristote met au nombre des manières d’acquérir. L’esprit n’en est point opposé à de certaines vertus morales : par exemple, l’hospitalité, très rare dans les pays de commerce, se trouve admirablement parmi les peuples brigands.

MONTESQUIEU

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels" ;

b) "si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers" ;

c) "l’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte".

3° Les échanges commerciaux rendent-ils les hommes meilleurs ?

2007 TMD MÉTROPOLE SECOURS Ce qui est évident est-il toujours vrai ?

2007 TMD MÉTROPOLE SECOURS L’art n’est-il qu’une affaire de goût ?

2007 TMD MÉTROPOLE SECOURS Il est étrange que l’on ait pu raisonner à perte de vue sur le déterminisme et le libre arbitre, citer des exemples en faveur de l’une ou l’autre thèse, sans tenter, au préalable, d’expliciter les structures contenues dans l’idée même d’action. Le concept d’acte contient en effet de nombreuses notions subordonnées que nous aurons à organiser et à hiérarchiser : agir, c’est modifier la figure du monde, c’est disposer des moyens en vue d’une fin, c’est produire un complexe instrumental et organisé tel que, par une série d’enchaînements et de liaisons, la modification apportée à l’un des chaînons amène des modifications dans toute la série et, pour finir, produise un résultat prévu. Mais ce n’est pas encore là ce qui nous importe. Il convient, en effet, de remarquer d’abord qu’une action est par principe intentionnelle. Le fumeur maladroit qui a fait, par mégarde, exploser une poudrière n’a pas agi. Par contre, l’ouvrier chargé de dynamiter une carrière et qui a obéi aux ordres donnés a agi lorsqu’il a provoqué l’explosion prévue : il savait, en effet, ce qu’il faisait ou, si l’on préfère, il réalisait intentionnellement un projet conscient.

SARTRE

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte, et exposez le raisonnement.

2° Expliquez :

a) "agir, c’est modifier la figure du monde" ;

b) "Le fumeur maladroit qui a fait, par mégarde, exploser une poudrière n’a pas agi. Par contre, l’ouvrier chargé de dynamiter une carrière et qui a obéi aux ordres donnés a agi" ;

c) "il réalisait intentionnellement un projet conscient".

3° Suffit-il d’agir consciemment pour agir librement ?

2007 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La recherche scientifique est-elle une recherche de la vérité ?

2007 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Sommes-nous prisonniers de notre histoire ?

2007 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Auxiliaire de l’action, elle [la perception] isole, dans l’ensemble de la réalité, ce qui nous intéresse ; elle nous montre moins les choses mêmes que le parti que nous en pouvons tirer. Par avance elle les classe, par avance elle les étiquette ; nous regardons à peine l’objet, il nous suffit de savoir à quelle catégorie il appartient. Mais, de loin en loin, par un accident heureux, des hommes surgissent dont les sens ou la conscience sont moins adhérents à la vie. La nature a oublié d’attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d’agir. Quand ils regardent une chose, ils la voient pour elle, et non plus pour eux. Ils ne perçoivent plus simplement en vue d’agir ; ils perçoivent pour percevoir, - pour rien, pour le plaisir. Par un certain côté d’eux-mêmes, soit par leur conscience soit par un de leurs sens, ils naissent détachés ; et, selon que ce détachement est celui de tel ou tel sens, ou de la conscience, ils sont peintres ou sculpteurs, musiciens ou poètes. C’est donc bien une vision plus directe de la réalité que nous trouvons dans les différents arts ; et c’est parce que l’artiste songe moins à utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses.

BERGSON La Pensée et le mouvant

2007 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La raison peut-elle être mise au service du mal ?

2007 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on être heureux en toute circonstance ?

2007 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE J’apprends (...) à rendre un service à autrui, sans lui porter de tendresse réelle, parce que je prévois qu’il me le rendra dans l’espérance d’un autre service et afin de maintenir la même réciprocité de bons offices avec les autres ou avec moi. Et par suite, une fois que je lui ai rendu service et qu’il profite de l’effet bénéfique de mon action, il est conduit à accomplir sa part, prévoyant les conséquences qu’engendrerait son refus.

Mais bien que cet échange intéressé entre les hommes commence à s’établir et à prévaloir dans la société, il n’abolit pas entièrement les relations d’amitié et les bons offices, qui sont plus généreux et plus nobles. Je peux encore rendre des services à des personnes que j’aime et que je connais plus particulièrement, sans avoir de profit en vue, et elles peuvent me le retourner de la même manière ; sans autre intention que de récompenser mes services passés. Par conséquent, afin de distinguer ces deux sortes différentes d’échange, l’intéressé et celui qui ne l’est pas, il y a une certaine formule verbale inventée pour le premier, par laquelle nous nous engageons à l’accomplissement d’une action. Cette formule verbale constitue ce que nous appelons une promesse, qui est la sanction de l’échange intéressé entre les hommes. Quand quelqu’un dit qu’il promet quelque chose, il exprime en réalité une résolution d’accomplir cette chose et, en même temps, puisqu’il fait usage de cette formule verbale, il se soumet lui-même, en cas de dédit, à la punition qu’on ne se fie plus jamais à lui.

HUME

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte. Dégagez les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) la distinction entre ( "échange intéressé" et "relations d’amitié" ;

b) l’expression : "sans autre intention que de récompenser mes services passés."

3° Peut-il y avoir des échanges désintéressés ?

2007 L NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Peut-on protéger la nature sans faire appel à la technique ?

2007 L NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT La loi est-elle une garantie contre l’injustice ?

2007 L NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT La communication des idées qui sont désignées par des mots n’est pas, comme on le suppose couramment, le seul et principal but du langage. Il y en a bien d’autres, tels qu’éveiller une certaine passion, provoquer ou empêcher une action et mettre l’esprit dans une disposition particulière. La première fin est, dans beaucoup de cas, pour le moins auxiliaire et parfois même entièrement absente lorsque de tels effets peuvent se produire sans son aide, ainsi que je pense qu’il arrive assez fréquemment dans l’usage ordinaire du langage. Je prie le lecteur de réfléchir et se consulter lui-même : ne lui arrive-t-il pas souvent, en écoutant ou en lisant un discours, que la peur, l’amour, la haine, l’admiration, le mépris et des passions semblables surgissent immédiatement dans son esprit lors de la perception de certains mots, sans qu’intervienne aucune idée ? Au début, il est vrai, les mots ont pu être l’occasion d’idées conformes à produire de telles émotions ; mais, si je ne me trompe, il se trouvera que, une fois que la langue nous est devenue familière, l’audition des sons ou la vue des caractères est souvent accompagnée immédiatement de ces passions qui étaient d’abord produites par l’intervention des idées qui sont maintenant tout à fait absentes. Ne pouvons-nous, par exemple, être sensibles à la promesse d’une bonne chose, tout en n’ayant pas d’idée de ce qu’elle est ? Ou bien, le fait d’être menacés d’un danger ne suffit-il pas à exciter la peur ? Cela, même si nous ne pensons en particulier à aucun mal qui risquerait de nous advenir, et que nous ne nous forgeons pas non plus une idée du danger dans l’abstrait.

BERKELEY Principes de la connaissance humaine.

2007 S NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Puis-je savoir ce que je suis ?

2007 S NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT La justice et l’inégalité sont-elles compatibles ?

2007 S NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT On dit volontiers : mon vouloir a été déterminé par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d’emblée que je me sois ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n’a pas été seulement passif ; il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c’est mon vouloir qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n’est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de causes et mon vouloir n’est pas l’effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s’ensuive nécessairement. Mais, en tant que réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l’homme allègue qu’il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l’état d’essence non libre ou naturelle, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d’un autre ni l’effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n’ont jamais sur les hommes que le pouvoir qu’ils leur accordent eux-mêmes.

HEGEL Propédeutique philosophique.

2007 ES POLYNÉSIE NORMALE Toute oeuvre d’art veut-elle dire quelque chose ?

2007 ES POLYNÉSIE NORMALE Faut-il aimer autrui pour le respecter ?

2007 ES POLYNÉSIE NORMALE De même que les autres tyrannies, la tyrannie de la majorité inspirait - et inspire encore généralement - de la crainte d’abord parce qu’elle transparaissait dans les actes des autorités publiques. Mais les gens réfléchis s’aperçurent que, lorsque la société devient le tyran - lorsque la masse en vient à opprimer l’individu - ses moyens de tyranniser ne se limitent pas aux actes qu’elle impose à ses fonctionnaires politiques. La société applique les décisions qu’elle prend. Si elle en prend de mauvaises, si elle veut ce faisant s’ingérer dans des affaires qui ne sont pas de son ressort, elle pratique une tyrannie sociale d’une ampleur nouvelle - différente des formes d’oppression politique qui s’imposent à coups de sanctions pénales - tyrannie qui laisse d’autant moins d’échappatoire qu’elle va jusqu’à se glisser dans les plus petits détails de la vie, asservissant ainsi l’âme elle-même. Se protéger contre la tyrannie du magistrat ne suffit donc pas. Il faut aussi se protéger contre la tyrannie de l’opinion et du sentiment dominants, contre la tendance de la société à imposer, par d’autres moyens que les sanctions pénales, ses propres idées et ses propres pratiques comme règles de conduite à ceux qui ne seraient pas de son avis. Il faut encore se protéger contre sa tendance à entraver le développement - sinon à empêcher la formation - de toute individualité qui ne serait pas en harmonie avec ses moeurs et à façonner tous les caractères sur un modèle préétabli.

MILL De la Liberté

2007 S POLYNÉSIE NORMALE La recherche de la vérité nous aide-t-elle à vivre ?

2007 S POLYNÉSIE NORMALE L’État est-il au-dessus des lois ?

2007 S POLYNÉSIE NORMALE L’injustice enlève toujours quelque chose à ceux qu’elle vise ; ils ne peuvent subir une injustice sans quelque dommage pour leur dignité, leur corps ou leurs biens extérieurs ; or le sage ne peut rien perdre ; il a tout en lui-même ; il ne se confie pas à la fortune (1) ; les biens qu’il possède sont solides ; il se contente de la vertu qui ne dépend pas des événements fortuits ; aussi ne peut-elle ni augmenter, ni diminuer (car arrivée à son terme, elle n’a pas de place pour croître, et la fortune n’enlève rien que ce qu’elle a donné ; or elle ne donne pas la vertu et par conséquent ne la retire pas). La vertu est libre, inviolable, immobile, inébranlable ; elle est tellement endurcie contre les hasards qu’ils ne peuvent même la faire plier, bien loin de pouvoir la vaincre. En face d’un appareil de terreur le sage ne baisse pas les yeux, et il ne change pas de visage, que les événements se montrent pénibles ou favorables. Aussi ne perdra-t-il rien dont la perte lui serait sensible ; il ne possède qu’une seule chose, la vertu, dont jamais il ne peut être dépouillé ; les autres choses, il en use à titre précaire ; or pourquoi s’émouvoir de la perte de ce qui n’est pas à soi ? Si l’injustice ne peut porter nul dommage à ce qui est la propriété du sage, puisque, grâce à la venu, cette propriété reste sauve, on ne peut commettre d’injustice contre le sage.

SÉNÈQUE De la Constance du sage

(1) "fortune" : le cours des événements

2007 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La conscience de soi rend-elle libre ?

2007 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’homme juste peut-il aller contre la loi ?

2007 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT En règle générale, ce n’est pas l’artiste exécutant qui peut donner une juste information sur les principes de son art. Il ne crée pas d’après des principes et n’évalue pas d’après des principes. En créant, il obéit à l’impulsion spontanée de ses facultés harmonieusement cultivées et, en jugeant, à la finesse de son intuition et de son sens artistiques. Or, il n’en est pas seulement ainsi dans le cas des beaux-arts, auxquels on a pu penser tout d’abord, mais pour tous les arts en général, en prenant ce mot dans son sens le plus large. Il en est, par conséquent, aussi de même pour les activités de la création scientifique et l’évaluation théorique de ses résultats, des fondations scientifiques de faits, de lois, de théories. Le mathématicien, le physicien, l’astronome eux-mêmes n’ont pas besoin, pour mener à bien leurs travaux scientifiques les plus importants, d’accéder à l’évidence intellectuelle des ultimes fondements de leur activité et, bien que les résultats obtenus possèdent, pour eux et pour d’autres, la force d’une conviction rationnelle, ils ne peuvent cependant pas élever la prétention d’avoir prouvé, pour tous les cas, les ultimes prémisses (1) de leurs conclusions, ni recherché les principes sur lesquels repose la validité de leurs méthodes. Or, c’est à cela que tient l’état d’imperfection de toutes les sciences.

HUSSERL Recherches logiques.

(1) Premières propositions d’un raisonnement dont on tire une conclusion

2007 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Faut-il faire l’expérience de quelque chose pour le connaître ?

2007 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Une technique se juge-t-elle seulement à son efficacité ?

2007 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Supposons que le destin d’un homme vertueux le place dans la compagnie de coupe-jarrets (1), hors de la protection des lois et du gouvernement. Quelle conduite devrait-il adopter dans cette triste situation ? Il voit partout régner une rapacité si acharnée, un tel mépris de l’équité, un tel dédain de l’ordre, un aveuglement si stupide quant aux conséquences futures, qu’il doit s’ensuivre immédiatement la plus tragique conclusion, la destruction finale du plus grand nombre et la totale dissolution des liens sociaux entre les survivants. Lui, cependant, ne peut avoir d’autre expédient (2) que de s’armer, quel que soit le propriétaire de l’épée ou du bouclier dont il s’empare, et ce, afin de se munir de tous les moyens de défense et de sécurité. Son respect personnel de la justice n’étant plus d’aucune utilité pour sa propre sûreté ou pour celle des autres, il doit suivre les prescriptions du seul instinct de conservation, sans s’inquiéter de ceux qui ne méritent plus ses égards et son attention.

HUME

(1) coupe-jarrets : bandits, assassins.

(2) expédient : moyen de se tirer d’embarras.

QUESTIONS :

1° Le texte présente une supposition. Quelle thèse permet-elle d’établir ?

2° Expliquez :

a) " hors de la protection des lois et du gouvernement " ;

b) " la totale dissolution des liens sociaux " ;

c) " aucune utilité pour sa propre sûreté ou pour celle des autres ".

3° Peut-on être juste quand les autres ne le sont pas ?

2008 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La vérité est-elle libératrice ?

2008 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Puis-je apprécier une oeuvre d’art sans comprendre sa signification ?

2008 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires, consiste, principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses, que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu’elles aient aussi des passions, et même souvent de plus violentes que celles du commun (1), leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions même leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. Car, d’une part, se considérant comme immortelles et capables de recevoir de très grands contentements, puis, d’autre part, considérant qu’elles sont jointes à des corps mortels et fragiles, qui sont sujets à beaucoup d’infirmités, et qui ne peuvent manquer de périr dans peu d’années, elles font bien tout ce qui est en leur pouvoir pour se rendre la fortune (2) favorable en cette vie, mais néanmoins elles l’estiment si peu, au regard de l’éternité, qu’elles n’en considèrent quasi les événements que comme nous faisons ceux des comédies. Et comme les histoires tristes et lamentables, que nous voyons représenter sur un théâtre, nous donnent souvent autant de récréation que les gaies, bien qu’elles tirent des larmes de nos yeux ; ainsi ces plus grandes âmes, dont je parle, ont de la satisfaction, en elles-mêmes, de toutes les choses qui leur arrivent, même des plus fâcheuses et insupportables.

DESCARTES Lettre à Elisabeth

(1) commun : ici, le commun des mortels

(2) la fortune : le sort

2008 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’histoire ne serait-elle qu’une suite d’événements ?

2008 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Que pouvons-nous savoir des autres ?

2008 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La liberté naturelle de l’homme, c’est d’être exempt de toute sujétion envers un pouvoir supérieur sur la terre, et de ne pas être soumis à l’autorité législative de l’homme, mais de n’avoir pour règle que la loi de nature. La liberté de l’homme dans la société, c’est de n’être soumis à aucun autre pouvoir législatif que celui qui a été établi dans la République par consentement ; de n’être assujetti à aucune domination, à aucune volonté, ni à aucune loi hormis celle qu’édicte le pouvoir législatif, conformément à la mission qui lui a été confiée. La liberté n’est donc pas (...) une liberté pour tout un chacun de faire tout ce qui lui plaît, de vivre comme il l’entend, et de n’être lié par aucune loi. Mais la liberté des hommes soumis à un gouvernement, c’est d’avoir une règle stable à laquelle se conformer, qui soit commune à tous les membres de cette société, et créée par le pouvoir législatif qui y a été établi ; une liberté de suivre ma propre volonté dans toutes les choses où la règle ne prescrit rien ; de n’être pas assujetti à la volonté inconstante, incertaine et arbitraire d’un autre homme. Tout comme la liberté de nature consiste à n’être soumis à aucune autre contrainte que celle de la loi de nature.

LOCKE Second Traité du gouvernement

2008 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Mon corps fait-il obstacle à ma liberté ?

2008 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Pour être juste, suffit-il d’obéir aux lois ?

2008 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Dans une montre une partie est l’instrument du mouvement des autres, mais un rouage n’est pas la cause efficiente de la production d’un autre rouage ; certes une partie existe pour une autre, mais ce n’est pas par cette autre partie qu’elle existe. C’est pourquoi la cause productrice de celles-ci et de leur forme n’est pas contenue dans la nature (de cette matière), mais en dehors d’elle dans un être, qui d’après des Idées peut réaliser un tout possible par sa causalité. C’est pourquoi aussi dans une montre un rouage ne peut en produire un autre et encore moins une montre d’autres montres, en sorte qu’à cet effet elle utiliserait (elle organiserait) d’autres matières ; c’est pourquoi elle ne remplace pas d’elle-même les parties, qui lui ont été ôtées, ni ne corrige leurs défauts dans la première formation par l’intervention des autres parties, ou se répare elle-même, lorsqu’elle est déréglée : or tout cela nous pouvons en revanche l’attendre de la nature organisée. Ainsi un être organisé n’est pas simplement machine, car la machine possède uniquement une force motrice ; mais l’être organisé possède en soi une force formatrice qu’il communique aux matériaux, qui ne la possèdent pas (il les organise) : il s’agit ainsi d’une force formatrice qui se propage et qui ne peut pas être expliquée par la seule faculté de mouvoir (le mécanisme).

KANT Critique de la faculté de juger

2008 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Peut-on désirer savoir pour savoir ?

2008 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Le progrès technique peut-il procurer le bonheur ?

2008 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Il n’y a rien à quoi l’on doive plus travailler qu’à se connaître. Or notre esprit est comme l’oeil qui voit tout et qui ne se voit point, si ce n’est par réflexion lorsqu’il se regarde dans un miroir. Le secret pour se connaître et pour bien juger de nous, c’est de nous voir dans les autres. L’Histoire est un grand miroir où l’on se voit tout entier. Un homme ne fait rien qu’un autre ne fasse ou ne puisse faire. En faisant donc attention aux grands exemples de cruautés, de dérèglements, d’impudicité, et de semblables crimes nous apercevons où nous peut porter la corruption de notre coeur quand nous ne travaillons pas à la guérir. La pratique du monde enseigne l’art de vivre ; ceux-là y excellent qui ont voyagé, et qui ont eu commerce avec des personnes de différents pays, et de différente humeur. L’Histoire supplée à cette pratique du monde, à ces pénibles voyages que peu de personnes peuvent faire. On y voit de quelle manière les hommes ont toujours vécu. On apprend à supporter les accidents de la vie, à n’en être pas surpris, à ne se plaindre point de son siècle, comme si nos plaintes pouvaient empêcher des maux dont aucun âge n’a été exempt. On reconnaît la malignité et la misère des hommes, leur vanité, quel mépris il faut faire des richesses, que les grandes fortunes ont souvent de terribles catastrophes. De sorte que l’étude de l’histoire étant bien faite, c’est une Philosophie qui fait d’autant plus d’impression qu’elle nous parle par des exemples sensibles, dont il est bon de tenir registre, afin de les représenter et à soi, et aux autres dans les occasions.

ROUSSEAU Textes historiques

2008 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’artiste est-il le meilleur interprète de son oeuvre ?

2008 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La raison doit-elle se soumettre au réel ?

2008 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’usage et la fin de la raison n’est pas de trouver la somme et la vérité d’une ou de plusieurs conséquences éloignées des premières définitions et des significations établies des noms, mais de commencer par celles-ci et d’aller d’une conséquence à une autre. Car il ne peut y avoir aucune certitude, quant à la dernière conclusion, sans certitude au sujet de ces affirmations et négations sur lesquelles elle est fondée et déduite. Quand le chef de famille, en faisant les comptes, additionne les sommes de toutes les factures des dépenses pour n’en faire qu’une seule, sans se préoccuper de savoir comment chacune des factures a été additionnée par ceux qui les ont établies ou à quel achat elle correspond, il ne se rend pas un meilleur service que s’il se contentait d’approuver globalement les comptes en faisant confiance à la capacité et à l’honnêteté de chaque comptable. Il en est de même en ce qui concerne le raisonnement dans tous les autres domaines : celui qui s’en tient aux conclusions d’un auteur en qui il a confiance, et ne cherche pas à remonter aux tout premiers éléments de chaque calcul (qui sont les significations établies par les définitions), celui-là travaille en pure perte : il ne sait rien et ne fait seulement que croire.

HOBBES Léviathan

2008 ES ANTILLES NORMALE Peut-on résister au vrai ?

2008 ES ANTILLES NORMALE Le bonheur des autres dépend-il de nous ?

2008 ES ANTILLES NORMALE Ce qui est décisif, c’est que la loi, bien qu’elle délimite un espace où les hommes ont renoncé à la violence entre eux, recèle en elle, du fait de sa formation comme par sa nature même, quelque chose de violent. Elle résulte de la fabrication et non de l’action ; le législateur ressemble à l’urbaniste et à l’architecte, et non à l’homme d’État ou au citoyen. La loi, en produisant l’espace du politique, contient cet élément de violation et de violence caractéristique de toute production.

En tant qu’artifice, elle s’oppose à ce qui s’est développé naturellement et qui pour être n’a nécessité aucune assistance, ni divine ni humaine. (...] Face à l’homme qui lui est soumis, une telle violence s’exprime dans le fait que les lois commandent, qu’elles règnent en maîtresses absolues dans la polis (1) où aucun homme n’a le droit de commander ses égaux. Les lois sont ainsi le père et le despote tout à la fois.

ARENDT Qu’est-ce que la politique ?

(1) la polis : la cité

2008 L ANTILLES NORMALE Peut-on concevoir une conscience sans inconscient ?

2008 L ANTILLES NORMALE Que vaut la loi du coeur contre la loi de l’État ?

2008 L ANTILLES NORMALE C’est dire qu’il faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, ce qui aura le plus d’intérêt pour l’historien à venir. Quand cet historien considérera notre présent à nous, il y cherchera surtout l’explication de son présent à lui. et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveauté. Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd’hui, si ce doit être une création. Comment donc nous réglerions-nous aujourd’hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu’il faut enregistrer, ou plutôt pour fabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes est l’avènement de la démocratie. Que dans le passé, tel qu’il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions des signes avant-coureurs, c’est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n’auraient été notées par eux que s’ils avaient su que l’humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n’était pas plus marquée alors qu’une autre, ou plutôt elle n’existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, je veux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie. Les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. Ni la course, ni sa direction, ni par conséquent son terme n’étaient donnés quand ces faits se produisaient : donc ces faits n’étaient pas encore des signes.

BERGSON La Pensée et le mouvant.

2008 S ANTILLES NORMALE L’État peut-il assurer à la fois la liberté et la sécurité des individus ?

2008 S ANTILLES NORMALE Suis-je le seul à savoir ce que je dois faire ?

2008 S ANTILLES NORMALE Les artistes ont un intérêt à ce qu’on croie aux intuitions soudaines, aux soi-disant inspirations ; comme si l’idée de l’oeuvre d’art, du poème, la pensée fondamentale d’une philosophie, tombait du ciel comme un rayon de la grâce. En réalité, l’imagination du bon artiste ou penseur produit constamment du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé, exercé, rejette, choisit, combine ; ainsi, l’on se rend compte aujourd’hui d’après les Carnets de Beethoven qu’il a composé peu à peu ses plus magnifiques mélodies et les a en quelque sorte tirées d’ébauches multiples. Celui qui discerne moins sévèrement et s’abandonne volontiers à la mémoire reproductrice pourra, dans certaines conditions, devenir un grand improvisateur ; mais l’improvisation artistique est à un niveau fort bas en comparaison des idées d’art choisies sérieusement et avec peine. Tous les grands hommes sont de grands travailleurs, infatigables non seulement à inventer, mais encore à rejeter, passer au crible, modifier, arranger.

NIETZSCHE Humain, trop humain.

2008 TECHN. ANTILLES NORMALE L’homme injuste peut-il être heureux ?

2008 TECHN. ANTILLES NORMALE Peut-on expliquer une oeuvre d’art ?

2008 TECHN. ANTILLES NORMALE Puisque l’homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux aussi que tout arrive comme il me plaît. - Eh ! mon ami, la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble. La liberté est une chose non seulement très belle, mais très raisonnable et il n’y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former des désirs téméraires (1) et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées. Quand j’ai le nom de Dion à écrire, il faut que je l’écrive, non pas comme je veux, mais tel qu’il est, sans y changer une seule lettre. Il en est de même dans tous les arts et dans toutes les sciences. Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie ! Non, mon ami : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent.

ÉPICTÈTE

(1) téméraire : trop hardi, imprudent.

QUESTIONS

a) Quelle est la thèse de ce texte ?

b) à quelle idée de la liberté s’oppose-t-elle ?

c) comment la thèse est-elle établie ?

a) expliquez : "la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble"

b) que montre l’exemple de l’écriture du nom de Dion ?

3° La liberté consiste-t-elle à vouloir que les choses arrivent, non comme il nous plaît, mais comme elles arrivent ?

2008 ES ANTILLES REMPLACEMENT Y a-t-il des limites à la liberté d’expression ?

2008 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’ignorant peut-il être heureux ?

2008 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’évolution de la vie sur la terre ou de la société humaine, est un processus historique unique. Un tel processus, nous pouvons le présumer, s’effectue en accord avec tous les genres de lois causales, par exemple les lois de la mécanique, de la chimie, de l’hérédité et de la ségrégation, de la sélection naturelle, etc. On ne peut cependant pas le décrire comme une loi, mais seulement comme un énoncé historique singulier. Les lois universelles formulent des assertions relatives à un certain ordre invariant (...), c’est-à-dire relatives à tous les processus d’un certain genre ; et bien qu’il n’y ait pas de raison pour que l’observation d’un seul cas unique ne doive pas nous inciter à formuler une loi universelle, ni même pour que, avec de la chance, nous ne rencontrions pas la vérité, il est clair que toute loi, qu’elle soit formulée de cette manière ou d’une autre, doit être testée sur d’autres cas avant de pouvoir être prise sérieusement en considération par la science. Mais nous ne pouvons espérer tester une hypothèse universelle ni découvrir une loi naturelle acceptable pour la science si nous sommes à jamais réduits à l’observation d’un seul et unique processus. L’observation d’un seul et unique processus ne peut non plus nous permettre de prévoir l’évolution future. La plus minutieuse observation du développement d’une unique chenille ne nous aidera pas à prévoir sa métamorphose en papillon.

POPPER Misère de l’historicisme

2008 L ANTILLES REMPLACEMENT N’existons-nous que par le regard d’autrui ?

2008 L ANTILLES REMPLACEMENT Une interprétation peut-elle prétendre à la vérité ?

2008 L ANTILLES REMPLACEMENT Qu’est-ce en fin de compte que l’on appelle "commun" ? Les mots sont des symboles sonores pour désigner des idées, mais les idées sont des signes imagés, plus ou moins précis, de sensations qui reviennent fréquemment et simultanément, de groupes de sensations. Il ne suffit pas, pour se comprendre mutuellement, d’employer les mêmes mots ; il faut encore employer les mêmes mots pour désigner la même sorte d’expériences intérieures, il faut enfin avoir en commun certaines expériences. C’est pourquoi les gens d’un même peuple se comprennent mieux entre eux que ceux qui appartiennent à des peuples différents, même si ces derniers usent de la même langue ; ou plutôt, quand des hommes ont longtemps vécu ensemble dans des conditions identiques, sous le même climat, sur le même sol, courant les mêmes dangers, ayant les mêmes besoins, faisant le même travail, il en naît quelque chose qui "se comprend" : un peuple. Dans toutes les âmes un même nombre d’expériences revenant fréquemment a pris le dessus sur des expériences qui se répètent plus rarement : sur elles on se comprend vite, et de plus en plus vite - l’histoire du langage est l’histoire d’un processus d’abréviation.

NIETZSCHE Par-delà le Bien et le mal

2008 S ANTILLES REMPLACEMENT Le travail est-il pour l’homme un obstacle à la liberté ?

2008 S ANTILLES REMPLACEMENT Le désir est-il la marque de la misère de l’homme ?

2008 S ANTILLES REMPLACEMENT Hors de la société civile chacun jouit d’une liberté très entière, mais qui est infructueuse, parce que comme elle donne le privilège de faire tout ce que bon nous semble, aussi elle laisse aux autres la puissance de nous faire souffrir tout ce qu’il leur plaît. Mais dans le gouvernement d’un État bien établi, chaque particulier ne se réserve qu’autant de liberté qu’il lui en faut pour vivre commodément, et en une parfaite tranquillité, comme on n’en ôte aux autres que ce dont ils seraient à craindre. Hors de la société, chacun a tellement droit sur toutes choses, qu’il ne peut s’en prévaloir et n’a la possession d’aucune ; mais dans la république, chacun jouit paisiblement de son droit particulier. Hors de la société civile, ce n’est qu’un continuel brigandage et on est exposé à la violence de tous ceux qui voudront nous ôter les biens et la vie ; mais dans l’État, cette puissance n’appartient qu’à lui seul. Hors du commerce des hommes, nous n’avons que nos propres forces qui nous servent de protection, mais dans une ville, nous recevons le secours de tous nos concitoyens.

HOBBES Du Citoyen

2008 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Croire, est-ce savoir ?

2008 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on tout échanger ?

2008 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Toutes les lois civiles sont générales et concernent uniquement certaines circonstances essentielles du cas, sans prendre en considération les caractères, les situations et les relations de la personne intéressée, ni toutes les conséquences particulières qui peuvent résulter de la détermination de ces lois dans un cas particulier qui se présente. Elles privent sans scrupule un homme bienfaisant de tous ses biens, s’ils ont été acquis par erreur, sans juste titre, afin de les attribuer à un avare égoïste qui a déjà entassé des quantités énormes de richesses superflues. L’utilité publique exige que la propriété soit régie par des règles générales inflexibles ; et bien que l’on adopte de telles règles pour servir au mieux cette même utilité publique, il leur est impossible de prévenir toutes les mésaventures particulières ou de faire en sorte que des conséquences bénéfiques résultent de chaque cas individuel. Il suffit que le plan ou projet dans son ensemble soit nécessaire au maintien de la société civile et que, d’une manière générale, la somme du bien en soit amenée à l’emporter nettement sur celle du mal.

HUME

QUESTIONS :

a) Quelle est, d’après ce texte, la fin visée par les lois ?

b) À quelles conditions peuvent-elles l’atteindre ?

a) Précisez ce que montre l’exemple de l’homme bienfaisant et de l’avare égoïste.

b) Expliquez : "L’utilité publique exige que la propriété soit régie par des règles générales inflexibles".

c) Expliquez : "Il suffit que (...) la somme du bien en soit amenée à l’emporter nettement sur celle du mal".

3° Les lois doivent-elles être indifférentes aux cas particuliers ?

2008 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’esprit peut-il être objet de science ?

2008 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La parole peut-elle être un instrument de domination ?

2008 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le droit inhérent (1) à la société d’opposer aux crimes qui la visent des mesures préventives, suggère les limites évidentes de cette idée selon laquelle la mauvaise conduite purement privée n’offre pas matière à prévention ou à punition. L’ivresse, par exemple, n’est pas ordinairement un sujet normal d’intervention législative ; mais je trouverais parfaitement légitime qu’on impose une restriction spéciale, personnelle à un homme convaincu de quelque violence envers autrui sous l’influence de la boisson, et telle que si on le trouve ivre ensuite, il soit passible d’une amende, et que s’il commet un nouveau délit la punition reçue soit plus sévère. S’enivrer, pour une personne que l’ivresse pousse à nuire à autrui, est un crime envers les autres. De même l’oisiveté - sauf si la personne est à la charge du public, ou si son oisiveté constitue une rupture de contrat - ne peut sans tyrannie faire l’objet de punitions légales. Mais si par oisiveté, ou par une raison facilement évitable, un homme manque à ses devoirs légaux envers autrui, comme d’entretenir ses enfants, ce n’est pas un acte de tyrannie que le forcer à remplir ses obligations en travaillant si on ne trouve pas d’autres moyens.

MILL De la Liberté

(1) inhérent : qui appartient en propre

2008 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’autorité politique se fonde-t-elle sur une compétence ?

2008 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art est-il un langage ?

2008 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le dernier progrès que fit la raison, achevant d’élever l’homme tout à fait au-dessus de la société animale, ce fut qu’il comprit (obscurément encore) qu’il était proprement la fin de la nature, et que rien de ce qui vit sur terre ne pouvait lui disputer ce droit. La première fois qu’il dit au mouton : "la peau que tu portes, ce n’est pas pour toi, mais pour moi que la nature te l’a donnée", qu’il la lui retira et s’en revêtit, il découvrit un privilège qu’il avait, en raison de sa nature, sur tous les animaux. Et il cessa désormais de les considérer comme ses compagnons dans la création, pour les regarder comme des moyens et des instruments mis à la disposition de sa volonté en vue d’atteindre les desseins qu’il se propose. Cette représentation implique (obscurément sans doute) la contrepartie, à savoir qu’il n’avait pas le droit de traiter un homme de cette façon, mais qu’il devait le considérer comme un associé participant sur un pied d’égalité avec lui aux dons de la nature ; c’était se préparer de loin à la limitation que la raison devait à l’avenir imposer à sa volonté à l’égard des hommes ses semblables, et qui, bien plus que l’inclination et l’amour, est nécessaire à l’établissement de la société.

Et ainsi l’homme venait d’atteindre l’égalité avec tous les autres êtres raisonnables, à quelque rang qu’ils pussent se trouver, c’est-à-dire, en ce qui concerne sa prétention d’être à lui-même sa fin, le droit d’être estimé par tous les autres comme tel, et de n’être utilisé par aucun comme simple moyen pour atteindre d’autres fins.

KANT Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine.

2008 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE A-t-on des devoirs envers soi-même ?

2008 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on reprocher à l’art d’être inutile ?

2008 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Que nous dit en effet l’expérience ? Elle nous montre que la vie de l’âme ou, si vous aimez mieux, la vie de la conscience, est liée à la vie du corps, qu’il y a solidarité entre elles, rien de plus. Mais ce point n’a jamais été contesté par personne, et il y a loin de là à soutenir que le cérébral est l’équivalent du mental, qu’on pourrait lire dans un cerveau tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. Un vêtement est solidaire du clou auquel il est accroché ; il tombe si l’on arrache le clou ; il oscille si le clou remue ; il se troue, il se déchire si la tête du clou est trop pointue ; il ne s’ensuit pas que chaque détail du clou corresponde à un détail du vêtement, ni que le clou soit l’équivalent du vêtement ; encore moins s’ensuit-il que le clou et le vêtement soient la même chose. Ainsi, la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience soit une fonction du cerveau. Tout ce que l’observation, l’expérience, et par conséquent la science nous permettent d’affirmer, c’est l’existence d’une certaine relation entre le cerveau et la conscience.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2008 ES INDE NORMALE Toutes les inégalités sont-elles des injustices ?

2008 ES INDE NORMALE La culture permet-elle d’échapper à la barbarie ?

2008 ES INDE NORMALE A tout prendre, les méthodes scientifiques sont un fruit de la recherche au moins aussi important que n’importe quel autre de ses résultats ; car c’est sur l’intelligence de la méthode que repose l’esprit scientifique, et tous les résultats de la science ne pourraient empêcher, si ces méthodes venaient à se perdre, une recrudescence de la superstition et de l’absurdité reprenant le dessus. Des gens intelligents peuvent bien apprendre tout ce qu’ils veulent des résultats de la science, on n’en remarque pas moins à leur conversation, et notamment aux hypothèses qui y paraissent, que l’esprit scientifique leur fait toujours défaut : ils n’ont pas cette méfiance instinctive pour les aberrations de la pensée qui a pris racine dans l’âme de tout homme de science à la suite d’un long exercice. Il leur suffit de trouver une hypothèse quelconque sur une matière donnée, et les voilà tout feu tout flamme pour elle, s’imaginant qu’ainsi tout est dit. Avoir une opinion, c’est bel et bien pour eux s’en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à coeur en guise de conviction. Y a-t-il une chose inexpliquée, ils s’échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication ; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences. C’est pourquoi tout le monde devrait aujourd’hui connaître à font au moins une science ; on saurait tout de même alors ce que c’est que la méthode, et tout ce qu’il y faut d’extrême circonspection.

NIETZSCHE Humain, trop humain.

2008 S INDE NORMALE Est-ce à la justice de dire où est le mal ?

2008 S INDE NORMALE La conscience peut-elle nous tromper ?

2008 S INDE NORMALE "La vie est dans le mouvement" a dit Aristote avec raison : de même que notre vie physique consiste uniquement dans un mouvement incessant et ne persiste que par lui, de même notre vie intérieure, intellectuelle demande une occupation constante, une occupation avec n’importe quoi, par l’action ou par la pensée ; c’est ce que prouve déjà cette manie des gens désoeuvrés, et qui ne pensent à rien, de se mettre immédiatement a tambouriner avec leurs doigts ou avec le premier objet venu. C’est que l’agitation est le principe de notre existence ; une inaction complète devient bien vite insupportable, car elle engendre le plus horrible ennui. C’est en réglant cet instinct qu’on peut le satisfaire méthodiquement et avec plus de fruit. L’activité est indispensable au bonheur ; il faut que l’homme agisse, fasse quelque chose si cela lui est possible ou apprenne au moins quelque chose ; ses forces demandent leur emploi, et lui-même ne demande qu’à leur voir produire un résultat quelconque. Sous ce rapport, sa plus grande satisfaction consiste à faire, à confectionner quelque chose, panier ou livre ; mais ce qui donne du bonheur immédiat, c’est de voir jour par jour croitre son oeuvre sous ses mains et de la voir arriver à sa perfection. Une oeuvre d’art, un écrit ou même un simple ouvrage manuel produisent cet effet ; bien entendu, plus la nature du travail est noble, plus la jouissance est élevée.

SCHOPENHAUER Aphorismes sur la sagesse dans la vie.

2008 TECHN. INDE NORMALE Peut-on ne croire en rien ?

2008 TECHN. INDE NORMALE La culture est-elle une seconde nature ?

2008 TECHN. INDE NORMALE La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. Ce sont certes de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s’il agit autrement. La contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu’un d’autre. Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne les autres. Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain.

MILL

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "Contraindre quiconque pour son propre bien, (...) ne constitue pas une justification suffisante"

b) Quelle différence y a-t-il entre "faire des remontrances, (...) raisonner, (...) persuader ou (...) supplier" et "contraindre ou (...) causer du tort" ?

C) Expliquez : "Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la

société est celui qui concerne les autres".

3° Est-il illégitime de contraindre quelqu’un pour son bien ?

2008 ES JAPON NORMALE L’accord entre les hommes suffit-il à définir la vérité ?

2008 ES JAPON NORMALE Le droit doit-il tenir compte des différences entre les individus ?

2008 ES JAPON NORMALE En fait l’élément libérateur de l’opprimé, c’est le travail. En ce sens c’est le travail qui est d’abord révolutionnaire. Certes il est commandé et prend d’abord figure d’asservissement du travailleur : il n’est pas vraisemblable que celui-ci, si on ne le lui eût imposé, eût choisi de faire ce travail dans ces conditions et dans ce laps de temps pour ce salaire. Plus rigoureux que le maître antique, le patron va jusqu’à déterminer à l’avance les gestes et les conduites du travailleur. Il décompose l’acte de l’ouvrier en éléments, lui en ôte certains pour les faire exécuter par d’autres ouvriers, réduit l’activité consciente et synthétique du travailleur à n’être plus qu’une somme de gestes indéfiniment répétés. Ainsi tend-il à ravaler le travailleur à l’état de pure et simple chose en assimilant ses conduites à des propriétés. (...)

Voilà J’individu limité à une propriété constante qui le définit comme le poids atomique ou la température de fusion. Le taylorisme moderne ne fait pas autre chose. L’ouvrier devient l’homme d’une seule opération qu’il répète cent fois par jour ; il n’est plus qu’un objet et il serait enfantin ou odieux de raconter à une piqueuse de bottines ou à l’ouvrière qui pose les aiguilles sur le cadran de vitesse des automobiles Ford qu’elles conservent, au sein de l’action où elles sont engagées, la liberté intérieure de penser. Mais dans le même temps, le travail offre une amorce de libération concrète, même dans ces cas extrêmes, parce qu’il est d’abord négation de l’ordre contingent et capricieux qui est l’ordre du maître. Au travail, l’opprimé n’a plus le souci de plaire au maître, il échappe au monde de la danse, de la politesse, de la cérémonie, de la psychologie ; il n’a pas à deviner ce qui se passe derrière les yeux du chef, il n’est plus à la merci d’une humeur : son travail, certes, lui est imposé à l’origine et on lui en vole finalement le produit. Mais entre ces deux limites, il lui confère la maîtrise sur les choses ; le travailleur se saisit comme possibilité de faire varier à l’infini la forme d’un objet matériel en agissant sur lui selon certaines règles universelles.

En d’autres termes, c’est le déterminisme de la matière qui lui offre la première image de sa liberté.

SARTRE Matérialisme et révolution, in Situations III.

2008 S JAPON NORMALE Y a-t-il des vérités qui échappent à la raison ?

2008 S JAPON NORMALE La liberté individuelle est-elle un danger pour l’État ?

2008 S JAPON NORMALE Il paraît bien que le bonheur est autre chose qu’une somme de plaisirs. C’est un état général et constant qui accompagne le jeu régulier de toutes nos fonctions organiques et psychiques. Ainsi, les activités continues, comme celles de la respiration et de la circulation, ne procurent pas de jouissances positives ; pourtant, c’est d’elles surtout que dépendent notre bonne humeur et notre entrain. Tout plaisir est une sorte de crise ; il naît, dure un moment et meurt ; la vie, au contraire, est continue. Ce qui en fait le charme fondamental doit être continu comme elle. Le plaisir est local ; c’est une affection limitée à un point de l’organisme ou de la conscience : la vie ne réside ni ici ni là, mais elle est partout. Notre attachement pour elle doit donc tenir à quelque cause également générale. En un mot, ce qu’exprime le bonheur, c’est, non l’état momentané de telle fonction particulière, mais la santé de la vie physique et morale dans son ensemble. Comme le plaisir accompagne l’exercice normal des fonctions intermittentes, il est bien un élément du bonheur, et d’autant plus important que ces fonctions ont plus de place dans la vie. (...) Le plus souvent, au contraire, c’est le plaisir qui dépend du bonheur : suivant que nous sommes heureux ou malheureux, tout nous rit ou nous attriste. On a eu bien raison de dire que nous portons notre bonheur avec nous-mêmes.

DURKHEIM De la Division du travail social.

2008 ES LA RÉUNION NORMALE Toutes les interprétations se valent-elles ?

2008 ES LA RÉUNION NORMALE Peut-on faire le bonheur d’autrui ?

2008 ES LA RÉUNION NORMALE Chacun de nous est un corps, soumis aux mêmes lois que toutes les autres portions de matière. Si on le pousse, il avance ; si on le tire, il recule ; si on le soulève et qu’on l’abandonne, il retombe. Mais, à côté de ces mouvements qui sont provoqués mécaniquement par une cause extérieure, il en est d’autres qui semblent venir du dedans et qui tranchent sur les précédents par leur caractère imprévu : on les appelle "volontaires". Quelle en est la cause ? C’est ce que chacun de nous désigne par les mots "je" ou "moi". Et qu’est-ce que le moi ? Quelque chose qui paraît, à tort ou à raison, déborder de toutes parts le corps qui y est joint, le dépasser dans l’espace aussi bien que dans le temps. Dans l’espace d’abord, car le corps de chacun de nous s’arrête aux contours précis qui le limitent, tandis que par notre faculté de percevoir, et plus particulièrement de voir, nous rayonnons bien au-delà de notre corps : nous allons jusqu’aux étoiles. Dans le temps ensuite, car le corps est matière, la matière est dans le présent, et, s’il est vrai que le passé y laisse des traces, ce ne sont des traces du passé que pour une conscience qui les aperçoit et qui interprète ce qu’elle aperçoit à la lumière de ce qu’elle se remémore : la conscience, elle, retient ce passé, l’enroule sur lui-même au fur et à mesure que le temps se déroule, et prépare avec lui un avenir qu’elle contribuera à créer.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2008 L LA RÉUNION NORMALE Pour être objectif, faut-il s’en tenir à l’expérience ?

2008 L LA RÉUNION NORMALE Être plus savant, est-ce être plus heureux ?

2008 L LA RÉUNION NORMALE La photographie d’une personne déterminée (...) pourrait être obtenue dans un instantané absolu. - Considérons au contraire l’exécution d’un portrait par un grand peintre. La composition de cette oeuvre exigera de la durée, mais une durée qui ne pourra être allongée ou rétrécie sans que change le portrait ; car le temps que l’artiste met à exécuter son oeuvre est occupé par des essais, des tâtonnements, des esquisses, des états d’âme surtout, qui passent et repassent devant l’esprit du peintre et qui l’acheminent vers le portrait définitif : et tous les efforts qu’il a faits il les condense dans son oeuvre. Le temps, ici, fait donc bien corps avec l’oeuvre et la pénètre ; elle occupe de la durée (...). - Et c’est pour cela que le résultat de ce travail est une création et, comme telle, est absolument imprévisible, même si l’on connaît le modèle et le peintre, sa manière et les couleurs dont il se sert. - Dira-t-on qu’une intelligence surhumaine qui connaîtrait à fond le peintre et son genre de talent saurait d’avance quelle oeuvre il produira ? C’est oublier que, pour cela, il faudrait que le talent de l’artiste fût quelque chose de donné une fois pour toutes, de définitivement fixé ; or, il n’en est rien : le talent de !’artiste se fait sans cesse, et se fera en partie par le travail même du portrait, de sorte que celui-ci, en même temps qu’il est l’effet du talent du peintre, contribue en même temps à le former : le talent de j’artiste dépend de son oeuvre comme celle-ci de celui-là, et par suite, toute espèce de prévision est ici impossible.

BERGSON Cours au Collège de France

2008 S LA RÉUNION NORMALE Faire son devoir, et-ce là toute la morale ?

2008 S LA RÉUNION NORMALE Ce qui est indémontrable est-il pour autant incertain ?

2008 S LA RÉUNION NORMALE La stimulation à la production peut venir tout à fait du dehors, et la seule condition importante que l’artiste ait à remplir, c’est d’y porter un intérêt essentiel et qu’il fasse vivre le sujet en lui. C’est alors que l’inspiration du génie vient toute seule. Et un artiste vraiment vivant trouve justement dans cette vie qui l’anime des stimulants d’activité et des sources d’inspiration devant lesquels les autres passent sans les apercevoir.

Si maintenant nous nous demandons en quoi consiste l’inspiration artistique comme telle, la seule réponse possible sera celle-ci : elle est obsédée par la chose, elle y est présente, elle ne connaît pas de repos tant qu’elle n ’a pas reçu une forme artistique et achevée.

Mais lorsque l’artiste s’est ainsi identifié avec l’objet, il doit savoir oublier sa propre particularité subjective et tout ce qu’elle a de contingent et d’ accidentel, pour se plonger entièrement dans son sujet ; il ne doit plus pour ainsi dire être que la forme façonnant le contenu qui s’est emparé de lui. Une inspiration qui laisse à l’artiste la liberté de se mettre en avant et de se faire valoir, au lieu d’être l’organe de l’activité créatrice toute concentrée sur la chose, est une mauvaise inspiration.

HEGEL Esthétique

2008 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Toute vérité a-t-elle besoin d’être prouvée ?

2008 TECHN. LA RÉUNION NORMALE La loi doit-elle rendre les hommes heureux ?

2008 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Il y a (...) depuis des siècles, des hommes dont la fonction est justement de voir et de nous faire voir ce que nous n’apercevons pas naturellement. Ce sont les artistes. À quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d’âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui. Au fur et à mesure qu’ils nous parlent, des nuances d’émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps, mais qui demeuraient invisibles : telle, l’image photographique qui n’a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis son développement.

2° Expliquez :

a) "des hommes dont la fonction est justement de voir et de nous faire voir ce que nous n’apercevons pas naturellement" ;

b) "ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui."

3° L’art a-t-il pour fonction de dévoiler la réalité ?

2008 ES LIBAN NORMALE Le travail est-il nécessairement source de progrès ?

2008 ES LIBAN NORMALE Le bonheur peut-il se passer de liberté ?

2008 ES LIBAN NORMALE Le sens de ce que va dire l’artiste n’est nulle part, ni dans les choses, qui ne sont pas encore sens, ni en lui-même, dans sa vie informulée.(...) Un peintre comme Cézanne, un artiste, un philosophe, doivent non seulement créer et exprimer une idée, mais encore réveiller les expériences qui l’enracineront dans les autres consciences. Si l’oeuvre est réussie, elle a le pouvoir étrange de s’enseigner elle-même. En suivant les indications du tableau ou du livre, en établissant des recoupements, en heurtant de côté et d’autre, guidés par la clarté confuse d’un style, le lecteur ou le spectateur finissent par retrouver ce qu’on a voulu leur communiquer. Le peintre n’a pu que construire une image. Il faut attendre que cette image s’anime pour les autres. Alors l’oeuvre d’art aura joint ces vies séparées, elle n’existera plus seulement en l’une d’elles comme un rêve tenace ou un délire persistant, ou dans l’espace comme une toile coloriée, elle habitera indivise dans plusieurs esprits, présomptivement (1) dans tout esprit possible, comme une acquisition pour toujours.

MERLEAU-PONTY Sens et non-sens

2008 L LIBAN NORMALE L’art peut-il manifester la vérité ?

2008 L LIBAN NORMALE Faire usage du langage, est-ce renoncer à la violence ?

2008 L LIBAN NORMALE Il me semble que l’erreur qu’on commet le plus ordinairement touchant les désirs est qu’on ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous de celles qui n’en dépendent point : car, pour celles qui ne dépendent que de nous, c’est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu’elles sont bonnes pour ne les pouvoir désirer avec trop d’ardeur, à cause que c’est suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous, et il est certain qu’on ne saurait avoir un désir trop ardent pour la vertu, outre que ce que nous désirons en cette façon ne pouvant manquer de nous réussir, puisque c’est de nous seuls qu’il dépend, nous en recevons toujours toute la satisfaction que nous en avons attendue. Mais la faute qu’on a coutume de commettre en ceci n’est jamais qu’on désire trop, c’est seulement qu’on désire trop peu ; et le souverain remède contre cela est de se délivrer l’esprit autant qu’il se peut de toutes sortes d’autres désirs moins utiles, puis de tâcher de connaître bien clairement et de considérer avec attention la bonté de ce qui est à désirer.

DESCARTES Les passions de l’âme

2008 S LIBAN NORMALE Peut-on vouloir renoncer à sa liberté ?

2008 S LIBAN NORMALE Suffit-il de démontrer pour convaincre ?

2008 S LIBAN NORMALE On a rappelé que l’homme avait toujours inventé des machines, que l’antiquité en avait connu de remarquables, que des dispositifs ingénieux furent imaginés bien avant l’éclosion de la science moderne et ensuite, très souvent, indépendamment d’elle : aujourd’hui encore de simples ouvriers, sans culture scientifique, trouvent des perfectionnements auxquels de savants ingénieurs n’avaient pas pensé. L’invention mécanique est un don naturel. Sans doute elle a été limitée dans ses effets tant qu’elle s’est bornée à utiliser des énergies actuelles et, en quelque sorte, visibles : effort musculaire, force du vent ou d’une chute d’eau. La machine n’a donné tout son rendement que du jour où l’on a su mettre à son service, par un simple déclenchement, des énergies potentielles emmagasinées pendant des millions d’années, empruntées au soleil, disposées dans la houille, le pétrole, etc. Mais ce jour fut celui de l’invention de la machine à vapeur, et l’on sait qu’elle n’est pas sortie de considérations théoriques. Hâtons-nous d’ajouter que le progrès, d’abord lent, s’est effectué à pas de géant lorsque la science se fut mise de la partie. Il n’en est pas moins vrai que l’esprit d’invention mécanique, qui coule dans un lit étroit tant qu’il est laissé à lui-même, qui s’élargit indéfiniment quand il a rencontré la science, en reste distinct et pourrait à la rigueur s’en séparer. Tel, le Rhône entre dans le lac de Genève, paraît y mêler ses eaux, et montre à sa sortie qu’il avait conservé son indépendance.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion

2008 ES MÉTROPOLE NORMALE Peut-on désirer sans souffrir ?

2008 ES MÉTROPOLE NORMALE Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?

2008 ES MÉTROPOLE NORMALE Je regarde comme (...) détestable cette maxime, qu’en matière de gouvernement la majorité d’un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l’origine de tous les pouvoirs. Suis-je en contradiction avec moi-même ?

Il existe une loi générale qui a été faite ou du moins adoptée, non pas seulement par la majorité de tel ou tel peuple, mais par la majorité de tous les hommes. Cette loi, c’est la justice.

La justice forme donc la borne du droit de chaque peuple.

Une nation est comme un jury chargé de représenter la société universelle et d’appliquer la justice, qui est sa loi. Le jury, qui représente la société, doit-il avoir plus de puissance que la société elle-même dont il applique les lois ?

Quand donc je refuse d’obéir à une loi injuste, je ne dénie point à la majorité le droit de commander ; j’en appelle seulement de la souveraineté du peuple à la souveraineté du genre humain. (...)

Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? Les hommes, en se réunissant, ont-ils changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2008 L MÉTROPOLE NORMALE La perception peut-elle s’éduquer ?

2008 L MÉTROPOLE NORMALE Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ?

2008 L MÉTROPOLE NORMALE Puisque la liberté exige que la réussite ne découle pas de la décision comme une conséquence, il faut que la réalisation puisse à chaque instant ne pas être, pour des raisons indépendantes du projet même et de sa précision ; ces raisons forment l’extériorité par rapport à tout projet et la liberté est la perpétuelle invention des moyens de tourner ces difficultés extérieures, mais il est bien entendu que la réussite doit être seulement possible, c’est-à-dire qu’il n’y a action que si les difficultés extérieures peuvent toujours être si élevées ou si neuves que l’invention humaine ne puisse pas les surmonter. Ainsi est-il toujours entendu à la fois que l’entreprise humaine a réussi à cause de la libre décision et de la libre inventivité qui a surmonté les obstacles et à la fois qu’elle a réussi parce que ce sont ces obstacles-là et non d’autres plus grands qui lui ont été imposés. Toute entreprise humaine réussit par hasard et en même temps réussit par l’initiative humaine. Si le tireur n’avait pas eu le soleil dans l’oeil il m’atteignait, je manquais ma mission de reconnaissance. Il s’en est donc fallu d’un rayon de soleil, de la vitesse d’un nuage, etc. Mais, en même temps, mes précautions étaient prises pour éliminer tous les dangers prévisibles. En un mot les possibles se réalisent dans la probabilité. La liberté se meut dans la sphère du probable, entre la totale ignorance et la certitude ; et le probable vient au monde par l’homme.

SARTRE Cahiers pour une morale

2008 S MÉTROPOLE NORMALE L’art transforme-t-il notre conscience du réel ?

2008 S MÉTROPOLE NORMALE Y a-t-il d’autres moyens que la démonstration pour établir une vérité ?

2008 S MÉTROPOLE NORMALE Si la morale ne considère que l’action juste ou injuste, si tout son rôle est de tracer nettement, à quiconque a résolu de ne pas faire d’injustice, les bornes où se doit contenir son activité, il en est tout autrement de la théorie de l’État. La science de l’État, la science de la législation n’a en vue que la victime de l’injustice ; quant à l’auteur, elle n’en aurait cure, s’il n’était le corrélatif forcé de la victime ; l’acte injuste, pour elle, n’est que l’adversaire à l’encontre de qui elle déploie ses efforts ; c’est à ce titre qu’il devient son objectif. Si l’on pouvait concevoir une injustice commise qui n’eût pas pour corrélatif une injustice soufferte, l’État n’aurait logiquement pas à l’interdire. Aux yeux de la morale, l’objet à considérer, c’est la volonté, l’intention ; il n’y a pour elle que cela de réel ; selon elle, la volonté bien déterminée de commettre l’injustice, fût-elle arrêtée et mise à néant, si elle ne l’est que par une puissance extérieure, équivaut entièrement à l’injustice consommée ; celui qui l’a conçue, la morale le condamne du haut de son tribunal comme un être injuste. Au contraire, l’État n’a nullement à se soucier de la volonté, ni de l’intention en elle-même ; il n’a affaire qu’au fait (soit accompli, soit tenté), et il le considère chez l’autre terme de la corrélation, chez la victime ; pour lui donc il n’y a de réel que le fait, l’événement. Si parfois il s’enquiert de l’intention, du but, c’est uniquement pour expliquer la signification du fait. Aussi l’État ne nous interdit pas de nourrir contre un homme des projets incessants d’assassinat, d’empoisonnement, pourvu que la peur du glaive et de la roue nous retienne non moins incessamment et tout à fait sûrement de passer à l’exécution. L’État n’a pas non plus la folle prétention de détruire le penchant des gens à l’injustice, ni les pensées malfaisantes ; il se borne à placer, à côté de chaque tentation possible, propre à nous entraîner vers l’injustice, un motif plus fort encore, propre à nous en détourner ; et ce second motif, c’est un châtiment inévitable.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation.

2008 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Peut-on aimer une oeuvre d’art sans la comprendre ?

2008 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Est-ce à la loi de décider de mon bonheur ?

2008 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Lorsque, dans les matières qui se fondent sur l’expérience et le témoignage, nous bâtissons notre connaissance sur l’autorité d’autrui, nous ne nous rendons ainsi coupables d’aucun préjugé ; car, dans ce genre de choses, puisque nous ne pouvons faire nous-mêmes l’expérience de tout ni le comprendre par notre propre intelligence, il faut bien que l’autorité de la personne soit le fondement de nos jugements. - Mais lorsque nous faisons de l’autorité d’autrui le fondement de notre assentiment (1) à l’égard de connaissances rationnelles, alors nous admettons ces connaissances comme simple préjugé. Car c’est de façon anonyme que valent les vérités rationnelles ; il ne s’agit pas alors de demander : qui a dit cela ? mais bien qu’a-t-il dit ? Peu importe si une connaissance a une noble origine ; le penchant à suivre l’autorité des grands hommes n’en est pas moins très répandu tant à cause de la faiblesse des lumières personnelles que par désir d’imiter ce qui nous est présenté comme grand.

KANT

(1) donner son assentiment : approuver et tenir pour vrai.

QUESTIONS :

a) Le texte est construit à partir d’une distinction. À quelle thèse conduit-elle ?

b) Analysez les étapes de l’argumentation.

Expliquez :

a) "nous ne nous rendons ainsi coupables d’aucun préjugé" et "alors nous admettons

ces connaissances comme simple préjugé"

b) "c’est de façon anonyme que valent les vérités rationnelles"

3° Quand on cherche la vérité, faut-il rejeter l’autorité d’autrui ?

2008 TMD MÉTROPOLE NORMALE Faut-il vouloir tout démontrer ?

2008 TMD MÉTROPOLE NORMALE Une oeuvre d’art peut-elle être belle et ne pas me plaire ?

2008 TMD MÉTROPOLE NORMALE Il est aisé de voir qu’entre les différences qui distinguent les hommes, plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l’ouvrage de l’habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société. Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui en dépendent, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a été élevé que de la constitution primitive des corps. Il en est de même des forces de l’esprit, et non seulement l’éducation met de la différence entre les esprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui se trouve entre les premiers à proportion de la culture, car qu’un géant et un nain marchent sur la même route, chaque pas qu’ils feront l’un et l’autre donnera un nouvel avantage au géant. Or si l’on compare la diversité prodigieuse d’éducations et de genres de vie qui règnent dans les différents ordres de l’état civil (1), avec la simplicité et l’uniformité de la vie animale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même manière, et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien la différence d’homme à homme doit être moindre dans l’état de nature que dans celui de société, et combien l’inégalité naturelle doit augmenter dans l’espèce humaine par l’inégalité d’institution.

ROUSSEAU

(1)

2008 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le monde de la technique est-il encore humain ?

2008 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on rester libre et se sentir obligé ?

2008 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Lorsqu’un homme a observé assez souvent que les mêmes causes antécédentes sont suivies des mêmes conséquences, pour que toutes les fois qu’il voit l’antécédent il s’attende à voir la conséquence ; ou que lorsqu’il voit la conséquence il compte qu’il y a eu le même antécédent, alors il dit que l’antécédent et le conséquent sont des signes l’un de l’autre ; c’est ainsi qu’il dit que les nuages sont des signes de la pluie qui doit venir, et que la pluie est un signe des nuages passés.

C’est dans la connaissance de ces signes, acquise par l’expérience, que l’on fait consister ordinairement la différence entre un homme et un autre homme relativement à la sagesse, nom par lequel on désigne communément la somme totale de l’habileté ou la faculté de connaître ; mais c’est une erreur, car les signes ne sont que des conjectures ; leur certitude augmente et diminue suivant qu’ils ont plus ou moins souvent manqué ; ils ne sont jamais pleinement évidents. Quoiqu’un homme ait vu constamment jusqu’ici le jour et la nuit se succéder, cependant il n’est pas pour cela en droit de conclure qu’ils se succèderont toujours de même, ou qu’ils se sont ainsi succédé de toute éternité. L’expérience ne fournit aucune conclusion universelle.

HOBBES De la Nature humaine

2008 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il s’identifier à autrui pour le comprendre ?

2008 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT La culture est-elle nécessairement libératrice ?

2008 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Vivre consiste à agir. Vivre, c’est n’accepter des objets que l’impression utile pour y répondre par des réactions appropriées : les autres impressions doivent s’obscurcir ou ne nous arriver que confusément. Je regarde et je crois voir, j’écoute et je crois entendre, je m’étudie et je crois lire dans le fond de mon coeur. Mais ce que je vois et ce que j’entends du monde extérieur, c’est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite ; ce que je connais de moi-même, c’est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l’action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu’une simplification pratique. Dans la vision qu’ils me donnent des choses et de moi-même, les différences inutiles à l’homme sont effacées, les ressemblances utiles à l’homme sont accentuées, des routes me sont tracées· à l’avance où mon action s’engagera. Ces routes sont celles où l’humanité entière a passé avant moi. Les choses ont été classées en vue du parti que j’en pourrai tirer. Et c’est cette classification que j’aperçois, beaucoup plus que la couleur et la forme des choses. Sans doute l’homme est déjà très supérieur à l’animal sur ce point. Il est peu probable que l’oeil du loup fasse une différence entre le chevreau et l’agneau ; ce sont là, pour le loup, deux proies identiques, étant également faciles à saisir, également bonnes à dévorer. Nous faisons, nous, une différence entre la chèvre et le mouton ; mais distinguons-nous une chèvre d’une chèvre, un mouton d’un mouton ? L’individualité des choses et des êtres nous échappe toutes les fois qu’il ne nous est pas matériellement utile de l’apercevoir. Et là même où nous la remarquons (comme lorsque nous distinguons un homme d’un autre homme), ce n’est pas l’individualité même que notre oeil saisit, c’est-à-dire une certaine harmonie tout à fait originale de formes et de couleurs, mais seulement un ou deux traits qui faciliteront la reconnaissance pratique.

BERGSON Le Rire

2008 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Suis-je le mieux placé pour me connaître moi-même ?

2008 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La vérité peut-elle changer ?

2008 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il est évident, pour commencer, que toute l’idée du bien et du mal est en relation avec le désir. Au premier abord, ce que nous désirons tous est "bon", et ce que nous redoutons tous est "mauvais". Si nos désirs à tous concordaient, on pourrait en rester là ; mais malheureusement nos désirs s’opposent mutuellement. Si je dis : "Ce que je veux est bon", mon voisin dira : "Non, ce que je veux, moi". La morale est une tentative (infructueuse, à mon avis) pour échapper à cette subjectivité. Dans ma dispute avec mon voisin, j’essaierai naturellement de montrer que mes désirs ont quelque qualité qui les rend plus dignes de respect que les siens. Si je veux préserver un droit de passage, je ferai appel aux habitants des environs qui ne possèdent pas de terres ; mais lui, de son côté, fera appel aux propriétaires. Je dirai : "À quoi sert la beauté de la campagne si personne ne la voit ?" Il répliquera : "Que restera-t-il de cette beauté si l’on permet aux promeneurs de semer la dévastation ?" Chacun tente d’enrôler des alliés, en montrant que ses propres désirs sont en harmonie avec les leurs. Quand c’est visiblement impossible, comme dans le cas d’un cambrioleur, l’individu est condamné par l’opinion publique, et son statut moral est celui du pécheur.

La morale est donc étroitement liée à la politique : elle est une tentative pour imposer à des individus les désirs collectifs d’un groupe ; ou, inversement, elle est une tentative faite par un individu pour que ses désirs deviennent ceux de son groupe.

RUSSELL Science et religion

2008 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il aimer la vérité ?

2008 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Puis-je juger une culture à laquelle je n’appartiens pas ?

2008 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul, et qu’on est, en effet, l’une des parties de l’univers, et plus particulièrement encore, l’une des parties de cette terre, l’une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion (1), car on aurait tort de s’exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu’on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n’aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu’en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d’exposer sa vie pour le service d’autrui, lorsque l’occasion s’en présente ; voire on voudrait perdre son âme, s’il se pouvait, pour sauver les autres. En sorte que cette considération est la source et l’origine de toutes les plus héroïques actions que fassent les hommes.

DESCARTES

(1) discrétion : ici, discernement.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2.

a) Expliquez : "on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul".

B) Pourquoi n’aurait-on "généralement aucune vertu", "si on rapportait tout à soi-même" ?

C) Expliquez : "on prend plaisir à faire du bien à tout le monde".

3. Faut-il toujours préférer les intérêts du tout à ceux de sa personne en particulier ?

2008 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Bien parler, est-ce bien penser ?

2008 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-ce un devoir d’être heureux ?

2008 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La société, qui est la mise en commun des énergies individuelles, bénéficie des efforts de tous et rend à tous leur effort plus facile. Elle ne peut subsister que si elle se subordonne l’individu, elle ne peut progresser que si elle le laisse faire : exigences opposées, qu’il faudrait réconcilier. Chez l’insecte, la première condition est la seule remplie. Les sociétés de fourmis et d’abeilles sont admirablement disciplinées et unies, mais figées dans une immuable routine. Si l’individu s’y oublie lui-même, la société oublie aussi sa destination ; l’un et l’autre, en état de somnambulisme, font et refont indéfiniment le tour du même cercle, au lieu de marcher, droit en avant, à une efficacité sociale plus grande et à une liberté individuelle plus complète. Seules, les sociétés humaines tiennent fixés devant leurs yeux les deux buts à atteindre. En lutte avec elles-mêmes et en guerre les unes avec les autres, elles cherchent visiblement, par le frottement et par le choc, à arrondir des angles, à user des antagonismes, à éliminer des contradictions, à faire que les volontés individuelles s’insèrent sans se déformer dans la volonté sociale et que les diverses sociétés entrent à leur tour, sans perdre leur originalité ni leur indépendance, dans une société plus vaste.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2008 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Agir par devoir est-ce agir contre son intérêt ?

2008 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on réduire l’esprit à la matière ?

2008 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il est raisonnable, il est naturel, il est nécessaire, que tout citoyen ait des désirs politiques, parce que tout homme a un intérêt quelconque dans la conduite des affaires sociales ; il est tout simple, par exemple, que tous les citoyens qui ne sont pas de la classe des privilégiés, et qui vivent du produit de leurs travaux, désirent la liberté, la paix, la prospérité industrielle, l’économie dans les dépenses publiques, et le bon emploi de l’impôt. Mais une opinion politique exprime plus que les désirs, elle est, en outre, l’expression, le plus souvent très affirmative et très absolue, que ces désirs ne peuvent être satisfaits que par tels et tels moyens, et nullement par d’autres. Or voilà sur quoi il est ridicule et déraisonnable de prononcer sans y avoir spécialement réfléchi. Car il est évident que, dans cette question : "telle mesure, telle institution, est-elle propre à atteindre tel but donné ?", il y a une chaîne de raisonnements et de réflexions, qui exige, pour être bien faite, une étude particulière de ce genre de considérations ; et. Faute de cela, on croira propres à atteindre un but des moyens qui auraient un effet absolument opposé. C’est ainsi que beaucoup de gens désirent sincèrement la liberté et la paix, qui ont en même temps une idée si fausse des moyens propres à les leur procurer que, si ces moyens étaient mis en pratique, ils amèneraient au contraire, le désordre et l’arbitraire.

COMTE Appendice général du système de politique positive

2008 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le bonheur n’est-il qu’une affaire personnelle ?

2008 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La technique libère-t-elle l’homme ?

2008 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le génie et le talent sont, du moins sous un certain aspect, des dons naturels. Mais ce qu’on ne doit pas perdre de vue, c’est que le génie, pour être fécond, doit posséder une pensée disciplinée et cultivée, et un exercice plus ou moins long. Et cela, parce que l’oeuvre d’art présente un côté purement technique dont on n’arrive à se rendre maître que par l’exercice. Ceci est plus particulièrement vrai des arts qui comportent une dextérité manuelle, par laquelle ils se rapprochent plus ou moins des métiers manuels. Tel est le cas de l’architecture et de la sculpture, par exemple. La dextérité manuelle est moins nécessaire en musique et en poésie. Mais, même dans celle-ci, il y a tout un côté qui demande, sinon un apprentissage, tout au moins une certaine expérience : la prosodie (1) et l’art de rimer constituent le côté technique de la poésie, et ce n’est pas par l’inspiration qu’on en acquiert la connaissance. Tout art s’exerce sur une matière plus ou moins dense, plus ou moins résistante, qu’il s’agit d’apprendre à maîtriser.

HEGEL Introduction à l’esthétique.

(1) prosodie : technique de composition

2008 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’échange n’a-t-il pour but que la satisfaction des besoins ?

2008 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La culture rend-elle plus humain ?

2008 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Ce concours du spectateur, nécessaire à la jouissance esthétique, repose en partie sur ce fait que toute oeuvre d’art a besoin pour agir de l’intermédiaire de l’imagination, qu’elle doit par suite stimuler, sans jamais la négliger ni la laisser inactive. C’est une condition de l’impression esthétique, et par là une loi fondamentale de tous les beaux-arts. Il en résulte que l’oeuvre d’art ne doit pas tout livrer directement aux sens, mais juste ce qu’il faut pour mettre l’imagination en bonne voie, l’imagination doit toujours avoir quelque chose à ajouter, c’est elle qui doit même dire le dernier mot. Il n’est pas jusqu’à l’écrivain pour qui ce ne soit une nécessité de laisser quelque chose à penser au lecteur ; car, Voltaire l’a dit très justement :"Le secret d’être ennuyeux, c’est de tout dire." Ajoutons que ce qu’il y a de meilleur dans l’art est trop spirituel pour être livré directement aux sens : c’est à l’imagination à le mettre au jour, quoique l’oeuvre d’art doive l’engendrer.

SCHOPENHAUER

QUESTIONS :

1 ° Dégager l’idée centrale du texte, puis les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "toute oeuvre d’art a besoin pour agir de l’intermédiaire de l’imagination, qu’elle doit par suite stimuler, sans jamais la négliger ni la laisser inactive" ;

b) "l’imagination doit toujours avoir quelque chose à ajouter, c’est elle qui doit même dire le dernier mot."

3° L’art ne s’adresse-t-il qu’aux sens ?

2008 L POLYNÉSIE NORMALE Peut-on concevoir une société sans conflit ?

2008 L POLYNÉSIE NORMALE L’art sait-il montrer ce que le langage ne peut pas dire ?

2008 L POLYNÉSIE NORMALE En somme, une action pour être dite "morale" ne doit pas se réduire à un acte ou à une série d’actes conformes à une règle, une loi ou une valeur. Toute action morale, c’est vrai, comporte un rapport au réel où elle s’effectue et un rapport au code auquel elle se réfère ; mais elle implique aussi un certain rapport à soi ; celui-ci n’est pas simplement "conscience de soi", mais constitution de soi comme "sujet moral", dans laquelle l’individu circonscrit la part de lui-même qui constitue l’objet de cette pratique morale, définit sa position par rapport au précepte qu’il suit, se fixe un certain mode d’être qui vaudra comme accomplissement moral de lui-même ; et, pour ce faire, il agit sur lui-même, entreprend de se connaître, se contrôle, s’éprouve, se perfectionne, se transforme. Il n’y a pas d’action morale particulière qui ne se réfère à l’unité d’une conduite morale ; pas de conduite morale qui n’appelle la constitution de soi-même comme sujet moral ; et pas de constitution du sujet moral sans des "modes de subjectivation" et sans (...) des "pratiques de soi" qui les appuient.

FOUCAULT Histoire de la sexualité

2008 S POLYNÉSIE NORMALE Faire son devoir, est-ce un choix ?

2008 S POLYNÉSIE NORMALE L’innovation technique répond-elle à nos besoins ?

2008 S POLYNÉSIE NORMALE Lorsque les conditions sont inégales et les hommes dissemblables, il y a quelques individus très éclairés, très savants, très puissants par leur intelligence, et une multitude très ignorante et fort bornée. Les gens qui vivent dans les temps d’aristocratie sont donc naturellement portés à prendre pour guide de leurs opinions la raison supérieure d’un homme ou d’une classe, tandis qu’ils sont peu disposés à reconnaître l’infaillibilité (1) de la masse.

Le contraire arrive dans les siècles d’égalité.

A mesure que les citoyens deviennent plus égaux et plus semblables, le penchant de chacun à croire aveuglément un certain homme ou une certaine classe diminue. La disposition à en croire la masse augmente, et c’est de plus en plus l’opinion qui mène le monde.

Non seulement l’opinion commune est le seul guide qui reste à la raison individuelle chez les peuples démocratiques ; mais elle a chez ces peuples une puissance infiniment plus grande que chez nul autre. Dans les temps d’égalité, les hommes n’ont aucune foi les uns dans les autres, à cause de leur similitude ; mais cette même similitude leur donne une confiance presque illimitée dans le jugement du public ; car il ne leur paraît pas vraisemblable qu’ayant tous des lumières (2) pareilles, la vérité ne se rencontre pas du coté du plus grand nombre. (...)

Le public a donc chez les peuples démocratiques une puissance singulière dont les nations aristocratiques ne pouvaient pas même concevoir l’idée. Il ne persuade pas de ses croyances, il les impose et les fait pénétrer dans les âmes par une sorte de pression immense de l’esprit de tous sur l’intelligence de chacun.

TOCQUEVILLE . De la Démocratie en Amérique

(1) "l’infaillibilité" : qui ne peut se tromper

2008 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Travaillons-nous pour avoir des loisirs ?

2008 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on accomplir son devoir sans réfléchir ?

2008 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Tout sentiment de peine est inséparable du désir de s’en délivrer ; toute idée de plaisir est inséparable du désir d’en jouir ; tout désir suppose privation, et toutes les privations qu’on sent sont pénibles ; c’est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère. Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absolument heureux.

En quoi donc consiste la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n’est pas précisément à diminuer nos désirs ; car, s’ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n’est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs s’étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n’en deviendrions que plus misérables : mais c’est à diminuer l’excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C’est alors seulement que, toutes les forces étant en action, l’âme cependant restera paisible. Et que l’homme se trouvera bien ordonné.

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation.

2009 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les échanges économiques fondent-ils le lien social ?

2009 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Tout droit implique-t-il un devoir ?

2009 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’histoire est pour l’espèce humaine ce que la raison est pour l’individu. Grâce à sa raison, l’homme n’est pas enfermé comme l’animal dans les limites étroites du présent visible ; il connaît encore le passé infiniment plus étendu, source du présent qui s’y rattache : c’est cette connaissance seule qui lui procure une intelligence plus nette du présent et lui permet même de formuler des inductions pour l’avenir. L’animal, au contraire, dont la connaissance sans réflexion est bornée à l’intuition, et par suite au présent, erre, même une fois apprivoisé, parmi les hommes, ignorant, engourdi, stupide, désarmé et esclave. De même un peuple qui ne connaît pas sa propre histoire est borné au présent de la génération actuelle : il ne comprend ni sa nature, ni sa propre existence, dans l’impossibilité où il est de les rapporter à un passé qui les explique ; il peut moins encore anticiper sur l’avenir. Seule l’histoire donne à un peuple une entière conscience de lui-même. L’histoire peut donc être regardée comme la conscience raisonnée de l’espèce humaine.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation

2009 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Qu’avons-nous à gagner à faire notre devoir ?

2009 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La science relève-t-elle du seul désir de vérité ?

2009 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ce qui nous plaît dans la beauté artistique, c’est précisément le caractère de liberté de sa production et de ses formes qui nous soustrait, semble-t-il, par la production et par l’intuition mêmes, aux liens de la règle et du réglé. Face à la rigueur de ce qui subit le joug des lois et face à la sombre intériorité de la pensée, nous cherchons l’apaisement et l’animation dans les figures de l’art ; face au royaume ténébreux des idées, une réalité animée et pleine de vie. Enfin, la source des oeuvres d’art est la libre activité de l’imagination qui, dans ses images mêmes, est plus libre que la nature. Non seulement l’art dispose de l’entièreté du royaume des formes de la nature, dans leur paraître multiple et bigarré, mais l’imagination créatrice se montre inépuisable dans les productions qui lui sont propres. Face à cette plénitude démesurée de l’imagination et de ses libres réalisations, il semble donc que la pensée doive renoncer au projet hardi de saisir intégralement de pareilles réalisations, de les juger et de les ordonner sous ses formules universelles. (...) Il est vrai qu’il y a des cas dans lesquels l’art peut être considéré comme un jeu éphémère destiné à l’amusement et à la distraction, comme un ornement qui sert à enjoliver l’aspect extérieur des rapports de la vie ou à mettre en relief, en les ornant, d’autres objets. Sous ce point de vue, il ne s’agit pas d’un art indépendant et libre, mais d’un art asservi. Mais ce que nous proposons d’étudier, c’est l’art libre dans sa fin et dans ses moyens. (...)

L’art beau n’est véritablement art qu’en cette liberté propre.

HEGEL Esthétique

2009 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’État est-il un mal nécessaire ?

2009 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’artiste doit-il chercher à plaire ?

2009 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Déjà l’observation a besoin d’un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n’est jamais la première observation qui est la bonne. L’observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d’observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l’immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas. Naturellement, dès qu’on passe de l’observation à l’expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique.

BACHELARD Le nouvel Esprit scientifique

2009 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La liberté peut-elle nous faire défaut ?

2009 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Avons-nous besoin d’autrui pour avoir conscience de nous-mêmes ?

2009 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’ETRANGER — C’est que la loi ne pourra jamais embrasser exactement ce qui est le meilleur et le plus juste pour tout le monde à la fois, afin d’y conformer ses prescriptions : car les différences entre les individus, les différences entre les actions, ajoutées au fait qu’aucune chose humaine, pour ainsi dire, ne reste jamais en repos, interdisent à toute science, quelle qu’elle soit, de promulguer en aucune matière une règle simple qui s’applique à tout et à tous les temps. Accordons-nous cela ?

SOCRATE LE JEUNE — Comment s’y refuser ?

L’ETRANGER — Et cependant, nous le voyons, c’est à cette uniformité même que tend la loi, comme un homme buté et ignorant, qui ne permet à personne de rien faire contre son ordre, ni même de lui poser une question, lors même qu’il viendrait à quelqu’un une idée nouvelle, préférable à ce qu’il a prescrit lui-même.

SOCRATE LE JEUNE — C’est vrai : la loi agit réellement à l’égard de chacun de nous comme tu viens de le dire.

L’ETRANGER — Il est donc impossible que ce qui est toujours simple s’adapte exactement à ce qui ne l’est jamais.

SOCRATE LE JEUNE — J’en ai peur.

L’ETRANGER — Alors, pourquoi donc est-il nécessaire de légiférer, si la loi n’est pas ce qu’il y a de plus juste ? Il faut que nous en découvrions la raison.

PLATON Le Politique

2009 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Le fait de ne pas connaître l’avenir est-il une entrave à notre liberté ?

2009 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les mots peuvent-ils nous manquer pour dire quelque chose ?

2009 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les hommes peuvent avoir des démonstrations rigoureuses sur le papier, et en ont sans doute une infinité. Mais sans se souvenir d’avoir usé d’une parfaite rigueur, on ne saurait avoir cette certitude dans l’esprit. Et cette rigueur consiste dans un règlement dont l’observation sur chaque partie soit une assurance à l’égard du tout ; comme dans l’examen de la chaîne par anneaux, où, visitant chacun pour voir s’il est ferme, et prenant des mesures avec la main pour n’en sauter aucun, on est assuré de la bonté de la chaîne. Et par ce moyen on a toute la certitude dont les choses humaines sont capables. Mais je ne demeure point d’accord qu’en mathématiques les démonstrations particulières sur la figure qu’on trace fournissent cette certitude générale. (...) Car il faut savoir que ce ne sont pas les figures qui donnent la preuve chez les géomètres. (...) La force de la démonstration est indépendante de la figure tracée, qui n’est que pour faciliter l’intelligence de ce qu’on veut dire et fixer l’attention ; ce sont les propositions universelles, c’est-à-dire les définitions, les axiomes, et les théorèmes déjà démontrés qui font le raisonnement et le soutiendraient quand la figure n’y serait pas.

LEIBNIZ Nouveaux Essais sur l’entendement humain

2009 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Toutes les contraintes imposées par la société sont-elles des oppressions ?

2009 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Douter, est-ce désespérer de la vérité ?

2009 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE SOCRATE — Regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces deux genres de vie, une vie d’ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu’il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l’un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d’autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu’on n’obtient qu’au terme de maints travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n’a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s’occuper d’eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L’autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s’infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu’elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l’homme déréglé ou celle de l’homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d’admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? Est-ce que je ne te convaincs pas ?

CALLICLES — Tu ne me convaincs pas, Socrate. Car l’homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n’a plus aucun plaisir, il a exactement le type d’existence dont je parlais tout à l’heure : il vit comme une pierre. S’il a fait le plein, il n’éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et on reverse autant qu’on peut dans son tonneau !

PLATON Gorgias

2009 ES ANTILLES NORMALE Pourquoi vouloir à tout prix connaître la vérité ?

2009 ES ANTILLES NORMALE Le droit doit-il être fondé sur la nature ?

2009 ES ANTILLES NORMALE Nous sentons la douleur, mais non l’absence de douleur ; le souci, mais non l’absence de souci ; la crainte, mais non la sécurité. Nous ressentons le désir, comme nous ressentons la faim et la soif ; mais le désir est-il satisfait, aussitôt il en advient de lui comme de ces morceaux goûtés par nous et qui cessent d’exister pour notre sensibilité, dès le moment où nous les avalons. Nous remarquons douloureusement l’absence des jouissances et des joies, et nous les regrettons aussitôt ; au contraire, la disparition de la douleur, quand bien même elle ne nous quitte qu’après longtemps, n’est pas immédiatement sentie, mais tout au plus y pense-t-on parce qu’on veut y penser, par le moyen de la réflexion. Seules, en effet, la douleur et la privation peuvent produire une impression positive et par là se dénoncer d’elles-mêmes : le bien-être, au contraire, n’est que pure négation. Aussi n’apprécions-nous pas les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et la liberté, tant que nous les possédons ; pour en comprendre la valeur, il faut que nous les ayons perdus, car ils sont aussi négatifs. Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là-même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroit la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation

2009 L ANTILLES NORMALE La connaissance rationnelle comble-t-elle toutes les attentes de l’homme ?

2009 L ANTILLES NORMALE Le dialogue permet-il de surmonter les obstacles qui nous empêchent de comprendre autrui ?

2009 L ANTILLES NORMALE Il me semble que la vertu est chose autre, et plus noble, que les inclinations à la bonté qui naissent en nous. Les âmes réglées d’elles-mêmes et bien nées, elles suivent même train, et représentent en leurs actions même visage que les vertueuses ; mais la vertu sonne je ne sais quoi de plus grand et de plus actif que de se laisser, par une heureuse complexion (1), doucement et paisiblement conduire à la suite de la raison. Celui qui, d’une douceur et facilité naturelle, mépriserait les offenses reçues, ferait sans doute chose très belle et digne de louange ; mais celui qui, piqué et outré jusqu’au vif d’une offense, s’armerait des armes de la raison contre ce furieux appétit de vengeance, et après un grand conflit s’en rendrait enfin maître, ferait sans doute beaucoup plus. Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement : l’une action se pourrait dire bonté, l’autre vertu ; car il semble que le nom de la vertu présuppose de la difficulté au combat et du contraste, et qu’elle ne peut être sans partie (2). C’est à l’aventure pourquoi nous nommons Dieu (3), bon, fort, et libéral, et juste ; mais nous ne le nommons pas vertueux ; ses opérations sont toutes naïves et sans effort.

MONTAIGNE Essais

(1) tempérament

(2) adversaire

(3) Comprendre : "C’est pourquoi, parmi d’autres noms, nous nommons Dieu..."

2009 S ANTILLES NORMALE La maîtrise de la technique donne-t-elle le pouvoir de gouverner les hommes ?

2009 S ANTILLES NORMALE Peut-on douter d’une vérité démontrée ?

2009 S ANTILLES NORMALE Nous ne savons ce que c’est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie ; on n’y goûte aucun sentiment pur, on n’y reste pas deux moments dans le même état. Les affections de nos âmes, ainsi que les modifications de nos corps, sont dans un flux continuel. Le bien et le mal nous sont communs à tous, mais en différentes mesures. Le plus heureux est celui qui sent le moins de peines ; le plus misérable est celui qui sent le moins de plaisirs. Toujours plus de souffrances que de jouissances : Voilà la différence commune à tous. La félicité de l’homme ici-bas n’est donc qu’un état négatif ; on doit la mesurer par la moindre quantité de maux qu’il souffre.

Tout sentiment de peine est inséparable du désir de s’en délivrer ; toute idée de plaisir est inséparable du désir d’en jouir ; tout désir suppose privation, et toutes les privations qu’on sent sont pénibles ; c’est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère. Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absolument heureux.

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation.

2009 TECHN. ANTILLES NORMALE L’ignorant peut-il être libre ?

2009 TECHN. ANTILLES NORMALE L’art nous éloigne-t-il de la réalité ?

2009 TECHN. ANTILLES NORMALE Tant qu’on désire, on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une sorte de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige (1) disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance.

ROUSSEAU

(1) Prestige : ici, illusion.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) En vous appuyant sur le texte, expliquez "l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux" ;

b) montrez comment l’imagination "rend présent et sensible" à l’homme "tout ce qu’il désire" ;

c) en vous appuyant sur le texte, expliquez "l’illusion cesse où commence la jouissance".

3° N’y a-t-il de bonheur que dans l’espoir d’être heureux ?

2009 ES ANTILLES REMPLACEMENT Toute interprétation est-elle contestable ?

2009 ES ANTILLES REMPLACEMENT Sommes-nous prisonniers de notre culture ?

2009 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le seul droit en effet est celui qui sert de lien à la société, et une seule loi l’institue : cette loi qui établit selon la droite raison des obligations et des interdictions. Qu’elle soit écrite ou non, celui qui l’ignore est injuste. Mais si la justice est l’obéissance aux lois écrites et aux institutions des peuples et si, comme le disent ceux qui le soutiennent, l’utilité est la mesure de toutes choses, il méprisera et enfreindra les lois, celui qui croira y voir son avantage. Ainsi il n’y a plus de justice, s’il n’y a pas une nature ouvrière de justice ; si c’est sur l’utilité qu’on la fonde, une autre utilité la renverse. Si donc le droit ne repose pas sur la nature, toutes les vertus disparaissent. Que deviennent en effet la libéralité, l’amour de la patrie, le respect des choses qui doivent nous être sacrées, la volonté de rendre service à autrui, celle de reconnaître le service rendu ? Toutes ces vertus naissent du penchant que nous avons à aimer les hommes, qui est le fondement du droit.

CICÉRON Des Lois

2009 L ANTILLES REMPLACEMENT Y a-t-il des interprétations vraies ?

2009 L ANTILLES REMPLACEMENT Est-ce le désir de vivre ensemble qui est au fondement des sociétés ?

2009 L ANTILLES REMPLACEMENT On dit que le temps passe ou s’écoule. On parle du cours du temps. L’eau que je vois passer s’est préparée, il y a quelques jours, dans les montagnes, lorsque le glacier a

fondu ; elle est devant moi ; à présent, elle va vers la mer où elle se jettera. Si le temps est semblable à une rivière, il coule du passé vers le présent et l’avenir. Le présent est la conséquence du passé et l’avenir la conséquence du présent. Cette célèbre métaphore est en réalité très confuse. Car, à considérer les choses elles-mêmes, la fonte des neiges et ce qui en résulte ne sont pas des événements successifs, ou plutôt la notion même d’événement n’a pas de place dans le monde objectif. Quand je dis qu’avant-hier le glacier a produit l’eau qui passe à présent, je sous-entends un témoin assujetti à une certaine place dans le monde et je compare ses vues successives : il a assisté là-bas à la fonte des neiges et il a suivi l’eau dans son décours ; ou bien, du bord de la rivière, il voit passer après deux jours d’attente les morceaux de bois qu’il avait jetés à la source. Les "événements" sont découpés par un observateur fini dans la totalité spatio-temporelle du monde objectif. Mais, si je considère ce monde lui-même ; il n’y a qu’un seul être indivisible et qui ne change pas. Le changement suppose un certain poste où je me place et d’où je vois défiler des choses ; il n’y a pas d’événements sans quelqu’un à qui ils adviennent et dont la perspective finie fonde leur individualité. Le temps suppose une vue sur le temps. Il n’est donc pas comme un ruisseau (...).

MERLEAU-PONTY Phénoménologie de la perception

2009 S ANTILLES REMPLACEMENT La création artistique est-elle seulement l’expression d’une subjectivité ?

2009 S ANTILLES REMPLACEMENT Les progrès de la science n’ont-ils d’autre fin que la recherche de la vérité ?

2009 S ANTILLES REMPLACEMENT (...) Radicale est la différence entre la conscience de l’animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l’être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d’action possible qui entoure l’action réelle : conscience est synonyme d’invention et de liberté. Or, chez l’animal, l’invention n’est jamais qu’une variation sur le thème de la routine. Enfermé dans les habitudes de l’espèce, il arrive sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n’échappe à l’automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau : les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes ; en tirant sur sa chaîne il ne réussit qu’à l’allonger. Avec l’homme, la conscience brise la chaîne. Chez l’homme, et chez l’homme seulement, elle se libère.

BERGSON L’Évolution créatrice.

2009 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Est-ce toujours par ignorance que nous commettons des erreurs ?

2009 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Puis-je être heureux sans être libre ?

2009 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT On comprend (...) bien qu’il n’y a pas de droits sans limites ; cela n’est pas possible, à moins que l’on ne se place dans l’état de liberté et de guerre, où l’on peut bien dire que l’on se donne tous les droits, mais où, aussi, l’on ne possède que ceux que l’on peut maintenir par sa propre force. Mais dès que l’on fait société avec d’autres, les droits des uns et des autres forment un système équilibré ; il n’est pas dit que tous auront tous les droits possibles ; il est dit seulement que tous auront les mêmes droits ; et c’est cette égalité des droits qui est sans doute la forme de la justice ; car les circonstances ne permettent jamais d’établir un droit tout à fait sans restriction ; par exemple, il n’est pas dit qu’on ne barrera pas une rue dans l’intérêt commun ; la justice exige seulement que la rue soit barrée aux mêmes conditions pour tout le monde. Donc je conçois bien que l’on revendique comme citoyen, et avec toute l’énergie que l’on voudra y mettre, un droit dont on voit que les autres citoyens ont la jouissance. Mais vouloir un droit sans limites, cela sonne mal.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et restituez le raisonnement par lequel elle est établie.

a) en vous appuyant sur le texte, expliquez pourquoi "il n’y a pas de droits sans limites" ;

b) En quoi l’exemple de la rue barrée éclaire-t-il la thèse d’Alain ?

3° La justice consiste-t-elle dans l’égalité des droits ?

2009 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Suffit-il d’être rationnel pour être raisonnable ?

2009 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’État peut-il être impartial ?

2009 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Parmi les choses qu’on ne rencontre pas dans la nature, mais seulement dans le monde fabriqué par l’homme, on distingue entre objets d’usage et oeuvres d’art ; tous deux possèdent une certaine permanence qui va de la durée ordinaire à une immortalité potentielle dans le cas de l’oeuvre d’art. En tant que tels, ils se distinguent d’une part des produits de consommation, dont la durée au monde excède à peine le temps nécessaire à les préparer, et d’autre part, des produits de l’action, comme les événements, les actes et les mots, tous en eux-mêmes si transitoires qu’ils survivraient à peine à l’heure ou au jour où ils apparaissent au monde, s’ils n’étaient conservés d’abord par la mémoire de l’homme, qui les tisse en récits, et puis par ses facultés de fabrication. Du point de vue de la durée pure, les oeuvres d’art sont clairement supérieures à toutes les autres choses ; comme elles durent plus longtemps au monde que n’importe quoi d’autre, elles sont les plus mondaines des choses. Davantage, elles sont les seules choses à n’avoir aucune fonction dans le processus vital de la société ; à proprement parler, elles ne sont pas fabriquées pour les hommes, mais pour le monde, qui est destiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations. Non seulement elles ne sont pas consommées comme des biens de consommation, ni usées comme des objets d’usage : mais elles sont délibérément écartées des procès de consommation et d’utilisation, et isolées loin de la sphère des nécessités de la vie humaine. Cette mise à distance peut se réaliser par une infinité de voies. Et c’est seulement quand elle est accomplie que la culture, au sens spécifique du terme, vient à l’être.

ARENDT La Crise de la culture

2009 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Choisissons-nous notre existence ?

2009 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il une justice en dehors du droit ?

2009 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les faits que l’expérience nous propose sont soumis par la science à une analyse dont on ne peut pas espérer qu’elle soit jamais achevée puisqu’il n’y a pas de limites à l’observation, qu’on peut toujours l’imaginer plus complète ou exacte qu’elle n’est à un moment donné. Le concret, le sensible assignent à la science la tâche d’une élucidation interminable, et il résulte de là qu’on ne peut le considérer, à la manière classique, comme une simple apparence destinée à être surmontée par l’intelligence scientifique. Le fait perçu et d’une manière générale les événements de l’histoire du monde ne peuvent être déduits d’un certain nombre de lois qui composeraient le visage permanent de l’univers ; c’est, inversement, la loi qui est une expression approchée de l’événement physique et en laisse subsister l’opacité. Le savant d’aujourd’hui n’a plus, comme le savant de la période classique, l’illusion d’accéder au coeur des choses, à l’objet même. Sur ce point, la physique de la relativité confirme que l’objectivité absolue et dernière est un rêve, en nous montrant chaque observation strictement liée à la position de l’observateur, inséparable de sa situation, et en rejetant l’idée d’un observateur absolu. Nous ne pouvons pas nous flatter, dans la science, de parvenir par l’exercice d’une intelligence pure et non située à un objet pur de toute trace humaine et tel que Dieu le verrait. Ceci n’ôte rien à la nécessité de la recherche scientifique et ne combat que le dogmatisme d’une science qui se prendrait pour savoir absolu et total. Ceci rend simplement justice à tous les éléments de l’expérience humaine et en particulier à notre perception sensible.

MERLEAU-PONTY Causeries

2009 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il des limites aux interventions techniques sur le vivant ?

2009 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’hypothèse de l’inconscient rend-elle vaine toute aspiration à la liberté ?

2009 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il y a deux sortes de plaisirs : les uns qui appartiennent à l’esprit seul, et les autres qui appartiennent à l’homme, c’est-à-dire à l’esprit en tant qu’il est uni au corps ; et ces derniers, se présentant confusément à l’imagination, paraissent souvent beaucoup plus grands qu’ils ne sont, principalement avant qu’on ne les possède, ce qui est la source de tous les maux et de toutes les erreurs de la vie. Car, selon la règle de la raison, chaque plaisir se devrait mesurer par la grandeur de la perfection qui le produit, et c’est ainsi que nous mesurons celui dont les causes nous sont clairement connues. Mais souvent la passion nous fait croire certaines choses beaucoup meilleures et plus désirables qu’elles ne sont ; puis, quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et perdu cependant l’occasion de posséder d’autres biens plus véritables, la jouissance nous en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est pourquoi le vrai office de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en effet, les plus désirables.

DESCARTES Lettres à Elisabeth

2009 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pourquoi échanger des idées ?

2009 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Apprécier une oeuvre d’art, cela s’apprend-t-il ?

2009 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vie en commun des hommes n’est rendue possible que si se trouve réunie une majorité qui est plus forte que chaque individu et qui garde sa cohésion face à chaque individu. La puissance de cette communauté s’oppose maintenant en tant que "droit" à la puissance de l’individu qui est condamnée en tant que "violence brute". Ce remplacement de la puissance de l’individu par celle de la communauté est le pas culturel décisif. Son essence consiste en ce que les membres de la communauté se limitent dans leurs possibilités de satisfaction, alors que l’individu isolé ne connaissait pas de limite de ce genre. L’exigence culturelle suivante est alors celle de la justice, c’est-à-dire l’assurance que l’ordre de droit, une fois donné, ne sera pas de nouveau battu en brèche (1) en faveur d’un individu.

FREUD

(1) battu en brèche : remis en cause.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale et les étapes de l’argumentation du texte.

2° En vous appuyant sur le texte

a) expliquez en quoi consiste "le pas culturel décisif" (ligne 6) pour la communauté humaine. Pourquoi ce pas est-il "culturel" ? Pourquoi est-il "décisif" ?

b) expliquez à quelle condition "l’ordre de droit" (ligne 9) peut avoir valeur de "justice" dans la communauté humaine.

3° La vie en commun des hommes est-elle impossible sans la culture ?

2009 ES INDE NORMALE Peut-on s’excuser en disant : "j’ai agi inconsciemment" ?

2009 ES INDE NORMALE L’artiste est-il un créateur ?

2009 ES INDE NORMALE Si richement doués que nous soyons, il nous manque toujours quelque chose, et les meilleurs d’entre nous ont le sentiment de leur insuffisance. C’est pourquoi nous cherchons chez nos amis les qualités qui nous font défaut, parce qu’en nous unissant à eux nous participons en quelque manière à leur nature, et que nous nous sentons alors moins incomplets. Il se forme ainsi de petites associations d’amis où chacun a son rôle conforme à son caractère, où il y a un véritable échange de services. L’un protège, l’autre console ; celui-ci conseille, celui-là exécute, et c’est ce partage des fonctions, ou, pour employer l’expression consacrée, cette division du travail qui détermine ces relations d’amitié.

Nous sommes ainsi conduits à considérer la division du travail sous un nouvel aspect. Dans ce cas, en effet, les services économiques qu’elle peut rendre sont peu de chose à côté de l’effet moral qu’elle produit, et sa véritable fonction est de créer entre deux ou plusieurs personnes un sentiment de solidarité. De quelque manière que ce résultat soit obtenu, c’est elle qui suscite ces sociétés d’amis, et elle les marque de son empreinte.

DURKHEIM De la Division du travail social

2009 L INDE NORMALE Le désir est-il aveugle ?

2009 L INDE NORMALE La consultation des citoyens suffit-elle à faire la démocratie ?

2009 L INDE NORMALE Si l’étude des langues n’était que celle des mots, c’est-à-dire des figures ou des sons qui les expriment, cette étude pourrait convenir aux enfants, mais les langues ne modifient pas seulement les signes, elles modifient aussi les idées qu’ils représentent. Les têtes se forment sur les langages, les pensées prennent la teinte des idiomes, la raison seule est commune, l’esprit dans chaque langue a sa forme particulière. De ces formes diverses l’habitude en donne une à l’enfant et c’est la seule qu’il garde jusqu’à l’âge de raison. Pour en avoir deux il faudrait qu’il sût comparer des idées, et comment les comparerait-il quand il est à peine en état de les concevoir ? Chaque chose peut avoir pour lui mille signes différents mais chaque idée ne peut avoir qu’une forme ; il ne peut donc apprendre et parler qu’une langue. Il en apprend cependant plusieurs, me dit-on. Je le nie. J’ai vu de ces petits prodiges qui croyaient parler cinq ou six langues. Je les ai entendus successivement parler allemand en termes latins, en termes français, en termes italiens. Ils se servaient à la vérité de cinq ou six dictionnaires, mais ils ne parlaient qu’allemand. En un mot, donnez aux enfants tant de synonymes que vous voudrez, ils pourront prononcer plusieurs mots mais ils n’apprendront jamais qu’une langue.

ROUSSEAU Émile

2009 S INDE NORMALE L’artiste travaille-t-il ?

2009 S INDE NORMALE L’État a-t-il tous les droits ?

2009 S INDE NORMALE On n’insistera jamais assez sur ce qu’il y a d’artificiel dans la forme mathématique d’une loi physique, et par conséquent dans notre connaissance scientifique des choses. Nos unités de mesure sont conventionnelles et, si l’on peut parler ainsi, étrangères aux intentions de la nature : comment supposer que celle-ci ait rapporté toutes les modalités de la chaleur aux dilatations d’une même masse de mercure ou aux changements de pression d’une même masse d’air maintenue à un volume constant ? Mais ce n’est pas assez dire. D’une manière générale, mesurer est une opération tout humaine, qui implique qu’on superpose réellement ou idéalement deux objets l’un à l’autre un certain nombre de fois. La nature n’a pas songé à cette superposition. Elle ne mesure pas, elle ne compte pas davantage. Pourtant la physique compte, mesure, rapporte les unes aux autres des variations "quantitatives" pour obtenir des lois et elle réussit.

BERGSON L’Évolution créatrice.

2009 TECHN. INDE NORMALE Être certain, est-ce être dans le vrai ?

2009 TECHN. INDE NORMALE Peut-on n’obéir à aucune loi ?

2009 TECHN. INDE NORMALE Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroît la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur. - Le cours des heures est d’autant plus rapide qu’elles sont agréables, d’autant plus lent qu’elles sont plus pénibles ; car le chagrin, et non le plaisir, est l’élément positif, dont la présence se fait remarquer. De même nous avons conscience du temps dans les moments d’ennui, non dans les instants agréables. Ces deux faits prouvent que la partie la plus heureuse de notre existence est celle où nous la sentons le moins.

SCHOPENHAUER

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° Expliquez :

a) "le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel" ;

b) "la possession accroît la mesure de nos besoins" ;

c) "nous avons conscience du temps dans les moments d’ennui".

3° N’avons-nous conscience de notre bonheur que lorsqu’il a disparu ?

2009 ES JAPON NORMALE Naissons-nous libres et égaux ?

2009 ES JAPON NORMALE La communication est-elle la fonction essentielle du langage humain ?

2009 ES JAPON NORMALE L’idée selon laquelle ce qui n’a pas réussi jusqu’à maintenant ne réussira jamais pour cette même raison, cette idée ne justifie en aucun cas de renoncer à un dessein pragmatique (1) ou technique (comme par exemple, le dessein de naviguer en ballon), encore moins de renoncer à un dessein moral qui est un devoir, dès lors qu’on n’a pas démontré que sa réalisation était impossible. Du reste, on peut prouver de mainte manière que le genre humain dans son ensemble a effectivement progressé d’une manière considérable au point de vue moral à notre époque, si on compare celle-ci à toutes les époques antérieures (des arrêts temporaires ne sauraient rien prouver là contre). On peut également prouver que tout le bruit qu’on fait à propos de la décadence irrésistiblement croissante du genre humain vient précisément du fait que, lorsque sa moralité franchit un degré supérieur, il voit encore plus loin devant lui. Dès lors, tout jugement sur ce qu’on est qui s’appuie sur une comparaison avec ce qu’on devrait être et, par conséquent, notre capacité à nous blâmer nous-même, deviennent d’autant plus sévères que nous avons déjà franchi davantage de marches dans la moralité de l’ensemble du cours du monde qui nous est connu.

KANT Théorie et pratique.

2009 L JAPON NORMALE Le temps est-il nécessairement destructeur ?

2009 L JAPON NORMALE Pour aimer autrui faut-il le connaître ?

2009 L JAPON NORMALE Un commandement ordonnant à chacun de chercher à se rendre heureux serait une sottise ; car on n’ordonne jamais à quelqu’un ce qu’il veut déjà inévitablement de lui-même. Il ne faudrait que lui ordonner les lignes de conduite ou, plutôt, les lui proposer, parce qu’il ne peut pas tout ce qu’il veut. Au contraire, ordonner la moralité sous le nom de devoir est tout à fait raisonnable, car tout le monde ne consent pas volontiers à obéir à ses préceptes, quand elle est en conflit avec des Inclinations ; et, quant aux mesures à prendre sur la façon dont on peut obéir à cette loi, on n’a pas à les enseigner ici, car ce qu’un homme veut à cet égard, il le peut aussi.

Celui qui a perdu au jeu peut bien s’en vouloir à lui-même ainsi qu’en vouloir à son Imprudence, mais, s’il a conscience d’avoir triché (encore qu’il ait ainsi gagné), il doit se mépriser lui-même nécessairement dès qu’il se compare avec la loi morale. Il faut donc bien que celle-ci soit autre chose que le principe du bonheur personnel. Car, être contraint de se dire à soi-même : Je suis un misérable, bien que j’aie rempli ma bourse, exige un autre critère de jugement que s’il s’agissait de s’approuver soi-même et se dire : Je suis un homme prudent, car j’ai enrichi ma caisse.

KANT Critique de la raison pratique

2009 S JAPON NORMALE En quoi une culture peut-elle être la mienne ?

2009 S JAPON NORMALE L’idéal de justice doit-il passer avant le respect de la loi ?

2009 S JAPON NORMALE Nous n’avons pas le sentiment que de nouveaux exemples accroissent notre certitude que deux et deux font quatre, parce que dès que la vérité de cette proposition est comprise, notre certitude est si grande qu’elle n’est pas susceptible d’augmenter. De plus, nous éprouvons concernant la proposition "deux et deux font quatre" un sentiment de nécessité qui est absent même dans le cas des généralisations empiriques les mieux attestées. C’est que de telles généralisations restent de simples faits : nous sentons qu’un monde où elles seraient fausses est possible, même s’il se trouve qu’elles sont vraies dans le monde réel. Dans tous les mondes possibles, au contraire, nous éprouvons le sentiment que deux et deux feraient toujours quatre : ce n’est plus un simple fait, mais une nécessité à laquelle tout monde, réel ou possible, doit se conformer.

Pour éclaircir ce point, prenons une vraie généralisation empirique, comme "Tous les hommes sont mortels". Nous croyons à cette proposition, d’abord parce qu’il n’y a pas d’exemple connu d’homme ayant vécu au-delà d’un certain âge, ensuite parce que des raisons tirées de la physiologie nous font penser qu’un organisme comme le corps humain doit tôt ou tard se défaire. Laissons de côté le second point, et considérons seulement notre expérience du caractère mortel de l’homme : il est clair que nous ne pouvons nous satisfaire d’un seul exemple, fût-il clairement attesté, de mort d’homme, alors qu’avec "deux et deux font quatre", un seul cas bien compris suffit à nous persuader qu’il en sera toujours de même. Enfin nous devons admettre qu’il peut à la réflexion surgir quelque doute sur la question de savoir si vraiment tous les hommes sont mortels. Imaginons, pour voir clairement la différence, deux mondes, l’un où certains hommes ne meurent pas, l’autre où deux et deux font cinq. Quand Swift (1) nous parle de la race immortelle des Struldbrugs, nous pouvons le suivre par l’imagination. Mais un monde où deux et deux feraient cinq semble d’un tout autre niveau. Nous l’éprouverions comme un bouleversement de tout l’édifice de la connaissance, réduit à un état d’incertitude complète.

RUSSELL Problèmes de philosophie.

(1) Ecrivain irlandais, auteur des Voyages de Gulliver

2009 ES LA RÉUNION NORMALE Toute vérité est-elle relative ?

2009 ES LA RÉUNION NORMALE Être libre, est-ce ne subir aucune influence ?

2009 ES LA RÉUNION NORMALE Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu’ils n’eussent de désir que pour ce qu’enseigne la vraie Raison, certes la société n’aurait besoin d’aucune loi, il suffirait absolument d’éclairer les hommes par des enseignements moraux pour qu’ils fissent d’eux-mêmes et d’une âme libérale ce qui est vraiment utile. Mais tout autre est la disposition de la nature humaine ; tous observent bien leur Intérêt, mais ce n’est pas suivant l’enseignement de la droite Raison ; c’est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions de l’âme (qui n’ont aucun égard è l’avenir et ne tiennent compte que d’elles-mêmes) qu’ils désirent quelque objet et le jugent utile. De là vient que nulle société ne peut subsister sans un pouvoir de commandement et une force, et conséquemment sans des lois qui modèrent et contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein.

SPINOZA Traité théologico-politique

2009 L LA RÉUNION NORMALE Les exigences de la morale sont-elles compatibles avec nos désirs ?

2009 L LA RÉUNION NORMALE L’expérience fait-elle obstacle à la connaissance ?

2009 L LA RÉUNION NORMALE En réalité, la délibération suit la décision, c’est ma décision secrète qui fait paraître les motifs et l’on ne concevrait pas même ce que peut être la force d’un motif sans une décision qu’il confirme ou contrarie. Quand j’ai renoncé à un projet, soudain les motifs que je croyais avoir d’y tenir retombent sans force. Pour leur en rendre une, il faut que je fasse l’effort de rouvrir le temps et de me replacer au moment où la décision n’était pas encore prise. Même pendant que je délibère, c’est déjà par un effort que je réussis à suspendre le temps, à maintenir ouverte une situation que je sens close par une décision qui est là et à laquelle je résiste. C’est pourquoi, si souvent, après avoir renoncé à un projet, j’éprouve une délivrance : "Après tout, je n’y tenais pas tant", il n’y avait débat que pour la forme, la délibération était une parodie, j’avais déjà décidé contre. On cite souvent comme un argument contre la liberté l’impuissance de la volonté. Et en effet, si je peux volontairement adopter une conduite et m’improviser guerrier ou séducteur, il ne dépend pas de moi d’être guerrier ou séducteur avec aisance et "naturel", c’est-à-dire de l’être vraiment. Mais aussi ne doit-on pas chercher la liberté dans l’acte volontaire, qui est, selon son sens même, un acte manqué. Nous ne recourons à l’acte volontaire que pour aller contre notre décision véritable, et comme à dessein de prouver notre impuissance. Si nous avions vraiment assumé la conduite du guerrier ou du séducteur, nous serions guerrier ou séducteur.

MERLEAU-PONTY Phénoménologie de la perception

2009 S LA RÉUNION NORMALE Faut-Il toujours éviter de se contredire ?

2009 S LA RÉUNION NORMALE Peut-on promettre le bonheur ?

2009 S LA RÉUNION NORMALE Nous disons que l’État le meilleur est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, nous voulons parler d’une vie humaine définie, non point par la circulation du sang et les différentes autres fonctions du règne animal, mais surtout par la raison : vraie valeur et vraie vie de l’esprit.

Ajoutons que l’État, institué en vue de la fin que je viens de formuler, doit encore avoir été instauré par une masse libre, et non imposé à une masse conquise, en vertu du droit de la guerre. Tandis, en effet, qu’une masse libre se guide d’après l’espoir plutôt que la crainte, celle qui est sujette se guide sur la crainte plutôt que l’espoir. L’une essaie de faire quelque chose de sa vie, l’autre se contente d’éviter la mort ; l’une essaie de vivre des aspirations personnelles, l’autre subit la contrainte du vainqueur. C’est ce que nous exprimons, lorsque nous déclarons que la seconde est réduite en esclavage, alors que la première est libre.

SPINOZA Traité de l’autorité politique.

2009 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Faut-il faire régner la justice à tout prix ?

2009 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Les hommes sont-ils seulement le produit de leur culture ?

2009 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Si illimitée que paraisse la liberté de notre pensée, nous découvrirons, en y regardant de plus près, qu’elle est en réalité resserrée ·dans des limites fort étroites, et que tout ce pouvoir créateur de l’esprit n’est rien de plus que la faculté de combiner, transposer, accroître ou diminuer les matériaux que nous fournissent les sens et l’expérience. Quand nous pensons à une montagne d’or, nous ne faisons que réunir deux idées capables de s’accorder, celle d’or et celle de montagne, qui nous étaient déjà familières. Nous pouvons concevoir un cheval vertueux ; car, d’après le sentiment propre que nous en avons, nous pouvons concevoir la vertu ; et il nous est possible de joindre celle-ci à la figure et à l’image du cheval, animal qui nous est familier. En un mot, tous les matériaux de la pensée tirent leur origine de notre sensibilité externe ou interne : l’esprit et la volonté n’ont d’autre fonction que de mêler et combiner ces matériaux.

HUME

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les différentes étapes de son développement.

2° Expliquez :

a) En quoi les exemples donnés montrent-ils que "la liberté de notre pensée (...) est en

réalité resserrée dans des limites fort étroites" ?

b) en quoi consiste le "pouvoir créateur de l’esprit" selon le texte ?

3° L’expérience est-elle l’origine de toutes nos pensées ?

2009 ES LIBAN NORMALE Puis-je toujours exprimer ce que je désire ?

2009 ES LIBAN NORMALE Le savoir scientifique s’établit-il contre la croyance ?

2009 ES LIBAN NORMALE L’esprit ne doit jamais obéissance. Une preuve de géométrie suffit à le montrer ; car si vous la croyez sur parole, vous êtes un sot ; vous trahissez l’esprit. Ce jugement intérieur, dernier refuge, et suffisant refuge, il faut le garder ; il ne faut jamais le donner. Suffisant refuge ? Ce qui me le fait croire, c’est que ce qui subsiste d’esclavage vient bien clairement de ce que le citoyen jette aux pieds du chef son jugement aussi. Il admire ; c’est son bonheur ; et pourtant il sait ce que cela lui coûte. Pour moi, je n’arrive pas à comprendre que (...) le bon citoyen, l’ami de l’ordre, l’exécutant fidèle jusqu’à la mort, se permette encore de donner quelque chose de plus, j’entends d’acclamer, d’approuver, d’aimer le chef impitoyable. Mais plutôt je voudrais que le citoyen restât inflexible de son côté, inflexible d’esprit, armé de défiance, et toujours se tenant dans le doute quant aux projets et aux raisons du chef. Cela revient à se priver du bonheur de l’union sacrée, en vue d’éviter de plus grands maux. Par exemple, ne point croire, par un abus d’obéissance, qu’une guerre est ou était inévitable ; ne point croire que les impôts sont calculés au plus juste, et les dépenses de même ; et ainsi du reste. Exercer donc un contrôle clairvoyant, résolu, sans coeur, sur les actions et encore plus sur les discours du chef. Communiquer à ses représentants le même esprit de résistance et de critique, de façon que le pouvoir se sache jugé. Car, si le respect, l’amitié, les égards se glissent par là, la justice et la liberté sont perdues, et la sécurité elle-même est perdue.

ALAIN Propos

2009 L LIBAN NORMALE À quelles conditions un acte est-il moral ?

2009 L LIBAN NORMALE La pluralité des opinions fait-elle obstacle à l’exigence de vérité ?

2009 L LIBAN NORMALE Examinons bien. Cet horizon lointain, je ne le vois pas lointain ; je juge qu’il est loin d’après sa couleur, d’après la grandeur relative des choses que j’y vois, d’après la confusion des détails, et l’interposition d’autres objets qui me le cachent en partie. Ce qui prouve qu’ici je juge, c’est que les peintres savent bien me donner cette perception d’une montagne lointaine, en imitant les apparences sur une toile. Mais pourtant je vois cet horizon là-bas, aussi clairement là-bas que je vois cet arbre clairement près de moi ; et toutes ces distances, je les perçois. Que serait le paysage sans cette armature de distances, je n’en puis rien dire ; une espèce de lueur confuse sur mes yeux, peut-être. Poursuivons. Je ne vois point le relief de ce médaillon, si sensible d’après les ombres ; et chacun peut deviner aisément que l’enfant apprend à voir ces choses, en interprétant les contours et les couleurs. Il est encore bien plus évident que je n’entends pas cette cloche au loin, là-bas, et ainsi du reste (...). Regardons de plus près. Cette distance de l’horizon n’est pas une chose parmi les choses, mais un rapport des choses à moi, un rapport pensé, conclu, jugé.

ALAIN Éléments de philosophie

2009 S LIBAN NORMALE Suffit-il, pour être juste, d’être dans son droit ?

2009 S LIBAN NORMALE Y a-t-il des vérités indiscutables ?

2009 S LIBAN NORMALE Quand quelqu’un ne trouve pas beau un édifice, un paysage, un poème, il ne se laisse pas imposer intérieurement l’assentiment par cent voix, qui toutes les célèbrent hautement. Il peut certes faire comme si cela lui plaisait à lui aussi, afin de ne pas être considéré comme dépourvu de goût ; il peut même commencer à douter d’avoir assez formé son goût par la connaissance d’une quantité suffisante d’objets de ce genre (de même que quelqu’un qui croit reconnaître au loin une forêt dans ce que tous les autres aperçoivent comme une ville doute du jugement de sa propre vue). Mais, en tout cas, il voit clairement que l’assentiment des autres ne constitue absolument pas une preuve valide pour l’appréciation de la beauté : d’autres peuvent bien voir et observer pour lui, et ce que beaucoup ont vu d’une même façon peut assurément, pour lui qui croit avoir vu la même chose autrement, constituer une preuve suffisante pour construire un jugement théorique et par conséquent logique ; mais jamais ce qui a plu à d’autres ne saurait servir de fondement à un jugement esthétique. Le jugement des autres, quand il ne va pas dans le sens du nôtre, peut sans doute à bon droit nous faire douter de celui que nous portons, mais jamais il ne saurait nous convaincre de son illégitimité. Ainsi n’y a-t-il aucune preuve empirique permettant d’imposer à quelqu’un le jugement de goût.

KANT Critique de la faculté de juger

2009 ES MÉTROPOLE NORMALE Que gagne-t-on à échanger ?

2009 ES MÉTROPOLE NORMALE Le développement technique transforme-t-il les hommes ?

2009 ES MÉTROPOLE NORMALE Quant à savoir s’il existe le moindre principe moral qui fasse l’accord de tous, j’en appelle à toute personne un tant soit peu versée dans l’histoire de l’humanité, qui ait jeté un regard plus loin que le bout de son nez. Où trouve-t-on cette vérité pratique universellement acceptée sans doute ni problème aucun, comme devrait l’être une vérité innée ? La justice et le respect des contrats semblent faire l’accord du plus grand nombre ; c’est un principe qui, pense-t-on, pénètre jusque dans les repaires de brigands, et dans les bandes des plus grands malfaiteurs ; et ceux qui sont allés le plus loin dans l’abandon de leur humanité respectent la fidélité et la justice entre eux. Je reconnais que les hors-la-loi eux-mêmes les respectent entre eux ; mais ces règles ne sont pas respectées comme des lois de nature innées : elles sont appliquées comme des règles utiles dans leur communauté ; et on ne peut concevoir que celui qui agit correctement avec ses complices mais pille et assassine en même temps le premier honnête homme venu, embrasse la justice comme un principe pratique. La justice et la vérité sont les liens élémentaires de toute société : même les hors-la-loi et les voleurs, qui ont par ailleurs rompu avec le monde, doivent donc garder entre eux la fidélité et les règles de l’équité, sans quoi ils ne pourraient rester ensemble. Mais qui soutiendrait que ceux qui vivent de fraude et de rapine ont des principes innés de vérité et de justice, qu’ils acceptent et reconnaissent ?

LOCKE Essai sur l’entendement humain

2009 L MÉTROPOLE NORMALE L’objectivité de l’histoire suppose-t-elle l’impartialité de l’historien ?

2009 L MÉTROPOLE NORMALE Le langage trahit-il la pensée ?

2009 L MÉTROPOLE NORMALE Il n’y a pas de satisfaction qui d’elle-même et comme de son propre mouvement vienne à nous ; il faut qu’elle soit la satisfaction d’un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or avec la satisfaction cesse le désir et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement ne sauraient être qu’une délivrance à l’égard d’une douleur, d’un besoin ; sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l’existence un fardeau. Or c’est une entreprise difficile d’obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d’objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l’objet atteint, qu’a-t-on gagné ? Rien assurément, que de s’être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d’être revenu à l’état où l’on se trouvait avant l’apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c’est le besoin tout seul c’est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu’indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passée, qu’elles ont chassées tout d’abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n’en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas ; il nous semble qu’il n’en pouvait être autrement ; et, en effet, tout le bonheur qu’ils nous donnent, c’est d’écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s’offre à nous.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation

2009 S MÉTROPOLE NORMALE Est-il absurde de désirer l’impossible ?

2009 S MÉTROPOLE NORMALE Y a-t-il des questions auxquelles aucune science ne répond ?

2009 S MÉTROPOLE NORMALE Les affaires générales d’un pays n’occupent que les principaux citoyens. Ceux-là ne se rassemblent que de loin en loin dans les mêmes lieux ; et, comme il arrive souvent qu’ensuite ils se perdent de vue, il ne s’établit pas entre eux de liens durables. Mais quand il s’agit de faire régler les affaires particulières d’un canton par les hommes qui l’habitent, les mêmes individus sont toujours en contact, et ils sont en quelque sorte forcés de se connaître et de se complaire.

On tire difficilement un homme de lui-même pour l’intéresser à la destinée de tout l’État, parce qu’il comprend mal l’influence que la destinée de l’État peut exercer sur son sort. Mais faut-il faire passer un chemin au bout de son domaine, il verra d’un premier coup d’oeil qu’il se rencontre un rapport entre cette petite affaire publique et ses plus grandes affaires privées, et il découvrira, sans qu’on le lui montre, le lien étroit qui unit ici l’intérêt particulier à l’intérêt général.

C’est donc en chargeant les citoyens de l’administration des petites affaires, bien plus qu’en leur livrant le gouvernement des grandes, qu’on les intéresse au bien public et qu’on leur fait voir le besoin qu’ils ont sans cesse les uns des autres pour le produire.

On peut, par une action d’éclat, captiver tout à coup la faveur d’un peuple ; mais, pour gagner l’amour et le respect de la population qui vous entoure, il faut une longue succession de petits services rendus, de bons offices obscurs, une habitude constante de bienveillance et une réputation bien établie de désintéressement.

Les libertés locales, qui font qu’un grand nombre de citoyens mettent du prix à l’affection de leurs voisins et de leurs proches, ramènent donc sans cesse les hommes les uns vers les autres, en dépit des instincts qui les séparent, et les forcent à s’entraider.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2009 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Peut-on être sûr d’avoir raison ?

2009 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La technique s’oppose-t-elle à la nature ?

2009 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La loi ne consiste pas tant à limiter un agent libre et intelligent qu’à le guider vers ses propres intérêts, et elle ne prescrit pas au-delà de ce qui conduit au bien général de ceux qui sont assujettis à cette loi. S’ils pouvaient être plus heureux sans elle, la loi s’évanouirait comme une chose inutile ; et ce qui nous empêche seulement de tomber dans les marais et les précipices mérite mal le nom de contrainte. De sorte que, quelles que soient les erreurs commises à son propos, la finalité de la loi n’est pas d’abolir ou de restreindre mais de préserver et d’élargir la liberté ; et dans toutes les conditions des êtres créés qui sont capables de vivre d’après des lois, là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas de liberté. Car la liberté consiste à être délivré de la contrainte et de la violence exercées par autrui, ce qui ne peut être lorsqu’il n’y a point de loi ; mais la liberté n’est pas ce que l’on nous dit, à savoir une liberté, pour tout homme, de faire ce qui lui plaît (car qui peut être libre quand n’importe quel homme peut nous imposer ses humeurs ?). Mais c’est une liberté de disposer et d’ordonner comme on l’entend sa personne, ses actions, ses biens et l’ensemble de sa propriété, dans les limites de ce qui est permis par les lois auxquelles on est soumis ; et, dans ces limites, de ne pas être assujetti à la volonté arbitraire de quiconque, mais de suivre librement sa propre volonté.

LOCKE

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et mettez en évidence les étapes de son argumentation.

a) Précisez la conception de la liberté à laquelle Locke s’oppose dans ce texte ;

b) en vous appuyant sur l’image de la ligne 4, expliquez : "guider vers ses propres intérêts" ;

c) comment Locke définit-il la liberté ? Expliquez cette définition en vous appuyant précisément sur le texte.

3° La loi est-elle la condition de la liberté ?

2009 TMD MÉTROPOLE NORMALE L’État doit-il garantir le bonheur des citoyens ?

2009 TMD MÉTROPOLE NORMALE Peut-on se passer de toute religion ?

2009 TMD MÉTROPOLE NORMALE Le portrait achevé s’explique par la physionomie du modèle, par la nature de l’artiste, par les couleurs délayées sur la palette ; mais, même avec la connaissance de ce qui l’explique, personne, pas même l’artiste, n’eût pu prévoir exactement ce que serait le portrait, car le prédire eût été le produire avant qu’il fût produit, hypothèse absurde qui se détruit elle-même. Ainsi pour les moments de notre vie, dont nous sommes les artisans. Chacun d’eux est une espèce de création. Et de même que le talent du peintre se forme ou se déforme, en tout cas se modifie, sous l’influence même des oeuvres qu’il produit, ainsi chacun de nos états, en même temps qu’il sort de nous, modifie notre personne, étant la forme nouvelle que nous venons de nous donner. On a donc raison de dire que ce que nous faisons dépend de ce que nous sommes ; mais il faut ajouter que nous sommes, dans une certaine mesure, ce que nous faisons, et que nous nous créons continuellement nous-mêmes. Cette création de soi par soi est d’autant plus complète, d’ailleurs, qu’on raisonne mieux sur ce qu’on fait.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "car le prédire eût été le produire avant qu’il fût produit" ;

b) "ainsi chacun de nos états. en même temps qu’il sort de nous, modifie notre personne" ;

c) "nous nous créons continuellement nous-mêmes".

3° Sommes-nous ce que nous faisons ?

2009 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Notre vision du monde doit-elle quelque chose au langage ?

2009 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le travail peut-il être aimé pour lui-même ?

2009 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT On dit d’un homme qu’il est maître de soi, ou non, suivant que la raison domine ou ne domine pas en lui, ce qui implique que c’est là ce qui constitue proprement chacun de nous. Et les actions que nous faisons nous-même, et volontairement, sont spécialement celles qu’on accomplit rationnellement. Chacun est donc cette partie souveraine - ou il l’est principalement - et l’honnête homme l’aime par-dessus tout, cela est clair ; comme il est clair aussi que c’est de lui qu’on pourrait dire, par excellence, qu’il s’aime lui-même, mais d’une espèce d’amour de soi bien différente de l’égoïsme qu’on blâme. Elle en diffère, en effet, autant qu’une vie conforme à la raison diffère d’une vie assujettie aux passions, autant que le désir du beau diffère du désir de ce que l’on croit utile.

Ainsi, tout le monde approuve et loue ceux qui se distinguent par leur ardeur à faire de belles actions ; et si tous les hommes rivalisaient en amour pour le beau, et s’efforçaient à faire les actions les plus belles, on verrait à la fois la communauté comblée de tout ce qu’il lui faut, et chacun en particulier assuré des biens les plus grands, puisque la vertu est précisément le plus grand bien. D’où il faut conclure que l’homme vertueux doit s’aimer lui-même (car en faisant de belles actions, il en tirera lui-même profit, et en procurera aux autres). Le méchant, au contraire, ne doit pas s’aimer lui-même (car en s’abandonnant à de viles passions, il se nuira infailliblement à lui-même et aux autres). Chez le méchant, donc, il y a dissonance entre ce qu’il fait et ce qu’il doit faire ; l’honnête homme, au contraire, ce qu’il doit faire, il le fait : car la raison choisit toujours ce qui est le meilleur pour elle ; et l’honnête homme obéit à la raison.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque

2009 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est-ce une fonction de l’art que d’embellir la vie ?

2009 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’intervention de l’État est-elle nécessaire pour réduire les injustices ?

2009 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Telle saveur, tel parfum m’ont plu quand j’étais enfant, et me répugnent aujourd’hui. Pourtant je donne encore le même nom à la sensation éprouvée, et je parle comme si, le parfum et la saveur étant demeurés identiques, mes goûts seuls avaient changé. Je solidifie donc encore cette sensation ; et lorsque sa mobilité acquiert une telle évidence qu’il me devient impossible de la méconnaître, j’extrais cette mobilité pour lui donner un nom à part et la solidifier à son tour sous forme de goût. Mais en réalité il n’y a ni sensations identiques, ni goûts multiples ; car sensations et goûts m’apparaissent comme des choses dès que je les isole et que je les nomme, et il n’y a guère dans l’âme humaine que des progrès. Ce qu’il faut dire, c’est que toute sensation se modifie en se répétant, et que si elle ne me paraît pas changer du jour au lendemain, c’est parce que je l’aperçois maintenant à travers l’objet qui en est cause, à travers le mot qui la traduit. Cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu’on ne le pense généralement. Non seulement le langage nous fait croire à l’invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur le caractère de la sensation éprouvée. Ainsi, quand je mange d’un mets réputé exquis, le nom qu’il porte, gros de l’approbation qu’on lui donne, s’interpose entre ma sensation et ma conscience ; je pourrai croire que la saveur me plaît, alors qu’un léger effort d’attention me prouverait le contraire. Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. Pour lutter à armes égales, celles-ci devraient s’exprimer par des mots précis ; mais ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience

2009 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Que vaut la formule : "à chacun sa morale" ?

2009 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La technique est-elle l’affaire des seuls techniciens ?

2009 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Notre raison, incurablement présomptueuse, s’imagine posséder par droit de naissance ou par droit de conquête, innés ou appris, tous les éléments essentiels de la connaissance de la vérité. Là même où elle avoue ne pas connaître l’objet qu’on lui présente, elle croit que son ignorance porte seulement sur la question de savoir quelle est celle de ses catégories anciennes qui convient à l’objet nouveau. Dans quel tiroir prêt à s’ouvrir le ferons-nous entrer ? De quel vêtement déjà coupé allons-nous l’habiller ? Est-il ceci, ou cela, ou autre chose ? et "ceci" et "cela" et "autre chose" sont toujours pour nous du déjà conçu, du déjà connu. L’idée que nous pourrions avoir à créer de toutes pièces pour un objet nouveau, un nouveau concept, peut-être une nouvelle méthode de penser, nous répugne profondément. L’histoire de la philosophie est là cependant, qui nous montre l’éternel conflit des systèmes, l’impossibilité de faire entrer définitivement le réel dans ces vêtements de confection que sont nos concepts tout faits, la nécessité de travailler sur mesure. Plutôt que d’en venir à cette extrémité, notre raison aime mieux annoncer une fois pour toutes, avec une orgueilleuse modestie, qu’elle ne connaîtra que du relatif et que l’absolu n’est pas de son ressort : cette déclaration préliminaire lui permet d’appliquer sans scrupule sa méthode habituelle de penser, et, sous prétexte qu’elle ne touche pas à l’absolu, de trancher absolument sur toutes choses.

BERGSON L’Évolution créatrice

2009 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ce qui est vrai, est-ce ce qui est évident ?

2009 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La technique accroît-elle notre liberté ?

2009 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Toute satisfaction, ce qu’on appelle ordinairement le bonheur, est en réalité d’essence toujours négative, et nullement positive. Ce n’est pas une félicité spontanée et nous arrivant d’elle-même ; elle doit toujours être la satisfaction d’un désir. Car désirer, c’est-à-dire avoir besoin d’une chose, est la condition préalable de toute jouissance. Mais avec la satisfaction cesse le désir, et par suite la jouissance. La satisfaction, ou le bonheur, ne peuvent donc jamais être quelque chose de plus que la suppression d’une douleur, d’un besoin ; car à cette catégorie appartiennent non seulement les souffrances réelles, manifestes, mais encore chaque désir dont l’importunité (1) trouble notre repos, et même le mortel ennui qui fait de notre existence un fardeau. - Et puis, comme il est difficile d’arriver à un but, de conquérir un bien quelconque ! Chaque projet nous oppose des difficultés et réclame des efforts sans nombre ; à chaque pas s’accumulent les obstacles. Quand enfin tout a été surmonté, quand nous sommes arrivés au but, quel autre résultat avons-nous acquis, sinon de nous être libérés d’une souffrance et d’un désir, c’est-à-dire de nous trouver exactement dans le même état qu’auparavant ? Il n’y a de donné directement que le besoin, c’est-à-dire la douleur.

SCHOPENHAUER

(1) importunité : caractère de ce qui est importun, c’est-à-dire gênant parce que cela n’est pas à propos.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et restituez les étapes de son argumentation.

a) En vous appuyant précisément sur le texte, expliquez "Toute satisfaction (...) est en réalité d’essence toujours négative" ;

b) Quelles différences y a-t-il entre "les souffrances réelles", "chaque désir" et "le mortel ennui", que Schopenhauer place dans la catégorie de la douleur ?

c) Pourquoi "quand, enfin, tout a été surmonté", nous trouvons-nous "exactement dans le même état qu’auparavant" ?

3° Le bonheur peut-il être autre chose que la suppression de la douleur ?

2009 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Toute vérité est-elle subjective ?

2009 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on concevoir une société sans État ?

2009 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT C’est une entreprise difficile d’obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d’objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l’objet atteint, qu’a-t-on gagné ? rien assurément, que de s’être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d’être revenu à l’état où l’on se trouvait avant l’apparition de ce désir. - Le fait immédiat pour nous, c’est le besoin tout seul, c’est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu’indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passées, qu’elles ont chassées tout d’abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n’en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas ; il nous semble qu’il n’en pouvait être autrement ; et, en effet, tout le bonheur qu’ils nous donnent, c’est d’écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive*, et qui sans intermédiaire s’offre à nous. Telle est encore la raison qui nous rend si douce la mémoire des malheurs surmontés par nous : besoin, maladie, privation, etc. : c’est en effet notre seul moyen de jouir des biens présents.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation

2009 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Tout relève-t-il de l’interprétation ?

2009 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Se cultiver, est-ce un devoir ?

2009 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. Ce sont certes de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s’il agit autrement. La contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu’un d’autre. Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne les autres. Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain.

MILL De la Liberté

2009 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le langage des animaux est-il comparable à celui des hommes ?

2009 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La morale dépend-elle de la culture ?

2009 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Ceux qui pensent que toute science est impossible, ignorent également si elle est possible, puisqu’ils font profession de tout ignorer. Je négligerai donc de discuter avec des gens qui veulent marcher la tête en bas. Et pourtant, je veux bien leur accorder qu’ils ont sur ce point une certitude, mais je leur demanderai à mon tour comment, n’ayant jamais rencontré la vérité, ils savent ce qu’est savoir et ne pas savoir, d’où leur vient la notion du vrai et du faux ; comment ils sont parvenus à distinguer le certain de l’incertain. Tu trouveras que ce sont les sens qui les premiers nous ont donné la notion de la vérité, et que leur témoignage est irréfutable. Car on doit accorder plus de créance à ce qui est capable par soi-même de faire triompher le vrai du faux. Or, quel témoignage est plus digne de foi que celui des sens ? S’ils nous trompent, est-ce la raison qui pourra déposer contre eux, elle qui tout entière en est issue ? Suppose-les trompeurs, la raison tout entière devient mensongère à son tour.

LUCRÈCE De la Nature

2009 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pouvons-nous faire coïncider nos désirs avec nos devoirs ?

2009 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’art peut-il transformer la société ?

2009 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pour nous convaincre que toutes les lois de la nature et toutes les opérations des corps sans exception se connaissent seulement par expérience, les réflexions suivantes peuvent sans doute suffire. Si un objet se présentait à nous et qu’on nous demande de nous prononcer sur l’effet qui en résultera sans consulter l’expérience passée, de quelle manière faut-il, je vous prie, que l’esprit procède dans cette opération ? Faut-il qu’il invente ou qu’il imagine un événement qu’il attribuera à l’objet comme effet ? Manifestement, il faut que cette invention soit entièrement arbitraire. L’esprit ne peut sans doute jamais trouver l’effet dans la cause supposée par l’analyse et l’examen les plus précis. Car l’effet est totalement différent de la cause et, par suite, on ne peut jamais l’y découvrir. Le mouvement de la seconde bille de billard est un événement distinct du mouvement de la première ; il n’y a rien dans l’un qui suggère la plus petite indication sur l’autre. Une pierre ou un morceau de métal élevés en l’air et laissés sans support tombent immédiatement ; mais à considérer la question a priori, découvrons-nous rien dans cette situation qui puisse engendrer l’idée d’une chute plutôt que d’une élévation ou de tout autre mouvement, dans la pierre ou le morceau de métal ?

HUME Enquête sur l’entendement humain.

2009 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’expérience rend-elle raisonnable ?

2009 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-il y avoir des exceptions à la loi ?

2009 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une opinion vulgairement répandue nomme esclave celui qui agit sur l’ordre d’un autre, et homme libre celui qui se conduit comme il le veut. Cette manière de voir n’est pas tout à fait conforme à la vérité. En fait, l’individu entraîné par son désir au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu’exige son intérêt authentique est soumis au pire des esclavages. Au contraire, on devra proclamer libre l’individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison. Quant à la conduite déclenchée par un commandement, c’est-à-dire l’obéissance, bien qu’elle supprime en un sens la liberté, elle n’entraîne cependant pas immédiatement pour un agent la qualité d’esclave. Il faut considérer avant tout, à cet égard, la signification particulière de l’action. A supposer que la fin de l’action serve l’intérêt non de l’agent, mais de celui qui commande l’action, celui qui l’accomplit n’est en effet qu’un esclave, hors d’état de réaliser son intérêt propre. Toutefois dans toute libre République et dans tout État où n’est point prise pour loi suprême la sauvegarde de la personne qui donne les ordres, mais celle du peuple entier, l’individu docile à la souveraine Puissance ne doit pas être qualifié d’esclave hors d’état de réaliser son intérêt propre.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) " l’individu entraîné par son désir au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu’exige son intérêt authentique est soumis au pire des esclavages" ;

b) "on devra proclamer libre l’individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison".

3° La liberté peut-elle se concilier avec l’obéissance ?

2009 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Si l’inconscient existe, puis-je savoir qui je suis ?

2009 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Le droit peut-il être indépendant de la morale ?

2009 ES NOUVELLE-CALÉDONIE REMPLACEMENT Chez toutes les créatures qui ne vivent pas comme des prédateurs aux dépens des autres, et que n’agitent pas des passions violentes, se manifeste un remarquable désir de compagnie qui les associe sans qu’elles ne puissent jamais projeter de récolter le moindre avantage de leur union. Ce trait est encore plus saillant chez l’homme qui, de toutes les créatures de l’univers, désire le plus ardemment la société et se trouve doté en sa faveur des meilleures dispositions. Nous ne pouvons former aucun souhait qui ne fasse référence à la société. Il n’est peut-être pas possible d’endurer un châtiment plus pénible qu’un isolement complet. Tout plaisir devient languissant quand on en jouit hors de toute compagnie ; et toute peine devient alors plus cruelle et plus intolérable. Quelles que soient les autres passions qui peuvent nous agiter, orgueil, ambition, avarice, curiosité, vengeance ou luxure, leur âme ou leur principe animateur, c’est la sympathie ; elles perdraient même toute force si nous devions nous dégager entièrement des pensées et des sentiments des autres. Que tous les pouvoirs et les éléments de la nature conspirent à ne servir qu’un homme et à lui obéir exclusivement ; que le soleil se lève et se couche à son commandement ; que l’océan et les fleuves roulent leurs flots à sa guise ; que la terre fournisse spontanément tout ce qui peut lui être utile et agréable : il n’en restera pas moins misérable tant que vous ne lui donnerez pas l’occasion de partager son bonheur, ne serait-ce qu’avec une personne dont l’estime et l’amitié lui fassent plaisir.

HUME Traité de la nature humaine

2009 ES POLYNÉSIE NORMALE Notre connaissance du réel se limite-t-elle au savoir scientifique ?

2009 ES POLYNÉSIE NORMALE La liberté de l’artiste rend-elle impossible toute définition de l’art ?

2009 ES POLYNÉSIE NORMALE C’est la société qui trace à l’individu le programme de son existence quotidienne. On ne peut vivre en famille, exercer sa profession, vaquer aux mille soins de la vie journalière, faire ses ernplettes, se promener dans la rue ou même rester chez soi, sans obéir à des prescriptions et se plier à des obligations. Un choix s’impose à tout instant ; nous optons naturellement pour ce qui est conforme à la règle. C’est à peine si nous en avons conscience ; nous ne faisons aucun effort. Une route a été tracée par la société ; nous la trouvons ouverte devant nous et nous la suivons ; il faudrait plus d’initiative pour prendre à travers champs. Le devoir, ainsi entendu, s’accomplit presque toujours automatiquement ; et l’obéissance au devoir, si l’on s’en tenait au cas le plus fréquent, se définirait un laisser-aller ou un abandon. D’où vient donc que cette obéissance apparaît au contraire comme un état de tension, et le devoir lui-même comme une chose raide et dure ? C’est évidemment que des cas se présentent où l’obéissance implique un effort sur soi-même. Ces cas sont exceptionnels ; mais on les remarque, parce qu’une conscience intense les accompagne, comme il arrive pour toute hésitation ; à vrai dire, la conscience est cette hésitation même, l’acte qui se déclenche tout seul passant à peu près inaperçu.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion.

2009 L POLYNÉSIE NORMALE Faut-il rendre les hommes libres ou égaux ?

2009 L POLYNÉSIE NORMALE Les faits historiques se prêtent-ils à une pluralité d’interprétations ?

2009 L POLYNÉSIE NORMALE Mettons donc matière et conscience en présence l’une de l’autre : nous verrons que la matière est d’abord ce qui divise et ce qui précise. Une pensée, laissée à elle-même, offre une implication réciproque d’éléments dont on ne peut dire qu’ils soient un ou plusieurs : c’est une continuité, et dans toute continuité il y a de la confusion. Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu’elle s’éparpille en mots : nous ne nous rendons bien compte de ce que nous avons dans l’esprit que lorsque nous avons pris une feuille de papier, et aligné les uns à côté des autres des termes qui s’entrepénétraient. (...) D’autre part, la matière provoque et rend possible l’effort. La pensée qui n’est que pensée, l’oeuvre d’art qui n’est que conçue, le poème qui n’est que rêvé, ne coûtent pas encore de la peine ; c’est la réalisation matérielle du poème en mots, de la conception artistique en statue ou tableau, qui demande un effort. L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l’oeuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. Or. cet effort n’eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu’elle oppose et par la docilité où nous pouvons l’amener, elle est à la fois l’obstacle, l’instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l’empreinte et en appelle l’intensification.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2009 S POLYNÉSIE NORMALE La conscience peut-elle nous cacher ce que nous sommes ?

2009 S POLYNÉSIE NORMALE Pourquoi devons-nous être justes ?

2009 S POLYNÉSIE NORMALE Ceux qui profitent de conditions d’existence tolérables, lorsqu’ils ne trouvent pas dans leur vie assez de jouissances pour qu’elle leur devienne précieuse, doivent, le plus souvent, ne s’en prendre qu’à eux-mêmes. Quand on ne s’attache à rien, ni dans la vie publique, ni dans la vie privée, les attraits que peut offrir l’existence sont bien diminués ; en tout cas, ils perdent peu à peu de leur valeur quand approche le moment où tous les intérêts égoïstes doivent disparaître avec la mort ; au contraire, lorsqu’on laisse après soi des êtres qui sont l’objet d’un attachement personnel et surtout lorsqu’on a en même temps entretenu en sol une sympathie fraternelle pour les intérêts collectifs de l’humanité, la vie intéresse aussi vivement à la veille de la mort que dans la pleine vigueur de la jeunesse et de la santé. Quand la vie ne donne pas satisfaction, c’est, immédiatement après l’égoïsme, à l’absence de culture qu’il faut l’attribuer. Un esprit cultivé - et je n’entends pas par là celui du philosophe, mais tout esprit qui a pu puiser aux sources de la connaissance et qu’on a suffisamment habitué à exercer ses facultés - trouve des sources inépuisables d’intérêt dans tout ce qui l’entoure : dans les choses de la nature, les oeuvres d’art, les créations de la poésie, les événements de l’histoire, les voies suivies par l’humanité dans le passé et dans le présent et les perspectives ainsi ouvertes sur l’avenir.

MILL De l’Utilitarisme.

2009 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’art répond-il à un besoin ?

2009 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Peut-il être raisonnable de désobéir à la loi ?

2009 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Nul ne conteste qu’on doive élever et instruire la jeunesse de façon à lui faire profiter des acquis de l’expérience humaine. Mais c’est là le privilège et la condition propre d’un être humain dans la maturité de ses facultés que de se servir de l’expérience et de l’interpréter à sa façon. C’est à lui de découvrir ce qui, dans l’expérience transmise, est applicable à sa situation et à son caractère. Les traditions et les coutumes des autres sont, jusqu’à un certain point, des témoignages de ce que leur expérience leur a appris, et elles justifient une présomption (1) qui, comme telle, est digne de respect. Mais il se peut en premier lieu que l’expérience des autres soit trop étroite, ou qu’ils l’aient mal interprétée ; il se peut deuxièmement que leur interprétation soit juste sans toutefois convenir à un individu particulier. Les coutumes sont faites pour les vies et les caractères ordinaires ; mais un individu peut avoir une vie et un caractère extraordinaires. Troisièmement, même si les coutumes sont à la fois bonnes en soi et adaptées à l’individu, il se peut que se conformer à la coutume uniquement en tant que telle n’entretienne ni ne développe en lui aucune des qualités qui sont l’attribut distinctif de l’être humain. Les facultés humaines de la perception, du jugement, du discernement (2), de l’activité intellectuelle, et même la préférence morale, ne s’exercent qu’en faisant un choix. Celui qui n’agit jamais que suivant la coutume ne fait pas de choix. Il n’apprend nullement à discerner ou à désirer ce qui vaut mieux.

MILL

(1) présomption : le fait de présumer, supposer.

(2) discernement : capacité de distinguer.

QUESTIONS

1° Formulez la thèse de ce texte et restituez les étapes de l’argumentation.

a) Expliquez en quoi la "maturité" consiste à "se servir de l’expérience et (...) l’interpréter à sa façon".

b) quel lien J.S. Mill fait-il entre "l’expérience" et "les traditions et les coutumes" ?

c) Montrez en quoi l’exercice des "facultés humaines" dont il est question et "la préférence morale" consistent à faire "un choix".

3° L’expérience des autres est-elle insuffisante pour guider l’individu dans ses choix ?

2009 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Un événement historique est-il toujours imprévisible ?

2009 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Être libre, est-ce s’affranchir de toute autorité ?

2009 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT La pitié est un sentiment naturel, qui modérant dans chaque individu l’activité de l’amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l’espèce. C’est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir ; c’est elle qui, dans l’état de nature, tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n’est tenté de désobéir à sa douce voix ; c’est elle qui détournera tout sauvage robuste d’enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs ; c’est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : Fais à autrui comme tu veux qu’on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible. C’est, en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu’il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l’éducation.

ROUSSEAU Discours sur l’origine de l’inégalité.

2009 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Y a-t-il plus à espérer qu’à craindre de la technique ?

2009 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le droit n’est-il qu’une justice par défaut ?

2009 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il est assez évident que l’idée du Moi se forme corrélativement à l’idée des autres ; que l’opposition la modifie tout autant que l’imitation ; que le langage, le nom propre, les jugements, les sentences, tout le bruit propre à la famille, y ont une puissance décisive ; qu’enfin c’est des autres que nous tenons la première connaissance de nous-mêmes. Quelle application de tous pour me rappeler à moi-même, pour m’incorporer mes actes et mes paroles, pour me raconter mes propres souvenirs ! La chronologie est toujours élaborée, discutée, contrôlée en commun ; j’apprends ma propre histoire ; tout ce qui est rêverie ou rêve est d’abord énergiquement nié par le bavardage quotidien ; ainsi mes premiers pas dans la connaissance de moi-même sont les plus assurés de tous. Aussi cette idée de moi individu, lié à d’autres, distinct des autres, connu par eux et jugé par eux comme je les connais et les juge, tient fortement tout mon être ; la conscience intime y trouve sa forme et son modèle ; ce n’est point une fiction de roman ; je suis toujours pour moi un être fait de l’opinion autour de moi ; cela ne m’est pas étranger ; c’est en moi ; l’existence sociale me tient par l’intérieur ; et, si l’on ne veut pas manquer une idée importante, il faut définir l’honneur comme le sentiment intérieur des sanctions extérieures.

ALAIN Études

2009 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Un échange peut-il être désintéressé ?

2009 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Reconnaître la vérité, est-ce renoncer à sa liberté de penser ?

2009 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Personne ne peut me contraindre à être heureux d’une certaine manière (celle dont il conçoit le bien-être des autres hommes) mais il est permis à chacun de chercher le bonheur dans la voie qui lui semble, à lui, être la bonne, pourvu qu’il ne nuise pas à la liberté qui peut coexister avec la liberté de chacun selon une loi universelle possible (autrement dit, à ce droit d’autrui). - Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, tel que celui du père envers ses enfants, c’est-à-dire un gouvernement paternel, où par conséquent les sujets, tels des enfants mineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou nuisible, sont obligés de se comporter de manière uniquement passive, afin d’attendre uniquement du jugement du chef de l’État la façon dont ils doivent être heureux, et uniquement de sa bonté qu’il le veuille également, - un tel gouvernement, dis-je, est le plus grand despotisme que l’on puisse concevoir (constitution qui supprime toute liberté des sujets qui, dès lors, ne possèdent plus aucun droit).

KANT

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° Expliquez :

a) "pourvu qu’il ne nuise pas à la liberté qui peut coexister avec la liberté de chacun" ;

b) "tels des enfants mineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou

nuisible" ;

c) "un tel gouvernement, (...) est le plus grand despotisme".

3° Est-ce un droit pour chacun de décider de son propre bonheur ?

2010 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on agir avec des mots ?

2010 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-ce un devoir que d’être soi-même ?

2010 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La question du libre arbitre demeure (...). Quelles que soient les considérations auxquelles on se livre sur le plan de la haute métaphysique, il est bien évident que personne n’y croit en pratique. On a toujours cru qu’il était possible de former le caractère ; on a toujours su que l’alcool ou l’opium ont quelque influence sur le comportement. Le défenseur du libre arbitre soutient qu’on peut à son gré éviter de s’enivrer, mais il ne soutient pas que lorsqu’on est ivre on puisse articuler les syllabes de la Constitution britannique de manière aussi claire qu’à jeun. Et quiconque a eu affaire à des enfants sait qu’une éducation convenable contribue davantage à les rendre sages que les plus éloquentes exhortations. La seule conséquence, en fait, de la théorie du libre arbitre, c’est qu’elle empêche de suivre les données du bon sens jusqu’à leur conclusion rationnelle. Quand un homme se conduit de façon brutale, nous le considérons intuitivement comme méchant, et nous refusons de regarder en face le fait que sa conduite résulte de causes antérieures, lesquelles, si l’on remontait assez loin, nous entraîneraient bien au-delà de sa naissance, donc jusqu’à des événements dont il ne saurait être tenu pour responsable, quelque effort d’imagination que nous fissions.

RUSSELL Le Mariage et la morale

2010 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une théorie est-elle une interprétation du réel ?

2010 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les machines nous libèrent-elles du travail ?

2010 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Seules (...) la douleur et la privation peuvent produire une impression positive et par là se dénoncer d’elles-mêmes : le bien-être, au contraire, n’est que pure négation. Aussi, n’apprécions-nous pas les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et la liberté, tant que nous les possédons ; pour en comprendre la valeur, il faut que nous les ayons perdus, car ils sont aussi négatifs. Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroit la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur. - Le cours des heures est d’autant plus rapide qu’elles sont plus agréables, d’autanl plus lent qu’elles sont plus pénibles ; car le chagrin, et non le plaisir, est l’élément positif, dont la présence se fait remarquer. De même nous avons conscience du temps dans les moments d’ennui, non dans les instants agréables. Ces deux faits prouvent que la partie la plus heureuse de notre existence est celle où nous la sentons le moins ; d’où il suit qu’il vaudrait mieux pour nous ne la pas posséder.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation

2010 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-II raisonnable de prétendre posséder la vérité ?

2010 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on ne pas connaître son bonheur ?

2010 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE C’est par la société seule que l’homme est capable de suppléer à ses déficiences, de s’élever à l’égalité avec ses compagnons de création et même d’acquérir sur eux la supériorité. La société compense toutes ses infirmités ; bien que, dans ce nouvel état, ses besoins se multiplient à tout moment, ses capacités sont pourtant encore augmentées et le laissent, à tous égards, plus satisfait et plus heureux qu’il lui serait jamais possible de le devenir dans son état de sauvagerie et de solitude. Quand chaque individu travaille Isolément et seulement pour lui-même, ses forces sont trop faibles pour exécuter une oeuvre importante ; comme il emploie son labeur à subvenir à toutes ses différentes nécessités, il n’atteint jamais à la perfection dans aucun art particulier ; comme ses forces et ses succès ne demeurent pas toujours égaux à eux-mêmes, le moindre échec sur l’un ou l’autre de ces points s’accompagne nécessairement d’une catastrophe Inévitable et de malheur. La société fournit un remède à ces trois désavantages. L’union des forces accroît notre pouvoir ; la division des tâches accroit notre capacité ; l’aide mutuelle fait que nous sommes moins exposés au sort et aux accidents. C’est ce supplément de force, de capacité et de sécurité qui fait l’avantage de la société.

HUME Traité de la nature humaine

2010 ES ANTILLES NORMALE L’inconscient m’empêche-t-il d’être le maître de moi-même ?

2010 ES ANTILLES NORMALE La liberté exclut-elle l’obéissance ?

2010 ES ANTILLES NORMALE Un credo religieux diffère d’une théorie scientifique en ce qu’il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s’attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d’arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu’à obtenir une exactitude légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables quand il s’agit d’approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible. En outre, les inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un certain degré de vérité pratique, si l’on peut dire. La science nous incite donc à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y substituer ce qu’on peut appeler la vérité "technique", qui est le propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l’avenir. La vérité "technique" est une affaire de degré : une théorie est d’autant plus vraie qu’elle donne naissance à un plus grand nombre d’inventions utiles et de prévisions exactes. La "connaissance" cesse d’être un miroir mental de l’univers, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière.

RUSSELL Science et religion

2010 L ANTILLES NORMALE L’oeuvre est-elle nécessairement la fin de l’art ?

2010 L ANTILLES NORMALE Peut-on faire l’expérience de la liberté ?

2010 L ANTILLES NORMALE Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’est-à-dire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune.

Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2010 S ANTILLES NORMALE Toute désobéissance doit-elle être punie ?

2010 S ANTILLES NORMALE L’humanité peut-elle se passer de l’art ?

2010 S ANTILLES NORMALE Dire que le bonheur résulte de beaucoup d’années et de beaucoup d’actions, c’est le composer d’êtres qui ne sont plus, d’événements passés et de l’instant présent qui est unique. C’est pourquoi nous avions posé ainsi la question : le bonheur étant dans chaque instant présent, est-ce être plus heureux qu’être heureux plus longtemps ? La question est maintenant de savoir si la plus longue durée du bonheur, en permettant des actions plus nombreuses, ne rend pas aussi le bonheur plus grand. D’abord, on peut être heureux sans agir, et non pas moins heureux mais plus heureux qu’en agissant. Ensuite l’action ne produit aucun bien par elle-même ; ce sont nos dispositions intérieures qui rendent nos actions honnêtes ; le sage, quand il agit, recueille le fruit non pas de ses actions elles-mêmes ni des événements, mais de ce qu’il possède en propre. Le salut de la patrie peut venir d’un méchant ; et si un autre en est l’auteur, le résultat est tout aussi agréable pour qui en profite. Cet événement ne produit donc pas le plaisir particulier à l’homme heureux ; c’est la disposition de l’âme qui crée et le bonheur et le plaisir qui en dérive. Mettre le bonheur dans l’action, c’est le mettre en une chose étrangère à la vertu et à l’âme ; l’acte propre de l’âme consiste à être sage ; c’est un acte intérieur à elle-même, et c’est là le bonheur.

PLOTIN Ennéades

2010 TECHN. ANTILLES NORMALE Les lois sont-elles une garantie pour notre liberté ?

2010 TECHN. ANTILLES NORMALE La recherche de la vérité suppose-t-elle l’abandon de toute croyance ?

2010 TECHN. ANTILLES NORMALE Ne va jamais croire qu’un homme qui s’accroche au bien-être matériel puisse être heureux. Celui qui tire sa joie de ce qui vient du dehors s’appuie sur des bases fragiles. La joie est entrée ? Elle sortira. Mais celle qui naît de soi est fidèle et solide. Elle croît sans cesse et nous escorte jusqu’à la fin. Tous les autres objets qui sont communément admirés sont des biens d’un jour. "Comment ? On ne peut pas en tirer utilité et plaisir ?" Personne ne dit cela. Mais à condition que ce soient eux qui dépendent de nous et non le contraire. Tout ce qui relève de la Fortune (1) est profitable, agréable, à condition que le possesseur se possède aussi et ne soit pas asservi à ses biens. En effet, ceux qui pensent que c’est la Fortune qui nous attribue le bien ou le mal se trompent. Elle accorde juste la matière des biens et des maux, et les éléments de base destinés chez nous à tourner au mal ou au bien. L’âme, en effet, est plus puissante que la Fortune. Pour le meilleur ou pour le pire, elle conduit elle-même ses affaires. C’est elle qui est responsable de son bonheur ou de son malheur.

SÉNÈQUE

(1) la Fortune : déesse personnifiant la chance, bonne ou mauvaise.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Quelle différence y a-t-il entre la joie tirée de "ce qui vient du dehors" et "celle qui naît de soi" ? Expliquez cette différence. Précisez en quoi le "bien-être matériel" relève de "ce qui vient du dehors" ;

b) expliquez : "Personne ne dit cela. Mais à condition que ce soient eux qui dépendent de nous et non le contraire" ;

c) expliquez : "L’âme (...) est plus puissante que la Fortune".

3° Sommes-nous responsables de notre bonheur ?

2010 ES ANTILLES REMPLACEMENT L’art est-il indifférent à la vérité ?

2010 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on se tromper en se croyant heureux ?

2010 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le mot Je est le sujet, apparent ou caché, de toutes nos pensées. Quoi que je tente de dessiner ou de formuler sur le présent, le passé ou l’avenir, c’est toujours une pensée de moi que je forme ou que j’ai, et en même temps une affection que j’éprouve. Ce petit mot est invariable dans toutes mes pensées. Je change, je vieillis, je renonce, je me convertis ; le sujet de ces propositions est toujours le même mot. Ainsi la proposition : je ne suis plus moi, je suis autre, se détruit elle-même. De même la proposition fantaisiste : je suis deux, car c’est l’invariable Je qui est tout cela. D’après cette logique si naturelle, la proposition Je n’existe pas est impossible. Et me voilà immortel, par le pouvoir des mots. Tel est le fond des arguments par lesquels on prouve que l’âme est immortelle ; tel est le texte des expériences prétendues, qui nous font retrouver le long de notre vie le même Je toujours identique.

ALAIN Les Passions et la sagesse

2010 L ANTILLES REMPLACEMENT À quelles conditions l’existence a-t-elle un sens ?

2010 L ANTILLES REMPLACEMENT La création artistique est-elle un travail ?

2010 L ANTILLES REMPLACEMENT Si l’homme, dans l’état de nature, est aussi libre que j’ai dit, s’il est le seigneur absolu de sa personne et de ses possessions, égal au plus grand et sujet à personne ; pourquoi se dépouille-t-il de sa liberté et de cet empire, pourquoi se soumet-il à la domination et à l’inspection de quelque autre pouvoir ? Il est aisé de répondre, qu’encore que, dans l’état de nature, l’homme ait un droit, tel que nous avons posé, la jouissance de ce droit est pourtant fort incertaine et exposée sans cesse à l’invasion d’autrui. Car, tous les hommes étant Rois, tous étant égaux et la plupart peu exacts observateurs de l’équité et de la justice, la jouissance d’un bien propre, dans cet état, est mal assurée, et ne peut guère être tranquille. C’est ce qui oblige les hommes de quitter cette condition, laquelle, quelque libre qu’elle soit, est pleine de crainte, et exposée à de continuels dangers, et cela fait voir que ce n’est pas sans raison qu’ils recherchent la société, et qu’ils souhaitent de se joindre avec d’autres qui sont déjà unis ou qui ont dessein de s’unir et de composer un corps, pour la conservation mutuelle de leurs vies, de leurs libertés et de leurs biens ; choses que j’appelle, d’un nom général, propriétés.

C’est pourquoi, la plus grande et la principale fin que se proposent les hommes, lorsqu’ils s’unissent en communauté et se soumettent à un gouvernement, c’est de conserver leurs propriétés, pour la conservation desquelles bien des choses manquent dans l’état de nature.

LOCKE Traité du gouvernement civil

2010 S ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on juger d’une culture d’après son degré de développement technique ?

2010 S ANTILLES REMPLACEMENT Pourquoi vouloir se connaître ?

2010 S ANTILLES REMPLACEMENT Si nous considérons (...) la vie à son entrée dans le monde, nous la voyons apporter avec elle quelque chose qui tranche sur la matière brute. Le monde, laissé à lui-même, obéit à des lois fatales. Dans des conditions déterminées, la matière se comporte de façon déterminée, rien de ce qu’elle fait n’est imprévisible : si notre science était complète et notre puissance de calculer infinie, nous saurions par avance tout ce qui se passera dans l’univers matériel inorganisé, dans sa masse et dans ses éléments, comme nous prévoyons une éclipse de soleil ou de lune. Bref, la matière est inertie, géométrie, nécessité. Mais avec la vie apparaît le mouvement imprévisible et libre. L’être vivant choisit ou tend à choisir. Son rôle est de créer. Dans un monde où tout le reste est déterminé, une zone d’indétermination l’environne. Comme, pour créer l’avenir, il faut en préparer quelque chose dans le présent, comme la préparation de ce qui sera ne peut se faire que par l’utilisation de ce qui a été, la vie s’emploie dès le début à conserver le passé et à anticiper sur l’avenir dans une durée où passé, présent et avenir empiètent l’un sur l’autre et forment une continuité indivisée : cette mémoire et cette anticipation sont (...) la conscience même. Et c’est pourquoi, en droit sinon en fait, la conscience est coextensive à la vie.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2010 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Pour être heureux, faut-il être raisonnable ?

2010 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT N’apprend-on que par expérience ?

2010 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Représentez-vous (...) un être affranchi de toute limitation extérieure, un despote plus absolu encore que ceux dont nous parle l’histoire, un despote qu’aucune puissance extérieure ne vienne contenir et régler. Par définition, les désirs d’un tel être sont irrésistibles. Dirons-nous donc qu’il est tout-puissant ? Non certes, car lui-même ne peut leur résister. Ils sont maîtres de lui comme du reste des choses. Il les subit, il ne les domine pas. En un mot, quand nos tendances sont affranchies de toute mesure, quand rien ne les borne, elles deviennent elles-mêmes tyranniques, et leur premier esclave, c’est le sujet même qui les éprouve. Aussi, vous savez quel triste spectacle il nous donne. Les penchants les plus contraires, les caprices les plus antinomiques (1) se succèdent les uns aux autres, entraînant ce souverain soi-disant absolu dans les sens les plus divergents, si bien que cette toute-puissance apparente se résout finalement en une véritable impuissance. Un despote est comme un enfant : il en a les faiblesses, et pour la même raison. C’est qu’il n’est pas maître de lui-même. La maîtrise de soi, voilà la première condition de tout pouvoir vrai, de toute liberté digne de ce nom.

DURKHEIM

(1) antinomique : contradictoire.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Pour quelle raison croit-on qu’un despote absolu serait tout-puissant ? (lignes 1 à 3)

b) expliquez :"leur premier esclave, c’est le sujet même qui les éprouve". Dites pourquoi "cette toute-puissance apparente se résout finalement en une véritable impuissance".

3° Pour être libre, faut-il être maître de soi ?

2010 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on connaître l’inconscient ?

2010 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’homme politique a-t-il le droit de sacrifier la morale à l’efficacité ?

2010 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Un homme peut travailler avec autant d’art qu’il le veut à se représenter une action contraire à la loi dont il se souvient, comme une erreur faite sans intention, comme une simple imprévoyance qu’on ne peut jamais entièrement éviter, par conséquent comme quelque chose où il a été entraîné par le torrent de la nécessité naturelle et à se déclarer ainsi innocent, il trouve cependant que l’avocat qui parle en sa faveur ne peut réduire au silence l’accusateur qui est en lui s’il a conscience qu’au temps où il commettait l’injustice, il était dans son bon sens, c’est-à-dire qu’il avait l’usage de sa liberté. Quoiqu’il s’explique de sa faute par quelque mauvaise habitude, qu’il a insensiblement contractée en négligeant de faire attention à lui-même et qui est arrivée à un tel degré de développement qu’il peut considérer la première comme une conséquence naturelle de cette habitude, il ne peut jamais néanmoins ainsi se mettre en sûreté contre le blâme intérieur et le reproche qu’il se fait à lui-même. C’est là-dessus aussi que se fonde le repentir qui se produit à l’égard d’une action accomplie depuis longtemps, chaque fois que nous nous en souvenons : c’est-à-dire un sentiment de douleur produit par l’intention morale.

KANT Critique de la raison pratique

2010 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Recourir au langage, est-ce renoncer à la violence ?

2010 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on être libre à plusieurs ?

2010 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si je n’en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont ni en tant que futur ni en tant que passé, mais en tant que présents. Car si le futur y est en tant que futur, il n’y est pas encore ; si le passé y est en tant que passé, il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils ne sont qu’en tant que présents. Lorsque nous faisons du passé des récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d’être, mais des termes conçus à partir des images des choses, lesquelles en traversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortes d’empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n’est plus est dans un passé disparu lui aussi ; mais lorsque je l’évoque et la raconte, c’est dans le présent que je vois son image, car cette image est encore dans ma mémoire.

La prédiction de l’avenir se fait-elle selon le même mécanisme ? Les événements qui ne sont pas encore, sont-ils représentés à l’avance dans notre esprit par des images déjà existantes ? J’avoue (...) que je l’ignore. Mais ce que je sais, c’est que d’habitude nous préméditons nos actions futures, que cette préméditation appartient au présent, tandis que l’action préméditée n’est pas encore, étant future. Lorsque nous l’aurons entreprise, et que nous nous serons mis à réaliser ce que nous avions prémédité, alors l’action existera, puisqu’elle sera à ce moment non plus future, mais présente.

De quelque façon que se produise ce mystérieux pressentiment de l’avenir, on ne peut voir que ce qui est.

AUGUSTIN Les Confessions

2010 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il, pour connaître le vivant, l’assimiler à une machine ?

2010 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art peut-il se passer de la référence au beau ?

2010 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le plus utile pour les hommes, et de beaucoup, est de vivre suivant les lois et les injonctions certaines de la raison, lesquelles tendent uniquement, comme nous l’avons dit, à ce qui est réellement utile aux hommes. En outre il n’est personne qui ne désire vivre à l’abri de la crainte autant qu’il se peut, et cela est tout à fait impossible aussi longtemps qu’il est loisible à chacun de faire tout ce qui lui plaît, et qu’il n’est pas reconnu à la raison plus de droits qu’à la haine et à la colère ; personne en effet ne vit sans angoisse parmi les inimitiés, les haines, la colère et les ruses, il n’est personne qui ne tâche en conséquence d’y échapper autant qu’il est en lui. Que l’on considère encore que, s’ils ne s’entraident pas, les hommes vivent très misérablement et que, s’ils ne cultivent pas la raison, ils restent asservis aux nécessités de la vie, (...) et l’on verra très clairement que pour vivre dans la sécurité et le mieux possible les hommes ont dû nécessairement aspirer à s’unir en un corps et ont fait par là que le droit que chacun avait de nature sur toutes choses appartînt à la collectivité et fût déterminé non plus par la force et l’appétit de l’individu mais par la puissance et la volonté de tous ensemble.

SPINOZA Traité théologico-politique

2010 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE S’engager, est-ce renoncer à sa liberté ?

2010 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Un artiste est-il un artisan ?

2010 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j’en suis sûr. C’est donc en fonction d’eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu’ils attribuent des louanges, qu’ils répartissent des blâmes. Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu’eux et qui peuvent leur être supérieurs. C’est pour empêcher que ces hommes ne leur soient supérieurs qu’ils disent qu’il est mauvais, qu’il est injuste, d’avoir plus que les autres et que l’injustice consiste justement à vouloir avoir plus. Car, ce qui plaît aux faibles, c’est d’avoir l’air d’être égaux à de tels hommes, alors qu’ils leur sont inférieurs.

Et quand on dit qu’il est injuste, qu’il est mauvais de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s’exprime en se référant à la loi. Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus fort plus que le moins fort. Partout il en est ainsi, c’est ce que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s’il est supérieur à lui, c’est là le signe que c’est juste."

PLATON Gorgias (discours de Calliclès, adversaire de Socrate).

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "Ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois" ;

b) "Ce qui plaît aux faibles, c’est d’avoir l’air d’être égaux à de tels hommes" ;

c) "la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que le moins bon et le plus

fort plus que le moins fort. (...) C’est ce que la nature enseigne".

3° Peut-on justifier le droit du plus fort ?

2010 ES INDE NORMALE Y a-t-il des vérités définitives ?

2010 ES INDE NORMALE Le travail nous rend-il plus humain ?

2010 ES INDE NORMALE Le respect s’applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses. Les choses peuvent exciter en nous de l’inclination et même de l’amour, si ce sont des animaux (par exemple des chevaux, des chiens, etc.), ou aussi de la crainte, comme la mer, un volcan, une bête féroce, mais jamais du respect. Une chose qui se rapproche beaucoup de ce sentiment, c’est l’admiration et l’admiration comme affection, c’est-à-dire l’étonnement, peut aussi s’appliquer aux choses, aux montagnes qui se perdent dans les nues, à la grandeur, à la multitude et à l’éloignement des corps célestes, à la force et à l’agilité de certains animaux, etc. Mais tout cela n’est point du respect. Un homme peut être aussi pour moi un objet d’amour, de crainte ou d’une admiration qui peut même aller jusqu’à l’étonnement et cependant n’être pas pour cela un objet de respect. Son humeur badine (1), son courage et sa force, la puissance qu’il a d’après son rang parmi ses semblables, peuvent m’inspirer des sentiments de ce genre, mais il manque toujours encore le respect intérieur à son égard. Fontenelle dit : Devant un grand seigneur, je m’incline, mais mon esprit ne s’incline pas. Je puis ajouter : Devant un homme de condition inférieure, roturière et commune, en qui je perçois une droiture de caractère portée à un degré que je ne me reconnais pas à moi-même, mon esprit s’incline, que je le veuille ou non, et si haut que j’élève la tête pour ne pas lui laisser oublier ma supériorité.

KANT Critique de la raison pratique

(1) badin : enclin à plaisanter.

2010 S INDE NORMALE Pour agir moralement, faut-il ne pas se soucier de soi ?

2010 S INDE NORMALE La politique est-elle l’affaire de tous ?

2010 S INDE NORMALE Un credo (1) religieux diffère d’une théorie scientifique en ce qu’il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s’attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d’arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu’à obtenir une exactitude légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables quand il s’agit d’approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible. En outre, les inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un certain degré de vérité pratique, si l’on peut dire. La science nous incite donc à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y substituer ce qu’on peut appeler la vérité "technique", qui est le propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l’avenir. La vérité "technique" est une affaire de degré : une théorie est d’autant plus vraie qu’elle donne naissance à un plus grand nombre d’inventions utiles et de prévisions exactes. La "connaissance" cesse d’être un miroir mental de l’univers, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière.

RUSSELL Science et religion.

(1) credo : affirmation d’une croyance.

2010 TECHN. INDE NORMALE La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?

2010 TECHN. INDE NORMALE L’expérience est-elle source de vérité ?

2010 TECHN. INDE NORMALE Ce qui est complètement insensé, c’est de considérer comme étant "juste" tout ce qui figure dans les institutions et les lois des peuples, ou même, les lois (en admettant qu’il en soit !) portées par des tyrans. Si les Trente d’Athènes (1) avaient eu la volonté d’imposer des lois ou si leurs lois tyranniques avaient plu au peuple athénien tout entier, serait-ce une raison pour les considérer comme "justes" ? A aucun titre, je crois, - pas plus que cette loi que porta chez nous un interroi (2) donnant à un dictateur le pouvoir de tuer nominativement et sans procès celui des citoyens qu’il voudrait. Il n’y a en effet qu’un droit unique, qui astreint la société humaine et que fonde une Loi unique : Loi, qui est la juste raison dans ce qu’elle commande et dans ce qu’elle défend. Qui ignore cette loi est injuste, qu’elle soit écrite quelque part ou non. Mais si la justice n’est que la soumission à des lois écrites et aux institutions des peuples, et si (...) tout se doit mesurer à l’intérêt, celui qui pensera avoir intérêt à mépriser et violer ces lois le fera, s’il le peut. Il en résulte qu’il n’y a absolument plus de justice, si celle-ci n’est pas fondée sur la nature, et si la justice établie en vue de l’intérêt est déracinée par un autre intérêt.

CICÉRON

(1) les Trente d’Athènes : les "Trente Tyrans", gouvernement imposé par Sparte à la suite de sa victoire sur Athènes (404 avant J.-C.).

(2) interroi : chef exerçant le pouvoir entre deux règnes. Allusion à un épisode de l’histoire romaine.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) En vous appuyant sur les exemples du texte, montrez pourquoi il serait insensé "de considérer comme étant "juste" tout ce qui figure dans les institutions et les lois des peuples" ;

b) expliquez : "une Loi unique : Loi, qui est la juste raison dans ce qu’elle commande et dans ce qu’elle défend" ;

c) expliquez : "si (...) tout se doit mesurer à l’intérêt, (...) il n’y a absolument plus de justice".

3° La justice est-elle fondée sur la raison ?

2010 ES JAPON NORMALE La technique ne pose-t-elle que des problèmes techniques ?

2010 ES JAPON NORMALE Peut-on changer les moeurs par le droit ?

2010 ES JAPON NORMALE Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus, le désir est long, et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir : le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation.

2010 L JAPON NORMALE Les hommes ont-ils besoin d’être gouvernés ?

2010 L JAPON NORMALE Peut-on ne pas être soi-même ?

2010 L JAPON NORMALE Toutes les sciences ont une partie pratique, consistant en des problèmes qui supposent que quelque fin est possible pour nous, et en des impératifs qui énoncent comment cette fin peut être atteinte. Ces impératifs peuvent donc être appelés en général des impératifs de l’HABILETÉ. Que la fin soit raisonnable et bonne, ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit ici, mais seulement de ce qu’il faut faire pour l’atteindre. Les prescriptions que doit suivre le médecin pour guérir radicalement son homme, celles que doit suivre un empoisonneur pour le tuer à coup sûr, sont d’égale valeur, en tant qu’elles leur servent les unes et les autres à accomplir parfaitement leurs desseins. Comme dans la première jeunesse on ne sait pas quelles fins pourraient s’offrir à nous dans le cours de la vie, les parents cherchent principalement à faire apprendre à leurs enfants une foule de choses diverses ; ils pourvoient à l’habileté dans l’emploi des moyens en vue de toutes sortes de fins à volonté, incapables qu’ils sont de décider pour aucune de ces fins, qu’elle ne puisse pas d’aventure devenir réellement plus tard une visée de leurs enfants, tandis qu’il est possible qu’elle le devienne un jour ; et cette préoccupation est si grande qu’ils négligent communément de leur former et de leur rectifier le jugement sur la valeur des choses qu’ils pourraient bien avoir à se proposer pour fins.

KANT Fondements de la métaphysique des moeurs

2010 S JAPON NORMALE La conscience de soi est-elle trompeuse ?

2010 S JAPON NORMALE Peut-on renoncer au progrès technique ?

2010 S JAPON NORMALE Si la volonté des peuples, les décrets des chefs, les sentences des juges faisaient le droit, pour créer le droit au brigandage, à l’adultère, à la falsification des testaments, il suffirait que ces façons d’agir eussent le suffrage et l’approbation de la multitude. Si les opinions et les votes des insensés ont une puissance telle qu’ils puissent changer la nature des choses, pourquoi ne décideraient-ils pas que ce qui est mauvais et pernicieux sera désormais tenu pour bon et salutaire ? Ou pourquoi la loi qui de l’injuste peut faire le droit, ne convertirait-elle pas le bien en mal ? C’est que, pour distinguer une bonne loi d’une mauvaise, nous n’avons d’autre règle que la nature. Et non seulement la nature nous fait distinguer le droit de l’injustice, mais, d’une manière générale, les choses moralement belles de celles qui sont laides ; car une sorte d’intelligence partout répandue nous les fait connaître, et incline nos âmes à identifier les premières aux vertus, les secondes aux vices. Or croire que ces distinctions sont de pure convention et non fondées en nature, c’est de la folie.

CICÉRON Des Lois.

2010 ES LA RÉUNION NORMALE L’artiste a-t-il besoin de modèles ?

2010 ES LA RÉUNION NORMALE Le droit peut-il être injuste ?

2010 ES LA RÉUNION NORMALE Nul être matériel n’est actif par lui-même, et moi je le suis. On a beau me disputer cela, je le sens, et ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J’ai un corps sur lequel les autres agissent et qui agit sur eux ; cette action réciproque n’est pas douteuse ; mais ma volonté est indépendante de mes sens ; je consens ou je résiste, je succombe ou je suis vainqueur, et je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j’ai voulu faire, ou quand je ne fais que céder à mes passions. J’ai toujours la puissance de vouloir, non la force d’exécuter. Quand je me livre aux tentations, j’agis selon l’impulsion des objets externes. Quand je me reproche cette faiblesse, je n’écoute que ma volonté ; je suis esclave par mes vices, et libre par mes remords ; le sentiment de ma liberté ne s’efface en moi que quand je me déprave, et que j’empêche enfin la voix de l’âme de s’élever contre la loi du corps.

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation.

2010 L LA RÉUNION NORMALE Y a-t-il un progrès dans l’art ?

2010 L LA RÉUNION NORMALE Un homme libre est-il un homme sans devoir ?

2010 L LA RÉUNION NORMALE La nature de l’amour-propre et de ce moi humain est de n’aimer que soi et de ne considérer que soi. Mais que fera-t-il ? Il ne saurait empêcher que cet objet qu’il aime ne soit plein de défauts et de misères : il veut être grand, il se voit petit ; il veut être heureux, et il se voit misérable ; il veut être parfait, et il se voit plein d’imperfections ; il veut être l’objet de l’amour et de l’estime des hommes, et il voit que ses défauts ne méritent que leur aversion et leur mépris. Cet embarras où il se trouve produit en lui la plus injuste et la plus criminelle passion qu’il soit possible de s’imaginer ; car il conçoit une haine mortelle contre cette vérité qui le reprend, et qui le convainc de ses défauts. Il désirerait de l’anéantir, et, ne pouvant la détruire en elle-même il la détruit, autant qu’il peut, dans sa connaissance et dans celle des autres ; c’est-à-dire qu’il met tout son soin à couvrir ses défauts et aux autres et à soi-même, et qu’il ne peut souffrir qu’on les lui fasse voir ni qu’on les voie. C’est sans doute un mal que d’être plein de défauts ; mais c’est encore un plus grand mal que d’en être plein et de ne les vouloir pas reconnaître, puisque c’est y ajouter encore celui d’une illusion volontaire.

PASCAL Pensées

2010 S LA RÉUNION NORMALE La connaissance du vivant est-elle désintéressée ?

2010 S LA RÉUNION NORMALE Faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d’art ?

2010 S LA RÉUNION NORMALE Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières, et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’est-à-dire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune.

Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique.

2010 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Une contrainte peut-elle être libératrice ?

2010 TECHN. LA RÉUNION NORMALE La technique est-elle le propre de l’homme ?

2010 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Réserver ou suspendre notre jugement, cela consiste à décider de ne pas permettre à un jugement provisoire de devenir définitif. Un jugement provisoire est un jugement par lequel je me représente qu’il y a plus de raison pour la vérité d’une chose que contre sa vérité, mais que cependant ces raisons ne suffisent pas encore pour que je porte un jugement déterminant ou définitif par lequel je décide franchement de sa vérité. Le jugement provisoire est donc un jugement dont on a conscience qu’il est simplement problématique.

On peut suspendre le jugement à deux fins : soit en vue de chercher les raisons du jugement définitif, soit en vue de ne jamais juger. Dans le premier cas la suspension du jugement s’appelle critique (...) ; dans le second elle est sceptique (...). Car le sceptique renonce à tout jugement, le vrai philosophe au contraire suspend simplement le sien tant qu’il n’a pas de raisons suffisantes de tenir quelque chose pour vrai.

KANT

QUESTIONS :

1 ° Dégagez l’idée principale du texte, puis les éta pes de son argumentation.

2° Expliquez :

a)"Un jugement par lequel je me représente qu’il y a plus de raison pour la vérité d’une chose que contre sa vérité" ;

b) "Car le sceptique renonce à tout jugement, le vrai philosophe au contraire suspend

simplement le sien".

3° Suspendre son jugement, est-ce toujours renoncer à la vérité ?

2010 ES LIBAN NORMALE La technique libère-t-elle les hommes de la souffrance ?

2010 ES LIBAN NORMALE Commémorer le passé, est-ce le connaître ?

2010 ES LIBAN NORMALE La moralité consiste à réaliser des fins impersonnelles, générales, indépendantes de l’individu et de ses intérêts particuliers. Or, la raison, par sa constitution native, va d’elle-même au général, à l’impersonnel ; car elle est la même chez tous les hommes et même chez tous les êtres raisonnables. Il n’y a qu’une raison. Par conséquent, en tant que nous ne sommes mus que par la raison, nous agissons moralement, et, en même temps, nous agissons avec une pleine autonomie, parce que nous ne faisons que suivre la loi de notre nature raisonnable. Mais, alors, d’où vient le sentiment d’obligation ? C’est que, en fait, nous ne sommes pas des êtres purement rationnels, nous sommes aussi des êtres sensibles. Or, la sensibilité, c’est la faculté par laquelle les individus se distinguent les uns des autres. Mon plaisir ne peut appartenir qu’à moi et ne reflète que mon tempérament personnel. La sensibilité nous incline donc vers des fins individuelles, égoïstes, irrationnelles, immorales. Il y a donc, entre la loi de raison et notre faculté sensible, un véritable antagonisme, et, par suite, la première ne peut s’imposer à la seconde que par une véritable contrainte. C’est le sentiment de cette contrainte qui donne naissance au sentiment de l’obligation.

DURKHEIM L’Éducation morale

2010 L LIBAN NORMALE Suis-je le sujet de mes pensées ?

2010 L LIBAN NORMALE Le vivant est-il un objet comme les autres ?

2010 L LIBAN NORMALE Parmi les objets qui donnent à l’artifice humain la stabilité sans laquelle les hommes n’y trouveraient point de patrie, il y en a qui n’ont strictement aucune utilité et qui en outre, parce qu’ils sont uniques, ne sont pas échangeables et défient par conséquent l’égalisation au moyen d’un dénominateur commun tel que l’argent ; si on les met sur le marché on ne peut fixer leurs prix qu’arbitrairement. Bien plus, les rapports que l’on a avec une oeuvre d’art ne consistent certainement pas à "s’en servir" ; au contraire, pour trouver sa place convenable dans le monde, l’oeuvre d’art doit être soigneusement écartée du contexte des objets d’usage ordinaires. Elle doit être de même écartée des besoins et des exigences de la vie quotidienne, avec laquelle elle a aussi peu de contacts que possible. Que l’oeuvre d’art ait toujours été inutile, ou qu’elle ait autrefois servi aux prétendus besoins religieux comme les objets d’usage ordinaires servent aux besoins ordinaires, c’est une question hors de propos ici. Même si l’origine historique de l’art était d’un caractère exclusivement religieux ou mythologique, le fait est que l’art a glorieusement résisté à sa séparation d’avec la religion, la magie et le mythe.

ARENDT Condition de l’homme moderne

2010 S LIBAN NORMALE Faut-il se méfier de ses désirs ?

2010 S LIBAN NORMALE Peut-on ne pas adhérer à une démonstration ?

2010 S LIBAN NORMALE Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ses idées jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins. Quelques philosophes ont même avancé qu’il y a plus de différence de tel homme à tel homme que de tel homme à telle bête ; ce n’est donc pas tant l’entendement qui fait parmi les animaux la distinction spécifique de l’homme que sa qualité d’agent libre. La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister ; et c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme : car la physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation des idées ; mais dans la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance on ne trouve que des actes spirituels, dont on n’explique rien par les lois de la mécanique.

ROUSSEAU Discours sur l’origine de l’inégalité

2010 ES MÉTROPOLE NORMALE Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?

2010 ES MÉTROPOLE NORMALE Le rôle de l’historien est-il de juger ?

2010 ES MÉTROPOLE NORMALE La morale de notre temps est fixée dans ses lignes essentielles, au moment où nous naissons ; les changements qu’elle subit au cours d’une existence individuelle, ceux, par conséquent, auxquels chacun de nous peut participer sont infiniment restreints. Car les grandes transformations morales supposent toujours beaucoup de temps. De plus, nous ne sommes qu’une des innombrables unités qui y collaborent. Notre apport personnel n’est donc jamais qu’un facteur infime de la résultante complexe dans laquelle il disparaît anonyme. Ainsi, on ne peut pas ne pas reconnaître que, si la règle morale est oeuvre collective, nous la recevons beaucoup plus que nous ne la faisons. Notre attitude est beaucoup plus passive qu’active. Nous sommes agis plus que nous n’agissons. Or, cette passivité est en contradiction avec une tendance actuelle, et qui devient tous les jours plus forte, de la conscience morale. En effet, un des axiomes fondamentaux de notre morale, on pourrait même dire l’axiome fondamental, c’est que la personne humaine est la chose sainte par excellence ; c’est qu’elle a droit au respect que le croyant de toutes les religions réserve à son dieu ; et c’est ce que nous exprimons nous-mêmes, quand nous faisons de l’idée d’humanité la fin et la raison d’être de la patrie. En vertu de ce principe, toute espèce d’empiètement sur notre for intérieur nous apparaît comme immorale, puisque c’est une violence faite à notre autonomie personnelle. Tout le monde, aujourd’hui, reconnaît, au moins en théorie, que jamais, en aucun cas, une manière déterminée de penser ne doit nous être imposée obligatoirement, fût-ce au nom d’une autorité morale.

DURKHEIM L’Éducation morale

2010 L MÉTROPOLE NORMALE La recherche de la vérité peut-elle être désintéressée ?

2010 L MÉTROPOLE NORMALE Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?

2010 L MÉTROPOLE NORMALE Parce que les actes humains pour lesquels on établit des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l’infini, il a toujours été impossible d’instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Mais les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont établi des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l’égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi. Ainsi, la loi statue que les dépôts doivent être rendus, parce que cela est juste dans la plupart des cas. Il arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un fou a mis une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu’un réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et d’autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien est, en négligeant la lettre de la loi, d’obéir aux exigences de la justice et du bien public. C’est à cela que sert l’équité. Aussi est-il clair que l’équité est une vertu.

L’équité ne se détourne pas purement et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la loi. Et même, quand il le faut, elle ne s’oppose pas à la sévérité qui est fidèle à l’exigence de la loi ; ce qui est condamnable, c’est de suivre la loi à la lettre quand il ne le faut pas. Aussi est-il dit dans le Code (1) : "II n’y a pas de doute qu’on pèche contre la loi si, en s’attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur".

II juge de la loi celui qui dit qu’elle est mal faite. Mais celui qui dit que dans tel cas il ne faut pas suivre la loi à la lettre, ne juge pas de la loi, mais d’un cas déterminé qui se présente.

THOMAS D’AQUIN Somme théologique

(1) Il s’agit du Code publié par Justinien en 529 : il contient la plus grande somme connue de droit romain antique.

2010 S MÉTROPOLE NORMALE L’art peut-il se passer de règles ?

2010 S MÉTROPOLE NORMALE Dépend-il de nous d’être heureux ?

2010 S MÉTROPOLE NORMALE L’ignorance des causes et de la constitution originaire du droit, de l’équité, de la loi et de la justice conduit les gens à faire de la coutume et de l’exemple la règle de leurs actions, de telle sorte qu’ils pensent qu’une chose est injuste quand elle est punie par la coutume, et qu’une chose est juste quand ils peuvent montrer par l’exemple qu’elle n’est pas punissable et qu’on l’approuve. (...) Ils sont pareils aux petits enfants qui n’ont d’autre règle des bonnes et des mauvaises manières que la correction infligée par leurs parents et par leurs maîtres, à ceci près que les enfants se tiennent constamment à leur règle, ce que ne font pas les adultes parce que, devenus forts et obstinés, ils en appellent de la coutume à la raison, et de la raison à la coutume, comme cela les sert, s’éloignant de la coutume quand leur intérêt le requiert et combattant la raison aussi souvent qu’elle va contre eux. C’est pourquoi la doctrine du juste et de l’injuste est débattue en permanence, à la fois par la plume et par l’épée. Ce qui n’est pas le cas de la doctrine des lignes et des figures parce que la vérité en ce domaine n’intéresse pas les gens, attendu qu’elle ne s’oppose ni à leur ambition, ni à leur profit, ni à leur lubricité. En effet, en ce qui concerne la doctrine selon laquelle les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles d’un carré, si elle avait été contraire au droit de dominer de quelqu’un, ou à l’intérêt de ceux qui dominent, je ne doute pas qu’elle eût été, sinon débattue, en tout cas éliminée en brûlant tous les livres de géométrie, si cela eût été possible à celui qui y aurait eu intérêt.

HOBBES Léviathan

2010 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’art peut-il se passer d’une maîtrise technique ?

2010 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Une vie heureuse est-elle une vie de plaisirs ?

2010 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La communauté politique la plus libre est celle dont les lois s’appuient sur la saine raison. Car, dans une organisation fondée de cette manière, chacun, s’il le veut, peut être libre, c’est-à-dire s’appliquer de tout son coeur à vivre raisonnablement. De même, les enfants, bien qu’obligés d’obéir à tous les ordres de leurs parents, ne sont cependant pas des esclaves ; car les ordres des parents sont inspirés avant tout par l’intérêt des enfants. Il existe donc selon nous une grande différence entre un esclave, un fils, un sujet, et nous formulerons les définitions suivantes : l’esclave est obligé de se soumettre à des ordres fondés sur le seul intérêt de son maître ; le fils accomplit sur l’ordre de ses parents des actions qui sont dans son intérêt propre ; le sujet enfin accomplit sur l’ordre de la souveraine Puissance (1) des actions visant à l’intérêt général et qui sont par conséquent aussi dans son intérêt particulier.

SPINOZA

(1) la souveraine Puissance : l’instance qui détient l’autorité politique.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) montrez en quoi l’obéissance de l’enfant et du sujet se distingue de l’obéissance de l’esclave ;

b) pourquoi le sujet agit-il "aussi dans son intérêt particulier" lorsqu’il accomplit "des actions visant à l’intérêt général" ?

C) quelle est la définition de la liberté sur laquelle s’appuie l’argumentation de Spinoza ? Expliquez-la en vous servant des exemples du texte.

3° Est-on d’autant plus libre que les lois auxquelles on obéit s’appuient sur la raison ?

2010 TMD MÉTROPOLE NORMALE S’écarter de la réalité, est-ce nécessairement déraisonnable ?

2010 TMD MÉTROPOLE NORMALE Le droit n’est-il que l’expression d’une culture particulière ?

2010 TMD MÉTROPOLE NORMALE C’est l’imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, soit en bien, soit en mal, et qui, par conséquent, excite et nourrit les désirs par l’espoir de les satisfaire. mais l’objet qui paraissait d’abord sous la main fuit plus vite qu’on ne peut le poursuivre ; quand on croit l’atteindre, il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus le pays déjà parcouru, nous le comptons pour rien ; celui qui reste à parcourir s’agrandit, s’étend sans cesse. Ainsi l’on s’épuise sans arriver au terme ; et plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s’éloigne de nous.

Au contraire, plus l’homme est resté près de sa condition naturelle, plus la différence de ses facultés à ses désirs est petite, et moins par conséquent il est éloigné d’être heureux. Il n’est jamais moins misérable que quand il paraît dépourvu de tout ; car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui s’en fait sentir.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° Expliquez :

a) "l’imagination (...) étend pour nous la mesure des possibles" ;

b) "plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s’éloigne de nous" ;

c) "la différence de ses facultés à ses désirs" ;

d) "la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui

s’en fait sentir".

3° Être heureux, est-ce ne désirer que ce que nous sommes en mesure d’obtenir ?

2010 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Suffit-il de prendre conscience de ce qui nous détermine pour nous en libérer ?

2010 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le but de l’État est-il la paix ?

2010 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il est sensible, en effet, que, par une nécessité invincible, l’esprit humain peut observer directement tous les phénomènes, excepté les siens propres. Car, par qui serait faite l’observation ? On conçoit, relativement aux phénomènes moraux, que l’homme puisse s’observer lui-même sous le rapport des passions qui l’animent, par cette raison, anatomique, que les organes qui en sont le siège sont distincts de ceux destinés aux fonctions observatrices. Encore même que chacun ait eu occasion de faire sur lui de telles remarques, elles ne sauraient évidemment avoir jamais une grande importance scientifique, et le meilleur moyen de connaître les passions sera-t-il toujours de les observer en dehors ; car tout état de passion très prononcé, c’est-à-dire précisément celui qu’il serait le plus essentiel d’examiner, est nécessairement incompatible avec l’état d’observation. Mais, quant à observer de la même manière les phénomènes intellectuels pendant qu’ils s’exécutent, il y a impossibilité manifeste. L’individu pensant ne saurait se partager en deux dont l’un raisonnerait, tandis que l’autre regarderait raisonner. L’organe observé et l’organe observateur étant, dans ce cas, identiques, comment l’observation pourrait-elle avoir lieu ?

COMTE Cours de philosophie positive

2010 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le recours à la force signifie-t-il l’échec de la justice ?

2010 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Se cultiver, est-ce s’affranchir de son appartenance culturelle ?

2010 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Nous remarquons par exemple l’éclair et le tonnerre. Ce phénomène nous est bien connu et nous le percevons souvent. Cependant l’homme ne se satisfait pas de la simple familiarité avec ce qui est bien connu, du phénomène seulement sensible, mais il veut aller voir derrière celui-ci, il veut savoir ce qu’il est, il veut le concevoir. C’est pourquoi on réfléchit, on veut savoir la cause, comme quelque chose qui diffère du phénomène en tant que tel. (...) Le sensible est quelque chose de singulier et de disparaissant ; l’élément durable en lui, nous apprenons à le connaître au moyen de la réflexion. La nature nous montre une multitude infinie de figures et de phénomènes singuliers ; nous éprouvons le besoin d’apporter de l’unité dans cette multiplicité variée ; c’est pourquoi nous faisons des comparaisons et cherchons à connaître l’universel qui est en chaque chose. Les individus naissent et périssent, le genre est en eux ce qui demeure, ce qui se répète en tout être, et c’est seulement pour la réflexion qu’il est présent. Sont concernées aussi les lois, par exemple les lois du mouvement des corps célestes. Nous voyons les astres aujourd’hui ici, et demain là-bas ; ce désordre est pour l’esprit quelque chose qui ne lui convient pas, dont il se méfie, car il a foi en un ordre, en une détermination simple, constante et universelle. C’est en ayant cette foi qu’il a dirigé sa réflexion sur les phénomènes et qu’il a connu leurs lois, fixé d’une manière universelle le mouvement des corps célestes de telle sorte qu’à partir de cette loi tout changement de lieu se laisse déterminer et connaître. (...) De ces exemples on peut conclure que la réflexion est toujours à la recherche de ce qui est fixe, permanent, déterminé en soi-même, et de ce qui régit le particulier. Cet universel ne peut être saisi avec les sens et il vaut comme ce qui est essentiel et vrai.

HEGEL Encyclopédie des sciences philosophiques

2010 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La morale peut-elle se passer d’un fondement religieux ?

2010 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’unanimité est-elle un critère de vérité ?

2010 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les hommes ont le plus grand intérêt à vivre suivant les lois et les critères certains de leur raison, car ceux-ci (...) servent l’intérêt véritable des hommes. En outre, il n’est personne qui ne souhaite vivre en sécurité, à l’abri de la crainte, autant que possible. Mais ce voeu est tout à fait irréalisable, aussi longtemps que chacun peut accomplir tout ce qui lui plaît, et que la raison en lui ne dispose pas d’un droit supérieur à celui de la haine et de la colère. En effet, personne ne vit sans angoisse entre les inimitiés, les haines, la colère et les ruses ; il n’est donc personne qui ne tâche d’y échapper, dans la mesure de l’effort qui lui est propre. On réfléchira encore que, faute de s’entraider, les hommes vivraient très misérablement et ne parviendraient jamais à développer en eux la raison. Dès lors, on verra très clairement que, pour vivre en sécurité et de la meilleure vie possible, les hommes ont dû nécessairement s’entendre. Et voici quel fut le résultat de leur union : le droit, dont chaque individu jouissait naturellement sur tout ce qui l’entourait, est devenu collectif. Il n’a plus été déterminé par la force et la convoitise de chacun, mais par la puissance et la volonté conjuguées de tous.

SPINOZA Traité théologico-politique

2010 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les hommes peuvent-ils se passer de lois ?

2010 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La culture libère-t-elle des préjugés ?

2010 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Souvent la passion nous fait croire certaines choses beaucoup meilleures et plus désirables qu’elles ne sont ; puis, quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et perdu cependant (1) l’occasion de posséder d’autres biens plus véritables, la jouissance nous en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est pourquoi le vrai office (2) de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en effet, les plus désirables ; en quoi, si la fortune (3) s’oppose à nos desseins (4) et les empêche de réussir, nous aurons au moins la satisfaction de n’avoir rien perdu par notre faute, et ne laisserons (5) pas de jouir de toute la béatitude naturelle dont l’acquisition aura été en notre pouvoir.

DESCARTES

(1) cependant : pendant ce temps.

(2) office : fonction.

(3) la fortune : le hasard.

(4) desseins : projets.

(5) laisser de : manquer de.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs" ;

b) en prenant appui sur l’analyse d’un exemple, montrez quel est "le vrai office de la raison" ;

c) expliquez : nous aurons au moins la satisfaction de n’avoir rien perdu par notre faute".

3° L’usage de la raison fournit-il la seule garantie possible de notre bonheur ?

2010 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT N’y a-t-il de vrai que ce qui est vérifié ?

2010 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT La justice n’est-elle qu’une vengeance déguisée ?

2010 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. Un Corot (1), un Turner (1), pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas. - Dira-t-on qu’ils n’ont pas vu, mais créé, qu’ils nous ont livré des produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu’elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l’image que les grands peintres nous en ont tracée ? - C’est vrai dans une certaine mesure ; mais, s’il en était uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres - celles des maîtres - qu’elles sont vraies ? Où serait la différence entre le grand art et la pure fantaisie ? Approfondissons ce que nous éprouvons devant un Turner ou un Corot : nous trouverons que, si nous les acceptons et les admirons, c’est que nous avions déjà perçu quelque chose de ce qu’ils nous montrent. Mais nous avions perçu sans apercevoir. C’était pour nous une vision brillante et évanouissante, perdue dans la foule de ces visions également brillantes, également évanouissantes, qui se recouvrent dans notre expérience usuelle comme des "dissolving views" (2) et qui constituent, par leur interférence réciproque, la vision pâle et décolorée que nous avons habituellement des choses. Le peintre l’a isolée ; il l’a si bien fixée sur la toile que, désormais, nous ne pourrons nous empêcher d’apercevoir dans la réalité ce qu’il y a vu lui-même.

BERGSON

(1) Corot et Turner sont des peintres du XIX° siècle.

(2) "dissolving views" : littéralement "vues fondantes". Effet spécial ancêtre du fondu enchaîné cinématographique : transformation d’un objet produite par la succession des images sur l’écran (un même paysage au fil des saisons, par exemple).

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est développée.

a) En vous appuyant le cas échéant sur d’autres exemples que ceux de Bergson, expliquez : "(Les grands peintres) ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas" ;

b) expliquez comment nous pouvons dire d’oeuvres qui sont "des produits de (l’) imagination" des artistes "qu’elles sont vraies" ;

c) expliquez : "désormais, nous ne pourrons nous empêcher d’apercevoir dans la réalité ce qu’il y a vu lui-même".

3° L’oeuvre d’art nous fait-elle mieux voir la réalité ?

2010 ES MÉTROPOLE SECOURS La justice n’est-elle qu’un idéal ?

2010 ES MÉTROPOLE SECOURS Avons-nous besoin d’autrui pour être libres ?

2010 ES MÉTROPOLE SECOURS Ne venez surtout pas me parler de dons naturels, de talents innés ! On peut citer dans tous les domaines de grands hommes qui étaient peu doués. Mais la grandeur leur est venue, ils se sont faits "génies" (comme on dit), grâce à certaines qualités dont personne n’aime à trahir l’absence quand il en est conscient ; ils possédaient tous cette solide conscience artisanale qui commence par apprendre à parfaire les parties avant de se risquer à un grand travail d’ensemble ; ils prenaient leur temps parce qu’ils trouvaient plus de plaisir à la bonne facture du détail, de l’accessoire, qu’à l’effet produit par un tout éblouissant. Il est facile, par exemple, d’indiquer à quelqu’un la recette pour devenir bon nouvelliste, mais l’exécution en suppose des qualités sur lesquelles on passe en général en disant : "je n’ai pas assez de talent". Que l’on fasse donc cent projets de nouvelles et davantage, aucun ne dépassant deux pages, mais d’une précision telle que chaque mot y soit nécessaire ; que l’on note chaque jour quelques anecdotes jusqu’à savoir en trouver la forme la plus saisissante, la plus efficace, que l’on ne se lasse pas de collectionner et de brosser des caractères et des types d’humanité, que l’on ne manque surtout pas la moindre occasion de raconter et d’écouter raconter, l’oeil et l’oreille attentifs à l’effet produit sur les autres, que l’on voyage comme un paysagiste, comme un dessinateur de costumes, que l’on extraie d’une science après l’autre tout ce qui, bien exposé, produit un effet d’art, que l’on réfléchisse enfin aux motifs des actions humaines, ne dédaigne aucune indication qui puisse en instruire, et soit jour et nuit à collectionner les choses de ce genre. On laissera passer une bonne dizaine d’années en multipliant ces exercices, et ce que l’on créera alors en atelier pourra se montrer aussi au grand jour de la rue.

NIETZSCHE Humain, trop humain

2010 L MÉTROPOLE SECOURS Faut-il se fier à ses sentiments pour agir moralement ?

2010 L MÉTROPOLE SECOURS Le travail ne nous libère-t-il de la nature que pour nous asservir à la technique ?

2010 L MÉTROPOLE SECOURS Il est difficile de concevoir qu’une chose pense sans en être consciente. Si vraiment l’âme d’un homme qui dort pense sans qu’il en soit conscient, je pose la question : ressent-elle plaisir ou douleur, est-elle capable de bonheur ou de malheur pendant qu’elle pense ainsi ? Je suis sûr que l’homme ne le peut pas, pas plus que le lit ou le sol sur lequel il repose. Car être heureux ou malheureux sans en être conscient me paraît totalement contradictoire et impossible. Ou s’il était possible que l’âme ait, dans un corps endormi, des pensées, des joies, des soucis, des plaisirs et des peines séparés dont l’homme ne serait pas conscient, qu’il ne partagerait pas, il serait alors certain que Socrate endormi et Socrate éveillé ne seraient pas la même personne : son âme quand il dort, et l’homme Socrate pris corps et âme quand il est éveillé, seraient deux personnes distinctes. En effet, Socrate éveillé n’a aucune connaissance ni aucun souci de ce bonheur ou de ce malheur que son âme seule éprouve, de son côté, tandis qu’il dort sans rien en percevoir ; il n’en aurait pas plus qu’à l’égard du bonheur ou du malheur d’un homme des Indes qu’il ne connaîtrait pas. Car si nous ôtons toute conscience de nos actions et de nos sensations, en particulier du plaisir et de la douleur, et du souci qui les accompagnent, il sera difficile de savoir où placer l’identité personnelle.

LOCKE Essai sur l’entendement humain

2010 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La vérité n’a-t-elle de valeur que si elle est utile ?

2010 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-on être soi-même sans les autres ?

2010 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Mais quelle ingratitude, quelle courte vue en somme que d’aspirer à une suppression de la culture ! Ce qui subsiste alors, c’est l’état de nature, et il est de beaucoup plus lourd à supporter. C’est vrai, la nature ne nous demanderait aucune restriction pulsionnelle, elle nous laisserait faire, mais elle a sa manière particulièrement efficace de nous limiter, elle nous met à mort, froidement, cruellement, sans ménagement aucun, à ce qu’il nous semble, parfois juste quand nous avons des occasions de satisfaction. C’est précisément à cause de ces dangers dont la nature nous menace que nous nous sommes rassemblés et que nous avons créé la culture qui doit aussi, entre autres, rendre possible notre vie en commun. C’est en effet la tâche principale de la culture, le véritable fondement de son existence, que de nous défendre contre la nature.

On sait que, sur bien des points, elle y parvient d’ores et déjà relativement bien, elle fera manifestement beaucoup mieux plus tard. Mais aucun être humain ne cède au leurre de croire que la nature est dès à présent soumise à notre contrainte, rares sont ceux qui osent espérer qu’elle sera un jour entièrement assujettie à l’homme. Il y a les éléments qui semblent se rire de toute contrainte humaine, la terre qui tremble, se déchire, ensevelit tout ce qui est humain et oeuvre de l’homme, l’eau qui en se soulevant submerge et noie toutes choses, la tempête qui les balaie dans son souffle, il y a les maladies que nous reconnaissons, depuis peu seulement, comme des agressions d’autres êtres vivants, enfin l’énigme douloureuse de la mort, contre laquelle jusqu’à présent aucune panacée (1) n’a été trouvée, ni ne le sera vraisemblablement jamais. Forte de ces pouvoirs, la nature s’élève contre nous, grandiose, cruelle, inexorable, elle nous remet sous les yeux notre faiblesse et notre détresse, auxquelles nous pensions nous soustraire grâce au travail culturel.

FREUD L’Avenir d’une illusion

(1) panacée : remède

2010 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le langage nous éloigne-t-il du réel ?

2010 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-il naturel à l’homme de travailler ?

2010 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il convient donc, par-dessus tout, que les lois, établies sur une base juste, déterminent elles-mêmes tout ce qui est permis et qu’elles laissent le moins possible à faire aux juges. En voici les raisons. D’abord, il est plus facile de trouver un homme, ou un petit nombre d’hommes, qu’un grand nombre qui soient bien avisés et en état de légiférer et de juger. De plus, les législations se forment à la suite d’un examen prolongé, tandis que les décisions juridiques sont produites sur l’heure, et, dans de telles conditions, il est difficile, pour les juges, de satisfaire pleinement au droit et à l’intérêt des parties. Enfin, et ceci est la principale raison, le jugement du législateur ne porte pas sur un point spécial, mais sur des cas futurs et généraux, tandis que les membres d’une assemblée et le juge prononcent sur des faits actuels et déterminés, étant souvent influencés par des considérations d’amitié, de haine et d’intérêt privé, ce qui fait qu’ils ne peuvent plus envisager la vérité convenablement, mais que des sentiments personnels de joie ou de peine viennent à obscurcir leurs jugements.

ARISTOTE Rhétorique

2010 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Peut-il y avoir des progrès en art ?

2010 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’existence de règles communes est-elle nécessairement un obstacle à mon bonheur ?

2010 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballotte misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité. Lorsqu’ils se trouvent dans le doute, surtout concernant l’issue d’un événement qui leur tient à coeur, la moindre impulsion les entraîne tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; en revanche, dès qu’ils se sentent sûrs d’eux-mêmes, ils sont vantards et gonflés de vanité. Ces aspects de la conduite humaine sont, je crois, fort connus, bien que la plupart des hommes ne se les appliquent pas... En effet, pour peu qu’on ait la moindre expérience de ceux-ci, on a observé qu’en période de prospérité, les plus incapables débordent communément de sagesse, au point qu’on leur ferait injure en leur proposant un avis. Mais la situation devient-elle difficile ? Tout change : ils ne savent plus à qui s’en remettre, supplient le premier venu de les conseiller, tout prêts à suivre la suggestion la plus déplacée, la plus absurde ou la plus illusoire ! D’autre part, d’infimes motifs suffisent à réveiller en eux soit l’espoir, soit la crainte. Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou mauvais souvenir, ils y voient le signe d’une issue heureuse ou malheureuse ; pour cette raison, et bien que l’expérience leur en ait donné cent fois le démenti, ils parlent d’un présage soit heureux, soit funeste.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse principale du texte et les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballotte misérablement entre l’espoir et la crainte" ;

b) "Si, par exemple, pendant que la frayeur les domine, un incident quelconque leur rappelle un bon ou mauvais souvenir, ils y voient le signe d’une issue heureuse ou malheureuse."

3° Toute croyance est-elle un effet de l’incertitude ?

2010 L NOUVELLE-CALÉDONIE SECOURS La vérité n’est-elle qu’une question d’interprétation ?

2010 L NOUVELLE-CALÉDONIE SECOURS La technique est-elle pour l’homme autre chose qu’un moyen ?

2010 L NOUVELLE-CALÉDONIE SECOURS La plupart de ceux qui ont écrit touchant les républiques, supposent ou demandent, comme une chose qui ne leur doit pas être refusée, que l’homme est un animal politique, zôon politikon (1), selon le langage des Grecs, né avec une certaine disposition naturelle à la société. Sur ce fondement-là ils bâtissent la doctrine civile ; de sorte que pour la conservation de la paix, et pour la conduite de tout le genre humain, il ne faut plus rien sinon que les hommes s’accordent et conviennent de l’observation de certains pactes et conditions, auxquelles alors ils donnent le titre de lois. Cet axiome, quoique reçu si communément, ne laisse pas d’être faux, et l’erreur vient d’une trop légère contemplation de la nature humaine. Car si l’on considère de plus près les causes pour lesquelles les hommes s’assemblent, et se plaisent à une mutuelle société, il apparaîtra bientôt que cela n’arrive que par accident, et non pas par une disposition nécessaire de la nature. En effet, si les hommes s’entr’aimaient naturellement, c’est-à-dire, en tant qu’hommes, il n’y a aucune raison pourquoi chacun n’aimerait pas le premier venu, comme étant autant homme qu’un autre ; de ce côté-là, il n’y aurait aucune occasion d’user de choix et de préférence. Je ne sais aussi pourquoi on converserait plus volontiers avec ceux en la société desquels on reçoit de l’honneur ou de l’utilité, qu’avec ceux qui la rendent à quelque autre. Il en faut donc venir là, que nous ne cherchons pas de compagnons par quelque instinct de la nature ; mais bien l’honneur et l’utilité qu’il nous apportent ; nous ne désirons des personnes avec qui nous conversions, qu’à cause de ces deux avantages qui nous en reviennent.

HOBBES Le Citoyen

(1) zôon politikon : "animal politique" en grec

2010 ES POLYNÉSIE NORMALE Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?

2010 ES POLYNÉSIE NORMALE L’art n’est-il qu’un jeu ?

2010 ES POLYNÉSIE NORMALE Si les hommes avaient un souci de la justice assez inflexible pour s’abstenir de toucher aux biens d’autrui, ils seraient restés pour toujours dans un état d’absolue liberté sans se soumettre à un magistrat ou une société politique, mais c’est là un état de perfection dont la nature humaine est jugée incapable. De même, si tous les hommes possédaient un entendement assez parfait pour toujours connaître leur propre intérêt, ils ne se seraient soumis qu’à une forme de gouvernement qui aurait été établie par consentement et qui aurait été pleinement examinée par tous les membres de la société. Mais cet état de perfection est encore plus au-delà de la nature humaine. La raison, l’histoire et l’expérience nous montrent que toutes les sociétés politiques ont eu une origine beaucoup moins précise et régulière. Si l’on devait choisir une période où l’avis du peuple est le moins pris en compte, ce serait précisément pendant l’établissement d’un nouveau gouvernement. Quand la constitution est établie, on tient davantage compte de l’inclination du peuple mais, dans la fureur des révolutions, des conquêtes et des convulsions publiques, c’est la force militaire ou l’art politique qui décide de la controverse.

HUME Essai sur le contrat originel

2010 L POLYNÉSIE NORMALE La conscience est-elle source d’illusions ?

2010 L POLYNÉSIE NORMALE Faut-il être un acteur de l’histoire pour la comprendre ?

2010 L POLYNÉSIE NORMALE Si la constitution naturelle des hommes leur faisait désirer avec le plus d’ardeur ce qui tend à leur plus haut intérêt, toute intervention expresse, en vue de faire régner la concorde et la bonne foi, serait superflue. Mais telle n’est pas la pente habituelle de la nature humaine, on le sait. L’État doit donc être organisé nécessairement de manière que tous, gouvernants et gouvernés - qu’ils agissent de bon ou de mauvais gré - n’en mettent pas moins leur conduite au service du salut général. En d’autres termes, il faut que tous, par force et par nécessité si ce n’est spontanément, soient contraints de vivre selon la discipline de la raison. Pour que soit atteint ce résultat, le fonctionnement de l’État sera réglé de telle sorte, qu’aucune affaire important au salut général ne soit jamais confiée à un seul individu, présumé de bonne foi. Car l’homme le plus vigilant est cependant assujetti au sommeil, par intervalles, le plus fort et le plus inébranlable est sujet à faiblir ou à se laisser vaincre, aux moments précis où il aurait besoin de la plus grande énergie. Nul, puisqu’il en est ainsi, ne serait assez sot pour exiger d’un semblable une conduite, qu’il sait ne pouvoir s’imposer à soi-même : à savoir exiger que cet autre soit plus vigilant pour le compte d’autrui que pour le sien, qu’il ne cède ni à la cupidité, ni à l’envie, ni à l’ambition, alors que justement il est exposé chaque jour à l’assaut de tels sentiments.

SPINOZA Traité de l’autorité politique

2010 S POLYNÉSIE NORMALE Le désir nous condamne-t-il à l’insatisfaction ?

2010 S POLYNÉSIE NORMALE Le vivant est-il entièrement explicable ?

2010 S POLYNÉSIE NORMALE Dans tous les États, le pouvoir de ceux qui gouvernent doit être exercé selon des lois publiées et reçues, non par des arrêts faits sur-le-champ, et par des résolutions arbitraires : car autrement, on se trouverait dans un plus triste et plus dangereux état que n’est l’état de nature, si l’on avait armé du pouvoir réuni de toute une multitude, une personne, ou un certain nombre de personnes, afin qu’elles se fissent obéir selon leur plaisir, sans garder aucunes bornes, et conformément aux décrets arbitraires de la première pensée qui leur viendrait, sans avoir jusqu’alors donné à connaître leur volonté, ni observé aucunes règles qui pussent justifier leurs actions. Tout le pouvoir d’un gouvernement n’étant établi que pour le bien de la société, comme il ne saurait, par cette raison, être arbitraire et être exercé suivant le bon plaisir, aussi doit-il être exercé suivant les lois établies et connues ; en sorte que le peuple puisse connaître son devoir, et être en sûreté à l’ombre de ces lois ; et qu’en même temps les gouverneurs se tiennent dans de justes bornes, et ne soient point tentés d’employer le pouvoir qu’ils ont entre les mains, pour suivre leurs passions et leurs intérêts, pour faire des choses inconnues et désavantageuses à la société politique, et qu’elle n’aurait garde d’approuver.

LOCKE Traité du gouvernement civil

2010 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Croire nous empêche-t-il de chercher la vérité ?

2010 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Faire régner la justice, est-ce seulement appliquer les lois ?

2010 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Il reste à dire maintenant en quoi l’artiste diffère de l’artisan. Toutes les fois que l’idée précède et règle l’exécution, c’est industrie (1). Et encore est-il vrai que l’oeuvre souvent, même dans l’industrie, redresse l’idée en ce sens que l’artisan trouve mieux qu’il n’avait pensé dès qu’il essaye ; en cela il est artiste, mais par éclairs. Toujours est-il que la représentation d’une idée dans une chose, je dis même d’une idée bien définie comme le dessin d’une maison, est une oeuvre mécanique seulement, en ce sens qu’une machine bien réglée d’abord ferait l’oeuvre à mille exemplaires. Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu’il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu’il emploiera à l’oeuvre qu’il commence ; l’idée lui vient à mesure qu’il fait ; il serait même plus rigoureux de dire que l’idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu’il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître. Et c’est là le propre de l’artiste. Il faut que le génie ait la grâce de nature, et s’étonne lui-même. Un beau vers n’est pas d’abord en projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur, à mesure qu’il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau.

ALAIN

(1) industrie : ici, habileté technique.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° En vous appuyant sur les exemples du texte ou d’autres que vous choisirez, expliquez :

a) "l’oeuvre souvent, même dans l’industrie, redresse l’idée" ;

b) "la représentation d’une idée dans une chose (...) est une oeuvre mécanique seulement" ;

c) "l’idée lui vient à mesure qu’il fait".

3° Est-ce l’oeuvre qui révèle à l’artiste ce qu’il fait ?

2010 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on forcer un homme à être libre ?

2010 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’histoire n’est-elle que le récit des faits ?

2010 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’homme a des pensées fort diverses et d’autres pourraient comme lui en tirer plaisir et profit ; mais toutes demeurent en son sein, invisibles et cachées aux autres et ne peuvent d’elles-mêmes devenir manifestes. Les avantages et les bénéfices de la vie sociale sont inaccessibles sans communication des pensées ; aussi a-t-il fallu que l’homme trouve des signes sensibles externes permettant de faire connaître aux autres les idées invisibles dont sont constituées ses pensées. A cette fin rien n’est plus adapté, par leur fécondité aussi bien que leur brièveté, que les sons articulés que l’homme s’est trouvé capable de créer avec tant de facilité et de variété. Ainsi, peut-on penser, est-il arrivé que les mots, naturellement si bien adaptés à leur but, ont été utilisés par les hommes comme signes de leurs idées : non par la liaison naturelle qui existerait entre des sons articulés particuliers et certaines idées (il n’y aurait alors qu’une seule langue par toute l’humanité), mais par l’institution volontaire qui fait qu’un mot devient arbitrairement la marque de telle idée. L’utilité des mots est donc d’être la marque sensible des idées, et les idées dont ils tiennent lieu sont leur signification propre et immédiate.

LOCKE Essai sur l’entendement humain

2010 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le désir déforme-t-il notre perception du réel ?

2010 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Faut-il choisir entre faire le bien et se rendre heureux ?

2010 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT La société, qui est la mise en commun des énergies individuelles, bénéficie des efforts de tous et rend à tous leur effort plus facile. Elle ne peut subsister que si elle se subordonne l’individu, elle ne peut progresser que si elle le laisse faire : exigences opposées, qu’il faudrait réconcilier. Chez l’insecte, la première condition est seule remplie. Les sociétés de fourmis et d’abeilles sont admirablement disciplinées et unies, mais figées dans une immuable routine. Si l’individu s’y oublie lui-même, la société oublie aussi sa destination ; l’un et l’autre, en état de somnambulisme, font et refont indéfiniment le tour du même cercle, au lieu de marcher, droit en avant, à une efficacité sociale plus grande et à une liberté individuelle plus complète. Seules, les sociétés humaines tiennent fixées devant leurs yeux les deux buts à atteindre. En lutte avec elles-mêmes et en guerre les unes avec les autres, elles cherchent visiblement, par le frottement et par le choc, à arrondir des angles, à user des antagonismes, à éliminer des contradictions, à faire que les volontés individuelles s’insèrent sans se déformer dans la volonté sociale et que les diverses sociétés entrent à leur tour, sans perdre leur originalité ni leur indépendance, dans une société plus vaste.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2010 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’idée d’inconscient remet-elle en cause la liberté ?

2010 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La politique a-t-elle pour fin l’unanimité ?

2010 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Toute faute renferme une contradiction. Du moment que l’homme en faute n’a pas l’intention de commettre une faute, mais bien d’agir comme il faut, il est évident qu’il ne fait pas ce qu’il veut. Que veut faire un voleur ? Un acte avantageux pour lui. Donc, s’il n’est pas avantageux de voler, il ne fait pas ce qu’il veut. Une âme naturellement raisonnable se détourne de la contradiction : tant qu’elle n’a pas conscience d’être dans la contradiction, rien ne l’empêche de faire des choses contradictoires ; mais, dès qu’elle en prend conscience, il est nécessaire qu’elle s’en abstienne et la fuie ; de même, c’est une dure nécessité, lorsque l’on s’aperçoit d’une erreur, de s’y refuser ; tant qu’elle ne vous apparaît pas telle, on l’approuve en la prenant pour vraie. Il est habile à parler sans doute, mais il est aussi bon conseiller et bon critique, celui qui est capable d’indiquer à chacun la contradiction qui le met en faute et de lui montrer clairement qu’il ne fait pas ce qu’il veut et qu’il fait ce qu’il ne veut pas.

ÉPICTÈTE Entretiens

2010 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Assurer la sécurité, est-ce le but de la loi ?

2010 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT La vérité doit-elle être partagée ?

2010 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à l’expérience, et que cependant, pour l’idée du bonheur, un tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu’un être fini, si clairvoyant et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissances et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui garantit que ce ne serait pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santè ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela, il lui faudrait l’omniscience (1).

KANT

(1) l’omniscience : la connaissance totale, complète.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) en vous appuyant sur les exemples du texte (lignes 8 à 16), dites pourquoi "les éléments qui font partie du concept du bonheur" (...) doivent être empruntés à

l’expérience" ;

b) pourquoi alors sont-ils incompatibles avec la définition du bonheur des lignes 5 à 7 ?

3° Est-il impossible de savoir ce qui nous rendrait heureux ?

2011 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’hypothèse de l’inconscient exclut-elle toute connaissance de soi ?

2011 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le bonheur est-il un droit ?

2011 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Nous sommes cultivés au plus haut degré par l’art et par la science. Nous sommes civilisés, jusqu’à en être accablés, par la politesse et les bienséances sociales de toute sorte. Mais nous sommes encore loin de pouvoir nous tenir pour déjà moralisés. Si en effet l’idée de la moralité appartient bien à la culture, la mise en pratique de cette idée qui n’aboutit qu’à une apparence de moralité dans l’amour de l’honneur et la bienséance extérieure, constitue simplement la civilisation. Or tant que les États jettent toutes leurs forces dans leurs projets d’extension vains et violents, tant qu’ils entravent ainsi sans cesse le lent effort de formation intérieure du mode de penser de leurs citoyens, et qu’ils leur retirent ainsi toute aide en vue de cette fin, une fin semblable ne peut être atteinte, car sa réalisation exige que, par un long travail intérieur, chaque communauté forme ses citoyens. Or, tout bien qui n’est pas greffé sur une intention moralement bonne n’est qu’apparence criante et brillante misère. C’est dans cet état que l’espèce humaine restera jusqu’à ce qu’elle s’arrache par son travail (...) à l’état chaotique de ses relations internationales.

KANT Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique

2011 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Peut-on penser sans les mots ?

2011 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Puis-je être certain d’être dans le vrai ?

2011 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La compassion est une impression maladive produite par la vue des misères d’autrui ou encore un chagrin causé par les maux d’autrui, que nous trouvons immérités ; or le sage n’est sujet à aucune maladie morale ; son esprit est serein et nul événement au monde n’est capable de l’assombrir. En outre, rien ne sied à l’homme autant que la grandeur des sentiments : or ceux-ci ne peuvent être à la fois grands et tristes ; le chagrin brise l’âme, l’abat, la resserre.

C’est ce qui n’arrivera point au sage même à l’occasion de ses propres malheurs ; tous les traits de la fortune acharnée contre lui feront ricochet et se briseront à ses pieds ; il gardera toujours le même visage, calme, impassible, ce qui ne lui serait pas possible si le chagrin avait accès en lui.

Ajoute que le sage sait prévoir les choses et qu’il a dans son esprit des ressources toujours prêtes : or jamais une idée claire et pure ne vient d’un fond agité. Le chagrin sait mal discerner la vérité, imaginer des mesures utiles, éviter des dangers, apprécier équitablement les dommages ; donc le sage n’a point de commisération, puisque ce sentiment ne peut exister sans misère morale.

Tout ce que j’aime voir faire aux personnes compatissantes, il le fera volontiers et d’une âme haute ; il viendra au secours de ceux qui pleurent, mais sans pleurer avec eux ; il tendra la main au naufragé, donnera l’hospitalité au banni, l’aumône à l’indigent, non point cette aumône humiliante que jettent la plupart de ceux qui veulent passer pour compatissants - en montrant leur dédain pour ceux qu’ils assistent et leur crainte d’être souillés par leur contact -, mais il donnera comme un homme qui fait part à un autre homme des biens communs à tous.

SÉNÈQUE Entretiens

2011 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’homme peut-il devenir le produit de ses techniques ?

2011 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La démonstration met-elle fin à toute discussion ?

2011 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Substituer au gouvernement par la raison le gouvernement par l’amour, c’est ouvrir la voie au gouvernement par la haine, comme Socrate semble l’avoir entrevu quand il dit que la méfiance envers la raison ressemble à la méfiance envers l’homme. L’amour n’est ni une garantie d’impartialité, ni un moyen d’éviter les conflits, car on peut différer sur la meilleure manière d’aimer, et plus l’amour est fort, plus fort sera le conflit. Cela ne veut pas dire que l ‘amour et la haine doivent être placés sur le même plan, mais seulement que nul sentiment, fût-ce l’amour, ne peut remplacer le recours à des institutions fondées sur la raison.

Le règne de l’amour présente d’autres dangers. Aimer son prochain, c’est vouloir le rendre heureux (...). Mais vouloir le bonheur du peuple est, peut-être, le plus redoutable des idéaux politiques, car il aboutit fatalement à vouloir imposer aux autres une échelle de valeurs supérieures jugées nécessaires à ce bonheur. On verse ainsi dans l’utopie et le romantisme ; et, à vouloir créer le paradis terrestre, on se condamne inévitablement à l’enfer. De là l’intolérance, les guerres de religion, l’inquisition, avec, à la base, une conception foncièrement erronée de nos devoirs. Que nous ayons le devoir d’aider ceux qui en ont besoin, nul ne le conteste ; mais vouloir le bonheur des autres, c’est trop souvent forcer leur intimité et attenter à leur indépendance.

POPPER La Société ouverte et ses ennemis

2011 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’État favorise-t-il la liberté ?

2011 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Satisfaire ses désirs peut-il rendre malheureux ?

2011 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Lorsqu’on commence, sans avoir acquis aucune compétence en la matière, par accorder son entière confiance à un raisonnement et à le tenir pour vrai, on ne tarde pas à juger qu’il est faux : il peut l’être en effet, comme il peut ne pas l’être ; puis on recommence avec un autre, et encore avec un autre. Et, tu le sais bien, ce sont surtout ceux qui passent leur temps à mettre au point des discours contradictoires qui finissent par croire qu’ils sont arrivés au comble de la maîtrise et qu’ils sont les seuls à avoir compris qu’il n’y a rien de sain ni d’assuré en aucune chose, ni en aucun raisonnement non plus ; que tout ce qui existe se trouve tout bonnement emporté dans une sorte d’Euripe (1), ballotté par des courants contraires, impuissant à se stabiliser pour quelque durée que ce soit, en quoi que ce soit.

- C’est la pure vérité, dis-je.

- Mais ne serait-ce pas vraiment lamentable, Phédon, dit-il, d’éprouver pareil sentiment ? Lamentable, alors qu’il existe un raisonnement vrai, solide, dont on peut comprendre qu’il est tel, d’aller ensuite, sous prétexte qu’on en rencontre d’autres qui, tout en restant les mêmes, peuvent nous donner tantôt l’opinion qu’ils sont vrais et tantôt non, refuser d’en rendre responsable soi-même, ou sa propre incompétence ? Lamentable encore de finir (...) par se complaire à rejeter sa propre responsabilité sur les raisonnements, de passer désormais le reste de sa vie à les détester et à les calomnier, se privant ainsi de la vérité et du savoir concernant ce qui, réellement, existe ?

- Par Zeus, dis-je, oui, ce serait franchement lamentable !

- Il faut donc nous préserver de cela avant tout, dit-il. Notre âme doit se fermer entièrement au soupçon que, peut-être, les raisonnements n’offrent rien de sain.

PLATON Phédon

(1) Euripe : nom d’un canal séparant l’île d’Eubée du continent grec. Ce canal est connu pour le phénomène de ses courants alternatifs qui changent de direction plusieurs fois par jour.

2011 ES ANTILLES NORMALE Le langage n’exprime-t-il que ce que l’on veut communiquer ?

2011 ES ANTILLES NORMALE Peut-on être heureux dans la solitude ?

2011 ES ANTILLES NORMALE Faut-il apprendre à se connaître soi-même ?

2011 ES ANTILLES NORMALE Pourquoi l’État devrait-il limiter son pouvoir ?

2011 ES ANTILLES NORMALE Ce qui fait la distinction essentielle de l’histoire et de la science, ce n’est pas que l’une embrasse la succession des événements dans le temps, tandis que l’autre s’occuperait de la systématisation des phénomènes, sans tenir compte du temps dans lequel ils s’accomplissent. La description d’un phénomène dont toutes les phases se succèdent et s’enchaînent nécessairement selon des lois que font connaître le raisonnement ou l’expérience, est du domaine de la science et non de l’histoire. La science décrit la succession des éclipses, la propagation d’une onde sonore, le cours d’une maladie qui passe par des phases régulières, et le nom d’histoire ne peut s’appliquer qu’abusivement à de semblables descriptions ; tandis que l’histoire intervient nécessairement (...) là où nous voyons, non seulement que la théorie, dans son état d’imperfection actuelle, ne suffit pas pour expliquer les phénomènes, mais que même la théorie la plus parfaite exigerait encore le concours d’une donnée historique. S’il n’y a pas d’histoire proprement dite là où tous les événements dérivent nécessairement et régulièrement les uns des autres, en vertu des lois constantes par lesquelles le système est régi, et sans concours accidentel d’influences étrangères au système que la théorie embrasse, il n’y a pas non plus d’histoire, dans le vrai sens du mot, pour une suite d’événements qui seraient sans aucune liaison entre eux.

COURNOT Essai sur les fondements de la connaissance et sur les caractères de la critique philosophique.

2011 ES ANTILLES NORMALE Les hommes sont naturellement égoïstes ou doués seulement d’une générosité limitée ; aussi ne sont-ils pas aisément amenés à accomplir une action dans l’intérêt d’étrangers, sauf s’ils envisagent en retour un avantage qu’ils n’auraient aucun espoir d’obtenir autrement que par cette action. Or, comme il arrive fréquemment que ces actions réciproques ne peuvent se terminer au même instant, il est nécessaire que l’une des parties se contente de demeurer dans l’incertitude et qu’elle dépende de la gratitude de l’autre pour recevoir de la bienveillance en retour. Mais il y a tant de corruption parmi les hommes que, généralement parlant, il n’y a là qu’une faible garantie ; comme le bienfaiteur, suppose-t-on ici, accorde ses faveurs dans une vue intéressée, cette circonstance supprime l’obligation et établit un exemple d’égoïsme, et c’est la cause véritable de l’ingratitude. Si donc nous devions suivre le cours naturel de nos passions et inclinations, nous n’accomplirions que peu d’actions à l’avantage des autres sous l’influence de vues désintéressées parce que notre bienveillance et notre affection sont, par nature, très limitées ; nous n’en accomplirions que peu de ce genre sans égard à notre intérêt, parce que nous ne pouvons pas dépendre de leur gratitude. Voici donc que se perd en quelque manière le commerce de bons offices entre les hommes et que chacun se trouve réduit à sa propre habileté et à son propre travail pour son bien-être et sa subsistance.

HUME Traité de la nature humaine

2011 L ANTILLES NORMALE Faut-il chercher des vérités hors de la science ?

2011 L ANTILLES NORMALE Le bonheur est-il affaire de chance ?

2011 L ANTILLES NORMALE La politique a-t-elle affaire à l’idéal ou au réel ?

2011 L ANTILLES NORMALE Est-il juste d’interpréter la loi ?

2011 L ANTILLES NORMALE Tandis que la spécialisation est essentiellement guidée par le produit fini, dont la nature est d’exiger des compétences diverses qu’il faut rassembler et organiser, la division du travail, au contraire, présuppose l’équivalence qualitative de toutes les activités pour lesquelles on ne demande aucune compétence spéciale, et ces activités n’ont en soi aucune finalité : elles ne représentent que des sommes de force de travail que l’on additionne de manière purement quantitative. La division du travail se fonde sur le fait que deux hommes peuvent mettre en commun leur force de travail et "se conduire l’un envers l’autre comme s’ils étaient un". Cette "unité" est exactement le contraire de la coopération, elle renvoie à l’unité de l’espèce par rapport à laquelle tous les membres un à un sont identiques et interchangeables. (...)

Comme aucune des activités en lesquelles le processus est divisé n’a de fin en soi, leur fin "naturelle" est exactement la même que dans le cas du travail "non divisé" : soit la simple reproduction des moyens de subsistance, c’est-à-dire la capacité de consommation des travailleurs, soit l’épuisement de la force de travail. Toutefois, ni l’une ni l’autre de ces limites ne sont définitives ; l’épuisement fait partie du processus vital de l’individu, non de la collectivité, et le sujet du processus de travail, lorsqu’il y a division du travail, est une force collective et non pas individuelle. L’"inépuisabilité" de cette force de travail correspond exactement à l’immortalité de l’espèce, dont le processus vital pris dans l’ensemble n’est pas davantage interrompu par les naissances et les morts individuelles de ses membres.

ARENDT Condition de l’homme moderne

2011 L ANTILLES NORMALE Les notions de succession et de durée ont pour origine une réflexion sur l’enchaînement des idées que l’on voit apparaître l’une après l’autre dans l’esprit ; cela me paraît évident : on n’a en effet aucune perception de la durée, sauf si l’on considère l’enchaînement des idées qui se succèdent dans l’entendement. Quand cette succession d’idées cesse, la perception de la durée cesse avec elle ; chacun l’expérimente en lui quand il dort profondément, que ce soit une heure ou un jour, un mois ou une année ; il n’a aucune perception de cette durée des choses tant qu’il dort ou ne pense pas : elle est totalement perdue pour lui. Entre le moment où il arrête de penser et celui où il recommence, il lui semble ne pas y avoir de distance. Il en serait de même pour une personne éveillée, je n’en doute pas, s’il lui était possible de garder une seule idée à l’esprit, sans changement ni variation ; quelqu’un qui fixe attentivement ses pensées sur une chose et remarque très peu la succession des idées qui passent en son esprit, laissera passer sans la remarquer une bonne partie de la durée : tant qu’il sera pris par cette contemplation stricte, il croira que le temps est plus court. (...) Il est donc pour moi très clair que les hommes dérivent leurs idées de la durée de leur réflexion sur l’enchaînement des idées dont ils observent la succession dans leur entendement ; sans cette observation, ils ne peuvent avoir aucune notion de durée, quoi qu’il arrive dans le monde.

LOCKE Essai sur l’entendement humain

2011 S ANTILLES NORMALE L’État est-il au service des individus ?

2011 S ANTILLES NORMALE Faire son devoir exclut-il tout plaisir ?

2011 S ANTILLES NORMALE Rien ne nous éloigne plus du droit chemin pour la recherche de la vérité, que d’orienter nos études (...) vers des buts particuliers (...) : ainsi, quand nous voulons cultiver les sciences utiles, soit pour les avantages qu’on en retire dans la vie, soit pour le plaisir qu’on trouve dans la contemplation du vrai, et qui en cette vie est presque le seul bonheur qui soit pur et que ne trouble aucune douleur. Ce sont là, en effet, des fruits légitimes que nous pouvons attendre de la pratique des sciences ; mais si nous y pensons au milieu de nos études, ils nous font souvent omettre bien des choses nécessaires pour l’acquisition d’autres connaissances, soit parce qu’au premier abord ces choses paraissent de peu d’utilité, soit parce qu’elles semblent de peu d’intérêt. Il faut donc bien se convaincre que toutes les sciences sont tellement liées ensemble, qu’il est plus facile de les apprendre toutes à la fois, que d’en isoler une des autres. Si quelqu’un veut chercher sérieusement la vérité, il ne doit donc pas choisir l’étude de quelque science particulière : car elles sont toutes unies entre elles et dépendent les unes des autres ; mais il ne doit songer qu’à accroître la lumière naturelle de sa raison, non pour résoudre telle ou telle difficulté d’école, mais pour qu’en chaque circonstance de la vie son entendement montre à sa volonté le parti à prendre ; et bientôt il s’étonnera d’avoir fait de plus grands progrès que ceux qui s’appliquent à des études particulières, et d’être parvenu, non seulement à tout ce que les autres désirent, mais encore à de plus beaux résultats qu’ils ne peuvent espérer.

DESCARTES Règles pour la direction de l’esprit.

2011 TECHN. ANTILLES NORMALE Une vérité absolue est-elle possible ?

2011 TECHN. ANTILLES NORMALE L’art est-il inutile ?

2011 TECHN. ANTILLES NORMALE Les lois n’ont pas été inventées pour empêcher les actions des hommes, mais afin de les conduire, de même que la nature n’a pas donné des berges aux rivières pour les arrêter mais pour en diriger le cours. L’étendue de cette liberté doit être établie suivant le bien des sujets et l’intérêt de l’État. C’est pourquoi j’estime que c’est une chose particulièrement contraire au devoir des souverains (1), et de tous ceux qui ont le droit d’imposer des lois, d’en former plus qu’il n’est nécessaire à l’intérêt des particuliers et à celui de l’État. Car les hommes ayant coutume de délibérer de ce qu’ils doivent faire et ne pas faire en consultant la raison naturelle plutôt que par la connaissance des lois, lorsque celles-ci sont trop nombreuses pour qu’on se souvienne de toutes, et que certaines défendent ce que la raison n’interdit pas directement, ils tombent nécessairement sans le savoir, sans aucune mauvaise intention, sous le coup des lois, comme dans des pièges qui ont été dressés à cette innocente liberté que les souverains doivent conserver à leurs sujets suivant les règles de la nature.

HOBBES

(1) souverain : celui ou ceux qui détiennent l’autorité politique.

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez l’image présente dans la première phrase. Pourquoi "l’étendue de cette liberté" doit-elle "être établie suivant le bien des sujets et l’intérêt de l’État" ?

b) qu’est-ce que "délibérer (...) en consultant la raison naturelle et délibérer "par la connaissance des lois" ?

c) en vous appuyant sur le texte, expliquez : "cette innocente liberté que les souverains doivent conserver à leurs sujets suivant les règles de la nature".

3° Pour que la liberté soit garantie, faut-il limiter le nombre des lois ?

2011 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le désir suppose-t-il autrui ?

2011 ES ANTILLES REMPLACEMENT La quête du bonheur est-elle vaine ?

2011 ES ANTILLES REMPLACEMENT La politique vise-t-elle à réaliser une société parfaite ?

2011 ES ANTILLES REMPLACEMENT Faut-il se fier à sa propre raison ?

2011 ES ANTILLES REMPLACEMENT La découverte de la vérité est tout à la fois difficile en un sens ; et, en un autre sens, elle est facile. Ce qui prouve cette double assertion, c’est que personne ne peut atteindre complètement le vrai et que personne non plus n’y échoue complètement, mais que chacun apporte quelque chose à l’explication de la nature. Individuellement, ou l’on n’y contribue en rien, ou l’on n’y contribue que pour peu de chose ; mais de tous les efforts réunis, il ne laisse pas que de sortir un résultat considérable. Si donc il nous est permis de dire ici, comme dans le proverbe : "Quel archer serait assez maladroit pour ne pas mettre sa flèche dans une porte ?" à ce point de vue, la recherche de la vérité n’offre point de difficulté sérieuse ; mais, d’autre part, ce qui atteste combien cette recherche est difficile, c’est l’impossibilité absolue où nous sommes, tout en connaissant un peu l’ensemble des choses, d’en connaître également bien le détail. Peut-être aussi, la difficulté se présentant sous deux faces, il se peut fort bien que la cause de notre embarras ne soit pas dans les choses elles-mêmes, mais qu’elle soit en nous. De même que les oiseaux de nuit n’ont pas les yeux faits pour supporter l’éclat du jour, de même l’intelligence de notre âme éprouve un pareil éblouissement devant les phénomènes qui sont par leur nature les plus splendides entre tous.

ARISTOTE Métaphysique

2011 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le moyen de travail est une chose ou un ensemble de choses que l’homme interpose entre lui et l’objet de son travail comme conducteurs de son action. Il se sert des propriétés mécaniques, physiques, chimiques de certaines choses pour les faire agir comme forces sur d’autres choses, conformément à son but. Si nous laissons de côté la prise de possession de subsistances toutes trouvées - la cueillette des fruits par exemple, où ce sont les organes de l’homme qui lui servent d’instrument, - nous voyons que le travailleur s’empare immédiatement, non pas de l’objet, mais du moyen de son travail. Il convertit ainsi des choses extérieures en organes de sa propre activité, organes qu’il ajoute aux siens de manière à allonger, en dépit de la Bible, sa stature naturelle. Comme la terre est son magasin de vivres primitif, elle est aussi l’arsenal primitif de ses moyens de travail. Elle lui fournit, par exemple, la pierre dont il se sert pour frotter, trancher, presser, lancer, etc. La terre elle-même devient moyen de travail, mais ne commence pas à fonctionner comme tel dans l’agriculture, sans que toute une série d’autres moyens de travail soit préalablement donnée. Dès qu’il est tant soit peu développé, le travail ne saurait se passer de moyens déjà travaillés. Dans les plus anciennes cavernes on trouve des instruments et des armes de pierre. A côté des coquillages, des pierres, des bois et des os façonnés, on voit figurer au premier rang parmi les moyens de travail primitifs l’animal dompté et apprivoisé, c’est-à-dire déjà modifié par le travail. L’emploi et la création de moyens de travail, quoiqu’ils se trouvent en germe chez quelques espèces animales, caractérisent éminemment le travail humain.

MARX Le Capital

2011 L ANTILLES REMPLACEMENT Sommes-nous tels que nous croyons être ?

2011 L ANTILLES REMPLACEMENT Une démonstration peut-elle mettre fin au doute ?

2011 L ANTILLES REMPLACEMENT Est-il plus avantageux d’être gouverné par l’homme le meilleur ou par les lois les meilleures ?

Ceux qui sont d’avis qu’il est avantageux d’être gouverné par un roi pensent que les lois ne peuvent énoncer que le général sans pouvoir rien prescrire concernant les situations particulières. Ainsi, dans n’importe quel art, il est stupide de se diriger seulement d’après des règles écrites ; et, en Egypte, il est permis au bout de quatre jours aux médecins de s’écarter des traitements prescrits par les manuels, mais s’ils le font avant, c’est à leurs risques et périls. Il est donc manifeste que la constitution qui se conforme à des lois écrites n’est pas, pour la même raison, la meilleure.

Pourtant, il faut que cette règle universelle existe pour les gouvernants, et celui à qui n’est, d’une manière générale, attachée aucune passion, est meilleur que celui qui en possède naturellement. Or, la loi n’en a pas, alors qu’il est nécessaire que toute âme humaine en renferme. Mais sans doute semblerait-il, pour répliquer à cela, qu’une personne délibèrera mieux à propos des cas particuliers.

Qu’il soit donc nécessaire que cet homme (1) soit législateur et qu’il y ait des lois, c’est évident, mais elles ne doivent pas être souveraines là où elles dévient de ce qui est bon, alors qu’elles doivent être souveraines dans les autres domaines.

ARISTOTE Les Politiques

2011 S ANTILLES REMPLACEMENT La culture nous unit-elle ?

2011 S ANTILLES REMPLACEMENT Le sujet peut-il se comprendre en dehors de la société à laquelle il appartient ?

2011 S ANTILLES REMPLACEMENT Quand nous supposerions l’homme maître absolu de son esprit et de ses idées, il serait encore nécessairement sujet à l’erreur par sa nature. Car l’esprit de l’homme est limité, et tout esprit limité est par sa nature sujet à l’erreur. La raison en est que les moindres choses ont entre elles une infinité de rapports, et qu’il faut un esprit infini pour les comprendre. Ainsi, un esprit limité ne pouvant embrasser ni comprendre tous ces rapports, quelque effort qu’il fasse, il est porté à croire que ceux qu’il n’aperçoit pas n’existent point, principalement lorsqu’il ne fait pas attention à la faiblesse et à la limitation de son esprit, ce qui lui est fort ordinaire. Ainsi, la limitation de l’esprit toute seule emporte avec soi (1) la capacité de tomber dans l’erreur.

Toutefois si les hommes, dans l’état même où ils sont de faiblesse et de corruption, faisaient toujours bon usage de leur liberté, ils ne se tromperaient jamais. Et c’est pour cela que tout homme qui tombe dans l’erreur est blâmé avec justice et mérite même d’être puni : car il suffit, pour ne point se tromper, de ne juger que de ce qu’on voit, et de ne faire jamais des jugements entiers que des choses que l’on est assuré d’avoir examinées dans toutes leurs parties : ce que les hommes peuvent faire. Mais ils aiment mieux s’assujettir à l’erreur que de s’assujettir à la règle de la vérité : ils veulent décider sans peine et sans examen. Ainsi, il ne faut pas s’étonner s’ils tombent dans un nombre infini d’erreurs et s’ils font souvent des jugements assez incertains.

MALEBRANCHE Recherche de la vérité

2011 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Suffit-il de croire que l’on est heureux pour l’être ?

2011 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Les lois peuvent-elles se passer de la force ?

2011 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Une oeuvre géniale, qui commence par déconcerter, pourra créer peu à peu par sa seule présence une conception de l’art et une atmosphère artistique qui permettront de la comprendre ; elle deviendra alors rétrospectivement géniale ; sinon, elle serait restée ce qu’elle était au début, simplement déconcertante. Dans une spéculation financière, c’est le succès qui fait que l’idée avait été bonne. Il y a quelque chose du même genre dans la création artistique, avec cette différence que le succès, s’il finit par venir à l’oeuvre qui avait d’abord choqué, tient à une transformation du goût du public opérée par l’oeuvre même ; celle-ci était donc force en même temps que matière ; elle a imprimé un élan que l’artiste lui avait communiqué ou plutôt qui est celui même de l’artiste, invisible et présent en elle.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) En vous appuyant sur un exemple, dites en quoi une "oeuvre géniale" se distingue d’une oeuvre "simplement déconcertante" ;

b) pourquoi peut-on comparer la création artistique à la spéculation financière ? En quoi cette comparaison éclaire-t-elle le propos de Bergson ?

c) expliquez : "un élan (...) qui est celui même de l’artiste invisible et présent en elle".

3° Une oeuvre d’art a-t-elle le pouvoir de transformer le goût du public

2011 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Se laisser guider par autrui, est-ce renoncer à sa liberté ?

2011 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ne sommes-nous convaincus que par ce qui a été démontré ?

2011 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Instinct et intelligence ont pour objet essentiel d’utiliser des instruments : ici des outils inventés, par conséquent variables et imprévus ; là des organes fournis par la nature, et par conséquent immuables. L’instrument est d’ailleurs destiné à un travail, et ce travail est d’autant plus efficace qu’il est plus spécialisé, plus divisé par conséquent entre travailleurs diversement qualifiés qui se complètent réciproquement. La vie sociale est ainsi immanente, comme un vague idéal, à l’instinct comme à l’intelligence ; cet idéal trouve sa réalisation la plus complète dans la ruche ou la fourmilière d’une part, dans les sociétés humaines de l’autre. Humaine ou animale, une société est une organisation ; elle implique une coordination et généralement aussi une subordination d’éléments les uns aux autres ; elle offre donc, ou simplement vécu ou, de plus, représenté, un ensemble de règles ou de lois. Mais, dans une ruche ou dans une fourmilière, l’individu est rivé à son emploi par sa structure, et l’organisation est relativement invariable, tandis que la cité humaine est de forme variable, ouverte à tous les progrès. Il en résulte que, dans les premières, chaque règle est imposée par la nature, elle est nécessaire ; tandis que dans les autres une seule chose est naturelle, la nécessité d’une règle.

BERGSON Les deux Sources de la morale et de la religion

2011 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le désir peut-il être comblé ?

2011 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le savant doit-il fuir l’incertitude ?

2011 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le despotisme de la coutume est partout l’obstacle qui défie le progrès humain, parce qu’il livre une dispute incessante à cette disposition de viser mieux que l’ordinaire, et qu’on appelle, suivant les circonstances, esprit de liberté, esprit de progrès et d’amélioration. L’esprit de progrès n’est pas toujours un esprit de liberté, car il peut chercher à imposer le progrès à un peuple réticent ; et l’esprit de liberté, quand il résiste à de tels efforts, peut s’allier localement et temporairement aux adversaires du progrès ; mais la seule source d’amélioration intarissable et permanente du progrès est la liberté, puisque grâce à elle, il peut y avoir autant de foyers de progrès que d’individus. Quoi qu’il en soit, le principe progressif, sous ses deux formes d’amour de la liberté et d’amour de l’amélioration, s’oppose à l’empire de la Coutume, car il implique au moins l’affranchissement de ce joug ; et la lutte entre ces deux forces constitue le principal intérêt de l’histoire de l’humanité.

MILL De la Liberté

2011 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Sommes-nous maîtres de nos pensées ?

2011 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il considérer le travail comme un mal nécessaire ?

2011 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Si (...) je dis que cette chaise est une bonne chaise, cela veut dire qu’elle satisfait un certain but prédéterminé et, en ce cas, le mot "bon" n’a de signification que pour autant que ce but a été préalablement fixé. En fait, le mot bon pris au sens relatif veut simplement dire conforme à un certain standard prédéterminé. Ainsi, quand nous disons d’un homme qu’il est un bon pianiste, nous voulons dire qu’il peut jouer avec un certain degré de dextérité des partitions d’un certain degré de difficulté. De même, si je dis qu’il m’importe de ne pas attraper froid, je veux dire qu’un refroidissement provoque, dans ma vie, un certain nombre de désagréments qui sont descriptibles, et si je dis d’une route qu’elle est la route correcte, je veux dire qu’elle est correcte par rapport à un certain but. Ces expressions, si elles sont employées de cette façon, ne nous confrontent à aucune difficulté ni à aucun problème profond. Mais ce n’est pas ainsi que l’Éthique les emploie. Supposez que je sache jouer au tennis et que l’un d’entre vous qui me voit jouer dise : "Vous jouez vraiment mal", et supposez que je lui réponde : "Je sais que je joue mal, mais je ne veux pas mieux jouer", tout ce qu’il pourrait dire est : "En ce cas tout est pour le mieux". Mais supposez que j’aie raconté à l’un d’entre vous un incroyable mensonge et qu’il vienne vers moi en me disant : "Tu te conduis comme un goujat", et que je lui réponde : "Je sais que je me conduis mal, mais je ne veux pas mieux me conduire", pourrait-il dire alors : "Dans ce cas tout est pour le mieux" ? Certainement pas. Il dirait : "Eh bien, tu dois vouloir mieux te conduire". Vous avez ici un jugement de valeur absolu, alors que le premier exemple était seulement un jugement relatif.

WITTGENSTEIN Conférence sur l’Éthique

2011 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Croire, est-ce renoncer à la raison ?

2011 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Tout échange est-il bienfaisant ?

2011 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE C’est seulement à partir du moment où la condition de la nature humaine est devenue hautement artificielle qu’on a conçu l’idée - ou, selon moi, qu’il a été possible de concevoir l’idée - que la bonté est naturelle : car ce n’est qu’après une longue pratique d’une éducation artificielle que les bons sentiments sont devenus si habituels, et ont si bien pris le dessus sur les mauvais, qu’ils se manifestent spontanément quand les circonstances le demandent. A l’époque où l’humanité a été plus proche de son état naturel, les observateurs plus civilisés d’alors voyaient l’homme "naturel" comme une sorte d’animal sauvage, se distinguant des autres animaux principalement par sa plus grande astuce : ils considéraient toute qualité estimable du caractère comme le résultat d’une sorte de dressage, expression par laquelle les anciens philosophes désignaient souvent la discipline qui convient aux êtres humains. La vérité est qu’on peine à trouver un seul trait d’excellence dans le caractère de l’homme qui ne soit en nette contradiction avec les sentiments spontanés de la nature humaine.

MILL La Nature

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez

a) "les bons sentiments sont devenus si habituels" ;

b) " la vérité est qu’on a peine à trouver un seul trait d’excellence dans le caractère de l’homme qui ne soit en nette contradiction avec les sentiments spontanés de la nature humaine".

3° La culture nous rend-elle meilleurs ?

2011 ES INDE NORMALE Suis-je responsable de ce que je suis ?

2011 ES INDE NORMALE L’État doit-il viser le bonheur des individus ?

2011 ES INDE NORMALE Quelle est la fonction primitive du langage ? C’est d’établir une communication en vue d’une coopération. Le langage transmet des ordres ou des avertissements. Il prescrit ou il décrit. Dans le premier cas, c’est l’appel à l’action immédiate ; dans le second, c’est le signalement de la chose ou de quelqu’une de ses propriétés, en vue de l’action future. Mais, dans un cas comme dans l’autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale. Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain. Les propriétés qu’il signale sont les appels de la chose à une activité humaine. Le mot sera donc le même, comme nous le disions, quand la démarche suggérée sera la même, et notre esprit attribuera à des choses diverses la même propriété, se les représentera de la même manière, les groupera enfin sous la même idée, partout où la suggestion du même parti à tirer, de la même action à faire, suscitera le même mot. Telles sont les origines du mot et de l’idée. L’un et l’autre ont sans doute évolué. Ils ne sont plus aussi grossièrement utilitaires. Ils restent utilitaires cependant.

BERGSON La Pensée et le mouvant

2011 L INDE NORMALE Percevoir est-ce connaître ?

2011 L INDE NORMALE Reconnaît-on l’artiste à son savoir-faire ?

2011 L INDE NORMALE Il n’y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d’autrui, et qui ne suppose beaucoup plus de vérités qu’il n’en établit.

Ceci est non seulement nécessaire, mais désirable. Un homme qui entreprendrait d’examiner tout par lui-même ne pourrait accorder que peu de temps et d’attention à chaque chose ; ce travail tiendrait son esprit dans une agitation perpétuelle qui l’empêcherait de pénétrer profondément dans aucune vérité et de se fixer avec solidité dans aucune certitude. Son intelligence serait tout à la fois indépendante et débile (1). Il faut donc que, parmi les divers objets des opinions humaines, il fasse un choix et qu’il adopte beaucoup de croyances sans les discuter, afin d’en mieux approfondir un petit nombre dont il s’est réservé l’examen.

Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d’autrui met son esprit en esclavage ; mais c’est une servitude salutaire qui permet de faire un bon usage de la liberté.

Il faut donc toujours, quoi qu’il arrive, que l’autorité se rencontre quelque part dans le monde intellectuel et moral. Sa place est variable, mais elle a nécessairement une place. L’indépendance individuelle peut être plus ou moins grande ; elle ne saurait être sans bornes. Ainsi, la question n’est pas de savoir s’il existe une autorité intellectuelle dans les siècles démocratiques, mais seulement où en est le dépôt et quelle en sera la mesure.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

2011 S INDE NORMALE Est-il raisonnable de vouloir tout démontrer ?

2011 S INDE NORMALE Rendre les hommes meilleurs, est-ce le but de la politique ?

2011 S INDE NORMALE L’homme est capable de délibération, et, en vertu de cette faculté, il a, entre divers actes possibles, un choix beaucoup plus étendu que l’animal. Il y a déjà là pour lui une liberté relative, car il devient indépendant de la contrainte immédiate des objets présents, à l’action desquels la volonté de l’animal est absolument soumise. L’homme, au contraire, se détermine indépendamment des objets présents, d’après des idées, qui sont ses motifs à lui. Cette liberté relative n’est en réalité pas autre chose que le libre arbitre tel que l’entendent des personnes instruites, mais peu habituées à aller au fond des choses : elles reconnaissent avec raison dans cette faculté un privilège exclusif de l’homme sur les animaux. Mais cette liberté n’est pourtant que relative, parce qu’elle nous soustrait à la contrainte des objets présents, et comparative, en ce qu’elle nous rend supérieurs aux animaux. Elle ne fait que modifier la manière dont s’exerce la motivation, mais la nécessité de l’action des motifs n’est nullement suspendue, ni même diminuée.

SCHOPENHAUER Essai sur le libre arbitre

2011 TECHN. INDE NORMALE Suffit-il d’être certain pour avoir raison ?

2011 TECHN. INDE NORMALE Être libre, est-ce n’obéir qu’à soi ?

2011 TECHN. INDE NORMALE La sauvagerie, force et puissance de l’homme dominé par les passions, (...) peut être adoucie par l’art, dans la mesure où celui-ci représente à l’homme les passions elles-mêmes, les instincts et, en général, l’homme tel qu’il est. Et en se bornant à dérouler le tableau des passions, l’art, alors même qu’il les flatte, le fait pour montrer à l’homme ce qu’il est, pour l’en rendre conscient. C’est déjà en cela que consiste son action adoucissante, car il met ainsi l’homme en présence de ses instincts, comme s’ils étaient en dehors de lui, et lui confère de ce fait une certaine liberté à leur égard. Sous ce rapport, on peut dire de l’art qu’il est un libérateur. Les passions perdent leur force, du fait même qu’elles sont devenues objets de représentations, objets tout court. L’objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs, plus ou moins étrangers. Par son passage dans la représentation, le sentiment sort de l’état de concentration dans lequel il se trouvait en nous et s’offre à notre libre jugement. Il en est des passions comme de la douleur : le premier moyen que la nature met à notre disposition pour obtenir un soulagement d’une douleur qui nous accable, sont les larmes ; pleurer, c’est déjà être consolé. Le soulagement s’accentue ensuite au cours de conversations avec des amis, et le besoin d’être soulagé et consolé peut nous pousser jusqu’à composer des poésies. C’est ainsi que dès qu’un homme qui se trouve plongé dans la douleur et absorbé par elle est à même d’extérioriser cette douleur, il s’en sent soulagé, et ce qui le soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures. Ce dernier moyen est encore plus efficace.

HEGEL

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° En vous appuyant sur des exemples que vous analyserez, expliquez :

a) "l’art, alors même qu’il les flatte, le fait pour montrer à l’homme ce qu’il est" ;

b) "L’objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs" ;

c) "ce qui le soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures".

3° L’art nous libère-t-il de la violence des sentiments ?

2011 ES ISRAËL NORMALE Peut-on connaître sans faire usage de la raison ?

2011 ES ISRAËL NORMALE Est-il injuste d’exploiter le travail d’autrui ?

2011 ES ISRAËL NORMALE Cette notion de "propriété" par quoi on explique si souvent l’amour ne saurait être première. Pourquoi voudrais-je m’approprier autrui si ce n’était justement en tant qu’Autrui me fait être ? Mais cela implique justement un certain mode d’appropriation : c’est de la liberté de l’autre en tant que telle que nous voulons nous emparer. Et non par volonté de puissance : le tyran se moque de l’amour ; il se contente de la peur. S’il recherche l’amour de ses sujets, c’est par politique et s’il trouve un moyen plus économique de les asservir, il l’adopte aussitôt. Au contraire, celui qui veut être aimé ne désire pas l’asservissement de l’être aimé. Il ne tient pas à devenir l’objet d’une passion débordante et mécanique. Il ne veut pas posséder un automatisme, et si on veut l’humilier, il suffit de lui représenter la passion de l’aimé comme le résultat d’un déterminisme psychologique : l’amant se sentira dévalorisé dans son amour et dans son être. Si Tristan et Iseut sont affolés par un philtre, ils intéressent moins ; et il arrive qu’un asservissement total de l’être aimé tue l’amour de l’amant. Le but est dépassé : l’amant se retrouve seul si l’aimé s’est transformé en automate. Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède une chose ; il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté.

SARTRE L’Être et le néant

2011 L ISRAËL NORMALE Ne désire-t-on que ce que désire autrui ?

2011 L ISRAËL NORMALE Le renouvellement des théories scientifiques doit-il faire douter de la vérité de la science ?

2011 L ISRAËL NORMALE Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. (...) Partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement. Le commerçant qui développe ses affaires, le chef d’usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en raison de l’argent qu’il gagne et de la notoriété qu’il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans la satisfaction qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu’il goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir appelé quelque chose à la vie.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2011 S ISRAËL NORMALE Suffit-il d’avoir bonne conscience pour être sûr d’agir moralement ?

2011 S ISRAËL NORMALE Connaissons-nous immédiatement le réel ?

2011 S ISRAËL NORMALE Quoi que nous fassions nous sommes censés le faire pour "gagner notre vie" ; tel est le verdict de la société, et le nombre des gens, des professionnels en particulier, qui pourraient protester a diminué très rapidement. La seule exception que consente la société concerne l’artiste qui, à strictement parler, est le dernier "ouvrier" dans une société du travail. La même tendance à rabaisser toutes les activités sérieuses au statut du gagne-pain se manifeste dans les plus récentes théories du travail, qui, presque unanimement, définissent le travail comme le contraire du jeu. En conséquence, toutes les activités sérieuses, quels qu’en soient les résultats, reçoivent le nom de travail et toute activité qui n’est nécessaire ni à la vie de l’individu ni au processus vital de la société est rangée parmi les amusements. Dans ces théories qui, en répercutant au niveau théorique l’opinion courante d’une société de travail, la durcissent et la conduisent à ses extrêmes, il ne reste même plus l’"oeuvre" de l’artiste : elle se dissout dans le jeu, elle perd son sens pour le monde. On a le sentiment que l’amusement de l’artiste remplit la même fonction dans le processus vital de travail de la société que le tennis ou les passe-temps dans la vie de l’individu.

ARENDT Condition de l’homme moderne

2011 ES JAPON NORMALE L’art nous réconcilie-t-il avec le monde ?

2011 ES JAPON NORMALE Une société sans État est-elle possible ?

2011 ES JAPON NORMALE Les hommes, pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs et dogmatiques dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d’un seul côté et qu’ils n’ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n’ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion et suspend leur action. Ils sont donc impatients de s’évader d’un état qui leur est aussi désagréable, et ils pensent que jamais ils ne peuvent s’en écarter assez loin par la violence de leurs affirmations et l’obstination de leur croyance. Mais si de tels raisonneurs dogmatiques pouvaient prendre conscience des étranges infirmités de l’esprit humain, même dans son état de plus grande perfection, même lorsqu’il est le plus précis et le plus prudent dans ses décisions, une telle réflexion leur inspirerait naturellement plus de modestie et de réserve et diminuerait l’opinion avantageuse qu’ils ont d’eux-mêmes et leur préjugé contre leurs adversaires. Les ignorants peuvent réfléchir à la disposition des savants, qui jouissent de tous les avantages de l’étude et de la réflexion et sont encore défiants dans leurs affirmations ; et si quelques savants inclinaient, par leur caractère naturel, à la suffisance et à l’obstination, une légère teinte de pyrrhonisme (1) pourrait abattre leur orgueil en leur montrant que les quelques avantages qu’ils ont pu obtenir sur leurs compagnons sont de peu d’importance si on les compare à la perplexité et à la confusion universelles qui sont inhérentes à la nature humaine. En général, il y a un degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les décisions de tout genre, doit toujours accompagner l’homme qui raisonne correctement.

HUME Enquête sur l’entendement humain

(1) pyrrhonisme : scepticisme

2011 L JAPON NORMALE Les conventions sociales peuvent-elles tenir lieu de morale ?

2011 L JAPON NORMALE Toute réalité est-elle matérielle ?

2011 L JAPON NORMALE L’histoire est une connaissance, sans être une science, car nulle part elle ne connaît le particulier par le moyen de l’universel, mais elle doit saisir immédiatement le fait individuel, et, pour ainsi dire, elle est condamnée à ramper sur le terrain de l’expérience. Les sciences réelles au contraire planent plus haut, grâce aux vastes notions qu’elles ont acquises, et qui leur permettent de dominer le particulier, d’apercevoir, du moins dans de certaines limites, la possibilité des choses comprises dans leur domaine, de se rassurer enfin aussi contre les surprises de l’avenir. Les sciences, systèmes de concepts, ne parlent jamais que des genres ; l’histoire ne traite que des individus. Elle serait donc une science des individus, ce qui implique contradiction. Il s’ensuit encore que les sciences parlent toutes de ce qui est toujours, tandis que l’histoire rapporte ce qui a été une seule fois et n’existe plus jamais ensuite. De plus, si l’histoire s’occupe exclusivement du particulier et de l’individuel, qui, de sa nature, est inépuisable, elle ne parviendra qu’à une demi-connaissance toujours imparfaite.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation

2011 S JAPON NORMALE Le réel est-il une construction de la raison ?

2011 S JAPON NORMALE Travailler, est-ce s’accomplir ?

2011 S JAPON NORMALE Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l’homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d’y prendre une forme constante. Tout change autour de nous. Nous changeons nous-même et nul ne peut s’assurer qu’il aimera demain ce qu’il aime aujourd’hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie sont des chimères. Profitons du contentement d’esprit quand il vient ; gardons-nous de l’éloigner par notre faute, mais ne faisons pas des projets pour l’enchaîner, car ces projets-là sont de pures folies. J’ai peu vu d’hommes heureux, peut-être point ; mais j’ai souvent vu des coeurs contents, et de tous les objets qui m’ont frappé c’est celui qui m’a le plus contenté moi-même. Je crois que c’est une suite naturelle du pouvoir des sensations sur mes sentiments internes. Le bonheur n’a point d’enseigne extérieure (1) ; pour le connaître il faudrait lire dans le coeur de l’homme heureux ; mais le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l’accent, dans la démarche et semble se communiquer à celui qui l’aperçoit.

ROUSSEAU Rêveries du promeneur solitaire.

(1) Marque apparente.

2011 ES LA RÉUNION NORMALE Les faits historiques doivent-ils être interprétés ?

2011 ES LA RÉUNION NORMALE Travailler, est-ce s’affranchir de toute dépendance ?

2011 ES LA RÉUNION NORMALE L’être humain parle. Nous parlons éveillés ; nous parlons en rêve. Nous parlons sans cesse, même quand nous ne proférons aucune parole, et que nous ne faisons qu’écouter ou lire ; nous parlons même si, n’écoutant plus vraiment, ni ne lisant, nous nous adonnons à un travail, ou bien nous abandonnons à ne rien faire. Constamment nous parlons, d’une manière ou d’une autre. Nous parlons parce que parler nous est naturel. Cela ne provient pas d’une volonté de parler qui serait antérieure à la parole. On dit que l’homme possède la parole par nature. L’enseignement traditionnel veut que l’homme soit, à la différence de la plante et de la bête, le vivant capable de parole. Cette affirmation ne signifie pas seulement qu’à côté d’autres facultés, l’homme possède aussi celle de parler. Elle veut dire que c’est bien la parole qui rend l’homme capable d’être le vivant qu’il est en tant qu’homme. L’homme est homme en tant qu’il est celui qui parle.

HEIDEGGER Acheminement vers la parole

2011 L LA RÉUNION NORMALE N’y a-t-il de preuve que par la démonstration ?

2011 L LA RÉUNION NORMALE Est-il vrai que seul le présent existe ?

2011 L LA RÉUNION NORMALE Il est assez curieux qu’en parlant du devoir on pense à quelque chose d’extérieur bien que le mot lui-même indique qu’il s’applique à quelque chose d’intérieur ; car ce qui m’incombe, non pas comme à un individu accidentel, mais d’après ma vraie nature, est bien dans le rapport le plus intime avec moi-même. Le devoir n’est pas une consigne, mais quelque chose qui incombe. Si un individu regarde ainsi le devoir, cela prouve qu’il s’est orienté en lui-même. Alors le devoir ne se démembrera pas pour lui en une quantité de dispositions particulières, ce qui indique toujours qu’il ne se trouve qu’en un rapport extérieur avec lui. Il s’est revêtu du devoir, qui est pour lui l’expression de sa nature la plus intime. Ainsi orienté en lui-même, il a approfondi l’éthique et il ne sera pas essoufflé en faisant son possible pour remplir ses devoirs. L’individu vraiment éthique éprouve par conséquent de la tranquillité et de l’assurance, parce qu’il n’a pas le devoir hors de lui, mais en lui. Plus un homme a fondé profondément sa vie sur l’éthique, moins il sentira le besoin de parler constamment du devoir, de s’inquiéter pour savoir s’il le remplit, de consulter à chaque instant les autres pour le connaître enfin. Si l’éthique est correctement comprise, elle rend l’individu infiniment sûr de lui-même ; dans le cas contraire elle le rend tout à fait indécis, et je ne peux pas m’imaginer une existence plus malheureuse ou plus pénible que celle d’un homme à qui le devoir est devenu extérieur et qui, cependant, désire toujours le réaliser.

KIERKEGAARD Ou bien... ou bien...

2011 S LA RÉUNION NORMALE Peut-on vivre heureux dans l’injustice ?

2011 S LA RÉUNION NORMALE Pour connaître, faut-il toujours renoncer à croire ?

2011 S LA RÉUNION NORMALE Comme tout ce qui entre dans l’entendement humain y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive ; c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle : nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres à tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous apprendre à nous servir de la raison d’autrui ; c’est nous apprendre à beaucoup croire, et à ne jamais rien savoir.

Pour exercer un art, il faut commencer par s’en procurer les instruments, et, pour pouvoir employer utilement ces instruments, il faut les faire assez solides pour résister à leur usage. Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence ; et pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il faut que le corps, qui les fournit, soit robuste et sain. Ainsi, loin que la véritable raison de l’homme se forme indépendamment du corps, c’est la bonne constitution du corps qui rend les opérations de l’esprit faciles et sûres.

ROUSSEAU Émile

2011 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Y a-t-il un sens à résister à la technique ?

2011 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Est-ce l’ignorance qui nous fait croire ?

2011 TECHN. LA RÉUNION NORMALE L’état de société s’est imposé comme une solution naturelle, en vue de dissiper la crainte et d’éliminer les circonstances malheureuses auxquelles tous étaient exposés. Son but principal ne diffère donc pas de celui que tout homme raisonnable devrait s’efforcer d’atteindre - quoique sans aucune chance de succès (...) - dans un état strictement naturel. D’où l’évidence de cette proposition : alors même qu’un homme raisonnable se verrait un jour, pour obéir à son pays, contraint d’accomplir une action certainement contraire aux exigences de la raison, cet inconvénient particulier serait compensé, et au-delà, par tout le bien dont le fait bénéficier en général l’état de société. L’une des lois de la raison prescrit que de deux maux nous choisissons le moindre ; il est donc permis de soutenir que jamais personne n’accomplit une action contraire à ce que lui dicte sa raison, en se conformant aux lois de son pays.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis ses différentes étapes.

2° Expliquez :

a) "Son but principal ne diffère donc pas de celui que tout homme raisonnable devrait s’efforcer d’atteindre" ;

b) "cet inconvénient particulier serait compensé, et au-delà, par tout le bien dont le fait bénéficier en général l’état de société" ;

c) "L’une des lois de la raison prescrit que de deux maux nous choisissons le moindre".

3° Est-il toujours raisonnable d’obéir aux lois ?

2011 ES LIBAN NORMALE Parle-t-on seulement pour être compris ?

2011 ES LIBAN NORMALE Peut-on ne pas connaître son bonheur ?

2011 ES LIBAN NORMALE La société (...) est la source et le lieu de tous les biens intellectuels qui constituent la civilisation. C’est de la société que nous vient tout l’essentiel de notre vie mentale. Notre raison individuelle est et vaut ce que vaut cette raison collective et impersonnelle qu’est la science, qui est une chose sociale au premier chef et par la manière dont elle se fait et par la manière dont elle se conserve. Nos facultés esthétiques, la finesse de notre goût dépendent de ce qu’est l’art, chose sociale au même titre. C’est à la société que nous devons notre empire sur les choses qui fait partie de notre grandeur. C’est elle qui nous affranchit de la nature. N’est-il pas naturel dès lors que nous nous la représentions comme un être psychique supérieur à celui que nous sommes et d’où ce dernier émane ? Par suite, on s’explique que, quand elle réclame de nous ces sacrifices petits ou grands qui forment la trame de la vie morale, nous nous inclinions devant elle avec déférence.

Le croyant s’incline devant Dieu, parce que c’est de Dieu qu’il croit tenir l’être, et particulièrement son être mental, son âme. Nous avons les mêmes raisons d’éprouver ce sentiment pour la collectivité.

DURKHEIM Sociologie et Philosophie

2011 L LIBAN NORMALE L’hypothèse de l’inconscient est-elle nécessaire à la connaissance de soi ?

2011 L LIBAN NORMALE De quoi l’expérience nous instruit-elle ?

2011 L LIBAN NORMALE Tous les ouvrages de l’art ont des règles générales, qui sont des guides qu’il ne faut jamais perdre de vue. Mais comme les lois sont toujours justes dans leur être général, mais presque toujours injustes dans l’application, de même les règles, toujours vraies dans la théorie, peuvent devenir fausses dans l’hypothèse (1). Les peintres et les sculpteurs ont établi les proportions qu’il faut donner au corps humain, et ont pris pour mesure commune la longueur de la face ; mais il faut qu’ils violent à chaque instant les proportions à cause des différentes attitudes dans lesquelles il faut qu’ils mettent les corps ; par exemple, un bras tendu est bien plus long que celui qui ne l’est pas. Personne n’a jamais plus connu l’art que Michel-Ange ; personne ne s’en est joué davantage. Il y a peu de ses ouvrages d’architecture où les proportions soient exactement gardées ; mais, avec une connaissance exacte de tout ce qui peut faire plaisir, il semblait qu’il eût un art à part pour chaque ouvrage.

Quoique chaque effet dépende d’une cause générale, il s’y mêle tant de causes particulières que chaque effet a, en quelque façon, une cause à part : ainsi l’art donne les règles, et le goût les exceptions ; le goût nous découvre en quelles occasions l’art doit soumettre (2), et en quelles occasions il doit être soumis.

MONTESQUIEU Essai sur le goût

(1) "Hypothèse" : ce mot désigne ici une idée destinée à s’adapter à un cas particulier.

(2) En quelles occasions les règles de l’art doivent prévaloir.

2011 S LIBAN NORMALE La connaissance scientifique ne repose-t-elle que sur l’observation ?

2011 S LIBAN NORMALE Pour gouverner, faut-il nécessairement sacrifier les intérêts particuliers ?

2011 S LIBAN NORMALE nous procure (...) l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu’il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-même. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain. C’est ce que l’art a pour tâche de représenter, et il le fait au moyen de l’apparence qui, comme telle, nous est indifférente, dès l’instant où elle sert à éveiller en nous le sentiment et la conscience de quelque chose de plus élevé. C’est ainsi que l’art renseigne l’homme sur l’humain, éveille des sentiments endormis, nous met en présence des vrais intérêts de l’esprit. Nous voyons ainsi que l’art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s’agitent dans l’âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme. "Rien de ce qui est humain ne m’est étranger" : telle est la devise qu’on peut appliquer à l’art.

HEGEL Esthétique

2011 ES MÉTROPOLE NORMALE La liberté est-elle menacée par l’égalité ?

2011 ES MÉTROPOLE NORMALE L’art est-il moins nécessaire que la science ?

2011 ES MÉTROPOLE NORMALE Si c’est l’intérêt et un vil calcul qui me rendent généreux, si je ne suis jamais serviable que pour obtenir en échange un service, je ne ferai pas de bien à celui qui part pour des pays situés sous d’autres cieux, éloignés du mien, qui s’absente pour toujours ; je ne donnerai pas à celui dont la santé est compromise au point qu’il ne lui reste aucun espoir de guérison ; je ne donnerai pas, si moi-même je sens décliner mes forces, car je n’ai plus le temps de rentrer dans mes avances. Et pourtant (ceci pour te prouver que la bienfaisance est une pratique désirable en soi) l’étranger qui tout à l’heure s’en est venu atterrir dans notre port et qui doit tout de suite repartir reçoit notre assistance ; à l’inconnu qui a fait naufrage nous donnons, pour qu’il soit rapatrié, un navire tout équipé. Il part, connaissant à peine l’auteur de son salut ; comme il ne doit jamais plus revenir à portée de nos regards il transfère sa dette aux dieux mêmes et il leur demande dans sa prière de reconnaître à sa place notre bienfait ; en attendant nous trouvons du charme au sentiment d’avoir fait un peu de bien dont nous ne recueillerons pas le fruit. Et lorsque nous sommes arrivés au terme de la vie, que nous réglons nos dispositions testamentaires, n’est-il pas vrai que nous répartissons des bienfaits dont il ne nous reviendra aucun profit ? Combien d’heures l’on y passe ! Que de temps on discute, seul avec soi-même, pour savoir combien donner et à qui ! Qu’importe, en vérité, de savoir à qui l’on veut donner puisqu’il ne nous en reviendra rien en aucun cas ? Pourtant, jamais nous ne donnons plus méticuleusement ; jamais nos choix ne sont soumis à un contrôle plus rigoureux qu’à l’heure où, l’intérêt n’existant plus, seule l’idée du bien se dresse devant notre regard.

SÉNÈQUE Les Bienfaits

2011 L MÉTROPOLE NORMALE Peut-on prouver une hypothèse scientifique ?

2011 L MÉTROPOLE NORMALE L’homme est-il condamné à se faire des illusions sur lui-même ?

2011 L MÉTROPOLE NORMALE Nous disons bonnes les vertus d’un homme, non pas à cause des résultats qu’elles peuvent avoir pour lui, mais à cause des résultats qu’elles peuvent avoir pour nous et pour la société : dans l’éloge de la vertu on n’a jamais été bien "désintéressé", on n’a jamais été bien "altruiste" ! On aurait remarqué, sans cela, que les vertus (comme l’application, l’obéissance, la chasteté, la piété, la justice) sont généralement nuisibles à celui qui les possède, parce que ce sont des instincts qui règnent en lui trop violemment, trop avidement, et ne veulent à aucun prix se laisser contrebalancer raisonnablement par les autres. Quand on possède une vertu, une vraie vertu, une vertu complète (non une petite tendance à l’avoir), on est victime de cette vertu ! Et c’est précisément pourquoi le voisin en fait la louange ! On loue l’homme zélé bien que son zèle gâte sa vue, qu’il use la spontanéité et la fraîcheur de son esprit : on vante, on plaint le jeune homme qui s’est "tué à la tâche " parce qu’on pense : "Pour l’ensemble social, perdre la meilleure unité n’est encore qu’un petit sacrifice ! Il est fâcheux que ce sacrifice soit nécessaire ! Mais il serait bien plus fâcheux que l’individu pensât différemment, qu’il attachât plus d’importance à se conserver et à se développer qu’à travailler au service de tous !" On ne plaint donc pas ce jeune homme à cause de lui-même, mais parce que sa mort a fait perdre à la société un instrument soumis, sans égards pour lui-même, bref un "brave homme", comme on dit.

NIETZSCHE Le gai Savoir

2011 S MÉTROPOLE NORMALE La culture dénature-t-elle l’homme ?

2011 S MÉTROPOLE NORMALE Peut-on avoir raison contre les faits ?

2011 S MÉTROPOLE NORMALE Chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce qu’on appréhende plus de blesser ceux dont l’affection est plus utile et l’aversion plus dangereuse. Un prince sera la fable de toute l’Europe, et lui seul n’en saura rien. Je ne m’en étonne pas : dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr. Or, ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui du prince qu’ils servent ; et ainsi, ils n’ont garde de lui procurer un avantage en se nuisant à eux-mêmes.

Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les moindres n’en sont pas exemptes, parce qu’il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L’union qui est entre les hommes n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion.

L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur.

PASCAL Pensées

2011 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’art est-il un moyen d’accéder à la vérité ?

2011 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Est-ce la loi qui définit ce qui est juste ?

2011 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Notre conscience nous avertit (...) que nous sommes des êtres libres. Avant d’accomplir une action, quelle qu’elle soit, nous nous disons que nous pourrions nous en abstenir. Nous concevons (...) divers motifs et par conséquent diverses actions possibles, et après avoir agi, nous nous disons encore que, si nous avions voulu, nous aurions pu autrement faire. - Sinon, comment s’expliquerait le regret d’une action accomplie ? Regrette-t-on ce qui ne pouvait pas être autrement qu’il n’a été ? Ne nous disons-nous pas quelquefois : "Si j’avais su, j’aurais autrement agi ; j’ai eu tort." On ne s’attaque ainsi rétrospectivement qu’à des actes contingents ou qui paraissent l’être. Le remords ne s’expliquerait pas plus que le regret si nous n’étions pas libres ; car comment éprouver de la douleur pour une action accomplie et qui ne pouvait pas ne pas s’accomplir ? - Donc, un fait est indiscutable, c’est que notre conscience témoigne de notre liberté.

BERGSON

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Analysez ce que nous disons avant d’accomplir une action et après avoir agi. En quoi ce témoignage de notre conscience montre-t-il que "nous sommes des êtres libres" ?

b) en prenant appui sur un exemple, expliquez : "On ne s’attaque ainsi rétrospectivement qu’à des actes contingents ou qui paraissent l’être" ;

c) expliquez : "Le remords ne s’expliquerait pas plus que le regret si nous n’étions pas libres".

3. Notre conscience témoigne-t-elle de notre liberté ?

2011 TMD MÉTROPOLE NORMALE La maîtrise de soi dépend-elle de la connaissance de soi ?

2011 TMD MÉTROPOLE NORMALE Ressentir l’injustice m’apprend-il ce qui est juste ?

2011 TMD MÉTROPOLE NORMALE Les artistes ont quelque intérêt à ce que l’on croie à leurs intuitions subites, à leurs prétendues inspirations ; comme si l’idée de l’oeuvre d’art, du poème, la pensée fondamentale d’une philosophie tombaient du ciel tel un rayon de la grâce (1). En vérité, l’imagination du bon artiste, ou penseur, ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine ; on voit ainsi aujourd’hui, par les Carnets de Beethoven (2), qu’il a composé ses plus magnifiques mélodies petit à petit, les tirant pour ainsi dire d’esquisses multiples. Quant à celui qui est moins sévère dans son choix et s’en remet volontiers à sa mémoire reproductrice, il pourra le cas échéant devenir un grand improvisateur ; mais c’est un bas niveau que celui de l’improvisation artistique au regard de l’idée choisie avec peine et sérieux pour une oeuvre. Tous les grands hommes étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s’agissait d’inventer, mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d’arranger.

NIETZSCHE

(1) un rayon de la grâce : une intervention divine.

(2) Beethoven : compositeur allemand (1770-1827).

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° Expliquez :

a) "l’imagination du bon artiste (...) ne cesse pas de produire, du bon, du médiocre et du mauvais, mais son jugement, extrêmement aiguisé et exercé, rejette, choisit, combine" ;

b) "c’est un bas niveau que celui de l’improvisation artistique au regard de l’idée choisie avec peine et sérieux pour une oeuvre".

3° La création artistique repose-t-elle sur le jugement plutôt que sur l’inspiration ?

2011 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT La science peut-elle faire disparaître la religion ?

2011 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Un homme peut-il m’être complètement étranger ?

2011 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ce n’est ni par nature, ni contrairement à la nature que naissent en nous les vertus, mais la nature nous a donné la capacité de les recevoir, et cette capacité est amenée à maturité par l’habitude. En outre, pour tout ce qui survient en nous par nature, nous le recevons d’abord à l’état de puissance, et c’est plus tard que nous le faisons passer à l’acte, comme cela est manifeste dans le cas des facultés sensibles (car ce n’est pas à la suite d’une multitude d’actes de vision ou d’une multitude d’actes d’audition que nous avons acquis les sens correspondants, mais c’est l’inverse : nous avions déjà les sens quand nous en avons fait usage, et ce n’est pas après en avoir fait usage que nous les avons eus). Pour les vertus, au contraire, leur possession suppose un exercice antérieur, comme c’est aussi le cas pour les autres arts. En effet, les choses qu’il faut avoir apprises pour les faire, c’est en les faisant que nous les apprenons : par exemple, c’est en construisant qu’on devient constructeur, et en jouant de la cithare qu’on devient cithariste ; ainsi encore, c’est en pratiquant les actions justes que nous devenons justes, les actions modérées que nous devenons modérés, et les actions courageuses que nous devenons courageux. Cette vérité est encore attestée par ce qui se passe dans les cités, où les législateurs rendent bons les citoyens en leur faisant contracter certaines habitudes : c’est même là le souhait de tout législateur, et s’il s’en acquitte mal, son oeuvre est manquée, et c’est en quoi une bonne constitution se distingue d’une mauvaise.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque

2011 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’oeuvre d’art ne s’adresse-t-elle qu’à nos sens ?

2011 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être en conflit avec soi-même ?

2011 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille. Encore les enfants ne restent-ils liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l’obéissance qu’ils devaient au père, le père, exempt des soins qu’il devait aux enfants, rentrent tous également dans l’indépendance. S’ils continuent de rester unis, ce n’est plus naturellement, c’est volontairement, et la famille elle-même ne se maintient que par convention.

Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l’homme. Sa première loi est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même, et, sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul étant juge des moyens propres à se conserver devient par là son propre maître.

La famille est donc, si l’on veut, le premier modèle des sociétés politiques ; le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que, dans la famille, l’amour du père pour ses enfants le paye des soins qu’il leur rend, et que, dans l’État, le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n’a pas pour ses peuples.

ROUSSEAU Contrat social

2011 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le bonheur est-il inaccessible ?

2011 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La raison s’oppose-t-elle à toute forme de croyance ?

2011 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’égalité est le fondement d’une bonne république. Une république est heureuse lorsque les citoyens obéissent aux magistrats (1), et que les magistrats respectent les lois. Or elle ne peut s’assurer de cette obéissance et de ce respect, qu’autant que par sa constitution elle confond (2) l’intérêt particulier avec le bien général ; et elle ne confond l’un avec l’autre, qu’à proportion qu’elle maintient une plus grande égalité entre ses membres.

Je ne veux pas parler d’une égalité de fortune, car le cours des choses la détruirait d’une génération à l’autre. Je n’entends pas non plus que tous les citoyens aient la même part aux honneurs ; puisque cela serait contradictoire à l’ordre de la société, qui demande que les uns gouvernent et que les autres soient gouvernés. Mais j’entends que tous les citoyens, également protégés par les lois, soient également assurés de ce qu’ils ont chacun en propre, et qu’ils aient également la liberté d’en jouir et d’en disposer. De là il résulte qu’aucun ne pourra nuire, et qu’on ne pourra nuire à aucun.

CONDILLAC

(1) magistrats (ici) : gouvernants.

(2) confondre (ici) : réunir pour ne former qu’un seul tout.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Pourquoi faut-il que "les citoyens obéissent aux magistrats, et que les magistrats respectent les lois" pour qu’une république soit "heureuse" ?

b) Pourquoi "l’intérêt particulier" et "le bien général" doivent-ils former un seul tout ?

c) Condillac distingue entre trois sortes d’égalité. Lesquelles ? Pourquoi seule la dernière est-elle indispensable à une "bonne république" ?

3° L’égalité est-elle le fondement d’une bonne république ?

2011 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Toute vérité est-elle démontrable ?

2011 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on ne pas vouloir être heureux ?

2011 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le but final de l’instauration d’un régime politique n’est pas la domination, ni la répression des hommes, ni leur soumission au joug d’un autre. Ce à quoi l’on a visé par un tel système, c’est à libérer l’individu de la crainte - de sorte que chacun vive, autant que possible, en sécurité ; en d’autres termes conserve au plus haut point son droit naturel de vivre et d’accomplir une action (sans nuire à soi-même, ni à autrui). Non, je le répète, le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates. Ce qu’on a voulu leur donner, c’est, bien plutôt, la pleine latitude de s’acquitter dans une sécurité parfaite des fonctions de leur corps et de leur esprit. Après quoi, ils seront en mesure de raisonner plus librement, ils ne s’affronteront plus avec les armes de la haine, de la colère, de la ruse et ils se traiteront mutuellement sans injustice. Bref, le but de l’organisation en société, c’est la liberté.

SPINOZA

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° En prenant appui sur le texte, expliquez :

a) "Ce à quoi l’on a visé par un tel système, c’est à libérer l’individu de la crainte" ;

b) "le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates" ;

c) "ils se traiteront mutuellement sans injustice".

3° La liberté est-elle le but final de l’organisation politique ?

2011 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il préférer la vérité à la paix ?

2011 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’esprit est-il plus libre que le corps ?

2011 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Plus on remonte dans le cours de l’histoire, plus l’individu, et par suite l’individu producteur lui aussi, apparaît dans un état de dépendance, membre d’un ensemble plus grand : cet état se manifeste d’abord de façon tout à fait naturelle dans la famille, et dans la famille élargie jusqu’à former la tribu ; puis dans les différentes formes de la communauté issue de l’opposition et de la fusion des tribus. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, dans la "société civile — bourgeoise", que les différentes formes de l’interdépendance sociale se présentent à l’individu comme un simple moyen de réaliser ses buts particuliers, comme une nécessité extérieure. Mais l’époque qui engendre ce point de vue, celui de l’individu singulier singularisé, est précisément celle où les rapports sociaux (et de ce point de vue universels) ont atteint le plus grand développement qu’ils aient connu. L’homme est, au sens le plus littéral, un zôon politikon (1), non seulement un animal sociable, mais un animal qui ne peut se constituer comme individu singulier que dans la société. La production réalisée en dehors de la société par cet individu singulier et singularisé — fait exceptionnel qui peut bien arriver à un civilisé transporté par hasard dans un lieu désert et qui possède déjà en puissance les forces propres à la société — est chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d’individus vivant et parlant ensemble.

MARX Introduction à la Critique de l’économie politique

(1) zôon politikon : un animal politique

2011 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une pensée peut-elle être inconsciente ?

2011 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’expérience peut-elle nous tromper ?

2011 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Étant donné en effet qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme leur étant le plus profitable. Car si nous prenons le mot de liberté dans son sens propre de liberté corporelle, c’est-à-dire de n’être ni enchaîné ni emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde, de la part des hommes, de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas que les lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs), pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses qu’en réglementant leurs actions le souverain a passées sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable, et ainsi de suite.

HOBBES Léviathan

2011 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Est-ce l’intérêt qui fonde le lien social ?

2011 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La certitude est-elle une garantie de vérité ?

2011 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le caractère de l’homme est invariable : il reste le même pendant toute la durée de sa vie. Sous l’enveloppe changeante des années, des circonstances où il se trouve, même de ses connaissances et de ses opinions, demeure, comme l’écrevisse sous son écaille, l’homme identique et individuel, absolument immuable et toujours le même. Ce n’est que dans sa direction générale et dans sa matière que son caractère éprouve des modifications apparentes, qui résultent des différences d’âges, et des besoins divers qu’ils suscitent. L’homme même ne change jamais : comme il a agi dans un cas, il agira encore, si les mêmes circonstances se présentent (en supposant toutefois qu’il en possède une connaissance exacte). L’expérience de tous les jours peut nous fournir la confirmation de cette vérité : mais elle semble la plus frappante, quand on retrouve une personne de connaissance après vingt ou trente années, et qu’on découvre bientôt qu’elle n’a rien changé à ses procédés d’autrefois. - Sans doute plus d’un niera en paroles cette vérité : et cependant dans sa conduite il la présuppose sans cesse, par exemple quand il refuse à tout jamais sa confiance à celui qu’il a trouvé une seule fois malhonnête, et, inversement, lorsqu’il se confie volontiers à l’homme qui s’est un jour montré loyal. Car c’est sur elle que repose la possibilité de toute connaissance des hommes, ainsi que la ferme confiance que l’on a en ceux qui ont donné des marques incontestables de leur mérite.

SCHOPENHAUER Essai sur le libre arbitre.

2011 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La liberté se définit-elle comme un pouvoir de refuser ?

2011 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La science a-t-elle le monopole de la vérité ?

2011 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Rien ne sert de s’être débarrassé des causes de tristesse personnelle : quelquefois en effet, c’est le dégoût du genre humain qui nous envahit à l’idée de tous ces crimes qui réussissent à leurs auteurs. Quand on songe à quel point la droiture est rare et l’intégrité bien cachée ; quand on se dit que la loyauté ne se rencontre guère que lorsqu’elle est intéressée, que la débauche recueille des profits aussi détestables que ses pertes, que l’ambition politique, incapable de rester dans ses limites, va jusqu’à trouver son éclat dans la honte, alors l’âme s’enfonce dans la nuit ; et devant les ruines des vertus qu’il est aussi impossible d’espérer trouver qu’inutile de posséder, on se sent envahi par les ténèbres.

Aussi devons-nous prendre l’habitude de ne pas nous indigner de tous les vices de la foule, mais d’en rire, et d’imiter Démocrite plutôt qu’Héraclite : celui-ci ne pouvait sortir en ville sans pleurer, celui-là sans rire ; l’un ne voyait dans nos actes que misère, l’autre que sottise. Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions et les supporter avec bonne humeur : il est d’ailleurs plus conforme à la nature humaine de rire de la vie que d’en pleurer.

SÉNÈQUE

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "c’est le dégoût du genre humain qui nous envahit à l’idée de tous ces crimes qui réussissent à leurs auteurs" ;

b) "Aussi devons-nous prendre l’habitude de ne pas nous indigner de tous les vices de la foule, mais d’en rire" ;

c) "Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions et les supporter avec bonne humeur".

3° Peut-on être heureux dans un monde injuste ?

2011 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on à bon droit parler d’un homme sans culture ?

2011 ES POLYNÉSIE NORMALE L’erreur peut-elle être féconde ?

2011 ES POLYNÉSIE NORMALE Nous ne savons ce que c’est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie ; on n’y goûte aucun sentiment pur, on n’y reste pas deux moments dans le même état. Les affections de nos âmes, ainsi que les modifications de nos corps sont dans un flux continuel. Le bien et le mal nous sont communs à tous, mais en différentes mesures. Le plus heureux est celui qui souffre le moins de peines ; le plus misérable est celui qui sent le moins de plaisirs. Toujours plus de souffrances que de jouissances ; voilà la différence commune à tous. La félicité de l’homme d’ici-bas n’est donc qu’un état négatif ; on doit la mesurer par la moindre quantité de maux qu’il souffre.

Tout sentiment de peine est inséparable du désir de s’en délivrer ; toute idée de plaisir est inséparable du désir d’en jouir ; tout désir suppose privation, et toutes les privations qu’on sent sont pénibles ; c’est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère. Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absolument heureux.

En quoi consiste donc la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n’est précisément pas à diminuer nos désirs ; car, s’ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n’est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs s’étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n’en deviendrions que plus misérables ; mais c’est à diminuer l’excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C’est alors seulement que, toutes les facultés étant en action, l’âme cependant restera paisible, et que l’homme se trouvera bien ordonné.

ROUSSEAU Émile ou de l’Éducation

2011 L POLYNÉSIE NORMALE Nos erreurs viennent-elles de l’expérience ou de la théorie ?

2011 L POLYNÉSIE NORMALE Faut-il se donner des raisons d’exister ?

2011 L POLYNÉSIE NORMALE Le fait seul de vivre en société impose à chacun une certaine ligne de conduite envers autrui. Cette conduite consiste premièrement, à ne pas nuire aux intérêts d’autrui ou plutôt à certains de ces intérêts qui, soit par disposition expresse légale, soit par accord tacite, doivent être considérés comme des droits ; deuxièmement, à assumer sa propre part (à fixer selon un principe équitable) de travail et de sacrifices nécessaires pour défendre la société ou ses membres contre les préjudices et les vexations. Mais ce n’est pas là tout ce que la société peut faire. Les actes d’un individu peuvent être nuisibles aux autres, ou ne pas suffisamment prendre en compte leur bien-être, sans pour autant violer aucun de leurs droits constitués. Le coupable peut alors être justement puni par l’opinion, mais non par la loi. Dès que la conduite d’une personne devient préjudiciable aux intérêts d’autrui, la société a le droit de la juger, et la question de savoir si cette intervention favorisera ou non le bien-être général est alors ouverte à la discussion. Mais cette question n’a pas lieu d’être tant que la conduite de quelqu’un n’affecte que ses propres intérêts, ou tant qu’elle n’affecte les autres que s’ils le veulent bien, si tant est que les personnes concernées sont adultes et en possession de toutes leurs facultés. Dans tous les cas, on devrait avoir liberté complète - légale et sociale - d’entreprendre n’importe quelle action et d’en supporter les conséquences.

MILL De la Liberté

2011 S POLYNÉSIE NORMALE Le souci de l’ordre est-il une menace ou une garantie pour le citoyen ?

2011 S POLYNÉSIE NORMALE Une technique est-elle bonne parce qu’elle est efficace ?

2011 S POLYNÉSIE NORMALE L’âme commande au corps, et elle est immédiatement obéie. L’âme se commande à elle-même, et elle rencontre une résistance. L’âme commande à la main de remuer, et la chose se fait si facilement que c’est à peine si l’on peut distinguer l’ordre de son exécution. Et pourtant l’âme est âme, la main est corps. L’âme commande de vouloir à l’âme, c’est-à-dire à soi-même, et elle n’agit pas. D’où vient ce prodige ? Quelle en est la cause ? Elle lui commande, dis-je, de vouloir ; elle ne commanderait pas si elle ne voulait pas, et ce qu’elle commande ne s’exécute point.

C’est qu’elle ne veut pas totalement ; aussi ne commande-t-elle pas totalement. Elle ne commande que dans la mesure où elle veut, et la défaillance de l’exécution est en relation directe avec la défaillance de sa volonté, puisque la volonté appelle à l’être une volonté qui n’est pas autre chose qu’elle-même. Donc elle ne commande pas pleinement : voilà pourquoi son ordre ne s’exécute pas. Si elle se mettait tout entière dans son commandement, elle n’aurait pas besoin de se commander d’être, elle serait déjà. Cette volonté partagée qui veut à moitié, et à moitié ne veut pas, n’est donc nullement un prodige : c’est une maladie de l’âme. La vérité la soulève sans réussir à la redresser complètement, parce que l’habitude pèse sur elle de tout son poids. Il y a donc deux volontés, dont aucune n’est complète, et ce qui manque à l’une, l’autre le possède.

AUGUSTIN Les Confessions.

2011 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Faut-il se méfier des évidences ?

2011 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Est-ce la pensée qui nous rend libres ?

2011 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE J’apprends (...) à rendre un service à autrui, sans lui porter de tendresse réelle, parce que je prévois qu’il me le rendra dans l’espérance d’un autre service et afin de maintenir la même réciprocité de bons offices avec les autres ou avec moi. Et par suite, une fois que je lui ai rendu service et qu’il profite de l’effet bénéfique de mon action, il est conduit à accomplir sa part, prévoyant les conséquences qu’engendrerait son refus.

Mais bien que cet échange intéressé entre les hommes commence à s’établir et à prévaloir dans la société, il n’abolit pas entièrement les relations d’amitié et les bons offices, qui sont plus généreux et plus nobles. Je peux encore rendre des services à des personnes que j’aime et que je connais plus particulièrement, sans avoir de profit en vue, et elles peuvent me le retourner de la même manière, sans autre intention que de récompenser mes services passés. Par conséquent, afin de distinguer ces deux sortes différentes d’échange, l’intéressé et celui qui ne l’est pas, il y a une certaine formule verbale inventée pour le premier, par laquelle nous nous engageons à l’accomplissement d’une action. Cette formule verbale constitue ce que nous appelons une promesse, qui est la sanction de l’échange intéressé entre les hommes. Quand quelqu’un dit qu’il promet quelque chose, il exprime en réalité une résolution d’accomplir cette chose et, en même temps, puisqu’il fait usage de cette formule verbale, il se soumet lui-même, en cas de dédit, à la punition qu’on ne se fie plus jamais à lui.

HUME

QUESTIONS :

1° Formulez l’idée directrice de ce texte et montrez quelles sont les étapes de son argumentation.

a) En vous appuyant sur le texte, expliquez ce qu’est un échange intéressé ;

b) en vous appuyant sur le texte, expliquez ce qu’est un échange désintéressé ;

c) analysez le rôle que joue la formule verbale de la promesse dans l’échange intéressé.

3° Un échange peut-il être désintéressé ?

2011 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’hypothèse de l’inconscient psychique revient-elle à admettre un autre moi en moi ?

2011 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT La recherche de l’efficacité technique exclut-elle le souci de la vérité ?

2011 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT On ne peut se dispenser d’exercer autant de pression qu’il est nécessaire pour empêcher les spécimens les plus vigoureux de la nature humaine d’empiéter sur les droits des autres ; mais à cela, on trouve ample compensation, même du point de vue du développement humain. Les moyens de développement que l’individu perd par l’interdiction de satisfaire des penchants nuisibles aux autres s’obtiennent surtout aux dépens du développement d’autrui. Et lui-même y trouve une compensation, car la contrainte imposée à son égoïsme autorise du même coup le meilleur développement possible de l’aspect social de sa nature. Le fait d’être astreint à suivre les règles strictes de la justice par égard pour les autres développe les sentiments et les facultés qui ont pour objet le bien des autres. Mais le fait de se contraindre à ne pas leur déplaire dans les occasions où l’on n’est pas susceptible de leur nuire, ne développe par ailleurs rien de bon, sinon une force de caractère qui se manifestera peut-être par une résistance à la contrainte. Si l’on se soumet, cette contrainte émousse et ternit entièrement le caractère. Pour donner une chance équitable à la nature de chacun, il faut que les personnes différentes aient la permission de mener des vies différentes. Les époques où une telle latitude a été laissée sont celles qui se signalent le plus à l’attention de la postérité. Le despotisme lui-même ne produit pas ses pires effets tant qu’il laisse subsister l’individualité ; et tout ce qui écrase l’individualité est un despotisme, quel que soit le nom qu’on lui donne, qu’il prétende imposer la volonté de Dieu ou les injonctions des hommes.

MILL De la liberté

2011 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Toute certitude est-elle fondée sur une vérité ?

2011 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Appartient-il aux lois d’éduquer les hommes ?

2011 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Tous sans exception, nous voulons être heureux ! Et cela, si nous ne le connaissions pas d’une connaissance déterminée, nous ne le voudrions pas d’une volonté si déterminée.

Mais qu’est ceci ? Que l’on demande à deux hommes s’ils veulent être soldats, et il peut se faire que l’un réponde oui, l’autre non ; mais qu’on leur demande s’ils veulent être heureux, et tous les deux aussitôt sans la moindre hésitation disent qu’ils le souhaitent, et même, le seul but que poursuive le premier en voulant être soldat, le seul but que poursuive le second en ne le voulant pas, c’est d’être heureux. Serait-ce donc que l’on prend sa joie, l’un ici, l’autre là ? Oui, tous les hommes s’accordent pour déclarer qu’ils veulent être heureux, comme ils s’accorderaient pour déclarer, si on le leur demandait, qu’ils veulent se réjouir, et c’est la joie elle-même qu’ils appellent vie heureuse. Et même si l’un passe ici, l’autre là pour l’atteindre, il n’y a pourtant qu’un seul but où tous s’efforcent de parvenir : la joie. Et puisque c’est une chose dont personne ne peut se dire sans expérience, on retrouve donc la vie heureuse dans la mémoire, et on la reconnaît dès qu’on entend le mot.

AUGUSTIN Les Confessions

2011 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ?

2011 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’erreur nous éloigne-t-elle toujours de la vérité ?

2011 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il arrive fréquemment qu’une disposition légale utile à observer pour le salut public, en règle générale, devienne, en certains cas, extrêmement nuisible. Car le législateur, ne pouvant envisager tous les cas particuliers, rédige la loi en fonction de ce qui se présente le plus souvent, en ayant en vue l’utilité commune. C’est pourquoi, s’il surgit un cas où l’observation de telle loi soit préjudiciable au salut commun, celle-ci ne doit plus être observée. Ainsi, à supposer que dans une ville assiégée on promulgue la loi que les portes doivent demeurer closes, c’est évidemment utile au salut commun en règle générale ; mais s’il arrive que les ennemis poursuivent des citoyens dont dépend la survie de la cité, il serait très préjudiciable à cette ville de ne pas ouvrir ses portes. C’est pourquoi, en ce cas, il faudrait ouvrir les portes, contre les termes de la loi, afin de sauvegarder l’intérêt général que le législateur avait en vue.

THOMAS D’AQUIN

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez quelles sont les étapes de son argumentation.

a) En vous appuyant sur un exemple différent de celui du texte, expliquez : "une disposition légale utile à observer pour le salut public (devient) en certains cas, extrêmement nuisible".

b) En analysant l’exemple proposé dans le texte, montrez comment on peut aller "contre les termes de la loi" sans aller contre la volonté du législateur.

3° Peut-il être conforme à l’intérêt général de ne pas appliquer la loi ?

2012 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les oeuvres d’art ne sont-elles qu’un reflet de la société ?

2012 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ce qui est indémontrable n’a-t-il aucune valeur ?

2012 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Un savoir-faire est-il un véritable savoir ?

2012 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le souci de justice peut-il légitimer la désobéissance ?

2012 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La communication des idées marquées par les mots n’est pas la seule ni la principale fin du langage, comme on le suppose communément. Il y a d’autres fins, comme éveiller une passion, provoquer une action ou en détourner, mettre l’esprit dans une disposition particulière. La première fin est, dans de nombreux cas, purement subordonnée à celles-ci, et parfois complètement omise quand elles peuvent être atteintes sans elle, comme cela n’est pas rare, je pense, dans l’usage familier du langage. J’invite le lecteur à réfléchir et à se consulter, pour voir s’il n’arrive pas souvent, quand il écoute ou lit un discours, que les passions de la crainte, de l’amour, de la haine, de l’admiration, du mépris, ou d’autres encore, naissent immédiatement dans son esprit à la perception de certains mots, sans que des idées s’interposent. Au début, sans doute, les mots peuvent avoir occasionné les idées propres à produire ces émotions ; mais on trouvera, si je ne me trompe, qu’une fois le langage devenu familier, l’audition des sons ou la vue des lettres sont souvent immédiatement accompagnées des passions, qui, au début, avaient coutume d’être produites par l’intervention d’idées, maintenant complètement omises.

BERKELEY Principes de la connaissance humaine

2012 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE On considère l’État comme l’antagoniste de l’individu et il semble que le premier ne puisse se développer qu’au détriment du second. La vérité, c’est que l’État a été bien plutôt le libérateur de l’individu. C’est l’État qui, à mesure qu’il a pris de la force, a affranchi l’individu des groupes particuliers et locaux qui tendaient à l’absorber : famille, cité, corporation, etc. L’individualisme a marché dans l’histoire du même pas que l’étatisme. Non pas que l’État ne puisse devenir despotique et oppresseur. Comme toutes les forces de la nature, s’il n’est limité par aucune puissance collective qui le contienne, il se développera sans mesure et deviendra à son tour une menace pour les libertés individuelles. D’où il suit que la force sociale qui est en lui doit être neutralisée par d’autres forces sociales qui lui fassent contrepoids. Si les groupes secondaires sont facilement tyranniques quand leur action n’est pas modérée par celle de l’État, inversement celle de l’État, pour rester normale, a besoin d’être modérée à son tour. Le moyen d’arriver à ce résultat, c’est qu’il y ait dans la société, en dehors de l’État, quoique soumis à son influence, des groupes plus restreints (territoriaux ou professionnels, il n’importe pour l’instant) mais fortement constitués et doués d’une individualité et d’une autonomie suffisante pour pouvoir s’opposer aux empiétements du pouvoir central. Ce qui libère l’individu, ce n’est pas la suppression de tout centre régulateur, c’est leur multiplication, pourvu que ces centres multiples soient coordonnés et subordonnés les uns aux autres.

DURKHEIM L’État et la société civile

2012 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Respecter autrui, est-ce s’abstenir de le juger ?

2012 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’histoire est-elle ce qui arrive à l’homme ou ce qui arrive par l’homme ?

2012 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La liberté ne consiste (...) pas dans des déterminations indépendantes de l’action des objets, et de toute influence des connaissances que nous avons acquises. Il faut bien que nous dépendions des objets par l’inquiétude (1) que cause leur privation, puisque nous avons des besoins ; et il faut bien encore que nous nous réglions d’après notre expérience sur le choix de ce qui peut nous être utile, puisque c’est elle seule qui nous instruit à cet égard. Si nous voulions une chose indépendamment des connaissances que nous en avons, nous la voudrions, quoique persuadés qu’elle ne peut que nous nuire. Nous voudrions notre mal pour notre mal, ce qui est impossible.

La liberté consiste donc dans des déterminations, qui, en supposant que nous dépendons toujours par quelque endroit de l’action des objets, sont une suite des délibérations que nous avons faites, ou que nous avons eu le pouvoir de faire.

Confiez la conduite d’un vaisseau à un homme qui n’a aucune connaissance de la navigation, le vaisseau sera le jouet des vagues. Mais un pilote habile en saura suspendre, arrêter la course ; avec un même vent il en saura varier la direction ; et ce n’est que dans la tempête que le gouvernail cessera d’obéir à sa main. Voilà l’image de l’homme.

CONDILLAC Traité des sensations

(1) l’inquiétude : l’insatisfaction

2012 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’État doit-il préférer l’injustice au désordre ?

2012 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Vivre en société m’empêche-t-il d’être moi-même ?

2012 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE En créant, l’artiste ne fait-il que ce qu’il lui plaît ?

2012 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-ce l’intention qui fait la valeur morale de nos actes ?

2012 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Je remarque ici, premièrement, qu’il y a une grande différence entre l’esprit et le corps, en ce que le corps, de sa nature, est toujours divisible, et que l’esprit est entièrement indivisible. Car en effet, lorsque je considère mon esprit, c’est-à-dire moi-même en tant que je suis seulement une chose qui pense, je n’y puis distinguer aucunes parties, mais je me conçois comme une chose seule et entière. Et quoique tout l’esprit semble être uni à tout le corps, toutefois un pied, ou un bras, ou quelque autre partie étant séparée de mon corps, il est certain que pour cela il n’y aura rien de retranché de mon esprit. Et les facultés de vouloir, de sentir, de concevoir, etc., ne peuvent pas proprement être dites ses parties : car le même esprit s’emploie tout entier à vouloir, et aussi tout entier à sentir, à concevoir, etc. Mais c’est tout le contraire dans les choses corporelles ou étendues : car il n’y en a pas une que je ne mette aisément en pièces par ma pensée, que mon esprit ne divise fort facilement en plusieurs parties et par conséquent que je ne connaisse être divisible. Ce qui suffirait pour m’enseigner que l’esprit ou l’âme de l’homme est entièrement différente du corps, si je ne l’avais déjà d’ailleurs assez appris.

DESCARTES Méditations métaphysiques

2012 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Nous savons tous ce qui dans le train ordinaire de la vie, serait appelé un miracle. De toute évidence, c’est simplement un événement tel que nous n’avons jamais rien vu encore de semblable. Supposons maintenant qu’un tel événement se produise. Imaginez le cas où soudain une tête de lion pousserait sur les épaules de l’un d’entre vous, qui se mettrait à rugir. Certainement ce serait là quelque chose d’aussi extraordinaire que tout ce que je puis imaginer. Ce que je suggérerais alors, une fois que vous vous seriez remis de votre surprise, serait d’aller chercher un médecin, de faire procéder à un examen scientifique du cas de cet homme et, si ce n’étaient les souffrances que cela entraînerait, j’en ferais faire une vivisection. Et à quoi aurait abouti le miracle ? Il est clair en effet que si nous voyons les choses de cet oeil, tout ce qu’il y a de miraculeux disparaît ; à moins que ce que nous entendons par ce terme consiste simplement en ceci : un fait qui n’a pas encore été expliqué par la science, ce qui à son tour signifie que nous n’avons pas encore réussi à grouper ce fait avec d’autres à l’intérieur d’un système scientifique. Ceci montre qu’il est absurde de dire "la science a prouvé qu’il n’y a pas de miracles". En vérité, l’approche scientifique d’un fait n’est pas l’approche de ce fait comme miracle. En effet vous pouvez bien imaginer n’importe quel fait, il n’est pas en soi miraculeux, au sens absolu de ce terme.

WITTGENSTEIN Conférence sur l’éthique

2012 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La conscience fait-elle le malheur de l’homme ?

2012 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’historien a-t-il quelque chose à nous dire de l’avenir ?

2012 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Lorsque les ennemis de la démocratie prétendent qu’un seul fait mieux ce dont il se charge que le gouvernement de tous, il me semble qu’ils ont raison. Le gouvernement d’un seul, en supposant de part et d’autre égalité de lumières, met plus de suite dans ses entreprises que la multitude ; il montre plus de persévérance, plus d’idée d’ensemble, plus de perfection de détail, un discernement plus juste dans le choix des hommes. Ceux qui nient ces choses n’ont jamais vu de république démocratique, ou n’ont jugé que sur un petit nombre d’exemples. La démocratie, lors même que les circonstances locales et les dispositions du peuple lui permettent de se maintenir, ne présente pas le coup d’oeil de la régularité administrative et de l’ordre méthodique dans le gouvernement ; cela est vrai. La liberté démocratique n’exécute pas chacune de ses entreprises avec la même perfection que le despotisme intelligent ; souvent elle les abandonne avant d’en avoir retiré le fruit, ou en hasarde de dangereuses ; mais à la longue elle produit plus que lui ; elle fait moins bien chaque chose, mais elle fait plus de choses. Sous son empire, ce n’est pas surtout ce qu’exécute l’administration publique qui est grand, c’est ce qu’on exécute sans elle et en dehors d’elle. La démocratie ne donne pas au peuple le gouvernement le plus habile, mais elle fait ce que le gouvernement le plus habile est souvent impuissant à créer ; elle répand dans tout le corps social une inquiète activité, une force surabondante, une énergie qui n’existent jamais sans elle, et qui, pour peu que les circonstances soient favorables, peuvent enfanter des merveilles. Là sont ses vrais avantages.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique.

2012 ES ANTILLES NORMALE Peut-on agir sur l’esprit comme on agit sur la matière ?

2012 ES ANTILLES NORMALE L’artiste nous fait-il découvrir des vérités ?

2012 ES ANTILLES NORMALE Le développement individuel nous apparaît comme un produit de l’interférence entre deux aspirations, l’aspiration au bonheur, que nous appelons habituellement "égoïste", et l’aspiration à l’union avec les autres en une communauté, que nous disons altruiste. Ces deux désignations ne vont guère au-delà de la surface. Dans le développement individuel, comme nous l’avons dit, l’accent principal est le plus souvent porté sur l’aspiration égoïste, ou aspiration au bonheur, l’autre, qu’on doit appeler "culturelle", se contentant en règle générale d’un rôle restrictif. Il en va autrement dans le processus de culture ; là, le but de fabriquer une unité à partir d’individus humains est de loin l’affaire principale, le but de rendre heureux existant toujours, mais rejeté à l’arrière-plan ; on dirait presque que la création d’une grande communauté humaine réussirait le mieux là où l’on n’aurait pas besoin de se préoccuper du bonheur de l’individu. Le processus de développement de l’individu doit donc bien avoir ses traits particuliers, qui ne se retrouvent pas dans le processus culturel de l’humanité ; ce n’est que dans la mesure où le premier processus a pour but le rattachement à la communauté qu’il doit coïncider avec le second.

FREUD Malaise dans la culture

2012 L ANTILLES NORMALE Qu’y a-t-il de vrai dans la perception ?

2012 L ANTILLES NORMALE Les devoirs de l’homme varient-ils selon les cultures ?

2012 L ANTILLES NORMALE Voyons maintenant les avantages des États libres. Même en supposant qu’une république soit barbare, elle doit nécessairement déboucher, et par un processus infaillible, sur la loi, avant même que l’humanité ait fait des progrès considérables dans les autres sciences. De la loi naît la sécurité ; de la sécurité la curiosité ; et de la curiosité la connaissance. Les derniers pas de ce progrès peuvent être plus accidentels, mais les premiers sont absolument nécessaires. Une république sans lois ne peut jamais avoir de durée. Au contraire, dans un gouvernement monarchique, la loi ne naît pas nécessairement des formes du gouvernement. La monarchie, quand elle est absolue, contient même quelque chose de contraire à la loi. Une sagesse et une réflexion profondes peuvent seules les réconcilier. Mais un tel degré de sagesse ne peut jamais être espéré, avant les plus grands raffinements et perfectionnements de la raison humaine. Ces raffinements requièrent la curiosité, la sécurité et la loi. On ne peut jamais s’attendre, par conséquent, à ce que le premier balbutiement des arts et des sciences se produise dans les gouvernements despotiques.

HUME Essais esthétiques

2012 S ANTILLES NORMALE Tous les moyens sont-ils bons pour être heureux ?

2012 S ANTILLES NORMALE Le travail peut-il cesser d’être une contrainte ?

2012 S ANTILLES NORMALE La science, telle qu’elle existe actuellement, est en partie agréable et en partie désagréable. Elle est agréable par la puissance qu’elle nous donne de manier notre milieu, et, pour une petite mais importante minorité, elle est agréable parce qu’elle lui fournit des satisfactions intellectuelles. Elle est désagréable, car, quels que soient les moyens par lesquels nous cherchons à cacher ce fait, elle admet un déterminisme qui implique, théoriquement, le pouvoir de prédire les actions humaines ; et, par là, elle semble diminuer la puissance de l’homme. Bien entendu, les gens désirent garder l’aspect agréable de la science tout en rejetant son aspect désagréable ; mais jusqu’ici ces tentatives ont échoué. Si nous insistons sur le fait que notre croyance en la causalité et en l’induction (1) est irrationnelle, nous devons en déduire que nous ne savons pas si la science est vraie et qu’elle peut, à chaque moment, cesser de nous donner la domination sur le milieu pour lequel nous l’aimons. C’est d’ailleurs une alternative purement théorique ; un homme moderne ne peut pas l’adopter dans sa vie pratique. Si, d’autre part, nous reconnaissons les exigences de la méthode scientifique, nous devons conclure inévitablement que la causalité et l’induction s’appliquent à la volonté humaine aussi bien qu’à n’importe quelle autre chose. Tout cela arriva durant le XXème siècle en physique, en physiologie, et la psychologie va encore affermir cette conclusion. Ce qui résulte de ces considérations, c’est que, malgré l’insuffisance théorique de la justification rationnelle de la science, il n’y a pas moyen de sauvegarder le côté agréable de la science sans en accepter le côté désagréable.

RUSSELL Essais sceptiques.

(1) induction : généralisation à partir de l’observation.

2012 ES ANTILLES REMPLACEMENT Quand la démonstration est faite, n’ai-je plus qu’à me taire ?

2012 ES ANTILLES REMPLACEMENT La liberté est-elle toujours désirable ?

2012 ES ANTILLES REMPLACEMENT Abandonné à lui-même, l’individu tomberait sous la dépendance des forces physiques ; s’il a pu y échapper, s’il a pu s’affranchir, se faire une personnalité, c’est qu’il a pu se mettre à l’abri d’une force sui generis (1), force intense, puisqu’elle résulte de la coalition de toutes les forces individuelles, mais force intelligente et morale, capable, par conséquent, de neutraliser les énergies inintelligentes et amorales de la nature : c’est la force collective. Permis au théoricien de démontrer que l’homme a droit à la liberté ; mais quelle que soit la valeur de ces démonstrations, ce qui est certain, c’est que cette liberté n’est devenue une réalité que dans et par la société.

Ainsi, vouloir la société, c’est, d’une part, vouloir quelque chose qui nous dépasse ; mais c’est en même temps nous vouloir nous-même. Nous ne pouvons vouloir sortir de la société, sans vouloir cesser d’être des hommes. Je ne sais si la civilisation nous a apporté plus de bonheur, et il n’importe ; mais ce qui est certain, c’est que du moment où nous sommes civilisés, nous ne pouvons y renoncer qu’en renonçant à nous-même. La seule question qui puisse se poser pour l’homme est, non pas de savoir s’il peut vivre en dehors d’une société, mais dans quelle société il veut vivre ; et je reconnais d’ailleurs très volontiers à tout individu le droit d’adopter la société de son choix, à supposer qu’il ne soit pas retenu dans sa société natale par des devoirs préalablement contractés. Dès lors, on s’explique sans peine comment la société, en même temps qu’elle constitue une fin qui nous dépasse, peut nous apparaître comme bonne et désirable, puisqu’elle tient à toutes les fibres de notre être.

DURKHEIM Philosophie et sociologie

(1) sui generis : qui appartient en propre à l’être ou à la chose dont il est question.

2012 S ANTILLES REMPLACEMENT Le savoir me libère-t-il ?

2012 S ANTILLES REMPLACEMENT La politique est-elle seulement l’affaire de l’État ?

2012 S ANTILLES REMPLACEMENT Est moral, peut-on dire, tout ce qui est source de solidarité, tout ce qui force l’homme à compter avec autrui, à régler ses mouvements sur autre chose que les impulsions de son égoïsme, et la moralité est d’autant plus solide que ces liens sont plus nombreux et plus forts. On voit combien il est inexact de la définir, comme on a fait souvent, par la liberté ; elle consiste bien plutôt dans un état de dépendance. Loin qu’elle serve à émanciper l’individu, à le dégager du milieu qui l’enveloppe, elle a, au contraire, pour fonction essentielle d’en faire la partie intégrante d’un tout et, par conséquent, de lui enlever quelque chose de la liberté de ses mouvements. On rencontre parfois, il est vrai, des âmes qui ne sont pas sans noblesse et qui, pourtant, trouvent intolérable l’idée de cette dépendance. Mais c’est qu’elles n’aperçoivent pas les sources d’où découle leur propre moralité, parce que ces sources sont trop profondes. La conscience est un mauvais juge de ce qui se passe au fond de l’être, parce qu’elle n’y pénètre pas.

La société n’est donc pas, comme on l’a cru souvent, un évènement étranger à la morale ou qui n’a sur elle que des répercussions secondaires ; c’en est, au contraire, la condition nécessaire. Elle n’est pas une simple juxtaposition d’individus qui apportent, en y entrant, une moralité intrinsèque ; mais l’homme n’est un être moral que parce qu’il vit en société, puisque la moralité consiste à être solidaire d’un groupe et varie comme cette solidarité. Faites évanouir toute vie sociale, et la vie morale s’évanouit du même coup, n’ayant plus d’objet où se prendre.

DURKHEIM De la Division du travail social

2012 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on juger une culture ?

2012 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Doit-on tenir pour vrai seulement ce qui est vérifiable par l’expérience ?

2012 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Remarquez que les plaisirs n’ont guère de prise sur nous si nous ne nous disposons pas à les goûter. Même dans les plaisirs de la table, qui doivent peu à l’esprit, il faut pourtant apporter une attention bienveillante. Encore bien plus évidemment, quand il s’agit des plaisirs de l’esprit, il faut vouloir les conquérir, et il serait vain de les attendre. Nul ne dira au jeu d’échecs : "Amuse-moi." C’est par une volonté suivie, exercée, entraînée, que l’on fera son plaisir. Même jouer aux cartes suppose la volonté de s’y plaire. En sorte qu’on pourrait dire que rien au monde ne plaît de soi. Il faut prendre beaucoup de peine pour se plaire à la géométrie, au dessin, à la musique. Et cette liaison de la peine au plaisir se voit bien clairement dans les jeux violents. Il est étrange que les coureurs, lutteurs et boxeurs trouvent du plaisir à toute cette peine qu’ils se donnent ; et cela est pourtant hors de doute. Si l’on réfléchit assez sur ce paradoxe de l’homme, on ne se représentera nullement l’homme heureux comme celui à qui tous les bonheurs sont apportés ; mais au contraire on le pensera debout, en action et en conquête, et faisant bonheur d’une puissance exercée.

ALAIN

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° a) En quoi une "volonté suivie, exercée, entraînée" fait-elle notre plaisir ?

b) Expliquez : "Il faut prendre beaucoup de peine pour se plaire à la géométrie, au dessin, à la musique."

c) A partir des exemples du texte, montrez en quoi le bonheur est une "puissance exercée".

3. Le bonheur consiste-t-il dans l"effort et dans l"activité ?

2012 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on faire un usage déraisonnable de la raison ?

2012 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’homme libre est-il celui que personne ne sert ?

2012 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Lorsque la civilisation instaura le commandement de ne pas tuer le voisin que l’on hait, qui vous gêne ou dont on convoite le bien, ce fut manifestement dans l’intérêt de la vie des hommes en communauté, qui sinon eût été impraticable. Car le meurtrier attirerait sur lui la vengeance des proches de la victime et la sourde envie des autres, lesquels éprouvent intérieurement tout autant de penchant pour une telle violence. Il ne jouirait donc pas longtemps de sa vengeance ou de son rapt, il aurait toute chance d’être bientôt abattu à son tour. Même si une force et une prudence extraordinaires le mettaient à l’abri d’un adversaire isolé, il ne pourrait que succomber face à l’association de plus faibles. Si une telle association ne se constituait pas, les meurtres se poursuivraient indéfiniment et la fin serait que les hommes s’extermineraient mutuellement. (...) Le même danger pour tous quant à la sécurité de leur vie unit dès lors les hommes en une société qui interdit de tuer et se réserve le droit de mettre à mort en commun celui qui enfreint cet interdit. C’est alors la justice et le châtiment. Mais cette justification rationnelle de l’interdit du meurtre, nous n’en faisons pas état, nous prétendons que c’est Dieu qui a prononcé l’interdit. Ainsi, nous nous faisons fort de deviner ses intentions et nous trouvons que lui non plus ne veut pas que les hommes s’exterminent les uns les autres. En procédant de la sorte, nous habillons l’interdit civilisationnel d’une solennité toute particulière, mais nous risquons par là même de faire dépendre son respect de la foi en Dieu. Si nous revenons sur cette démarche, si nous n’attribuons plus indûment notre volonté à Dieu et si nous nous en tenons à la justification sociale, nous aurons certes renoncé à transfigurer l’interdit civilisationnel, en revanche nous aurons aussi évité qu’il soit mis en danger.

FREUD L’Avenir d’une illusion

2012 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on modifier le cours de l’histoire ?

2012 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Doit-on considérer les êtres vivants comme des choses ?

2012 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le droit en lui-même est impuissant ; par nature règne la force. Le problème de l’art de gouverner, c’est d’associer la force et le droit afin qu’au moyen de la force, ce soit le droit qui règne. Et c’est un problème difficile si l’on songe à l’égoïsme illimité logeant dans presque chaque poitrine humaine, auquel s’ajoute le plus souvent un fonds accumulé de haine et de méchanceté, de sorte qu’originellement l’inimitié l’emporte de beaucoup sur l’amitié. Et il ne faut pas oublier que ce sont plusieurs millions d’individus constitués ainsi qu’il s’agit de maintenir dans les limites de l’ordre, de la paix, du calme et de la légalité, alors qu’au départ chacun a le droit de dire à l’autre : "Je vaux bien autant que toi !". Tout bien pesé, on peut être surpris qu’en général le monde suive son cours de façon aussi paisible et tranquille, légale et ordonnée, comme nous le voyons ; seule la machine de l’État produit ce résultat.

En effet, il n’y a que la force physique qui puisse avoir un effet immédiat. Constitués comme ils le sont en général, c’est par elle seule que les hommes sont impressionnés, et pour elle seule qu’ils ont du respect. Si pour s’en convaincre par expérience on supprimait toute contrainte et si l’on leur demandait de la façon la plus claire et la plus persuasive d’être raisonnables, justes et bons, mais d’agir contrairement à leurs intérêts, l’impuissance des seules forces morales deviendrait évidente et la réponse à notre attente serait le plus souvent un rire de mépris. La force physique est donc la seule capable de se faire respecter. Mais cette force réside originellement dans la masse, où elle est associée à l’ignorance, à l’injustice et à la stupidité. Dans des conditions aussi difficiles, la première tâche de l’art de gouverner est de soumettre la force physique à l’intelligence, à la supériorité intellectuelle, et de les leur rendre utile.

SCHOPENHAUER Parerga et Paralipomena

2012 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Une société sans conflit est-elle nécessairement juste ?

2012 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Sommes-nous responsables de nos erreurs ?

2012 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Nous disons que le plaisir est le principe et la fin de la vie bienheureuse. Car c’est lui que nous avons reconnu comme le bien premier et conforme à la nature, c’est en lui que nous trouvons le principe de tout choix et de tout refus, et c’est à lui que nous aboutissons en jugeant tout bien d’après ce que nous sentons. Et parce que c’est là le bien premier et naturel, pour cette raison aussi nous ne choisissons pas tout plaisir, mais il y a des cas où nous passons par-dessus de nombreux plaisirs, lorsqu’il en découle pour nous un désagrément plus grand ; et nous regardons beaucoup de douleurs comme valant mieux que des plaisirs quand, pour nous, un plaisir plus grand suit, pour avoir souffert longtemps. Tout plaisir, donc, du fait qu’il a une nature appropriée à la nôtre, est un bien : tout plaisir, cependant, ne doit pas être choisi ; de même aussi toute douleur est un mal, mais toute douleur n’est pas telle qu’elle doive toujours être évitée. Cependant, c’est par la comparaison et l’examen des avantages et des désavantages qu’il convient de juger de tout cela. Car nous en usons, en certaines circonstances, avec le bien, comme s’il était un mal, et avec le mal, inversement, comme s’il était un bien.

ÉPICURE Lettre à Ménécée

2012 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art exige-t-il une maîtrise technique ?

2012 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’expérience suffit-elle pour établir une vérité ?

2012 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Si tous les hommes agissaient avec un égoïsme éclairé, le monde serait un paradis en comparaison de ce qu’il est actuellement. Je ne prétends pas qu’il n’y a rien de meilleur que l’égoïsme personnel comme motif d’agir ; mais je prétends que l’égoïsme, tout comme l’altruisme, est meilleur quand il est éclairé que lorsqu’il ne l’est pas. Dans une communauté bien ordonnée, il est bien rare qu’une chose nuisible aux autres soit utile à un intérêt individuel. Moins un homme est raisonnable, et plus souvent il manquera de comprendre que ce qui fait du mal aux autres fait aussi du mal à lui-même, car la haine et l’envie l’aveugleront. C’est pourquoi, bien que je ne prétende pas que l’égoïsme éclairé soit la morale la plus haute, j’affirme que, s’il devenait commun, il rendrait le monde mille fois meilleur qu’il n’est.

RUSSELL

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes de l’argumentation.

2° Expliquez :

a) "l’égoïsme, tout comme l’altruisme, est meilleur quand il est éclairé que lorsqu’il ne l’est pas" ;

b) "il est bien rare qu’une chose nuisible aux autres soit utile à un intérêt individuel".

3° L’égoïsme peut-il rendre le monde meilleur qu’il n’est ?

2012 ES INDE NORMALE Peut-on dire que les hommes font l’histoire ?

2012 ES INDE NORMALE Le commerce favorise-t-il la paix ?

2012 ES INDE NORMALE Si l’homme était forcé de se prouver à lui-même toutes les vérités dont il se sert chaque jour, il n’en finirait point ; il s’épuiserait en démonstrations préliminaires sans avancer ; comme il n’a pas le temps, à cause du court espace de la vie, ni la faculté, à cause des bornes de son esprit, d’en agir ainsi, il en est réduit à tenir pour assurés une foule de faits et d’opinions qu’il n’a eu ni le loisir ni le pouvoir d’examiner et de vérifier par lui-même, mais que de plus habiles ont trouvés ou que la foule adopte. C’est sur ce premier fondement qu’il élève lui-même l’édifice de ses propres pensées. Ce n’est pas sa volonté qui l’amène à procéder de cette manière ; la loi inflexible de sa condition l’y contraint.

Il n’y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d’autrui, et qui ne suppose beaucoup plus de vérités qu’il n’en établit.

Ceci est non seulement nécessaire, mais désirable. Un homme qui entreprendrait d’examiner tout par lui-même ne pourrait accorder que peu de temps et d’attention à chaque chose ; ce travail tiendrait son esprit dans une agitation perpétuelle qui l’empêcherait de pénétrer profondément dans aucune vérité et de se fixer avec solidité dans aucune certitude. Son intelligence serait tout à la fois indépendante et débile (1). Il faut donc que, parmi les divers objets des opinions humaines, Il fasse un choix et qu’il adopte beaucoup de croyances sans les discuter, afin d’en mieux approfondir un petit nombre dont il s’est réservé l’examen.

Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d’autrui met son esprit en esclavage ; mais c’est une servitude salutaire qui permet de faire un bon usage de la liberté.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique

(1) Affaiblie.

2012 S INDE NORMALE Est-ce le cerveau qui pense ?

2012 S INDE NORMALE La religion est-elle contraire à la raison ?

2012 S INDE NORMALE Quand des personnes se soumettent à l’autorité d’autres personnes, c’est pour se procurer une certaine garantie contre la malfaisance et l’injustice des hommes, qui sont perpétuellement poussés à violer toutes les lois de la société par leurs passions indisciplinées et leur intérêt immédiat et présent. Mais comme cette imperfection est inhérente à la nature humaine, nous savons qu’elle doit suivre les hommes dans tous leurs états (1) et toutes leurs conditions, et que ceux que nous choisissons comme dirigeants ne deviennent pas aussitôt d’une nature supérieure à celle du reste de l’humanité, sous prétexte que leur pouvoir et leur autorité le sont. Ce que nous attendons d’eux ne dépend pas d’un changement de leur nature, mais d’un changement de leur situation, lorsqu’ils acquièrent un intérêt plus immédiat au maintien de l’ordre et à l’exécution de la justice. Mais, outre que cet intérêt est plus immédiat seulement pour l’exécution de la justice par leurs sujets, et non dans les différends entre eux-mêmes et leurs sujets, outre cela, dis-je, nous pouvons souvent attendre, à cause des irrégularités de la nature humaine, qu’ils négligent même cet intérêt immédiat et que leurs passions les mènent dans tous les excès de la cruauté et de l’ambition. Notre connaissance générale de la nature humaine, notre observation du passé de l’humanité, notre expérience des temps présents, tout cela doit nous conduire à accueillir les exceptions et nous faire conclure qu’il nous est permis de résister aux effets plus violents du pouvoir suprême sans qu’il y ait là un crime ou une injustice.

HUME Traité de la nature humaine

(1) états : fonctions sociales ou métiers.

2012 TECHN. INDE NORMALE L’expérience nous instruit-elle ?

2012 TECHN. INDE NORMALE L’art répond-il à un besoin ?

2012 TECHN. INDE NORMALE Il est certain que la fin d’une loi n’est pas d’abolir ou de restreindre la liberté mais de la préserver et de l’augmenter. Ainsi, partout où vivent des êtres créés capables de lois, là où il n’y a pas de lois il n’y a pas non plus de liberté. Car la liberté consiste à n’être pas exposé à la contrainte et à la violence des autres ; ce qui ne peut se trouver là où il n’y a pas de loi. La liberté n’est toutefois pas, comme on le prétend, le loisir pour tout homme de faire ce qui lui plaît - qui, en effet, serait libre là où n’importe quel autre, d’humeur méchante (1), pourrait le soumettre ? - mais le loisir de conduire et de disposer comme il l’entend de sa personne, de ses biens, et de tout ce qui lui appartient, suivant les lois sous lesquelles il vit ; et par là, de n’être pas sujet à la volonté arbitraire d’un autre mais de suivre librement la sienne propre.

LOCKE

(1) d’humeur méchante : se dit d’un homme de tempérament violent.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "la liberté consiste à n’être pas exposé à la contrainte et à la violence des autres" ;

b) pourquoi la liberté ne consiste-t-elle pas pour chacun à "faire ce qui lui plaît" ?

c) expliquez : la liberté est "le loisir de conduire et de disposer comme il l’entend de sa personne, de ses biens, et de tout ce qui lui appartient" ;

3° Les lois ont-elles pour but de préserver et d’augmenter la liberté ?

2012 ES JAPON NORMALE Notre intérêt pour l’art s’explique-t-il par un simple besoin d’évasion ?

2012 ES JAPON NORMALE Appartient-il au droit de définir ce qui est bien ou mal ?

2012 ES JAPON NORMALE Si nous croyons que la discipline est utile, nécessaire à l’individu, c’est qu’elle nous parait réclamée par la nature elle-même. Elle est le moyen par lequel la nature se réalise normalement, et non le moyen de la réduire ou de la détruire. Comme tout ce qui existe, l’homme est un être limité ; il est la partie d’un tout : physiquement, il est partie de l’univers ; moralement, il est partie de la société. Il ne peut donc, sans contredire sa nature, chercher à s’affranchir des limites qui s’imposent à toute partie. Et, en fait, tout ce qu’il y a de plus fondamental en lui, tient précisément à sa qualité de partie. Car, dire qu’il est une personne, c’est dire qu’il est distinct de tout ce qui n’est pas lui ; or, la distinction implique la limitation. Si, donc, de notre point de vue, la discipline est bonne, ce n’est pas que nous regardions d’un oeil défiant l’oeuvre de la nature, ce n’est pas que nous y voyions une machination diabolique qu’il faut déjouer, mais c’est que la nature de l’homme ne peut être elle-même à moins d’être disciplinée. Si nous jugeons indispensable que les inclinations naturelles soient contenues dans de certaines bornes, ce n’est pas qu’elles nous paraissent mauvaises, ce n’est pas que nous leur déniions le droit d’être satisfaites ; au contraire, c’est qu’autrement elles ne pourraient pas recevoir leur juste satisfaction.

DURKHEIM L’Éducation morale

2012 L JAPON NORMALE Y a-t-il une pensée sans langage ?

2012 L JAPON NORMALE Qu’est-ce qui fait la force de la loi ?

2012 L JAPON NORMALE Les gens qui croient au libre arbitre croient toujours en même temps, dans un autre compartiment de leur esprit, que les actes de volonté ont des causes. Ils pensent par exemple que la vertu peut être inculquée par une bonne éducation, et que l’instruction religieuse est très utile à la morale. Ils pensent que les sermons font du bien, et que les exhortations morales peuvent être salutaires. Or il est évident que, si les actes de volonté vertueux n’ont pas de causes, nous ne pouvons absolument rien faire pour les encourager. Dans la mesure où un homme croit qu’il est en son pouvoir, ou au pouvoir de quiconque, d’encourager un comportement souhaitable chez les autres, il croit à la motivation psychologique et non au libre arbitre. En pratique, tous nos rapports mutuels reposent sur l’hypothèse que les actions humaines résultent de circonstances antérieures. La propagande politique, le code pénal, la publication de livres préconisant telle ou telle ligne d’action, perdraient leur raison d’être s’ils n’avaient aucun effet sur ce que les gens font. Les partisans de la doctrine du libre arbitre ne se rendent pas compte de ses conséquences. Nous disons : "Pourquoi l’avez-vous fait ?" et nous nous attendons à voir mentionner en réponse des croyances et des désirs qui ont causé l’action. Si un homme ne sait pas lui-même pourquoi il a agi comme il l’a fait, nous chercherons peut-être une cause dans son inconscient, mais il ne nous viendra jamais à l’idée qu’il puisse n’y avoir aucune cause.

RUSSELL Science et religion

"

2012 S JAPON NORMALE Pour être libre, faut-il ne rien posséder ?

2012 S JAPON NORMALE Faut-il toujours refuser ce qu’on ne sait pas démontrer ?

2012 S JAPON NORMALE Si l’homme s’abandonnait au mouvement de sa nature sensible, s’il n’y avait ni loi sociale ni loi morale, ces explosions de sentiments violents seraient l’ordinaire de la vie. Mais il est utile que ces explosions soient conjurées. Il est nécessaire que l’homme vive en société, et s’astreigne par conséquent à une règle. Et ce que l’intérêt conseille, la raison l’ordonne : il y a un devoir, et notre destination est d’y obéir. Sous cette double influence a dû se former pour le genre humain une couche superficielle de sentiments et d’idées qui tendent à l’immutabilité (1), qui voudraient du moins être communs à tous les hommes, et qui recouvrent, quand ils n’ont pas la force de l’étouffer, le feu intérieur des passions individuelles. Le lent progrès de l’humanité vers une vie sociale de plus en plus pacifiée a consolidé cette couche peu à peu, comme la vie de notre planète elle-même a été un long effort pour recouvrir d’une pellicule solide et froide la masse ignée (2) des métaux en ébullition. Mais il y a des éruptions volcaniques. Et si la terre était un être vivant, comme le voulait la mythologie, elle aimerait peut-être, tout en se reposant, rêver à ces explosions brusques où tout à coup elle se ressaisit dans ce qu’elle a de plus profond.

BERGSON Le Rire

(1) immutabilité : caractère de ce qui ne peut subir de changement

(2) ignée : qui est en feu

2012 ES LA RÉUNION NORMALE Peut-on se voir tel que l’on est ?

2012 ES LA RÉUNION NORMALE La technique résout-elle tous les problèmes qui se posent au travail ?

2012 ES LA RÉUNION NORMALE Le discours qui suscite la bienveillance chez les juges, c’est celui-là qui est à même de persuader. Or, ce n’est pas le discours rhétorique qui suscite la bienveillance, mais le discours sans apprêt (1), qui laisse apparaître la marque de l’homme ordinaire. De fait, tous sont opposés au discours de l’orateur parce qu’ils détestent sa surabondance : car, même si ce sont des choses justes que l’orateur établit, ils ont l’impression que ce n’est pas la nature des faits, mais l’artifice de l’orateur qui les leur fait apparaître justes. Au contraire, tout un chacun est favorable au discours de l’homme ordinaire, qu’il tient pour faible, et attribue plus de justice à ce qui est moins juste, parce que celui qui l’établit est un homme ordinaire qui s’exprime sans apprêt. C’est pour cette raison qu’il n’était pas permis autrefois aux Athéniens de procurer un défenseur à ceux qui étaient jugés devant le conseil de l’Aréopage (2) : mais c’est sans subtilité et sans ruse que chacun, dans la mesure de ses moyens, parlait pour se défendre. En outre, si vraiment les orateurs avaient foi en leur propre capacité de persuasion, ils n’auraient pas besoin de provoquer ni pitié ni lamentations ni indignation ni tout autre sentiment de ce genre - toutes choses qui, en vérité, ne persuadent nullement, mais faussent l’opinion des juges et obscurcissent la justice.

SEXTUS EMPIRICUS Contre les Rhéteurs

(1) sans apprêt : sans artifice.

(2) Aréopage : tribunal d’Athènes.

2012 L LA RÉUNION NORMALE Peut-on s’engager sans renoncer à sa liberté ?

2012 L LA RÉUNION NORMALE Sait-on ce qu’on désire ?

2012 L LA RÉUNION NORMALE Chacun de nous a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l’âme. Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu’on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d’un mobile sans jamais combler l’espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience

2012 S LA RÉUNION NORMALE Puis-je ne pas être moi-même ?

2012 S LA RÉUNION NORMALE Le travail peut-il être autre chose qu’un moyen de satisfaire des besoins ?

2012 S LA RÉUNION NORMALE Quant à l’efficacité de la force et de la rigueur pour modifier les opinions des hommes, l’histoire est remplie d’exemples de leur essai ; mais à peine trouvera-t-on un cas où une opinion ait été éradiquée par les persécutions, sauf là où la violence qui s’est exercée à son encontre s’est employée en même temps à exterminer tous ceux qui la professaient. Je désire seulement que chacun consulte son propre coeur et qu’il en fasse l’expérience : la violence peut-elle contraindre les opinions ? Les arguments eux-mêmes, lorsqu’ils sont poussés avec trop de chaleur, ne nous rendent-ils pas encore plus obstinés dans nos opinions ? Les hommes sont en effet fort soucieux de préserver la liberté de cette partie d’eux-mêmes en quoi réside leur dignité d’hommes et qui, si on pouvait la contraindre, ferait d’eux des créatures très peu différentes des bêtes brutes. Je pose la question à ceux qui, récemment, ont eux-mêmes résisté avec constance à l’emploi d’une force qui s’est révélée sans efficacité, et qui ont montré à quel point elle était incapable de l’emporter sur leurs opinions, alors qu’ils s’empressent aujourd’hui de l’exercer sur les autres : toute la rigueur du monde pouvait-elle les rapprocher d’un seul pas d’une adhésion intime et sincère aux opinions qui prédominaient alors ? Et qu’ils ne viennent pas me dire que c’est parce qu’ils étaient assurés d’être dans le vrai car, dans ce qu’il croit, tout homme est persuadé qu’il a raison.

LOCKE Lettre sur la tolérance

2012 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Faire des expériences, est-ce le seul moyen de connaître ?

2012 TECHN. LA RÉUNION NORMALE La violence peut-elle être juste ?

2012 TECHN. LA RÉUNION NORMALE Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique ; en un mot tant qu’ils ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons, heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant : mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.

ROUSSEAU

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée centrale du texte, puis ses différents moments.

2° Expliquez :

a) "tant qu’ils ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons, heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature" ;

b) "dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre (...), l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire.

3° Demeure-t-on libre quand on a besoin de l’aide d’autrui ?

2012 ES LIBAN NORMALE La morale peut-elle se réduire à un ensemble d’interdictions ?

2012 ES LIBAN NORMALE La laideur peut-elle intéresser l’artiste ?

2012 ES LIBAN NORMALE La tradition rationaliste occidentale, qui nous vient des Grecs, est celle de la discussion critique : elle consiste à examiner et à tester les propositions ou les théories en essayant d’en produire la réfutation. Il ne faut pas voir dans ce processus une méthode de démonstration qui permettrait, en dernière analyse, d’établir la vérité ; et il ne s’agit pas non plus d’une démarche aboutissant nécessairement à la formation d’un consensus. Son intérêt vient plutôt de ce que la discussion permet aux divers interlocuteurs de modifier, peu ou prou, leur sentiment et, au terme de cet échange, d’être devenus plus avisés.

On prétend souvent que la discussion n’est possible qu’avec des partenaires qui tiennent un même langage et souscrivent aux mêmes hypothèses fondamentales. Or ce n’est pas vrai. Il suffit seulement d’être disposé à apprendre auprès de l’interlocuteur avec lequel on discute, ce qui implique le désir réel de comprendre le message que celui-ci veut faire passer. Et lorsque cette disponibilité existe, la fécondité du débat est d’autant plus grande que les participants viennent d’horizons différents. L’intérêt d’une discussion est donc fonction, dans une large mesure, de la diversité des conceptions qui s’y affrontent.

POPPER Conjectures et réfutations

2012 L LIBAN NORMALE Le langage détermine-t-il notre rapport au réel ?

2012 L LIBAN NORMALE L’art est-il un divertissement ?

2012 L LIBAN NORMALE Si les châtiments seuls, et non la nature, détournaient les hommes de l’injustice, une fois la crainte des châtiments ôtée, de quoi les méchants pourraient-ils s’inquiéter ? Cependant il ne s’est jamais rencontré criminel assez effronté, ou pour ne pas nier qu’il eût commis le crime, ou pour ne pas alléguer sa propre souffrance comme un motif légitime, ou pour ne pas chercher dans le droit naturel quelque moyen de défense. Si les méchants osent invoquer pareilles excuses, à plus forte raison pourront-elles l’être par les gens de bien. Si seule la peine encourue, la crainte du châtiment, et non la laideur même de l’acte, détourne les hommes d’une vie injuste et criminelle, personne n’est injuste : les méchants doivent plutôt être considérés comme des hommes qui calculent mal. Et nous qui ne sommes pas déterminés à être des gens de bien par la recherche de l’honnêteté elle-même, mais par celle de l’utilité et du profit, nous sommes habiles et non vertueux. Que fera en effet dans les ténèbres l’homme qui n’a d’autre crainte que celle du témoin ou du juge ? S’il vient à rencontrer en un lieu désert un homme chargé d’or et qu’il peut dépouiller, un être seul et sans défense, que fera-t-il ? En pareille occurrence notre homme de bien à nous, celui qui est juste et bon parce que la nature le veut, conversera avec le voyageur, l’aidera, le remettra dans son chemin. Quant à celui qui ne fait rien pour autrui et qui, en toutes choses, prend pour mesure son intérêt, vous voyez, je pense, ce qu’il fera. Niera-t-il qu’il veuille en pareil cas attenter à la vie de son semblable et lui prendre son or ? S’il s’en abstient, ce ne sera jamais parce qu’il juge pareille action laide au regard de la nature, mais parce qu’il craint d’être découvert et d’en subir les conséquences.

CICÉRON Les lois.

2012 S LIBAN NORMALE Un État démocratique doit-il tolérer toutes les opinions ?

2012 S LIBAN NORMALE L’originalité fait-elle la valeur de l’oeuvre d’art ?

2012 S LIBAN NORMALE On ne désire en réalité qu’une chose : le bonheur. Toute chose qu’on désire autrement qu’à titre de moyen conduisant à quelque but éloigné, et en définitive au bonheur, est désirée comme une partie même du bonheur et n’est pas désirée pour elle-même tant qu’elle n’est pas devenue une partie du bonheur. Ceux qui désirent la vertu pour elle-même la désirent, soit parce que la conscience de la posséder est un plaisir, soit parce que la conscience d’en être dépourvu est une peine, soit pour les deux raisons réunies ; car, à vrai dire, le plaisir et la peine en ce cas existent rarement séparés, mais se présentent presque toujours ensemble, la même personne éprouvant le plaisir d’avoir atteint un certain degré de vertu et la peine de ne pas s’être élevé plus haut. Si elle n’éprouvait ni ce plaisir, ni cette peine, c’est qu’elle n’aimerait pas ou ne désirerait pas la vertu, ou la désirerait seulement pour les autres avantages qu’elle pourrait lui apporter, soit à elle-même, soit aux personnes auxquelles elle tient.

MILL L’Utilitarisme

2012 ES MÉTROPOLE NORMALE Peut-il exister des désirs naturels ?

2012 ES MÉTROPOLE NORMALE Travailler, est-ce seulement être utile ?

2012 ES MÉTROPOLE NORMALE En morale, les règles éternelles d’action ont la même vérité immuable et universelle que les propositions en géométrie. Ni les unes ni les autres ne dépendent des circonstances, ni des accidents, car elles sont vraies en tout temps et en tout lieu, sans limitation ni exception. "Tu ne dois pas résister au pouvoir civil suprême" est une règle qui n’est pas moins constante ni invariable pour tracer la conduite d’un sujet à l’égard du gouvernement, que "multiplie la hauteur par la moitié de la base" pour mesurer la surface d’un triangle. Et de même qu’on ne jugerait pas que cette règle mathématique perd de son universalité, parce qu’elle ne permet pas la mesure exacte d’un champ qui n’est pas exactement un triangle, de même on ne doit pas juger comme un argument contraire à l’universalité de la règle qui prescrit l’obéissance passive, le fait qu’elle ne touche pas la conduite d’un homme toutes les fois qu’un gouvernement est renversé ou que le pouvoir suprême est disputé. Il doit y avoir un triangle et vous devez vous servir de vos sens pour le connaître, avant qu’il y ait lieu d’appliquer votre règle mathématique. Et il doit y avoir un gouvernement civil, et vous devez savoir entre quelles mains il se trouve, avant qu’intervienne le précepte moral. Mais, quand nous savons où est certainement le pouvoir suprême, nous ne devons pas plus douter que nous devons nous y soumettre, que nous ne douterions du procédé pour mesurer une figure que nous savons être un triangle.

BERKELEY De l’Obéissance passive

2012 L MÉTROPOLE NORMALE Que gagne-t-on en travaillant ?

2012 L MÉTROPOLE NORMALE Toute croyance est-elle contraire à la raison ?

2012 L MÉTROPOLE NORMALE La fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’État est donc en réalité la liberté. (Et), pour former l’État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner1 et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au-delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine.

SPINOZA Traité théologico-politique

2012 S MÉTROPOLE NORMALE Avons-nous le devoir de chercher la vérité ?

2012 S MÉTROPOLE NORMALE Serions-nous plus libres sans l’État ?

2012 S MÉTROPOLE NORMALE On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation. Si l’homme naissait grand et fort, sa taille et sa force lui seraient inutiles jusqu’à ce qu’il eût appris à s’en servir ; elles lui seraient préjudiciables, en empêchant les autres de songer à l’assister ; et, abandonné à lui-même, il mourrait de misère avant d’avoir connu ses besoins. On se plaint de l’état de l’enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l’homme n’eût commencé par être enfant.

Nous naissons faibles, nous avons besoin de force ; nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d’assistance ; nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n’avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l’éducation.

Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses. Le développement interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature ; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes ; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses.

Chacun de nous est donc formé par trois sortes de maîtres. Le disciple dans lequel leurs diverses leçons se contrarient est mal élevé, et ne sera jamais d’accord avec lui-même ; celui dans lequel elles tombent toutes sur les mêmes points, et tendent aux mêmes fins, va seul à son but et vit conséquemment. Celui-là seul est bien élevé.

ROUSSEAU Emile

2012 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La recherche de la vérité peut-elle se passer du doute ?

2012 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d’art ?

2012 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Qu’est-ce qu’une bonne loi ? Par bonne loi, je n’entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par le pouvoir souverain, et tout ce qui est fait par ce pouvoir est sûr, et approuvé par tout un chacun parmi le peuple. Et ce que tout homme veut, nul ne saurait le dire injuste. Il en est des lois de la communauté politique comme des lois du jeu : ce sur quoi les joueurs se sont mis d’accord ne saurait être une injustice pour aucun d’eux. Une bonne loi est celle qui est à la fois nécessaire au bien du peuple et facile à comprendre.

En effet, le rôle des lois, qui ne sont que des règles revêtues d’une autorité, n’est pas d’empêcher toute action volontaire, mais de diriger et de contenir les mouvements des gens, de manière qu’ils ne se nuisent pas à eux-mêmes par l’impétuosité (1) de leurs désirs, leur empressement ou leur aveuglement ; comme on dresse des haies, non pas pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. C’est pourquoi une loi qui n’est pas nécessaire, c’est-à-dire qui ne satisfait pas à ce à quoi vise une loi, n’est pas bonne.

HOBBES

(1) impétuosité : ardeur, fougue, violence.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "Il en est des lois de la communauté politique comme des lois du jeu" ;

b) "expliquez : "Une bonne loi est celle qui est à la fois nécessaire au bien du peuple et facile à comprendre" ;

c) expliquez : "comme on dresse des haies, non pas pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin".

3° Le rôle des lois est-il seulement d’empêcher les hommes de se nuire à eux-mêmes ?

2012 TMD MÉTROPOLE NORMALE Peut-on désirer travailler ?

2012 TMD MÉTROPOLE NORMALE Le mensonge est-il une vertu politique ?

2012 TMD MÉTROPOLE NORMALE Supposez un homme transporté pendant son sommeil dans une chambre où se trouve une personne qu’il est impatient de voir et qu’il y soit enfermé de sorte qu’il soit hors de son pouvoir de sortir ; il se réveille, il est heureux de se trouver en compagnie si désirée et il demeure volontairement là, c’est-à-dire il préfère rester plutôt que s’en aller. Ma question : n’est-ce pas rester volontairement ? Je pense que personne n’en doutera ; et pourtant, étant enfermé, il n’a évidemment pas la liberté de ne pas rester, il n’a aucune liberté de sortir. Ainsi, la liberté n’est pas une idée attachée à la volition (1) ou à la préférence, mais à la personne qui a le pouvoir de faire ou d’éviter de faire selon que l’esprit choisira ou ordonnera. Notre idée de liberté a la même extension que ce pouvoir et pas plus. Car là où une limite vient s’opposer à ce pouvoir, là où une contrainte ôte l’indifférence ou la capacité d’agir en l’un ou l’autre sens, la liberté disparaît aussitôt et avec elle la notion que l’on en a.

LOCKE

(1) volition : acte de la volonté.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) à partir du cas imaginé par Locke, distinguez l’action volontaire de l’action libre ;

b) expliquez : "il n’a évidemment pas la liberté de ne pas rester, il n’a aucune liberté de sortir" ;

c) expliquez : "Notre idée de liberté a la même extension que ce pouvoir et pas plus".

3° Puis-je faire ce que je veux sans pour autant être libre ?

2012 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Y a-t-il des opinions raisonnables ?

2012 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une oeuvre d’art doit-elle nécessairement donner du plaisir ?

2012 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Je conçois deux manières d’arriver à la félicité (1). L’une en satisfaisant ses passions et l’autre en les modérant : par la première on jouit, par la seconde on ne désire point, et l’on serait heureux par toutes deux s’il ne manquait à l’une cette durée et à l’autre cette vivacité qui constituent le vrai bonheur.

Les routes pour arriver à ces deux états sont entièrement opposées, il faut donc opter, et le choix est aisé si l’on compare les effets de l’un et de l’autre. On ne saurait nier qu’un homme qui savoure à longs traits le plaisir et la volupté ne soit actuellement plus heureux et ne jouisse mieux des charmes de la vie que celui qui ne désire ni ne possède point. Deux choses me semblent pourtant rendre l’état du dernier préférable. En premier lieu : plus l’action du plaisir est vive, et moins elle a de durée ; c’est un fait incontesté. On perd donc sur le temps ce qu’on gagne sur le sentiment ; jusqu’ici tout serait compensé. Mais voici en quoi la chose n’est pas égale : c’est que le goût ardent des plaisirs agit d’une telle manière sur l’imagination qu’elle reste émue, même après l’effet du sentiment, et prolonge ainsi le désir plus loin que la possibilité de le satisfaire. D’où je conclus que la jouissance immodérée du plaisir est pour l’avenir un principe d’inquiétude.

Au contraire : les peines d’un homme qui, sans avoir joui, n’a que quelques désirs à combattre, diminuent à mesure qu’il gagne du temps, et la longue tranquillité de l’âme lui donne plus de force pour la conserver toujours. Son bonheur augmente à mesure que celui de l’autre diminue.

ROUSSEAU Mémoire à M. De Mably

(1) : état de celui qui est pleinement heureux.

2012 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’esprit est-il une réalité comme les autres ?

2012 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT La technique n’est-elle qu’un outil au service de l’homme ?

2012 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT J’avoue ne pas pouvoir me faire très bien à cette expression dont usent aussi des hommes avisés : un certain peuple (en train d’élaborer sa liberté légale (1) n’est pas mûr pour la liberté ; les serfs d’un propriétaire terrien ne sont pas encore mûrs pour la liberté ; et de même aussi, les hommes ne sont pas encore mûrs pour la liberté de croire. Dans une hypothèse de ce genre, la liberté ne se produira jamais ; car on ne peut pas mûrir pour la liberté, si l’on n’a pas été mis au préalable en liberté (il faut être libre pour pouvoir se servir utilement de ses forces dans la liberté). Les premiers essais en seront sans doute grossiers, et liés d’ordinaire à une condition plus pénible et plus dangereuse que lorsqu’on se trouvait encore sous les ordres, mais aussi sous la prévoyance d’autrui ; cependant jamais on ne mûrit pour la raison autrement que grâce à ses tentatives personnelles (qu’il faut être libre de pouvoir entreprendre). Je ne fais pas d’objection à ce que ceux qui détiennent le pouvoir renvoient encore loin, bien loin, obligés par les circonstances, le moment d’affranchir les hommes de ces trois chaînes. Mais, ériger en principe que la liberté ne vaut rien d’une manière générale pour ceux qui leur sont assujettis et qu’on ait le droit de les en écarter toujours, c’est là une atteinte aux droits régaliens (2) de la divinité elle-même qui a créé l’homme pour la liberté. Il est plus commode évidemment de régner dans l’État, la famille et l’Eglise quand on peut faire aboutir un pareil principe. Mais est-ce aussi plus juste ?

KANT La Religion dans les limites de la simple raison

(1) liberté juridique

(2) droits souverains ou supérieurs

2012 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La cohérence d’une pensée suffit-elle à garantir sa vérité ?

2012 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est-ce un devoir de se connaître soi-même ?

2012 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT S’il est manifeste que l’homme est bien l’auteur de ses propres actions, et si nous ne pouvons pas ramener nos actions à d’autres principes que ceux qui sont en nous, alors les actions dont les principes sont en nous dépendent elles-mêmes de nous et sont volontaires.

En faveur de ces considérations, on peut, semble-t-il, appeler en témoignage à la fois le comportement des individus dans leur vie privée et la pratique des législateurs eux-mêmes : on châtie, en effet, et on oblige à réparation ceux qui commettent des actions mauvaises, à moins qu’ils n’aient agi sous la contrainte ou par une ignorance dont ils ne sont pas eux-mêmes causes, et, d’autre part, on honore ceux qui accomplissent de bonnes actions, et on pense ainsi encourager ces derniers et réprimer les autres. Mais les choses qui ne dépendent pas de nous et ne sont pas volontaires, personne n’engage à les faire, attendu qu’on perdrait son temps à nous persuader de ne pas avoir chaud, de ne pas souffrir, de ne pas avoir faim, et ainsi de suite, puisque nous n’en serons pas moins sujets à éprouver ces impressions. Et, en effet, nous punissons quelqu’un pour son ignorance même, si nous le tenons pour responsable de son ignorance, comme par exemple dans le cas d’ébriété où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que le principe de l’acte réside dans l’agent lui-même qui était maître de ne pas s’enivrer et qui est ainsi responsable de son ignorance.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque

2012 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le respect des opinions est-il un obstacle à la recherche de la vérité ?

2012 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’activité artistique peut-elle se passer de techniques ?

2012 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’ETRANGER (1) : La loi ne pourra jamais tenir exactement compte de ce qui est le meilleur et le plus juste pour tout le monde à la fois, pour y conformer ses prescriptions : car les différences qui sont entre les individus et entre les actions et le fait qu’aucune chose humaine, pour ainsi dire, ne reste jamais en repos, interdisent à toute science, quelle qu’elle soit, de promulguer en aucune manière une règle simple qui s’applique à tous les cas et en tous les temps. Accordons-nous cela ?

SOCRATE LE JEUNE : Comment s’y refuser ?

L’ETRANGER : Et cependant, nous le voyons, c’est à cette uniformité même que tend la loi, comme un homme buté et ignorant, qui ne permet à personne de rien faire contre son ordre, ni même de lui poser une question, lors même qu’il viendrait à quelqu’un une idée nouvelle, préférable à ce qu’il a prescrit lui-même.

SOCRATE LE JEUNE : C’est vrai. La loi agit réellement à l’égard de chacun de nous comme tu viens de le dire.

PLATON

(1) Ce texte reproduit un dialogue entre deux personnages, l’Etranger et Socrate le jeune.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° a) Pourquoi une règle simple ne peut-elle pas s’appliquer "à tous les cas et en tous les temps" ?

b) Pourquoi la loi est-elle ici comparée à un homme buté et ignorant ?

3° La généralité de la loi la rend-elle parfois injuste ?

2012 ES MÉTROPOLE SECOURS Suis-je l’auteur de ce que je dis ?

2012 ES MÉTROPOLE SECOURS En politique, tous les moyens sont-ils bons ?

2012 ES MÉTROPOLE SECOURS Celui qui connait seulement son propre argument dans une affaire en connaît peu de chose. Il est possible que son raisonnement soit bon et que personne ne soit arrivé à le réfuter. Mais s’il est, lui aussi, incapable de réfuter le raisonnement de la partie adverse. et s’il n’en a même pas connaissance, il n’a aucune raison de préférer une opinion à une autre. La position rationnelle à adopter dans son cas serait la suspension du jugement, et faute de savoir s’en contenter, soit il se laisse conduire par l’autorité, soit il adopte, comme la majorité des gens, le parti pour lequel il éprouve le penchant le plus fort. Il ne suffit pas non plus qu’il écoute les arguments de ses adversaires de la bouche de ses propres maîtres, présentés à leur façon, et accompagnés de ce qu’ils proposent comme des réfutations. Ce n’est pas comme cela que l’on rend justice aux arguments, ou qu’on les confronte vraiment avec son propre esprit. On doit être capable de les écouter de la bouche même des personnes qui les croient réellement, qui les défendent sérieusement, et qui font tout leur possible pour les soutenir, Il faut les connaître sous leur forme la plus plausible et la plus persuasive et il faut sentir toute la force de la difficulté que la véritable conception du sujet doit affronter et résoudre ; sans quoi on ne possède jamais réellement soi-même cette partie de la vérité qui affronte la difficulté et la supprime.

MILL De la Liberté

2012 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’art est-il dérangeant ?

2012 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il être juste pour bien gouverner ?

2012 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Dans la mesure où toute connaissance commence par l’expérience, il suit que toute nouvelle expérience est également le point de départ d’une nouvelle connaissance, et tout élargissement de l’expérience est le début d’un accroissement de la connaissance. Il en résulte que toutes les nouveautés qu’un homme rencontre lui donne l’espoir et l’occasion de connaître quelque chose qu’il ne connaissait pas auparavant. Cet espoir et cette attente d’une nouvelle connaissance de quelque chose de nouveau et d’étrange est la passion qu’on appelle généralement ADMIRATION, et la même passion, en tant qu’appétit, est appelée CURIOSITÉ, c’est-à-dire appétit de connaissance. De même que, dans les facultés de discerner, un homme quitte toute communauté avec les bêtes par la faculté d’imposer des noms, il surmonte également leur nature par la passion qu’est la curiosité. En effet, lorsqu’une bête voit quelque chose de nouveau ou d’étrange pour elle, elle l’observe uniquement pour discerner si cette chose est susceptible de lui rendre service ou de lui faire du mal, et, en fonction de cela, elle s’approche d’elle ou la fuit, tandis qu’un homme, qui, dans la plupart des cas, se souvient de la manière dont les événements ont été causés et ont commencé, cherche la cause et le commencement de toutes les choses qui surviennent et qui sont nouvelles pour lui. Et de cette passion (admiration et curiosité) sont issues, non seulement l’invention des noms, mais aussi les hypothèses sur les causes qui, pense-t-on, produisent toute chose.

HOBBES Eléments de loi

2012 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’art n’est-il qu’un divertissement ?

2012 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Percevoir, est-ce déjà connaître ?

2012 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Celui qui pourrait regarder à l’intérieur d’un cerveau en pleine activité, suivre le va-et-vient des atomes et interpréter tout ce qu’ils font, celui-là saurait sans doute quelque chose de ce qui se passe dans l’esprit, mais il n’en saurait que peu de chose. Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l’état d’âme contient d’action en voie d’accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait. Il serait, vis-à-vis des pensées et des sentiments qui se déroulent à l’intérieur de la conscience, dans la situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la scène, mais n’entend pas un mot de ce qu’ils disent. Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leur raison d’être dans la pièce qu’ils jouent ; et si nous connaissons le texte, nous pouvons prévoir à peu près le geste ; mais la réciproque n’est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce, parce qu’il y a beaucoup plus dans une fine comédie que les mouvements par lesquels on la scande. Ainsi, je crois que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d’âme déterminé ; mais l’opération inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d’états d’âme différents, également appropriés.

BERGSON L’Énergie spirituelle

2012 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Suffit-il de connaître la matière pour connaître le vivant ?

2012 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le pouvoir politique peut-il appartenir à ceux qui sont gouvernés ?

2012 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le sage seul est libre. Qu’est-ce, en effet, que la liberté ? Le pouvoir de vivre comme on veut ! Qui donc vit comme il veut sinon celui qui suit le droit chemin, qui trouve son plaisir dans le devoir, qui a examiné et prévu un plan de vie, qui n’obéit pas seulement aux lois par crainte, mais qui les observe et les respecte parce qu’il juge cette attitude la plus salutaire ; celui qui ne dit rien, ne fait rien, enfin ne pense rien que de son propre mouvement et de son propre gré, celui dont toutes les décisions et tous les actes trouvent en lui-même leur principe et leur fin, qui ne laisse rien prévaloir sur sa volonté et sur son jugement ; celui devant qui la Fortune (1) même, à qui l’on attribue un très grand pouvoir, recule, s’il est vrai, comme l’a dit un sage poète, que "ce sont ses propres moeurs qui façonnent à chacun sa fortune" ? Au sage seul échoit donc la chance de ne rien faire malgré lui, rien à regret, rien par contrainte.

CICÉRON Paradoxes des stoïciens.

(1) Fortune : divinité romaine du Destin.

2012 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Un acte libre comporte-t-il nécessairement des risques ?

2012 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La recherche d’un profit est-elle le but de tout échange ?

2012 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Les animaux autres que l’homme vivent (...) réduits aux images et aux souvenirs ; à peine possèdent-ils l’expérience, tandis que le genre humain s’élève jusqu’à l’art (1) et jusqu’au raisonnement. C’est de la mémoire que naît l’expérience chez les hommes ; en effet, de nombreux souvenirs d’une même chose constituent finalement une expérience ; or l’expérience paraît être presque de même nature que la science et l’art, mais en réalité, la science et l’art viennent aux hommes par l’intermédiaire de l’expérience, car "l’expérience a créé l’art, comme le dit Polus avec raison, et l’inexpérience, la chance". L’art apparaît lorsque, d’une multitude de notions expérimentales, se dégage un seul jugement universel applicable à tous les cas semblables. En effet, former le jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle maladie, puis Socrate, puis plusieurs autres pris individuellement, c’est le fait de l’expérience ; mais juger que tel remède a soulagé tous les individus atteints de telle maladie, déterminée par un concept unique (...), cela appartient à l’art.

ARISTOTE

(1) au sens où l’on peut parler de l’art du médecin.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.

2° Expliquez :

a) "de nombreux souvenirs d’une même chose constituent finalement une

expérience" ;

b) "mais juger que tel remède a soulagé tous les individus atteints de telle maladie,

déterminée par un concept unique (...), cela appartient à l’art".

3° L’expérience seule produit-elle le savoir ?

2012 ES POLYNÉSIE NORMALE Mes désirs m’appartiennent-ils ?

2012 ES POLYNÉSIE NORMALE La religion est-elle une production culturelle comme les autres ?

2012 ES POLYNÉSIE NORMALE Il y a une liaison dans les perceptions des animaux qui a quelque ressemblance avec la raison ; mais elle n’est fondée que dans la mémoire des faits ou effets, et nullement dans la connaissance des causes. C’est ainsi qu’un chien fuit le bâton dont il a été frappé parce que la mémoire lui représente la douleur que ce bâton lui a causée. Et les hommes, en tant qu’ils sont empiriques, c’est-à-dire dans les trois quarts de leurs actions, n’agissent que comme des bêtes ; par exemple, on s’attend qu’il fera jour demain, parce qu’on l’a toujours expérimenté ainsi. Il n’y a qu’un astronome qui le prévoie par raison ; et même cette prédiction manquera enfin, quand la cause du jour, qui n’est point éternelle, cessera. Mais le raisonnement véritable dépend des vérités nécessaires ou éternelles, comme sont celles de la logique, des nombres, de la géométrie, qui font la connexion indubitable des idées et les conséquences immanquables. Les animaux, où ces conséquences ne se remarquent point, sont appelés bêtes ; mais ceux qui connaissent ces vérités nécessaires sont proprement ceux qu’on appelle animaux raisonnables, et leurs âmes sont appelées esprits.

LEIBNIZ Principes de la nature et de la grâce

2012 L POLYNÉSIE NORMALE Pouvons-nous dissocier le réel de nos interprétations ?

2012 L POLYNÉSIE NORMALE Les objets techniques nous imposent-ils une façon de penser ou seulement une manière de vivre ?

2012 L POLYNÉSIE NORMALE Ce n’est pas pour les richesses ni pour les honneurs que les gens de bien consentent à gouverner : ils ne souhaitent aucunement être considérés comme des salariés en exerçant ouvertement leur fonction de commander contre un salaire, pas plus qu’ils ne souhaitent être traités de voleurs en retirant personnellement de leur fonction des avantages occultes. Ils ne le font pas davantage en vue des honneurs, car ils ne recherchent pas les honneurs. Il est donc nécessaire que la perspective d’une punition vienne les contraindre à s’engager, s’ils doivent consentir à prendre le commandement. De là vient, pour celui qui s’engage spontanément dans l’exercice du gouvernement sans avoir subi la pression de la contrainte, le risque de s’attacher une réputation déshonorante. Or, la punition la plus sévère est d’être commandé par quelqu’un de plus médiocre que soi, si on ne consent pas à gouverner soi-même. C’est parce qu’ils redoutent cette punition, me semble-t-il, que les gens valeureux prennent le pouvoir quand ils le font. Ils s’engagent alors dans l’exercice du gouvernement sans rechercher leur intérêt personnel, ni comme s’ils en attendaient de l’agrément, mais bien par nécessité, et parce qu’il ne leur est pas loisible de confier le pouvoir à des gens meilleurs qu’eux-mêmes, ou tout simplement semblables à eux. Si, d’aventure, une cité composée d’hommes de bien venait à exister, l’abstention des fonctions de gouvernement serait l’objet de bien des rivalités, comme on le fait à présent pour parvenir à gouverner, et il serait tout à fait manifeste que le gouvernant véritable n’est pas disposé naturellement à rechercher son intérêt personnel, mais bien celui du sujet qu’il gouverne.

PLATON La République

2012 S POLYNÉSIE NORMALE La justice ne vise-t-elle que la paix sociale ?

2012 S POLYNÉSIE NORMALE La vérité est-elle un produit de la raison ?

2012 S POLYNÉSIE NORMALE Lorsque les objets attirent notre attention, les perceptions qu’ils occasionnent en nous se lient avec le sentiment de notre être et avec tout ce qui peut y avoir quelque rapport. De là il arrive que non seulement la conscience nous donne connaissance de nos perceptions, mais encore, si elles se répètent, elle nous avertit souvent que nous les avons déjà eues, et nous les fait connaître comme étant à nous, ou comme affectant, malgré leur variété et leur succession, un être qui est constamment le même nous. La conscience, considérée par rapport à ces nouveaux effets, est une nouvelle opération qui nous sert à chaque instant et qui est le fondement de l’expérience. Sans elle, chaque moment de la vie nous paraît le premier de notre existence, et notre connaissance ne s’étendrait jamais au-delà d’une première perception.

Il est évident que si la liaison qui est entre les perceptions que j’éprouve actuellement, celles que j’éprouvai hier, et le sentiment de mon être, était détruite, je ne saurais reconnaître que ce qui m’est arrivé hier soit arrivé à moi-même. Si à chaque nuit cette liaison était interrompue, je commencerais pour ainsi dire chaque jour une nouvelle vie, et personne ne pourrait me convaincre que le moi d’aujourd’hui fût le moi de la veille.

CONDILLAC Essai sur l’origine des connaissances humaines

2012 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Dépend-il de nous d’être heureux ?

2012 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’expérience peut-elle tout prouver ?

2012 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Il n’y a point de vrai souverain que la nation ; il ne peut y avoir de vrai législateur que le peuple ; il est rare qu’un peuple se soumette sincèrement à des lois qu’on lui impose, il les aimera, il les respectera, il y obéira, il les défendra comme son propre ouvrage, s’il en est lui-même l’auteur. Ce ne sont plus les volontés arbitraires d’un seul, ce sont celles d’un nombre d’hommes qui ont consulté entre eux (1) sur leur bonheur et leur sécurité ; elles sont vaines, si elles ne commandent pas également à tous ; elles sont vaines s’il y a un seul membre dans la société qui puisse les enfreindre impunément (2). Le premier point d’un code doit donc m’instruire des précautions que l’on a prises pour assurer aux lois leur autorité.

DIDEROT

(1) qui ont consulté entre eux : qui se sont consultés, ont débattu entre eux.

(2) impunément : sans être puni.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Quelle différence y a-t-il entre le "vrai législateur" et "les volontés arbitraires d’un seul" ?

b) en vous appuyant sur le texte, déterminez et expliquez les trois précautions à prendre "pour assurer aux lois leur autorité."

3° Le peuple est-il le seul vrai législateur ?

2013 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Pour être soi-même, faut-il se différencier des autres ?

2013 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Désobéir, est-ce nécessairement mal agir ?

2013 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une langue suppose une suite de pensées, et c’est par cette raison que les animaux n’ont aucune langue. Quand même on voudrait leur accorder quelque chose de semblable à nos premières appréhensions et à nos sensations grossières et les plus machinales, il parait certain qu’ils sont incapables de former cette association d’idées, qui seule peut produire la réflexion, dans laquelle cependant consiste l’essence de la pensée. C’est parce qu’ils ne peuvent joindre ensemble aucune idée, qu’ils ne pensent ni ne parlent, c’est par la même raison qu’ils n’inventent et ne perfectionnent rien. S’ils étaient doués de la puissance de réfléchir, même au plus petit degré, ils seraient capables de quelque espèce de progrès ; ils acquerraient plus d’industrie ; les castors d’aujourd’hui bâtiraient avec plus d’art et de solidité que ne bâtissaient les premiers castors ; l’abeille perfectionnerait encore tous les jours la cellule qu’elle habite : car si on suppose que cette cellule est aussi parfaite qu’elle peut l’être, on donne à cet insecte plus d’esprit que nous n’en avons ; on lui accorde une intelligence supérieure à la nôtre, par laquelle il apercevrait tout d’un coup le dernier point de perfection auquel il doit porter son ouvrage, tandis que nous-mêmes nous ne voyons jamais clairement ce point, et qu’il nous faut beaucoup de réflexions, de temps et d’habitude pour perfectionner le moindre de nos arts.

DIDEROT Encyclopédie (1751)

2013 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Percevoir, est-ce savoir ?

2013 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le sentiment moral peut-il être éduqué ?

2013 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La plupart de ceux qui ont écrit touchant les républiques, supposent ou demandent, comme une chose qui ne leur doit pas être refusée, que l’homme est un animal politique (...) né avec une certaine disposition naturelle à la société. Sur ce fondement‑là ils bâtissent la doctrine civile ; de sorte que pour la conservation de la paix, et pour la conduite de tout le genre humain, il ne faut plus rien sinon que les hommes s’accordent et conviennent de l’observation de certains pactes et conditions, auxquelles alors ils donnent le titre de lois. Cet axiome, quoique reçu si communément, ne laisse pas (1) d’être faux, et l’erreur vient d’une trop légère contemplation de la nature humaine. Car si l’on considère de plus près les causes pour lesquelles les hommes s’assemblent, et se plaisent à une mutuelle société, il apparaîtra bientôt que cela n’arrive que par accident, et non pas par une disposition nécessaire de la nature. En effet, si les hommes s’entr’aimaient naturellement, c’est‑à‑dire, en tant qu’hommes, il n’y a aucune raison pourquoi chacun n’aimerait pas le premier venu, comme étant autant homme qu’un autre ; de ce côté‑là, il n’y aurait aucune occasion d’user de choix et de préférence. je ne sais aussi pourquoi on converserait plus volontiers avec ceux en la société desquels on reçoit de l’honneur ou de l’utilité, qu’avec ceux qui la rendent à quelque autre. Il en faut donc venir là, que nous ne cherchons pas de compagnons par quelque instinct de la nature ; mais bien l’honneur et l’utilité qu’ils nous apportent ; nous ne désirons des personnes avec qui nous conversions, qu’à cause de ces deux avantages qui nous en reviennent.

HOBBES Le Citoyen (1642)

(1) ne manque pas

2013 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une société sans religion est-elle possible ?

2013 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Connaître le réel, est-ce le dominer ?

2013 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il y a (...) souvent des circonstances où les actes qui nous paraissent les plus dignes d’un homme juste, de l’homme que nous appelons homme de bien, se transforment en leurs contraires ; rendre un dépôt, faire une promesse et d’une manière générale accomplir ce qu’exigent la sincérité et la bonne foi, ce sont des devoirs que, dans certains cas, il devient juste d’enfreindre et de ne pas observer. Il convient de se rapporter ici aux fondements de la justice que j’ai posés au début : d’abord ne pas nuire à quiconque, ensuite être au service de l’intérêt commun. Quand les circonstances changent, le devoir change lui aussi, et il n’est pas toujours le même : il peut arriver que tenir une promesse convenue soit nuisible ou à celui à qui on a fait la promesse, ou à celui qui a promis. (...) Il ne faut donc pas tenir les promesses qui sont nuisibles à ceux à qui on les a faites ; et également, si elles nous nuisent plus qu’elles ne servent à celui à qui nous les avons faites, il n’est pas contraire au devoir de préférer le plus au moins : par exemple, si l’on s’est engagé envers quelqu’un à venir en personne pour l’assister, et si dans l’intervalle on a un fils qui tombe gravement malade, il n’est pas contraire au devoir de ne pas faire ce qu’on avait dit qu’on ferait ; et c’est plutôt celui à qui l’on a fait la promesse qui s’écarterait de son devoir s’il se plaignait d’avoir été abandonné.

CICÉRON Traité des devoirs (Ier s. av. J.-C.)

2013 ES ANTILLES NORMALE La culture est-elle un simple ajout à la nature ?

2013 ES ANTILLES NORMALE La raison peut-elle comprendre le réel ?

2013 ES ANTILLES NORMALE Valoir, pour la pensée classique, c’est d’abord valoir quelque chose, être substituable à cette chose dans un processus d’échange. La monnaie n’a été inventée, les prix ne se sont fixés et ne se modifient que dans la mesure où cet échange existe. Or l’échange n’est un phénomène simple qu’en apparence. En effet, on n’échange dans le troc que si chacun des deux partenaires reconnaît une valeur à ce que détient l’autre. En un sens, il faut donc que ces choses échangeables, avec leur valeur propre, existent à l’avance entre les mains de chacun pour que la double cession et la double acquisition se produise enfin. Mais d’un autre côté, ce que chacun mange et boit, ce dont il a besoin pour vivre, n’a pas de valeur tant qu’il ne le cède pas ; et ce dont il n’a pas besoin est également dépourvu de valeur tant qu’il ne s’en sert pas pour acquérir quelque chose dont il aurait besoin. Autrement dit, pour qu’une chose puisse en représenter une autre dans un échange, il faut qu’elles existent déjà chargées de valeur ; et pourtant la valeur n’existe qu’à l’intérieur de la représentation (actuelle ou possible), c’est-à-dire à l’intérieur de l’échange ou de l’échangeabilité. De là deux possibilités simultanées de lecture : l’une analyse la valeur dans l’acte même de l’échange, au point de croisement du donné et du reçu ; l’autre l’analyse comme antérieure à l’échange et comme condition première pour qu’il puisse avoir lieu.

FOUCAULT Les Mots et les choses (1966)

2013 L ANTILLES NORMALE Obéir à l’État, est-ce renoncer à sa liberté ?

2013 L ANTILLES NORMALE Raisonne-t-on bien lorsqu’on veut avoir raison à tout prix ?

2013 L ANTILLES NORMALE Ce qui fait la vie brève et tourmentée, c’est l’oubli du passé, la négligence du présent, la crainte de l’avenir ; arrivés à l’extrémité de leur existence, les malheureux comprennent trop tard qu’ils se sont, tout ce temps, affairés à ne rien faire. Et il ne faut pas croire qu’on puisse prouver qu’ils ont une vie longue par cette raison qu’ils invoquent parfois la mort. Leur imprudence les agite de passions incertaines qui les jettent sur les objets mêmes de leurs craintes ; et souvent ils souhaitent la mort parce qu’ils la craignent. Ne crois pas non plus prouver qu’ils vivent longtemps parce que souvent la journée leur paraît longue, et que, jusqu’au moment fixé pour le repas, ils se plaignent de la lenteur des heures. Car chaque fois que leurs occupations les abandonnent, ils sont inquiets qu’on les laisse en repos ; et ils ne savent pas comment disposer de ces moments pour tuer le temps. C’est pourquoi ils recherchent une occupation ; et tout le temps qui les en sépare leur est pesant : à tel point, ma parole ! que, lorsqu’on a fixé le jour d’une représentation de gladiateurs, ou qu’on attend l’organisation d’un spectacle ou de quelque autre plaisir, ils veulent sauter par-dessus les jours intermédiaires. Tout retard à leur attente est long pour eux. Quant à ce temps qu’ils aiment, il est bref et rapide, et leur folie le rend bien plus rapide encore ; car ils passent vite d’une chose à une autre, et ils ne peuvent s’arrêter à une passion unique. Pour eux les jours ne sont pas longs, ils sont insupportables.

SÉNÈQUE De la Brièveté de la vie (49 ap. J.-C.)

2013 S ANTILLES NORMALE La raison nous permet-elle de dépasser nos conflits ?

2013 S ANTILLES NORMALE La culture nous rend-elle plus libres ?

2013 S ANTILLES NORMALE Le but immédiat du châtiment, considéré dans un cas donné, c’est l’accomplissement de ce contrat qu’on nomme la loi. Or la loi, elle, ne peut avoir qu’un but : détourner chacun, par la crainte, de toute violation du droit d’autrui ; car c’est pour être à l’abri de toute agression injuste, que chacun des contractants s’est uni aux autres dans l’État, a renoncé à toute entreprise injuste, et a consenti aux charges qu’exige l’entretien de l’État. La loi et l’accomplissement de la loi, en d’autres termes le châtiment, ont donc essentiellement en vue l’avenir, nullement le passé. Voilà ce qui distingue le châtiment de la vengeance, qui tire ses motifs de certains faits accomplis, c’est-à-dire du passé. Frapper l’injuste en lui infligeant une souffrance, sans poursuivre en cela un résultat à venir, c’est là la vengeance ; et elle ne peut avoir qu’un but : se donner le spectacle de la souffrance d’autrui, se dire qu’on en est la cause, et se sentir par là consolé de la sienne propre. Pure méchanceté, pure cruauté ; pour de pareils actes, la morale n’a pas de justification. Le tort qu’on m’a fait ne m’autorise pas à infliger pareil tort à autrui. Rendre le mal pour le mal, sans chercher à voir plus loin, c’est ce qui ne peut se justifier ni par des motifs moraux, ni par aucun autre motif raisonnable.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation (1819)

2013 TECHN. ANTILLES NORMALE N’est-on juste que par intérêt ?

2013 TECHN. ANTILLES NORMALE L’oeuvre d’art doit-elle d’abord plaire ?

2013 TECHN. ANTILLES NORMALE La pièce est chaude, le sucre est doux, l’absinthe (1) est désagréable, ce sont là des jugements dont la valeur est simplement subjective. Je ne prétends nullement que moi-même je doive en juger ainsi en tout temps ou que quiconque doive en juger comme moi ; ces jugements expriment seulement une relation de deux sensations au même sujet, c’est-à-dire à moi-même et encore uniquement en l’état actuel de ma perception, et, de ce fait, ils ne doivent pas valoir non plus pour l’objet ; ce sont de tels jugements que j’appelle "jugements de perception". Il en va tout autrement du jugement d’expérience. Ce que l’expérience m’apprend en de certaines circonstances, il faut qu’elle me l’apprenne en tout temps et qu’elle l’apprenne à quiconque également, et sa validité ne se restreint pas au sujet ou à son état momentané. Voilà pourquoi j’énonce de tels jugements comme objectivement valables. Quand je dis, par exemple : l’air est élastique (2), ce jugement n’est tout d’abord qu’un jugement de perception où je me contente de rapporter l’une à l’autre deux sensations telles que mes sens me les procurent. Pour que je puisse en faire un jugement d’expérience, j’exige que cette connexion (3) soit soumise à une condition qui la rende universellement valable. Il faut donc que la même perception dans les mêmes circonstances m’impose à moi en tout temps ainsi qu’à quiconque d’établir une connexion nécessaire.

KANT Prolégomènes à toute métaphysique future (1783)

(1) l’absinthe : plante amère.

(2) élastique : qui ne résiste pas à la compression.

(3) connexion : mise en rapport.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.

a) À partir des trois premiers exemples donnés par l’auteur, expliquez : "ce sont là des

jugements dont la valeur est simplement subjective" ;

b) quelle différence l’auteur établit-il entre "jugement de perception" et "jugement

d’expérience" ;

c) expliquez : "Il faut (...) que la même perception dans les mêmes circonstances m’imposent à moi en tout temps ainsi qu’à quiconque d’établir une connexion nécessaire."

3° Peut-on établir une connaissance objective à partir de l’expérience ?

2013 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faire valoir ses droits, est-ce la même chose que défendre ses intérêts ?

2013 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art est-il un divertissement ?

2013 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’homme le plus heureux est celui qui parcourt sa vie sans douleurs trop grandes, soit au moral, soit au physique, et non pas celui qui a eu pour sa part les joies les plus vives ou les jouissances les plus fortes. Vouloir mesurer sur celles-ci le bonheur d’une existence, c’est recourir à une fausse échelle. Car les plaisirs sont et restent négatifs ; croire qu’ils rendent heureux est une illusion que l’envie entretient et par laquelle elle se punit elle-même. Les douleurs au contraire sont senties positivement, c’est leur absence qui est l’échelle du bonheur de la vie. Si, à un état libre de douleur vient s’ajouter encore l’absence de l’ennui, alors on atteint le bonheur sur terre dans ce qu’il a d’essentiel, car le reste n’est plus que chimère. Il suit de là qu’il ne faut jamais acheter de plaisirs au prix de douleurs, ni même de leur menace seule, vu que ce serait payer du négatif et du chimérique avec du positif et du réel. En revanche, il y a bénéfice à sacrifier des plaisirs pour éviter des douleurs. Dans l’un et l’autre cas, il est indifférent que les douleurs suivent ou précèdent les plaisirs. Il n’y a vraiment pas de folie plus grande que de vouloir transformer ce théâtre de misères en un lieu de plaisance, et de poursuivre des jouissances et des joies au lieu de chercher à éviter la plus grande somme possible de douleurs. Que de gens cependant tombent dans cette folie !

SCHOPENHAUER Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851)

2013 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le travail fait-il violence à notre humanité ?

2013 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il des certitudes sans démonstration ?

2013 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Rien (...) n’a plus d’importance que d’éviter de suivre, comme le font les moutons, le troupeau de ceux qui nous précèdent, nous dirigeant non pas où il faut aller, mais où il va. Et pourtant rien ne nous empêtre dans de plus grands maux que de nous régler sur les bruits qui courent, dans l’idée que le meilleur c’est ce qui est généralement reçu et c’est de vivre non selon la raison mais par imitation, ce dont nous avons de nombreux exemples. De là vient un tel amoncellement de gens les uns sur les autres. Ce qui se passe dans une grande bousculade quand la populace se comprime elle-même (alors nul ne tombe sans en attirer un autre avec lui et les premiers sont la perte de ceux qui les suivent), tu peux le voir arriver dans toute existence : nul ne se trompe seulement pour son propre compte, mais il est la cause et l’auteur de l’erreur d’autrui. Il est nuisible, en effet, d’être attaché à ceux qui nous précèdent : chacun préférant croire plutôt que juger, on ne porte jamais de jugement sur la vie, on est toujours dans la croyance ; et l’erreur transmise de main en main nous remue en tous sens et nous mène à notre ruine. Nous périssons par l’exemple des autres. Nous guérirons pour peu que nous nous séparions de la foule. Mais, en réalité, le peuple se dresse contre la raison en défenseur de son propre mal. C’est pourquoi il se produit ce qui se produit dans les assemblées où ceux-là mêmes qui ont fait les magistrats s’étonnent que ce soient ceux-là qui aient été faits, lorsque l’inconstante faveur populaire a changé. Nous approuvons et nous condamnons les mêmes choses : c’est l’issue de tout jugement rendu selon la majorité.

SÉNÈQUE La Vie heureuse (1er siècle)

2013 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il préférer la vérité au bonheur ?

2013 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La technique n’est-elle qu’une application de la science ?

2013 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE "L’union fait la force." La violence est brisée par l’union, la force de ces éléments rassemblés représente dès lors le droit, par opposition à la violence d’un seul. Nous voyons donc que le droit est la force d’une communauté. C’est encore la violence, toujours prête à se tourner contre tout individu qui lui résiste, travaillant avec les mêmes moyens, attachée aux mêmes buts ; la différence réside, en réalité, uniquement dans le fait que ce n’est plus la violence de l’individu qui triomphe, mais celle de la communauté. Mais, pour que s’accomplisse ce passage de la violence au droit nouveau, il faut qu’une condition psychologique soit remplie. L’union du nombre doit être stable et durable. Si elle se créait à seule fin de combattre un plus puissant pour se dissoudre une fois qu’il est vaincu, le résultat serait nul. Le premier qui viendrait ensuite à s’estimer plus fort chercherait de nouveau à instituer une hégémonie de violence, et le jeu se répéterait indéfiniment. La communauté doit être maintenue en permanence, s’organiser, établir des règlements qui préviennent les insurrections à craindre, désigner des organes qui veillent au maintien des règlements - des lois -, et qui assurent l’exécution des actes de violence conformes aux lois. De par la reconnaissance d’une semblable communauté d’intérêts, il se forme, au sein des membres d’un groupe d’hommes réunis, des attaches d’ordre sentimental, des sentiments de communauté, sur lesquels se fonde, à proprement parler, la force de cette collectivité.

FREUD Lettre à Einstein (1932)

2013 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Suffit-il d’appliquer le droit pour être juste ?

2013 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pour atteindre la vérité, toutes les expériences se valent-elles ?

2013 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les dernières générations ont fait des progrès extraordinaires dans les sciences de la nature et leur application technique, et ont affermi leur domination de la nature d’une façon jusque-là inimaginable. Le détail de ces progrès est connu, il est superflu de les énumérer. Les hommes sont fiers de ces conquêtes, et à bon droit. Mais ils croient avoir remarqué que ce pouvoir nouvellement acquis de disposer de l’espace et du temps, cet asservissement des forces de la nature, l’accomplissement de ce désir millénaire, n’ont pas augmenté la satisfaction du plaisir qu’ils attendent de la vie, ils ont le sentiment que tout cela ne les a pas rendus plus heureux. Cette constatation devrait suffire à en tirer la conclusion que le pouvoir exercé sur la nature n’est pas l’unique condition du bonheur des hommes, de même qu’il n’est pas le seul but des aspirations de la culture, et non pas à en déduire que les progrès techniques n’ont aucune valeur pour notre économie du bonheur (1).

FREUD Le Malaise dans la culture (1929).

(1) économie du bonheur : ici, organisation du bonheur.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée directrice du texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "Les hommes sont fiers de ces conquêtes, et à bon droit" ;

b) Expliquez : "il n’est pas le seul but des aspirations de la culture".

3° Le progrès technique est-il une condition du bonheur ?

2013 ES INDE NORMALE Faut-il ne désirer que ce qui est accessible ?

2013 ES INDE NORMALE La liberté peut-elle être un fardeau ?

2013 ES INDE NORMALE Ceux qui veillent (comme ils disent) à donner de bons principes aux enfants (bien peu sont démunis d’un lot de principes pour enfants auxquels ils accordent foi), distillent (1) dans l’entendement jusque là sans prévention (2) ni préjugés ces doctrines qu’ils voudraient voir mémorisées et appliquées (n’importe quel caractère se marque sur du papier blanc) : elles sont enseignées aùssitôt que l’enfant commence à percevoir et, quand il grandit, on les renforce par la répétition publique ou par l’accord tacite (3) du voisinage ; ou au moins par l’accord de ceux dont l’enfant estime la sagesse, la connaissance et la piété et qui n’acceptent que l’on mentionne ces principes autrement que comme la base et le fondement sur lesquels bâtir leur religion et leurs moeurs : ainsi ces doctrines acquièrent-elles la réputation de vérités innées, indubitables et évidentes par elles-mêmes.

On peut ajouter que, lorsque des gens éduqués ainsi grandissent et reviennent sur ce qu’ils pensent, ils n’y peuvent rien trouver de plus ancien que ces opinions qu’on leur a enseignées avant que la mémoire ait commencé à tenir le registre de leurs actes ou des dates d’apparition des nouveautés ; ils n’ont dès lors aucun scrupule à conclure que ces propositions dont la connaissance n’a aucune origine perceptible en eux ont été certainement imprimées sur leur esprit par Dieu ou la Nature et non enseignées par qui que ce soit. Ils conservent ces propositions et s’y soumettent avec vénération, comme beaucoup se soumettent à leurs parents non pas parce que c’est naturel (dans les pays où ils ne sont pas formés ainsi, les enfants n’agissent pas ainsi) mais parce qu’ils pensent que c’est naturel ; ils ont en effet toujours été éduqués ainsi et n’ont pas le moindre souvenir des débuts de ce respect.

LOCKE Essai sur l’entendement humain (1689)

(1) introduisent petit à petit

(2) défiance

(3) sous-entendu, non formulé

2013 S INDE NORMALE Sommes-nous d’autant plus heureux que nous sommes plus libres ?

2013 S INDE NORMALE La technique doit-elle permettre de dépasser les limites de l’humain ?

2013 S INDE NORMALE L’Etranger : Pourquoi est-il nécessaire de faire des lois, si la loi n’est pas ce qu’il y a de plus droit ? Il nous faut en trouver la raison.

Socrate le jeune (1) : Oui, sans contredit.

L’Etranger : N’y a-t-il pas, chez vous, comme dans les autres cités, des exercices physiques, pratiqués par des hommes en groupe, où l’on entre en compétition, soit à la course, soit à d’autres épreuves ?

Socrate le jeune : Oui, certes, et il y en a même beaucoup.

L’Etranger : Eh bien, remettons-nous en mémoire les instructions que donnent, en pareilles circonstances, ceux qui dirigent l’entraînement selon les règles.

Socrate le jeune : Lesquelles ?

L’Etranger : Ils pensent qu’il n’y a pas lieu d’entrer dans le détail pour s’adapter à chaque cas individuel, en donnant des instructions qui s’adaptent à la condition physique de chacun. Au contraire, ils estiment qu’il faut envisager les choses en plus gros, en donnant des instructions qui seront avantageuses pour le corps, et ce dans la majorité des cas et pour un grand nombre de gens.

Socrate le jeune : Bien.

L’Etranger : Voilà bien pourquoi, imposant le même entraînement à des groupes de gens, ils les font commencer en même temps et arrêter au même moment, à la course, à la lutte et dans tous les exercices physiques.

Socrate le jeune : C’est bien le cas, oui.

L’Etranger : Il nous faut également penser que le législateur, qui doit donner à ses troupeaux des ordres en matière de justice ainsi que de contrats mutuels, ne sera jamais en mesure, en édictant des prescriptions pour tous les membres du groupe, d’appliquer à chaque individu la règle précise qui lui convient.

Socrate le jeune : Sur ce point, du moins, c’est vraisemblable.

L’Etranger : Il édictera plutôt, j’imagine, la règle qui convient au grand nombre dans la plupart des cas, et c’est de cette façon, en gros, qu’il légiférera pour chacun, qu’il mette les lois par écrit ou qu’il procède sans recourir à l’écriture, en légiférant au moyen des coutumes ancestrales.

Socrate le jeune : C’est juste.

L’Etranger : Bien sûr que c’est juste. Car Socrate, comment pourrait-il y avoir quelqu’un qui serait capable, à tout instant de la vie, de venir s’asseoir auprès d’un chacun pour lui prescrire précisément ce qu’il lui convient de faire ?

PLATON Le Politique (IVe siècle avant J.C.)

(1) Socrate le jeune : personnage apparaissant dans quelques dialogues de Platon, à ne pas confondre avec le philosophe Socrate.

2013 TECHN. INDE NORMALE Les échanges favorisent-ils la paix ?

2013 TECHN. INDE NORMALE L’expérience instruit-elle ?

2013 TECHN. INDE NORMALE Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d’un autre, dans la mesure où un esprit peut être trompé par un autre. Il s’ensuit qu’un esprit ne jouit d’une pleine indépendance que s’il est capable d’user correctement de sa raison. Bien plus : puisque c’est par la force de l’esprit plus que par la vigueur du corps qu’il faut évaluer la puissance humaine, il en résulte que les hommes les plus indépendants sont ceux chez qui la raison s’affirme davantage et qui se laissent davantage guider par la raison. En d’autres termes, je déclare l’homme d’autant plus en possession d’une pleine liberté qu’il se laisse guider par la raison.

SPINOZA Traité politique (édité en 1677)

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° Expliquez :

a) "Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d’un autre" ;

b) "un esprit ne jouit d’une pleine indépendance que s’il est capable d’user correctement de sa raison" ;

c) "c’est par la force de l’esprit plus que par la vigueur du corps qu’il faut évaluer la puissance humaine".

3° Sommes-nous d’autant plus libres que nous nous laissons guider par la raison ?

2013 ES JAPON NORMALE L’interprétation consiste-t-elle à découvrir un sens ou à l’inventer ?

2013 ES JAPON NORMALE Au nom de quoi peut-on s’opposer à l’État ?

2013 ES JAPON NORMALE Dans les pays civilisés presque tous les hommes maintenant sont égaux en ceci qu’ils cherchent du travail en vue du salaire ; pour eux tous, le travail est un moyen et non le but lui-même ; c’est pourquoi ils mettent peu de finesse au choix du travail, pourvu qu’il procure un gain abondant. Or il y a des hommes rares qui préfèrent périr plutôt que de travailler sans que le travail leur procure de la joie : ils sont minutieux et difficiles à satisfaire, ils ne se contentent pas d’un gain abondant, lorsque le travail n’est pas lui-même le gain de tous les gains. De cette espèce d’hommes rares font partie les artistes et les contemplatifs de toute espèce, mais aussi ces désoeuvrés qui consacrent leur vie à la chasse, aux voyages ou bien aux intrigues d’amour et aux aventures. Tous ceux-là cherchent le travail et la peine lorsqu’ils sont mêlés de plaisir, et le travail le plus difficile et le plus dur, si cela est nécessaire. Mais autrement ils sont d’une paresse décidée, quand même cette paresse devrait entraîner l’appauvrissement, le déshonneur, des dangers pour la santé et pour la vie. Ils ne craignent pas autant l’ennui que le travail sans plaisir : il leur faut même beaucoup d’ennui pour que leur propre travail puisse leur réussir. Pour le penseur et pour tous les esprits inventifs l’ennui est ce désagréable "calme plat" de l’âme qui précède la course heureuse et les vents joyeux ; il leur faut le supporter, en attendre l’effet à part eux.

NIETZSCHE Le Gai Savoir (1882)

2013 L JAPON NORMALE L’inconscient me gouverne-t-il ?

2013 L JAPON NORMALE La valeur de l’art réside-t-elle dans son inutilité ?

2013 L JAPON NORMALE Nul n’a choisi ses parents, ni même, s’il regarde bien, ses amis. Nul n’a choisi d’être grand ou petit, blond ou brun. C’est une des conditions les mieux établies de notre existence, que nous devons accepter une situation de fait, et travailler en partant de là. Si j’ai une mauvaise mémoire, je n’ai pas à récriminer, mais je dois m’efforcer de la rendre passable ; et, si j’ai une oreille paresseuse, je dois regarder plus attentivement de ce côté-là en traversant les rues. L’indignation ne sert point. Cette idée est familière à tous. Nous comprenons aisément que notre nature et ce qui l’environne, tout cela nous est donné, et ne peut être changé comme un vêtement ; il faut se contenter de modifier un peu ces conditions imposées. L’expérience fait voir que les modifications qui dépendent de nous sont très faibles, par rapport à la structure et au régime de l’ensemble ; mais l’expérience fait voir aussi qu’elles suffisent presque toujours. Il y a très peu de distance entre la pire humeur et la meilleure. Il suffit quelquefois de changer l’attitude, de retenir un geste ou une parole, pour colorer autrement une journée. Il y a très peu de différence entre un son juste et harmonieux et un son faux ou laid, entre une belle courbe et un contour sans grâce. Telle est sommairement l’idée virile (1) de la nécessité et de la puissance ; et c’est une idée puérile de vouloir changer la forme du violon, au lieu d’apprendre à s’en servir comme il faut.

ALAIN Vigiles de l’esprit (1942)

(1) virile : propre à l’homme adulte.

2013 S JAPON NORMALE Peut-on être cultivé en ignorant tout des sciences et des techniques ?

2013 S JAPON NORMALE Le désir est-il par nature immoral ?

2013 S JAPON NORMALE C’est la fonction de la morale de nous dire quels sont nos devoirs, ou quel est le critère qui nous permet de les reconnaître ; mais aucun système de morale n’exige que le seul motif de tous nos actes soit le sentiment du devoir : au contraire, nos actes, dans la proportion de quatre-vingt-dix-neuf sur cent, sont accomplis pour d’autres motifs, et, tout de même, sont des actes moraux si la règle du devoir ne les condamne pas. Il est particulièrement injuste de fonder sur cette singulière méprise une objection contre l’utilitarisme. Car les utilitaristes, allant plus loin que la plupart des autres moralistes, ont affirmé que le motif n’a rien à voir avec la moralité de l’action quoiqu’il intéresse beaucoup la valeur de l’agent. Celui qui sauve un de ses semblables en danger de se noyer accomplit une action moralement bonne, que son motif d’action soit le devoir ou l’espoir d’être payé de sa peine ; celui qui trahit l’ami qui a placé sa confiance en lui se rend coupable d’un méfait, même s’il se propose de rendre service à un autre ami envers lequel il a de plus grandes obligations qu’envers le premier.

MILL L’Utilitarisme (1871)

2013 ES LIBAN NORMALE Est-il raisonnable de vouloir maîtriser tous ses désirs ?

2013 ES LIBAN NORMALE Le travail se justifie-t-il seulement par son utilité ?

2013 ES LIBAN NORMALE Qu’ont gagné nos législateurs à distinguer cent mille espèces et faits particuliers et à y attacher cent mille lois ? Ce nombre n’a aucune proportion avec l’infinie diversité des actions humaines. La multiplication de nos créations n’arrivera pas au niveau de la variété des exemples. Ajoutez-y cent fois plus : il n’arrivera pas, pour autant, que, parmi les événements, il s’en trouve quelqu’un qui, dans tout ce grand nombre de milliers d’événements choisis et enregistrés, en rencontre un autre auquel il puisse se joindre et s’égaler très exactement : il restera toujours en lui quelque particularité et différence qui requiert une façon différente de juger à son sujet. Il y a peu de rapport entre nos actions, qui sont en perpétuel changement, et les lois fixes et immobiles. Les lois les plus désirables sont celles qui sont les plus simples et les plus générales ; et je crois même qu’il vaudrait mieux ne pas en avoir du tout que de les avoir en nombre tel que nous les avons.

MONTAIGNE Essais (1580)

2013 L LIBAN NORMALE Y a-t-il des vérités définitives ?

2013 L LIBAN NORMALE Est-on plus ou moins libre ?

2013 L LIBAN NORMALE C’est le signe qui s’apprend par l’objet connu plutôt que l’objet par son signe.

Pour mieux comprendre ceci, suppose qu’en ce moment, nous entendions le mot "tête" pour la première fois. Nous ignorons si c’est seulement un simple son de voix ou s’il possède aussi une signification et nous cherchons ce qu’est cette "tête" (...). Si donc, tandis que nous cherchons, on nous montre du doigt l’objet lui-même, nous apprenons en le voyant le sens du signe que nous avions jusque-là entendu, mais non compris. Or, comme dans ce signe, il y a deux éléments, le son et la signification ; le premier n’est pas perçu, certes, au moyen du signe, mais par le fait que le souffle frappe l’air ; quant à la signification, elle ne l’est qu’en voyant la chose signifiée. Car le doigt tendu ne peut signifier rien d’autre que ce vers quoi il est dirigé. Or, il est tendu, non vers le signe, mais vers le membre appelé "tête". Ainsi, ce geste ne peut me faire connaitre ni la chose, que je connaissais déjà, ni le signe vers lequel on ne tend pas le doigt. Mais peu importe ce doigt tendu qui, me semble-t-il, est plutôt le signe de l’action de montrer elle-même que celui des choses qui sont montrées, tout comme la préposition : "voici". On a même l’habitude de tendre le doigt en prononçant cette préposition, de peur qu’un seul signe d’indication ne soit insuffisant !

Par là, je cherche surtout à te persuader, si je le puis, qu’au moyen des signes appelés mots, nous n’apprenons rien, car comme je l’ai dit, la valeur du mot, c’est-a-dire la signification cachée dans le son de la voix, nous l’apprenons quand la chose signifiée est déjà connue, plutôt que cette dernière par la signification.

AUGUSTIN Le Maître (389)

2013 S LIBAN NORMALE Peut-on échapper à sa culture ?

2013 S LIBAN NORMALE Le sujet humain peut-il être étudié comme un objet ?

2013 S LIBAN NORMALE Il convient (...), par-dessus tout, que les lois, établies sur une base juste, déterminent elles-mêmes tout ce qui est permis et qu’elles laissent le moins possible à faire aux juges. En voici les raisons. D’abord, il est plus facile de trouver un homme, ou un petit nombre d’hommes, qu’un grand nombre qui soient doués d’un grand sens et en état de légiférer et de juger. De plus, les législations se forment à la suite d’un examen prolongé, tandis que les décisions juridiques sont produites sur l’heure, et, dans de telles conditions, il est difficile, pour les juges, de satisfaire pleinement au droit et à l’intérêt des parties. Enfin, et ceci est la principale raison, le jugement du législateur ne porte pas sur un point spécial, mais sur des cas futurs et généraux, tandis que les membres d’une assemblée et le juge prononcent sur des faits actuels et déterminés, sans manquer d’être influencés, souvent, par des considérations d’amitié, de haine et d’intérêt privé, ce qui fait qu’ils ne peuvent plus envisager la vérité avec compétence, mais que des sentiments personnels de joie ou de peine viennent à offusquer leurs jugements.

ARISTOTE La Rhétorique (IVe s. av. J.-C.)

2013 ES MÉTROPOLE NORMALE Que devons-nous à l’État ?

2013 ES MÉTROPOLE NORMALE Interprète-t-on à défaut de connaître ?

2013 ES MÉTROPOLE NORMALE Prenons maintenant un exemple où apparaissent une volonté droite, c’est-à-dire juste, la liberté du choix et le choix lui-même ; et aussi la façon dont la volonté droite, tentée d’abandonner la rectitude, la conserve par un libre choix. Quelqu’un veut du fond du coeur servir la vérité parce qu’il comprend qu’il est droit d’aimer la vérité. Cette personne a, certes, la volonté droite et la rectitude de la volonté ; mais la volonté est une chose, la rectitude qui la rend droite en est une autre. Arrive une autre personne la menaçant de mort si elle ne ment. Voyons maintenant le choix qui se présente de sacrifier la vie pour la rectitude de la volonté ou la rectitude pour la vie. Ce choix, qu’on peut aussi appeler jugement, est libre, puisque la raison qui perçoit la rectitude enseigne que cette rectitude doit être observée par amour de la rectitude elle-même, que tout ce qui est allégué pour son abandon doit être méprisé et que c’est à la volonté de repousser et de choisir selon les données de l’intelligence rationnelle ; c’est dans ce but principalement, en effet, qu’ont été données à la créature raisonnable la volonté et la raison. C’est pourquoi ce choix de la volonté pour abandonner cette rectitude n’est soumis à aucune nécessité bien qu’il soit combattu par la difficulté née de la pensée de la mort. Quoiqu’il soit nécessaire, en effet, d’abandonner soit la vie, soit la rectitude, aucune nécessité ne détermine cependant ce qui est conservé ou abandonné. La seule volonté détermine ici ce qui est gardé et la force de la nécessité ne fait rien là où le seul choix de la volonté opère.

ANSELME De la Concorde (XIIe siècle)

2013 L MÉTROPOLE NORMALE Le langage n’est-il qu’un outil ?

2013 L MÉTROPOLE NORMALE La science se limite-t-elle à constater les faits ?

2013 L MÉTROPOLE NORMALE Bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul, et qu’on est, en effet, l’une des parties de l’univers, et plus particulièrement encore l’une des parties de cette terre, l’une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion (1), car on aurait tort de s’exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu’on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n’aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu’en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d’exposer sa vie pour le service d’autrui, lorsque l’occasion s’en présente.

DESCARTES Lettre à Elisabeth (1645).

(1) discernement

2013 S MÉTROPOLE NORMALE Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ?

2013 S MÉTROPOLE NORMALE Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?

2013 S MÉTROPOLE NORMALE Qu’est-ce qu’un jugement vrai ? Nous appelons vraie l’affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance ? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l’affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c’est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c’est tel ou tel fait déterminé s’accomplissant en tel ou tel point de l’espace et du temps, c’est du singulier, c’est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l’expérience, celle-ci par exemple : "la chaleur dilate les corps". De quoi pourrait-elle bien être la copie ? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d’un corps déterminé à des moments déterminés, en la photographiant dans ses diverses phases. Même, par métaphore, je puis encore dire que l’affirmation "cette barre de fer se dilate" est la copie de ce qui se passe quand j’assiste à la dilatation de la barre de fer. Mais une vérité qui s’applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j’ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien.

BERGSON La Pensée et le mouvant (1934)

2013 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Être libre, est-ce n’obéir à aucune loi ?

2013 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La diversité des cultures sépare-t-elle les hommes ?

2013 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Il n’y a presque rien qui n’ait été dit par l’un, et dont le contraire n’ait été affirmé par quelque autre. Et il ne serait d’aucun profit de compter les voix, pour suivre l’opinion qui a le plus de répondants (1) : car, lorsqu’il s’agit d’une question difficile, il est plus vraisemblable qu’il s’en soit trouvé peu, et non beaucoup, pour découvrir la vérité à son sujet. Mais quand bien même (2) ils seraient tous d’accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant : car jamais, par exemple, nous ne deviendrons mathématiciens, même en connaissant par coeur toutes les démonstrations des autres, si notre esprit n’est pas en même temps capable de résoudre n’importe quel problème ; et nous ne deviendrons jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d’Aristote, et que nous sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu’on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l’histoire.

DESCARTES Règles pour la direction de l’esprit (posthume, écrit vers 1628)

(1) répondants : défenseurs.

(2) quand bien même : même si.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "il ne serait d’aucun profit de compter les voix, pour suivre l’opinion qui a

le plus de répondants" ;

b) En vous appuyant sur les exemples des mathématiciens et des philosophes, expliquez

pourquoi : "Mais quand bien même ils seraient tous d’accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant".

3° Juger par soi-même, est-ce le seul moyen de découvrir ce qui est vrai ?

2013 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on ignorer son devoir ?

2013 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’évidence se passe-t-elle de démonstration ?

2013 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Évidemment il n’y a aucun profit à flatter délibérément l’opinion publique : c’est encore se trouver sous sa domination quoique dans un sens inverse. Mais s’y trouver franchement indifférent est à la fois une force et une source de bonheur. Et une société composée d’hommes et de femmes qui ne font pas trop de courbettes aux conventions est beaucoup plus intéressante qu’une société où tout le monde se conduit de la même façon. Lorsque le caractère de chacun se développe individuellement, les différences de type sont préservées et il devient intéressant de rencontrer de nouvelles personnes, car elles ne sont plus de simples répliques de celles que l’on a déjà rencontrées. Ceci a été un des avantages de l’aristocratie puisque là où le statut social dépendait de la naissance, on était autorisé à se conduire en excentrique. Dans notre monde moderne, nous perdons cette source de liberté sociale et il est devenu nécessaire de se rendre plus consciemment compte des dangers que l’uniformité peut présenter. Je ne veux pas dire que les gens devraient être intentionnellement excentriques, ce qui est tout aussi peu intéressant que d’être conventionnel. Je pense seulement que les gens devraient être naturels et suivre leurs goûts spontanés dans la mesure où ceux-ci ne sont pas franchement anti-sociaux.

RUSSELL La Conquête du bonheur (1930)

2013 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Réfléchir nous empêche-t-il d’être heureux ?

2013 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’esprit est-il plus fort que le corps ?

2013 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Fabrice (1) voudrait voir la bataille de Waterloo comme on voit un paysage et il ne trouve rien que des épisodes confus. L’Empereur sur sa carte l’aperçoit-il vraiment ? Mais elle se réduit pour lui à un schéma non sans lacunes : pourquoi ce régiment piétine-t-il ? Pourquoi les réserves n’arrivent-elles pas ? L’historien qui n’est pas engagé dans la bataille et la voit de partout, qui réunit une multitude de témoignages et qui sait comment elle a fini, croit enfin l’atteindre dans sa vérité. Mais ce n’est qu’une représentation qu’il nous en donne, il n’atteint pas la bataille même, puisque, au moment où elle a eu lieu, l’issue en était contingente, et qu’elle ne l’est plus quand l’historien la raconte, puisque les causes profondes de la défaite et les incidents fortuits qui leur ont permis de jouer étaient, dans l’événement singulier de Waterloo, déterminants au même titre, et que l’historien replace l’événement singulier dans la ligne générale du déclin de l’Empire. Le vrai Waterloo n’est ni dans ce que Fabrice, ni dans ce que l’Empereur, ni dans ce que l’historien voient, ce n’est pas un objet déterminable, c’est ce qui advient aux confins de toutes les perspectives et sur quoi elles sont toutes prélevées.

MERLEAU-PONTY Phénoménologie de la perception (1945)

(1) Personnage d’un roman de Stendhal, auteur contemporain de Napoléon.

2013 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Choisit-on d’être celui qu’on est ?

2013 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’État est-il un moindre mal ?

2013 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’idée essentielle qu’il nous faut noter est que, même si le talent et le génie de l’artiste comportent un moment naturel, ce moment n’en demande pas moins essentiellement à être formé et éduqué par la pensée, de même qu’il nécessite une réflexion sur le mode de sa production ainsi qu’un savoir-faire exercé et assuré dans l’exécution. Car l’un des aspects principaux de cette production est malgré tout un travail extérieur, dès lors que l’oeuvre d’art a un côté purement technique qui confine à l’artisanal, surtout en architecture et en sculpture, un peu moins en peinture et en musique, et dans une faible mesure encore en poésie. Pour acquérir en ce domaine un parfait savoir-faire, ce n’est pas l’inspiration qui peut être d’un quelconque secours, mais seulement la réflexion, l’application et une pratique assidue. Or il se trouve qu’un tel savoir-faire est indispensable à l’artiste s’il veut se rendre maître du matériau extérieur et ne pas être gêné par son âpre résistance.

HEGEL Esthétique, édité en 1837.

2013 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une oeuvre d’art nous apprend-elle quelque chose ?

2013 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Être juste, est-ce vouloir l’égalité ?

2013 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT De chaque objet que nous possédons, il y a deux usages différents, chacun de ces usages étant conforme à ce qu’est l’objet en lui-même, mais non de la même manière : l’un est l’usage propre de l’objet, l’autre ne l’est pas. Par exemple, il y a deux manières d’utiliser une chaussure : soit en la portant, soit en en faisant un objet d’échange. Il s’agit dans les deux cas d’un usage de la chaussure, car même celui qui échange une chaussure avec un acheteur qui en a besoin, contre de la monnaie ou de la nourriture, utilise la chaussure en tant que chaussure, quoiqu’il ne l’utilise pas selon son usage propre, car la chaussure n’a pas été faite pour être échangée. Il en va de même pour tous les autres objets en notre possession, car l’art d’échanger s’étend à tous. Cet art trouve sa première origine dans l’ordre naturel, en ce que les hommes ont les uns plus, les autre moins qu’il leur est nécessaire. En quoi il est évident que le commerce n’est pas, par nature, une partie de l’art d’acquérir des richesses, puisque c’est parce qu’ils ont été conduits par le besoin que les hommes ont pratiqué l’échange.

ARISTOTE Politique (360 et 343 av. J.C.)

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "De chaque objet que nous possédons, il y a deux usages différents" ;

b) Expliquez : "même celui qui échange une chaussure avec un acheteur qui en a besoin (...) utilise la chaussure en tant que chaussure" ;

c) Expliquez : "le commerce n’est pas, par nature, une partie de l’art d’acquérir des richesses".

3° L’échange est-il naturellement destiné à satisfaire les besoins ?

2013 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’art est-il le reflet d’une société ?

2013 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’historien doit-il s’interdire toute interprétation ?

2013 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE A mesure que s’accroît sa puissance, une communauté accorde moins d’importance aux délits de ses membres, parce qu’ils lui semblent moins subversifs et moins dangereux qu’auparavant pour la survivance de l’ensemble : le malfaiteur n’est plus "banni", chassé, la colère de tous n’a plus le droit de se déchaîner contre lui aussi librement qu’autrefois, - au contraire il est désormais protégé et défendu par la communauté contre cette colère et notamment contre celle des personnes qui ont subi le préjudice. Le compromis avec la colère de ceux qui ont été immédiatement touchés par le méfait ; l’effort pour localiser l’incident, voire pour prévenir l’extension ou la généralisation de l’effervescence ; la recherche d’équivalents pour régler toute l’affaire ; la volonté surtout, qui se fait de plus en plus pressante, de considérer que toute infraction peut de quelque manière être rachetée, donc de séparer, du moins jusqu’à un certain point, le criminel de son action - voilà les traits qui marquent de plus en plus nettement l’évolution ultérieure du droit pénal. Plus la puissance et la conscience de soi d’une communauté augmentent, plus le droit pénal s’adoucit ; tout affaiblissement et tout péril font réapparaître les formes plus sévères de ce droit.

NIETZSCHE Généalogie de la morale, 1887

2013 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La vérité n’est-elle qu’une croyance reconnue de tous ?

2013 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Choisit-on son existence ?

2013 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le désir de vengeance ne doit pas être confondu avec le désir de justice. Chacun a l’obligation de faire valoir son droit et de veiller à ce qu’il ne soit pas foulé aux pieds par autrui. C’est le privilège de l’humanité que d’avoir des droits ; non seulement ne devons-nous pas renoncer à ce privilège, mais il nous faut le défendre dans toute la mesure du possible. Celui qui abandonne son droit, en effet, abandonne du même coup son humanité. Tous les hommes éprouvent donc le désir de protéger leur droit ; ils demandent même que celui qui a porté atteinte au droit d’autrui soit contraint de donner satisfaction à sa victime. Cela nous met en colère d’apprendre qu’une injustice a été commise envers quelqu’un ; nous sommes alors désireux que le coupable puisse lui-même faire l’expérience de ce qu’implique l’atteinte au droit d’autrui. Supposons qu’un homme n’ait pas envie de nous payer pour le travail que nous avons fait, en invoquant toutes sortes d’excuses pour se justifier. Notre droit est alors concerné, et nous ne devons laisser personne tourner celui-ci en plaisanterie. Il n’en va pas ici des quelques thalers (1) qui nous sont dus, mais de notre droit, qui vaut à lui seul bien plus que cent ou mille thalers. Mais si notre désir de justice va au-delà de ce qui est nécessaire pour défendre notre droit, nous cédons alors à l’esprit de vengeance. Nous devenons implacables et ne pensons qu’à la peine et au malheur que nous souhaitons à celui qui nous a fait du tort, même si cela n’accroît aucunement chez lui le respect dû à nos droits. Un tel désir de vengeance est quelque chose de vicieux.

KANT Leçons d’éthique, 1780

(1) thalers : pièce de monnaie allemande, en argent, en usage à l’époque de Kant.

2013 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Nos désirs font-ils obstacle à notre liberté ?

2013 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le but de l’État est-il de rendre la société plus juste ?

2013 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La connaissance est recherche de la vérité - recherche de théories objectivement vraies, explicatives.

Elle n’est pas recherche de certitude. L’erreur est humaine : toute connaissance humaine est faillible, et par là incertaine. Il s’ensuit que nous devons rigoureusement distinguer vérité et certitude. Que l’erreur soit humaine signifie que nous devons encore et toujours lutter contre elle, mais aussi que, si minutieux soyons-nous, nous ne pouvons jamais nous assurer de n’avoir pas malgré tout commis une erreur.

En matière de science, une faute par nous commise - une erreur - consiste pour l’essentiel en ce que nous tenons pour vraie une théorie qui ne l’est pas. Bien plus rarement, elle consiste en ce que nous tenons une théorie pour fausse quoiqu’elle soit vraie. Combattre la faute, l’erreur, cela veut donc dire que l’on recherche une vérité objective et que l’on fait tout pour détecter et éliminer des non-vérités. Telle est la tâche de l’activité scientifique. On peut donc dire : notre objectif, à nous hommes de science, c’est la vérité objective ; plus de vérité, une vérité plus congruente (1), mieux intelligible. La certitude ne peut raisonnablement être notre objectif. Si nous entrevoyons que la connaissance humaine est faillible, alors nous entrevoyons aussi que nous ne pouvons jamais être tout à fait certains de n’avoir pas commis de faute.

POPPER À la Recherche d’un monde meilleur, 1984.

(1) congruente : correcte et suffisante.

2013 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une société n’est-elle juste que si elle satisfait les besoins de tous ?

2013 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La valeur d’une oeuvre d’art réside-t-elle dans le message qu’elle propose ?

2013 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Bien que l’expérience soit notre seul guide dans le raisonnement sur les questions de fait, il faut reconnaître que ce guide n’est pas complètement infaillible et que, dans quelques cas, il est propre à nous conduire en des erreurs. Un homme qui, dans nos climats, attendrait que le temps soit meilleur pendant une semaine de juin que pendant une semaine de décembre raisonnerait correctement et conformément à l’expérience ; mais, assurément, il pourrait se produire en fait qu’il se serait trompé. Cependant nous pouvons observer que, dans un pareil cas, cet homme n’aurait aucune cause de se plaindre de l’expérience ; car celle-ci nous informe communément à l’avance de l’incertitude, par la contrariété des événements qu’une soigneuse observation peut nous apprendre. Tous les effets ne suivent pas avec une semblable certitude de leurs causes supposées. Certains événements, trouve-t-on, dans tous les pays et dans toutes les époques, ont été en conjonction constante les uns avec les autres ; d’autres, a-t-on trouvé, ont été plus variables, et parfois ils déçoivent notre attente ; si bien que, dans nos raisonnements sur des questions de fait, il y a tous les degrés imaginables d’assurance.

HUME Enquête sur l’entendement humain, 1748

2013 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on reprocher à un être humain d’être inconscient ?

2013 ES POLYNÉSIE NORMALE Les mots ont-ils un pouvoir sur les choses ?

2013 ES POLYNÉSIE NORMALE Ce qui, assurément, est le mieux pour la cité, ce n’est ni la guerre extérieure ni la discorde interne, - et c’est une chose détestable de devoir en passer par là - ; mais ce qui est le mieux, c’est la paix entre les hommes associée à une bienveillance mutuelle des sentiments. Aussi, le fait pour une cité de se dompter elle-même, pour ainsi dire, ne doit pas être mis au nombre des choses qui valent le mieux, mais simplement de celles qui sont une nécessité. Ce serait tout comme si un corps malade qui prend la purge du médecin était jugé le mieux portant du monde, tandis que le corps qui n’en a nul besoin ne retiendrait même pas l’attention. Il en est de même pour qui penserait de la sorte le bonheur de la cité ou même d’un individu. Ce ne sera jamais un homme politique au sens vrai du terme, s’il a en vue seulement et avant tout les guerres à mener à l’extérieur ; ce ne sera pas davantage un législateur scrupuleux, s’il ne se résout pas à légiférer sur les choses de la guerre en vue de la paix, plutôt que de légiférer sur les choses de la paix en vue de la guerre.

PLATON Les Lois (347 av. J.-C.)

2013 L POLYNÉSIE NORMALE Mon identité dépend-elle de ma culture ?

2013 L POLYNÉSIE NORMALE La raison peut-elle tout expliquer ?

2013 L POLYNÉSIE NORMALE Qu’en est-il de la satisfaction pendant la vie ? - Elle n’est pas accessible à l’homme : ni dans un sens moral (être satisfait de soi-même pour sa bonne volonté) ni dans un sens pragmatique (être satisfait du bien-être qu’on pense pouvoir se procurer par l’habileté et l’intelligence). La nature a placé en l’homme, comme stimulant de l’activité, la douleur à laquelle il ne peut se soustraire afin que le progrès s’accomplisse toujours vers le mieux ; et même à l’instant suprême, on ne peut se dire satisfait de la dernière partie de sa vie que d’une manière relative (en partie par comparaison avec le lot des autres, en partie par comparaison avec nous-mêmes) : mais on ne l’est jamais purement ni absolument. Dans la vie, être satisfait (absolument), ce serait, hors de toute activité, le repos et l’inertie des mobiles ou l’engourdissement des sensations et de l’activité qui leur est liée. Un tel état est tout aussi incompatible avec la vie intellectuelle de l’homme que l’immobilité du coeur dans un organisme animal, immobilité à laquelle, si ne survient aucune nouvelle excitation (par la douleur), la mort fait suite inévitablement.

KANT Anthropologie du point de vue pragmatique (1798)

2013 S POLYNÉSIE NORMALE L’art est-il l’expression d’une révolte ?

2013 S POLYNÉSIE NORMALE L’art est-il l’expression d’une révolte ?

2013 S POLYNÉSIE NORMALE À quoi reconnaît-on la vérité ?

2013 S POLYNÉSIE NORMALE À quoi reconnaît-on la vérité ?

2013 S POLYNÉSIE NORMALE Si nous violons [les règles morales], nous nous exposons à des conséquences fâcheuses ; nous risquons d’être blâmés, mis à l’index, frappés même matériellement dans notre personne ou dans nos biens. Mais c’est un fait constant, incontestable, qu’un acte n’est pas moral, alors même qu’il serait matériellement conforme à la règle, si c’est la perspective de ces conséquences fâcheuses qui l’a déterminé. Ici, pour que l’acte soit tout ce qu’il doit être, pour que la règle soit obéie comme elle doit être obéie, il faut que nous y déférions (1), non pour éviter tel résultat désagréable, tel châtiment matériel ou moral, ou pour obtenir telle récompense ; il faut que nous y déférions (1) tout simplement parce que nous devons y déférer (1), abstraction faite des conséquences que notre conduite peut avoir pour nous. Il faut obéir au précepte moral par respect pour lui, et pour cette seule raison. Toute l’efficacité qu’il a sur les volontés, il la tient donc exclusivement de l’autorité dont il est revêtu. Ici, l’autorité est seule agissante, et un autre élément ne peut s’y mêler sans que la conduite, dans la même mesure, perde son caractère moral. Nous disons que toute règle commande, mais la règle morale est tout entière commandement et n’est pas autre chose. Voilà pourquoi elle nous parle de si haut, pourquoi, quand elle a parlé, toutes les autres considérations doivent se taire.

DURKHEIM L’Éducation morale (1902)

(1) Déférer à : se conformer respectueusement à

2013 S POLYNÉSIE NORMALE Si nous violons [les règles morales], nous nous exposons à des conséquences fâcheuses ; nous risquons d’être blâmés, mis à l’index, frappés même matériellement dans notre personne ou dans nos biens. Mais c’est un fait constant, incontestable, qu’un acte n’est pas moral, alors même qu’il serait matériellement conforme à la règle, si c’est la perspective de ces conséquences fâcheuses qui l’a déterminé. Ici, pour que l’acte soit tout ce qu’il doit être, pour que la règle soit obéie comme elle doit être obéie, il faut que nous y déférions (1), non pour éviter tel résultat désagréable, tel châtiment matériel ou moral, ou pour obtenir telle récompense ; il faut que nous y déférions (1) tout simplement parce que nous devons y déférer (1), abstraction faite des conséquences que notre conduite peut avoir pour nous. Il faut obéir au précepte moral par respect pour lui, et pour cette seule raison. Toute l’efficacité qu’il a sur les volontés, il la tient donc exclusivement de l’autorité dont il est revêtu. Ici, l’autorité est seule agissante, et un autre élément ne peut s’y mêler sans que la conduite, dans la même mesure, perde son caractère moral. Nous disons que toute règle commande, mais la règle morale est tout entière commandement et n’est pas autre chose. Voilà pourquoi elle nous parle de si haut, pourquoi, quand elle a parlé, toutes les autres considérations doivent se taire.

DURKHEIM L’Education morale (1902)

(1) Déférer à : se conformer respectueusement à

2013 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’art est-il utile ?

2013 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Suffit-il d’avoir ce que l’on désire pour être heureux ?

2013 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE

S. - Les recettes de cuisine, tu sais bien que tu n’y connais rien ?

A. - Rien du tout.

S. - Est-ce que tu as une opinion personnelle sur la façon de s’y prendre et en changes-tu, ou bien est-ce que tu t’en remets à celui qui sait ?

A. - Je m’en remets à celui qui sait.

S. - Ou encore : si tu naviguais en mer, est-ce que tu aurais une opinion sur la position à donner à la barre, et en changerais-tu, faute de savoir, ou bien, t’en remettant au pilote, te tiendrais-tu tranquille ?

A. - Je m’en remettrais au pilote.

S. - Tu ne varies donc pas sur les choses que tu ignores, si tu sais que tu les ignores.

A. - Il me semble que non.

S. - Ainsi, tu comprends que les erreurs de conduite également résultent de cette ignorance qui consiste à croire qu’on sait ce qu’on ne sait pas ?

A. - Que veux-tu dire par là ?

S. - Nous n’entreprenons de faire une chose que lorsque nous pensons savoir ce que nous faisons ?

A. - Oui.

S. - Ceux qui ne pensent pas le savoir s’en remettent à d’autres ?

A. - Sans doute.

S. - Ainsi les ignorants de cette sorte ne commettent pas d’erreur dans la vie, parce qu’ils s’en remettent à d’autres de ce qu’ils ignorent.

A. - Oui.

S. - Quels sont donc ceux qui se trompent ? Je ne pense pas que ce soient ceux qui savent ?

A. - Non, certes.

S. - Alors, puisque ce ne sont ni ceux qui savent, ni ceux des ignorants qui savent qu’ils ne savent pas, restent ceux qui pensent qu’ils savent, bien qu’ils ne sachent pas.

PLATON Alcibiade majeur (vers 431 av. J.C.)

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse sur laquelle s’accordent les interlocuteurs et restituez les étapes du dialogue.

2.

a) En vous appuyant sur les exemples du texte, expliquez : "Tu ne varies donc pas sur les choses que tu ignores, si tu sais que tu les ignores" ;

b) expliquez : "les ignorants de cette sorte ne commettent pas d’erreur dans la vie".

3° N’y a-t-il d’erreur que chez ceux qui croient savoir ?

2014 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Pourquoi respecter l’autorité de l’Etat ?

2014 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La technqiue peut-elle mettre en péril la morale ?

2014 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les autres hommes ne sont jamais pour moi pur esprit : je ne les connais qu’à travers leurs regards, leurs gestes, leurs paroles, en un mot à travers leur corps. Certes un autre [italiques] est bien loin pour moi de se réduire à son corps, c’est ce corps animé de toutes sortes d’intentions, sujet de beaucoup d’actions ou de propos sont je me souviens et qui contribuent à dessiner pour moi sa figure morale. Mais enfin je ne saurais dissocier quelqu’un de sa silhouette, de son ton, de son accent. En le voyant une minute, je le retrouve d’emblée beaucoup mieux que je ne peux faire en énumérant tout ce que je sais de lui par expérience ou par ouï-dire. Les autres sont pour nous des esprits qui hantent un corps et, dans l’apparence totale de ce corps, il nous semble qu’est contenu tout un ensemble de possibilités dont il est la présence même. Ainsi, à considérer l’homme du dehors, c’est-à-dire en autrui, il est probable que je vais être amené à réexaminer certaines distinctions qui pourtant paraissent s’imposer, telles celle de l’esprit et du corps.

MERLEAU-PONTY Causeries, 1948.

2014 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Y a-t-il des limites à la connaissance scientifique du vivant ?

2014 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Faut-il se désoler de vivre dans le temps ?

2014 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Comme il arrive souvent que le prévenu reconnaisse l’acte, mais non la qualification qui lui est donnée ou le délit qu’implique cette qualification, qu’il avoue, par exemple, avoir pris, mais non volé ; frappé le premier, mais non outragé ; avoir eu commerce avec une femme, mais non commis un adultère ; être l’auteur d’un vol, mais non d’un vol sacrilège (car l’objet volé n’appartenait pas à un dieu) ; avoir empiété sur une terre, mais non sur un domaine public ; avoir conféré avec les ennemis, mais non trahi - il faut, pour toutes ces raisons, donner des définitions différentiées du vol, de l’outrage, de l’adultère, afin de pouvoir, quand nous voulons montrer que le délit existe ou n’existe pas, élucider le point de droit. Or, dans tous ces cas, la discussion porte sur ceci : l’action est-elle injuste et malhonnête, ou n’est-elle pas injuste ?

C’est, en effet, l’intention qui fait la méchanceté et l’acte injuste. Or, en même temps que l’acte, les dénominations de ce genre signifient l’intention ; par exemple : les dénominations d’outrage et de vol. Car outrager n’est pas dans tous les cas frapper, mais frapper pour une fin déterminée, par exemple, le déshonneur de celui qu’on frappe ou sa propre jouissance. Prendre en secret n’est pas toujours voler ; il faut vouloir porter préjudice à celui à qui l’on a pris et s’approprier l’objet.

ARISTOTE Rhétorique ( IVe siècle av. J.-C.)

2014 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’art n’est-il qu’un divertissement ?

2014 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’idée d’une vérité provisoire est-elle contradictoire ?

2014 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Toutes les fois où nous délibérons pour savoir comment nous devons agir, il y a une voix qui parle en nous et qui nous dit : voilà ton devoir. Et quand nous avons manqué à ce devoir qui nous a été ainsi présenté, la même voix se fait entendre, et proteste contre notre acte. Parce qu’elle nous parle sur le ton du commandement, nous sentons bien qu’elle doit émaner de quelque être supérieur à nous ; mais cet être, nous ne voyons pas clairement qui il est ni ce qu’il est. C’est pourquoi l’imagination des peuples, pour pouvoir s’expliquer

cette voix mystérieuse, dont l’accent n’est pas celui avec lequel parle une voix humaine, l’imagination des peuples l’a rapportée à des personnalités transcendantes, supérieures à l’homme, qui sont devenues l’objet du culte, le culte n’étant en définitive que le témoignage extérieur de l’autorité qui leur était reconnue. Il nous appartient, à nous, de dépouiller cette conception des formes mythiques dans lesquelles elle s’est enveloppée au cours de l’histoire, et, sous le symbole, d’atteindre la réalité. Cette réalité, c’est la société. C’est la société qui, en nous formant moralement, a mis en nous ces sentiments qui nous dictent si impérativement notre conduite, ou qui réagissent avec cette énergie, quand nous refusons de déférer à leurs injonctions. Notre conscience morale est son oeuvre et l’exprime ; quand notre conscience parle, c’est la société qui parle en nous.

DURKHEIM L’Éducation morale (1934)

2014 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Tout peut-il avoir une valeur marchande ?

2014 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Suffit-il d’être raisonnable pour être heureux ?

2014 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La grande variété de goût autant que d’opinion qui prévaut dans le monde est une chose trop manifeste pour avoir échappé à l’observation générale. Il ne faut pas de grandes lumières pour remarquer autour de soi, dans le cercle étroit de ses connaissances, des différences de goût, fût-ce entre des personnes qui ont été éduquées sous le même gouvernement et qui se sont tôt pénétrées des mêmes préjugés. Mais celui qui sait élargir sa vue jusqu’à embrasser les nations lointaines et les époques reculées, est plus surpris encore : ce n’est partout que diversité et contrariété. Nous sommes très prompts à dire barbare tout ce qui s’éloigne de notre goût et de notre perception ; mais nous sommes vite payés en retour du même qualificatif infamant. Et il n’est d’arrogance ou de suffisance qui ne s’alarme à la fin, trouvant de tous côtés une égale assurance, et qui n’hésite, dans une dispute si générale, à se déclarer toujours et avec la même fermeté, en faveur de son propre sentiment.

Si cette variété de goût est déjà évidente aux yeux les moins avertis, un peu de réflexion montre qu’elle est encore plus grande en réalité qu’en apparence. Il n’est pas rare que les hommes diffèrent dans leurs sentiments touchant le beau et le laid, alors même que le discours général qu’ils tiennent est identique. Il y a en chaque langue certains termes pour signifier le blâme et d’autres pour signifier l’éloge. Et tous les hommes qui emploient la même langue doivent s’accorder sur la manière de les appliquer. Toutes les voix s’unissent pour applaudir en matière de style l’élégance, la convenance, la simplicité, le bel esprit, et pour blâmer l’emphase, l’affectation, la froideur, le faux brillant. Mais lorsque nos critiques descendent dans le détail, cette belle unanimité disparaît et l’on découvre qu’ils avaient attaché à leurs expressions des sens très différents.

HUME De la Règle du goût (1757)

2014 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La fonction de la religion est-elle d’unir les hommes ?

2014 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Une oeuvre d’art est-elle un message ?

2014 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Nulle vérité ne me paraît plus évidente que l’affirmation que les bêtes sont douées de pensée et de raison aussi bien que les hommes. Les arguments sont dans ce cas si manifestes qu’ils ne peuvent échapper au plus stupide ni au plus ignorant.

Nous avons conscience que nous-mêmes, en adaptant des moyens à des fins, nous sommes guidés par la raison et l’intention et que ce n’est ni à notre insu ni par hasard que nous accomplissons les actes qui tendent à assurer notre conservation personnelle, à obtenir le plaisir et à éviter la douleur. Quand donc nous voyons d’autres créatures, à des millions d’exemplaires, accomplir des actions semblables et les orienter vers des fins semblables, tous nos principes de raisonnement et de probabilité nous portent, avec une force invincible, à croire à l’existence d’une cause semblable. Il est inutile, à mon avis, d’illustrer cet argument par l’énumération de cas particuliers. La plus légère attention nous en fournira plus qu’il n’est nécessaire. La ressemblance entre les actions des animaux et celles des hommes est si complète à cet égard que la toute première action du premier animal qu’il nous plaira de choisir nous apportera un argument décisif en faveur de la présente doctrine. C’est une doctrine aussi utile qu’évidente, qui nous fournit une sorte de pierre de touche (1) à l’aide de laquelle nous pouvons essayer tout système dans ce genre de philosophie. C’est la ressemblance des actions extérieures des animaux à celles que nous accomplissons nous-mêmes qui nous fait juger que leurs actes intérieurs ressemblent également aux nôtres ; le même principe de raisonnement, poussé d’un degré plus loin, nous fera conclure que, puisque nos actes intérieurs se ressemblent, les causes d’où ils procèdent doivent aussi se ressembler.

HUME Traité de la nature humaine (1739)

(1) pierre de touche : critère ou norme.

2014 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Les croyances religieuses sont-elles irrationnelles ?

2014 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Peut-on réduire le réel à la matière ?

2014 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Pour tout homme, l’activité la plus désirable étant celle qui est en accord avec sa disposition propre, il en résulte que pour l’homme de bien, c’est l’activité qui correspond à la vertu. Ce n’est pas dans le jeu que consiste le bonheur. Il serait en effet étrange que la fin de l’homme fût le jeu, et qu’on dût se donner du tracas et du mal pendant toute sa vie afin de pouvoir s’amuser ! Car, pour le dire en un mot, tout ce que nous choisissons est choisi en vue d’une autre chose, à l’exception du bonheur qui est une fin en soi. Mais se dépenser avec tant d’ardeur et de peine en vue de s’amuser ensuite est de toute évidence quelque chose d’insensé et de puéril à l’excès ; au contraire, s’amuser en vue d’exercer une activité sérieuse, voilà la règle à suivre. Le jeu est, en effet, une sorte de délassement, du fait que nous sommes incapables de travailler d’une façon ininterrompue et que nous avons besoin de relâche. Le délassement n’est donc pas une fin, car il n’a lieu qu’en vue de l’activité. Et la vie heureuse semble être celle qui correspond à la vertu ; or, une vie vertueuse ne va pas sans un effort sérieux et ne consiste pas dans un simple jeu. Et nous affirmons, à la fois, que les choses sérieuses sont moralement supérieures à celles qui font rire ou s’accompagnent d’amusement, et que l’activité la plus sérieuse est toujours celle de la partie la meilleure de nous-mêmes ou celle de l’homme d’une moralité plus élevée.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque (vers 335 avant J.-C)

2014 ES ANTILLES NORMALE La liberté exclut-elle toute limite ?

2014 ES ANTILLES NORMALE Une société sans religion est-elle possible ?

2014 ES ANTILLES NORMALE Si les noms étaient par nature, s’ils n’avaient pas à chaque fois une signification conventionnelle, nécessairement, tout le monde comprendrait tout le monde, les Grecs comprendraient les barbares et les barbares les Grecs et les barbares se comprendraient entre eux. Or ce n’est pas le cas. Il n’est donc pas vrai que les noms signifient par nature. Voilà donc une assertion qu’ils (1) ne soutiendront pas. S’ils prétendent dire des noms qu’ils sont tels ou tels parce que par nature chacun d’eux indique distinctement qu’il est masculin, féminin ou neutre, qu’ils le sachent : c’est reculer pour mieux sauter. Encore une fois, nous leur dirons que ce qui nous affecte par nature nous affecte tous pareillement, et n’affecte pas certains d’une façon et d’autres d’une façon contraire. Par exemple, c’est par nature que le feu chauffe, et il chauffe les barbares comme les Grecs, les hommes ordinaires comme les hommes d’expérience : il n’est pas vrai qu’il chauffe les Grecs et refroidisse les barbares. C’est par nature que la neige refroidit : il n’est pas vrai qu’elle refroidisse certains et qu’elle en réchauffe d’autres. En conséquence, ce qui affecte par nature affecte pareillement ceux dont les sens ne sont pas empêchés. Or les mêmes noms ne sont pas identiques pour tout le monde : pour les uns ce sont des masculins, pour d’autres des féminins, pour d’autres des neutres. Ainsi les Athéniens disent la stamos ("jarre") au féminin, les Péloponnésiens disent le stamos au masculin ; les uns disent la tholos ("la coupole), les autres disent le tholos ("bandeau de tête") ; on dit la ou le bôlos ("motte"). Et ce n’est pas une raison pour taxer les uns ou les autres d’erreur : chacun use du mot selon sa valeur conventionnelle.

SEXTUS EMPIRICUS Contre les Grammairiens (fin du IIe siècle)

(1) Les grammairiens de l’époque hellénistique.

2014 L ANTILLES NORMALE Suis-je la même personne en des temps différents ?

2014 L ANTILLES NORMALE Peut-on dire d’une machine qu’elle travaille ?

2014 L ANTILLES NORMALE Il y a une classe de gens (heureusement moins nombreuse qu’autrefois) qui estiment suffisant que quelqu’un adhère aveuglément à une opinion qu’ils croient vraie sans même connaître ses fondements et sans même pouvoir la défendre contre les objections les plus superficielles. Quand de telles personnes parviennent à faire enseigner leurs croyances par l’autorité, elles pensent naturellement que si l’on en permettait la discussion, il n’en résulterait aucun bien, mais du mal. Là où domine leur influence, elles rendent presque impossible de repousser avec sagesse et réflexion l’opinion reçue, bien qu’on puisse toujours la rejeter à la légère et par ignorance ; car il est rarement possible d’empêcher complètement la discussion et, sitôt qu’elle a lieu, les croyances qui ne sont pas fondées sur une conviction cèdent facilement dès que surgit le moindre semblant d’argument. Maintenant, écartons cette possibilité - admettons que l’opinion vraie reste présente dans l’esprit, mais à l’état de préjugé, de croyance indépendante et inaccessible à toute argumentation : ce n’est pas encore là la façon dont un être rationnel devrait détenir la vérité. Ce n’est pas encore connaître la vérité. Cette conception de la vérité n’est qu’une superstition de plus qui s’accroche par hasard aux mots qui énoncent une vérité.

MILL De la Liberté (1859)

2014 S ANTILLES NORMALE Peut-il être juste de désobéir à la loi ?

2014 S ANTILLES NORMALE Toute vérité s’impose-t-elle d’elle-même ?

2014 S ANTILLES NORMALE Quoi que ce soit qui fasse un homme aux yeux de certains hommes, et par conséquent l’identité d’un individu humain, sur quoi peut-être peu seront d’accord, nous ne pourrons situer l’identité personnelle nulle part ailleurs que dans la conscience (qui est la seule chose qui fait ce que nous appelons soi) sans nous trouver embarqués dans de grandes absurdités.

Mais un homme saoul et un homme dessaoulé ne sont-ils pas la même personne ? Sinon, pourquoi un homme est-il puni pour ce qu’il a commis quand il était saoul, même s’il n’en a plus eu conscience ensuite ? C’est la même personne dans l’exacte mesure où un homme qui marche et fait d’autres choses encore pendant son sommeil est la même personne, et est responsable de tout dommage causé alors. Dans les deux cas, les lois humaines punissent selon une justice qui dépend de ce qu’elles peuvent connaître : ne pouvant dans des cas de ce genre distinguer avec certitude ce qui est vrai et ce qui est feint, elles ne peuvent admettre comme défense valable l’ignorance due à l’ivresse ou au sommeil. Car bien que le châtiment soit attaché à la personnalité, et la personnalité à la conscience, et que peut-être l’ivrogne n’ait pas conscience de ce qu’il a fait, les tribunaux humains cependant le punissent à bon droit, parce que contre lui il y a la preuve du fait, tandis qu’en sa faveur il ne peut y avoir la preuve du manque de conscience.

LOCKE Essai philosophique concernant l’entendement humain (1690)

2014 TECHN. ANTILLES NORMALE L’expérience est-elle un savoir ?

2014 TECHN. ANTILLES NORMALE Peut-on contraindre quelqu’un à être libre ?

2014 TECHN. ANTILLES NORMALE Ce qui est digne d’être poursuivi pour soi-même, nous le nommons plus parfait que ce qui est poursuivi pour une autre chose, et ce qui n’est jamais désirable en vue d’une autre chose, nous le déclarons plus parfait que les choses qui sont désirables à la fois par elles-mêmes et pour cette autre chose, et nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose. Or le bonheur semble être au suprême degré une fin de ce genre, car nous le choisissons toujours pour lui-même et jamais en vue d’une autre chose : au contraire, l’honneur, le plaisir, l’intelligence ou toute vertu quelconque, sont des biens que nous choisissons assurément pour eux-mêmes (puisque, même si aucun avantage n’en découlait pour nous, nous les choisirions encore), mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur, car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale, en vue d’autre chose que lui-même.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque (IVe siècle av. J.-C)

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° Expliquez :

a) "nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose"

b) "c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux."

3° Le bonheur est-il ce en vue de quoi nous choisissons toute chose ?

2014 ES ANTILLES REMPLACEMENT La conscience fait-elle de moi ce que je suis ?

2014 ES ANTILLES REMPLACEMENT Y a-t-il une morale de l’histoire ?

2014 ES ANTILLES REMPLACEMENT Tout être capable de vivre selon son propre dessein doit se fixer un but pour bien vivre : honneur, gloire, richesse ou culture et, les yeux fixés sur lui, il posera tous ses actes (car ne pas ordonner sa vie à une fin est vraiment un signe de grande sottise) ; il faut donc avant tout déterminer d’abord en soi-même, sans précipitation et sans négligence, ce qui en nous constitue le bien vivre et ce sans quoi les hommes ne sauraient y accéder : car ce sans quoi il n’est pas possible d’être en santé ne s’identifie pas à la santé : il en est de même pour d’autres cas, de sorte que le bien vivre ne s’identifie pas davantage à ce sans quoi on ne peut bien vivre (de certaines de ces conditions les unes ne sont pas particulières à la santé ni à la vie, mais communes à toutes choses, pour ainsi dire, aussi bien aux dispositions qu’aux actes : par exemple, sans respirer, sans être éveillés et sans avoir part au mouvement, nous n’aurions rien, ni bien ni mal ; les autres sont davantage propres à chaque nature - et elles ne doivent pas nous échapper - car manger de la viande et marcher après les repas ne sont pas des conditions propres à la bonne constitution de la même manière que les conditions déjà citées).

En effet, voici ce qui provoque l’incertitude au sujet du bonheur : en quoi consiste-t-il, d’où provient-il ? Ce sans quoi on ne peut être heureux, aux yeux de certains, fait partie du bonheur.

ARISTOTE Éthique à Eudème (IVe siècle avant J.-C.)

2014 L ANTILLES REMPLACEMENT La politique peut-elle être justifiée par la nécessité ?

2014 L ANTILLES REMPLACEMENT La politique peut-elle être justifiée par la nécessité ?

2014 L ANTILLES REMPLACEMENT Un homme se définit-il par sa culture ?

2014 L ANTILLES REMPLACEMENT Un homme se définit-il par sa culture ?

2014 L ANTILLES REMPLACEMENT A mon jugement, la plus grande vérité réside dans les sens, à condition qu’ils soient sains, en bonne santé et qu’on écarte tout ce qui leur fait obstacle et les entrave. Voilà pourquoi nous voulons souvent modifier l’éclairage et la position des objets que nous observons ; nous diminuons ou augmentons leur distance et multiplions les essais jusqu’à ce que la vision elle-même obtienne notre confiance en son jugement. Il en est ainsi pour les sons, les odeurs, les saveurs, de sorte que personne d’entre nous ne réclame pour les sens, chacun dans son espèce, un jugement plus pointu. Quand nous ajoutons l’entraînement et la technique, de manière que notre oeil soit retenu par la peinture, notre oreille par les chants, qui ne remarque le pouvoir des sens ! Que de figures les peintres voient dans les ombres et dans les reliefs, mais que nous ne voyons pas ! Que de choses nous échappent en musique, mais qu’entendent les gens exercés dans cet art ! Au premier souffle d’un joueur de flûte, ils disent "c’est Antiope" ou "c’est Andromaque" (1), alors que nous n’en aurions pas même le soupçon.

CICÉRON Les Académiques (Ier siècle av. J.-C.)

(1) Ce sont deux tragédies grecques. Les tragédies grecques étaient mises en musique.

2014 L ANTILLES REMPLACEMENT A mon jugement, la plus grande vérité réside dans les sens, à condition qu’ils soient sains, en bonne santé et qu’on écarte tout ce qui leur fait obstacle et les entrave. Voilà pourquoi nous voulons souvent modifier l’éclairage et la position des objets que nous observons ; nous diminuons ou augmentons leur distance et multiplions les essais jusqu’à ce que la vision elle-même obtienne notre confiance en son jugement. Il en est ainsi pour les sons, les odeurs, les saveurs, de sorte que personne d’entre nous ne réclame pour les sens, chacun dans son espèce, un jugement plus pointu. Quand nous ajoutons l’entraînement et la technique, de manière que notre oeil soit retenu par la peinture, notre oreille par les chants, qui ne remarque le pouvoir des sens ! Que de figures les peintres voient dans les ombres et dans les reliefs, mais que nous ne voyons pas ! Que de choses nous échappent en musique, mais qu’entendent les gens exercés dans cet art ! Au premier souffle d’un joueur de flûte, ils disent « c’est Antiope » ou "c’est Andromaque" (1), alors que nous n’en aurions pas même le soupçon.

CICERON, Les Académiques (Ier siècle av. J.-C.)

(1) Ce sont deux tragédies grecques. Les tragédies grecques étaient mises en musique.

2014 S ANTILLES REMPLACEMENT Est-il possible de vivre sans désirs ?

2014 S ANTILLES REMPLACEMENT Que devons-nous à la culture ?

2014 S ANTILLES REMPLACEMENT Le hasard a donné naissance à toutes les espèces de gouvernement parmi les hommes. Les premiers habitants furent peu nombreux et vécurent, pendant un temps, dispersés, à la manière des bêtes. Le genre humain venant à s’accroître, on sentit le besoin de se réunir, de se défendre ; pour mieux parvenir à ce dernier but, on choisit le plus fort, le plus courageux ; les autres le mirent à leur tête, et promirent de lui obéir. A l’époque de leur réunion en société, on commença à connaître ce qui est bon et honnête, et à le distinguer d’avec ce qui est vicieux et mauvais. On vit un homme nuire à son bienfaiteur. Deux sentiments s’élevèrent à l’instant dans tous les coeurs : la haine pour l’ingrat, l’amour pour l’homme bienfaisant. On blâma le premier ; et on honora d’autant plus ceux qui, au contraire, se montrèrent reconnaissants que chacun d’eux sentît qu’il pouvait éprouver pareille injustice. Pour prévenir de tels maux, les hommes se déterminèrent à faire des lois, et à ordonner des punitions pour qui y contreviendrait. Telle fut l’origine de la justice.

MACHIAVEL Discours sur la première décade de Tite-Live (achevé en 1519, publié en 1532)

2014 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on toujours savoir comment agir avec justice ?

2014 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Ce qui est techniquement possible est-il toujours souhaitable ?

2014 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Tous ces coureurs se donnent bien de la peine. Tous ces joueurs de ballon se donnent bien de la peine. Tous ces boxeurs se donnent bien de la peine. On lit partout que les hommes cherchent le plaisir ; mais cela n’est pas évident ; il semble plutôt qu’ils cherchent la peine et qu’ils aiment la peine. Le vieux Diogène (1) disait : "Ce qu’il y a de meilleur, c’est la peine." On dira là-dessus qu’ils trouvent tous le plaisir dans cette peine qu’ils cherchent ; mais c’est jouer sur les mots ; c’est bonheur et non plaisir qu’il faudrait dire ; et ce sont deux choses très différentes, aussi différentes que l’esclavage et la liberté.

On veut agir, on ne veut pas subir. Tous ces hommes qui se donnent tant de peine n’aiment sans doute pas le travail forcé ; personne n’aime le travail forcé ; personne n’aime les maux qui tombent (2) ; personne n’aime sentir la nécessité. Mais aussitôt que je me donne librement de la peine, me voilà content (3). J’écris ces propos. "Voilà bien de la peine", dira quelque écrivain qui vit de sa plume ; seulement personne ne m’y force ; et ce travail voulu est un plaisir, ou un bonheur, pour mieux parler. Le boxeur n’aime pas les coups qui viennent le trouver ; mais il aime ceux qu’il va chercher. Il n’est rien de si agréable qu’une victoire difficile, dès que le combat dépend de nous.

ALAIN Propos sur le bonheur (1911)

(1) Diogène : philosophe grec de l’Antiquité.

(2) les maux qui tombent : les malheurs qui arrivent.

(3) content : ne désirant rien de plus.

QUESTIONS :

1° Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) En quoi le bonheur et le plaisir sont-ils "deux choses très différentes, aussi différentes que l’esclavage et la liberté" ?

b) expliquez : "On veut agir, on ne veut pas subir" ;

c) expliquez : "Mais aussitôt que je me donne librement de la peine, me voilà content."

3° Le bonheur est-il dans la peine qu’on se donne ?

2014 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Affirme-t-on sa liberté en refusant toute contrainte ?

2014 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La croyance est-elle un échec de la raison ?

2014 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Devant une oeuvre d’art, nous commençons par ce qui nous est présenté directement, et nous ne nous demandons qu’ensuite quelle est sa signification et quel est son contenu. Ce que nous voyons extérieurement n’a pas pour nous une valeur directe : nous lui attribuons un intérieur, une signification qui anime son apparence extérieure. Nous lui attribuons une âme que son extérieur nous laisse deviner. Une apparence, en effet, qui signifie quelque chose ne représente pas elle-même et ce qu’elle est extérieurement, mais quelque chose d’autre, comme le fait le symbole, par exemple, et, mieux encore, la fable qui reçoit sa signification de la moralité qu’elle implique. On peut même dire que chaque mot implique une signification et ne vaut pas par lui-même. De même l’oeil humain, le visage, la chair, la peau, toute la structure de l’homme laissent transparaître un esprit, une âme, et partout et toujours la signification se rapporte à quelque chose qui dépasse l’apparence directe. C’est en ce sens qu’on peut parler de la signification de l’oeuvre d’art : elle ne s’épuise pas tout entière dans les lignes, les courbes, les surfaces, les creux et les entailles de la pierre, dans les couleurs, les sons, les combinaisons harmonieuses des mots, etc., mais constitue l’extériorisation de la vie, des sentiments, de l’âme, d’un contenu de l’esprit, et c’est en cela que consiste sa signification.

HEGEL Esthétique, 1829

2014 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Se cultiver, est-ce renoncer à sa nature ?

2014 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vérité est-elle affaire de point de vue ?

2014 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Puisqu’un grand nombre de malaises constamment nous pressent et tentent de déterminer la volonté, il est naturel que le malaise le plus grand et le plus fort détermine la volonté à l’action prochaine. Il y réussit en général, mais pas toujours ; car la plupart du temps, l’expérience le montre, l’esprit a le pouvoir de suspendre (1) l’exécution et la satisfaction de n’importe quel désir et donc de chacun à son tour ; il a ainsi la liberté d’en étudier l’objet, de les examiner sous toutes leurs faces, de les comparer à d’autres.

C’est là que réside la liberté de l’homme ; et c’est du mauvais usage de cette liberté que provient cette grande diversité d’erreurs, d’égarements, de fautes où l’on se précipite en passant sa vie à la recherche du bonheur, dès que l’on brusque la décision de la volonté et que l’on s’engage trop vite, sans examen nécessaire. Pour l’éviter, on a le pouvoir de suspendre l’exécution de tel ou tel désir, comme tout un chacun peut quotidiennement l’expérimenter en lui.

Ceci me semble être la source de toute liberté, et ce en quoi parait consister ce que l’on appelle (à tort, à mon sens) volonté libre. Car pendant cette suspension de tout désir, avant que la volonté ne soit déterminée à l’action, avant que l’action (qui suit cette détermination) ne soit posée, on a la possibilité d’examiner, de considérer, de juger le bien ou le mal de ce qu’on va faire.

LOCKE Essai philosophique concernant l’entendement humain (1690)

(1) Suspendre : "remettre à plus tard", voire "annuler".

2014 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Mettre en question les lois, est-ce contester leur autorité ?

2014 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’art nous fait-il oublier le réel ?

2014 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’efficacité est-elle l’unique critère en politique ?

2014 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on vraiment comprendre une autre culture que la sienne ?

2014 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les esprits aussi bien que les palais diffèrent dans leur goût ; et vous chercherez avec autant d’efficacité à faire aimer par tous les hommes les richesses et la gloire (où certains mettent pourtant leur bonheur), que vous ne comblerez la faim de tous avec du fromage ou du homard : bien que ce soient pour certains des mets fort agréables et délicieux, ils sont pour d’autres repoussants et écoeurants ; beaucoup préféreraient avec raison les protestations d’un ventre affamé à ces plats qui pour d’autres sont des festins. De là vient, je pense, que les anciens philosophes ont en vain cherché si le souverain bien (1) était constitué par les richesses, par les plaisirs physiques, par la vertu ou par la contemplation ; il aurait été aussi raisonnable de discuter sur le fruit (la pomme, la prune ou la noix) dont la saveur est la meilleure et de se diviser en clans d’après ce critère. Car de même que les goûts agréables ne dépendent pas des choses mêmes mais de leur convenance à tel ou tel palais particulier (ce qui peut varier considérablement), de même le plus grand bonheur consiste dans la jouissance de ces choses qui produisent le plus grand plaisir, et dans l’absence de celles qui produisent du trouble ou de la douleur ; et pour des personnes différentes, ce sont des choses très différentes.

LOCKE Essai sur l’entendement humain (1690).

(1) Le souverain bien : le bien le plus élevé.

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.

a) Expliquez : "Les esprits aussi bien que les palais diffèrent dans leur goût" ;

b) En vous appuyant sur les exemples du texte, expliquez : "de même que les goûts agréables ne dépendent pas des choses mêmes mais de leur convenance à tel ou tel palais particulier (ce qui peut varier considérablement), de même le plus grand bonheur consiste dans la jouissance de ces choses qui produisent le plus grand plaisir, et dans l’absence de celles qui produisent du trouble ou de la douleur.

3° Le bonheur n’est-il qu’une affaire de plaisir personnel ?

2014 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Quelle est donc notre attitude vis-à-vis des actes de notre prochain ? — Tout d’abord, nous regardons ce qui résulte pour nous de ces actes, — nous ne les jugeons que de ce point de vue. C’est cet effet causé sur nous que nous considérons comme l’intention de l’acte — et enfin nous lui attribuons de telles intentions en tant que disposition permanente chez lui, et nous en faisons désormais, par exemple, "un homme dangereux". Triple erreur ! Triple méprise, vieille comme le monde ! Peut-être cet héritage nous vient-il des animaux et de leur faculté de jugement. Ne faut-il pas chercher l’origine de toute morale dans ces horribles petites conclusions : "Ce qui me nuit est quelque chose de mauvais (qui porte préjudice par soi-même) ; ce qui m’est utile est bon (bienfaisant et profitable par soi-même) ; ce qui me nuit une ou plusieurs fois m’est hostile par soi-même ; ce qui m’est utile une ou plusieurs fois m’est favorable par soi-même." Ô honteuse origine ! Cela ne veut-il pas dire : interpréter les relations pitoyables, occasionnelles et accidentelles qu’un autre peut avoir avec nous comme si ces relations étaient l’essence et le fond de son être, et prétendre qu’envers tout le monde et envers soi-même il n’est capable que de rapports semblables aux rapports que nous avons eus avec lui une ou plusieurs fois ? Et derrière cette véritable folie n’y a-t-il pas la plus immodeste de toutes les arrière-pensées : croire qu’il faut que nous soyons nous-mêmes le principe du bien puisque le bien et le mal se déterminent d’après nous ?

NIETZSCHE Aurore (1887)

2014 TMD GROUPEMENTS I-IV NORMALE La diversité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ?

2014 TMD GROUPEMENTS I-IV NORMALE Peut-on être indifférent à la vérité ?

2014 TMD GROUPEMENTS I-IV NORMALE Le sentiment d’un tribunal intérieur inscrit en l’homme ("devant lequel ses pensées s’accusent ou se disculpent l’une l’autre") correspond à la conscience morale.

Tout homme a une telle conscience et se trouve observé, menacé et, en général, tenu en respect (un respect lié à la crainte) par un juge intérieur, et cette puissance qui, en lui, veille sur les lois n’est pas quelque chose qu’il se forge lui-même (arbitrairement), mais elle est incorporée dans son être. Elle le suit comme son ombre s’il songe à lui échapper. Il peut certes par des plaisirs et des distractions se rendre insensible ou s’endormir, mais il ne peut éviter par la suite de revenir à soi-même ou de se réveiller dès qu’il perçoit la voix terrible de cette conscience. Au demeurant peut-il en arriver à l’extrême infamie où il ne se préoccupe plus du tout de cette voix, mais il ne peut du moins éviter de l’entendre.

KANT Doctrine de la vertu (1795)

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° En vous appuyant sur des exemples

a) analysez l’image du "tribunal intérieur" ;

b) expliquez : "elle est incorporée dans son être" ;

c) expliquez : "il ne peut éviter par la suite de revenir à soi-même ou de se réveiller" ;

d) expliquez en quoi même quand "il ne se préoccupe plus du tout de cette voix", "il ne peut (...) éviter de l’entendre".

3° La voix de la conscience morale se fait-elle toujours entendre ?

2014 ES INDE NORMALE La justice n’est-elle que pure convention ?

2014 ES INDE NORMALE La solitude est-elle sans valeur ?

2014 ES INDE NORMALE Eveiller l’âme : tel est, dit-on, le but final de l’art, tel est l’effet qu’il doit chercher à obtenir. C’est de cela que nous avons à nous occuper en premier lieu. En envisageant le but final de l’art sous ce dernier aspect, en nous demandant notamment quelle est l’action qu’il doit exercer, qu’il peut exercer et exerce effectivement, nous constatons aussitôt que le contenu de l’art comprend tout le contenu de l’âme et de l’esprit, que son but consiste à révéler à l’âme tout ce qu’elle recèle d’essentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. Il nous procure, d’une part, l’expérience de la vie réelle, il nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous .fait pas et ne nous fera peut-être jamais connaître, dans les expériences des personnes qu’il représente et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain.

HEGEL Esthétique, 1835.

2014 L INDE NORMALE Le désir nous éloigne-t-il d’autrui ?

2014 L INDE NORMALE L’État est-il au-dessus des lois ?

2014 L INDE NORMALE Quiconque énonce une chose qu’il croit ou s’imagine être vraie, bien qu’elle soit fausse, ne ment pas. En effet, il a une telle confiance dans son énoncé qu’il ne veut exprimer que ce qu’il a dans l’esprit, et qu’il exprime en effet. Mais bien qu’il ne mente pas, il n’est cependant pas irréprochable, s’il croit ce qu’il ne faut pas croire, ou s’il pense savoir une chose qu’il ignore, quand même elle est vraie, car il tient pour connue une chose inconnue. Ainsi donc mentir, c’est avoir une chose dans l’esprit, et en énoncer une autre soit en paroles, soit en signes quelconques. C’est pourquoi, on dit du menteur qu’il a le coeur double, c’est-à-dire une double pensée : la pensée de la chose qu’il sait vraie et qu’il n’exprime point, et celle de la chose qu’il lui substitue, bien qu’il la sache ou la croie fausse. D’où il résulte qu’on peut, sans mentir, dire une chose fausse, quand on la croit telle qu’on la dit, bien qu’elle ne soit pas telle réellement, et qu’on peut mentir en disant la vérité, quand on croit qu’une chose est fausse, et qu’on l’énonce comme vraie, quoiqu’elle soit réellement telle qu’on l’énonce, car c’est d’après la disposition de l’âme, et non d’après la vérité ou la fausseté des choses mêmes qu’on doit juger que l’homme ment ou ne ment pas. On peut donc dire que celui qui énonce une chose fausse comme vraie, mais qui la croit vraie, se trompe ou est imprudent, mais on ne peut !’appeler menteur, parce qu’il n’a pas le coeur double quand il parle, qu’il n’a pas l’intention de tromper, mais que seulement il se trompe.

AUGUSTIN Du Mensonge (début du Ve siècle)

2014 S INDE NORMALE Une oeuvre d’art peut-elle être immorale ?

2014 S INDE NORMALE Seul ce qui est démontré est-il prouvé ?

2014 S INDE NORMALE Les gens qui croient au libre arbitre croient toujours en même temps, dans un autre compartiment de leur esprit, que les actes volonté ont des causes. Ils pensent par exemple que la vertu peut être inculquée par une bonne éducation, et que l’instruction religieuse est très utile à la morale. Ils pensent que les sermons font du bien, et que les exhortations morales peuvent être salutaires. Or il est évident que, si les actes de volonté vertueux n’ont pas de causes, nous ne pouvons absolument rien faire pour les encourager. Dans la mesure où ùn homme croit qu’il est en son pouvoir, ou au pouvoir de quiconque, d’encourager un comportement souhaitable chez les autres, il croit à la motivation psychologique et non au libre arbitre. En pratique, tous nos rapports mutuels reposent sur l’hypothèse que les actions humaines résultent de circonstances antérieures. La propagande politique, le code pénal, la publication de livres préconisant telle ou telle ligne d’action, perdraient leur raison d’être s’ils n’avaient aucun effet sur ce que les gens font. Les partisans de la doctrine du libre arbitre ne se rendent pas compte de ses conséquences. Nous disons : "Pourquoi l’avez-vous fait ?" et nous nous attendons à voir mentionner en réponse des croyances et des désirs qui ont causé l’action. Si un homme ne sait pas lui-même pourquoi il a agi comme il l’a fait, nous chercherons peut-être une cause dans son inconscient, mais il ne nous viendra jamais à l’idée qu’il puisse n’y avoir aucune cause.

RUSSELL Science et religion, 1935.

2014 TECHN. INDE NORMALE Un objet technique peut-il être une oeuvre d’art ?

2014 TECHN. INDE NORMALE Être libre, est-ce faire ce qui nous plaît ?

2014 TECHN. INDE NORMALE Il vaut bien mieux ne jamais songer à chercher la vérité sur quelque objet que ce soit, que le faire sans méthode : car il est très certain que ces recherches désordonnées et ces méditations obscures troublent la lumière naturelle (1) et aveuglent l’esprit ; et tous ceux qui s’habituent ainsi à marcher dans les ténèbres affaiblissent tant leur vue que, par la suite, ils ne peuvent supporter la lumière du jour : l’expérience aussi le confirme, puisque nous voyons très souvent ceux qui ne se sont jamais souciés d’étudier porter des jugements bien plus solides et bien plus clairs sur ce qui se présente à eux, que ceux qui ont passé tout leur temps dans les écoles. Ce que j’entends maintenant par méthode, ce sont des règles certaines et faciles, par l’observation (2) exacte desquelles on sera sûr de ne jamais prendre une erreur pour une vérité et, sans y dépenser inutilement les forces de son esprit, mais en accroissant son savoir par un progrès continu, de parvenir à la connaissance vraie de ce dont on sera capable.

DESCARTES Règles pour la direction de l’esprit, 1629.

(1) lumière naturelle : raison.

(2) observation (ici) : respect.

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez : "ces recherches désordonnées et ces méditations obscures troublent la lumière naturelle et aveuglent l’esprit" ;

b) Pourquoi "ceux qui ne se sont jamais souciés d’étudier" portent-ils "des jugements bien plus solides et bien plus clairs" ?

c) vous appuyant sur le texte, définissez ce qu’est !a méthode.

3° Vaut-il mieux renoncer à chercher la vérité plutôt que de le faire sans méthode ?

2014 ES JAPON NORMALE Est-il rationnel de se méfier des faits ?

2014 ES JAPON NORMALE Les différences culturelles nous éloignent-elles les uns des autres ?

2014 ES JAPON NORMALE Quand on a ainsi embrassé d’un coup d’oeil les tendances contraires à la moralité, on voit combien c’est un problème difficile de découvrir un motif capable de résister à ces penchants si fort enracinés dans l’homme, (un motif) capable de nous conduire dans une voie tout opposée ; ou bien, si l’expérience nous offre des exemples d’hommes engagés dans cette voie, quelle difficulté c’est de rendre raison de ces faits d’une façon satisfaisante et naturelle. Le problème est si malaisé que, pour le résoudre au profit de l’humanité prise en masse, on a toujours dû s’aider de machineries empruntées à un autre monde : toujours, on s’est adressé à des dieux dont les commandements et les défenses déterminaient toute la conduite à tenir, et qui, d’ailleurs, pour appuyer ces ordres, disposaient de peines et de récompenses dans un autre monde où la mort nous transportait. Admettons qu’on puisse rendre générale une croyance de la sorte, comme il est en effet possible si on l’imprime dans les esprits encore très tendres ; admettons encore cette thèse, qui n’est pas aisée à établir, et que les faits ne justifient guère, qu’une telle discipline produise les résultats attendus ; tout ce qu’on obtiendrait, ce serait de rendre les actions des hommes conformes à la légalité, cela même en dehors des limites où se renferment la police et la justice ; mais il n’y aurait là, chacun le sent bien, rien de semblable à ce que nous appelons proprement la moralité des intentions.

SCHOPENHAUER Le Fondement de la morale (1841)

2014 L JAPON NORMALE Pourquoi l’homme crée-t-il des oeuvres d’art ?

2014 L JAPON NORMALE Une expérience sans théorie nous apprend-elle quelque chose ?

2014 L JAPON NORMALE Enfin l’amour des richesses, l’aveugle désir des honneurs qui poussent les misérables hommes à transgresser les limites du droit, parfois même à se faire les complices et les serviteurs du crime, et nuit et jour s’efforcer par un labeur sans égal d’émerger jusqu’au faîte de la fortune : toutes ces plaies de la vie, c’est pour la plus grande part la crainte de la mort qui les nourrit. En effet, dans l’opinion commune, le mépris infâmant et la poignante pauvreté paraissent incompatibles avec une existence douce et stable, et, dans cette vie même, semblent pour ainsi dire séjourner aux portes mêmes de la mort. Aussi les hommes, sous la contrainte de leur vaine terreur, veulent fuir loin de ces maux et les écarter loin d’eux : ils versent alors le sang de leurs concitoyens pour enfler leurs richesses ; ils doublent leur fortune avec avidité, accumulant meurtre sur meurtre ; cruellement ils se réjouissent des tristes funérailles d’un frère, et la table de leurs proches leur est un objet de haine et d’effroi.

D’une manière toute semblable, c’est souvent cette même crainte qui fait naître au coeur des hommes la desséchante envie. (...) Et souvent même la crainte de la mort pénètre les humains d’une telle haine de la vie et de la vue de la lumière qu’ils se donnent volontairement la mort dans l’excès de leur détresse, oubliant que la source de leurs peines est cette crainte elle-même, que c’est elle qui persécute la vertu, qui rompt les liens de l’amitié, qui, en un mot, détruit toute piété par ses conseils.

LUCRÈCE De la Nature (1er siècle avant J.-C.)

2014 S JAPON NORMALE Est-il difficile de découvrir la vérité ?

2014 S JAPON NORMALE L’art peut-il être utile ?

2014 S JAPON NORMALE Il me semble, premièrement, que tout ce qu’il y a de moral en moi-même a toujours ses relations hors de moi ; que je n’aurais ni vice ni vertu si j’avais toujours vécu seul, et que je serais bon seulement de cette bonté absolue qui fait qu’une chose est ce qu’elle doit être par sa nature. Je sens aussi que j’ai maintenant perdu cette bonté naturelle, par l’effet d’une multitude de rapports artificiels, qui sont l’ouvrage de la société et qui m’ont pu donner d’autres penchants, d’autres besoins, d’autres désirs, d’autres moyens de les satisfaire, nuisibles à la conservation de ma vie ou à la constitution de ma personne, mais conformes aux vues particulières que je me suis faites et aux passions factices que je me suis données.

Il suit de là qu’il faut me considérer à présent comme existant d’une autre manière et m’approprier, pour ainsi dire, une autre sorte de bonté convenable à cette nouvelle existence. Aujourd’hui que ma vie, ma sûreté, ma liberté, mon bonheur dépendent du concours de mes semblables, il est manifeste que je ne dois plus me regarder comme un être individuel et isolé, mais comme partie d’un grand tout, comme membre d’un plus grand corps, de la conservation duquel dépend absolument la mienne, et qui ne saurait être mal ordonné que je ne me ressente de ce désordre. (Ainsi l’identité de nature, la faiblesse commune, les besoins mutuels et la société qu’ils ont rendue nécessaire, me donnent des devoirs et des droits communs à tous les hommes.) Je tiens à ma patrie, au moins par mes besoins ; ma patrie, à son tour, tient par les siens à quelque autre pays, et tout est soumis plus ou moins à cette universelle dépendance. Voilà des vérités qu’on sent plutôt qu’on ne les prouve, et que je me dispenserais d’éclaircir si je comptais autant sur votre bonne foi que sur vos lumières.

ROUSSEAU Lettre sur la vertu (1757)

2014 ES LIBAN NORMALE L’histoire est-elle une science impossible ?

2014 ES LIBAN NORMALE Peut-on vouloir la justice au mépris du droit ?

2014 ES LIBAN NORMALE Nous ne vivons pas d’abord dans la conscience de nous-même - ni même d’ailleurs dans la conscience des choses - mais dans l’expérience d’autrui. Jamais nous ne nous sentons exister qu’après avoir déjà pris contact avec les autres, et notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit d’ailleurs beaucoup à notre fréquentation d’autrui. Un nourrisson de quelques mois est déjà fort habile à distinguer la bienveillance, la colère, la peur sur le visage d’autrui, à un moment où il ne saurait avoir appris par l’examen de son propre corps les signes physiques de ces émotions. C’est donc que le corps d’autrui, dans ses diverses gesticulations, lui apparaît investi d’emblée d’une signification émotionnelle, c’est donc qu’il apprend à connaître l’esprit tout autant comme comportement visible que dans l’intimité de son propre esprit. Et l’adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l’enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir. Le contact de nous-même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même. Si bien qu’enfin le pur soi, l’esprit, sans instruments et sans histoire, s’il est bien comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu, ne s’accomplit en liberté effective que par l’instrument du langage et en participant à la vie du monde.

MERLEAU-PONTY Causeries (1948)

2014 L LIBAN NORMALE Faut-il faire l’éloge du travail ?

2014 L LIBAN NORMALE Peut-on se libérer du passé ?

2014 L LIBAN NORMALE Il ne faut point confondre le bonheur avec la vertu. Il est certain que faire le bien pour le bien, c’est le faire pour soi, pour notre propre intérêt, puisqu’il donne à l’âme une satisfaction intérieure, un contentement d’elle-même sans lequel il n’y a point de vrai bonheur. Il est sûr encore que les méchants sont tous misérables, quel que soit leur sort apparent, parce que le bonheur s’empoisonne dans une âme corrompue, comme le plaisir des sens dans un corps malsain. Mais il est faux que les bons soient tous heureux dès ce monde, et comme il ne suffit pas au corps d’être en santé pour avoir de quoi se nourrir, il ne suffit pas non plus à l’âme d’être saine pour obtenir tous les biens dont elle a besoin. Quoiqu’il n’y ait que les gens de bien qui puissent vivre contents, ce n’est pas à dire que tout homme de bien vive content. La vertu ne donne pas le bonheur, mais elle seule apprend à en jouir quand on l’a : la vertu ne garantit pas des maux de cette vie et n’en procure pas les biens ; c’est ce que ne fait pas non plus le vice avec toutes ses ruses ; mais la vertu fait porter plus patiemment les uns et goûter plus délicieusement les autres. Nous avons donc, en tout état de cause, un véritable intérêt à la cultiver, et nous faisons bien de travailler pour cet intérêt, quoiqu’il y ait des cas où il serait insuffisant par lui-même, sans l’attente d’une vie à venir.

ROUSSEAU Lettre à M. d’Offreville (1761)

2014 S LIBAN NORMALE Peut-on enfreindre la loi au nom de la justice ?

2014 S LIBAN NORMALE Est-ce seulement par la raison qu’on peut accéder à la vérité ?

2014 S LIBAN NORMALE Il n’est pas douteux (...) que la force n’ait été à l’origine de la division des anciennes sociétés en classes subordonnées les unes aux autres. Mais une subordination habituelle finit par sembler naturelle, et elle se cherche à elle-même une explication : si la classe inférieure a accepté sa situation pendant assez longtemps, elle pourra y consentir encore quand elle sera devenue virtuellement la plus forte, parce qu’elle attribuera aux dirigeants une supériorité de valeur. Cette supériorité sera d’ailleurs réelle s’ils ont profité des facilités qu’ils se trouvaient avoir pour se perfectionner intellectuellement et moralement ; mais elle pourra aussi bien n’être qu’une apparence soigneusement entretenue. Quoi qu’il en soit, réelle ou apparente, elle n’aura qu’à durer pour paraître congénitale : il faut bien qu’il y ait supériorité innée, se dit-on, puisqu’il y a privilège héréditaire. La nature, qui a voulu des sociétés disciplinées, a prédisposé l’homme à cette illusion.

BERGSON Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932)

2014 ES MÉTROPOLE NORMALE Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ?

2014 ES MÉTROPOLE NORMALE Pourquoi chercher à se connaître soi-même ?

2014 ES MÉTROPOLE NORMALE La différence décisive entre les outils et les machines trouve peut-être sa meilleure illustration dans la discussion apparemment sans fin sur le point de savoir si l’homme doit "s’adapter" à la machine ou la machine s’adapter à la "nature" de l’homme. (...) Pareille discussion ne peut être que stérile : si la condition humaine consiste en ce que l’homme est un être conditionné pour qui toute chose, donnée ou fabriquée, devient immédiatement condition de notre existence ultérieure, l’homme s’est "adapté" à un milieu de machines dès le moment où il les a inventées. Elles sont certainement devenues une condition de notre existence aussi inaliénable que les outils aux époques précédentes. L’intérêt de la discussion à notre point de vue tient donc plutôt au fait que cette question d’adaptation puisse même se poser. On ne s’était jamais demandé si l’homme était adapté ou avait besoin de s’adapter aux outils dont il se servait : autant vouloir l’adapter à ses mains. Le cas des machines est tout différent. Tandis que les outils d’artisanat, à toutes les phases du processus de l’oeuvre, restent les serviteurs de la main, les machines exigent que le travailleur les serve et qu’il adapte le rythme naturel de son corps à leur mouvement mécanique. Cela ne veut pas dire que les hommes, en tant que tels, s’adaptent ou s’asservissent à leurs machines ; mais cela signifie bien que, pendant toute la durée du travail à la machine, le processus mécanique remplace le rythme du corps humain. L’outil le plus raffiné reste au service de la main qu’il ne peut ni guider ni remplacer. La machine la plus primitive guide le travail corporel et éventuellement le remplace tout à fait.

ARENDT Condition de l’homme moderne (1958)

2014 L MÉTROPOLE NORMALE Les oeuvres d’art éduquent-elles notre perception ?

2014 L MÉTROPOLE NORMALE Doit-on tout faire pour être heureux ?

2014 L MÉTROPOLE NORMALE J’ai traité le déterminisme physique de cauchemar. C’est un cauchemar parce qu’il affirme que le monde entier, avec tout ce qu’il contient, est un gigantesque automate, et que nous ne sommes rien d’autre que des petits rouages, ou des sous-automates dans le meilleur des cas.

Il détruit ainsi, en particulier, l’idée de créativité. Il réduit à l’état de complète illusion l’idée que, dans la préparation de cette conférence, je me suis servi de mon cerveau pour créer quelque chose de nouveau. Ce qui s’est passé là, selon le déterminisme physique, c’est que certaines parties de mon corps ont tracé des marques noires sur un papier blanc, et rien de plus : tout physicien disposant d’une information suffisamment détaillée pourrait avoir écrit ma conférence grâce à cette méthode très simple : prédire les endroits précis où le système physique composé de mon corps (y compris mon cerveau, bien sûr, et mes doigts) et de mon stylo tracerait des marques noires.

Ou, pour utiliser un exemple plus frappant : si le déterminisme physique est correct, alors un physicien complètement sourd, qui n’aurait jamais entendu de musique de sa vie, pourrait écrire toutes les symphonies et tous les concertos de Mozart ou de Beethoven, au moyen d’une méthode simple, qui consisterait à étudier les états physiques précis de leur corps et à prédire où ils traceraient des marques noires sur leur portée. Et notre physicien sourd pourrait même faire bien mieux : en étudiant les corps de Mozart et de Beethoven avec assez de soin, il pourrait écrire des partitions qui n’ont jamais été réellement écrites par Mozart ou Beethoven, mais qu’ils auraient écrites si certaines circonstances de leur vie avaient été différentes - s’ils avaient mangé, disons, de l’agneau au lieu de poulet et bu du thé au lieu de café.

POPPER La Connaissance objective (1972)

2014 S MÉTROPOLE NORMALE L’artiste est-il maître de son oeuvre ?

2014 S MÉTROPOLE NORMALE Vivons-nous pour être heureux ?

2014 S MÉTROPOLE NORMALE On voit clairement pourquoi l’arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c’est que seules elles traitent d’un objet assez pur et simple pour n’admettre absolument rien que l’expérience ait rendu incertain, et qu’elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble impossible à l’homme d’y commettre des erreurs. Et cependant il ne faut pas s’étonner si spontanément beaucoup d’esprits s’appliquent plutôt à d’autres études ou à la philosophie : cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d’affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu’il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu’elle soit.

De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu’il ne faut apprendre que l’arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s’occuper d’aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l’arithmétique et de la géométrie.

DESCARTES Règles pour la direction de l’esprit (1628)

2014 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Les échanges sont-ils toujours intéressés ?

2014 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Une vérité peut-elle être définitive ?

2014 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE SOCRATE : Celui qui garde son injustice au lieu d’en être délivré est le plus malheureux de tous.

POLOS : Cela semble certain.

SOCRATE : N’est-ce pas précisément le cas de l’homme qui, tout en commettant les crimes les plus abominables, et en vivant dans la plus parfaite injustice, réussit à éviter les avertissements, les châtiments, le paiement de sa peine, comme tu dis qu’y est parvenu cet Archélaos (1), ainsi que tous les tyrans, les orateurs et les hommes d’État les plus puissants ?

POLOS : C’est vraisemblable.

SOCRATE : Quand je considère le résultat auquel aboutissent les gens de cette sorte, je les comparerais volontiers à un malade qui, souffrant de mille maux très graves, parviendrait à ne point rendre de comptes aux médecins sur ses maladies et à éviter tout traitement, craignant comme un enfant l’application du fer et du feu (2) parce que cela fait mal. N’est-ce point ton avis ?

POLOS : Tout à fait.

SOCRATE : C’est sans doute qu’il ne saurait pas le prix de la santé et d’une bonne constitution. A en juger par les principes que nous avons reconnus vrais, ceux qui cherchent à ne pas rendre de comptes à la justice, Polos, pourraient bien être également des gens qui voient ce qu’elle comporte de douloureux mais qui sont aveugles à ce qu’elle a d’utile, et qui ne savent pas combien il est plus lamentable de vivre avec une âme malsaine, c’est-à-dire corrompue, injuste et impure, qu’avec un corps malsain. De là tous leurs efforts pour échapper à la punition, pour éviter qu’on les débarrasse du plus grand des maux.

PLATON Gorgias (autour de 387 av. J.-C.)

(1) Archélaos : tyran dont Polos a affirmé qu’il est heureux puisque son pouvoir lui permet de faire tout ce qui lui plaît sans avoir de comptes à rendre à personne.

(2) l’application du fer et du feu : techniques médicales de soin.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) En vous appuyant sur l’exemple d’Archélaos, expliquez pourquoi celui "qui garde son injustice au lieu d’en être délivré est le plus malheureux de tous" ;

b) expliquez en quoi l’homme injuste est semblable à un malade.

3° Celui qui vit dans l’injustice et qui cherche à échapper à la punition est-il le plus malheureux des hommes ?

2014 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on vouloir ce qu’on ne désire pas ?

2014 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT La recherche de la vérité n’a-t-elle pour but que d’éliminer les erreurs ?

2014 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’usage de la raison individuelle suppose, à titre de condition indispensable, le langage ; l’écriture n’est pas moins nécessaire à l’exercice de cette raison de l’humanité : c’est avec elle seulement que commence l’existence réelle de cette raison, comme celle de la raison individuelle ne commence qu’avec la parole. L’écriture, en effet, sert à rétablir l’unité dans cette conscience du genre humain brisée et morcelée sans cesse par la mort : elle permet à l’arrière-neveu de reprendre et d’épuiser la pensée conçue par l’aïeul ; elle remédie à la dissolution du genre humain et de sa conscience en un nombre infini d’individus éphémères, et elle brave ainsi le temps qui s’envole dans une fuite irrésistible avec l’oubli, son compagnon. Les monuments de pierre ne servent pas moins à cette fin que les monuments écrits, et leur sont en partie antérieurs. Croira-t-on en effet que les hommes qui ont dépensé des sommes infinies, qui ont mis en mouvement les forces de milliers de bras, durant de longues années, pour construire ces pyramides, ces monolithes, ces tombeaux creusés dans le roc, ces obélisques, ces temples et ces palais, debout depuis des millénaires déjà, n’aient eu en vue que leur propre satisfaction, le court espace d’une vie, qui ne suffisait pas à leur faire voir la fin de ces travaux, ou encore le but ostensible que la grossièreté de la foule les obligeait à alléguer ? - Leur intention véritable, n’en doutons pas, était de parler à la postérité la plus reculée, d’entrer en rapport avec elle et de rétablir ainsi l’unité de la conscience humaine.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation (1819)

2014 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une oeuvre d’art doit-elle avoir une signification ?

2014 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Y a-t-il une morale universelle ?

2014 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ce n’est que par la société [que l’homme] est capable de suppléer à ses déficiences et de s’élever à une égalité avec les autres créatures, voire d’acquérir une supériorité sur elles. Par la société, toutes ses infirmités sont compensées et, bien qu’en un tel état ses besoins se multiplient sans cesse, néanmoins ses capacités s’accroissent toujours plus et le laissent, à tous points de vue, plus satisfait et plus heureux qu’il ne pourrait jamais le devenir dans sa condition sauvage et solitaire. Lorsque chaque individu travaille séparément et seulement pour lui-même, sa force est trop réduite pour exécuter quelque ouvrage important ; employant son labeur à subvenir à tous ses divers besoins, il n’atteint jamais la perfection dans un savoir-faire particulier ; et, puisque sa force et sa réussite ne sont pas égales tout le temps, le moindre défaut de l’une des deux doit entraîner inévitablement l’échec et la détresse. La société fournit un remède à ces trois inconvénients. Par la conjonction des forces, notre pouvoir est augmenté. Par la répartition des tâches, notre compétence s’accroît. Et par l’assistance mutuelle, nous sommes moins exposés à la fortune et aux accidents. C’est par ce supplément de force, de compétence et de sécurité que la société devient avantageuse.

David

HUME Traité de la nature humaine (1740)

2014 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Travailler est-il un devoir ?

2014 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on renoncer à la vérité ?

2014 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une chose équitable, c’est (...) d’excuser les actions humaines ; c’est de considérer, non pas la loi, mais le législateur ; non pas la lettre de cette loi, mais la pensée du législateur ; non pas l’action, mais l’intention. C’est de ne pas s’arrêter au cas particulier, mais à l’application générale ; de ne pas envisager le caractère de la personne jugée au moment présent, mais ce qu’elle a été toujours, ou le plus souvent. C’est de se rappeler le bien, plutôt que le mal qui aura été fait, et le bien qui nous a été fait, plutôt que celui dont nous sommes les auteurs. C’est de savoir supporter une injustice ; de préférer le règlement d’une affaire par des explications, plutôt que par des voies de fait (1). C’est de vouloir aller en arbitrage plutôt qu’en justice, car l’arbitre considère le côté équitable des choses, tandis que le juge ne considère que la loi, et l’arbitre a été institué précisément dans le but de faire valoir le point de vue de l’équité.

ARISTOTE Rhétorique, (IVe siècle av. J.-C.)

(1) Une "voie de fait" : le recours à la force pour obtenir le résultat souhaité.

2014 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Mon bonheur ne dépend-il que de moi ?

2014 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Ce qui ne peut s’échanger est-il dépourvu de valeur ?

2014 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les esprits terre à terre, comme des murs de boue, résistent à l’artillerie la plus puissante et, bien que la force d’un argument puisse parfois faire impression, ils demeurent fermes malgré tout, ils résistent à l’ennemi (la vérité) qui voudrait s’emparer d’eux et les inquiéter.

Dites à un homme passionnément amoureux qu’il est trompé, convoquez vingt témoins de l’infidélité de sa maîtresse : je parie à dix contre un que trois mots doux de sa part invalideront leurs témoignages. Ce qui correspond à nos voeux est volontiers cru, c’est je suppose ce que chacun a plus d’une fois expérimenté et, quoique les gens ne puissent pas toujours contredire la force de probabilités manifestes qui s’opposent à eux ou leur résister ouvertement, ils ne se rendent néanmoins pas à l’argument. Non pas que ce ne soit pas la nature de l’entendement (1) que de coller raisonnablement au côté le plus probable, mais l’homme a le pouvoir de suspendre et de restreindre ses recherches et de ne pas autoriser un examen aussi complet et satisfaisant que ne le permettrait et le supporterait la question.

LOCKE Essai sur l’entendement humain (1689)

(1) entendement : faculté de comprendre et de saisir le vrai.

2014 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Le désir nous rend-il déraisonnable ?

2014 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’oeuvre d’art a-t-elle une histoire ?

2014 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Celui qui laisse le monde, ou du moins son entourage, tracer pour lui le plan de sa vie, n’a besoin que de la faculté d’imitation des singes. Celui qui choisit lui-même sa façon de vivre utilise toutes ses facultés : l’observation pour voir, le raisonnement et le jugement pour prévoir, l’activité pour recueillir les matériaux en vue d’une décision, le discernement pour décider et, quand il a décidé, la fermeté et la maîtrise de soi pour s’en tenir à sa décision délibérée. Il lui faut avoir et exercer ces qualités dans l’exacte mesure où il détermine sa conduite par son jugement et ses sentiments personnels. Il est possible qu’il soit sur une bonne voie et préservé de toute influence nuisible sans aucune de ces choses. Mais quelle sera sa valeur relative en tant qu’être humain ? Ce qui importe réellement, ce n’est pas seulement ce que font les hommes, mais le genre d’homme qu’ils sont en le faisant. Parmi les oeuvres de l’homme que la vie s’ingénie à perfectionner et à embellir, la plus importante est sûrement l’homme lui-même.

MILL De la Liberté (1859)

2014 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La force est-elle au fondement de l’État ?

2014 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La technique nous éloigne-t-elle de la nature ?

2014 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Il en est des pensées de l’esprit comme des mouvements du corps : quand on a le pouvoir de penser à une chose ou de l’ignorer selon ce que préfère l’esprit, alors on dispose de liberté. Un homme éveillé a nécessairement une idée constamment présente à l’esprit : il ne dispose pas de la liberté de penser ou de ne pas penser, pas plus que de la liberté de toucher ou non un autre corps avec le sien. Par contre, porter son attention d’une idée à l’autre relève souvent de son choix ; donc sa liberté à l’égard de ses idées est aussi grande que celle à l’égard des corps qui le soutiennent : il peut se déplacer à loisir de l’une à l’autre. Il y a cependant pour l’esprit quelques idées, comme pour le corps quelques mouvements, qui ne peuvent en certaines circonstances être évitées ni chassées, même à grand peine. Soumis à la torture, un homme n’a pas la liberté de se défaire de l’idée de douleur ni de se divertir par d’autres considérations ; et parfois une passion violente bouleverse nos pensées comme un ouragan nos corps, sans nous laisser la liberté de penser à d’autres choses que nous préférerions. Mais dès que l’esprit retrouve le pouvoir d’arrêter ou de continuer, de commencer ou d’éviter un mouvement extérieur du corps ou un mouvement intérieur des pensées, selon qu’il juge à propos de préférer l’un à l’autre, alors nous considérons à nouveau l’homme comme un agent libre.

LOCKE Essai sur l’entendement humain (1689)

2014 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’inconscient pèse-t-il sur nous comme un destin ?

2014 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE En quel sens peut-on parler d’un travail de l’artiste ?

2014 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Un crime surgissant d’une passion soudaine n’est pas si grave que ne serait le même crime surgissant d’une longue méditation. Dans le premier cas, en effet, on doit tenir compte, à titre de circonstance atténuante, de la faiblesse commune de la nature humaine ; mais celui qui accomplit l’acte avec préméditation a usé de circonspection ; il a fixé son regard sur la loi, sur le châtiment, et sur les conséquences que son acte comporte pour la société des hommes : c’est tout cela qu’il a méprisé en commettant le crime, et fait passer après son propre appétit. Cependant la soudaineté de la passion ne suffit jamais à excuser totalement : en effet, tout le temps écoulé entre le moment où l’on a pour la première fois connu la loi et celui où l’on a commis l’acte doit être compté comme un temps de délibération, parce qu’on doit corriger l’irrégularité des passions par la méditation de la loi.

Là où la loi est lue et interprétée devant tout le peuple, d’une manière officielle et régulière, un acte contraire à la loi est un plus grand crime que là où les hommes sont laissés dépourvus d’une telle instruction, ne pouvant s’en enquérir que par des voies difficiles et incertaines, interrompant leurs activités professionnelles, et se faisant informer par des particuliers. Dans ce dernier cas en effet, une part de la faute doit être reportée sur la faiblesse commune des hommes, alors que dans le premier, il y a une négligence manifeste, qui ne va pas sans quelque mépris du pouvoir souverain.

HOBBES Léviathan (1651)

2014 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Suis-je responsable de mon bonheur ?

2014 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Avons-nous d’autres droits que ceux que les lois nous accordent ?

2014 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pour faire notre choix, quand nous sommes indécis, il est naturel de faire appel à des hommes instruits ou même à des hommes d’expérience pour chercher leur opinion sur chaque sorte de devoir ; car la majorité d’entre eux se porte dans la direction où ils sont conduits par la nature elle-même : il ne faut pas seulement observer ce que dit chacun d’eux, mais ce qu’ils pensent et aussi quels sont les motifs de leur opinion. De même que les peintres et les sculpteurs et aussi les poètes désirent que leurs oeuvres soient connues du public pour y rectifier ce que la majorité y trouve de défectueux, et qu’ils recherchent en eux-mêmes et en le demandant aux autres les fautes qu’ils ont commises, de même, grâce au jugement d’autrui, nous verrons très souvent ce qu’il y a à faire ou à ne pas faire, ce qu’il y a à modifier ou à rectifier dans notre conduite.

CICÉRON Des Devoirs (44 av. J.-C.)

QUESTIONS :

1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.

a) Expliquez : "il est naturel de faire appel à des hommes instruits ou même à des hommes d’expérience pour chercher leur opinion sur chaque sorte de devoir" ;

b) expliquez : "il ne faut pas seulement observer ce que dit chacun d’eux, mais ce qu’ils pensent et aussi quels sont les motifs de leur opinion" ;

c) en quoi l’exemple des artistes "demandant aux autres les fautes qu’ils ont commises" éclaire-t-il la thèse du texte ?

3° L’expérience des autres est-elle nécessaire pour guider notre raison ?

2014 ES POLYNÉSIE NORMALE La connaissance de l’histoire rend-elle les hommes meilleurs ?

2014 ES POLYNÉSIE NORMALE Puis-je être heureux si les autres ne le sont pas ?

2014 ES POLYNÉSIE NORMALE Le plus pressant intérêt du chef, de même que son devoir le plus indispensable, est de veiller à l’observation des lois dont il est le ministre, et sur lesquelles est fondée toute son autorité. S’il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit-il les observer lui-même qui jouit de toute leur faveur. Car son exemple est de telle force, que quand même le peuple voudrait bien souffrir (1) qu’il s’affranchît du joug de la loi, il devrait se garder de profiter d’une si dangereuse prérogative, que d’autres s’efforceraient bientôt d’usurper à leur tour, et souvent à son préjudice. Au fond, comme tous les engagements de la société sont réciproques par leur nature, il n’est pas possible de se mettre au-dessus de la loi sans renoncer à ses avantages, et personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne. Par la même raison nulle exemption de la loi ne sera jamais accordée à quelque titre que ce puisse être dans un gouvernement bien policé. Les citoyens mêmes qui ont bien mérité de la patrie doivent être récompensés par des honneurs et jamais par des privilèges : car la république est à la veille de sa ruine, sitôt que quelqu’un peut penser qu’il est beau de ne pas obéir aux lois.

ROUSSEAU Discours sur l’économie politique (1755).

(1) souffrir : tolérer, admettre.

2014 L POLYNÉSIE NORMALE Peut-on être indifférent à la vérité ?

2014 L POLYNÉSIE NORMALE Suis-je le sujet de mes pensées ?

2014 L POLYNÉSIE NORMALE La culture humaine - j’entends par là tout ce en quoi la vie humaine s’est élevée au-dessus de ses conditions animales et ce en quoi elle se différencie de la vie des bêtes, et je dédaigne de séparer culture et civilisation - présente, comme on sait, deux faces à l’observateur. Elle englobe, d’une part, tout le savoir et tout le savoir-faire que les hommes ont acquis afin de dominer les forces de la nature et de gagner sur elle des biens pour la satisfaction des besoins humains et, d’autre part, tous les dispositifs qui sont nécessaires pour régler les relations des hommes entre eux et, en particulier, la répartition des biens accessibles. Ces deux orientations de la culture ne sont pas indépendantes l’une de l’autre, premièrement, parce que les relations mutuelles des hommes sont profondément influencées par la mesure de satisfaction pulsionnelle (1) que permettent les biens disponibles ; deuxièmement, parce que l’homme lui-même, pris isolément, est susceptible d’entrer avec un autre dans une relation qui fait de lui un bien, pour autant que cet autre utilise sa force de travail ou le prend pour objet sexuel ; mais aussi, troisièmement, parce que chaque individu est virtuellement un ennemi de la culture, laquelle est pourtant censée être d’un intérêt humain universel. Il est remarquable que les hommes, si tant est qu’ils puissent exister dans l’isolement, ressentent néanmoins comme une pression pénible les sacrifices que la culture attend d’eux pour permettre une vie en commun. La culture doit donc être défendue contre l’individu, et ses dispositifs, institutions et commandements se mettent au service de cette tâche.

FREUD L’Avenir d’une illusion (1927)

(1) Quantité de plaisir éprouvé inconsciemment.

2014 S POLYNÉSIE NORMALE Le droit doit-il se fonder sur une norme naturelle ?

2014 S POLYNÉSIE NORMALE Les objets techniques font-ils partie de notre culture ?

2014 S POLYNÉSIE NORMALE La nature (…) nous a faits d’une telle manière, que nous sommes portés machinalement à de certaines actions. Les mains, les pieds, la tête, toutes les parties du corps prennent d’elles-mêmes et sans que l’esprit y ait part, la posture et le mouvement nécessaire pour l’acquisition du bien, ou la fuite du mal qui se présente. Les pères et les mères ont pour leurs enfants une tendresse particulière qui les oblige à prendre soin de leur éducation, et cette pente est un pur effet du mécanisme, puisqu’elle se remarque dans tous les animaux. Elle s’étend non seulement jusqu’à nos parents et à nos amis, mais aussi jusqu’à tous les hommes. Nous ne saurions voir sans douleur une personne qui souffre : nos entrailles s’émeuvent et ce vif sentiment nous porte à la soulager. Souvent un simple récit, une fable même, nous arrache des larmes ; tant il est vrai que la nature nous sollicite à la compassion. Nous sommes tous liés ensemble par une merveilleuse sympathie, qui fait que naturellement et sans dessein, nous communiquons aux autres la même passion qui nous agite, qui répand sur le visage et sur le reste du corps un air capable d’inspirer aux assistants la même crainte dont nous sommes émus et de faire sur eux une impression subite qui les intéresse à notre conservation. Une personne triste nous inspire la tristesse, et nous force en quelque manière de compatir à sa douleur ; au contraire, si elle donne des marques de joie, elle nous communique sa gaieté. Ce sont là des effets admirables de la sagesse de Dieu qui nous a faits les uns pour les autres, et qui, pour suppléer à la lenteur du raisonnement, a voulu nous conduire tout d’un coup à notre devoir. On pourrait appeler cela la Religion de l’instinct.

MONTESQUIEU Essai touchant les lois naturelles (1725)

2014 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE La culture augmente-t-elle notre liberté ?

2014 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Est-ce en imitant qu’on devient artiste ?

2014 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Comme dans les autres arts, en matière d’organisation politique, il est impossible de tout codifier avec précision ; les règles écrites sont forcément générales ; les actions, elles, portent sur des cas particuliers.

Tous ces arguments montrent donc à l’évidence qu’il faut changer certaines lois et en certaines occasions ; mais, d’un autre point de vue, ce changement semblerait demander beaucoup de prudence. Quand l’amélioration est faible, et comme c’est un mal d’habituer les hommes à abroger les lois à la légère, il est clair qu’il faut tolérer quelques erreurs à la fois des législateurs et des gouvernants ; en effet, le bénéfice du changement sera moindre que le dommage résultant de l’habitude de désobéir aux gouvernants. Il serait même trompeur de prendre pour modèle les autres arts ; ce n’est pas la même chose que changer un art ou une loi, car la loi, pour se faire obéir, n’a d’autre force que l’habitude et celle-ci n’apparaît qu’après un long espace de temps, si bien que passer facilement des lois existantes à d’autres lois nouvelles, c’est affaiblir la puissance de la loi.

ARISTOTE Politique (vers 335 avant J.-C.)

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquez pourquoi "en matière d’organisation politique, il est impossible de tout codifier avec précision" ;

b) Expliquez pourquoi "il est clair qu’il faut tolérer quelques erreurs à la fois des législateurs et des gouvernants" ;

c) Expliquez : "la loi, pour se faire obéir, n’a d’autre force que l’habitude.

3° Changer souvent les lois, est-ce affaiblir la puissance de la loi ?

2014 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Puis-je faire le bien en faisant mon bien ?

2014 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le désir fait-il de nous des sujets ?

2014 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il n’est point de connaissance qui soit superflue et inutile de façon absolue et à tous égards, encore que nous ne soyons pas toujours à même d’en apercevoir l’utilité. - C’est par conséquent une objection aussi mal avisée qu’injuste que les esprits superficiels adressent aux grands hommes qui consacrent aux sciences des soins laborieux, lorsqu’ils viennent demander : à quoi cela sert-il ? On ne doit en aucun cas poser une telle question quand on prétend s’occuper de science. À supposer qu’une science ne puisse apporter d’explication que sur un quelconque objet possible, de ce seul fait son utilité serait déjà suffisante. Toute connaissance logiquement parfaite a toujours quelque utilité possible : même si elle nous échappe jusqu’à présent, il se peut que la postérité la découvre. - Si en cultivant les sciences on n’avait jamais mesuré l’utilité qu’au profit matériel qu’on pourrait retirer, nous n’aurions pas l’arithmétique et la géométrie. Aussi bien notre intelligence est ainsi conformée qu’elle trouve satisfaction dans la simple connaissance, et même une satisfaction plus grande que dans l’utilité qui en résulte. Platon l’avait remarqué. L’homme y prend conscience de sa valeur propre ; il a la sensation de ce qui se nomme : se savoir esprit. Les hommes qui ne sentent pas cela doivent envier les bêtes. La valeur intrinsèque que les connaissances tiennent de leur perfection logique est incomparable avec leur valeur extrinsèque, qu’elles tirent de leur application.

KANT Logique (1800)

2014 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Est-il toujours possible de trouver les mots justes ?

2014 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Est-il toujours possible de trouver les mots justes ?

2014 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on renoncer à être libre ?

2014 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on renoncer à être libre ?

2014 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Parce que la société est à la fois la source et la gardienne de la civilisation, parce qu’elle est le canal par lequel la civilisation parvient jusqu’à nous, elle nous apparaît donc comme une réalité infiniment plus riche, plus haute que la nôtre, une réalité d’où nous vient tout ce qui compte à nos yeux, et qui pourtant nous dépasse de tous les côtés puisque de ces richesses intellectuelles et morales dont elle a le dépôt, quelques parcelles seulement parviennent jusqu’à chacun de nous. Et plus nous avançons dans l’histoire, plus la civilisation humaine devient une chose énorme et complexe ; plus par conséquent elle déborde les consciences individuelles, plus l’individu sent la société comme transcendante par rapport à lui. Chacun des membres d’une tribu australienne porte en lui l’intégralité de sa civilisation tribale ; de notre civilisation actuelle, chacun de nous ne parvient à intégrer qu’une faible part.

Mais nous en intégrons toujours quelque part en nous. Et ainsi, en même temps qu’elle est transcendante, par rapport à nous, la société nous est immanente et nous la sentons comme telle. En même temps qu’elle nous dépasse, elle nous est intérieure, puisqu’elle ne peut vivre qu’en nous et par nous. Ou plutôt elle est nous-même, en un sens, et la meilleure partie de nous-même, puisque l’homme n’est un homme que dans la mesure où il est civilisé. Ce qui fait de nous un être vraiment humain, c’est ce que nous parvenons à nous assimiler de cet ensemble d’idées, de sentiments, de croyances, de préceptes de conduite que l’on appelle la civilisation.

DURKHEIM Sociologie et philosophie (1924)

2014 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Parce que la société est à la fois la source et la gardienne de la civilisation, parce qu’elle est le canal par lequel la civilisation parvient jusqu’à nous, elle nous apparaît donc comme une réalité infiniment plus riche, plus haute que la nôtre, une réalité d’où nous vient tout ce qui compte à nos yeux, et qui pourtant nous dépasse de tous les côtés puisque de ces richesses intellectuelles et morales dont elle a le dépôt, quelques parcelles seulement parviennent jusqu’à chacun de nous. Et plus nous avançons dans l’histoire, plus la civilisation humaine devient une chose énorme et complexe ; plus par conséquent elle déborde les consciences individuelles, plus l’individu sent la société comme transcendante par rapport à lui. Chacun des membres d’une tribu australienne porte en lui l’intégralité de sa civilisation tribale ; de notre civilisation actuelle, chacun de nous ne parvient à intégrer qu’une faible part.

Mais nous en intégrons toujours quelque part en nous. Et ainsi, en même temps qu’elle est transcendante, par rapport à nous, la société nous est immanente et nous la sentons comme telle. En même temps qu’elle nous dépasse, elle nous est intérieure, puisqu’elle ne peut vivre qu’en nous et par nous. Ou plutôt elle est nous-même, en un sens, et la meilleure partie de nous-même, puisque l’homme n’est un homme que dans la mesure où il est civilisé. Ce qui fait de nous un être vraiment humain, c’est ce que nous parvenons à nous assimiler de cet ensemble d’idées, de sentiments, de croyances, de préceptes de conduite que l’on appelle la civilisation.

DURKHEIM Sociologie et philosophie (1924)

2014 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT La morale s’apprend-elle ?

2014 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’inconscient n’est-il qu’une conscience obscurcie ?

2014 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’astronomie n’a pas réellement pris naissance quand les prêtres de l’Egypte ou de la Chaldée ont fait sur le ciel une suite d’observations empiriques plus ou moins exactes, mais seulement lorsque les premiers philosophes grecs ont commencé à ramener à quelques lois géométriques le phénomène général du mouvement diurne. Le véritable but définitif des recherches astronomiques étant toujours de prédire avec certitude l’état effectif du ciel dans un avenir plus ou moins lointain, l’établissement des lois des phénomènes offre évidemment le seul moyen d’y parvenir, sans que l’accumulation des observations puisse être, en elle-même, d’aucune utilité pour cela, autrement que comme fournissant à nos spéculations un fondement solide. En un mot, il n’y pas eu de véritable astronomie tant qu’on n’a pas su, par exemple, prévoir, avec une certaine précision, au moins par des procédés graphiques, et surtout par quelques calculs trigonométriques, l’instant du lever du soleil ou de quelques étoiles pour un jour et pour un lieu donnés. Ce caractère essentiel de la science a toujours été le même depuis son origine. Tous ses progrès ultérieurs ont seulement consisté à apporter définitivement dans ces prédictions une certitude et une précision de plus en plus grandes, en empruntant à l’observation directe le moins de données possible pour la prévoyance la plus lointaine. Aucune partie de la philosophie naturelle ne peut donc manifester avec plus de force la vérité de cet axiome fondamental : Toute science a pour but la prévoyance, qui distingue la science réelle de la simple érudition, bornée à raconter les événements accomplis, sans aucune vue d’avenir.

COMTE Cours de philosophie positive (1830-1842)

2014 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on apprendre à être heureux ?

2014 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Est-ce parce qu’ils sont ignorants que les hommes ont des croyances ?

2014 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Quel est le véritable fondement du droit de punir ? Nous dirons qu’il est double : l’intérêt général et la justice. L’objet immédiat du législateur (1) est d’assurer par des moyens convenables la conservation de la société, conservation qui ne va pas sans le respect par chacun des droits de tous. C’est pourquoi la société en frappant le coupable poursuit avant tout un but de répression et d’intimidation. C’est le but immédiat. C’est ce qu’il faut retenir du système de la défense sociale. Mais pour la société comme pour l’individu, le droit de légitime défense a des limites, et ces limites sont tracées en toutes circonstances par la justice. De même que je puis et dois me défendre quand on m’attaque, mais que je n’ai pas le droit d’user de cette faculté plus qu’il n’est nécessaire pour assurer ma conservation et mettre mon agresseur dans l’impossibilité de nuire, ainsi la société doit se défendre contre une agression, mais parmi les moyens dont elle userait, il y en a d’injustes. Il est juste que le châtiment soit proportionné à l’offense (2) et qu’il ne soit pas trop sévère, même si l’intérêt de la société devait y trouver son prix. Il est injuste de sacrifier un citoyen à tous, et c’est pourquoi, même si l’intérêt général paraît y trouver son compte, le législateur doit s’abstenir de le faire. La justice absolue considérée comme un idéal supérieur intervient donc ici, mais moins comme un idéal à réaliser que comme une restriction constamment apportée à la poursuite de l’intérêt général.

BERGSON Cours de morale, de métaphysique et d’histoire de la philosophie moderne (lycée Henri IV, 1892-1893)

(1) législateur : pouvoir qui fait les lois.

(2) offense : faute, agression.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

a) En quoi le droit de punir a-t-il pour "but immédiat" la répression et l’intimidation ?

b) Expliquez : "pour la société comme pour l’individu, le droit de légitime défense a des limites" ;

c) Pourquoi l’idéal supérieur de la justice interdit-il de "sacrifier un citoyen à tous" ?

3° L’idéal de justice doit-il limiter le droit de punir ?

2015 S AFRIQUE NORMALE Le bonheur de l’humanité pourrait-il venir du progrès technique ?

2015 S AFRIQUE NORMALE La vérité ne peut-elle être établie que par la démonstration ?

2015 S AFRIQUE NORMALE Pour ce qui est de nos propres désirs, la plupart des gens croient que nous pouvons les connaître par une institution immédiate, qui ne dépend pas de l’observation de nos actes. Si, cependant, il en était ainsi, comment expliquerait-on qu’il y ait tant de gens qui ne savent pas ce qu’ils désirent ou qui se trompent sur la nature de leurs désirs ? C’est un fait d’observation courante qu’"Untel ignore ses propres mobiles" ou que : "A est jaloux de B et malveillant à son égard, mais sans en être conscient". On dit de ces gens qu’ils se trompent eux-mêmes et l’on suppose qu’ils se sont livrés à un travail plus ou moins compliqué, ayant pour but de dissimuler à eux-mêmes des choses dont l’évidence, sans cela, sauterait aux yeux. C’est là, à mon avis, une manière de voir tout à fait fausse. Je crois que la découverte de nos propres mobiles ne peut se faire que de la même manière que celle dont nous découvrons les mobiles des autres, à savoir par l’observation de nos actions, celles-ci nous permettant ensuite de conclure aux désirs qui les inspirent. Un désir est conscient [italiques], lorsque nous nous sommes dits à nous-mêmes que nous l’éprouvons. Un homme ayant faim peut se dire : "je voudrais bien déjeuner". Alors son désir est *conscient*. Il ne diffère d’un désir *inconscient* que parce qu’il est formulé à l’aide de mots appropriés ; mais cette différence est loin d’être fondamentale.

RUSSELL l’Analyse de l’esprit, 1921

2015 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Sommes-nous maîtres de nos désirs ?

2015 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE A quoi reconnaît-on qu’une théorie est scientifique ?

2015 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Il est particulièrement décourageant pour un individu, et plus encore pour une classe1, d’être laissé hors de la constitution2 ; d’en être réduit à plaider sa cause à la porte des arbitres de sa destinée, sans pouvoir participer à la consultation. L’effet dynamisant de la liberté sur le caractère n’atteint son niveau maximal que lorsque la personne en question est soit dotée des mêmes privilèges de la citoyenneté que les autres, soit en passe de l’être. Est même plus importante encore que cette question de sentiment la discipline pratique que les citoyens acquièrent, au niveau de leur caractère, lorsqu’ils sont appelés occasionnellement, pour un temps et chacun à leur tour, à exercer quelque fonction sociale. On ne prend pas suffisamment en compte que, dans la vie ordinaire de la plupart des hommes, rares sont les occasions d’élargir leurs visions et leurs sentiments. Leur travail n’est que routine ; commandé non par l’amour mais par la forme la plus élémentaire de l’intérêt personnel, soit la satisfaction des besoins quotidiens ; ni l’objet de ce travail ni le processus lui-même n’ouvrent l’esprit sur des pensées ou des sentiments qui les portent au-delà d’eux- mêmes. S’ils ont à portée de main des livres instructifs, rien ne les conduit à les lire ; et le plus souvent, l’individu n’a pas accès à quelque personne ayant une culture supérieure à la sienne. Lui donner une tâche à accomplir pour le public corrige dans une certaine mesure toutes ces déficiences. Si les circonstances permettent que soit considérable la somme des devoirs publics qui lui sont assignés, cela fera de lui un homme éduqué.

John Stuart

MILL Considérations sur le gouvernent représentatif, 1861.

1 Classe : groupe d’individus ayant des intérêts communs.

2 Être laissé hors de la constitution : ne pas être associé à la vie politique.

2015 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une parole peut-elle être sans objet ?

2015 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une parole peut-elle être sans objet ?

2015 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Tout désir est-il tyraniique ?

2015 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Tout désir est-il tyrannique ?

2015 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le plus pressant intérêt du chef, de même que son devoir le plus indispensable, est de veiller à l’observation des lois dont il est le ministre1 ; et sur lesquelles est fondée toute son autorité. S’il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit-il les observer lui- même qui jouit de toute leur faveur. Car son exemple est de telle force, que quand même le peuple voudrait bien souffrir2 qu’il s’affranchît du joug de la loi, il devrait se garder de profiter d’une si dangereuse prérogative, que d’autres s’efforceraient bientôt d’usurper à leur tour, et souvent à son préjudice. Au fond, comme tous les engagements de la société sont réciproques par leur nature, il n’est pas possible de se mettre au-dessus de la loi sans renoncer à ses avantages, et personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne. Par la même raison, nulle exemption de la loi ne sera jamais accordée à quelque titre que ce puisse être dans un gouvernement bien policé3. Les citoyens mêmes qui ont bien mérité de la patrie doivent être récompensés par des honneurs et jamais par des privilèges : car la république est à la veille de sa ruine, sitôt que quelqu’un peut penser qu’il est beau de ne pas obéir aux lois.

ROUSSEAU Discours sur l’économie politique (1755)

1 ministre : sreviteur

2 souffrir : accepter

3 policé : réglé

2015 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le plus pressant intérêt du chef, de même que son devoir le plus indispensable, est donc de veiller à l’observation des lois dont il est le ministre, et sur lesquelles est fondée toute son autorité. S’il doit les faire observer aux autres, à plus forte raison doit-il les observer lui-même qui jouit de toute leur faveur. Car son exemple est de telle force, que quand même le peuple voudrait bien souffrir qu’il s’affranchît du joug de la loi, il devrait se garder de profiter d’une si dangereuse prérogative, que d’autres s’efforceraient bientôt d’usurper à leur tour, et souvent à son préjudice. Au fond, comme tous les engagements de la société sont réciproques par leur nature, il n’est pas possible de se mettre au-dessus de la loi sans renoncer à ses avantages, et personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne. Par la même raison nulle exemption de la loi ne sera jamais accordée à quelque titre que ce paisse être dans un gouvernement bien policé. Les citoyens mêmes qui ont bien mérité de la patrie doivent être récompenses par des honneurs et jamais par des privilèges : car la république est à la veille de sa ruine, si tôt que quelqu’un peut penser qu’il est beau de ne pas obéir aux lois.

ROUSSEAU Discours sur l’économie politique, 1755.

2015 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le bonheur se trouve-t-il dans le repos

2015 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’art instruit-il ?

2015 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Celui qui est puni ne mérite pas la punition : on ne se sert de lui que comme d’un moyen d’intimidation pour empêcher à l’avenir certains actes ; celui que l’on récompense ne mérite pas davantage sa récompense : il ne pouvait en effet agir autrement qu’il n’a agi. Ainsi la récompense n’a d’autre sens que d’être un encouragement pour lui et pour les autres, elle a donc pour fin de fournir un motif à de futures actions ; on acclame celui qui est en train de courir sur la piste, non pas celui qui est au but. Ni la peine ni la récompense ne sont choses qui reviennent à l’individu comme lui appartenant en propre ; elles lui sont données pour des raisons d’utilité, sans qu’il ait à y prétendre avec justice. Il faut dire « le sage ne récompense pas parce qu’on a bien agi » de la même manière que l’on a dit « le sage ne punit pas parce qu’on a mal agi, mais pour empêcher que l’on agisse mal ». Si peine et récompense disparaissaient, du même coup disparaîtraient les motifs les plus puissants qui détournent de certaines actions et poussent à certaines autres ; l’intérêt de l’humanité en exige la perpetuation (1).

NIETZSCHE Humain, trop humain (1878)

(1) Perpétuation : mainen.

2015 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La démonstration suffit-elle à établir la vérité aux yeux de tous ?

2015 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE L’État doit-il mettre fin à tous les conflits ?

2015 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Connaître le bien et le mal, sentir la raison des devoirs de l’homme, ce n’est pas l’affaire d’un enfant.

La nature veut que les enfants soient enfants avant que d’être hommes. Si nous vouons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces, qui n’auront ni maturité ni saveur et ne tarderont pas à se corrompre ; nous aurons de jeunes docteurs et de vieux enfants. L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ; rien n’est moins sensé que dy vouloir substituer les nôtres ; et j’aimerais autant exiger qu’enfant eût cinq pieds de haut que, que du jugement à dix ans. En effet, à quoi lui servirait la raison à cet âge ? Elle est le frein de la force, et l’enfant n’a pas besoin de ce frein.

En essayant de persuader à vos élèves le devoir d’obéissance, vous joignez à cette prétendue persuasion la force et les menaces, ou, qui pis est, la flatterie et les promesses. Ainsi donc, amorcés par l’intérêt ou contraints par la force, ils font semblant d’être convaincus par la raison. Ils voient très bien que l’obéissance leur est avantageuse, et la rébellion nuisible, aussitôt que vous vous apercevez de l’une ou de l’autre. Mais comme vous n’exigez rien d’eux qui ne leur soit désagréable, et qu’il est toujours pénible de faire les volontés d’autrui, ils se cachent pour faire les leurs, persuadés qu’ils font bien si l’on ignore leur désobéissance, mais prêts à convenir qu’ils font mal, s’ils sont découverts, de crainte d’un plus grand mal. La raison du devoir n’étant pas de leur âge, il n’y a homme au monde qui vînt à bout de la leur rendre vraiment sensible ; mais la crainte du châtiment, l’espoir du pardon, l’importunité, l’embarras de répondre leur arrachent tous les aveux qu’on exige ; et l’on croit les avoir convaincus, quand on ne les a qu’ennuyés ou intimidés.

ROUSSEAU Émile ou de l’éducation, 1762.

2015 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Puis-je ignorer ce que je désire ?

2015 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Si tous les hommes sont égaux, comment justifier l’obéissance ?

2015 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Chercher du travail en vue du salaire – voilà en quoi presque tous les hommes sont égaux dans les pays civilisés : pour eux tous, le travail n’est qu’un moyen, et non le but lui-même ; aussi bien sont-ils peu raffinés dans le choix du travail, pourvu qu’il rapporte un gain appréciable. Or il se trouve quelques rares personnes qui préfèrent périr plutôt que de se livrer sans plaisir au travail ; ce sont ces natures exigeantes et difficiles à satisfaire qui n’ont que faire d’un gain considérable, si le travail ne constitue pas lui-même le gain de tous les gains. De cette espèce d’hommes rares font partie les artistes et les contemplatifs de toutes sortes, mais aussi ces oisifs qui passent leur vie à la chasse, en voyages ou dans des intrigues et des aventures amoureuses. Tous ceux-là veulent le travail et la peine pour autant qu’ils sont liés au plaisir, et le travail le plus pénible, le plus dur s’il le faut. Au demeurant, ils sont d’une paresse résolue, dût-elle entraîner l’appauvrissement, le déshonneur et mettre en danger la santé et la vie. Ils ne craignent pas tant l’ennui que le travail sans plaisir : ils ont même besoin de s’ennuyer beaucoup s’ils veulent réussir dans leur propre travail. Pour le penseur comme pour tous les esprits sensibles l’ennui est ce désagréable « calme plat » de l’âme, qui précède l’heureuse navigation et les vents joyeux : il faut qu’il le supporte, qu’il en attende l’effet – c’est là précisément ce que les natures les plus faibles ne peuvent absolument pas obtenir d’elles- mêmes ! Chasser l’ennui par n’importe quel moyen est aussi vulgaire que travailler sans plaisir.

NIETZSCHE Le Gai savoir, 1882.

2015 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Faut-il craindre la puissance de nos désirs ?

2015 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Toute société a-t-elle besoin de lois ?

2015 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Lorsque, dans les matières qui se fondent sur l’expérience et le témoignage, nous bâtissons notre connaissance sur l’autorité d’autrui, nous ne nous rendons ainsi coupables d’aucun préjugé ; car, dans ce genre de choses, puisque nous ne pouvons faire nous-mêmes l’expérience de tout ni le comprendre par notre propre intelligence, il faut bien que l’autorité de la personne soit le fondement de nos jugements. Mais lorsque nous faisons de l’autorité d’autrui le fondement de notre assentiment à l’égard de connaissances rationnelles, alors nous admettons ces connaissances comme simple préjugé. Car c’est de façon anonyme que valent les vérités rationnelles ; il ne s’agit pas alors de demander : qui a dit cela ? mais bien qu’a-t-il dit ? Peu importe si une connaissance a une noble origine ; le penchant à suivre l’autorité des grands hommes n’en est pas moins très répandu tant à cause de la faiblesse des lumières personnelles que par désir d’imiter ce qui nous est présenté comme grand.

KANT Logique, 1800.

2015 TECHN. ANTILLES NORMALE Peut-on se faire justice soi-même ?

2015 TECHN. ANTILLES NORMALE Un homme se définit-il par sa culture ?

2015 TECHN. ANTILLES NORMALE La source première de notre connaissance est l’expérience. Pour qu’il y ait expérience, il faut, absolument parlant, que nous ayons perçu une chose elle-même. Mais on doit, en outre, distinguer perception et expérience. D’entrée de jeu la perception ne contient qu’un unique objet qui est maintenant, de façon fortuite, ainsi constitué, mais qui, une autre fois, peut être autrement constitué. Or, si je répète la perception et que, dans cette perception répétée, je remarque et retienne fermement ce qui reste égal à soi-même en toutes ces perceptions, c’est là une expérience. L’expérience contient avant tout des lois, c’est-à-dire une liaison entre deux phénomènes telle que, si l’un est présent, l’autre aussi suit toujours. Mais l’expérience ne contient que l’universalité d’un tel phénomène, non la nécessité de la corrélation*. L’expérience enseigne seulement qu’une chose est ainsi, c’est-à-dire comme elle se trouve, ou donnée, mais non encore les fondements ou le pourquoi.

HEGEL Propédeutique philosophique (1808-1811)

* corrélation = liaison

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Formuler la thèse du texte et montrer comment elle est établie.

2. a) Expliquez la distinction entre « perception » et « expérience » en vous appuyant sur : « je remarque et [retiens] fermement ce qui est égal à soi-même en toutes ces perceptions ».

b) Le fait qu’un phénomène soit « présent, l’autre aussi suit toujours » suffit-il pour dire qu’il suit nécessairement ? Justifiez votre réponse.

c) Montrez que l’expérience ne peut donc pas donner « les fondements ou le pourquoi ».

3. S’en tenir à l’expérience, est-ce suffisant pour connaître ?

2015 ES ANTILLES REMPLACEMENT Le désir est-il produit par la société ?

2015 ES ANTILLES REMPLACEMENT Toute interprétation est-elle subjective ?

2015 ES ANTILLES REMPLACEMENT Toutes les lois civiles sont générales et concernent uniquement certaines circonstances essentielles du cas, sans prendre en considération les caractères, les situations et les relations de la personne intéressée, ni toutes les conséquences particulières qui peuvent résulter de la détermination de ces lois dans un cas particulier qui se présente. Elles privent sans scrupule un homme bienfaisant de tous ses biens, s’ils ont été acquis par erreur, sans juste titre, afin de les attribuer à un avare égoïste qui a déjà entassé des quantités énormes de richesses superflues. L’utilité publique exige que la propriété soit régie par des règles générales inflexibles ; et bien que l’on adopte de telles règles pour servir au mieux cette même utilité publique, il leur est impossible de prévenir toutes les mésaventures particulières ou de faire en sorte que des conséquences bénéfiques résultent de chaque cas individuel. Il suffit que le plan ou projet dans son ensemble soit nécessaire au maintien de la société civile et que, d’une manière générale, la somme du bien en soit amenée à l’emporter nettement sur celle du mal.

HUME Enquête sur les principes de la morale, 18751.

2015 L ANTILLES REMPLACEMENT La politique doit-elle être l’affaire des spécialistes ?

2015 L ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on être heureux sans le savoir ?

2015 L ANTILLES REMPLACEMENT Si on nous demande pourquoi nous croyons que le soleil se lèvera demain, il est clair que nous répondrons tout naturellement « parce qu’il s’est levé jusqu’ici chaque jour ». Nous croyons fermement qu’il se lèvera à l’avenir, parce qu’il s’est ainsi levé dans le passé. Mis au défi d’expliquer pourquoi nous croyons qu’il continuera à se lever comme auparavant, nous invoquerons peut-être les lois du mouvement : la terre, répondrons-nous, est un corps en rotation libre, et un mouvement de ce genre ne cesse qu’en cas d’interférence d’une force extérieure au système ; or une telle interférence avec la terre est exclue entre aujourd’hui et demain. On peut bien sûr se demander si nous sommes vraiment certains qu’aucune interférence n’aura lieu, mais ce n’est pas le point intéressant. Ce qu’on peut mettre en doute, c’est l’idée que les lois du mouvement s’appliqueront encore demain. C’est là la question intéressante, et dès qu’elle surgit, nous voici à nouveau dans la même position qu’au début, à propos du lever du soleil.

Or la seule raison de croire en la permanence des lois du mouvement réside dans le fait que les phénomènes leur ont obéi jusqu’à présent, pour autant que notre connaissance du passé nous permette d’en juger. Certes l’ensemble de preuves que constitue le passé en faveur des lois du mouvement est plus important que celui en faveur du prochain lever de soleil, dans la mesure où le lever du soleil n’est qu’un cas particulier d’application des lois du mouvement, à côté de tant d’autres. Mais la vraie question est celle-ci : est-ce qu’un nombre quelconque de cas passés conformes à une loi constitue une preuve que la loi s’appliquera à l’avenir ? Si la réponse est non, notre attente que le soleil se lèvera demain, que le pain au prochain repas ne nous empoisonnera pas, se révèle sans fondement ; et de même pour toutes les attentes à peine conscientes qui règlent notre vie quotidienne. Il faut remarquer que ces prévisions sont seulement probables ; ce n’est donc pas une preuve qu’elles doivent être confirmées, que nous avons à rechercher, mais seulement une raison de penser qu’il est vraisemblable qu’elles soient confirmées.

RUSSELL Problèmes de Philosophie, 1912.

2015 S ANTILLES REMPLACEMENT La vie en société favorise-elle la liberté ?

2015 S ANTILLES REMPLACEMENT L’art est-il éphémère ?

2015 S ANTILLES REMPLACEMENT Le plaisir et les agréments de la connaissance surpassent de beaucoup tous les autres plaisirs de la nature. En effet, est-ce que les plaisirs des passions ne dépassent pas ceux des sens autant que l’obtention de ce qu’on désire, c’est-à-dire la victoire, dépasse une chanson ou un souper ? Ne faut-il pas, par conséquent, que les plaisirs de l’intellect, c’est-à-dire la compréhension, dépassent les plaisirs des passions ? Nous voyons bien que, dans tous les autres plaisirs, la satiété (1) existe. Quand on en a pris l’habitude, leur fraîche vivacité s’en va, ce qui montre bien qu’ils sont, non des plaisirs, mais des illusions de plaisir : c’est la nouveauté qui plaisait, non ce qu’ils étaient. Voilà pourquoi l’on voit des hommes de volupté se faire moines et des monarques ambitieux devenir mélancoliques. Du savoir, au contraire, on n’est jamais rassasié ; satisfaction et appétit s’échangent en permanence, équivalents l’un à l’autre. Par conséquent, le savoir apparaît comme le bien simple en soi, dénué de toute tromperie ou d’accident.

BACON Du progrès et de la promotion des savoirs (1605)

1 Satiété : pleine satisfaction

2015 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Doit-on se fier à l’expérence ?

2015 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Les hommes peuvent-ils se mettre d’accord sur le juste et l’injuste ?

2015 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Qu’est-ce (...) que la liberté ? Le pouvoir de vivre comme on veut ! Qui donc vit comme il veut sinon celui qui suit le droit chemin, qui trouve son plaisir dans le devoir, qui a examiné et prévu un plan de vie, qui n’obéit pas seulement aux lois par crainte, mais qui les observe et les respecte parce qu’il juge cette attitude la plus salutaire ; celui qui ne dit rien, ne fait rien, enfin ne pense rien que de son propre mouvement et de son propre gré, celui dont toutes les décisions et tous les actes trouvent en lui- même leur principe et leur fin, qui ne laisse rien prévaloir sur sa volonté et sur son jugement ; celui devant qui la Fortune* même, à qui l’on attribue un très grand pouvoir, recule, s’il est vrai, comme l’a dit un sage poète, que « ce sont ses propres mœurs qui façonnent la vie de chacun » ? Au sage seul revient donc la chance de ne rien faire malgré lui, rien à regret, rien par contrainte.

CICÉRON Les Paradoxes des stoïciens (Ier siècle av. J-C.)

*Le sort, le destin.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2. a) Comment comprendre ici l’expression : « qui trouve son plaisir dans le devoir » ?

b) Expliquez : « celui dont toutes les décisions et tous les actes trouvent en lui- même leur principe et leur fin ».

c) Expliquez : « ce sont ses propres mœurs qui façonnent la vie de chacun ».

3. Être libre ,est-ce pouvoir vivre comme on veut ?

2015 ES ANTILLES GUYANE NORMALE L’art est-il nécessaire à l’homme

2015 ES ANTILLES GUYANE NORMALE Puis-je renoncer à ma liberté ?

2015 ES ANTILLES GUYANE NORMALE Ce qui fait la difficulté, c’est que l’équitable, tout en étant juste, n’est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale. La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèce pour lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’y applique avec rectitude. Dans les matières, donc, où on doit nécessairement se borner à des généralités et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer d’ailleurs les erreurs que cela peut entraîner. La loi n’en est pas moins sans reproche, car la faute n’est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par leur essence même la matière des choses de l’ordre pratique revêt ce caractère d’irrégularité. Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de prévoir le cas et a péché par excès de simplification, de corriger l’omission et de se faire l’interprète de ce qu’eût dit le législateur lui-même s’il avait été présent à ce moment, et de ce qu’il aurait porté dans sa loi s’il avait connu le cas en question.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque, 4ème siècle avant J.C.

2015 L ANTILLES GUYANE NORMALE Science et religion s’opposent-elles ?

2015 L ANTILLES GUYANE NORMALE Suffit-il d’avoir des droits pour être libre ?

2015 L ANTILLES GUYANE NORMALE Celui-ci, ce sont les honneurs qui l’enchaînent, cet autre, ce sont les richesses ; certains sont écrasés par le poids de leur notoriété, d’autres par celui de leur obscurité ; tel courbe la tête sous la domination d’autrui, tel sous la sienne propre ; l’un est assigné à résidence parce qu’il est exilé, l’autre parce qu’il remplit un sacerdoce(*). Toute vie est un esclavage.

Il faut donc se faire à sa condition, s’en plaindre le moins possible et saisir tous les avantages qu’elle peut offrir : il n’est pas de situation si cruelle qu’une âme en paix ne puisse y trouver quelque douceur. Les espaces exigus s’ouvrent souvent à des usages multiples, grâce à l’habileté de l’architecte ; le moindre mètre carré devient habitable, grâce à une organisation ingénieuse. Face aux difficultés, il faut faire appel à la raison : ce qui était dur peut s’assouplir, ce qui était étroit peut s’élargir, et les poids peuvent s’alléger quand on sait adroitement les porter.

En outre, il ne faut pas ouvrir un large champ à nos désirs : imposons-leur de rester à proximité, puisque aussi bien ils ne sauraient se laisser enfermer totalement. Renonçons à ce qui est impossible ou ne peut que difficilement se réaliser ; ne recherchons que ce qui est à notre portée et sourit à nos espoirs, en sachant néanmoins que tous ces biens sont également frivoles, tous différents vus du dehors, tous aussi vains au fond. N’envions pas les belles situations : là où nous croyions voir un sommet, il n’y a qu’un précipice.

SÉNÈQUE De la tranquillité de l’âme, 1er siècle après J. C. (*) : une fonction au sein d’une religion

2015 S ANTILLES GUYANE NORMALE La connaissance scientifique élimine-t-elle toute croyance ?

2015 S ANTILLES GUYANE NORMALE Faut-il renoncer à expliquer une œuvre d’art ?

2015 S ANTILLES GUYANE NORMALE Il faut considérer que la félicité de cette vie ne consiste pas dans le repos d’un esprit satisfait. Car n’existent en réalité ni ce but dernier, ni ce bien suprême dont il est question dans les ouvrages des anciens moralistes. Celui dont les désirs ont atteint leur terme ne peut pas davantage vivre que celui chez qui les sensations et les imaginations sont arrêtées. La félicité est une continuelle marche en avant du désir, d’un objet à un autre, la saisie du premier n’étant encore que la route qui mène au second. La cause en est que l’objet du désir de l’homme n’est pas de jouir une seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à jamais sûre la route de son désir futur. Aussi les actions volontaires et les inclinations de tous les hommes ne tendent-elles pas seulement à leur procurer, mais aussi à leur assurer une vie satisfaite. Elles diffèrent seulement dans la route qu’elles prennent : ce qui vient, pour une part, de la diversité des passions chez les divers individus et, pour une autre part, de la différence touchant la connaissance ou l’opinion qu’a chacun des causes qui produisent l’effet désiré.

HOBBES Léviathan (1651).

2015 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE peut-on vraiment comprendre autrui ?

2015 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La politique est-elle l’affaire des spécialistes ?

2015 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les mots [italiques], par l’usage courant et répété qui en est fait, en viennent […] à susciter certaines idées avec une telle régularité et une telle facilité que les gens ont tendance à supposer entre mot et idée une liaison naturelle. Mais les mots ne signifient [ital.] que les idées particulières des gens, et cela par une institution tout à fait arbitraire ["cela par une institution tout à fait arbitraire" en italiques], ce que met en évidence le fait que souvent ces mots ne peuvent provoquer chez d’autres (même s’ils parlent la même langue) les idées dont ils sont censés être signes. Tout homme a la liberté inviolable de donner aux mots la signification qu’il veut au point que personne n’a le pouvoir de faire que les autres qui utilisent les mêmes mots aient dans l’esprit les mêmes idées que lui. Ainsi, même le grand Auguste (1), ayant acquis le pouvoir de commander au monde, reconnaissait-il qu’il ne pouvait créer un nouveau mot latin, ce qui revenait à dire qu’il ne pouvait arbitrairement définir quelle idée serait signifiée par un signe dans la bouche et dans le langage commun de ses sujets.

LOCKE Essai sur l’entendement humain, 1689. (1) : empereur romain.

2015 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’interdit est-il ennemi du désir ?

2015 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les machines peuvent-elles penser ?

2015 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ni la nature ni l’histoire ne peuvent nous dire ce que nous devons faire. Les faits, qu’ils soient naturels ou historiques, ne peuvent pas prendre de décisions à notre place, ils ne peuvent pas déterminer les buts que nous allons choisir. C’est à nous qu’il revient d’introduire buts et sens dans la nature et dans l’histoire. Les hommes ne sont pas égaux entre eux ; mais nous pouvons décider de lutter pour l’égalité des droits. Les institutions humaines, comme par exemple l’État, ne sont pas rationnelles ; mais nous pouvons décider de lutter pour les rendre plus rationnelles. Nous-mêmes, avec notre langage, sommes grosso modo plus émotionnels que rationnels, et nous pouvons essayer de nous montrer un peu plus rationnels, et nous pouvons nous exercer à employer notre langage non comme un moyen d’expression, […] mais comme moyen de communication rationnelle. L’histoire elle-même, j’entends bien sûr ici histoire de l’hégémonie (1) et non celle, inexistante, du développement de l’humanité, n’a ni but ni sens ; mais nous pouvons décider de les lui conférer tous les deux. Nous pouvons en faire une lutte pour la société ouverte (2) et contre ses ennemis, et nous pouvons l’interpréter en conséquence. En fin de compte, on peut en dire de même du "sens de la vie". C’est à nous qu’il incombe de décider du but de notre vie et de déterminer nos objectifs. Je considère ce dualisme des faits et des décisions comme fondamental. Les faits n’ont pas de sens en soi ; seules nos décisions peuvent leur en conférer un.

POPPER "le sens et l’écriture de l’histoire, 1962.

(1) hégémonie : domination ;

(2) société ouverte : société respectueuse des libertés individuelles et collectives.

2015 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on toujours se fier à la raison ?

2015 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE A quoi reconnaît-on une œuvre d’art ?

2015 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Avant que les préjugés et les institutions humaines aient altéré nos penchants naturels, le bonheur des enfants ainsi que des hommes consiste dans l’usage de leur liberté ; mais cette liberté dans les premiers est bornée par leur faiblesse. Quiconque fait ce qu’il veut est heureux, s’il se suffit à lui-même ; c’est le cas de l’homme vivant dans l’état de nature. Quiconque fait ce qu’il veut n’est pas heureux, si ses besoins passent* ses forces : c’est le cas de l’enfant dans le même état. Les enfants ne jouissent même dans l’état de nature que d’une liberté imparfaite, semblable à celle dont jouissent les hommes dans l’état civil**. Chacun de nous, ne pouvant plus se passer des autres, redevient à cet égard faible et misérable. Nous étions faits pour être hommes ; les lois et la société nous ont replongés dans l’enfance. Les riches, les grands, les rois sont tous des enfants qui, voyant qu’on s’empresse à soulager leur misère, tirent de cela même une vanité puérile, et sont tout fiers des soins qu’on ne leur rendrait pas s’ils étaient hommes faits***.

ROUSSEAU Émile ou De l’éducation (1762).

*« Passent » : dépassent

**« Etat civil » : par opposition à « l’état de nature », désigne la vie sociale et politique

***« Hommes faits » : adultes.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2. a) Expliquez : « quiconque fait ce qu’il veut n’est pas heureux, si ses besoins passent ses forces ».

b) Expliquez : « nous étions faits pour être hommes, les lois et la société nous ont replongés dans l’enfance ».

3. Faut-il se suffire à soi-même pour être heureux ?

2015 ES INDE NORMALE La culture nous protège-t-elle contre la violence ?

2015 ES INDE NORMALE N’y a-t-il de connaissance que scientifique ?

2015 ES INDE NORMALE Quand toutes les prérogatives de naissance et de fortune sont détruites, que toutes les professions sont ouvertes à tous, et qu’on peut parvenir de soi-même au sommet de chacune d’elles, une carrière immense et aisée semble s’ouvrir devant l’ambition des hommes, et ils se figurent volontiers qu’ils sont appelés à de grandes destinées. Mais c’est là une vue erronée que l’expérience corrige tous les jours. Cette même égalité qui permet à chaque citoyen de concevoir de vastes espérances rend tous les citoyens individuellement faibles. Elle limite de tous côtés leurs forces, en même temps qu’elle permet à leurs désirs de s’étendre.

Non seulement ils sont impuissants par eux-mêmes, mais ils trouvent à chaque pas d’immenses obstacles qu’ils n’avaient point aperçus d’abord.

Ils ont détruit les privilèges gênant de quelques-uns de leurs semblables ; ils rencontrent la concurrence de tous. La borne a changé de forme plutôt que de place. Lorsque les hommes sont à peu près semblables et suivent une même route, il est bien difficile qu’aucun d’entre eux marche vite et perce à travers la foule uniforme qui l’environne et le presse.

Cette opposition constante qui règne entre les instincts que fait naître l’égalité et les moyens qu’elle fournit pour les satisfaire tourmente et fatigue les âmes.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique, 1835.

2015 S INDE NORMALE Sommes-nous des citoyens du monde ?

2015 S INDE NORMALE La connaissance peut-elle nuire au bonheur ?

2015 S INDE NORMALE La vanité de l’esprit humain l’écarte et le retarde dans sa marche. Il craint de s’avilir (1) dans les détails. Méditer sur un brin d’herbe, raisonner sur une mouche : manier le scalpel, disséquer des atomes, courir les champs pour trouver un caillou, quelle gloire y a-t-il, dans ces occupations mécaniques ; mais surtout quel profit, au prix de la peine ? Cette erreur prend sa source dans une autre qui part du même orgueil, et c’est la persuasion, où l’on s’entretient, que la vérité est comme innée dans notre entendement, qu ’elle ne peut y entrer par les sens, qui servent plutôt à le troubler qu’à l’éclairer. Cette prévention (2), ou plutôt cette aliénation de l’esprit, est fomentée par les partisans mêmes des sens ; car en prétendant que nous recevons toutes les vérités par ce canal, ils n’ont pas laissé (3) de perdre leur temps à la spéculation, et d’abandonner l’histoire de la nature, pour suivre les écarts de l’imagination.

L’entendement crée des êtres à sa façon , c’est-à-dire, des êtres imaginables. Ses conceptions lui représentent la possibilité, et non pas l’existence des choses. De là le règne des idées abstraites, ou le monde fantastique des intellectuels, tellement accrédité par une espèce de superstition pour les choses outrées, que leurs rêves sont devenus un délire général. Tel est l’abus de cette métaphysique qui, supposant des images sans modèles, et des idées sans objet, fait de cet univers une illusion perpétuelle, et comme un chaos de ténèbres palpables.

Le dégoût pour ce qu’on appelle les petites choses dans l’observation, est la marque d’un esprit étroit, qui n’aperçoit pas l’ensemble des parties et l’unité des principes. Tout ce qui entre dans l’essence des causes, est l’objet de la science de l’homme ; car la science n’est elle-même que la connaissance des causes.

BACON (1561-1626), Pensées et vues générale ou récapitulation.

(1) Se rabaisser.

(2) L’ensemble des préjugés qui faussent le jugement.

(3) Ils ont perdu leur temps à la spéculation.

2015 TECHN. INDE NORMALE L’erreur nous éloigne-t-elle nécessairement de la vérité ?

2015 TECHN. INDE NORMALE La maîtrise technique suffit-elle à définir l’artiste ?

2015 TECHN. INDE NORMALE L’homme qui n’est soumis à aucune entrave est libre, lui qui a toutes choses sous la main, à son gré. Mais celui que l’on peut entraver ou contraindre, à qui l’on peut faire obstacle, celui que l’on peut, malgré lui, jeter dans quelque difficulté, celui-là est esclave. Et quel est l’homme qui est affranchi de toute entrave ? Celui qui ne désire rien de ce qui lui est étranger. Et quelles choses nous sont étrangères ? Celles qu’il ne dépend de nous ni d’avoir, ni de n’avoir pas, ni d’avoir avec telles ou telles qualités, ou en telles conditions. Donc le corps nous est étranger, ses membres nous sont étrangers, la fortune (1) nous est étrangère. Si, par conséquent, tu t’attaches à quelqu’une de ces choses comme à un objet personnel, tu recevras le châtiment que mérite celui qui désire ce qui lui est étranger. Telle est la route qui conduit à la liberté ; la seule qui délivre de l’esclavage.

ÉPICTÈTE Entretiens (vers 130 après J .C.)

(1) Désigne le destin et ses effets sur nous.

QUESTIONS :

1° Dégagez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.

a) Expliquer ce que signifie, dans ce texte, le terme "esclave" ;

b) Pourquoi celui qui ne désire rien de ce qui lui est étranger est-il "affranchi de toute entrave" ?

c) Qu’est-ce qui justifie la proposition : "le corps nous est étranger, ses membres nous sont étrangers, la fortune nous est étrangère" ?

3° Être libre, est-ce ne désirer que ce qui dépend de nous ?

2015 ES JAPON NORMALE Travailler limite-il notre liberté ?

2015 ES JAPON NORMALE Les religions séparent-elles les hommes ?

2015 ES JAPON NORMALE Le résultat des tests (1) est la sélection des hypothèses qui ont résisté aux épreuves, au moyen de l’élimination de celles qui ne l’ont pas fait, et qui ont en conséquence été rejetées. Il est important de se rendre compte des conséquences de cette conception. Ce sont celles-ci : tous les tests peuvent être interprétés comme des tentatives d’élimination des théories fausses – des essais pour découvrir les points faibles d’une théorie, afin de la rejeter si elle est falsifiée. On estime parfois que cette conception est paradoxale ; notre but, dit-on, est d’établir des théories, non pas d’éliminer celles qui sont fausses. Mais précisément parce que notre but est d’établir des théories du mieux que nous le pouvons, nous devons les tester aussi sévèrement que nous le pouvons ; c’est-à-dire que nous devons essayer de les mettre en défaut, de les réfuter. Ce n’est que si nous ne pouvons pas les réfuter, en dépit des plus grands efforts, que nous pouvons dire qu’elles ont résisté aux tests les plus sévères. C’est la raison pour laquelle la découverte d’exemples qui confirment une théorie a très peu de signification, si nous n’avons pas essayé, sans succès, de découvrir des réfutations. Car si nous ne prenons pas une attitude critique, nous trouverons toujours ce que nous désirons : nous rechercherons, et nous trouverons, des confirmations ; nous éviterons, et nous ne verrons pas, tout ce qui pourrait être dangereux pour nos théories favorites. De cette façon, il n’est que trop aisé d’obtenir ce qui semble une preuve irrésistible en faveur d’une théorie qui, si on l’avait approchée d’une façon critique, aurait été réfutée. Afin de faire fonctionner la méthode de sélection par élimination, et de garantir que seules les théories les plus convenables survivent, leur lutte pour la vie doit être rendue sévère.

POPPER Misère de l’historicisme, 1945.

1 Tests : expérimentations scientifiques.

2015 L JAPON NORMALE La raison peut-elle nous décevoir ?

2015 L JAPON NORMALE Dans une démocratie, la désobéissance à la loi peut-elle être légitime ?

2015 L JAPON NORMALE Le domaine de l’art n’est pas le réel. Alors même que les êtres que nous représente l’artiste sont directement empruntés à la réalité, ce n’est pas leur réalité qui fait leur beauté. Peu nous importe que ce paysage ait existé ici ou là, qu’un personnage dramatique ait vécu dans l’histoire. Ce n’est pas parce qu’il est historique que nous l’admirons au théâtre, c’est parce qu’il est beau : et notre émotion ne serait en rien diminuée, s’il était tout entier le produit d’une fiction poétique. Même, on a pu dire justement que, quand l’illusion est trop complète et nous fait prendre pour réelle la scène que figure l’artiste, le plaisir du beau s’évanouit. Assurément, si les hommes ou les choses, qui sont ainsi mis sous nos yeux, étaient d’une invraisemblance notoire, l’esprit ne pourrait pas s’y intéresser ; par suite, l’émotion esthétique ne pourrait pas naître. Mais, tout ce qu’il faut, c’est que leur irréalité ne soit pas trop criante ; c’est qu’ils ne nous apparaissent pas comme trop manifestement impossibles. Et, encore, ne saurait-on dire à partir de quel moment, de quel point précis l’invraisemblable devient trop évident et trop choquant pour ne pouvoir être toléré. Que de fois le poète nous fait accepter des thèmes scientifiquement absurdes, et que nous savons tels ! Nous nous faisons volontiers complices d’erreurs dont nous avons conscience, pour ne pas gâter notre plaisir. En définitive, il n’y a pas, pour l’artiste, de lois de la nature ni de lois de l’histoire, qui doivent être, toujours et en toutes circonstances, nécessairement respectées. Ce qui explique ce caractère de l’œuvre d’art, c’est que les états intérieurs qu’elle traduit et qu’elle communique ne sont ni des sensations, ni des conceptions, mais des images. L’impression artistique vient de la façon dont l’artiste affecte, non pas nos sens, non pas notre entendement, mais notre imagination.

DURKHEIM L’Education morale, 1925

2015 S JAPON NORMALE Pouvons-nous ne pas croire en la raison ?

2015 S JAPON NORMALE L’État se rend-il meilleur en gouvernant moins ?

2015 S JAPON NORMALE Le bien et le mal se mêlent et se confondent universellement ; de même le bonheur et le malheur, la sagesse et la folie, la vertu et le vice. Rien n’est pur ni tout d’une pièce. Tous les avantages s’accompagnent d’inconvénients. Une compensation universelle s’impose dans toutes les conditions d’être et d’existence. Et nos vœux les plus chimériques ne peuvent se former l’idée d’un état ou d’une situation parfaitement désirable. Le breuvage de la vie, selon l’image du poète, est toujours un mélange tiré des urnes que Jupiter tient en ses deux mains ; ou, si une coupe parfaitement pure nous est présentée, poursuit le poète, elle ne nous vient que de l’urne placée dans la main gauche.

Plus un bien est délicat, chose que nous avons peu souvent l’occasion de goûter, plus aigu est le mal qui l’accompagne. L’esprit le plus pétillant confine à la folie ; les plus hautes effusions de joie engendrent la mélancolie la plus profonde ; aux plaisirs les plus enivrants se joignent les lassitudes et les dégoûts les plus cruels ; les espoirs les plus flatteurs ouvrent la voie aux déceptions les plus vives. Et en règle générale, nulle existence n’offre autant de sécurité – car il ne faut pas rêver au bonheur – que l’existence tempérée et modérée qui s’en tient, autant que possible, à la médiocrité1 et à une sorte d’insensibilité en toutes choses.

David

HUME L’Histoire naturelle de la religion (1757)

1 "médiocrité" signifie ici moyenne et non bassesse.

2015 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT La raison est-elle la source de toute vérité ?

2015 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT Faut-il craindre la liberté ?

2015 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT Une vie heureuse exclut-elle toute expérience du malheur ?

2015 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT Les échanges contribuent-ils au bonheur ?

2015 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT La liberté individuelle n’est pas un bien de la culture. C’est avant toute culture qu’elle était la plus grande ; mais alors elle était le plus souvent sans valeur, parce que l’individu n’était guère en mesure de la défendre. Le développement culturel lui fait subir des restrictions, et la justice exige que ces restrictions ne soient épargnées à personne. Ce qui s’agite dans une communauté humaine sous la forme d’un instinct de liberté peut être un soulèvement contre une injustice existante, et ainsi devenir favorable à un nouveau développement de la culture, en restant compatible avec la culture. Cela peut naître aussi de ce reste de la personnalité originelle indomptée par la culture, et devenir un fondement de l’hostilité à la culture. L’instinct de liberté se dirige alors contre certaines formes et exigences de la culture, ou contre la culture en général.

FREUD Malaise dans la culture (1929)

1. Donner l’idée principale du texte et ses différents moments. 2. a) Expliquer ce qu’est « le développement culturel ».

b) Expliquer comment « l’instinct de liberté » se dirige contre la culture. 3. La culture s’oppose-t-elle à la liberté ?

2015 TECHN. LA RÉUNION REMPLACEMENT Je ne sais pas seulement que la terre existait longtemps avant ma naissance, mais aussi qu’elle est un corps volumineux – on l’a établi – et que les autres hommes ainsi que moi avons beaucoup d’ancêtres, qu’il y a des livres traitant de tout cela, que ces livres ne mentent pas, etc. Et tout cela, le sais-je ? Je le crois. Ce corps de savoir m’a été transmis et je n’ai aucune raison d’en douter, bien au contraire j’ai toutes sortes de confirmations.

Et pourquoi ne devrais-je pas dire que je sais tout cela ? N’est-ce pas justement ce qu’on dit ? Mais ce n’est pas seulement moi qui sais ou crois tout cela, mais aussi les autres. Ou plutôt je crois qu’ils le croient.

Je suis fermement convaincu que les autres croient qu’il en est bien ainsi de tout cela, qu’ils croient le savoir.

Ludwig

WITTGENSTEIN De la certitude (1951).

1. Dégagez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.

2. Expliquez les expressions suivantes :

a)« on l’a établi » ;

b) « j’ai toutes sortes de confirmations » ;

c) « ce n’est pas seulement moi qui sais ou crois tout cela, mais aussi les autres ».

3. Lesavoirest-il autre chose qu’une croyance partagée ?

2015 ES LIBAN NORMALE Autrui m’apprend-il quelque chose sur moi-même ?

2015 ES LIBAN NORMALE L’individu doit-il se méfier de l’État ?

2015 ES LIBAN NORMALE Tant que l’on n’a pas bien compris la liaison de toutes choses et l’enchaînement des causes et des effets, on est accablé par l’avenir. Un rêve ou la parole d’un sorcier tuent nos espérances le présage est dans toutes les avenues. Idée théologique. Chacun connaît la fable de ce poète à qui il avait été prédit qu’il mourrait de la chute d’une maison ; il se mit à la belle étoile ; mais les dieux n’en voulurent point démordre, et un aigle laissa tomber une tortue sur sa tête chauve, la prenant pour une pierre. On conte aussi l’histoire d’un fils de roi qui, selon l’oracle, devait périr par un lion ; on le garda au logis avec les femmes ; mais il se fâcha contre une tapisserie qui représentait un lion, s’écorcha le poing sur un mauvais clou, et mourut de gangrène.

L’idée qui sort de ces contes, c’est la prédestination, que des théologiens mirent plus tard en doctrine ; et cela s’exprime ainsi : la destinée de chacun est fixée quoi qu’il fasse. Ce qui n’est point scientifique du tout ; car ce fatalisme revient à dire : « Quelles que soient les causes, le même effet en résultera. » Or, nous savons que si la cause est autre, l’effet sera autre. Et nous détruisons ce fantôme d’un avenir inévitable par le raisonnement suivant ; supposons que je connaisse que je serai écrasé par tel mur tel jour à telle heure ; cette connaissance fera justement manquer la prédiction. C’est ainsi que nous vivons ; à chaque instant nous échappons à un malheur parce que nous le prévoyons ; ainsi ce que nous prévoyons, et très raisonnablement, n’arrive pas. Cette automobile m’écrasera si je reste au milieu de la route ; mais je n’y reste pas.

ALAIN Propos du 28 août 1911.

2015 L LIBAN NORMALE Est-ce à l’Etat de faire régner la justice ?

2015 L LIBAN NORMALE Le corps fait-il obstacle à la pensée ?

2015 L LIBAN NORMALE Je ne saurais exprimer un jugement avec des mots, si, dès l’instant que je vais prononcer la première syllabe, je ne voyais pas déjà toutes les idées dont mon jugement est formé. Si elles ne s’offraient pas toutes à la fois, je ne saurais par où commencer, puisque je ne saurais pas ce que je voudrais dire. Il en est de même lorsque je raisonne ; je ne commencerais point, ou je ne finirais point un raisonnement, si la suite des jugements qui le composent, n’était pas en même temps présente à mon esprit. Ce n’est donc pas en parlant que je juge et que je raisonne. J’ai déjà jugé et raisonné, et ces opérations de l’esprit précèdent nécessairement le discours. En effet nous apprenons à parler, parce que nous apprenons à exprimer par des signes les idées que nous avons, et les rapports que nous apercevons entre elles. Un enfant n’apprendrait donc pas à parler, s’il n’avait pas déjà des idées, et s’il ne saisissait pas déjà des rapports. Il juge donc et il raisonne avant de savoir un mot d’aucune langue. Sa conduite en est la preuve, puisqu’il agit en conséquence des jugements qu’il porte. Mais parce que sa pensée est l’opération d’un instant, qu’elle est sans succession, et qu’il n’a point de moyen pour la décomposer, il pense, sans savoir ce qu’il fait en pensant ; et penser n’est pas encore un art pour lui. Si une pensée est sans succession dans l’esprit, elle a une succession dans le discours, où elle se décompose en autant de parties qu’elle renferme d’idées. Alors nous pouvons observer ce que nous faisons en pensant, nous pouvons nous en rendre compte ; nous pouvons par conséquent, apprendre à conduire notre réflexion. Penser devient donc un art, et cet art est l’art de parler.

CONDILLAC Cours d’études pour l’instruction du Prince de Parme (1798)

2015 S LIBAN NORMALE L’art est-il une affaire de goût personnel ?

2015 S LIBAN NORMALE éLa justice ne relève-t-elle que de l’État ?

2015 S LIBAN NORMALE Au spectacle d’une cascade, nous pensons voir caprice et arbitraire dans les innombrables courbures, ondulations et brisements de ses vagues ; mais tout y est nécessaire, le moindre remous mathématiquement calculable. Il en est de même pour les actions humaines ; on devrait, si l’on était omniscient, pouvoir calculer d’avance un acte après l’autre, aussi bien que chaque progrès de la connaissance, chaque erreur, chaque méchanceté. Le sujet qui agit est quant à lui, sans doute, pris dans l’illusion de son libre arbitre ; mais si la roue du monde venait à s’arrêter un instant et qu’il y eût une intelligence omnisciente, calculatrice, pour mettre à profit de telles pauses, elle pourrait, à partir de là, prédire l’avenir de chacun des êtres jusqu’aux temps les plus éloignés et marquer toutes les traces dans lesquelles cette roue passera encore. L’illusion de l’acteur sur lui-même, le postulat de son libre arbitre, font partie intégrante de ce mécanisme à calculer.

NIETZSCHE Humain trop humain (1878)

2015 ES MÉTROPOLE NORMALE La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ?

2015 ES MÉTROPOLE NORMALE L’artiste donne-t-il quelque chose à comprendre ?

2015 ES MÉTROPOLE NORMALE Dans un État démocratique, des ordres absurdes ne sont guère à craindre, car il est presque impossible que la majorité d’une grande assemblée se mette d’accord sur une seule et même absurdité. Cela est peu à craindre, également, à raison du fondement et de la fin de la démocratie, qui n’est autre que de soustraire les hommes à la domination absurde de l’appétit1 et à les maintenir, autant qu’il est possible, dans les limites de la raison, pour qu’ils vivent dans la concorde et dans la paix. Ôté ce fondement, tout l’édifice s’écroule aisément. Au seul souverain, donc, il appartient d’y pourvoir ; aux sujets, il appartient d’exécuter ses commandements et de ne reconnaître comme droit que ce que le souverain déclare être le droit.

Peut-être pensera-t-on que, par ce principe, nous faisons des sujets des esclaves ; on pense en effet que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son caprice. Cela cependant n’est pas absolument vrai ; car en réalité, celui qui est captif de son plaisir, incapable de voir et de faire ce qui lui est utile, est le plus grand des esclaves, et seul est libre celui qui vit, de toute son âme, sous la seule conduite de la raison.

SPINOZA Traité théologico-politique (1670)

2015 L MÉTROPOLE NORMALE Respecter tout être vivant, est-ce un devoir moral ?

2015 L MÉTROPOLE NORMALE Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?

2015 L MÉTROPOLE NORMALE Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’est-à-dire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune.

Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites.

Si je considère maintenant l’homme à part, je trouve que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul que pour agir en commun avec ses semblables.

TOCQUEVILLE De la démocratie en Amérique, 1840.

2015 S MÉTROPOLE NORMALE Une oeuvre d’art a-t-elle toujours un sens ?

2015 S MÉTROPOLE NORMALE La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ?

2015 S MÉTROPOLE NORMALE Comment peut-on prévoir un événement dépourvu de toute cause ou de tout indice qui explique qu’il se produira ? Les éclipses du soleil et de la lune sont annoncées avec beaucoup d’années d’anticipation par ceux qui étudient à l’aide de calculs les mouvements des astres. De fait, ils annoncent ce que la loi naturelle réalisera. Du mouvement invariable de la lune, ils déduisent à quel moment la lune, à l’opposé du soleil, entre dans l’ombre de la terre, qui est un cône de ténèbres, de telle sorte qu’elle s’obscurcit nécessairement. Ils savent aussi quand la même lune en passant sous le soleil et en s’intercalant entre lui et la terre, cache la lumière du soleil à nos yeux, et dans quel signe chaque planète se trouvera à tout moment, quels seront le lever ou le coucher journaliers des différentes constellations. Tu vois quels sont les raisonnements effectués par ceux qui prédisent ces événements.

Ceux qui prédisent la découverte d’un trésor ou l’arrivée d’un héritage, sur quel indice se fondent-ils ? Ou bien, dans quelle loi naturelle se trouve-t-il que cela arrivera ? Et si ces faits et ceux du même genre sont soumis à pareille nécessité, quel est l’événement dont il faudra admettre qu’il arrive par accident ou par pur hasard ? En effet, rien n’est à ce point contraire à la régularité rationnelle que le hasard, au point que même un dieu ne possède pas à mes yeux le privilège de savoir ce qui se produira par hasard ou par accident. Car s’il le sait, l’événement arrivera certainement ; mais s’il se produit certainement, il n’y a plus de hasard ; or le hasard existe : par conséquent, il n’y a pas de prévision d’événements fortuits.

CICÉRON De la divination, 1er siècle avant J.-C.

2015 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La culture fait-elle l’homme ?

2015 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Peut-on être heureux sans être libre ?

2015 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La règle par où nous nous conduisons communément en nos raisonnements, est que les objets dont nous n’avons pas l’expérience ressemblent à ceux dont nous l’avons ; que ce que nous avons vu être le plus ordinaire est toujours le plus probable ; et que, lorsqu’il y a opposition des arguments, nous devons donner la préférence à ceux qui se fondent sur le plus grand nombre d’observations passées. Mais quoique, en procédant selon cette règle, nous rejetions promptement tout fait insolite et incroyable à un degré ordinaire, pourtant, en avançant davantage, l’esprit n’observe pas toujours la même règle : lorsque quelque chose est affirmé de suprêmement absurde et miraculeux, il admet d’autant plus promptement un tel fait, en raison de la circonstance même qui devrait en détruire l’autorité. La passion de surprise et d’émerveillement qui produit des miracles, étant une agréable émotion, produit une tendance sensible à croire aux événements d’où elle dérive

HUME Enquête sur l’entendement humain (1748)

1. Donner la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2. a) Expliquer : « nous devons donner la préférence à ceux qui se fondent sur le

plus grand nombre d’observations passées ».

b) Expliquer : « il admet d’autant plus promptement un tel fait, en raison de la circonstance même qui devrait en détruire l’autorité ».

3. La force d’une croyance se fonde-t-elle nécessairement sur l’expérience ?

2015 TMD MÉTROPOLE NORMALE Ne désirons-nous que ce qui nous manque ?

2015 TMD MÉTROPOLE NORMALE Peut-on résister à la vérité ?

2015 TMD MÉTROPOLE NORMALE On accuse d’abord [le machinisme] de réduire l’ouvrier à l’état de machine, ensuite d’aboutir à une uniformité de production qui choque le sens artistique. Mais si la machine procure à l’ouvrier un plus grand nombre d’heures de repos, et si l’ouvrier emploie ce supplément de loisir à autre chose qu’aux prétendus amusements qu’un industrialisme mal dirigé a mis à la portée de tous, il donnera à son intelligence le développement qu’il aura choisi, au lieu de s’en tenir à celui que lui imposerait, dans des limites toujours restreintes, le retour (d’ailleurs impossible) à l’outil, après suppression de la machine. Pour ce qui est de l’uniformité de produit, l’inconvénient en serait négligeable si l’économie de temps et de travail, réalisée ainsi par l’ensemble de la nation, permettait de pousser plus loin la culture intellectuelle et de développer les vraies originalités.

BERGSON Les deux sources de la morale et de la religion, 1932.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagerlathèsedutexteetmontrercommentelleestétablie.

2. Expliquer :

a) « On accuse d’abord le machinisme de réduire l’ouvrier à l’état de machine, ensuite d’aboutir à une uniformité de production qui choque le sens artistique » ;

b) « prétendus amusements qu’un industrialisme mal dirigé a mis à la portée de tous » ;

c) « pousser plus loin la culture intellectuelle et de développer les vraies originalités. ».

3. La mécanisation du travail favorise-t-elle le développement de l’esprit ?

2015 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les échanges sont-ils au fondement de la vie sociale ?

2015 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT de quoi parle-t-on qiuand on dit "je" ?

2015 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT « Il s’en faut bien que les faits décrits dans l’histoire soient la peinture exacte des mêmes faits tels qu’ils sont arrivés : ils changent de forme dans la tête de l’historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte de ses préjugés. Qui est-ce qui sait mettre exactement le lecteur au lieu de la scène pour voir un événement tel qu’il s’est passé ? L’ignorance ou la partialité déguise tout. Sans altérer même un trait historique, en étendant ou resserrant des circonstances qui s’y rapportent, que de faces différentes on peut lui donner ! Mettez un même objet à divers points de vue, à peine paraîtra-t-il le même, et pourtant rien n’aura changé que l’œil du spectateur. Suffit-il, pour l’honneur de la vérité, de me dire un fait véritable en me le faisant voir tout autrement qu’il n’est arrivé ? Combien de fois un arbre de plus ou de moins, un rocher à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé par le vent ont décidé de l’événement d’un combat sans que personne s’en soit aperçu ! Cela empêche-t-il que l’historien ne vous dise la cause de la défaite ou de la victoire avec autant d’assurance que s’il eût été partout ? Or que m’importent les faits en eux-mêmes, quand la raison m’en reste inconnue ? et quelles leçons puis-je tirer d’un événement dont j’ignore la vraie cause ? L’historien m’en donne une, mais il la controuve1 ; et la critique elle-même, dont on fait tant de bruit, n’est qu’un art de conjecturer, l’art de choisir entre plusieurs mensonges celui qui ressemble le mieux à la vérité ».

Jean-Jacques

ROUSSEAU Emile ou De l’Éducation (1762)

(1) controuver : inventer faussement.

2015 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’homme peut-il échapper au temps ?

2015 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on douter de ce qui a été démontré

2015 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les questions de "valeurs" (c’est-à-dire celles qui concernent ce qui est bon ou mauvais en soi, indépendamment des conséquences) sont en dehors du domaine de la science, comme les défenseurs de la religion l’affirment avec énergie. Je pense qu’ils ont raison sur ce point, mais j’en tire une conclusion supplémentaire, qu’eux ne tirent pas : à savoir que les questions de "valeurs" sont entièrement en dehors du domaine de la connaissance. Autrement dit, quand nous affirmons que telle ou telle chose a de la "valeur", nous exprimons nos propres émotions, et non un fait qui resterait vrai si nos sentiments personnels étaient différents. Pour mieux le comprendre, il nous faut analyser la notion du Bien.

Il est évident, pour commencer, que toute l’idée du bien et du mal est en relation avec le désir. Au premier abord, ce que nous désirons tous est « bon », et ce que nous redoutons tous est "mauvais". Si nos désirs à tous concordaient, on pourrait en rester là ; mais malheureusement nos désirs s’opposent mutuellement. Si je dis :« Ce que je veux est bon », mon voisin dira :"Non, ce que je veux, moi". La morale est une tentative (infructueuse, à mon avis) pour échapper à cette subjectivité. (...) Chacun tente d’enrôler des alliés, en montrant que ses propres désirs sont en harmonie avec les leurs. Quand c’est visiblement impossible, comme dans le cas d’un cambrioleur, l’individu est condamné par l’opinion publique, et son statut moral est celui du pécheur1.

La morale est donc étroitement liée à la politique : elle est une tentative pour imposer à des individus les désirs collectifs d’un groupe ; ou, inversement, elle est une tentative faite par un individu pour que ses désirs deviennent ceux de son groupe.

RUSSELL Science et religion, 1935.

1 pécheur : celui qui commet une faute

2015 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT La compétence technique peut-elle fonder l’autorité politique ?

2015 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Un artiste doit-il être original ?

2015 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il est inconcevable que je sois libre dans certaines de mes actions et déterminé dans d’autres : que serait cette liberté oisive qui laisse jouer les déterminismes ? Si l’on suppose qu’elle s’abolit quand elle n’agit pas, d’où renaîtra-t-elle ? Si par impossible j’avais pu me faire chose, comment dans la suite me referais-je conscience ? Si, une seule fois, je suis libre, c’est que je ne compte pas au nombre des choses, et il faut que je le sois sans cesse. Si mes actions une seule fois cessent d’être miennes, elles ne le redeviendront jamais, si je perds ma prise sur le monde, je ne la retrouverai pas. Il est inconcevable aussi que ma liberté puisse être atténuée ; on ne saurait être un peu libre, et si, comme on dit souvent, des motifs m’inclinent dans un sens, c’est de deux choses l’une : ou bien ils ont la force de me faire agir, et alors il n’y a pas de liberté, ou bien ils ne l’ont pas, et alors elle est entière, aussi grande dans les pires tortures que dans la paix de ma maison. Nous devrions donc renoncer non seulement à l’idée de causalité, mais encore à celle de motivation. Le prétendu motif ne pèse pas sur ma décision, c’est au contraire ma décision qui lui prête sa force.

MERLEAU-PONTY Phénoménologie de la perception, 1945.

2015 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT D’où les lois tirent-elles leur force ?

2015 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le progrès technique est-il une asurance de bonheur ?

2015 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’intellect, simple instrument de la volonté, en diffère autant que le marteau diffère du forgeron. Une conversation où l’intellect seul participe reste froide. Il semble presque que nous-mêmes n’y soyons pas. Elle ne nous compromet pas non plus, tout au plus risquons-nous de nous ridiculiser. Mais dès que la volonté entre en jeu, notre personne tout entière se trouve intéressée : nous nous échauffons, quelquefois même au-delà de toute mesure. C’est toujours à la volonté que l’on attribue l’ardeur et la flamme ; on dit au contraire la froide raison, ou encore examiner froidement une chose, ce qui signifie penser sans le secours de la volonté. Essayer de renverser les termes de ce rapport et considérer la volonté comme l’instrument de l’intellect, c’est vouloir faire du forgeron l’instrument du marteau.

Quand dans une discussion avec un adversaire nous ne croyons avoir affaire qu’à son intellect, que nous lui opposons raisons et arguments en nombre et nous donnons toute la peine imaginable pour le convaincre, rien n’est aussi exaspérant que de reconnaître, à bout de patience, qu’il ne veut pas comprendre, qu’on avait eu affaire à sa volonté, que cette volonté, se retranchant derrière une prétendue impossibilité pour sa propre raison de voir clair dans les arguments de la nôtre, s’était systématiquement fermée à la vérité.

SCHOPENHAUER Le monde comme volonté et comme représentation (1819)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez l’idée principale du texte et la manière dont elle est établie. 2. Expliquez :

a) « l’intellect, simple instrument de la volonté, en diffère autant que le marteau diffère du forgeron » ;

b) « nous ne croyons avoir affaire qu’à son intellect ».

3. Suffit-il d’avoir raison pour convaincre ?

2015 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une oeuvre d’art eut-elle ne pas être belle ?

2015 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT La raison doit-elle se soumettre au réel ?

2015 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Un système quelconque de société, qu’il soit fait pour une poignée d’hommes ou pour plusieurs millions, a pour objet définitif de diriger vers un but général d’activité toutes les forces particulières. Car, il n’y a société que là où s’exerce une action générale et combinée. Dans toute autre hypothèse, il y a seulement agglomération d’un certain nombre d’individus sur un même sol. C’est là ce qui distingue la société humaine de celle des autres animaux qui vivent en troupes.

Il suit de cette considération que la détermination nette et précise du but d’activité est la première condition et la plus importante d’un véritable ordre social, puisqu’elle fixe le sens dans lequel tout le système doit être conçu.

D’un autre côté, il n’y a que deux buts d’activité possibles pour une société, quelque nombreuse qu’elle soit, comme pour un individu isolé. Ce sont l’action violente sur le reste de l’espèce humaine, ou la conquête, et l’action sur la nature pour la modifier à l’avantage de l’homme, ou la production. Toute société qui ne serait pas nettement organisée pour l’un ou pour l’autre de ces buts ne serait qu’une association bâtarde et sans caractère.

Auguste

COMTE Plan des travaux scientifiques pour réorganiser la société, 1822.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager la thèse du texte et montrer comment elle est établie.

2. Expliquer :

a. « il n’y a société que là où s’exerce une action générale et combinée » ;

b. « la détermination nette et précise du but d’activité est la première condition et

la plus importante d’un véritable ordre social » ;

c. « il n’y a que deux buts d’activité possibles pour une société. [...] Ce sont l’action violente sur le reste de l’espèce humaine, ou la conquête, et l’action sur la nature pour la modifier à l’avantage de l’homme, ou la production. ».

3. Toute société s’organise-t-elle autour d’un but général ?

2015 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une vérité démontrée est-elle indiscutable ?

2015 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’échange a-t-il une valeur en lui-même ?

2015 ES NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Communément l’on n’entend pas par loi autre chose qu’un commandement, que les hommes peuvent également exécuter ou négliger, attendu qu’il astreint la puissance de l’homme dans des limites déterminées au-delà desquelles cette puissance s’étend, et ne commande rien qui ne dépasse ses forces ; il semble donc que l’on doive définir la loi plus particulièrement comme une règle de vie que l’homme s’impose à lui-même ou impose à d’autres pour une fin quelconque. Toutefois, comme la vraie fin des lois n’apparaît d’ordinaire qu’à un petit nombre et que la plupart des hommes sont à peu près incapables de la percevoir, leur vie n’étant d’ailleurs rien moins que conforme à la Raison, les législateurs ont sagement institué une autre fin bien différente de celle qui suit nécessairement de la nature des lois ; ils promettent aux défenseurs des lois ce que le vulgaire aime le plus, tandis qu’ils menacent leurs violateurs de ce qu’il redoute le plus. Ils se sont ainsi efforcés de contenir le vulgaire dans la mesure où il est possible de le faire, comme on contient un cheval à l’aide d’un frein. De là cette conséquence qu’on a surtout tenu pour loi une règle de vie prescrite aux hommes par le commandement d’autres hommes, si bien que, suivant le langage courant, ceux qui obéissent aux lois, vivent sous l’empire de la loi et qu’ils semblent être asservis. Il est très vrai que celui qui rend à chacun le sien par crainte du gibet (1), agit par le commandement d’autrui et est contraint par le mal qu’il redoute ; on ne peut dire qu’il soit juste ; mais celui qui rend à chacun le sien parce qu’il connaît la vraie raison des lois et leur nécessité, agit en constant accord avec lui-même et par son propre décret, non par le décret d’autrui ; il mérite donc d’être appelé juste.

SPINOZA Traité théologico-politique, 1670.

1 Gibet : instrument de supplice pour les condamnés à la pendaison.

2015 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE L’art contribue-t-il à donner du sens à l’existence ?

2015 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Suffit-il de se sentir libre pour l’être ?

2015 L NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Je vois, par exemple, que 2 et 2 font 4, et qu’il faut préférer son ami à son chien, et je suis certain qu’il n’y a point d’homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or, je ne vois point ces vérités dans l’esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu’il y ait une raison universelle qui m’éclaire et tout ce qu’il y a d’intelligence1. Car si la raison que je consulte n’était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la raison que nous consultons quand nous rentrons en nous-mêmes est une raison universelle. Je dis quand nous rentrons en nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu’un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu’elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent.

MALEBRANCHE De la Recherche de la vérité, 1675.

1) qui m’éclaire et qui éclaire toutes les intelligences

2015 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Pour conaître objectivement, faut-il supprimer toute subjectivité ?

2015 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE La culture répond-elle à un besoin ?

2015 S NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Les lois correctement établies se doivent de définir tout ce qui peut l’être et laisser le moins possible à la charge de ceux qui jugent, d’abord parce qu’il est plus facile de trouver une ou quelques personnes sensées et capables de légiférer et de prononcer un verdict que d’en trouver beaucoup ; ensuite, parce que les législations émanent de gens qui ont longuement examiné les choses, tandis que les jugements sont prononcés séance tenante (1), ce qui rend difficile aux juges de décider convenablement du juste et de l’utile. Mais la principale raison est que le jugement du législateur ne porte pas sur le singulier, mais sur le futur et l’universel, tandis que le membre de l’assemblée (2) ou le juré, en tant que tels, tranchent les questions actuelles et déterminées. Et dès lors, chez ces derniers, l’amitié, la haine ou l’intérêt personnel interviennent souvent, si bien qu’ils ne sont plus suffisamment en mesure de discerner ce qui est vrai et que leur plaisir ou leur déplaisir personnels obscurcissent leur jugement. Il faut donc (...) faire en sorte que la compétence du juge s’étende au moins de choses possible. Mais décider de ce qui s’est produit ou ne s’est pas produit, de ce qui sera ou ne sera pas, de ce qui est ou n’est pas, cela, il est nécessaire de le laisser à la charge des juges, car il n’est pas possible que le législateur le prévoie.

ARISTOTE Rhétorique (IVeme siècle avant J.C.)

1 Séance tenante : immédiatement, sans délai.

2 L’assemblée en question est une assemblée de citoyens

2015 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Faut-il rejeter toute croyance ?

2015 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Les échanges rapprochent-ils les hommes ?

2015 TECHN. NOUVELLE-CALÉDONIE NORMALE Une œuvre géniale, qui commence par déconcerter, pourra créer peu à peu par sa seule présence une conception de l’art et une atmosphère artistique qui permettront de la comprendre ; elle deviendra alors rétrospectivement géniale, sinon, elle serait restée ce qu’elle était au début, simplement déconcertante. Dans une spéculation financière, c’est le succès qui fait que l’idée avait été bonne. Il y a quelque chose du même genre dans la création artistique, avec cette différence que le succès, s’il finit par venir à l’œuvre qui avait d’abord choqué, tient à une transformation du goût du public opérée par l’œuvre même ; celle-ci était donc force en même temps que matière ; elle a imprimé un élan que l’artiste lui avait communiqué ou plutôt qui est celui même de l’artiste, invisible et présent en elle.

BERGSON Les deux sources de la morale et de la religion (1932)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2. Expliquez :

a) Pourquoi une œuvre géniale « commence-t-elle par déconcerter » ?

b) « Une transformation du goût du public opérée par l’œuvre elle-même »

3. Peut-on apprendre à apprécier une œuvre d’art ?

2015 ES POLYNÉSIE NORMALE La reherche de la vérité s’oppose-t-elle à toute croyance ?

2015 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on dire plus qu’on ne pense ?

2015 ES POLYNÉSIE NORMALE Il arrive souvent qu’une disposition légale soit utile au bien de tous dans la plupart des cas, mais que cependant elle se trouve en certains cas extrêmement nuisible. Comme, donc, le législateur ne peut pas envisager un à un tous les cas particuliers, il propose une loi en se basant sur ce qui se produit le plus souvent et en ayant en vue l’utilité commune ; aussi, lorsqu’il vient à surgir un cas dans lequel l’observation d’une telle loi serait dommageable au salut commun, elle ne doit pas être observée. Prenons un exemple. Si l’on établit, dans une ville assiégée, une loi d’après laquelle les portes de la ville doivent rester fermées, c’est chose utile au salut commun dans la généralité des cas ; mais s’il se produit un cas où les ennemis poursuivent des citoyens chargés de défendre la ville, il serait extrêmement dommageable à cette ville de ne pas leur ouvrir ses portes ; et c’est pourquoi, en pareil cas, il faudrait ouvrir les portes contrairement à la lettre de la loi pour sauvegarder l’utilité commune qui est le but du législateur. On remarquera, cependant, que si l’observation littérale de la loi n’entraîne pas de péril immédiat auquel il faille remédier sur le champ, il n’appartient pas à n’importe qui de décider ce qui est utile à la cité et ce qui lui est inutile, car cela n’appartient qu’aux princes qui possèdent l’autorité pour déroger en pareil cas. Mais, si le danger est soudain et ne donne pas le délai nécessaire pour pouvoir recourir à l’autorité supérieure, la nécessité elle-même entraîne avec soi la dispense (1), parce que la nécessité n’est pas soumise à la loi.

THOMAS D’AQUIN Somme théologique, XIII siècle.

(1) : qu’on soit dispensé d’obéir à la loi.

2015 L POLYNÉSIE NORMALE Qui écrit l’histoire ?

2015 L POLYNÉSIE NORMALE Être raisonnable, est-ce faire taire ses désirs ?

2015 L POLYNÉSIE NORMALE Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d’assujettir les hommes pour les rendre libres ? d’employer au service de l’État les biens, les bras, et la vie même de tous ses membres, sans les contraindre et sans les consulter ? d’enchaîner leur volonté de leur propre aveu ? de faire valoir leur consentement contre leur refus, et de les forcer à se punir eux-mêmes, quand ils font ce qu’ils n’ont pas voulu ? Comment se peut-il faire qu’ils obéissent et que personne ne commande, qu’ils servent et n’aient point de maître ; d’autant plus libres en effet que sous une apparente sujétion, nul ne perd de sa liberté que ce qui peut nuire à celle d’un autre ? Ces prodiges sont l’ouvrage de la loi. C’est à la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté. C’est cet organe salutaire de la volonté de tous, qui rétablit dans le droit l’égalité naturelle entre les hommes. C’est cette voix céleste qui dicte à chaque citoyen les préceptes de la raison publique, et lui apprend à agir selon les maximes de son propre jugement, et à n’être pas en contradiction avec lui-même. C’est elle seule aussi que les chefs doivent faire parler quand ils commandent ; car sitôt qu’indépendamment des lois, un homme en prétend soumettre un autre à sa volonté privée, il sort à l’instant de l’état civil, et se met vis-à-vis de lui dans le pur état de nature où l’obéissance n’est jamais prescrite que par la nécessité.

ROUSSEAU Discours sur l’économie politique (1755)

2015 S POLYNÉSIE NORMALE Tout travail est-il pénible ?

2015 S POLYNÉSIE NORMALE Faut-il chercher à démontrer ses opinions ?

2015 S POLYNÉSIE NORMALE Une action n’est pas morale seulement en elle-même et dans sa singularité ; elle l’est aussi par son insertion et par la place qu’elle occupe dans l’ensemble d’une conduite ; elle est un élément et un aspect de cette conduite, et elle marque une étape dans sa durée, un progrès éventuel dans sa continuité. Une action morale tend à son propre accomplissement ; mais en outre elle vise, à travers celui-ci, à la constitution d’une conduite morale qui mène l’individu non pas simplement à des actions toujours conformes à des valeurs et à des règles, mais aussi à un certain mode d’être, caractéristique du sujet moral. Et sur ce point, il y a bien des différences possibles : la fidélité conjugale peut relever d’une conduite morale qui achemine vers une maîtrise de soi de plus en plus complète ; elle peut être une conduite morale qui manifeste un détachement soudain et radical à l’égard du monde ; elle peut tendre à une tranquillité parfaite de l’âme, à une insensibilité totale aux agitations des passions, ou à une purification qui assure le salut après la mort, et l’immortalité bienheureuse.

En somme, une action pour être dite « morale » ne doit pas se réduire à un acte ou à une série d’actes conformes à une règle, une loi ou une valeur. Toute action morale, c’est vrai, comporte un rapport au réel où elle s’effectue et un rapport au code auquel elle se réfère ; mais elle implique aussi un certain rapport à soi ; celui-ci n’est pas simplement « conscience de soi », mais constitution de soi comme « sujet moral », dans laquelle l’individu circonscrit la part de lui-même qui constitue l’objet de cette pratique morale, définit sa position par rapport au précepte qu’il suit, se fixe un certain mode d’être qui vaudra comme accomplissement moral de lui-même ; et, pour ce faire, il agit sur lui-même, entreprend de se connaître, se contrôle, s’éprouve, se perfectionne, se transforme. Il n’y a pas d’action morale particulière qui ne se réfère à l’unité d’une conduite morale ; pas de conduite morale qui n’appelle la constitution de soi-même comme sujet moral ; et pas de constitution du sujet moral sans des « modes de subjectivation » (1) et sans une « ascétique » (2) ou des « pratiques de soi » qui les appuient.

Michel

FOUCAULT Histoire de la sexualité. L’usage des plaisirs (1984)

1 Les voies et les manières permettant de devenir un sujet.

2 Un exe cice, un t avail ue l’on effectue su soi-même.

2015 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Les leçons de l’expérience suffisent-elles à nous rendre savants ?

2015 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’art peut-il se passer de règles ?

2015 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Pour les actes accomplis par crainte de plus grands maux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyran nous ordonne d’accomplir une action honteuse, alors qu’il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu’en accomplissant cette action, nous assurerions leur salut, et en refusant de la faire, leur mort), pour de telles actions la question est débattue de savoir si elles sont volontaires ou involontaires. C’est là encore ce qui se produit dans le cas d’une cargaison que l’on jette par-dessus bord au cours d’une tempête : dans l’absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s’agit de son propre salut et de celui de ses compagnons, un homme de sens agit toujours ainsi. De telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin de l’action varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou d’involontaire, se référer au moment où elle s’accomplit.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque, (vers 335 avant J.C.)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager la thèse du texte et la manière dont elle est établie.

2. a) Expliquer : "dans l’absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement"

b) Expliquer : "de telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires"

3. Les circonstances font-elles toujours obstacle à notre liberté ?

2015 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Ce qui ne s’échange pas est-il sans valeur ?

2015 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on se contenter d’une liberté intérieure ?

2015 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Le langage, ou parole, est l’enchaînement des mots que les hommes ont établis arbitrairement, enchaînement destiné à signifier la succession des concepts de ce que nous pensons. Ainsi, ce que le mot est à l’idée, ou concept d’une seule chose, la parole l’est à la démarche de l’esprit. Et elle semble être propre à l’homme. Car, encore qu’il y ait des bêtes qui conçoivent (instruites par l’usage) ce que nous voulons et ordonnons suivant des mots, ce n’est pas en suivant des mots en tant que mots qu’elles le font, mais en tant que signes ; car elles ignorent quelle signification l’arbitraire humain leur a donné.

Quant à la communication vocale à l’intérieur d’une même espèce animale, ce n’est pas un langage, car ce n’est pas par leur libre arbitre, mais par le cours inéluctable de leur nature que les cris animaux signifiant l’espoir, la crainte, la joie, et les autres passions, servent d’organe à ces mêmes passions. Ainsi, chez les animaux dont les voix comportent très peu de variétés, il arrive que, par la diversité de leurs cris, ils s’avertissent les uns les autres de fuir dans le danger, s’engagent à manger, s’excitent à chanter, s’engagent à aimer ; ces cris ne sont pourtant pas un langage, car ils ne dépendent pas de la volonté, mais jaillissent, par le pouvoir de la nature, à partir du sentiment particulier à chacun : la crainte, la joie, le désir, et les autres passions ; voilà qui n’est pas parler.

HOBBES De l’Homme (1658).

2015 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT À quoi sert-il d’être moral ?

2015 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Quelle forme de vérité une démonstration garantit-elle ?

2015 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Si un peuple devait estimer perdre très vraisemblablement son bonheur sous une certaine législation présentement effective, qu’a-t-il à faire ? Doit-il ne pas se rebeller ? La réponse ne peut être que : il n’a rien d’autre à faire que d’obéir. Car il n’est pas ici question du bonheur qui est à attendre pour le sujet d’une institution ou d’une administration de la communauté, mais uniquement du droit qui doit, par là, être assuré pour chacun : ce qui constitue le principe suprême dont doivent provenir toutes les maximes qui touchent une communauté et qui ne peut être limité par aucun autre principe. En ce qui concerne le premier point (le bonheur), on ne peut donner pour loi absolument aucun principe universellement valable. Car les circonstances temporelles aussi bien que les chimères (1), extrêmement contradictoires d’un individu à l’autre et qui plus est toujours changeantes, où chacun place son bonheur (mais personne ne peut lui prescrire où il doit le placer) rendent tout principe solide impossible et par sa seule nature impropre à être le fondement de la législation. La proposition : le salut public est la loi civile suprême, conserve intacts sa valeur et son crédit ; mais le bien public qui doit d’abord être pris en considération est justement cette constitution légale qui, par des lois, assure à chacun sa liberté : en quoi il lui reste toute possibilité de chercher son bonheur par les voies qui lui paraissent les meilleures, dès lors qu’il ne porte pas préjudice à cette liberté légale universelle et par suite au droit des autres co-sujets.

KANT Sur le lieu commun : il se peut que ce soit juste en théorie, mais, en pratique, cela ne vaut point (1793)

(1) chimères : désirs illusoires.

2015 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Être conscient, est-ce savoir ?

2015 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Que perd-on en se désintéressant des oeuvres d’art ?

2015 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Dans tous les Gouvernements du monde la personne publique (1) consomme et ne produit rien. D’où lui vient donc la substance consommée ? Du travail de ses membres. C’est le superflu des particuliers qui produit le nécessaire du public. D’où il suit que l’état civil ne peut subsister qu’autant que le travail des hommes rend au-delà de leurs besoins.

Or cet excédent n’est pas le même dans tous les pays du monde. Dans plusieurs il est considérable, dans d’autres médiocre (2), dans d’autres nul, dans d’autres négatif. Ce rapport dépend de la fertilité du climat, de la sorte de travail que la terre exige, de la nature de ses productions, de la force de ses habitants, de la plus ou moins grande consommation qui leur est nécessaire, et de plusieurs autres rapports semblables desquels il est composé.

D’autre part, tous les Gouvernements ne sont pas de même nature ; il y en a de plus ou moins dévorants, et les différences sont fondées sur cet autre principe que, plus les contributions publiques s’éloignent de leur source, et plus elles sont onéreuses. Ce n’est pas sur la quantité des impositions qu’il faut mesurer cette charge, mais sur le chemin qu’elles ont à faire pour retourner dans les mains dont elles sont sorties ; quand cette circulation est prompte et bien établie, qu’on paye peu ou beaucoup, il n’importe ; le peuple est toujours riche et les finances vont toujours bien. Au contraire, quelque peu que le Peuple donne, quand ce peu ne lui revient point, en donnant toujours bientôt il s’épuise ; l’Etat n’est jamais riche, et le peuple est toujours gueux (3).

Jean-Jacques

ROUSSEAU Du Contrat social (1762)

1 L’ensemble des moyens et personnes par lesquels s’exrecent les fonctions gouvernementales.

2 Moyen.

3 Pauvre, misérable.

2015 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Est-on libre de croire ou de ne pas croire ?

2015 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on échanger autre chose que des biens ?

2015 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il est certain qu’en dehors de l’État il n’y a pas de droit de punir. Il n’y a de droit de punir que fondé sur la loi positive ; c’est elle qui, en prévision de la transgression, a fixé une peine, destinée à menacer celui qui serait tenté, et à jouer en lui le rôle d’un motif capable de tenir en échec tous les motifs de la tentation. Cette loi positive (*), il faut la considérer comme sanctionnée et reconnue par tous les citoyens de l’Etat. Elle a donc pour base un contrat commun, que tous se sont obligés à maintenir en toute occasion, qu’il s’agisse soit d’imposer le châtiment, soit de le recevoir ; par suite, on est en droit d’exiger d’un citoyen qu’il accepte le châtiment. On le voit, le but immédiat du châtiment, considéré dans un cas donné, c’est l’accomplissement de ce contrat qu’on nomme la loi. Or, la loi, elle, ne peut avoir qu’un but : détourner chacun, par la crainte, de toute violation du droit d’autrui ; car c’est pour être à l’abri de toute agression injuste, que chacun des contractants s’est uni aux autres dans l’État, a renoncé à toute entreprise injuste, et a consenti aux charges qu’exige l’entretien de l’État.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation (1819)

*Loi écrite d’un État.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2. Expliquez :

a)"en dehors de l’État il n’y a pas de droit de punir" ;

b) "il faut la considérer comme sanctionnée et reconnue par tous les citoyens de l’État" ;

c) "la loi ne peut avoir qu’un seul but : détourner chacun, par la crainte, de toute violation du droit d’autrui".

3. Pourquoi doit-on obéir aux lois ?

2016 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’artiste peut-il être indifféret au beau ?

2016 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les hommes vivent-ils en société par intérêt ?

2016 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’obligation n’est pas la nécessité. Quand j’abandonne une pierre à elle-même, elle tombe et ne peut pas faire autrement, et quand j’énonce cette loi générale, les corps sont attirés vers le centre de la terre, j’énonce une loi nécessaire en ce sens que les faits qu’elle embrasse ne sauraient en aucune manière s’y soustraire et cela tient à une raison fort simple. Les lois de la physique qui sont nécessaires ne sont guère que la constatation de ce qui se passe. Le physicien observe, expérimente et exprime par une formule générale le résultat de ses observations. Il est donc impossible que les faits se dérobent à la loi puisque la loi exprime les fats. Si un jour un phénomène ou un objet échappait à son influence, cela prouverait qu’elle est fausse, qu’elle n’est pas la vraie. Il faudrait en chercher une autre à laquelle obéissaient même les phénomènes nécessaires. Une loi nécessaire est donc une loi postérieure au événements qu’elle régit. Elle en est l’expression, la formule et les événements ne peuvent s’y soustraire par la raison très simple qu’elle se borne à les traduire. Il n’en est pas ainsi pour la loi morale. Les lois de la morale sont antérieures aux événements qu’elles prétendent régir et c’est par là qu’elles se distinguent des lois physiques. Cette loi, il ne faut pas voler, n’est pas l’expression abrégée, l’expression générale de ce qui se passe. Il y a des vols et des voleurs ; elle n’indique pas ce qui est mais ce qui devrait être. ce n’es point un abrégé de la réalité, c’est un idéal qui précède la réalité et auquel la réalité devrait se conformer. De là vient qu’à l’opposé des lois physiques, ces lois de la morale admettent des exceptions. On peut se soustraire à leur influence ; on ne le devrait pas, mais on le pourrait. Et c’est en quoi l’obligation se distingue de la nécessité.

BERGSON Leçons de Clermont-Ferrand, 1883.

2016 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Une vérité scientifique peut-elle être approximative ?

2016 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on être soi-même devant ls autres ?

2016 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le royaume de la liberté commence seulement où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur ; il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite. De même que l’homme primitif doit lutter contre la nature pour pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l’homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire, et de le faire quels que soient la structure de la société et le mode de la production. Avec son développement s’étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps, s’élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seul liberté possible est que l’homme social, les producteurs associés règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu’ils la contrôlent ensemble au lieu d’être dominés par sa puissance aveugle, et qu’ils accomplissent ces échanges en dépendant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. C’est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s’épanouir qu’en se fondant sur l’autre royaume, sur l’autre base, celle de la nécessité.

MARX Le Capital.

2016 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Travailler, est-ce seulement mettre en oeuvre des techniques ?

2016 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Travailler, est-ce seulement mettre en oeuvre des techniques ?

2016 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on ne pas admettre la vérité ?

2016 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on ne pas admettre la vérité ?

2016 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le gouvernement arbitraire d’un prince juste et éclairé est toujours mauvais. Ses vertus sont la plus dangereuse et la plus sûre des séductions : elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, à respecter, à servir son successeur quel qu’il soit, méchant et stupide. Il enlève au peuple le droit de délibérer, de vouloir ou ne vouloir pas, de s’opposer même à sa volonté, lorsqu’il ordonne le bien ; cependant ce droit d’opposition, tout insensé qu’il est, est sacré : sans quoi les sujets ressemblent à un troupeau dont on méprise la réclamation, sous prétexte qu’on le conduit dans de gras pâturages. En gouvernant selon son bon plaisir, le tyran commet le plus grand des forfaits. Qu’est-ce qui caractérise le despote ? est-ce la bonté ou la méchanceté ? Nullement ; ces deux notions n’entrent pas seulement (1) dans sa définition. C’est l’étendue et non l’usage de l’autorité qu’il s’arroge. Un des plus grand malheurs qui pût (2) arriver à une nation, ce seraient deux ou trois règnes d’une puissance juste, douce, éclairée, mais arbitraire : les peuples seraient conduits par le bonheur à l’oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage.

DIDEROT Réfutation suivie de l’ouvrage d’Helvétius (1783-1786).

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(1) « pas seulement » : pas du tout

(2) « qui pût » : qui pourrait

2016 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le gouvernement arbitraire d’un prince just eet éclairé est toujour smauvais. Ses vertus sont la plus dangereuse et la plus sûre des séductions : elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, à respecter, à servir son sucesseur quel qu’il soit, méchant et stupide. Il enlève au peuple le droit de déliérer, de vouloir ou ne vouloir pas, de s’opposer même à sa volonté, lorsqu’il ordonne le bien ; cependant ce droit d’opposition, tout insensé qu’il est, est sacré : sans quoi les sujeys ressembelnt à un troupeau dont on méprise la réclamation, sous prétexte qu’on le conduit dan sde gras pâturages. En gouvernant selon son bon plaisir, le tyran commet le plus grand des forfaits. Qu’est-ce qui caractérise le despote ? est-ce la bonté ou la méchanceté ? Nullement ; ces deux notions n’entrent pas seulement (1) dans sa définition. C’est l’étendue et non l’usage de l’autorité qu’il s’arroge. Un des plus grands malheurs qui pût (2) arriver à une nation, ce serait deux ou trois règnes d’une puissance juste, douce, éclairée, mais arbitraire : les peuples seraient conduits par le bonheur à l’oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage.

DIDEROT Réfutation suivie de l’ouvrage d’Helvétius, 1783-1786.

1 "pas seulement" : pas du tout.

2 "qui pût" : qui pourrait.

2016 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Puis-je être moi-même sans le regard d’autrui ?

2016 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La recherche du bonheur est-elle un objectif égoïste ?

2016 ES AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Sans contredit, ce ne sont pas là —nous tenons à le déclarer à cette heure— de véritables constitutions ; et ce ne sont pas non plus des lois justes, toutes celles qui n’ont pas été instituées dans l’intérêt commun de l’ensemble de la cité. Mais quand elles ont été instituées en faveur de quelques-uns, nous qualifions ceci de "partisans" et non pas de "citoyens", et lorsqu’ils parlent de leurs droits, ils parlent pour ne rien dire. Si nous tenons ce discours, c’est pour signifier que, dans ta cité, nous ne donnerons le pouvoir à quiconque ni parce qu’il est riche ni parce qu’il possède un autre avantage du même genre, qu’il s’agisse de la force, de la taille ou de la naissance. Mais celui qui obéit le mieux aux lois établies et remporte sur ce point la victoire dans la cité, c’était à celui-là, déclarons-nous, que doit revenir le service des lois dans la cité : le plus haut poste dans ce service doit revenir au premier, le second au concurrent qui se classe deuxième et ainsi de suite proportionnellement pour les autres postes à attribuer. Or, si j’ai appelé "serviteur" des lois" ceux que l’on appelle aujourd’hui "gouvernants", ce n’est pas pour le plaisir de forger des mots nouveaux, c’est plutôt parce que, à mon avis, c’est de cela plus que tout le reste que dépend la sauvegarde de la cité sur son contraire.

PLATON Les Lois, IVe siècle avant JC.

2016 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Faut-il se divertir pour être heureux ?

2016 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Quelle confiance acorder à nos perceptions ?

2016 L AMÉRIQUE DU SUD NORMALE La société et l’union entre les hommes se conserveront d’autant mieux qu’on manifestera plus de bienveillance à ceux avec qui on a une union plus étroite. Mais il apparaît qu’il faut reprendre de plus haut les principes naturels de la communauté et de la société des hommes. Il en est d’abord un que l’on voit dans la société du genre humain pris dans son ensemble. Le lien de cette société, c’est la raison et le langage ; grâce à eux, on s’instruit et l’on enseigne, l’on communique, l’on discute, l’on juge, ce qui rapproche les hommes les uns des autres et les unit dans une sorte de société naturelle ; rien ne les éloigne plus de la nature des bêtes, à qui nous attribuons souvent le courage, aux chevaux par exemple ou aux lions, mais non pas la justice, l’équité ou la bonté ; c’est qu’elles ne possèdent ni raison ni langage. Cette société est largement ouverte ; elle est société des hommes avec les hommes, de tous avec tous ; en elle il faut maintenir communs tous les biens que la nature a produits à l’usage commun de l’homme ; quant à ceux qui sont distribués d’après les lois et le droit civil, qu’on les garde selon ce qui a été décidé par les lois ; quant aux autres, que l’on respecte cette maxime du proverbe grec : « Entre amis, tout est commun ». Les biens communs à tous les hommes sont du genre de ceux dont Ennius (1) donne un exemple particulier qui peut s’étendre à beaucoup de cas : « L’homme qui indique aimablement son chemin à un voyageur égaré agit comme un flambeau où s’allume un autre flambeau ; il n’éclaire pas moins quand il a allumé l’autre ». D’après cet unique exemple, on voit qu’il prescrit de concéder même à un inconnu tout ce qu’on peut lui donner sans dommage.

CICÉRON Des devoirs (44 av. J.-C)

1 Poète latin

2016 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Doit-on se méfier des objets techniques ?

2016 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Le sujet se définit-il par sa conscience ?

2016 S AMÉRIQUE DU SUD NORMALE Nous avons souvent entendu formuler l’exigence suivante : une science doit être construite sur des concepts fondamentaux clairs et nettement définis. En réalité, aucune science, même la plus exacte, ne commence par de telles définitions. Le véritable commencement de toute activité scientifique consiste plutôt dans la description des phénomènes, qui sont ensuite rassemblés, ordonnés et insérés dans des relations. Dans la description déjà, on ne peut éviter d’appliquer au matériel certaines idées abstraites que l’on puise ici ou là, et certainement pas dans la seule expérience actuelle. De telles idées – qui deviendront les concepts fondamentaux de la science – sont dans l’élaboration ultérieure des matériaux encore plus indispensables. Elles comportent d’abord nécessairement un certain degré d’indétermination ; il ne peut être question de cerner clairement leur contenu. Aussi longtemps qu’elles sont dans cet état, on se met d’accord sur leur signification en multipliant les références au matériel de l’expérience, auquel elles semblent être empruntées mais qui, en réalité, leur est soumis. Elles ont donc, en toute rigueur, le caractère de conventions, encore que tout dépende du fait qu’elles ne soient pas choisies arbitrairement mais déterminées par leurs importantes relations aux matériaux empiriques ; ces relations, on croit les avoir devinées avant même de pouvoir en avoir connaissance et en fournir la preuve. Ce n’est qu’après un examen plus approfondi du domaine de phénomènes considérés que l’on peut saisir plus précisément les concepts scientifiques fondamentaux qu’ils requièrent et les modifier progressivement pour les rendre largement utilisables ainsi que libres de toute contradiction. C’est alors qu’il peut être temps de les enfermer dans des définitions.

FREUD Métapsychologie (1915-1917).

2016 ES ANTILLES NORMALE L’histoire peut-elle éclairer l’avenir ?

2016 ES ANTILLES NORMALE être libre, est-ce ne rencontrer aucun obstacle ?

2016 ES ANTILLES NORMALE Ce n’est pas l’espoir d’une récompense qui nous pousse vers nos amis, nous pensons que l’amitié doit être recherchée pour elle-même et que tout son prix vient de ce qu’on aime et est aimé. Les vrais amis sont bien éloignés des gens qui ramènent bestialement tout au plaisir et cela n’a rien de surprenant : comment pourraient-ils élever leurs regards vers quoi que ce soit de haut, de magnifique et de divin, alors que toutes leurs pensées s’abaissent vers un objet si vil et si méprisable. Ne nous occupons donc pas d’eux dans cet entretien, sachons qu’un sentiment affectueux, qu’un tendre bon vouloir prennent naturellement naissance lorsqu’on se trouve en présence d’un être donnant de sa valeur morale des signes manifestes. Ceux qui aspirent à la même valeur s’attachent à cet être, se rapprochent de lui pour jouir des avantages que la fréquentation et le caractère de celui qu’ils ont commencé d’aimer peuvent leur procurer ; on veut que l’amitié soit aussi forte et de même qualité des deux côtés et l’on rend service à son ami plus volontiers qu’on ne lui demande quoi que ce soit, ce qui crée une noble émulation. Il est donc vrai qu’on peut attendre de l’amitié le plus grand profit, vrai aussi qu’elle a une origine plus honorable et plus profonde que la faiblesse. Si des considérations d’utilité cimentaient l’amitié, un changement de situation la déferait, mais, comme la nature demeure pareille à elle-même, les amitiés vraies se perpétuent.

CICÉRON De l’amitié, 1er siècle avant J.-C.

2016 L ANTILLES NORMALE Le réel se réduit-il à ce que l’on en perçoit ?

2016 L ANTILLES NORMALE La politique est-elle l’affaire de tous ?

2016 L ANTILLES NORMALE L’adversité, la souffrance et la pauvreté constituent de grandes tentations de transgresser son devoir. L’aisance, la force, la santé et la prospérité en général, qui s’opposent à cette influence, peuvent donc aussi, à ce qu’il semble, être considérées comme des fins qui sont en même temps des devoirs, à savoir le devoir de favoriser son propre bonheur et de ne pas orienter le bonheur uniquement vers autrui. Mais dans ces conditions ce n’est pas le bonheur qui est la fin : c’est la moralité du sujet, et le bonheur constitue uniquement le moyen légitime d’écarter les obstacles qu’il pourrait rencontrer – cela dans la mesure où personne ne dispose d’un droit d’exiger de moi un sacrifice de mes fins quand elles ne sont pas immorales. Rechercher pour elle-même l’aisance, ce n’est pas directement un devoir, mais ce peut parfaitement en être un indirectement, à savoir celui d’écarter la misère en tant qu’elle constitue une grande incitation à s’abandonner aux vices. Reste que, dans ce cas, ce n’est pas de mon bonheur, mais de ma moralité que je me fais une fin et en même temps un devoir de les conserver dans leur intégrité.

KANT Doctrine de la vertu, 1797.

2016 S ANTILLES NORMALE Le désir nous éloigne-t-il du vrai ?

2016 S ANTILLES NORMALE La technqiue ne nous sert-elle u’à nous rendre maîtres de la nature ?

2016 S ANTILLES NORMALE Si, dans une Cité, les sujets ne prennent pas les armes parce qu’ils sont sous l’empire de la terreur, on doit dire, non que la paix y règne, mais plutôt que la guerre n’y règne pas. La paix, en effet, n’est pas la simple absence de guerre, elle est une vertu qui a son origine dans la force d’âme, car l’obéissance est une volonté constante de faire ce qui, suivant le droit commun de la Cité, doit être fait. Une Cité, faut-il dire encore, où la paix est un effet de l’inertie des sujets conduits comme un troupeau, et formés uniquement à la servitude, mérite le nom de solitude1 plutôt que celui de Cité.

Quand nous disons que l’Etat le meilleur est celui où les hommes vivent dans la concorde, j’entends qu’ils vivent d’une vie proprement humaine, d’une vie qui ne se définit point par la circulation du sang et par l’accomplissement des autres fonctions communes à tous les autres animaux, mais principalement par la raison, la vertu de l’âme et la vie vraie.

SPINOZA Traité politique (1677)

1 solitude : lieu désert et retiré

2016 TECHN. ANTILLES NORMALE Pouvons-nous nous passer de l’art ?

2016 TECHN. ANTILLES NORMALE Toutes les croyances se valent-elles ?

2016 TECHN. ANTILLES NORMALE Me voilà tuberculeux, par exemple. Ici apparaît la malédiction (et la grandeur). Cette maladie, qui m’infecte, m’affaiblit, me change, limite brusquement mes possibilités et mes horizons. J’étais acteur ou sportif ; avec mes deux pneumos1, je ne puis plus l’être. Ainsi négativement, je suis déchargé de toute responsabilité touchant ces possibilités que le cours du monde vient de m’ôter. C’est ce que le langage populaire nomme être diminué. Et ce mot semble recouvrir une image correcte : j’étais un bouquet de possibilités, on ôte quelques fleurs, le bouquet reste dans le vase, diminué, réduit à quelques éléments. Mais en réalité il n’en est rien : cette image est mécanique. La situation nouvelle, quoique venue du dehors, doit être vécue, c’est-à-dire assumée, dans un dépassement. Il est vrai de dire qu’on m’ôte ces possibilités, mais il est aussi vrai de dire que j’y renonce ou que je m’y cramponne ou que je ne veux pas voir qu’elles me sont ôtées ou que je me soumets à un régime systématique pour les reconquérir. En un mot, ces possibilités sont, non pas supprimées, mais remplacées par un choix d’attitudes possibles envers la disparition de ces possibilités.

SARTRE Cahiers pour une morale (1947-1948) 1 « pneumo » : intervention médicale pratiquée pour traiter la tuberculose, maladie grave des poumons.

1. Déterminer la thèse du texte et la structure de son argumentation.

2. Expliquer :

a) « ces possibilités que le cours du monde vient de m’ôter » ;

b) « la situation nouvelle quoique venue du dehors doit être vécue » ;

c) « ces possibilités sont, non pas supprimées, mais remplacées par un choix d’attitudes possibles envers la disparition de ces possibilités ».

3. Peut-on rester libre en toutes circonstances ?

2016 ES ANTILLES REMPLACEMENT La technique nous libère-t-elle toujours ?

2016 ES ANTILLES REMPLACEMENT Une interprétation peut-elle être objective ?

2016 ES ANTILLES REMPLACEMENT On peut distinguer deux sortes de biens, et deux sortes d’impulsions correspondantes. Il y a des biens dont la possession individuelle est possible, et il y en a d’autres qui peuvent être partagés par tous de la même façon. La nourriture et les vêtements d’un homme ne sont pas ceux d’un autre ; si l’offre est insuffisante, ce qu’un homme possède est obtenu au détriment d’un autre homme. Ceci s’applique à tous les biens matériels en général, et donc à la plus grande partie de la vie économique dans le monde aujourd’hui. À l’inverse, les biens de l’âme et de l’esprit n’appartiennent pas à une personne à l’exclusion d’une autre. Si un homme connaît une science, cela n’empêche pas les autres de la connaître mais, au contraire, les aide à acquérir ce savoir. Si un homme est un grand artiste ou un grand poète, cela n’empêche pas les autres de peindre des tableaux ou d’écrire des poèmes ; au contraire, cela contribue à créer une atmosphère où de telles choses sont possibles. Si un homme est plein de bonne volonté envers ses semblables, il n’en résulte pas que les autres auront moins de bonne volonté à se partager ; au contraire, plus un homme fait preuve de bonne volonté, plus il est susceptible de la susciter chez les autres. Dans ces domaines, il n’y a pas de possession, parce qu’il n’existe pas une quantité déterminée à partager ; tout accroissement particulier tend à provoquer un accroissement généralisé.

À ces deux sortes de biens correspondent deux sortes d’impulsions : les impulsions possessives, tournées vers l’acquisition ou la conservation de biens privés qui ne peuvent être partagés ; elles ont leur centre dans l’impulsion de propriété ; et les impulsions créatrices ou constructrices, qui visent à produire ou à rendre disponibles des biens qu’on ne peut ni s’approprier ni posséder.

La meilleure vie est celle dans laquelle les impulsions créatrices jouent le plus grand rôle et les impulsions possessives le plus petit.

RUSSELL Écrits politiques, 1916

2016 L ANTILLES REMPLACEMENT Le temps est-il destructeur ?

2016 L ANTILLES REMPLACEMENT Faire usage du langage, est-ce renoncer à la violence ?

2016 L ANTILLES REMPLACEMENT Nul ne conteste qu’on doive élever et instruire la jeunesse de façon à lui faire profiter des acquis de l’expérience humaine. Mais c’est là le privilège et la condition propre d’un être humain dans la maturité de ses facultés que de se servir de l’expérience et de l’interpréter à sa façon. C’est à lui de découvrir ce qui, dans l’expérience transmise, est applicable à sa situation et à son caractère. Les traditions et les coutumes des autres sont, jusqu’à un certain point, des témoignages de ce que leur expérience leur a appris, et elles justifient une présomption (1) qui, comme telle, est digne de respect. Mais il se peut en premier lieu que l’expérience des autres soit trop étroite, ou qu’ils l’aient mal interprétée ; il se peut deuxièmement que leur interprétation soit juste sans toutefois convenir à un individu particulier. Les coutumes sont faites pour les vies et les caractères ordinaires ; mais un individu peut avoir une vie et un caractère extraordinaires. Troisièmement, même si les coutumes sont à la fois bonnes en soi et adaptées à l’individu, il se peut que se conformer à la coutume uniquement en tant que telle n’entretienne ni ne développe en lui aucune des qualités qui sont l’attribut distinctif de l’être humain. Les facultés humaines de la perception, du jugement, du discernement (2), de l’activité intellectuelle, et même la préférence morale, ne s’exercent qu’en faisant un choix. Celui qui n’agit jamais que suivant la coutume ne fait pas de choix. Il n’apprend nullement à discerner ou à désirer ce qui vaut mieux.

MILL De la liberté, 1859.

(1) : présomption : le fait de présumer, supposer.

(2) : discernement : capacité de distinguer.

2016 S ANTILLES REMPLACEMENT L’art ne fait-il qu’imiter le réel ?

2016 S ANTILLES REMPLACEMENT Les progrès de la connaissance nous rapprocent-ils d’une vérité définitive ?

2016 S ANTILLES REMPLACEMENT Nous ne voulons pas que les autres nous trompent : nous ne trouvons pas juste qu’ils veuillent être estimés de nous plus qu’ils ne méritent : il n’est donc pas juste aussi que nous les trompions et que nous voulions qu’ils nous estiment plus que nous ne méritons.

Ainsi, lorsqu’ils ne découvrent que des imperfections et des vices que nous avons en effet, il est visible qu’ils ne nous font point de tort, puisque ce ne sont pas eux qui en sont cause, et qu’ils nous font un bien, puisqu’ils nous aident à nous délivrer d’un mal, qui est l’ignorance de ces imperfections. Nous ne devons pas être fâchés qu’ils les connaissent, et qu’ils nous méprisent, étant juste1, et qu’ils nous connaissent pour ce que nous sommes, et qu’ils nous méprisent, si nous sommes méprisables.

Voilà les sentiments qui naîtraient d’un cœur qui serait plein d’équité et de justice. Que devons-nous donc dire du nôtre, en y voyant une disposition toute contraire ? Car n’est-il pas vrai que nous haïssons la vérité et ceux qui nous la disent, et que nous aimons qu’ils se trompent à notre avantage, et que nous voulons être estimés d’eux autres que2 nous ne sommes en effet ?

PASCAL Pensées (1670)

1 – étant juste : puisqu’il est juste

2 – autres que : comme étant autres que…

2016 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’hypothèse de l’inconscient a-t-elle une valeur scientifique ?

2016 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le travail éduque-t-il ?

2016 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE On ne peut, à mon sens, proposer une règle morale sans reconnaître à chacun le droit d’en demander la raison, ce qui serait parfaitement ridicule et absurde si ces principes étaient innés, ou au moins évidents ; tout principe inné doit en effet être nécessairement évident, il ne doit exiger aucune preuve pour authentifier sa vérité, ni avoir besoin d’un motif pour emporter la conviction. Qui demanderait ou chercherait des raisons pour lesquelles Il est impossible pour la même chose d’être et de ne pas être serait dénué de bon sens, pense-t-on ; ce principe porte en lui sa propre lumière, sa propre évidence et n’a besoin d’aucune autre preuve : en comprendre les termes c’est l’accepter pour lui-même, et rien d’autre ne pourra jamais le convaincre de le faire. Si, en revanche, quelqu’un n’ayant jamais entendu auparavant la règle la moins contestée de la morale, le fondement de toute vertu sociale, dont il peut comprendre pourtant le sens : Fais à autrui ce que tu voudrais qu’on te fasse, ne pourrait-il pas sans absurdité en demander la raison ? Et celui qui la propose ne serait-il pas obligé de lui en montrer la vérité et la sagesse ? Et ceci manifeste que ce principe n’est pas inné ; car s’il l’était, il n’aurait pas besoin de preuve, on ne pourrait lui en donner et on devrait au contraire le reconnaître et lui donner son assentiment (au moins dès qu’on l’entend et le comprend), comme une vérité assurée et absolument indubitable. Ainsi, la vérité de toutes ces règles morales dépend d’une autre vérité antérieure dont on doit la déduire, ce qui ne pourrait se produire, si ces principes étaient innés ou seulement évidents.

LOCKE Essai sur l’entendement humain, 1689.

2016 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il toujours chercher à gagner du temps ?

2016 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Être libre, est-ce ne ressentir aucune contraine ?

2016 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE De tous les arguments qui nous persuadent que les bêtes sont dénuées de pensée, le principal, à mon avis, est que bien que les unes soient plus parfaites que les autres dans une même espèce, tout de même (1) que chez les hommes, comme on peut voir chez les chevaux et chez les chiens, dont les uns apprennent beaucoup plus aisément que d’autres ce qu’on leur enseigne ; et bien que toutes nous signifient très facilement leurs impulsions naturelles, telles que la colère, la crainte, la faim, ou autres états semblables, par la voix ou par d’autres mouvements du corps, jamais cependant jusqu’à ce jour on n’a pu observer qu’aucun animal en soit venu à ce point de perfection d’user d’un véritable langage, c’est-à-dire d’exprimer soit par la voix, soit par les gestes quelque chose qui puisse se rapporter à la seule pensée et non à l’impulsion naturelle. Ce langage est en effet le seul signe certain d’une pensée latente (2) dans le corps ; tous les hommes en usent, même ceux qui sont stupides ou privés d’esprit, ceux auxquels manquent la langue et les organes de la voix, mais aucune bête ne peut en user ; c’est pourquoi il est permis de prendre le langage pour la vraie différence entre les hommes et les bêtes.

Les autres arguments qui retirent la pensée aux bêtes, je les passe sous silence, pour être bref. Je voudrais cependant indiquer que je parle de la pensée, non de la vie ou de la sensibilité : je ne refuse la vie à aucun animal, car je crois qu’elle consiste dans la seule chaleur du cœur ; je ne lui refuse même pas la sensibilité, dans la mesure où elle dépend d’un organe corporel.

DESCARTES Lettre à Morus, 1649.

2016 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on comprendre une oeuvre d’art sans l’aimer ?

2016 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on comprendre une oeuvre d’art sans l’aimer ?

2016 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ce qui est vrai est-il toujours vérifiable ?

2016 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Ce qui est vrai est-il toujours vérifiable ?

2016 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE On connaît facilement quelle est la condition d’un État quelconque en considérant la fin en vue de laquelle un état civil se fonde ; cette fin n’est autre que la paix et la sécurité de la vie. Par suite, le gouvernement le meilleur est celui sous lequel les hommes passent leur vie dans la concorde et celui dont les lois sont observées sans violation. Il est certain en effet que les séditions, les guerres et le mépris ou la violation des lois sont imputables, non tant à la méchanceté des sujets qu’à un vice du régime institué. Les hommes, en effet, ne naissent pas citoyens, mais le deviennent. Les affections (1) naturelles qui se rencontrent sont en outre les mêmes en tout pays ; si, donc, une méchanceté plus grande règne dans une cité et s’il s’y commet des fautes en plus grand nombre que dans d’autres, cela provient de ce qu’elle n’a pas assez pourvu à la concorde, que ses institutions ne sont pas assez prudentes et qu’elle n’a pas, en conséquence, établi absolument un droit civil. Un état civil, en effet, qui n’a pas supprimé les causes de sédition et où la guerre est constamment à craindre, où les lois sont fréquemment violées, ne diffère pas beaucoup de l’état de nature où chacun, au plus grand péril de sa vie, agit selon son tempérament propre.

SPINOZA Traité politique (1675)

(1) : "affections" : passions.

2016 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE On connaît facilement quelle est la condition d’un État quelconque en considérant la fin en vue de laquelle un état civil se fonde ; cette fin n’est autre que la paix et la sécurité de la vie. Par suite, le gouvernement le meilleur est celui sous lequel les hommes passent leur vie dans la concorde et celui dont les lois sont observées sans violation. Il est certain en effet que les séditions, les guerres et le mépris ou la violation des lois sont imputables, non tant à la méchanceté des sujets qu’à un vice du régime institué. Les hommes, en effet, ne naissent pas citoyens, mais le deviennent. Les affections1 naturelles qui se rencontrent sont en outre les mêmes en tout pays ; si, donc, une méchanceté plus grande règne dans une cité et s’il s’y commet des fautes en plus grand nombre que dans d’autres, cela provient de ce qu’elle n’a pas assez pourvu à la concorde, que ses institutions ne sont pas assez prudentes et qu’elle n’a pas, en conséquence, établi absolument un droit civil. Un état civil, en effet, qui n’a pas supprimé les causes de sédition et où la guerre est constamment à craindre, où les lois sont fréquemment violées, ne diffère pas beaucoup de l’état de nature où chacun, au plus grand péril de sa vie, agit selon son tempérament propre.

SPINOZA Traité politique (1675)

2016 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les techniques aident-elles à améliorer l’homme ?

2016 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’expérience est-elle toujours un bon guide ?

2016 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’intelligence et la force d’un homme seul sont si insuffisantes, que ce soit pour éviter les maux ou pour se procurer les bienfaits de l’existence, et, de plus, les volontés des divers individus sont tellement portées à se contredire et à se contrarier mutuellement, qu’il est absolument nécessaire que plusieurs puissances indépendantes s’unissent ensemble sous la direction (si je puis m’exprimer ainsi) d’une seule et même volonté, je veux dire la loi de la société. Sans elle, point de civilité, point d’ordre, point de paix parmi les hommes ; sans elle, le monde n’est qu’un immense amas de misère et de désordre ; le fort comme le faible, le sage comme l’insensé, sont exposés de tous côtés à toutes les calamités auxquelles l’homme peut être sujet dans un état où la seule sécurité réside dans le fait de ne rien posséder qui fasse naître l’envie ou le désir chez autrui : état encore plus inacceptable que celui des bêtes, puisqu’une créature raisonnable possède une aptitude supérieure à la leur de réflexion et de prévision des souffrances.

BERKELEY De l’Obéissance passive (1712)

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation. 2. Expliquer :

a) "les volontés des divers individus sont tellement portées à se contredire et à se contrarier mutuellement" ;

b) "une seule et même volonté, je veux dire la loi de la société" ; c) "(un) état encore plus inacceptable que celui des bêtes".

3. Les hommes ont-ils besoin d’être soumis aux lois ?

2016 ES INDE NORMALE Y a-t-il des vérités indiscutables ?

2016 ES INDE NORMALE Le bonheur est-il le but de l’existence ?

2016 ES INDE NORMALE La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres. Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante. Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. Ce sont certes de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, le raisonner, le persuader ou le supplier, mais non pour le contraindre ou lui causer du tort s’il agit autrement. La contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu’un d’autre. Le seul aspect de la conduite d’un individu qui soit du ressort de la société est celui qui concerne les autres. Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain.

MILL De la liberté, 1859.

2016 L INDE NORMALE Faut-il des connaissances pour apprécier une oeuvre d’art ?

2016 L INDE NORMALE L’autorité de l’état s’oppose-t-elle à la liberté des individus ?

2016 L INDE NORMALE Concernant la partie des créatures qui est vivante, bien que dépourvue de raison, un traitement violent et en même temps cruel des animaux est (...) intimement opposé au devoir de l’homme envers lui-même, parce qu’ainsi la sympathie à l’égard de leurs souffrances se trouve émoussée en l’homme et que cela affaiblit et peu à peu anéantit une disposition naturelle très profitable à la moralité dans la relation avec les autres hommes – quand bien même, dans ce qui est permis à l’homme, s’inscrit le fait de tuer rapidement (d’une manière qui évite de les torturer) les animaux, ou encore de les astreindre à un travail (ce à quoi, il est vrai, les hommes eux aussi doivent se soumettre), à condition simplement qu’il n’excède pas leurs forces ; à l’inverse, il faut avoir en horreur les expériences physiques qui les martyrisent pour le simple bénéfice de la spéculation, alors que, même sans elles, le but pourrait être atteint. Même la reconnaissance pour les services longtemps rendus par un vieux cheval ou un vieux chien (comme s’ils étaient des personnes de la maison) appartient indirectement aux devoirs de l’homme, à savoir au devoir conçu en considération de ces animaux, mais cette reconnaissance, envisagée directement, n’est jamais qu’un devoir de l’homme envers lui-même.

KANT Doctrine de la vertu, 1797.

NB : les termes "indirectement", "considération" et "directement" sont en italiques.

2016 S INDE NORMALE La religion n’est-elle qu’un fait de culture ?

2016 S INDE NORMALE Choisit-on d’être artiste ?

2016 S INDE NORMALE "Tout ce qui est bon est louable ; or, tout ce qui est louable est honnête ; donc tout ce qui est bon est honnête." La conséquence te paraît-elle bien tirée ? Certes ; car tu vois bien que la conséquence est dans ce qui résulte des deux propositions prises pour prémisses(1). De ces deux propositions, on a l’habitude de contester la première en disant qu’il n’est pas vrai que tout bien est louable ; car on accorde que tout ce qui est louable est honnête ; mais il est tout à fait absurde qu’il y ait un bien qui ne soit pas une chose à rechercher, ou une chose à rechercher qui n’agrée pas, ou une chose qui agrée qui ne soit pas digne d’être aimée, donc aussi digne d’être approuvée, par conséquent aussi louable ; or le louable est honnête ; il en résulte que ce qui est bien est aussi honnête. Je demande aussi qui pourrait se glorifier d’une vie malheureuse ou d’une vie qui n’est pas heureuse ? On ne peut tirer gloire que d’une vie heureuse : d’où il résulte que la vie heureuse est digne d’être glorifiée, qualité qui ne peut appartenir à bon droit qu’à une vie honnête : et de là vient qu’une vie heureuse est une vie honnête... Et puisque l’homme qui mérite d’être loué est désigné pour l’honneur et pour la gloire par des avantages si grands qu’il mérite aussi d’être appelé heureux, on aura le droit de dire de sa vie ce qu’on dit de lui- même. Ainsi, puisque l’honnêteté détermine la vie heureuse, ce qui est honnête doit être tenu pour le seul bien.

CICÉRON Des Biens et des maux (1er siècle avant J.C.)

(1) Prémisse : point de départ d’un raisonnement

2016 TECHN. INDE NORMALE Tous les échanges sont-ils profitables ?

2016 TECHN. INDE NORMALE Et-on d’autant plu sheureux qu’on est plus cultivé ?

2016 TECHN. INDE NORMALE Pourquoi l’homme est-il perfectible et pourquoi l’animal ne l’est-il pas ? L’animal ne l’est pas, parce que sa raison, s’il en a une, est dominée par un sens despote (1) qui la subjugue (2). Toute l’âme du chien est au bout de son nez, et il va toujours flairant. Toute l’âme de l’aigle est dans son œil, et l’aigle va toujours regardant. Toute l’âme de la taupe est dans son oreille, et elle va toujours écoutant.

Mais il n’en est pas ainsi de l’homme. Il est (3) entre ses sens une telle harmonie qu’aucun ne prédomine assez sur les autres pour donner la loi à son entendement ; c’est son entendement au contraire, ou l’organe de sa raison qui est le plus fort. C’est un juge qui n’est ni corrompu ni subjugué par aucun des témoins ; il conserve toute son autorité, et il en use pour se perfectionner : il combine toutes sortes d’idées et de sensations, parce qu’il ne sent rien fortement.

1 "despote" : tyran

2 "subjuguer" : dominer totalement

3 « il est »:il existe

DIDEROT Réfutation d’Helvétius (1786)

1. Dégager l’idée principale de ce texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquer les expressions suivantes :

a) L’homme est "perfectible" ;

b) "Toute l’âme de l’aigle est dans son œil, et l’aigle va toujours regardant" ; c) "C’est un juge qui n’est ni corrompu ni subjugué par aucun des témoins".

3. La raison est-elle indépendante des sens ?

2016 ES JAPON NORMALE La culture est-elle une seconde nature ?

2016 ES JAPON NORMALE Le but de l’état est-il de limiter la violence ?

2016 ES JAPON NORMALE Y a-t-il un homme, même moyennement honnête, à qui il ne soit parfois arrivé de renoncer à un mensonge, par ailleurs inoffensif, par lequel il pouvait se tirer lui-même d’un mauvais pas, ou bien même rendre service à un ami cher et méritant, uniquement pour pouvoir ne pas se rendre secrètement méprisable à ses propres yeux ? L’honnête homme frappé par un grand malheur qu’il aurait pu éviter, s’il avait seulement pu manquer à son devoir, n’est- il pas soutenu par la conscience d’avoir maintenu et honoré en sa personne la dignité propre à l’humanité, de n’avoir pas à rougir de lui-même et de ne pas redouter le regard interne de l’examen de conscience ? Cette consolation n’est pas le bonheur, elle n’en est pas même la plus petite partie. Nul, en effet, ne souhaitera l’occasion de l’éprouver, ni peut-être même ne désirerait la vie à ces conditions ; mais il vit, et ne peut supporter d’être à ses propres yeux indigne de la vie. Cet apaisement intérieur est donc purement négatif, par rapport à tout ce qui peut rendre la vie agréable ; il consiste en effet à écarter le danger de décliner en valeur personnelle, alors qu’on a déjà renoncé entièrement à celle de sa situation. Il est l’effet d’un respect pour quelque chose de bien différent de la vie, et auprès duquel au contraire la vie, avec tout ce qu’elle a d’agréable, n’a en comparaison et en opposition aucune valeur. L’homme dont nous parlions ne vit plus que par devoir, et non parce qu’il trouve le moindre goût à la vie.

KANT Critique de la raison pratique, 1788.

2016 L JAPON NORMALE Une langue universelle est-elle souhaitable ?

2016 L JAPON NORMALE Peut-on concevoir une soxiété sans violence ?

2016 L JAPON NORMALE Je m’étonne souvent de voir des gens réclamer à d’autres de leur temps, et de voir leur demande si facilement accordée par ceux qui en sont l’objet ; les uns comme les autres songent à la raison pour laquelle on demande ce temps ; ni les uns ni les autres ne songent au temps lui-même. On le demande comme si ce n’était rien, on l’accorde comme si ce n’était rien ; on joue avec la chose la plus précieuse qui soit. Ce qui trompe, c’est que cette chose est incorporelle, et qu’elle ne tombe pas sous les regards ; aussi paraît-elle de très peu de valeur, et même absolument sans valeur. Les hommes reçoivent très volontiers des pensions et des présents, et ils louent pour les obtenir leur travail, leur peine et leurs soins : personne ne met le temps à prix ; on use de lui avec largesse comme si on l’avait gratis. Mais ces gens, regarde-les s’ils sont malades, si le danger de mort s’approche, ils embrassent les genoux des médecins ; s’ils ont à craindre le supplice capital, ils sont prêts à dépenser tout leur avoir1 pour vivre : si grand est chez eux le désaccord entre les passions ! Si le nombre de leurs années futures pouvait leur être donné comme l’est celui de leurs années passées, combien trembleraient ceux qui verraient qu’il leur en reste peu, et combien ils les épargneraient ! D’ailleurs il est facile de bien gérer ce que l’on est sûr de posséder, si peu que ce soit ; il faut beaucoup plus de soin pour veiller à ce qui peut nous faire défaut à un moment que nous ignorons.

SÉNÈQUE De la brièveté de la vie (49 ap. J.-C.)

2016 S JAPON NORMALE Apprendre à vivre, est-ce appendre à désirer ?

2016 S JAPON NORMALE Un monde sans injustice est-il possible ?

2016 S JAPON NORMALE Je voudrais [...] opposer au relativisme une idée presque toujours confondue avec celui-ci mais qui lui est pourtant profondément étrangère. J’ai souvent désigné cette position sous le nom de pluralisme, mais cela n’a pas été sans ambiguïté. C’est pourquoi je veux ici la qualifier de pluralisme critique. Tandis que le relativisme, qui ressort d’une tolérance laxiste, conduit au règne de la violence, le pluralisme critique, lui, peut contribuer à la maîtrise de la violence. Pour ce qui est de la construction du relativisme et du pluralisme critique, le concept de vérité est d’une importance décisive. Le relativisme est la position selon laquelle on peut tout affirmer ou presque tout, et par conséquent rien. Tout est vrai, ou rien ne l’est. La vérité est alors sans signification. Le pluralisme critique est la position selon laquelle, dans l’intérêt de la vérité, chaque théorie – tant mieux si elles sont nombreuses – doit entrer en concurrence avec d’autres. Cette concurrence consiste dans la discussion rationnelle des théories et leur examen critique. La discussion est rationnelle, cela signifie que l’enjeu est la vérité des théories en concurrence : la théorie qui semble se rapprocher le plus de la vérité dans la discussion critique est la meilleure ; et la meilleure théorie évince les plus mauvaises. L’enjeu est ici la vérité. L’idée d’une vérité objective et l’idée d’une recherche de la vérité sont ici d’une importance décisive.

POPPER Tolérance et responsabilité intellectuelle (1981)

2016 L LIBAN NORMALE Est-on prisonnier de la langue dans laquelle on parle ?

2016 L LIBAN NORMALE L’esprit doit-il quelque chose au corps ?

2016 L LIBAN NORMALE On décrit souvent l’état de nature comme un état parfait de l’homme, en ce qui concerne, tant le bonheur que la bonté morale. Il faut d’abord noter que l’innocence est dépourvue, comme telle, de toute valeur morale, dans la mesure où elle est ignorance du mal et tient à l’absence des besoins d’où peut naître la méchanceté. D’autre part, cet état est bien plutôt celui où règnent la violence et l’injustice, précisément parce que les hommes ne s’y considèrent que du seul point de vue de la nature. Or, de ce point de vue-là, ils sont inégaux tout à la fois quant aux forces du corps et quant aux dispositions de l’esprit, et c’est par la violence et la ruse qu’ils font valoir l’un contre l’autre leur différence. Sans doute, la raison appartient aussi à l’état de nature, mais c’est l’élément naturel qui a en lui prééminence. Il est donc indispensable que les hommes échappent à cet état pour accéder à un autre état, où prédomine le vouloir raisonnable.

HEGEL Propédeutique philosophique (1808)

2016 S LIBAN NORMALE Sait-on ce qu’on désire ?

2016 S LIBAN NORMALE Sait-on ce qu’on désire ?

2016 S LIBAN NORMALE L’esprit dépend-il de la matière ?

2016 S LIBAN NORMALE L’esprit dépend-il de la matière ?

2016 S LIBAN NORMALE Tout ce qui donne sa valeur à notre existence repose sur les restrictions posées aux actions d’autrui. Il est donc nécessaire d’imposer certaines règles de conduite, par la loi d’abord ; puis, pour les nombreuses questions qui ne sont pas de son ressort, par l’opinion. Ce que doivent être ces règles est le problème majeur des sociétés humaines. C’est un problème qui n’a pas encore trouvé de solution véritable. Il n’y a pas deux époques, voire deux pays, qui l’aient tranché de la même façon ; et la solution adoptée par une époque ou un pays donné a toujours été une source d’étonnement pour les autres. Pourtant, l’humanité n’a jamais accordé à ce problème qu’une attention limitée, comme s’il y avait toujours eu consensus sur la question. Les règles qui ont cours dans les différents pays sont si évidentes pour leurs habitants qu’elles semblent naturelles. Cette illusion universelle est un exemple de l’influence magique de l’habitude qui (...), non seulement devient une seconde nature, mais se confond constamment avec la première. La coutume, qui neutralise toute critique éventuelle des règles de conduite que l’humanité s’impose à elle- même, est une arme d’autant plus efficace que nul n’éprouve généralement le besoin de la remettre en question, que ce soit collectivement ou individuellement.

MILL De la liberté (1859)

2016 S LIBAN NORMALE Tout ce qui donne sa valeur à notre existence repose sur les restrictions posées aux actions d’autrui. Il est donc nécessaire d’imposer certaines règles de conduite, par la loi d’abord ; puis, pour les nombreuses questions qui ne sont pas de son ressort, par l’opinion. Ce que doivent être ces règles est le problème majeur des sociétés humaines. C’est un problème qui n’a pas encore trouvé de solution véritable. Il n’y a pas deux époques, voire deux pays, qui l’aient tranché de la même façon ; et la solution adoptée par une époque ou un pays donné a toujours été une source d’étonnement pour les autres. Pourtant, l’humanité n’a jamais accordé à ce problème qu’une attention limitée, comme s’il y avait toujours eu consensus sur la question. Les règles qui ont cours dans les différents pays sont si évidentes pour leurs habitants qu’elles semblent naturelles. Cette illusion universelle est un exemple de l’influence magique de l’habitude qui (...), non seulement devient une seconde nature, mais se confond constamment avec la première. La coutume, qui neutralise toute critique éventuelle des règles de conduite que l’humanité s’impose à elle- même, est une arme d’autant plus efficace que nul n’éprouve généralement le besoin de la remettre en question, que ce soit collectivement ou individuellement.

MILL De la liberté (1859)

2016 ES MÉTROPOLE NORMALE Savons-nous toujours ce que nous désirons ?

2016 ES MÉTROPOLE NORMALE Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’histoire ?

2016 ES MÉTROPOLE NORMALE "(...) Parce que nous savons que l’erreur dépend de notre volonté, et que personne n’a la volonté de se tromper, on s’étonnera peut-être qu’il y ait de l’erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu’il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car encore qu’il n’y ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne s’en trouve presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses qu’il ne connaît pas distinctement : et même il arrive souvent que c’est le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent pas l’ordre qu’il faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver et se trompent, à cause qu’il les incite à précipiter leurs jugements, et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils n’ont pas assez de connaissance."

René

DESCARTES Principes de la philosophie (1644)

2016 L MÉTROPOLE NORMALE Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ?

2016 L MÉTROPOLE NORMALE le désir est-il par nature illimité ?

2016 L MÉTROPOLE NORMALE Est-ce qu’il existe aucun fait qui soit indépendant de l’opinion et de l’interprétation ? Des générations d’historiens et de philosophes de l’histoire n’ont-elles pas démontré l’impossibilité de constater des faits sans les interpréter, puisque ceux-ci doivent d’abord être extraits d’un chaos de purs événements (et les principes du choix ne sont assurément pas des données de fait), puis être arrangés en une histoire qui ne peut être racontée que dans une certaine perspective, qui n’a rien à voir avec ce qui a eu lieu à l’origine ? Il ne fait pas de doute que ces difficultés, et bien d’autres encore, inhérentes (1) aux sciences historiques, soient réelles, mais elles ne constituent pas une preuve contre l’existence de la matière factuelle, pas plus qu’elles ne peuvent servir de justification à l’effacement des lignes de démarcation entre le fait, l’opinion et l’interprétation, ni d’excuse à l’historien pour manipuler les faits comme il lui plaît. Même si nous admettons que chaque génération ait le droit d’écrire sa propre histoire, nous refusons d’admettre qu’elle ait le droit de remanier les faits en harmonie avec sa perspective propre ; nous n’admettons pas le droit de porter atteinte à la matière factuelle elle-même. Pour illustrer ce point, et nous excuser de ne pas pousser la question plus loin : durant les années vingt (2). Clémenceau, peu avant sa mort, se trouvait engagé dans une conversation amicale avec un représentant de la République de Weimar (3) au sujet des responsabilités quant au déclenchement de la Première Guerre mondiale. On demanda à Clémenceau : "À votre avis, qu’est-ce que les historiens futurs penseront de ce problème embarrassant et controversé ?" Il répondit : "Ça, je n’en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’ils ne diront pas que la Belgique a envahi l’Allemagne."

Hannah

ARENDT "Vérité et politique", 1964.

1 Inhérent : qui appartient essentiellement à quelque chose.

2 Années vingt : période de 1920 à 1929.

3 République de Weimar : régime politique de l’Allemagne de 1919 à 1933.

2016 S MÉTROPOLE NORMALE Travailler moins, est-ce vivre mieux ?

2016 S MÉTROPOLE NORMALE Faut-il démontrer pour savoir ?

2016 S MÉTROPOLE NORMALE Je n’ignore pas que beaucoup ont pensé et pensent encore que les choses du monde sont gouvernées par Dieu et par la fortune (1), et que les hommes, malgré leur sagesse, ne peuvent les modifier, et n’y apporter même aucun remède. En conséquence de quoi, on pourrait penser qu’il ne vaut pas la peine de se fatiguer et qu’il faut laisser gouverner le destin. Cette opinion a eu, à notre époque, un certain crédit du fait des bouleversements que l’on a pu voir, et que l’on voit encore quotidiennement, et que personne n’aurait pu prédire. J’ai moi-même été tenté en certaines circonstances de penser de cette manière.

Néanmoins, afin que notre libre arbitre (2) ne soit pas complètement anéanti, j’estime que la fortune peut déterminer la moitié de nos actions mais que pour l’autre moitié les événements dépendent de nous. Je compare la fortune à l’un de ces fleuves dévastateurs qui, quand ils se mettent en colère, inondent les plaines, détruisent les arbres et les édifices, enlèvent la terre d’un endroit et la poussent vers un autre. Chacun fuit devant eux et tout le monde cède à la fureur des eaux sans pouvoir leur opposer la moindre résistance. Bien que les choses se déroulent ainsi, il n’en reste pas moins que les hommes ont la possibilité, pendant les périodes de calme, de se prémunir en préparant des abris et en bâtissant des digues de façon à ce que, si le niveau des eaux devient menaçant, celles-ci convergent vers des canaux et ne deviennent pas déchaînées et nuisibles.

Il en va de même pour la fortune : elle montre toute sa puissance là où aucune vertu n’a été mobilisée pour lui résister et tourne ses assauts là où il n’y a ni abris ni digues pour la contenir.

MACHIAVEL Le Prince (1532).

1 "fortune" : le cours des choses.

2 "arbitre" : capacité de juger et de choisir.

2016 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Pour être juste, suffit-il d’obéir aux lois ?

2016 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Pouvons-nous justifier nos croyances ?

2016 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Même quand les peintres travaillent sur des objets réels, leur but n’est jamais d’évoquer l’objet même, mais de fabriquer sur la toile un spectacle qui se suffit. La distinction souvent faite entre le sujet du tableau et la manière1 du peintre n’est pas légitime parce que, pour l’expérience esthétique, tout le sujet est dans la manière dont le raisin, la pipe ou le paquet de tabac est constitué par le peintre sur la toile. Voulons-nous dire qu’en art la forme seule importe, et non ce qu’on dit ? Nullement. Nous voulons dire que la forme et le fond, ce qu’on dit et la manière dont on le dit ne sauraient exister à part. Nous nous bornons en somme à constater cette évidence que, si je peux me représenter d’une manière suffisante, d’après sa fonction, un objet ou un outil que je n’ai jamais vu, au moins dans ses traits généraux, par contre les meilleures analyses ne peuvent me donner le soupçon de ce qu’est une peinture dont je n’ai jamais vu aucun exemplaire. Il ne s’agit donc pas, en présence d’un tableau, de multiplier les références au sujet, à la circonstance historique, s’il en est une, qui est à l’origine du tableau.

MERLEAU-PONTY Causeries (1948)

1 "manière" : la façon dont le peintre peint, son style propre.

1. Dégager la thèse du texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquer :

a) "un spectacle qui se suffit" ;

b) "la forme et le fond, ce qu’on dit et la manière dont on le dit ne sauraient exister à part" ;

c) "les meilleures analyses ne peuvent me donner le soupçon de ce qu’est une peinture dont je n’ai jamais vu aucun exemplaire".

3. Une œuvre d’art a-t-elle pour but de représenter la réalité ?

2016 TMD MÉTROPOLE NORMALE La conscience fait-elle obstacle à notre bonheur ?

2016 TMD MÉTROPOLE NORMALE L’art est-il indifférent à la vérité ?

2016 TMD MÉTROPOLE NORMALE La mission de confiance, le pouvoir et l’autorité qui appartiennent au magistrat* ne lui sont accordés que pour qu’il en fasse usage pour le bien, la préservation et la paix de ceux qui sont membres de la société à la tête de laquelle il est placé ; c’est donc cela, et cela seul, qui est et qui doit être la norme et la mesure sur laquelle il doit se régler pour établir ses lois, pour concevoir et pour instituer son gouvernement. Car si les hommes pouvaient vivre ensemble dans la paix et la sûreté sans s’unir sous des lois et sans se former en corps de république**, ils n’auraient nul besoin de magistrats et de politique ; ceux-ci n’ont été établis dans ce monde que pour préserver les hommes des fraudes et des violences qu’ils peuvent commettre les uns à l’égard des autres, en sorte que c’est la fin pour laquelle on a institué le gouvernement qui doit être l’unique règle de ses actions.

LOCKE Traité sur la tolérance, 1667. * magistrat : celui qui exerce un pouvoir politique.

** corps de république : communauté de citoyens.

QUESTIONS

1. Formulez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2. Expliquez :

a) "la norme et la mesure sur laquelle il doit se régler pour établir ses lois" ;

b) "si les hommes pouvaient vivre ensemble dans la paix et la sûreté (...) ils

n’auraient nul besoin de magistrats et de politique".

3. Le pouvoir politique n’est-il légitime qu’à la condition de se limiter à la préservation et à la paix des citoyens ?

2016 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Comment savoir ce qui est juste ?

2016 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Nos désirs expriment-ils ce que nous sommes ?

2016 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Le menteur utilise les désignations pertinentes, les mots, pour faire paraître réel l’irréel ; il dit par exemple : "je suis riche", alors que pour qualifier son état c’est justement "pauvre" qui serait la désignation correcte. Il fait un mauvais usage des conventions établies en opérant des substitutions arbitraires ou même en inversant les noms. S’il agit ainsi de façon intéressée et de plus préjudiciable, la société ne lui fera plus confiance et par là même l’exclura. En l’occurrence, les hommes fuient moins le mensonge que le préjudice provoqué par un mensonge. Fondamentalement, ils ne haïssent pas l’illusion mais les conséquences fâcheuses et néfastes de certains types d’illusions. C’est seulement dans ce sens ainsi restreint que l’homme veut la vérité. Il désire les suites favorables de la vérité, celles qui conservent l’existence ; mais il est indifférent à l’égard de la connaissance pure et sans conséquence, et il est même hostile aux vérités qui peuvent être préjudiciables ou destructrices.

Friedrich

NIETZSCHE Vérité et mensonge au sens extra-moral (1873)

2016 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Faut-il toujours dire la vérité ?

2016 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT A-t-on raison de redouter le progrès technique ?

2016 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Pour avoir un autre individu sous son pouvoir, on peut recourir à différents procédés. On peut l’avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s’enfuir. On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l’être attaché par des bienfaits, au point qu’il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu’au sien propre. Lorsqu’on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l’esprit de l’individu soumis. Mais si l’on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l’esprit aussi bien que le corps de celui-ci. Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d’espoir. Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant.

Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d’un autre, dans la mesure où un esprit peut être dupé par un autre. Il s’ensuit qu’un esprit ne jouit d’une pleine indépendance, que s’il est capable de raisonnement correct. On ira plus loin. Comme la puissance humaine doit être appréciée d’après la force non tant du corps que de l’esprit, les hommes les plus indépendants sont ceux chez qui la raison s’affirme davantage et qui se laissent davantage guider par la raison. En d’autres termes, je déclare l’homme d’autant plus en possession d’une pleine liberté, qu’il se laisse guider par la raison.

SPINOZA Traité de l’autorité politique, 1677.

2016 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’inconscient nous empêche-t-il d’être nous-mêmes ?

2016 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une religion peut-elle se fonder sur la raison ?

2016 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Parmi les choses qu’on ne rencontre pas dans la nature, mais seulement dans le monde fabriqué par l’homme, on distingue entre objets d’usage et œuvres d’art ; tous deux possèdent une certaine permanence qui va de la durée ordinaire à une immortalité potentielle dans le cas de l’œuvre d’art. En tant que tels, ils se distinguent d’une part des produits de consommation, dont la durée au monde excède à peine le temps nécessaire à les préparer, et d’autre part, des produits de l’action, comme les événements, les actes et les mots, tous en eux-mêmes si transitoires qu’ils survivraient à peine à l’heure ou au jour où ils apparaissent au monde, s’ils n’étaient conservés d’abord par la mémoire de l’homme, qui les tisse en récits, et puis par ses facultés de fabrication. Du point de vue de la durée pure, les œuvres d’art sont clairement supérieures à toutes les autres choses ; comme elles durent plus longtemps au monde que n’importe quoi d’autre, elles sont les plus mondaines des choses. Davantage, elles sont les seules choses à n’avoir aucune fonction dans le processus vital de la société ; à proprement parler, elles ne sont pas fabriquées pour les hommes, mais pour le monde, qui est destiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations. Non seulement elles ne sont pas consommées comme des biens de consommation ni usées comme des objets d’usage, mais elles sont délibérément écartées des procès de consommation et d’utilisation, et isolées loin de la sphère des nécessités de la vie humaine. Cette mise à distance peut se réaliser par une infinité de voies. Et c’est seulement quand elle est accomplie que la culture, au sens spécifique du terme, vient à l’être.

ARENDT La Crise de la culture (1961).

2016 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on ne pas vouloir rechercger la vérité ?

2016 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Pour être vraiment heureux, faut-il être juste ?

2016 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Tout le monde déclare approuver et admirer nombre de grandes victoires de l’art sur la nature : joindre par des ponts les rives que la nature avait séparées, assécher des marais naturels, creuser des puits, amener à la lumière du jour ce que la nature avait enfoui à des profondeurs immenses dans la terre, détourner sa foudre par des paratonnerres, ses inondations par des digues, son océan par des jetées. Mais louer ces exploits et d’autres similaires, c’est admettre qu’il faut soumettre les voies de la nature et non pas leur obéir ; c’est reconnaître que les puissances de la nature sont souvent en position d’ennemi face à l’homme, qui doit user de force et d’ingéniosité afin de lui arracher pour son propre usage le peu dont il est capable, et c’est avouer que l’homme mérite d’être applaudi quand ce peu qu’il obtient dépasse ce qu’on pouvait espérer de sa faiblesse physique comparée à ces forces gigantesques. Tout éloge de la civilisation, de l’art ou de l’invention revient à critiquer la nature, à admettre qu’elle comporte des imperfections, et que la tâche et le mérite de l’homme sont de chercher en permanence à les corriger ou les atténuer.

MILL De la Nature (1874)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes de sa construction.

2. Expliquer :

a) « c’est admettre qu’il faut soumettre les voies de la nature et non pas leur obéir » ;

b) « ce peu qu’il obtient dépasse ce qu’on pouvait espérer de sa faiblesse physique » ;

c) « Tout éloge de la civilisation, de l’art ou de l’invention revient à critiquer la nature ».

3. La technique est-elle nécessairement une lutte de l’homme contre la nature ?

2016 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être esclave de soi-même ?

2016 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT être juste, est-ce être neutre ?

2016 TMD MÉTROPOLE REMPLACEMENT n peut bien apprendre tout ce que Newton* a exposé dans son œuvre immortelle, les Principes de la philosophie de la nature, si puissant qu’ait dû être le cerveau nécessaire pour ces découvertes ; en revanche, on ne peut apprendre à composer des poèmes d’une manière pleine d’esprit, si précis que puissent être tous les préceptes pour l’art poétique, et si excellents que soient les modèles. La raison en est que Newton pouvait rendre parfaitement clair et déterminé non seulement pour lui-même, mais aussi pour tout autre et pour ses successeurs tous les moments de la démarche qu’il dut accomplir, depuis les premiers éléments de la géométrie jusqu’à ses découvertes les plus importantes et les plus profondes ; mais aucun Homère** ou aucun Wieland*** ne peut montrer comment ses idées riches de poésie et toutefois en même temps grosses de pensée surgissent et s’assemblent dans son cerveau, parce qu’il ne le sait pas lui-même et aussi ne peut l’enseigner à personne. Dans le domaine scientifique ainsi, le plus remarquable auteur de découvertes ne se distingue que par le degré de l’imitateur et de l’écolier le plus laborieux, tandis qu’il est spécifiquement différent de celui que la nature a doué pour les beaux-arts.

KANT Critique de la faculté de juger, 1790.

* Newton : mathématicien, physicien et astronome (1642-1727).

** Homère : poète de l’Antiquité grecque à qui l’on attribue L’Iliade et L’Odyssée. *** Wieland : poète et romancier allemand (1733-1813).

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. a) Quelle est l’idée directrice du texte ?

b) Dégagez les éléments de la confrontation entre l’exemple de Newton et celui de Homère et Wieland.

2. En vous appuyant sur ces exemples ou d’autres que vous choisirez, expliquez :

a) « si précis que puissent être tous les préceptes pour l’art poétique, et si excellents que soient les modèles » ;

b) « non seulement pour lui-même, mais aussi pour tout autre et pour ses successeurs » ;

c) « le plus remarquable auteur de découvertes ne se distingue que par le degré de l’imitateur et de l’écolier le plus laborieux ».

3. Ya-t-il une différence de nature entre l’artiste qui crée et le savant qui découvre ?

2016 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Puis-je perdre ma liberté de penser ?

2016 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Pour apprécier une oeuvre d’art, suffit-il qu’elle nous plaise ?

2016 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE La science commence dès que le savoir, quel qu’il soit, est recherché pour lui-même. Sans doute, le savant sait bien que ses découvertes seront vraisemblablement susceptibles d’être utilisées. Il peut même se faire qu’il dirige de préférence ses recherches sur tel ou tel point parce qu’il pressent qu’elles seront ainsi plus profitables, qu’elles permettront de satisfaire à des besoins urgents. Mais en tant qu’il se livre à l’investigation scientifique, il se désintéresse des conséquences pratiques. Il dit ce qui est ; il constate ce que sont les choses, et il s’en tient là. Il ne se préoccupe pas de savoir si les vérités qu’il découvre seront agréables ou déconcertantes, s’il est bon que les rapports qu’il établit restent ce qu’ils sont, ou s’il vaudrait mieux qu’ils fussent autrement. Son rôle est d’exprimer le réel et non de le juger.

DURKHEIM Education et sociologie (1922)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes de sa construction.

2. Expliquer :

a) « le savant sait bien que ses découvertes seront vraisemblablement susceptibles d’être utilisées"

b) "pressent qu’elles seront ainsi plus profitables"

c) "il se désintéresse des conséquences pratiques."

3. Peut-on rechercher la vérité seulement pour elle-même ?

2016 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT La vérité est-elle ce sur quoi tous s’accordent ?

2016 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Que nous apportent les oeuvrs d’art ?

2016 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’homme libre, c’est celui à qui tout advient selon sa volonté, celui à qui personne ne peut faire obstacle. Quoi ? la liberté serait-elle déraison ? Bien loin de là ! Folie et liberté ne vont pas ensemble. « Mais je veux qu’il arrive tout ce qui me paraît bon, quelle que soit la chose qui me paraît telle. » Tu es fou, tu déraisonnes. Ne sais-tu pas que la liberté est chose belle et estimable ? Vouloir au hasard qu’adviennent les choses qu’un hasard me fait croire bonnes, voilà qui risque de ne pas être une belle chose et même d’être la plus laide de toutes. Comment procédons-nous dans l’écriture des lettres ? Est-ce que je veux écrire à ma fantaisie le nom de Dion ? Non pas ; mais on m’apprend à vouloir l’écrire comme il doit l’être. Et en musique ? c’est la même chose. Que faisons-nous en général, dès qu’il y a un art ou une science ? La même chose ; et le savoir n’aurait aucun prix, si les choses se pliaient à nos caprices. Et ici, où il s’agit de la chose la plus importante, de la chose capitale, de la liberté, me serait-il donc permis de vouloir au hasard ? Nullement ; s’instruire, c’est apprendre à vouloir chaque événement tel qu’il se produit.

ÉPICTÈTE Entretiens (vers 130 après J.C.)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager la thèse du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

2. a) Expliquer pourquoi ce serait folie de vouloir qu’il arrive tout ce qui me paraît bon.

b) Que permettent d’établir les exemples de l’écriture et de la musique ?

c) Pourquoi ne m’est-il donc pas permis de vouloir au hasard ?

3. Être libre, est-ce accepter et vouloir les événements tels qu’ils se produisent ?

2017 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on devenir soi-même sans les autres ?

2017 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le droit est-il seulement ce qui limite ma liberté ?

2017 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La guerre est un fait humain, purement humain, dont toutes les causes sont desopinions. Et observons que l’opinion la plus dangereuse ici est justement celle qui faitcroire que la guerre est imminente et inévitable. Sans qu’on puisse dire pourtantqu’elle soit jamais vraie, car si beaucoup d’hommes l’abandonnaient, elle cesseraitd’être vraie. Considérez bien ce rapport singulier, que l’intelligence paresseuse neveut jamais saisir. Voilà une opinion assurément nuisible, et qui peut-être se trouveravraie, seulement parce que beaucoup d’hommes l’auront eue. C’est dire que, dansles choses humaines qui sont un tissu d’opinions, la vérité n’est pas constatée, maisfaite. Ainsi il n’y a point seulement à connaître, mais à juger, en prenant ce beau motdans toute sa force.

Pour ou contre la guerre. Il s’agit de juger ; j’entends de décider au lieud’attendre les preuves. Situation singulière ; si tu décides pour la guerre, les preuvesabondent, et ta propre décision en ajoute encore une ; jusqu’à l’effet, qui te rendraenfin glorieux comme un docteur en politique. « Je l’avais bien prévu. » Eh oui. Vous étiez milliers à l’avoir bien prévu ; et c’est parce que vous l’avez prévu que c’estarrivé.

ALAIN Mars ou la guerre jugée, 1921

2017 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le sens de ce que l’on dit se réduit-il à ce que l’on veut dire ?

2017 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le droit de propriété doit-il être limité ?

2017 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La raison nous assure que puisqu’il n’est pas en notre pouvoir de borner nos désirs, et que nous sommes portés par une inclination naturelle à aimer tous les biens, nous ne pouvons devenir heureux qu’en possédant celui qui les renferme tous. Notre propre expérience nous fait sentir que nous ne sommes pas heureux dans la possession des biens dont nous jouissons, puisque nous en souhaitons encore d’autres. Enfin nous voyons tous les jours que les grands biens dont les princes et les rois même les plus puissants jouissent sur la terre, ne sont pas encore capables de contenter leurs désirs : qu’ils ont même plus d’inquiétudes et de déplaisirs que les autres ; et qu’étant, pour ainsi dire, au haut de la roue de la fortune, ils doivent être infiniment plus agités et plus secoués par son mouvement que ceux qui sont au-dessous et plus proche du centre. Car enfin ils ne tombent jamais que du haut ; ils ne reçoivent jamais que de grandes blessures ; et toute cette grandeur qui les accompagne et qu’ils attachent à leur être propre ne fait que les 1 grossir et les étendre, afin qu’ils soient capables d’un plus grand nombre de blessures et plus exposés aux coups de la fortune.

MALEBRANCHE De la recherche de la vérité (1675)

(1) de telle sorte qu’en fin de compte

2017 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Le désir a-t-il toujours un objet ?

2017 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Peut-on être trop cultivé ?

2017 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon ces lois,sinon rien ne permet de les distinguer des bêtes les plus sauvages à tous égards. Laraison en est la suivante : aucun être humain ne possède naturellement le don deconnaître ce qui est le plus profitable aux hommes en tant que citoyens ; et même s’ille connaissait, il ne serait pas toujours en mesure de vouloir et de faire le meilleur.Tout d’abord, il est difficile de reconnaître que le véritable art politique doit se souciernon de l’intérêt particulier, mais de l’intérêt général, car l’intérêt général apporte auxcités une cohésion que l’intérêt particulier fait voler en éclats ; difficile aussi dereconnaître que la consolidation de l’intérêt commun au détriment de l’intérêtparticulier profite à la fois à l’intérêt commun et à l’intérêt particulier, à l’un et à l’autreindissociablement. En second lieu, supposons un homme suffisamment avancé danscet art pour savoir qu’il en est ainsi en vertu d’une nécessité naturelle ; supposons,en outre, que cet homme règne sur la cité sans avoir à lui rendre de comptes, enmaître absolu ; même en ce cas, il ne pourrait jamais demeurer inébranlable dansses convictions, c’est-à-dire continuer, toute sa vie durant, à donner la primauté àl’intérêt général et à subordonner l’intérêt particulier à l’intérêt général. Au contraire,la nature mortelle le poussera toujours à désirer insatiablement et à agirégoïstement.

PLATON Les Lois (348 av. J.-C.)

2017 ES AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Est-ce dans la solitude qu’on prend conscience de soi ?

2017 ES AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT La force peut-elle fonder le droit ?

2017 ES AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Juger des discours des hommes par les effets qu’ils produisent, c’est souvent mal les apprécier. Outre que ces effets ne sont pas toujours sensibles et faciles à connaître, ils varient à l’infini comme les circonstances dans lesquelles ces discours sont tenus. Mais c’est uniquement l’intention de celui qui les tient qui les apprécie et détermine leur degré de malice ou de bonté. Dire faux n’est mentir que par l’intention de tromper, et l’intention même de tromper, loin d’être toujours jointe avec celle de nuire, a quelquefois un but tout contraire. Mais pour rendre un mensonge innocent il ne suffit pas que l’intention de nuire ne soit pas expresse1, il faut de plus la certitude que l’erreur dans laquelle on jette ceux à qui l’on parle ne peut nuire à eux ni à personne en quelque façon que ce soit. Il est rare et difficile qu’on puisse avoir cette certitude ; aussi est-il difficile et rare qu’un mensonge soit parfaitement innocent.

ROUSSEAU Les Rêveries du promeneur solitaire (1782)

2017 L AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT L’art n’est-il qu’apparence ?

2017 L AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT La poursuite de l’intérêt général exige-t-elle le sacrifice de l’intérêt particulier ?

2017 L AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Nous voulons savoir en vertu de quelle raison nous nous sommes décidés, et nous trouvons que nous nous sommes décidés sans raison, peut-être même contre toute raison. Mais c’est là précisément, dans certains cas, la meilleure des raisons. Car l’action accomplie n’exprime plus alors telle idée superficielle, presque extérieure à nous, distincte et facile à exprimer : elle répond à l’ensemble de nos sentiments, de nos pensées et de nos aspirations les plus intimes, à cette conception particulière de la vie qui est l’équivalent de toute notre expérience passée, bref, à notre idée personnelle du bonheur et de l’honneur. Aussi a-t-on eu tort, pour prouver que l’homme est capable de choisir sans motif, d’aller chercher des exemples dans les circonstances ordinaires et même indifférentes de la vie. On montrerait sans peine que ces actions insignifiantes sont liées à quelque motif déterminant. C’est dans les circonstances solennelles, lorsqu’il s’agit de l’opinion que nous donnerons de nous aux autres et surtout à nous-mêmes, que nous choisissons en dépit de ce qu’on est convenu d’appeler un motif ; et cette absence de toute raison tangible est d’autant plus frappante que nous sommes plus profondément libres.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience. 1889

2017 S AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT L’inconscient pense-t-il ?

2017 S AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Peut-on légitimer une injustice en vue du bien de tous ?

2017 S AMÉRIQUE DU NORD REMPLACEMENT Les hommes peuvent regarder l’astronomie, la chimie, et presque toutes les autres sciences comme des divertissements d’un honnête homme ; mais ils ne doivent pas se laisser surprendre par leur éclat, ni les préférer à la science de l’homme (1) . Car, quoique l’imagination attache une certaine idée de grandeur à l’astronomie, parce que cette science considère des objets grands, éclatants, et qui sont infiniment élevés au-dessus de tout ce qui nous environne, il ne faut pas que l’esprit révère aveuglément cette idée : il s’en doit rendre le juge et le maître, et la dépouiller de ce faste sensible qui étonne (2) la raison. Il faut que l’esprit juge de toutes les choses selon ses lumières intérieures, sans écouter le témoign age faux et confus de ses sens, et de son imagination ; et s’il examine, à la lumière pure de la vérité qui l’éclaire, toutes les sciences humaines (3), on ne craint point d’assurer qu’il les méprisera presque toutes ; et qu’il aura plus d’estime pour celle qui nous apprend ce que nous sommes, que pour toutes les autres ensemble.

MALEBRANCHE De la Recherche de la vérité (1674)

(1) "science de l’homme" : science qui a l’homme pour objet.

(2) "qui étonne" : qui frappe de stupeur, bouleverse.

(3) "sciences humaines" : toutes les sicences créées par l’homme.

2017 ES ANTILLES NORMALE La technique nous déshumanise-t-elle ?

2017 ES ANTILLES NORMALE L’État peut-il assurer à la fois la liberté et la sécurité des individus ?

2017 ES ANTILLES NORMALE Lorsqu’un homme a si souvent observé les mêmes antécédents suivis des mêmes conséquents, qu’à chaque fois qu’il voit l’antécédent, il prévoit le conséquent, ou qu’à chaque fois qu’il voit le conséquent, il compte qu’il y a eu le même antécédent, alors, il dit de l’antécédent et du conséquent, qu’ils sont SIGNES l’un de l’autre, comme les nuages sont signes de pluie à venir, et la pluie, signe de nuages passés.

Cette collecte de signes à partir de l’expérience est ce en quoi les hommes pensent ordinairement que se situe la différence entre les hommes en matière de sagesse, par quoi ils entendent généralement la complète aptitude, ou pouvoir, de connaître. Mais c’est une erreur, car ces signes ne sont que conjecturaux, et selon qu’ils aient plus ou moins échoué, ils sont plus ou moins sûrs, mais ne sont jamais suffisants et évidents. En effet, quoiqu’on ait toujours vu le jour et la nuit se suivre, jusqu’ici, on ne peut cependant en conclure qu’il en sera ainsi, ou qu’il en a été ainsi, éternellement. L’expérience ne conclut rien universellement. Si les signes tombent juste vingt fois, pour manquer une fois, un homme peut parier à vingt contre un sur l’événement, mais ne pourra conclure à sa vérité.

HOBBES Éléments de loi, 1640.

2017 L ANTILLES NORMALE Les mots nous éloignent-ils des choses ?

2017 L ANTILLES NORMALE Une inégalité peut-elle être juste ?

2017 L ANTILLES NORMALE Il suffit par exemple qu’un malheureux nous aborde pour que nous ressentions de la compassion pour lui et lui venions en aide, ce qui toutefois ne se serait pas produit s’il nous avait implorés par écrit. De même un voyageur de passage qui aperçoit des miséreux étendus sur son chemin et leur porte secours, n’est pas poussé à agir ainsi pour en retirer des honneurs ou un avantage personnel, car bientôt il aura quitté ces lieux, mais parce que cette action est bonne en elle-même. Il y a donc dans notre cœur quelque chose de moralement pur, bien que sa force d’impulsion ne suffise pas complètement pour faire contrepoids à nos impulsions sensibles. Mais le jugement sur la pureté morale attire à lui, par association, de nombreux motifs de pureté, aiguillonnant ainsi nos actions, jusqu’au point où cela devient chez nous une habitude. On ne doit donc pas persister à chercher les taches et les faiblesses chez les hommes, ou dans la vie d’un Socrate par exemple, car cela n’est d’aucune utilité, plus encore, c’est là une pratique nuisible. En accumulant ainsi les exemples d’imperfection morale, on finit par se flatter soi-même de sa propre imperfection. Cette avidité à trouver des défauts chez les autres trahit une forme de méchanceté, mais aussi d’envie devant la moralité que l’on voit briller chez autrui, et dont on est soi-même dépourvu. Le principe que nous tirons de la faiblesse de la nature humaine est le suivant : les lois morales ne doivent jamais s’ajuster aux faiblesses de l’homme, mais doivent être présentées dans leur sainteté et dans leur pureté parfaites, quelle que soit la constitution de la nature humaine.

KANT Leçons d’éthique, 1780.

2017 S ANTILLES NORMALE La morale suppose-t-elle des valeurs universelles ?

2017 S ANTILLES NORMALE Tout travail est-il un travail sur soi ?

2017 S ANTILLES NORMALE Parmi les savoir-faire, vous n’en trouverez aucun qui soit capable de se prendre lui- même pour objet d’étude ; aucun, par conséquent, qui soit apte à porter sur soi un jugement d’approbation ou de désapprobation. La grammaire, jusqu’où s’étend sa capacité théorique ? Jusqu’à la connaissance des lettres. Et la musique ? Jusqu’à la connaissance de la mélodie. L’une ou l’autre se prend-elle elle-même pour objet d’étude ? Nullement. Mais si tu écris à un ami, le fait que tu dois choisir ces lettres-ci, la grammaire te le dira. Quant à savoir s’il faut écrire ou non à cet ami, la grammaire ne te le dira pas. Ainsi pour les mélodies, la musique. Mais faut-il chanter maintenant et jouer de la cithare, ou ne faut- il ni chanter, ni jouer de la cithare, la musique ne te le dira pas. Qui donc le dira ? L’activité qui se prend elle-même aussi bien que tout le reste pour objet d’étude. Quelle est-elle ? L’activité de la raison. Seule en effet, de celles que nous avons reçues, elle est capable de prendre conscience d’elle-même, de sa nature, de son pouvoir, de la valeur qu’elle apporte en venant en nous – et de prendre conscience également des autres activités.

ÉPICTÈTE Entretiens (Ier siècle)

2017 TECHN. ANTILLES NORMALE Serions-nous plus libres sans les lois ?

2017 TECHN. ANTILLES NORMALE A-t-on besoin des autres pour trouver la vérité ?

2017 TECHN. ANTILLES NORMALE On accuse le machinisme (1) d’abord de réduire l’ouvrier à l’état de machine, ensuite d’aboutir à une uniformité de production qui choque le sens artistique. Mais si la machine procure à l’ouvrier un plus grand nombre d’heures de repos, et si l’ouvrier emploie ce supplément de loisir à autre chose qu’aux prétendus amusements, qu’un industrialisme (2) mal dirigé a mis à la portée de tous, il donnera à son intelligence le développement qu’il aura choisi, au lieu de s’en tenir à celui que lui imposerait, dans des limites toujours restreintes, le retour (d’ailleurs impossible) à l’outil, après suppression de la machine. Pour ce qui est de l’uniformité du produit, l’inconvénient en serait négligeable si l’économie de temps et de travail, réalisée ainsi par l’ensemble de la nation, permettait de pousser plus loin la culture intellectuelle et de développer les vraies originalités.

BERGSON Les Deux sources de la morale et de la religion (1932)

(1) machinisme : système de production fondé sur l’utilisation des machines

(2) industrialisme : système de production fondé sur l’industrie

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes de sa construction.

2. a) Expliquer : « réduire l’ouvrier à l’état de machine » ;

b) Expliquer et illustrer : « prétendus amusements » et « les vraies originalités ».

3. Le progrès technique limite-t-il le développement de l’individu ?

2017 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on se mettre à la place de l’autre ?

2017 ES ANTILLES REMPLACEMENT Sommes-nous les auteurs de notre histoire ?

2017 ES ANTILLES REMPLACEMENT Il est important de souligner la différence entre la vérité et la véracité. La vérité est pou r les dieux ; du point de vue humain, elle est un idéal dont nous pouvons nous approcher, mais que nous ne pouvons espérer atteindre. L’éducation devrait nous rendre capables de nous approcher le plus possible de la vérité, et pour y arriver elle devrait nous enseigner la véracité. La véracité, telle que je la comprends, est l’habitude de former nos opinions au moyen de preuves, et de les professer avec le degré de conviction garanti par les preuves. Ce degré ne sera jamais celui de la certitude complète, c’est pourquoi nous devons toujours être prêts à admettre de nouvelles preuves contre des croyances déjà acquises. De plus, si notre action est inspirée par une croyance, nous ne devons agir que d’une manière utile même si notre croyance est plus ou moins inexacte ; nous devrions éviter des actions désastreuses à moins que notre croyance soit absolument vraie. Dans la science, un observateur constate ses résultats en même temps que « l’erreur probable » ; mais qui a jamais entendu parler d’un théologien ou d’un politicien constatant la probabilité d’une erreur dans ses dogmes, ou reconnaissant même qu’une erreur quelconque est simplement concevable ? C’est parce que dans la science, où nous approchons le mieux la vraie connaissance, un homme peut avec sécurité avoir confiance dans la justice de sa cause, tandis que, quand rien n’est connu, l’affirmation beuglante et l’hypnotisme sont les moyens usuels de faire partager ses croyances aux autres.

RUSSELL Essais sceptiques (1928)

2017 L ANTILLES REMPLACEMENT Mon passé détermine-t-il mon avenir ?

2017 L ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on concevoir une société sans travail ?

2017 L ANTILLES REMPLACEMENT (...) Le soin des âmes n’appartient pas au magistrat ; je veux parler, si l’on peut ainsi dire, de ce soin autoritaire qui s’exerce en commandant par des lois et en contraignant par des sanctions ; mais on ne peut refuser à personne ce soin charitable qui consiste, au contraire, à aider les autres en les enseignant ou en les avertissant, en les persuadant. Ainsi le soin de sa propre âme est entre les mains de chacun, et il faut le laisser à chacun. Mais, direz-vous, si quelqu’un néglige le soin de son âme ? Je répondrai : et s’il néglige sa santé ? et s’il néglige ses affaires domestiques, qui dépendent cependant plus directement du pouvoir du magistrat ? Faudra-t-il que le magistrat prenne garde, par un édit (1) dûment publié, qu’il ne devienne ni pauvre, ni malade ? Autant que faire se peut, les lois s’efforcent de protéger les biens et la santé des sujets contre la violence étrangère ou la fraude, mais non contre l’incurie (2) ou contre la dissipation de ceux qui en jouissent. Nul ne peut être forcé contre sa volonté à se bien porter ou à s’enrichir.

LOCKE Lettre sur la tolérance (1689)

(1) "édit" : règlement

(2) "incurie" : négligence, incompétence.

2017 S ANTILLES REMPLACEMENT En quoi le vivant résiste-t-il à la connaissance scientifique ?

2017 S ANTILLES REMPLACEMENT Ma liberté n’est-elle que l’ensemble de mes droits ?

2017 S ANTILLES REMPLACEMENT L’homme ordinaire, ce produit industriel que la nature fabrique à raison de plusieurs milliers par jour, est (...) incapable, tout au moins d’une manière continue, de cette aperception (1) complètement désintéressée à tous égards qui constitue à proprement parler la contemplation : il ne peut porter son attention sur les choses que dans la mesure où elles ont un certain rapport avec sa propre volonté, quelque lointain que soit ce rapport.. Comme, à ce point de vue, où la connaissance des relations est seule nécessaire, le concept abstrait de la chose est suffisant et le plus souvent préférable, l’homme ordinaire ne s’attarde point longtemps à la contemplation pure ; par suite, il n’attache point longtemps ses regards sur un objet ; mais, dès qu’une chose s’offre à lui, il cherche bien vite le concept sous lequel il la pourra ranger (comme le paresseux cherche une chaise), puis il ne s’y intéresse pas davantage. C’est pourquoi il en a si vite fini avec toutes choses, avec les œuvres d’art, avec les beautés de la nature, avec le spectacle vraiment intéressant de la vie universelle, considérée dans les scènes multiples. Il ne s’attarde pas ; il ne cherche que son chemin dans la vie, ou tout au plus encore ce qui pourrait par hasard le devenir.

SCHOPENHAUER Le Monde comme volonté et comme représentation (1818)

(1) "aperception" : pleine perception de quelque chose.

2017 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Faut-il toujour sdéfendre la liberté ?

2017 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Croire sans savoir, est-ce raisonnable ?

2017 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Dans des milliers d’années, quand le recul du passé n’en laissera plus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de chose, à supposer qu’on s’en souvienne encore ; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée ; elle servira à définir un âge. Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l’histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l’homme et de l’intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens (1), mais Homo faber (2). En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d’en varier indéfiniment la fabrication.

BERGSON L’Évolution créatrice (1907)

(1) Homo sapiens : l’homme comme être capable de science.

(2) Homo faber : l’homme comme être capable de technique.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez l’idée principale et l’argumentation du texte.

2. Expliquez :

a) pourquoi la machine à vapeur « servira à définir un âge » ; b) de quel « orgueil » il faut se dépouiller et pourquoi ;

c) ce que veut dire l’expression : « outils à faire des outils ».

3. L’homme se définit-il par ses capacités techniques ?

2017 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Faut-il vouloir la vérité plus que tout ?

2017 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Accomplir son devoir, est-ce agir librement ?

2017 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Quand on ne s’attache à rien, ni dans la vie publique, ni dans la vie privée, les attraits que peut offrir l’existence sont bien diminués ; en tout cas, ils perdent peu à peu de leur valeur quand approche le moment où tous les intérêts égoïstes doivent disparaître avec la mort ; au contraire, lorsqu’on laisse après soi des êtres qui sont l’objet d’un attachement personnel et surtout lorsqu’on a en même temps entretenu en soi une sympathie fraternelle pour les intérêts collectifs de l’humanité, la vie intéresse aussi vivement à la veille de la mort que dans la pleine vigueur de la jeunesse et de la santé. Quand la vie ne donne pas satisfaction, c’est, immédiatement après l’égoïsme, à l’absence de culture qu’il faut l’attribuer. Un esprit cultivé – et je n’entends pas par là celui du philosophe, mais tout esprit qui a pu puiser aux sources de la connaissance et qu’on a suffisamment habitué à exercer ses facultés – trouve des sources inépuisables d’intérêt dans tout ce qui l’entoure : dans les choses de la nature, les œuvres d’art, les créations de la poésie, les événements de l’histoire, les voies suivies par l’humanité dans le passé et dans le présent et les perspectives ainsi ouvertes sur l’avenir.

MILL L’Utilitarisme (1861)

2017 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Autrui m’est-il toujours étranger ?

2017 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La politique doit-elle viser le bonheur du peuple ?

2017 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE L’œuvre d’art vient donc de l’esprit et existe pour l’esprit, et sa supériorité consiste en ce que si le produit naturel est un produit doué de vie, il est périssable, tandis qu’une œuvre d’art est une œuvre qui dure. La durée présente un intérêt plus grand. Les événements arrivent, mais, aussitôt arrivés, ils s’évanouissent ; l’œuvre d’art leur confère de la durée, les représente dans leur vérité impérissable. L’intérêt humain, la valeur spirituelle d’un événement, d’un caractère individuel, d’une action, dans leur évolution et leurs aboutissements, sont saisis par l’œuvre d’art qui les fait ressortir d’une façon plus pure et transparente que dans la réalité ordinaire, non artistique. C’est pourquoi l’œuvre d’art est supérieure à tout produit de la nature qui n’a pas effectué ce passage par l’esprit. C’est ainsi que le sentiment et l’idée qui, en peinture, ont inspiré un paysage confèrent à cette œuvre de l’esprit un rang plus élevé que celui du paysage tel qu’il existe dans la nature. Tout ce qui est de l’esprit est supérieur à ce qui existe à l’état naturel.

HEGEL Cours d’esthétique, 1835.

2017 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Désirer, est-ce refuser le monde tel qu’il est ?

2017 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le progrès technique génère-t-il de nouveaux devoirs moraux ?

2017 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Celui qui pourrait regarder à l’intérieur d’un cerveau en pleine activité, suivre le va-et-vient des atomes et interpréter tout ce qu’ils font, celui-là saurait sans doute quelque chose. Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l’état d’âme contient d’action en voie d’accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait. Il serait, vis-à- vis des pensées et des sentiments qui se déroulent à l’intérieur de la conscience, dans la situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la scène, mais n’entend pas un mot de ce qu’ils disent. Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leur raison d’être dans la pièce qu’ils jouent ; et si nous connaissons le texte, nous pouvons prévoir à peu près le geste ; mais la réciproque n’est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce, parce qu’il y a beaucoup plus dans une fine comédie que les mouvements par lesquels on la scande. Ainsi, je crois que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d’âme déterminé ; mais l’opération inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d’états d’âme différents, également appropriés.

BERGSON L’Énergie spirituelle (1912)

2017 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Toute vérité est-elle bonne à dire ?

2017 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les échanges nous rapprochent-ils toujours les uns des autres ?

2017 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il est ordinaire que l’on ait plus de bonheur par l’imagination que par les biens réels. Cela vient de ce que, lorsque l’on a les biens réels, on croit que tout est dit, et l’on s’assied au lieu de courir. Il y a deux richesses ; celle qui laisse assis ennuie ; celle qui plaît est celle qui veut des projets encore et des travaux, comme est pour le paysan un champ qu’il convoitait, et dont il est enfin le maître ; car c’est la puissance qui plaît, non point la puissance au repos, mais la puissance en action. L’homme qui ne fait rien n’aime rien. Apportez-lui des bonheurs tout faits, il détourne la tête comme un malade. Au reste qui n’aime mieux faire la musique que l’entendre ? Le difficile est ce qui plaît. Aussi toutes les fois qu’il y a quelque obstacle sur la route, cela fouette le sang et ravive le feu. Qui voudrait d’une couronne olympique si on la gagnait sans peine ? Personne n’en voudrait.

ALAIN Propos sur le bonheur (1928)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée directrice du texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquer :

a) "Il est ordinaire que l’on ait plus de bonheur par l’imagination que par les biens réels." ;

b) "(...) c’est la puissance qui plaît, non point la puissance au repos, mais la puissance en action.".

3. Pour être heureux, suffit-il d’obtenir ce que l’on désire ?

2017 ES INDE NORMALE Une société peut-elle se passer d’art ?

2017 ES INDE NORMALE La loi suffit-elle à définir le juste ?

2017 ES INDE NORMALE (...) Souvent la passion nous fait croire certaines choses beaucoup meilleures et plus désirables qu’elles ne sont ; puis, quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et perdu cependant (1) l’occasion de posséder d’autres biens plus véritables, la jouissance nous en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est pourquoi le vrai office (2) de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en effet, les plus désirables ; en quoi, si la fortune (3) s’oppose à nos desseins, et les empêche de réussir, nous aurons au moins la satisfaction de n’avoir rien perdu par notre faute, et ne laisserons pas de (4) jouir de toute la béatitude naturelle dont l’acquisition aura été en notre pouvoir.

DESCARTES Lettre à Élisabeth, 1er septembre 1645.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

(1) Cependant : pendant ce temps.

(2) Office : fonction.

(3) Fortune : hasard.

(4) Laisser de : manquer de.

2017 L INDE NORMALE Suis-je le sujet de mon désir ?

2017 L INDE NORMALE Toute vérité est-elle bonne à dire ?

2017 L INDE NORMALE Voter, ce n’est pas précisément un des droits de l’Homme ; on vivrait très bien sans voter, si l’on avait la sûreté, l’égalité, la liberté. Le vote n’est qu’un moyen de conserver tous ces biens. L’expérience a fait voir cent fois qu’une élite gouvernante, qu’elle gouverne d’après l’hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n’exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n’exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s’agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c’est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu’ils méconnaissent les droits des citoyens.

On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite (1), où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu’à être assuré que le maître n’est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C’est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif.

ALAIN Propos sur les pouvoirs, 1925.

(1) Plébiscite : vote par lequel un peuple abandonne le pouvoir à un homme.

2017 S INDE NORMALE Vit-on en société pour satisfaire ses désirs ?

2017 S INDE NORMALE La connaissance des êtres vivanst implique-t-elle de les hiérarchiser ?

2017 S INDE NORMALE Parce que nous avons tous éprouvé, dès notre enfance, que plusieurs de ses mouvements (1) obéissaient à la volonté, qui est une des puissances de l’âme, cela nous a disposés à croire que l’âme est le principe de tous. A quoi aussi a beaucoup contribué l’ignorance de l’Anatomie et des Mécaniques (2) : car, ne considérant rien que l’extérieur du corps humain, nous n’avons point imaginé qu’il eut en soi assez d’organes, ou de ressorts, pour se mouvoir de soi-même, en autant de diverses façons que nous voyons qu’il se meut. Et cette erreur a été confirmée, de ce que nous avons jugé que les corps morts avaient les mêmes organes que les vivants, sans qu’il leur manquât autre chose que l’âme, et que toutefois il n’y avait en eux aucun mouvement.

Au lieu que lorsque nous tâchons à connaître plus distinctement notre nature, nous pouvons voir que notre âme, en tant qu’elle est une substance distincte du corps, ne nous est connue que par cela seul qu’elle pense, c’est-à-dire qu’elle entend (3), qu’elle veut, qu’elle imagine, qu’elle se ressouvient, et qu’elle sent, parce que toutes ces fonctions sont des espèces de pensée. Et que, puisque les autres fonctions que quelques-uns lui attribuent, comme de mouvoir le cœur et les artères, de digérer les viandes dans l’estomac, et semblables, qui ne contiennent en elles aucune pensée, ne sont que des mouvements corporels, et qu’il est plus ordinaire qu’un corps soit mû par un autre corps, que non pas qu’il soit mû par une âme, nous avons moins de raison de les attribuer à elle qu’à lui.

DESCARTES La Description du corps humain et de toutes ses fonctions.

(1) Ses mouvements : les mouvements du corps

(2) Mécaniques : sciences du mouvement

(3) Entend : comprend

2017 TECHN. INDE NORMALE Y a-t-il des techniques pour être heureux ?

2017 TECHN. INDE NORMALE L’expérience se réduit-elle au vécu ?

2017 TECHN. INDE NORMALE Il existe une différence essentielle entre le criminel qui prend soin de dissimuler à tous les regards ses actes répréhensibles et celui qui fait acte de désobéissance civile en défiant les autorités et s’institue lui-même porteur d’un autre droit. Cette distinction nécessaire entre une violation ouverte et publique de la loi et une violation clandestine a un tel caractère d’évidence que le refus d’en tenir compte ne saurait provenir que d’un préjugé allié à de la mauvaise volonté. Reconnue désormais par tous les auteurs sérieux qui abordent ce sujet, cette distinction est naturellement invoquée comme un argument primordial par tous ceux qui s’efforcent de faire reconnaître que la désobéissance civile n’est pas incompatible avec les lois et les institutions publiques (...). Le délinquant de droit commun par contre, même s’il appartient à une organisation criminelle, agit uniquement dans son propre intérêt ; il refuse de s’incliner devant la volonté du groupe, et ne cédera qu’à la violence des services chargés d’imposer le respect de la loi. Celui qui fait acte de désobéissance civile, tout en étant généralement en désaccord avec une majorité, agit au nom et en faveur d’un groupe particulier. Il lance un défi aux lois et à l’autorité établie à partir d’un désaccord fondamental, et non parce qu’il entend personnellement bénéficier d’un passe-droit.

ARENDT Du Mensonge à la violence (1972)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et montrer comment elle est établie. 2. Expliquer :

a) « celui qui fait acte de désobéissance civile en défiant les autorités et s’institue lui-même porteur d’un autre droit. » ;

b) « [il y a une] distinction nécessaire entre une violation publique et ouverte de la loi et une violation clandestine » ;

c) « Le délinquant de droit commun, (...) agit uniquement dans son propre intérêt ».

3. Désobéir aux lois peut-il être juste ?

2017 ES JAPON NORMALE La recherche de la vérité peut-elle se passer du doute ?

2017 ES JAPON NORMALE Puis-je être heureux sans être libre ?

2017 ES JAPON NORMALE Comme l’égalité des fortunes entretient la frugalité (1), la frugalité maintient l’égalité des fortunes. Ces choses, quoique différentes, sont telles, qu’elles ne peuvent subsister l’une sans l’autre ; chacune d’elles est la cause et l’effet ; si l’une se retire de la démocratie, l’autre la suit toujours.

Il est vrai que, lorsque la démocratie est fondée sur le commerce, il peut fort bien arriver que des particuliers y aient de grandes richesses, et que les mœurs n’y soient pas corrompues. C’est que l’esprit de commerce entraîne avec soi celui de frugalité, d’économie, de modération, de travail, de sagesse, de tranquillité, d’ordre et de règle. Ainsi, tandis que cet esprit subsiste, les richesses qu’il produit n’ont aucun mauvais effet. Le mal arrive, lorsque l’excès des richesses détruit cet esprit de commerce : on voit tout à coup naître les désordres de l’inégalité, qui ne s’étaient pas encore fait sentir.

Pour maintenir l’esprit de commerce, il faut que les principaux citoyens le fassent eux-mêmes ; que cet esprit règne seul, et ne soit point croisé par un autre ; que toutes les lois le favorisent ; que ces mêmes lois, par leurs dispositions, divisant les fortunes à mesure que le commerce les grossit, mettent chaque citoyen pauvre dans une assez grande aisance, pour pouvoir travailler comme les autres ; et chaque citoyen riche dans une telle médiocrité, qu’il ait besoin de son travail pour conserver ou pour acquérir.

MONTESQUIEU De L’esprit des lois, 1748.

(1) frugalité : simplicité.

2017 L JAPON NORMALE Peut-on admettre une vérité sans démonstration ?

2017 L JAPON NORMALE Chercher à être heureux, est-ce une quête égoïste ?

2017 L JAPON NORMALE Tant que l’homme est plongé dans la situation historique, il lui arrive de ne même pas concevoir les défauts et les manques d’une organisation politique ou économique déterminée, non comme on dit sottement parce qu’il en « a l’habitude », mais parce qu’il la saisit dans sa plénitude d’être et qu’il ne peut même imaginer qu’il puisse en être autrement. Car il faut ici inverser l’opinion générale et convenir de ce que ce n’est pas la dureté d’une situation ou les souffrances qu’elle impose qui sont motifs pour qu’on conçoive un autre état de choses où il en irait mieux pour tout le monde ; au contraire, c’est à partir du jour où l’on peut concevoir un autre état de choses qu’une lumière neuve tombe sur nos peines et sur nos souffrances et que nous décidons qu’elles sont insupportables. L’ouvrier de 1830 est capable de se révolter si l’on baisse les salaires, car il conçoit facilement une situation où son misérable niveau de vie serait moins bas cependant que celui qu’on veut lui imposer. Mais il ne se représente pas ses souffrances comme intolérables, il s’en accommode, non par résignation, mais parce qu’il manque de la culture et de la réflexion nécessaires pour lui faire concevoir un état social où ces souffrances n’existeraient pas. Aussi n’agit-il pas.

SARTRE L’Être et le néant (1943)

2017 S JAPON NORMALE Que risque-t-on à oublier ses devoirs ?

2017 S JAPON NORMALE Faut-il chercher à démontrer ses opinions ?

2017 S JAPON NORMALE Le cerveau sert à effectuer ce choix : il actualise les souvenirs utiles, il maintient dans le sous-sol de la conscience ceux qui ne serviraient à rien. On en dirait autant de la perception. Auxiliaire de l’action, elle isole, dans l’ensemble de la réalité, ce qui nous intéresse ; elle nous montre moins les choses mêmes que le parti que nous en pouvons tirer. Par avance elle les classe, par avance elle les étiquette ; nous regardons à peine l’objet, il nous suffit de savoir à quelle catégorie il appartient. Mais, de loin en loin, par un accident heureux, des hommes surgissent dont les sens ou la conscience sont moins adhérents à la vie. La nature a oublié d’attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d’agir. Quand ils regardent une chose, ils la voient pour elle, et non plus pour eux. Ils ne perçoivent plus simplement en vue d’agir ; ils perçoivent pour percevoir, - pour rien, pour le plaisir. Par un certain côté d’eux- mêmes, soit par leur conscience soit par un de leurs sens, ils naissent détachés ; et, selon que ce détachement est celui de tel ou tel sens, ou de la conscience, ils sont peintres ou sculpteurs, musiciens ou poètes. C’est donc bien une vision plus directe de la réalité que nous trouvons dans les différents arts ; et c’est parce que l’artiste songe moins à utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses.

BERGSON La pensée et le mouvant

2017 ES LIBAN NORMALE L’art est-il une forme de connaisance ?

2017 ES LIBAN NORMALE Peut-on justifier une injustice ?

2017 ES LIBAN NORMALE Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix ; puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général.

BERGSON L’énergie spirituelle, 1919

2017 L LIBAN NORMALE L’art peut-il nou s’éduquer ?

2017 L LIBAN NORMALE Les connaissaces nous aident-elles à vivre ?

2017 L LIBAN NORMALE L’homme ne montre pas ordinairement son corps, et, quand il le fait, c’est tantôt avec crainte, tantôt dans l’intention de fasciner. Il lui semble que le regard étranger qui parcourt son corps le dérobe à lui-même ou qu’au contraire l’exposition de son corps va lui livrer autrui sans défense, et c’est alors autrui qui sera réduit à l’esclavage. La pudeur et l’impudeur prennent donc place dans cette dialectique du moi et d’autrui qui est celle du maître et de l’esclave : en tant que j’ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d’autrui et ne plus compter pour lui comme personne, ou bien, au contraire, je peux devenir son maître et le regarder à mon tour, mais cette maîtrise est une impasse, puisque, au moment où ma valeur est reconnue par le désir d’autrui, autrui n’est plus la personne par qui je souhaitais d’être reconnu, c’est un être fasciné, sans liberté, et qui à ce titre ne compte plus pour moi. Dire que j’ai un corps est donc une manière de dire que je peux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet, qu’autrui peut être mon maître ou mon esclave, de sorte que la pudeur ou l’impudeur expriment la dialectique de la pluralité des consciences et qu’elles ont bien une signification métaphysique. On en dirait autant du désir sexuel : il s’accommode mal de la présence d’un tiers (1) témoin, s’il éprouve comme une marque d’hostilité une attitude trop naturelle ou des propos trop détachés de la part de l’être désiré, c’est qu’il veut fasciner et que le tiers1 observateur ou l’être désiré, s’il est trop libre d’esprit, échappe à la fascination. Ce qu’on cherche à posséder, ce n’est donc pas un corps, mais un corps animé par une conscience.

MERLEAU-PONTY Phénoménologie de la Perception (1945).

(1) tiers : une troisième personne.

2017 S LIBAN NORMALE Avons-nous réellement un inconscient ?

2017 S LIBAN NORMALE Doit-on faire du travail une valeur ?

2017 S LIBAN NORMALE Apollonios (1) disait qu’il appartenait aux esclaves de mentir et aux hommes libres de dire la vérité. C’est la première partie de la vertu, la partie fondamentale. Il faut l’aimer pour elle-même. Celui qui dit vrai parce qu’il y est par ailleurs obligé et parce que cela lui est utile et qui ne craint pas de dire un mensonge quand cela n’a d’importance pour personne n’est pas suffisamment véritable (2). Mon âme, par sa nature, fuit fermement la menterie et en déteste même la pensée. J’ai une honte intérieure et un remords piquant (3) si parfois le mensonge m’échappe (4), comme parfois il m’échappe quand les circonstances me surprennent et me troublent à l’improviste.

Il ne faut pas toujours tout dire, car ce serait une sottise ; mais ce qu’on dit, il faut que ce soit tel qu’on le pense ; autrement, c’est de la perversité. Je ne sais pas quel avantage mes contemporains attendent de la feinte et de la dissimulation continuelle de leurs pensées si ce n’est de n’être pas crus lors même qu’ils disent la vérité ; cela peut tromper une fois ou deux les hommes ; mais proclamer ouvertement que l’on dissimule, et se vanter, comme l’ont fait certains de nos princes, qu’ils jetteraient leur chemise au feu si elle était dans le secret de leurs intentions (...), et dire que si l’on ne sait pas feindre, on ne sait pas régner, c’est avertir ceux qui ont à négocier avec eux qu’il n’y a que tromperie et mensonge dans ce qu’ils leur disent.

MONTAIGNE Essais (1580)

(1) : poète grec du IIIème siècle avant J.C.

(2) : ne dit pas suffisamment la vérité

(3) : vif

(4) : si parfois je mens

2017 ES MÉTROPOLE NORMALE La raison peut-elle rendre raison de tout ?

2017 ES MÉTROPOLE NORMALE Une oeuvre d’art est-elle nécessairement belle ?

2017 ES MÉTROPOLE NORMALE Étant donné [...] qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que, dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme étant le plus profitable. Car si nous prenons la liberté au sens propre de liberté corporelle, c’est-à-dire le fait de ne pas être enchaîné, ni emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de la part des hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas que les lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs), pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses que le souverain, en réglementant les actions des hommes, a passées sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de suite. »

HOBBES Léviathan (1651)

2017 L MÉTROPOLE NORMALE Suffit-il d’observer pour conaître ?

2017 L MÉTROPOLE NORMALE Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ?

2017 L MÉTROPOLE NORMALE Un Auteur célèbre*, calculant les biens et les maux de la vie humaine et comparant les deux sommes, a trouvé que la dernière surpassait l’autre de beaucoup et qu’à tout prendre la vie était pour l’homme un assez mauvais présent. Je ne suis point surpris de sa conclusion ; il a tiré tous ses raisonnements de la constitution de l’homme Civil : s’il fût remonté jusqu’à l’homme Naturel, on peut juger qu’il eût trouvé des résultats très différents, qu’il eût aperçu que l’homme n’a guère de maux que ceux qu’il s’est donnés lui-même, et que la Nature eût été justifiée. Ce n’est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d’un côté l’on considère les immenses travaux des hommes, tant de Sciences approfondies, tant d’arts inventés ; tant de forces employées ; des abîmes comblés, des montagnes rasées, des rochers brisés, des fleuves rendus navigables, des terres défrichées, des lacs creusés, des marais desséchés, des bâtiments énormes élevés sur la terre, la mer couverte de Vaisseaux et de Matelots ; et que de l’autre on recherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l’espèce humaine, on ne peut qu’être frappé de l’étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer l’aveuglement de l’homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de lui-même, le fait courir avec ardeur après toutes les misères dont il est susceptible et que la bienfaisante nature avait pris soin d’écarter de lui.

ROUSSEAU Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755.

* un auteur célèbre : il s’agit de Maupertuis, philosophe et mathématicien (1698-1759).

2017 S MÉTROPOLE NORMALE Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ?

2017 S MÉTROPOLE NORMALE Peut-on se libérer de sa culture ?

2017 S MÉTROPOLE NORMALE À la limite, la vie, c’est ce qui est capable d’erreur. Et c’est peut-être à cette donnée ou plutôt à cette éventualité fondamentale qu’il faut demander compte du fait que la question de l’anomalie traverse de part en part toute la biologie. À elle aussi qu’il faut demander compte des mutations et des processus évolutifs qu’elle induit. À elle qu’il faut demander compte de cette mutation singulière, de cette « erreur héréditaire » qui fait que la vie a abouti avec l’homme à un vivant qui ne se trouve jamais tout à fait à sa place, à un vivant voué à « errer » et destiné finalement à l’« erreur ». Et si on admet que le concept, c’est la réponse que la vie elle-même donne à cet aléa, il faut convenir que l’erreur est à la racine de ce qui fait la pensée humaine et son histoire. L’opposition du vrai et du faux, les valeurs qu’on prête à l’un et à l’autre, les effets de pouvoir que les différentes sociétés et les différentes institutions lient à ce partage, tout cela même n’est peut-être que la réponse la plus tardive à cette possibilité d’erreur intrinsèque (1) à la vie. Si l’histoire des sciences est discontinue, c’est-à-dire si on ne peut l’analyser que comme une série de « corrections », comme une distribution nouvelle du vrai et du faux qui ne libère jamais enfin et pour toujours la vérité, c’est que, là encore, l’ « erreur » constitue non pas l’oubli ou le retard d’une vérité, mais la dimension propre à la vie des hommes et au temps de l’espèce.

FOUCAULT Dits et Ecrits (1978).

1 Intrinsèque : qui provient de la vie elle-même.

2017 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’artiste doit-il répondre aux attentes du public ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE N’échange-t-on que des choses ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE La condition d’un État se détermine aisément par son rapport avec la fin (1) générale de l’État, qui est la paix et la sécurité de la vie. Par conséquent, le meilleur État, c’est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde et où leurs droits ne reçoivent aucune atteinte. Aussi bien, c’est un point certain que les séditions (2), les guerres, le mépris ou la violation des lois doivent être attribués moins à la méchanceté des sujets qu’à la mauvaise organisation du gouvernement. Les hommes, en effet, ne naissent pas citoyens, ils le deviennent. Remarquez, d’ailleurs, que les passions naturelles des hommes sont les mêmes partout. Si donc le mal a plus d’empire (3) dans tel État, s’il s’y commet plus d’actions coupables que dans un autre, cela tient très certainement à ce que cet État n’a pas suffisamment pourvu à la concorde, à ce qu’il n’a pas institué les lois avec assez de prudence, et par suite à ce qu’il n’est pas entré en pleine possession du droit absolu de l’État. En effet, la condition d’une société où les causes de sédition n’ont pas été supprimées, où la guerre est continuellement à craindre, où enfin les lois sont fréquemment violées, diffère peu de la condition naturelle où chacun mène une vie conforme à sa fantaisie et toujours grandement menacée.

SPINOZA Traité politique (1677)

(1) « fin » : le but

(2) « séditions » : soulèvements contre l’autorité de l’État

(3) « empire » : une position dominante

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte, et montrer comment elle est établie.

2. Expliquer :

a) « (...) la fin générale de l’État, qui est la paix et la sécurité de la vie » ;

b) « les hommes (...) ne naissent pas citoyens, ils le deviennent » ;

c) « [l’Etat] n’a pas institué les lois avec assez de prudence ».

3. Est-ce parce que les lois sont mauvaises que les hommes ne les respectent pas ?

2017 TMD MÉTROPOLE NORMALE L’originalité fait-elle l’artiste ?

2017 TMD MÉTROPOLE NORMALE La conscience peut-elle nous cacher ce que nous sommes ?

2017 TMD MÉTROPOLE NORMALE Il est impossible d’être un grand penseur sans reconnaître que son premier devoir est de suivre son intelligence, quelle que soit la conclusion à laquelle elle peut mener. La vérité bénéficie encore plus des erreurs d’un homme qui, après les études et la préparation nécessaires, pense par lui-même, que des opinions vraies de ceux qui les détiennent uniquement parce qu’ils s’interdisent de penser. Non pas que la liberté de penser soit exclusivement nécessaire aux grands penseurs. Au contraire, elle est aussi indispensable – sinon plus indispensable – à l’homme du commun pour lui permettre d’atteindre la stature intellectuelle dont il est capable. Il y a eu, et il y aura encore peut-être, de grands penseurs individuels dans une atmosphère générale d’esclavage intellectuel. Mais il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais dans une telle atmosphère de peuple intellectuellement actif.

John Stuart

MILL De la Liberté (1859)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquez :

a) « [...] son premier devoir est de suivre son intelligence, quelle que soit la conclusion à laquelle elle peut mener ». l. 1 - 3

b) « La vérité bénéficie encore plus des erreurs d’un homme qui, après les études et la préparation nécessaires, pense par lui-même, que des opinions vraies de ceux qui les détiennent uniquement parce qu’ils s’interdisent de penser ». l. 3 - 5

c) « [...] elle est aussi indispensable – sinon plus indispensable – à l’homme du commun pour lui permettre d’atteindre la stature intellectuelle dont il est capable ». l. 7 - 8

3. La liberté de penser est-elle indispensable à chacun ?

2017 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Sommes-nous faits pour être heureux ?

2017 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Interpréter, est-ce découvrir ou inventer ?

2017 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il existe un préjugé très répandu, d’après lequel l’art aurait débuté par le simple et le naturel. Ceci peut être vrai dans une certaine mesure, car, par rapport à l’art, le grossier et le sauvage constituent le plus simple et le plus naturel. Mais le naturel, le vivant et le simple, tels que les conçoit l’art, est tout autre chose. Les débuts simples et naturels, au sens du grossier et du sauvage, n’ont rien à voir avec l’art et la beauté, comme n’ont rien d’artistique les figures simples dessinées par les enfants, par exemple, qui, avec quelques traits informes, tracent une figure humaine, un cheval, etc. La beauté, en tant qu’œuvre d’art, a besoin, dès ses débuts, d’une technique élaborée, exige de nombreux essais et un long exercice, et le simple, en tant que simplicité du beau, la grandeur idéale, est plutôt un résultat obtenu après de nombreuses médiations qui avaient pour but d’éliminer la variété, les exagérations, les confusions, le malaisé, sans que cette victoire se ressente des travaux préliminaires, du travail de préparation et d’élaboration, de façon que la beauté surgisse dans toute sa liberté, apparaisse comme faite d’une seule coulée. Il en est ici comme de la conduite d’un homme cultivé qui, dans tout ce qu’il dit et fait, se montre tout à fait simple, libre et naturel, alors que cette simplicité et cette liberté ne sont pas des choses qu’il a possédées de tout temps, mais sont le résultat d’un long travail sur soi-même. »

HEGEL Esthétique (1835)

2017 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on aimer travailler ?

2017 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT La justice n’est-elle qu’un idéal ?

2017 L MÉTROPOLE REMPLACEMENT La majorité des grands hommes des générations passées a soutenu maintes opinions aujourd’hui tenues pour erronées et fait et approuvé nombre de choses que nul ne justifie plus aujourd’hui. Comment se fait-il alors qu’il y ait globalement prépondérance d’opinions et de conduites rationnelles dans l’humanité ? Si prépondérance il y a ̶ et sans elle, les affaires humaines seraient et eussent toujours été dans un état presque désespéré ̶ elle le doit à une qualité de l’esprit humain, à la source de tout ce qu’il y a de respectable en l’homme en tant qu’être intellectuel et moral, à sa voir que ses erreurs sont rectifiables. Par la discussion et l’expérience ̶ mais non par la seule expérience ̶ il est capable de corriger ses erreurs : la discussion est nécessaire pour montrer comment interpréter l’expérience. Fausses opinions et fausses pratiques cèdent graduellement devant le fait et l’argument ; mais pour produire quelque effet sur l’esprit, ces faits et arguments doivent lui être présentés. Rares sont les faits qui parlent d’eux-mêmes, sans commentaire qui fasse ressortir leur signification. Ainsi, toute la force et la valeur du jugement humain dépendant de cette unique propriété qu’il peut être rectifié quand il est faux, on peut placer sa confiance en lui seulement lorsque les moyens de l’établir correctement sont constamment gardés à portée de main.

MILL De la liberté (1859)

2017 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Est-ce la faiblesse qui nous pousse à vivre en société ?

2017 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être méchant et heureux ?

2017 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Il est désormais évident, du point de vue vraiment scientifique, que toute observation isolée, entièrement empirique, est essentiellement oiseuse (1) , et même radicalement incertaine ; la science ne saurait employer que celles qui se rattachent, au moins hypothétiquement, à une loi quelconque ; c’est une telle liaison qui constitue la principale différence caractéristique entre les observations des savants et celles du vulgaire (2) , qui cependant embrassent essentiellement les mêmes faits, avec la seule distinction des points de vue ; les observations autrement conduites ne peuvent servir tout au plus qu’à titre de matériaux provisoires, exigeant même le plus souvent une indispensable révision ultérieure. Une telle prescription logique doit, par sa nature, devenir d’autant plus irrésistible qu’il s’agit de phénomènes plus compliqués, où, sans la lumineuse indication d’une théorie préalable, d’ailleurs plus efficace quand elle est plus réelle, l’observateur ne saurait même le plus souvent ce qu’il doit regarder dans le fait qui s’accomplit sous ses yeux ; c’est alors par la liaison des faits précédents qu’on apprend vraiment à voir les faits suivants.

COMTE Cours de philosophie positive (1839)

(1) "oiseuse" : inutile, qui ne mène à rien.

(2) "vulgaire" : les gens ordinaires.

2017 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’art sert-il à quelue chose ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT La raison est-elle plus fiable que l’expérience ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Tous ces coureurs se donnent bien de la peine. Tous ces joueurs de ballon se donnent bien de la peine. Tous ces boxeurs se donnent bien de la peine. On lit partout que les hommes cherchent le plaisir ; mais cela n’est pas évident ; il semble plutôt qu’ils cherchent la peine et qu’ils aiment la peine. Le vieux Diogène (1) disait : « Ce qu’il y a de meilleur, c’est la peine. » On dira là-dessus qu’ils trouvent tous le plaisir dans cette peine qu’ils cherchent ; mais c’est jouer sur les mots ; c’est bonheur et non plaisir qu’il faudrait dire ; et ce sont deux choses très différentes, aussi différentes que l’esclavage et la liberté.

On veut agir, on ne veut pas subir. Tous ces hommes qui se donnent tant de peine n’aiment sans doute pas le travail forcé ; personne n’aime le travail forcé ; personne n’aime les maux qui tombent ; personne n’aime sentir la nécessité. Mais aussitôt que je me donne librement de la peine, me voilà content. J’écris ces propos. « Voilà bien de la peine », dira quelque écrivain qui vit de sa plume ; seulement personne ne m’y force ; et ce travail voulu est un plaisir, ou un bonheur, pour mieux parler. Le boxeur n’aime pas les coups qui viennent le trouver ; mais il aime ceux qu’il va chercher.

ALAIN Propos (1911)

1 Diogène : philosophe grec de l’Antiquité.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquer :

a) « Ce qu’il y a de meilleur, c’est la peine » ;

b) « et ce sont deux choses très différentes, aussi différentes que l’esclavage et la liberté » ;

c) « Le boxeur n’aime pas les coups qui viennent le trouver ; mais il aime ceux qu’il va chercher ».

3. Un bonheur sans peine est-il possible ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE SECOURS Y a-t-il un mauvais usage de la raison ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE SECOURS Pour trouver le bonheur, faut-il le chercher ?

2017 TECHN. MÉTROPOLE SECOURS On voit à quoi se réduirait l’homme, si l’on en retirait tout ce qu’il tient de la société : il tomberait au rang de l’animal. S’il a pu dépasser le stade auquel les animaux se sont arrêtés, c’est d’abord qu’il n’est pas réduit au seul fruit de ses efforts personnels, mais coopère régulièrement avec ses semblables ; ce qui renforce le rendement de l’activité de chacun. C’est ensuite et surtout que les produits du travail d’une génération ne sont pas perdus pour celle qui suit. De ce qu’un animal a pu apprendre au cours de son existence individuelle, presque rien ne peut lui survivre. Au contraire, les résultats de l’expérience humaine se conservent presque intégralement et jusque dans le détail, grâce aux livres, aux monuments figurés, aux outils, aux instruments de toute sorte qui se transmettent de génération en génération, à la tradition orale, etc. Le sol de la nature se recouvre ainsi d’une riche alluvion (1) qui va sans cesse en croissant. Au lieu de se dissiper toutes les fois qu’une génération s’éteint et est remplacée par une autre, la sagesse humaine s’accumule sans terme, et c’est cette accumulation indéfinie qui élève l’homme au-dessus de la bête et au-dessus de lui-même. Mais, tout comme la coopération dont il était d’abord question, cette accumulation n’est possible que dans et par la société.

DURKHEIM Education et sociologie (1922)

(1) « alluvion » (nom féminin) : mélange de matières minérales et végétales accumulées et portées par

les cours d’eau, riches en nutriments variés.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes de sa construction. 2. Expliquer :

a) « il n’est pas réduit au seul fruit de ses efforts personnels » ;

b) « la sagesse humaine s’accumule sans terme » ;

c) « c’est cette accumulation indéfinie qui élève l’homme au-dessus de la bête et au-dessus de lui-même ».

3. La vie au sein de la société est-elle toujours facteur de progrès ?

2017 ES POLYNÉSIE NORMALE N’y a-t-il de vérité que dans les sciences ?

2017 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on travailler pour rien ?

2017 ES POLYNÉSIE NORMALE Les affections sociales ne se développent en nous qu’avec nos lumières. La pitié, bien que naturelle au cœur de l’homme resterait éternellement inactive sans l’imagination qui la met en jeu. Comment nous laissons-nous émouvoir à la pitié ? En nous transportant hors de nous-mêmes ; en nous identifiant avec l’être souffrant. Nous ne souffrons qu’autant que nous jugeons qu’il souffre ; ce n’est pas dans nous, c’est dans lui que nous souffrons. Qu’on songe combien ce transport suppose de connaissances acquises ! Comment imaginerais-je des maux dont je n’ai nulle idée ? Comment souffrirais-je en voyant souffrir un autre si je ne sais pas même qu’il souffre, si j’ignore ce qu’il y a de commun entre lui et moi ? Celui qui n’a jamais réfléchi ne peut être ni clément ni juste ni pitoyable ; il ne peut pas non plus être méchant et vindicatif. Celui qui n’imagine rien ne sent que lui-même ; il est seul au milieu du genre humain.

ROUSSEAU Essai sur l’origine des langues (1781)

2017 L POLYNÉSIE NORMALE Suis-je le mieux placé pour me connaître ?

2017 L POLYNÉSIE NORMALE Peut-on être moral par intérêt ?

2017 L POLYNÉSIE NORMALE Les sens, quoique nécessaires pour toutes nos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les donner toutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c’est-à-dire des vérités particulières ou individuelles. Or tous les exemples qui confirment une vérité générale, de quelque nombre qu’ils soient, ne suffisent pas pour établir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit pas que ce qui est arrivé arrivera toujours de même. Par exemple, les Grecs et Romains et tous les autres peuples de la terre ont toujours remarqué qu’avant le décours (1) de 24 heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour. Mais on se serait trompé, si l’on avait cru que la même règle s’observe partout, puisque on a vu le contraire dans le séjour de Nova Zembla (2). Et celui-là se tromperait encore qui croirait que c’est dans nos climats au moins une vérité nécessaire et éternelle, puisqu’on doit juger que la terre et le soleil même n’existent pas nécessairement, et qu’il y aura peut-être un temps où ce bel astre ne sera plus, au moins dans sa présente forme, ni tout son système. D’où il paraît que les vérités nécessaires, telles qu’on les trouve dans les mathématiques pures et particulièrement dans l’arithmétique et dans la géométrie, doivent avoir des principes dont la preuve ne dépende point des exemples, ni par conséquence du témoignage des sens.

LEIBNIZ Nouveaux essais sur l’entendement humain, 1704.

1. Le décours : l’écoulement.

2. Nova Zembla : archipel de l’océan glacial arctique.

2017 S POLYNÉSIE NORMALE Faut-il préférer la connaissance à la croyance ?

2017 S POLYNÉSIE NORMALE L’homme est-il un être vivant comme les autres ?

2017 S POLYNÉSIE NORMALE Il ne suffit pas que le peuple ait du pain et vive dans sa condition ; il faut qu’il y vive agréablement, afin qu’il en remplisse mieux les devoirs, qu’il se tourmente moins pour en sortir, et que l’ordre public soit mieux établi. Les bonnes mœurs tiennent plus qu’on ne pense à ce que chacun se plaise dans son état. Le manège (1) et l’esprit d’intrigue (2) viennent d’inquiétude et de mécontentement ; tout va mal quand l’un aspire à l’emploi d’un autre ; il faut aimer son métier pour le bien faire ; l’assiette (3) de l’État n’est bonne et solide que quand, tous se sentant à leur place, les forces particulières se réunissent et concourent au bien public, au lieu de s’user l’une contre l’autre, comme elles font dans tout État mal constitué. Cela posé, que doit-on penser de ceux qui voudraient ôter au peuple les fêtes, les plaisirs, et toute espèce d’amusement, comme autant de distractions qui le détournent de son travail ? Cette maxime est barbare et fausse. Tant pis, si le peuple n’a de temps que pour gagner son pain, il lui en faut encore pour le manger avec joie, autrement il ne le gagnera pas longtemps. Ce Dieu juste et bienfaisant, qui veut qu’il s’occupe, veut aussi qu’il se délasse, la nature lui impose également l’exercice et le repos, le plaisir et la peine. Le dégoût du travail accable plus les malheureux que le travail même. Voulez-vous donc rendre un peuple actif et laborieux ? Donnez-lui des fêtes ; offrez-lui des amusements qui lui fassent aimer son état, et l’empêchent d’en envier un plus doux. Des jours ainsi perdus feront mieux valoir tous les autres.

ROUSSEAU Lettre à d’Alembert.

(1) Le manège : les manoeuvres

(2) Intrigue : machination, complot

’3) L’assiette : la base

2017 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Le bonheur n’est-il qu’un idéal ?

2017 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE L’art s’apprend-il ?

2017 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE On comprend bien qu’il n’y a pas de droit sans limites ; cela n’est pas possible, à moins que l’on ne se place dans l’état de liberté et de guerre, où l’on peut bien dire que l’on se donne tous les droits, mais où, aussi, l’on ne possède que ceux que l’on peut maintenir par sa propre force. Mais dès que l’on fait société avec d’autres, les droits des uns et des autres forment un système équilibré ; il n’est pas dit du tout que tous auront tous les droits possibles ; il est dit seulement que tous auront les mêmes droits ; et c’est cette égalité des droits qui est sans doute la forme de la justice ; car les circonstances ne permettent jamais d’établir un droit tout à fait sans restriction ; par exemple il n’est pas dit qu’on ne barrera pas une rue dans l’intérêt commun ; la justice exige seulement que la rue soit barrée aux mêmes conditions pour tout le monde. Donc je conçois bien que l’on revendique comme citoyen, et avec toute l’énergie que l’on voudra y mettre, un droit dont on voit que les autres citoyens ont la jouissance. Mais vouloir un droit sans limites, cela sonne mal.

ALAIN Propos sur les pouvoirs, éléments d’une doctrine radicale (1925)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2. a) Expliquez pourquoi « dans l’état de liberté et de guerre », « on ne possède que [les droits] que l’on peut maintenir par sa propre force. »

b) Expliquez pourquoi en société on ne peut donner à tous « tous les droits possibles ».

c) En analysant l’exemple, expliquez à quelles conditions on peut restreindre un droit sans être injuste.

3. Donner les mêmes droits à tous, est-ce cela, la justice ?

2018 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La technique n’est-elle qu’un moyen ?

2018 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Les faits existent-ils indépendamment de toute interprétation ?

2018 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Je ne pense pas que la justice soit si différente du cercle, de l’ellipse, et des vérités de ce genre. Car il est vrai qu’il y a une justice, et chacun la reconnaîtra en ces deux frères partageant l’héritage. L’un d’eux dit à l’autre : « Tu fais les parts, et moi je choisirai le premier ; ou bien je fais les parts, et tu choisis. » Il n’y a rien à dire contre ce procédé ingénieux, si ce n’est que les parts ne seront jamais égales, et qu’elles devraient l’être ; et on trouvera aussi à dire que les deux frères ne seront jamais égaux, mais qu’ils devraient l’être. L’utopie cherche l’égalité des hommes et l’égalité des parts ; choses qui ne sont pas plus dans la nature que n’y est le cercle. Mais l’utopiste sait très bien ce qu’il voudrait ; et j’ajoute que si on ne veut pas cela, sous le nom de justice, on ne veut plus rien du tout, parce qu’on ne pense plus rien du tout. Par exemple un contrat injuste n’est pas du tout un contrat. Un homme rusé s’est assuré qu’un champ galeux recouvre du kaolin (1) ; il acquiert ce champ contre un bon pré ; ce n’est pas un échange. Il y a inégalité flagrante entre les choses ; inégalité aussi entre les hommes, car l’un des deux ignore ce qui importe, et l’autre le sait. Je cite ce contrat, qui n’est pas un contrat, parce qu’il est de ceux qu’un juge réforme (2). Mais comment le réforme-t-il, sinon en le comparant à un modèle de contrat, qui est dans son esprit, et dans l’esprit de tous ? Est-ce que l’idée ne sert pas, alors, à mesurer de combien l’événement s’en écarte ? Comme un cercle imparfait n’est tel que par le cercle parfait, ainsi le contrat imparfait n’est tel que par le contrat parfait.

ALAIN Propos, 1932.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

1 kaolin : argile précieuse.

2 réforme : ici, invalide, rejette.

2018 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE L’homme politique doit-il être efficace à tout prix ?

2018 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Sommes-nous condamnés à subir le temps ?

2018 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Nous ne vivons pas d’abord dans la conscience de nous-même – ni même d’ailleurs dans la conscience des choses – mais dans l’expérience d’autrui. Jamais nous ne nous sentons exister qu’après avoir déjà pris contact avec les autres, et notre réflexion est toujours un retour à nous-même, qui doit d’ailleurs beaucoup à notre fréquentation d’autrui. Un nourrisson de quelques mois est déjà fort habile à distinguer la bienveillance, la colère, la peur sur le visage d’autrui, à un moment où il ne saurait avoir appris par l’examen de son propre corps les signes physiques de ces émotions. C’est donc que le corps d’autrui, dans ses diverses gesticulations, lui apparaît investi d’emblée d’une signification émotionnelle, c’est donc qu’il apprend à connaître l’esprit tout autant comme comportement visible que dans l’intimité de son propre esprit. Et l’adulte lui-même découvre dans sa propre vie ce que sa culture, l’enseignement, les livres, la tradition lui ont appris à y voir. Le contact de nous- même avec nous-même se fait toujours à travers une culture, au moins à travers un langage que nous avons reçu du dehors et qui nous oriente dans la connaissance de nous-même. Si bien qu’enfin le pur soi, l’esprit, sans instruments et sans histoire, s’il est bien comme une instance critique que nous opposons à la pure et simple intrusion des idées qui nous sont suggérées par le milieu, ne s’accomplit en liberté effective que par l’instrument du langage et en participant à la vie du monde.

MERLEAU-PONTY Causeries (1948)

2018 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Avons-nous besoin de l’art pour nous faire une idée du beau ?

2018 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Est-ce le corps qui produit la pensée ?

2018 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE On dit volontiers : ma volonté a été déterminée par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d’emblée que je me suis ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n’a pas été seulement passif ; Il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c’est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n’est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de cause et ma volonté n’est pas l’effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s’ensuive nécessairement. Mais, en tant qu’être de réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l’homme allègue(1) qu’il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l’état d’être non-libre ou naturel, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d’un autre ni l’effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n’ont jamais sur les hommes que le pouvoir qu’il leur accorde lui-même.

HEGEL Propédeutique philosophique (1811)

(1) allègue : prétend

2018 ES ANTILLES NORMALE Vit-on en société par intérêt ?

2018 ES ANTILLES NORMALE Pourquoi cherche-t-on à démontrer ?

2018 ES ANTILLES NORMALE Toutes les fois qu’un homme d’une manière ou d’une autre se trouve déconcerté, tombe à terre sous les coups d’un malheur ou se met en colère ou encore faillit, il démontre précisément par là qu’il trouve les choses différentes de ce qu’il attendait, par suite qu’il s’était induit en erreur, qu’il ne connaissait ni la vie ni le monde et ne savait pas combien la nature inanimée, par hasard, la nature animée, parce qu’elle a des buts opposés mais aussi par méchanceté, se met en travers de la volonté de chacun à chacun de ses pas : soit il n’a pas fait usage de sa raison pour arriver à un savoir général de cette constitution de la vie, soit il manque de jugement s’il ne reconnaît dans le singulier ce qu’il connaît dans le général et est alors pris au dépourvu et est déconcerté. Aussi toute joie vive est-elle une erreur, une illusion parce qu’aucun souhait comblé ne peut apporter de satisfaction durable et aussi parce que toute possession et tout bonheur ne nous sont jamais accordés que par le hasard, pour un temps indéterminé et, par conséquent, peuvent être de nouveau réclamés dans l’heure qui suit. Mais toute douleur repose sur l’évanouissement de cette illusion. Tous deux donc proviennent d’une connaissance erronée : aussi la joie comme la douleur restent- elles toujours étrangères au sage.

SCHOPENHAUER Le monde comme volonté et comme représentation

2018 L ANTILLES NORMALE Que gagne-t-on à se cultiver ?

2018 L ANTILLES NORMALE Que gagne-t-on à se cultiver ?

2018 L ANTILLES NORMALE Les sociétés subissent-elles leur histoire ?

2018 L ANTILLES NORMALE Les sociétés subissent-elles leur histoire ?

2018 L ANTILLES NORMALE C’est à travers ses actions, et non dans la jouissance, que l’homme ressent sa vie. Plus nous sommes occupés, plus ce sentiment est fort, et plus nous sommes conscients de notre vie. Dans l’oisiveté, nous ressentons au contraire la fugacité de la vie ; plus encore, nous avons l’impression de ne pas être vivants. L’activité contribue donc à l’entretien de notre vie. Le temps, lorsqu’il est vide, nous déplaît. Qu’est-ce qui cependant rend le temps agréable à nos yeux ? Les jouissances de la vie ne remplissent pas le temps, mais le laissent vide, et devant ce vide l’esprit humain éprouve de l’aversion, de la morosité et du dégoût. Le moment présent peut sans doute nous paraître rempli, mais si nous ne l’occupons qu’avec des jeux, etc., cette apparence de plénitude ne dure pas plus longtemps que le moment présent lui-même ; à notre souvenir, ce moment semble vide. Celui qui n’a rien fait d’autre dans la vie que de gaspiller son temps et qui jette un regard en arrière sur son existence, est toujours surpris de voir qu’il est si rapidement parvenu à la fin de ses jours ; il se demande comment cela se peut, car il n’a rien accompli. Seules nos actions remplissent le temps. Ce n’est que dans nos occupations que nous nous sentons vivre, alors que la jouissance, elle, nous laisse une impression d’insuffisance, car la vie est essentiellement la faculté de l’activité spontanée et le sentiment de toutes nos forces humaines. L’occupation est ce qui éveille la conscience de nos forces ; plus nous sentons celles-ci, plus nous sentons que nous sommes vivants.

KANT Leçons d’éthique

2018 L ANTILLES NORMALE C’est à travers ses actions, et non dans la jouissance, que l’homme ressent sa vie. Plus nous sommes occupés, plus ce sentiment est fort, et plus nous sommes conscients de notre vie. Dans l’oisiveté, nous ressentons au contraire la fugacité de la vie ; plus encore, nous avons l’impression de ne pas être vivants. L’activité contribue donc à l’entretien de notre vie. Le temps, lorsqu’il est vide, nous déplaît. Qu’est-ce qui cependant rend le temps agréable à nos yeux ? Les jouissances de la vie ne remplissent pas le temps, mais le laissent vide, et devant ce vide l’esprit humain éprouve de l’aversion, de la morosité et du dégoût. Le moment présent peut sans doute nous paraître rempli, mais si nous ne l’occupons qu’avec des jeux, etc., cette apparence de plénitude ne dure pas plus longtemps que le moment présent lui-même ; à notre souvenir, ce moment semble vide. Celui qui n’a rien fait d’autre dans la vie que de gaspiller son temps et qui jette un regard en arrière sur son existence, est toujours surpris de voir qu’il est si rapidement parvenu à la fin de ses jours ; il se demande comment cela se peut, car il n’a rien accompli. Seules nos actions remplissent le temps. Ce n’est que dans nos occupations que nous nous sentons vivre, alors que la jouissance, elle, nous laisse une impression d’insuffisance, car la vie est essentiellement la faculté de l’activité spontanée et le sentiment de toutes nos forces humaines. L’occupation est ce qui éveille la conscience de nos forces ; plus nous sentons celles-ci, plus nous sentons que nous sommes vivants.

KANT Leçons d’éthique

2018 S ANTILLES NORMALE Un artiste peut-il tout se permettre ?

2018 S ANTILLES NORMALE Le droit satisfait-il notre besoin de justice ?

2018 S ANTILLES NORMALE La recherche des lois causales [...] est l’essence de la science ; par suite, dans un sens purement pratique, l’homme de science doit toujours admettre le déterminisme comme hypothèse de travail. Mais il n’est pas tenu d’affirmer qu’il existe des lois causales, sauf quand il les a effectivement découvertes : ce serait même imprudent de sa part. Mais il serait plus imprudent encore d’affirmer positivement qu’il connaît un domaine où les lois causales n’agissent pas. Cette assertion serait imprudente à la fois théoriquement et pratiquement : théoriquement, parce que nos connaissances ne pourront jamais devenir suffisantes pour justifier une telle assertion ; pratiquement, parce que la croyance à l’inexistence des lois causales dans un certain domaine décourage la recherche, et peut empêcher la découverte de ces lois. Cette double imprudence me paraît être le fait, aussi bien de ceux qui affirment que les modifications des atomes ne sont pas entièrement déterministes, que de ceux qui affirment dogmatiquement l’existence du libre arbitre. En face de ces dogmatismes opposés, la science doit rester purement empirique, et ne rien affirmer ou nier au-delà de ce qui est démontré par des preuves.

Bertrand

RUSSELL Science et religion (1935)

2018 TECHN. ANTILLES NORMALE La technique rend-elle plus humain ?

2018 TECHN. ANTILLES NORMALE La technique nous est-elle plus nécessaire que l’art ?

2018 TECHN. ANTILLES NORMALE Le bonheur peut-il être durable ?

2018 TECHN. ANTILLES NORMALE Suffit-il d’être expérimenté pour être savant ?

2018 TECHN. ANTILLES NORMALE Il arrive qu’on désire connaître le résultat d’une action : on pense alors à quelque action semblable du passé, et, l’un après l’autre, aux résultats de celle-ci, en supposant que des résultats semblables suivront des actions semblables. Ainsi celui qui considère par avance ce qu’il adviendra d’un criminel repasse mentalement ce qu’il a vu, auparavant, succéder à un tel crime. Ses pensées suivent l’ordre suivant : le crime, l’agent de police, le juge, le gibet (1). Cette espèce de pensées est appelée vue anticipée, prudence, prescience, et quelquefois sagesse, quoiqu’une telle conjecture (2) soit fort trompeuse, parce qu’il est difficile de prendre garde à toutes les circonstances. Ceci du moins est certain : autant un homme l’emporte sur un autre par l’expérience des choses passées, d’autant est-il plus prudent et moins fréquemment trompé dans son attente. Dans la nature, seul le présent existe ; les choses passées n’existent que dans le souvenir, et quant aux choses à venir elles n’ont pas d’existence du tout, l’avenir n’étant qu’une fiction mentale qui consiste à attribuer aux actions présentes les suites des actions passées. C’est celui qui a le plus d’expérience qui accomplit cela avec le plus de certitude, mais pas avec une pleine certitude. Et quoiqu’on parle de prudence, quand le résultat répond à l’attente, ce n’est de soi qu’une présomption (3).

HOBBES Léviathan (1651)

(1) instrument de supplice pour les condamnés à la pendaison

(2) hypothèse

(3) supposition

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2. Expliquer :

a) « en supposant que des résultats semblables suivront des actions semblables » ;

b) « dans la nature, seul le présent existe » ;

c) « c’est celui qui a le plus d’expérience qui accomplit cela avec le plus de certitude, mais pas une pleine certitude. ».

3. L’expérience est-elle source de connaissance ?

2018 TECHN. ANTILLES NORMALE Il convient de travailler à l’élimination de maux concrets et non pour mettre en œuvre un bien abstrait. Il ne faut pas chercher à instaurer le bonheur par des moyens politiques, mais au contraire à supprimer des maux bien réels. Ou encore, plus concrètement : il s’agit de combattre la pauvreté par des moyens directs en s’assurant, par exemple, que tous disposent d’un minimum de revenus, de lutter contre les épidémies et la maladie en créant des hôpitaux et des facultés de médecine, de combattre l’analphabétisme comme on lutte contre la criminalité. L’essentiel est d’employer des moyens directs. Il suffit de déterminer quel est le mal qui affecte le plus gravement la société et de s’efforcer patiemment de montrer à autrui la possibilité de l’éliminer. Mais il ne faut pas chercher à réaliser ces objectifs par des voies indirectes en définissant l’idéal lointain d’une société entièrement bonne et en s’attachant à mettre cet idéal en œuvre. Quelle que soit la force du sentiment d’obligation que cette vision nous inspire, il n’y a pas lieu de se sentir requis de lui donner corps ou de s’imaginer investi de la mission d’en faire découvrir à autrui toute la beauté. Il ne faut pas que cette vision imaginaire d’un monde merveilleux nous fasse négliger les revendications d’individus qui souffrent hic et nunc(1). Nos semblables sont fondés à attendre de nous un secours. Aucune génération ne doit être sacrifiée au nom des générations à venir et d’un idéal de bonheur qu’on risque de ne jamais atteindre. Je considère, en résumé, que l’allègement des maux dont souffrent les hommes est le problème qui se pose avec le plus d’acuité à une politique sociale rationnelle et que la question du bonheur est d’un autre ordre. Laissons au domaine privé cette recherche du bonheur.

POPPER Conjectures et réfutations (1963)

(1) « Hic et nunc » : formule latine signifiant « ici et maintenant ».

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.

[A]1. Popper distingue des « maux concrets » et un « bien abstrait » : de quoi s’agit-il ? Expliquez cette distinction.

2. Que veut dire Popper lorsqu’il oppose des « moyens directs » et des « voies indirectes » ? Illustrez votre réponse à l’aide des exemples du texte.

3. Expliquez la phrase : « Aucune génération ne doit être sacrifiée au nom des générations à venir et d’un idéal de bonheur qu’on risque de ne jamais atteindre ».

4. Qu’est-ce que le « domaine privé » ?

Qu’est-cequele« domaineprivé » ?

[B] 1. Comment caractériser "une politique sociale rationnelle" ? à quoi s’oppose-t-elle ?

2. En vous aidant des éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte et ses étapes principales.

[C]1. Pour quelles raisons la mise en œuvre politique d’un « monde merveilleux » pourrait-elle se révéler catastrophique ?

2. À la lumière de vos connaissances, de votre expérience et de vos lectures, et en tenant compte du texte de Popper, répondez à la question de savoir s’il est légitime de différencier le souci de soulager les maux des individus et celui de leur apporter le bonheur. Vous envisagerez les principes sur lesquels peut reposer une telle distinction, mais également ses conséquences, sur le plan individuel, social ou politique.

2018 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on penser sans sentir ?

2018 ES ANTILLES REMPLACEMENT Se conformer à la loi, est-ce agir par devoir ?

2018 ES ANTILLES REMPLACEMENT Les époques des plus douces jouissances et des plaisirs les plus vifs ne sont pourtant pas celles dont le souvenir m’attire et me touche le plus. Ces courts moments de délire et de passion, quelques vifs qu’ils puissent être, ne sont cependant, et par leur vivacité même, que des points bien clairsemés dans la ligne de la vie. Ils sont trop rares et trop rapides pour constituer un état, et le bonheur que mon cœur regrette n’est point composé d’instants fugitifs mais est un état simple et permanent, qui n’a rien de vif en lui-même, mais dont la durée accroît le charme au point d’y trouver enfin la suprême félicité.

Tout est dans un flux continuel sur la terre. Rien n’y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections qui s’attachent aux choses extérieures passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous, elles rappellent le passé qui n’est plus ou préviennent l’avenir qui souvent ne doit point être : il n’y a rien là de solide à quoi le cœur se puisse attacher. Aussi n’a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure je doute qu’il y soit connu. À peine est-il dans nos plus vives jouissances un instant où le cœur puisse véritablement nous dire : Je voudrais que cet instant durât toujours ; et comment peut-on appeler bonheur un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet et vide, qui nous fait regretter quelque chose avant, ou désirer encore quelque chose après ?

ROUSSEAU Les Rêveries du promeneur solitaire (1782)

2018 L ANTILLES REMPLACEMENT L’Etat doit-il mettre fin aux injustices ?

2018 L ANTILLES REMPLACEMENT La matière est-elle un obstacle à l’expression de l’esprit ?

2018 L ANTILLES REMPLACEMENT Juger des discours des hommes par les effets qu’ils produisent, c’est souvent mal les apprécier. Outre que ces effets ne sont pas toujours sensibles et faciles à connaître, ils varient à l’infini comme les circonstances dans lesquelles ces discours sont tenus. Mais c’est uniquement l’intention de celui qui les tient qui les apprécie et détermine leur degré de malice ou de bonté. Dire faux n’est mentir que par l’intention de tromper, et l’intention même de tromper, loin d’être toujours jointe avec celle de nuire, a quelquefois un but tout contraire. Mais pour rendre un mensonge innocent il ne suffit pas que l’intention de nuire ne soit pas expresse, il faut de plus la certitude que l’erreur dans laquelle on jette ceux à qui l’on parle ne peut nuire à eux ni à personne en quelque façon que ce soit. Il est rare et difficile qu’on puisse avoir cette certitude ; aussi est-il difficile et rare qu’un mensonge soit parfaitement innocent. Mentir pour son avantage à soi-même est imposture, mentir pour l’avantage d’autrui est fraude, mentir pour nuire est calomnie ; c’est la pire espèce de mensonge. Mentir sans profit ni préjudice de soi ni d’autrui n’est pas mentir : ce n‘est pas mensonge, c’est fiction.

ROUSSEAU Les Rêveries du promeneur solitaire (1782)

2018 S ANTILLES REMPLACEMENT Faut-il renoncer à l’idéal du progrès technique ?

2018 S ANTILLES REMPLACEMENT La fonction de l’État est-elle de nous protéger ?

2018 S ANTILLES REMPLACEMENT Supposons que j’aie totalement perdu la mémoire de certaines parties de mon existence, ainsi que toute possibilité de les retrouver, en sorte que peut-être je n’en serai plus jamais conscient, ne suis-je pas cependant toujours la personne qui a commis ces actes, eu ces pensées dont une fois j’ai eu conscience, même si je les ai maintenant oubliées ? À quoi je réponds que nous devons ici faire attention à quoi nous appliquons le mot « je ». Or dans ce cas il ne s’agit que de l’homme. Si l’on présume que le même homme est la même personne, on suppose aussi facilement que « je » représente aussi la même personne. Mais s’il est possible que le même homme ait différentes consciences sans rien qui leur soit commun à différents moments, on ne saurait douter que le même homme à différents moments ne fasse différentes personnes. Ce qui, nous le voyons bien, est le sentiment de toute l’humanité dans ses déclarations les plus solennelles, puisque les lois humaines ne punissent pas le fou pour les actes accomplis par l’homme dans son bon sens, ni l’homme dans son bon sens pour ce qu’a fait le fou, les considérant ainsi comme deux personnes distinctes. Ce qu’explique assez bien notre façon de parler lorsque nous disons qu’un tel « n’est pas lui-même », ou qu’il est « hors de soi », phrases qui suggèrent que le soi a été transformé, que la même personne qui est soi n’était plus là dans cet homme, comme si c’était bel et bien ce que pensaient ceux qui usent de ces tours, ou du moins ceux qui ont été les premiers à en user.

John

LOCKE Essai philosophique concernant l’entendement humain (1690)

2018 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT La vérité peut-elle être dangereuse ?

2018 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on reprocher à l’art d’être inutile ?

Peut-on reprocher à l’art d’être inutile ?

2018 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT La puissance souveraine ne se trouve donc que dans la réunion des forces prépondérantes. Elle ne consiste même qu’en cela. Comme elle n’est puissance, que parce qu’elle est une force comparée à une autre force ; elle n’est puissance souveraine, que parce qu’elle est une force prépondérante à toutes.

Cette puissance, dira-t-on, fait donc violence aux uns pour assurer la liberté des autres. Sans doute, et la chose ne peut pas être autrement. Si la licence (1) régnait, il n’y aurait point de liberté ; puisque la licence de tous nuirait à la liberté de tous. Pour assurer la liberté, il faut donc mettre un frein à la licence. Voilà ce que fait la puissance souveraine ou prépondérante ; et le gouvernement est libre, lorsqu’elle n’emploie la violence que contre ceux qui veulent abuser de leur liberté : c’est-à-dire, que le gouvernement est libre, lorsque les lois règlent l’usage de la puissance souveraine, et en bannissent tout arbitraire.

CONDILLAC Cours d’étude pour l’instruction du Prince de Parme (1775)

(1) Faire tout ce qui nous plaît

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « Cette puissance (...) fait donc violence aux uns pour assurer la liberté des autres. » ;

b) « Si la licence régnait, il n’y aurait point de liberté. » ;

c) « Le gouvernement est libre, lorsque les lois règlent l’usage de la puissance

souveraine, et en bannit tout arbitraire. ».

3. Les lois sont-elles la condition de la liberté ?

2018 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Le respect de la morale est-il une preuve de liberté ?

2018 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Y a-t-il un sens à débattre de la vérité ?

2018 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Quand une œuvre s’adresse au public, même si j’ai de l’amitié ou de l’inimitié1 pour l’auteur, je dois me détacher de cette situation, et, me considérant simplement comme un homme en général, oublier, si possible, mon être singulier et les circonstances qui me sont particulières. Un homme qui est sous l’empire du préjugé ne se soumet pas à cette condition, mais garde avec obstination sa position naturelle, sans se placer à ce point de vue précis que l’œuvre demande. À supposer que celle-ci soit destinée à des personnes d’une époque ou d’une nation différente, il ne tient aucun compte des conceptions et des préjugés qui leur sont propres, mais, tout pénétré des mœurs de son époque et de son pays, condamne avec rudesse ce qui paraissait admirable à ceux pour lesquels seulement le discours fut composé. Si l’œuvre est faite pour le public, il n’élargit jamais suffisamment le champ de sa compréhension, et n’oublie pas suffisamment l’intérêt qu’il lui porte en tant qu’ami ou ennemi, en tant que rival, ou commentateur. Par ce biais, ses sentiments sont faussés, et les mêmes beautés et les mêmes fautes n’ont pas sur lui la même influence que s’il s’était fait violence de la manière appropriée, en ce qui concerne son imagination, et s’était, pour un temps, oublié lui-même. Son goût, bien évidemment, s’écarte pour autant de la véritable norme, et perd, par conséquent, toute crédibilité et toute autorité.

HUME De la norme du goût (1757)

1 « inimitié » : contraire de l’amitié

2018 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Croire, est-ce renoncer à la raison ?

2018 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les hommes peuvent-ils s’entendre sur ce qui est juste ?

2018 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Dans la perception j’observe les objets. Il faut entendre par là que l’objet, quoiqu’il entre tout entier dans ma perception, ne m’est jamais donné que d’un côté à la fois. On connaît l’exemple du cube : je ne puis savoir que c’est un cube tant que je n’ai pas appréhendé ses six faces ; je puis à la rigueur en voir trois à la fois, mais jamais plus. Il faut donc que je les appréhende successivement. Et lorsque je passe, par exemple, de l’appréhension des faces ABC à celle des faces BCD, il reste toujours une possibilité pour que la face A se soit anéantie durant mon changement de position. L’existence du cube demeurera donc douteuse. En même temps, nous devons remarquer que lorsque je vois trois faces du cube à la fois, ces trois faces ne se présentent jamais à moi comme des carrés : leurs lignes s’aplatissent, leurs angles deviennent obtus, et je dois reconstituer leur nature de carrés à partir des apparences de ma perception. Tout cela a été dit cent fois : le propre de la perception, c’est que l’objet n’y paraît jamais que dans une série de profils, de projections. Le cube m’est bien présent, je puis le toucher, le voir ; mais je ne le vois jamais que d’une certaine façon qui appelle et exclut à la fois une infinité d’autres points de vue.

SARTRE L’Imaginaire, 1940.

2018 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Une œuvre d’art doit-elle nécessairement nous émouvoir ?

2018 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on ne pas adhérer à une démonstration ?

2018 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE En menant une existence relâchée, les hommes sont personnellement responsables d’être devenus eux-mêmes relâchés, ou d’être devenus injustes ou intempérants(1), dans le premier cas par leur mauvaise conduite et dans le second en passant leur vie à boire ou à commettre des excès analogues : en effet, c’est par l’exercice des actions particulières qu’ils acquièrent un caractère du même genre qu’elles. On peut s’en rendre compte en observant ceux qui s’entraînent en vue d’une compétition ou d’une activité quelconque : tout leur temps se passe en exercices. Aussi, se refuser à reconnaître que c’est à l’exercice de telles actions particulières que sont dues les dispositions de notre caractère est le fait d’un esprit singulièrement étroit. En outre, il est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance ne veuille pas être injuste ou intempérant ; et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’ensuit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre vous n’êtes plus capable de la rattraper, mais pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.

ARISTOTE Éthique à Nicomaque (IVe siècle av. J.C.)

(1) intempérants : sans retenue

2018 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La vérité est-elle indiscutable ?

2018 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on avoir peur d’être libre ?

2018 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE O homme ! Reconnais donc la bienfaisance de la nature ; car elle t’a donné cette intelligence qui pourvoit à toutes tes nécessités. Mais que la paresse, se faisant passer pour de la gratitude, ne te persuade pas de te contenter de ses présents ! Voudrais-tu revenir en arrière, à l’herbe crue pour nourriture, au ciel pour couverture, aux pierres et aux bâtons pour toute défense contre les animaux voraces du désert ? Alors, retourne aussi à tes mœurs sauvages, à tes superstitions craintives, à ta bestiale ignorance, et sombre plus bas que ces animaux dont tu admires la condition et que tu voudrais si ardemment imiter !

La nature, ta tendre mère, t’ayant donné l’art et l’intelligence, a rempli toute la terre de matériaux sur lesquels employer ces talents. Prête l’oreille à sa voix qui te dit si clairement que tu dois être aussi toi-même l’objet de ton industrie (1), que c’est par ton art et ton application seuls que tu peux acquérir ce pouvoir qui t’élèvera à ta juste place dans l’univers. Vois l’artisan qui d’une pierre grossière et sans forme tire un noble métal et qui, façonnant ce métal de ses mains habiles, crée comme par magie toutes les armes nécessaires à sa défense, tous les instruments utiles à sa commodité. Il ne détient pas cette habileté de la nature ; c’est l’usage et l’exercice qui la lui ont enseignée ; et si tu veux égaler son succès, il te faut suivre ses pas laborieux (2).

HUME Essais moraux, politiques et littéraires, XVI

1 travail

2 du latin labor : travail.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2. Expliquer :

a) « Reconnais donc la bienfaisance de la nature ; car elle t’a donné cette intelligence qui pourvoit à toutes tes nécessités. » ;

b) « tu dois être aussi toi-même l’objet de ton industrie » ;

c) « et si tu veux égaler son succès, il te faut suivre ses pas laborieux ».

3. Faut-il s’en tenir à la nature ?

2018 ES INDE NORMALE Peut-on vivre sans morale ?

Peut-on vivre sans morale ?

2018 ES INDE NORMALE Doit-on attendre de la technique qu’elle mette fin au travail ?

Doit-on attendre de la technique qu’elle mette fin au travail ?

2018 ES INDE NORMALE Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu’eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n’appartient qu’à eux d’avoir une opinion à ce sujet. Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d’admettre ce principe, qui, effectivement considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde. Car les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d’avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie. Une condition capitale pour un publiciste (1) qui veut se faire des idées politiques larges, est de s’abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur ? Mais on est tombé, à cet égard, d’un excès dans un autre. En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s’ériger en législateur.

Il est singulier que les hommes jugent impertinent de prétendre savoir la physique ou l’astronomie, etc., sans avoir étudié ces sciences, et qu’ils croient en même temps que tout le monde doit savoir la science politique, et avoir une opinion fixe et tranchante sur ses principes les plus abstraits, sans qu’il soit nécessaire d’avoir la peine d’y réfléchir, et d’en avoir fait un objet spécial d’étude. Cela tient à ce que la politique n’est point encore une science positive : car il est évident que, quand elle le sera devenue, tout le monde comprendra que, pour la connaître, il est indispensable d’avoir étudié les observations et les déductions sur lesquelles elle sera fondée.

Auguste

COMTE Opuscules de philosophie sociale

1 Publiciste : personne qui écrit sur la vie politique

2018 S INDE NORMALE Toute démonstration est-elle scientifique ?

2018 S INDE NORMALE Une loi injuste vaut-elle mieux que l’absence de loi ?

2018 S INDE NORMALE Considérons maintenant l’âme dans le corps, qu’elle existe d’ailleurs avant lui ou seulement en lui ; d’elle et du corps se forme le tout appelé animal. Si le corps est pour elle comme un instrument dont elle se sert, elle n’est pas contrainte d’accueillir en elle les affections du corps, pas plus que l’artisan ne ressent ce qu’éprouvent ses outils : mais peut-être faut-il qu’elle en ait la sensation, puisqu’il faut qu’elle connaisse, par la sensation, les affections extérieures du corps, pour se servir de lui comme d’un instrument : se servir des yeux, c’est voir. Or, elle peut être atteinte dans sa vision, et par conséquent, subir des peines, des souffrances, et tout ce qui arrive au corps ; elle éprouve aussi des désirs, quand elle cherche à soigner un organe malade.

Mais comment ces passions viendront-elles du corps jusqu’à elle ? Un corps communique ses propriétés à un autre corps ; mais à l’âme ? Ce serait dire qu’un être pâtit (1) de la passion d’un autre. Tant que l’âme est un principe qui se sert du corps, et le corps un instrument de l’âme, ils restent séparés l’un de l’autre ; et si l’on admet que l’âme est un principe qui se sert du corps, on la sépare. Mais avant qu’on ait atteint cette séparation par la pratique de la philosophie, qu’en était-il ? Ils sont mêlés : mais comment ? Ou bien c’est d’une des espèces de mélanges ; ou bien il y a entrelacement réciproque ; ou bien l’âme est comme la forme du corps, et n’est point séparée de lui ; ou bien elle est une forme qui touche le corps, comme le pilote touche son gouvernail ; ou bien une partie de l’âme est séparée du corps et se sert de lui, et une autre partie y est mélangée et passe elle-même au rang d’organe.

PLOTIN Ennéades.

1 Pâtit : souffre

2018 TECHN. INDE NORMALE Douter, est-ce renoncer à la vérité ?

2018 TECHN. INDE NORMALE La culture sert-elle à changer le monde ?

2018 TECHN. INDE NORMALE Il semble qu’on puisse affirmer que l’homme ne saurait rien de la liberté intérieure s’il n’avait d’abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible (1) dans le monde. Nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce (2) avec d’autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son foyer, d’aller dans le monde et de rencontrer d’autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d’homme libre ne découlait pas automatiquement de l’acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d’autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer — un monde politiquement organisé, en d’autres termes, où chacun des hommes libres pût s’insérer par la parole et par l’action.

ARENDT La crise de la culture (1961)

1 concrète

2 relation

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2. Expliquer :

a) « nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce aux autres, non dans le commerce à nous-mêmes. » ;

b) « pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie »

c) « Être libre [...] demandait un espace public où les rencontrer ».

3. La liberté suppose-t-elle des échanges avec autrui ?

2018 ES JAPON NORMALE Peut-on juger autrui ?

2018 ES JAPON NORMALE Suffit-il d’être dans son droit pour être juste ?

2018 ES JAPON NORMALE Sans doute, quand on envisage l’ensemble complet des travaux de tout genre de l’espèce humaine, on doit concevoir l’étude de la nature comme destinée à fournir la véritable base rationnelle de l’action de l’homme sur la nature, puisque la connaissance des lois des phénomènes, dont le résultat constant est de nous les faire prévoir, peut seule évidemment nous conduire, dans la vie active, à les modifier à notre avantage les uns par les autres. Nos moyens naturels et directs pour agir sur les corps qui nous entourent sont extrêmement faibles, et tout à fait disproportionnés à nos besoins. Toutes les fois que nous parvenons à exercer une grande action, c’est seulement parce que la connaissance des lois naturelles nous permet d’introduire, parmi les circonstances déterminées sous l’influence desquelles s’accomplissent les divers phénomènes, quelques éléments modificateurs, qui, quelque faibles qu’ils soient en eux-mêmes, suffisent, dans certains cas, pour faire tourner à notre satisfaction les résultats définitifs de l’ensemble des causes extérieures. En résumé, science, d’où prévoyance ; prévoyance, d’où action : telle est la formule très simple qui exprime, d’une manière exacte, la relation générale de la science et de l’art, en prenant ces deux expressions dans leur acception totale.

Mais, malgré l’importance capitale de cette relation, qui ne doit jamais être méconnue, ce serait se former des sciences une idée bien imparfaite que de les concevoir seulement comme les bases des arts, et c’est à quoi malheureusement on n’est que trop enclin de nos jours.

COMTE Cours de philosophie positive (1824)

2018 L JAPON NORMALE La démonstration chasse-t-elle le doute ?

2018 L JAPON NORMALE L’Etat peut-il être impartial ?

2018 L JAPON NORMALE Les lois de la conscience, dont nous disons qu’elles naissent naturellement, naissent de la coutume : chacun ayant en intime vénération les opinions et les mœurs approuvées et admises autour de lui ne peut s’en détacher sans remords ni s’y appliquer sans contentement.

Quand les Crétois, au temps passé, voulaient maudire quelqu’un, ils priaient les dieux de l’engager dans quelque mauvaise habitude.

Mais le principal effet de la puissance de la coutume, c’est de nous saisir et de nous prendre dans ses serres de telle sorte qu’il nous soit difficilement possible de nous dégager de sa prise et de rentrer en nous pour réfléchir et soumettre ses prescriptions au raisonnement. En vérité, parce que nous les absorbons avec le lait de notre naissance et que le visage du monde se présente dans cet état à notre première vue, il semble que nous soyons nés à suivre ce train-là. Et les opinions courantes, que nous trouvons en crédit autour de nous (1), et qui sont infusées en notre âme par la semence de nos pères, il semble que ce soit les opinions générales et naturelles.

Par là il arrive que ce qui est hors des gonds de la coutume, on le croit hors des gonds de la raison : Dieu sait combien il est déraisonnable de croire cela le plus souvent. Si, comme nous, qui nous étudions, avons appris à le faire, chaque homme qui entend une pensée juste regardait sur le champ par où elle le concerne directement, il trouverait qu’elle n’est pas tant un bon mot qu’un bon coup de fouet à la bêtise ordinaire de son jugement.

MONTAIGNE Les Essais, 1580

(1) « que nous trouvons en crédit autour de nous » : qui sont communément admises

2018 S JAPON NORMALE Le citoyen peut-il se désintéresser de la politique ?

2018 S JAPON NORMALE La technique nous dirige-t-elle ?

2018 S JAPON NORMALE Comprendre, c’est connaître immédiatement, et par conséquent intuitivement, l’enchaînement causal, bien que cette connaissance demande à être de suite déposée dans des notions abstraites afin d’être fixée. Aussi calculer n’est pas comprendre et ne fournit par soi aucune compréhension des choses. Le calcul ne s’occupe purement que de notions abstraites de grandeurs, dont il détermine les rapports mutuels. Mais on n’acquiert pas par là la moindre compréhension d’un phénomène physique quelconque. Car pour cela il faut connaître par la perception intuitive les conditions de l’espace en vertu desquelles les causes agissent. Les calculs n’ont de valeur que pour la pratique, non pour la théorie. On pourrait même dire : Où commence le calcul, la compréhension cesse. Car le cerveau occupé de chiffres, pendant qu’il calcule, reste complètement étranger à l’enchaînement causal dans la marche physique des phénomènes ; il n’est rempli que de notions abstraites de chiffres. Et le résultat ne donne jamais rien au-delà du combien, jamais le quoi. « L’expérience et le calcul », cette formule favorite des physiciens ne suffisent donc nullement.

Arthur

SCHOPENHAUER De la quadruple racine du principe de raison suffisante.

2018 ES LIBAN NORMALE L’idée d’inconscient remet-elle en cause la responsabilité ?

2018 ES LIBAN NORMALE L’histoire peut-elle servir l’action politique ?

2018 ES LIBAN NORMALE Si l’intérêt rapproche les hommes, ce n’est jamais que pour quelques instants ; il ne peut créer entre eux qu’un lien extérieur. Dans le fait de l’échange, les divers agents restent en dehors les uns des autres, et l’opération terminée, chacun se retrouve et se reprend tout entier. Les consciences ne sont que superficiellement en contact ; ni elles ne se pénètrent, ni elles n’adhèrent fortement les unes aux autres. Si même on regarde au fond des choses, on verra que toute harmonie d’intérêts recèle un conflit latent (1) ou simplement ajourné (2). Car, là où l’intérêt règne seul, comme rien ne vient refréner les égoïsmes en présence, chaque moi se trouve vis-à- vis de l’autre sur le pied de guerre et toute trêve à cet éternel antagonisme ne saurait être de longue durée. L’intérêt est, en effet, ce qu’il y a de moins constant au monde. Aujourd’hui, il m’est utile de m’unir à vous ; demain la même raison fera de moi votre ennemi. Une telle cause ne peut donc donner naissance qu’à des rapprochements passagers et à des associations d’un jour.

DURKHEIM De la division du travail social (1893)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

1 latent : caché

2 ajourné : reporté

2018 L LIBAN NORMALE La parole a-t-elle le pouvoir de changer les choses ?

2018 L LIBAN NORMALE Faut-il aimer les autres pour les respecter ?

2018 L LIBAN NORMALE Les pensées des classes dominantes sont à toutes les époques les pensées dominantes, c’est-à-dire que la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société, est également sa puissance intellectuelle dominante. La classe qui a à sa disposition les moyens de production matérielle, dispose également par là des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées dominantes ne sont rien de plus que l’expression idéologique des rapports matériels dominants, les rapports matériels conçus sous forme de pensées, par conséquent les rapports qui font de la classe une classe dominante, par conséquent les pensées de sa domination. Les individus qui composent la classe dominante sont conscients et pensent ; dans la mesure où ils dominent, en tant que classe, et déterminent dans toute son étendue une époque historique, il est clair qu’ils la déterminent dans toute son extension, qu’ils dominent donc entre autres comme êtres pensants, comme producteurs de pensées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur temps ; que, par conséquent, leurs pensées sont les pensées dominantes de l’époque. Dans un temps, par exemple, et dans un pays où le pouvoir royal, l’aristocratie et la bourgeoisie se disputent la domination, où la domination est par conséquent partagée, la pensée dominante est la doctrine de la séparation des pouvoirs, présentée maintenant comme « une loi éternelle ».

MARX (et F. Engels) L’idéologie allemande (1845-1846)

2018 S LIBAN NORMALE Ne travaille-t-on que pour subvenir à ses besoins ?

2018 S LIBAN NORMALE Doit-on rechercher la vérité pour elle-même ?

2018 S LIBAN NORMALE Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste. En vain on alléguera(1) que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais, dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre, que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité.

BERGSON Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)

(1) « alléguer » : prétendre

2018 ES MÉTROPOLE NORMALE Toute vérité est-elle définitive ?

2018 ES MÉTROPOLE NORMALE Peut-on être insensible à l’art ?

2018 ES MÉTROPOLE NORMALE Quand nous obéissons à une personne en raison de l’autorité morale que nous lui reconnaissons, nous suivons ses avis, non parce qu’ils nous semblent sages, mais parce qu’à l’idée que nous nous faisons de cette personne, une énergie psychique d’un certain genre est immanente (1), qui fait plier notre volonté et l’incline dans le sens indiqué. Le respect est l’émotion que nous éprouvons quand nous sentons cette pression intérieure et toute spirituelle se produire en nous. Ce qui nous détermine alors, ce ne sont pas les avantages ou les inconvénients de l’attitude qui nous est prescrite ou recommandée ; c’est la façon dont nous nous représentons celui qui nous la recommande ou qui nous la prescrit. Voilà pourquoi le commandement affecte généralement des formes brèves, tranchantes, qui ne laissent pas de place à l’hésitation ; c’est que, dans la mesure où il est lui-même et agit par ses seules forces, il exclut toute idée de délibération et de calcul ; il tient son efficacité de l’intensité de l’état mental dans lequel il est donné. C’est cette intensité qui constitue ce qu’on appelle l’ascendant moral. Or, les manières d’agir auxquelles la société est assez fortement attachée pour les imposer à ses membres se trouvent, par cela même, marquées du signe distinctif qui provoque le respect.

DURKHEIM Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912)

1. « immanente » : intérieure

2018 L MÉTROPOLE NORMALE La culture nous rend-elle plus humain ?

2018 L MÉTROPOLE NORMALE Le désir est-il la marque de notre imperfection ?

2018 L MÉTROPOLE NORMALE Peut-on renoncer à la vérité ?

2018 L MÉTROPOLE NORMALE Éprouver l’injustice, est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ?

2018 L MÉTROPOLE NORMALE Tous les phénomènes de la société sont des phénomènes de la nature humaine, produits par l’action des circonstances extérieures sur des masses d’êtres humains. Si donc les phénomènes de la pensée, du sentiment, de l’activité humaine, sont assujettis à des lois fixes, les phénomènes de la société doivent aussi être régis par des lois fixes, conséquences des précédentes. Nous ne pouvons espérer, il est vrai, que ces lois, lors même que nous les connaîtrions d’une manière aussi complète et avec autant de certitude que celles de l’astronomie, nous mettent jamais en état de prédire l’histoire de la société, comme celle des phénomènes célestes, pour des milliers d’années à venir. Mais la différence de certitude n’est pas dans les lois elles-mêmes, elle est dans les données auxquelles ces lois doivent être appliquées. En astronomie, les causes qui influent sur le résultat sont peu nombreuses ; elles changent peu, et toujours d’après des lois connues. Nous pouvons constater ce qu’elles sont maintenant, et par là déterminer ce qu’elles seront à une époque quelconque d’un lointain avenir. Les données, en astronomie, sont donc aussi certaines que les lois elles-mêmes. Au contraire, les circonstances qui influent sur la condition et la marche de la société sont innombrables, et changent perpétuellement ; et quoique tous ces changements aient des causes et, par conséquent des lois, la multitude des causes est telle qu’elle défie nos capacités limitées de calcul. Ajoutez que l’impossibilité d’appliquer des nombres précis à des faits de cette nature mettrait une limite infranchissable à la possibilité de les calculer à l’avance, lors même que les capacités de l’intelligence humaine seraient à la hauteur de la tâche.

MILL Système de logique, 1843

2018 L MÉTROPOLE NORMALE Souvent nous ne savons pas ce que nous souhaitons ou ce que nous craignons. Nous pouvons caresser un souhait pendant des années entières, sans nous l’avouer, sans même en prendre clairement conscience ; c’est que l’intellect n’en doit rien savoir, c’est qu’une révélation nous semble dangereuse pour notre amour-propre, pour la bonne opinion que nous tenons à avoir de nous-mêmes ; mais quand ce souhait vient à se réaliser, notre propre joie nous apprend, non sans nous causer une certaine confusion, que nous appelions cet événement de tous nos vœux ; tel est le cas de la mort d’un proche parent dont nous héritons.

Et quant à ce que nous craignons, nous ne le savons souvent pas, parce que nous n’avons pas le courage d’en prendre clairement conscience. Souvent même nous nous trompons entièrement sur le motif véritable de notre action ou de notre abstention, jusqu’à ce qu’un hasard nous dévoile le mystère. Nous apprenons alors que nous nous étions mépris sur le motif véritable, que nous n’osions pas nous l’avouer, parce qu’il ne répondait nullement à la bonne opinion que nous avons de nous-mêmes. Ainsi, nous nous abstenons d’une certaine action, pour des raisons purement morales à notre avis ; mais après coup nous apprenons que la peur seule nous retenait, puisque, une fois tout danger disparu, nous commettons cette action.

SCHOPENHAUER Le monde comme volonté et comme représentation, 1818.

2018 S MÉTROPOLE NORMALE Le désir est-il la marque de notre imperfection ?

2018 S MÉTROPOLE NORMALE Eprouver l’injustice, est-ce nécessaire pour savoir ce qui est juste ?

2018 S MÉTROPOLE NORMALE Tous les phénomènes de la société sont des phénomènes de la nature humaine, produits par l’action des circonstances extérieures sur des masses d’êtres humains. Si donc les phénomènes de la pensée, du sentiment, de l’activité humaine, sont assujettis à des lois fixes, les phénomènes de la société doivent aussi être régis par des lois fixes, conséquences des précédentes. Nous ne pouvons espérer, il est vrai, que ces lois, lors même que nous les connaîtrions d’une manière aussi complète et avec autant de certitude que celles de l’astronomie, nous mettent jamais en état de prédire l’histoire de la société, comme celle des phénomènes célestes, pour des milliers d’années à venir. Mais la différence de certitude n’est pas dans les lois elles-mêmes, elle est dans les données auxquelles ces lois doivent être appliquées. En astronomie, les causes qui influent sur le résultat sont peu nombreuses ; elles changent peu, et toujours d’après des lois connues. Nous pouvons constater ce qu’elles sont maintenant, et par là déterminer ce qu’elles seront à une époque quelconque d’un lointain avenir. Les données, en astronomie, sont donc aussi certaines que les lois elles-mêmes. Au contraire, les circonstances qui influent sur la condition et la marche de la société sont innombrables, et changent perpétuellement ; et quoique tous ces changements aient des causes et, par conséquent des lois, la multitude des causes est telle qu’elle défie nos capacités limitées de calcul. Ajoutez que l’impossibilité d’appliquer des nombres précis à des faits de cette nature mettrait une limite infranchissable à la possibilité de les calculer à l’avance, lors même que les capacités de l’intelligence humaine seraient à la hauteur de la tâche.

MILL Système de logique, 1843

2018 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Qu’est-ce qui peut faire obstacle à mon bonheur ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE L’expérience peut-elle être trompeuse ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Quel besoin avons-nous de chercher la vérité ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Peut-on maîtriser le développement technique ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Dès qu’un contrat enferme quelque inégalité(1), vous soupçonnez aussitôt que ce contrat viole le droit. Vous vendez ; j’achète ; personne ne croira que le prix, fixé après débat et d’un commun accord, soit juste dans tous les cas ; si le vendeur est ivre tandis que l’acheteur est maître de son jugement, si l’un des deux est très riche et l’autre très pauvre, si le vendeur est en concurrence avec d’autres vendeurs tandis que l’acheteur est seul à vouloir acheter, si le vendeur ignore la nature de ce qu’il vend, livre rare ou tableau de maître, tandis que l’acheteur la connaît, dans tous les cas de ce genre, je dirai que le prix payé est un prix d’occasion(2). Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas égalité entre les parties.

Qu’est-ce qu’un prix juste ? C’est un prix de marché public. Et pourquoi ? Parce que, dans le marché public, par la discussion publique des prix, l’acheteur et le vendeur se trouvent bientôt également instruits sur ce qu’ils veulent vendre ou acheter. Un marché, c’est un lieu de libre discussion.

Un tout petit enfant, qui connaît mal l’utilité relative des choses, et qui ne règle le prix que sur son désir présent, un tout petit enfant sera l’égal de l’acheteur le plus avisé, si seulement plusieurs marchands offrent publiquement à plusieurs acheteurs la chose que le petit enfant désire. Je n’en demande pas plus. Le droit règne là où le petit enfant, qui tient son sou(3) dans sa main et regarde avidement les objets étalés, se trouve l’égal de la plus rusée ménagère.

On voit bien ici comment l’état de droit s’opposera au libre jeu de la force. Si nous laissons agir les puissances, l’enfant sera certainement trompé ; même si on ne lui prend pas son sou par la force brutale, on lui fera croire sans peine qu’il faut échanger un vieux sou contre un centime neuf. »

ALAIN Propos sur les pouvoirs (18 octobre 1907)

(1) « enferme quelque inégalité » : dissimule une forme d’inégalité.

(2) « d’occasion » : de circonstance.

(3) On appelait autrefois « sou » une pièce de monnaie d’une valeur de cinq centimes.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.

[A]1. Qu’est-ce qui définit un « contrat » ? Dans le texte, de quelle sorte de contrat est-il question ?

2. Comment Alain caractérise-t-il, dans ce texte, « l’inégalité » contenue dans un contrat ? Pour ce faire, il expose des situations diverses : lesquelles ? Que permettent-elles de montrer ?

3. Alain définit le « prix juste » comme « un prix de marché public » : qu’est-ce dans ce texte qu’un « marché public » et pourquoi définit-il le « juste prix » ?

4. Pourquoi Alain choisit-il l’exemple de l’enfant ? De quoi l’enfant est-il ici le symbole ?

5. Qu’est-ce que « l’état de droit » ? En quoi s’oppose-t-il au « libre jeu de la force » ?

[B]1. Expliquez la phrase : « Le droit règne là où le petit enfant, qui tient son sou(3) dans sa main et regarde avidement les objets étalés, se trouve l’égal de la plus rusée ménagère. »

2. En vous aidant des éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C]1. Pourquoi, selon Alain, « la discussion publique » garantit-elle la justice des échanges ?

2. À la lumière de vos connaissances, de votre expérience et de vos lectures, et en tenant compte du texte d’Alain, cherchez à déterminer les conditions d’émergence d’un marché équitable. Quelles sont, selon vous, les moyens dont nous disposons pour garantir son établissement et le préserver ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un Etat, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient ce même pouvoir.

MONTESQUIEU De l’Esprit des lois (1748)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut » ;

b) « la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir » ; c) que signifie « l’indépendance » dans le texte ?

3. Les lois sont-elles nécessaires à la liberté ?

2018 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Comment puis-je savoir si j’ai raison ?

2018 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Peut-on être libre sans s’imposer une discipline ?

2018 ES MÉTROPOLE REMPLACEMENT Persuader ou commander, employer des aruments ou des peines, sont des choses bien différentes. Le pouvoir civil tout seul a droit à l’une, et la bienveillance suffit pour autoriser tout home à l’autre. Nous avons tous mission d’avertir notre prochain que nous le croyons dans l’erreur, et de l’amener à la connaissance de la vérité par de bonnes preuves. Mais donner des lois, exiger la soumission et contraindre par la force, tout cela n’appartient qu’au magistrat (1) seul. C’est aussi sur ce fondement que je soutient que le pouvoir du magistrat ne s’étend pas jusqu’à établir, par ses lois, des articles de foi ni des formes de culte religieux. Car les lois n’ont aucune vigueur sans les peines ; et les peines sont tout à fait inutiles, pour ne pas dire injustes, dans cette occasion puisqu’elles ne sauraient convaincre l’esprit. il n’y a donc ni profession de tels ou tels articles de foi, ni conformité à tel ou tel culte extérieur, qui puissent procurer le salut des âmes, si l’on est bein persuadé de la vérité des uns et que l’autre est agréable à Dieu. Il n’y a que la lumière et l’évidence qui aient le pouvoir de changer les opinions des hommes ; et cette lumière ne peut jamais être produite par la souffrance corporelle, ni par aucune pene extérieure.

LOCKE Lettre sur la tolérance (1686)

(1) "magistrat" : celui qui possède le pouvoir public.

2018 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Les objets techniques sont-ils toujours utiles ?

2018 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Quelles raisons avons-nous d’agir moralement ?

2018 S MÉTROPOLE REMPLACEMENT Au moment où un ordre nouveau de phénomènes devient objet de science, ils se trouvent déjà représentés dans l’esprit, non seulement par des images sensibles, mais par des sortes de concepts grossièrement formés. Avant les premiers rudiments de la physique et de la chimie, les hommes avaient déjà sur les phénomènes physico-chimiques des notions qui dépassaient la pure perception ; telles sont, par exemple, celles que nous trouvons mêlées à toutes les religions. C’est que, en effet, la réflexion est antérieure à la science qui ne fait que s’en servir avec plus de méthode. L’homme ne peut pas vivre au milieu des choses sans s’en faire des idées d’après lesquelles il règle sa conduite. Seulement, parce que ces notions sont plus près de nous et plus à notre portée que les réalités auxquelles elles correspondent, nous tendons naturellement à les substituer à ces dernières et à en faire la matière même de nos spéculations. Au lieu d’observer les choses, de les décrire, de les comparer, nous nous contentons alors de prendre conscience de nos idées, de les analyser, de les combiner. Au lieu d’une science de réalités, nous ne faisons plus qu’une analyse idéologique. Sans doute, cette analyse n’exclut pas nécessairement toute observation. On peut faire appel aux faits pour confirmer ces notions ou les conclusions qu’on en tire. Mais les faits n’interviennent alors que secondairement, à titre d’exemples ou de preuves confirmatoires ; ils ne sont pas l’objet de la science. Celle-ci va des idées aux choses, non des choses aux idées.

DURKHEIM Règles de la méthode sociologique, 1894

2018 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Avoir de l’expérience, est-ce suffisant pour savoir ce qui est vrai ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’expérience est-elle la seule source de la connaissance ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT Une contrainte peut-elle être légitime ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’art doit-il refuser toute règle ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’élément culturel serait donné par la première tentative de réglementation des rapports sociaux. Si pareille tentative faisait défaut, ceux-ci seraient alors soumis à l’arbitraire individuel, autrement dit à l’individu physiquement le plus fort qui les réglerait dans le sens de son propre intérêt et de ses pulsions instinctives. Et rien ne serait changé si ce plus fort trouvait plus fort que lui. La vie en commun ne devient possible que lorsqu’une pluralité parvient à former un groupement plus puissant que ne l’est lui-même chacun de ses membres, et à maintenir une forte cohésion en face de tout individu pris en particulier. La puissance de cette communauté en tant que « Droit » s’oppose alors à celle de l’individu, condamnée en tant que « force brute ». En remplaçant la puissance de l’individu par la puissance collective, la culture fait un pas décisif. Son caractère essentiel réside en ceci que les membres de la communauté limitent leurs possibilités de plaisir alors que l’individu isolé ignorait toute restriction de ce genre. Ainsi donc la prochaine exigence culturelle est celle de la « justice », soit l’assurance que l’ordre légal désormais établi ne sera jamais violé au profit d’un seul.

FREUD Malaise dans la culture (1930)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « Si pareille tentative faisait défaut, ceux-ci seraient alors soumis à l’arbitraire individuel » ;

b) « La puissance de cette communauté en tant que « Droit » s’oppose alors à celle de l’individu » ;

c) « Ainsi donc la prochaine exigence culturelle est celle de la « justice » ».

3. La culture fait-elle nécessairement violence à l’individu ?

2018 TECHN. MÉTROPOLE REMPLACEMENT L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.

Mais si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que, dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique(1) de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent.

L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, et de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité et qu’on peut les négliger pour ceux des autres.

La privation totale du commerce produit au contraire le brigandage, qu’Aristote(2) met au nombre des manières d’acquérir. L’esprit n’en est point opposé à (...) certaines vertus morales : par exemple, l’hospitalité, très rare dans les pays de commerce, se trouve admirablement parmi les peuples brigands.

MONTESQUIEU De l’Esprit des lois (1758)

(1) « Trafiquer » signifie « commercer » et n’a aucun sens péjoratif.

(2) Philosophe grec du IV° siècle av. J.-C., auteur, entre autres, d’ouvrages de politique et d’économie.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.

[A]1. Qu’est-ce qui fait que les nations qui négocient se rendent réciproquement dépendantes ?

S’agissant des effets du commerce, quelle différence Montesquieu permet-il d’établir entre ce qui se produit pour les nations et ce qui se produit pour les individus particuliers ?

Pourquoi le commerce produit-il entre les hommes un « certain sentiment de justice exacte » ? Sur quoi repose cette exactitude ?

Qu’est-ce que « le brigandage » et pourquoi n’est-il pas, pour Montesquieu, opposé à certaines vertus morales ?

[B]1. Selon Montesquieu, à quoi la « justice exacte » est-elle opposée (notamment dans le troisième paragraphe du texte) et pour quelles raisons ?

2. En vous aidant des éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C]1. Que se produit-il lorsque tout ce que font les hommes devient l’objet d’un commerce ?

2. À la lumière de vos connaissances, de votre expérience et de vos lectures, et en tenant compte du texte et des arguments de Montesquieu, vous examinerez pour quelles raisons l’intérêt mutuel et les bénéfices de ceux qui commercent ne suffisent pas à les rendre « bons » ou « justes ». Vous tiendrez compte aussi bien des dimensions individuelles que des dimensions collectives et sociales, de la question.

2018 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Ne travaille-t-on que par nécessité ?

2018 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT La conscience implique-t-elle la maîtrise de soi ?

2018 ES POLYNÉSIE REMPLACEMENT Les hommes qui la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions publiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.

Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du coeur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître.

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique (1835)

2018 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Notre culture nous empêche-t-elle d’être nous-même ?

2018 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT La crainte garantit-elle le respect du droit ?

2018 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Qu’il soit perçant ou faible, mon œil ne voit qu’à une certaine distance. Je vis et j’agis dans cet espace, cette ligne d’horizon est ma plus proche destinée, grande ou petite, à laquelle je ne puis échapper. Autour de chaque être s’étend ainsi un cercle concentrique qui lui est particulier. De même notre oreille nous enferme dans un petit espace, de même notre sens du toucher. C’est d’après ces horizons, où nos sens enferment chacun de nous comme dans les murs d’une prison, que nous mesurons le monde, en disant que telle chose est près, telle autre loin, telle chose grande, telle autre petite, telle chose dure et telle autre molle : nous appelons « sensation » cette façon de mesurer, – et tout cela est erreur en soi ! D’après le nombre des événements et des émotions qui sont, en moyenne, possibles pour nous, dans un espace de temps donné, on mesure sa vie, on la dit courte ou longue, riche ou pauvre, remplie ou vide : et d’après la moyenne de la vie humaine, on mesure celle de tous les autres êtres, – et tout cela est erreur en soi ! Si nous avions un œil cent fois plus perçant pour les choses proches, l’homme nous semblerait énorme ; on pourrait même imaginer des organes au moyen desquels l’homme nous apparaîtrait incommensurable. D’autre part, certains organes pourraient être conformés de façon à réduire et à rétrécir des systèmes solaires tout entiers, pour les rendre pareils à une seule cellule : et pour des êtres de l’ordre inverse, une seule cellule du corps humain pourrait apparaître, dans sa construction, son mouvement et son harmonie, tel un système solaire. Les habitudes de nos sens nous ont enveloppés dans un tissu de sensations mensongères qui sont, à leur tour, la base de tous nos jugements et de toutes nos « connaissances », – il n’y a absolument pas d’issue, pas d’échappatoire, pas de sentier détourné vers le monde réel ! Nous sommes dans notre toile comme des araignées, et quoi que nous puissions y prendre, ce ne sera toujours que ce qui se laissera prendre à notre toile.

NIETZSCHE Aurore (1881)

2018 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’idée d’une liberté totale a-t-elle un sens ?

2018 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Peut-on apprendre à être artiste ?

2018 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Il est assez difficile de comprendre comment il se peut faire que des gens qui ont de l’esprit, aiment mieux se servir de l’esprit des autres dans la recherche de la vérité, que de celui que Dieu leur a donné. Il y a sans doute infiniment plus de plaisir et plus d’honneur à se conduire par ses propres yeux, que par ceux des autres ; et un homme qui a de bons yeux ne s’avisa jamais de se les fermer, ou de se les arracher, dans l’espérance d’avoir un conducteur. Sapientis oculi in capite ejus, stultus in tenebris ambulat (1). Pourquoi le fou (2) marche-t-il dans les ténèbres ? C’est qu’il ne voit que par les yeux d’autrui, et que ne voir que de cette manière, à proprement parler, c’est ne rien voir. L’usage de l’esprit est à l’usage des yeux, ce que l’esprit est aux yeux ; et de même que l’esprit est infiniment au-dessus des yeux, l’usage de l’esprit est accompagné de satisfactions bien plus solides, et qui le contentent bien autrement que la lumière et les couleurs ne contentent la vue. Les hommes toutefois se servent toujours de leurs yeux pour se conduire, et ils ne se servent presque jamais de leur esprit pour découvrir la vérité.

MALEBRANCHE De la recherche de la Vérité (1674)

(1) « Les yeux du sage sont dans sa tête ; l’insensé marche dans les ténèbres. »

(2) signifie ici : celui qui se comporte sans réfléchir.

Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « un homme qui a de bons yeux ne s’avisa jamais de se les fermer, ou de se les arracher, dans l’espérance d’avoir un conducteur » ;

b) « c’est qu’il ne voit que par les yeux d’autrui, et que ne voir que de cette manière, à proprement parler, c’est ne rien voir » ;

c) « Les hommes toutefois se servent toujours de leurs yeux pour se conduire, et ils ne se servent presque jamais de leur esprit pour découvrir la vérité ».

3. L’homme peut-il trouver la vérité sans la chercher par lui-même ?

2019 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La connaissance de l’histoire est-elle utile à l’action présente ?

2019 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Tous les échanges sont-ils profitables ?

2019 ES AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Parmi les biens, certains sont des biens absolus, mais d’autres sont bons pour quelqu’un sans être absolument bons. Et ce sont les mêmes choses qui sont absolument bonnes et qui plaisent absolument. En effet, ce sont des choses profitables à un corps en bonne santé dont nous disons qu’elles sont absolument bonnes pour le corps, et non pas de celles qui sont profitables à un corps malade, comme les remèdes et les amputations. De même plaît absolument au corps ce qui plaît à un corps sain et entier, par exemple voir en pleine lumière et non dans l’ombre (bien sûr, c’est le contraire pour qui souffre des yeux) ; le vin le plus plaisant n’est pas celui qui plaît à l’homme qui a abîmé sa langue dans l’ivrognerie (puisque parfois on leur verse du vinaigre !) ; c’est celui qui plaît au palais intact.

Ainsi en va-t-il pour l’âme : ce qui plaît absolument n’est pas ce qui plaît aux enfants et aux bêtes, mais ce qui plaît aux adultes. En tout cas, quand on a mémoire des deux, ce sont les plaisirs de l’adulte que nous choisissons. L’enfant et la bête sont par rapport à l’homme dans le même rapport que le méchant et l’insensé par rapport à l’homme mesuré et à l’homme sage. Or les plaisirs de ces derniers correspondent à leurs manières d’être, ce sont les plaisirs bons et beaux.

ARISTOTE Éthique à Eudème (IVe siècle avant J.-C).

2019 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Y a-t-il en nous quelque chose qui échappe à la culture ?

2019 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La perception peut-elle être objective ?

2019 L AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Si un peuple devait très probablement juger que telle législation en vigueur actuellement compromet son bonheur, que doit-il faire ? Ne doit-il pas s’y opposer ? La réponse ne saurait être que la suivante : il n’y a rien d’autre à faire que d’obéir. Car, ici, il n’est pas question du bonheur que le sujet peut attendre d’une institution ou d’une administration de la communauté, mais, avant tout et simplement, du droit qui doit être par là assuré à chacun : ce qui est le principe suprême dont doivent provenir toutes les maximes qui concernent une communauté et qu’aucun autre ne peut limiter. En ce qui concerne la première maxime (celle du bonheur), aucun principe valable universellement ne peut être présenté au titre de loi. Car, aussi bien les circonstances historiques que les mirages où chacun place son bonheur et qui sont source de désaccords entre les hommes et qui changent pour cela continuellement (mais personne ne peut prescrire à quiconque le lieu où il doit le placer) rendent tout principe ferme impossible et inapte à devenir, pour ce qui le concerne, le fondement de la législation. La proposition : Le salut public est la loi suprême de la cité1 conserve sa valeur et son crédit inentamés ; mais le salut public, qu’il convient de prendre d’abord en considération, est justement cette constitution légale dont les lois assurent à chacun la liberté ; en quoi il lui reste loisible de poursuivre son bonheur de la manière qui lui semble la meilleure à condition de ne pas porter préjudice à cette loi universelle et conforme à la loi, donc au droit des autres co-sujets.

KANT Théorie et pratique (1793)

1 Du latin : Salus publica suprema civitatis lex est

2019 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Avons-nous besoin d’art ?

2019 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE La raison suffit-elle à connaître le réel ?

2019 S AMÉRIQUE DU NORD NORMALE Ce qu’on appelle bonheur au sens strict résulte de la satisfaction plutôt soudaine de besoins accumulés et n’est possible, par nature, que comme phénomène épisodique. Toute prolongation d’une situation convoitée par le principe de plaisir donne seulement un sentiment de tiède contentement ; nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons jouir intensément que du contraste, et très peu d’un état. De ce fait, nos possibilités de bonheur sont déjà limitées par notre constitution. Il y a beaucoup moins de difficultés à faire l’expérience du malheur. La souffrance menace de trois côtés : de notre propre corps, destiné à la déchéance et à la décomposition, et qui même ne saurait se passer de la douleur et de l’angoisse comme signaux d’alarme ; du monde extérieur, capable de se déchaîner contre nous avec des forces énormes, implacables et destructrices ; et enfin des relations avec d’autres êtres humains. La souffrance provenant de cette dernière source, nous l’éprouvons peut-être plus douloureusement que toute autre ; nous avons tendance à y voir une sorte de surcroît sans nécessité, bien qu’elle ne soit sans doute pas moins fatalement inévitable que les souffrances d’autres origines.

Il n’est pas surprenant que, sous la pression de ces possibilités de souffrance, les hommes aient coutume d’en rabattre sur leur revendication de bonheur.

FREUD Malaise dans la civilisation (1930)

2019 ES ANTILLES NORMALE Est-il évident de savoir qui je suis ?

2019 ES ANTILLES NORMALE Suffirait-il de parler la même langue pour se comprendre ?

2019 ES ANTILLES NORMALE L’une des raisons de l’efficacité et du danger des préjugés consiste en ce qu’une partie du passé se cache toujours en eux. Si on y regarde de plus près, on peut en outre reconnaître un véritable préjugé du fait qu’en lui se dissimule également un jugement qui a été formulé dans le passé, qui possédait originellement en lui un fondement d’expérience légitime et adéquat, et qui n’est devenu un préjugé que parce qu’il a réussi à se faufiler au cours du temps sans qu’on s’en aperçoive ni qu’on y prenne garde. De ce point de vue, le préjugé se distingue du simple bavardage qui ne survit pas à la journée ou à l’heure de la conversation où les opinions et les jugements les plus hétérogènes se font entendre et se succèdent comme dans un kaléidoscope. Le danger du préjugé consiste précisément en ce qu’il est à proprement parler toujours – c’est-à-dire de manière extraordinairement solide – ancré dans le passé, et c’est la raison pour laquelle non seulement il précède le jugement en l’entravant, mais encore il rend impossible à l’aide du jugement toute véritable expérience du présent. Si l’on veut détruire les préjugés, il faut toujours en premier lieu retrouver les jugements passés qu’ils recèlent en eux, c’est-à-dire en fait mettre en évidence leur teneur de vérité.

HANNAH

ARENDT Qu’est-ce que la politique ? (1954)

2019 L ANTILLES NORMALE Peut-on désirer contre soi-même ?

2019 L ANTILLES NORMALE Toutes les interprétations se valent-elles ?

2019 L ANTILLES NORMALE Pour connaître les hommes il faut les voir agir. Dans le monde on les entend parler ; ils montrent leurs discours et cachent leurs actions : mais dans l’histoire elles sont dévoilées, et on les juge sur les faits. Leurs propos même aident à les apprécier ; car, comparant ce qu’ils font à ce qu’ils disent, on voit à la fois ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent paraître : plus ils se déguisent, mieux on les connaît.

Malheureusement cette étude a ses dangers, ses inconvénients de plus d’une espèce. Il est difficile de se mettre dans un point de vue d’où l’on puisse juger ses semblables avec équité. Un des grands vices de l’histoire est qu’elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par les bons ; comme elle n’est intéressante que par les révolutions, les catastrophes, tant qu’un peuple croît et prospère dans le calme d’un paisible gouvernement, elle n’en dit rien ; elle ne commence à en parler que quand, ne pouvant plus se suffire à lui-même, il prend part aux affaires de ses voisins, ou les laisse prendre part aux siennes ; elle ne l’illustre que quand il est déjà sur son déclin : toutes nos histoires commencent où elles devraient finir. Nous avons fort exactement celle des peuples qui se détruisent ; ce qui nous manque est celle des peuples qui se multiplient ; ils sont assez heureux et assez sages pour qu’elle n’ait rien à dire d’eux : et en effet nous voyons, même de nos jours, que les gouvernements qui se conduisent le mieux sont ceux dont on parle le moins. Nous ne savons donc que le mal ; à peine le bien fait-il époque. Il n’y a que les méchants de célèbres, les bons sont oubliés ou tournés en ridicule.

ROUSSEAU Émile ou de l’éducation (1762

2019 S ANTILLES NORMALE S’habituer à la liberté, est-ce risquer de la perdre ?

2019 S ANTILLES NORMALE Mes désirs me disent-ils qui je suis ?

2019 S ANTILLES NORMALE L’homme est le seul animal dont l’action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l’espoir de réussir et la crainte d’échouer. C’est le seul qui se sente sujet à la maladie, et le seul aussi qui sache qu’il doit mourir. Le reste de la nature s’épanouit dans une tranquillité parfaite. Plantes et animaux ont beau être livrés à tous les hasards ; ils ne s’en reposent pas moins sur l’instant qui passe comme ils le feraient sur l’éternité. De cette inaltérable confiance nous aspirons à nous quelque chose dans une promenade à la campagne, d’où nous revenons apaisés. Mais ce n’est pas assez dire. De tous les êtres vivant en société, l’homme est le seul qui puisse dévier de la ligne sociale, en cédant à des préoccupations égoïstes quand le bien commun est en cause ; partout ailleurs, l’intérêt individuel est inévitablement coordonné ou subordonné à l’intérêt général. Cette double imperfection est la rançon de l’intelligence. L’homme ne peut pas exercer sa faculté de penser sans se représenter un avenir incertain, qui éveille sa crainte et son espérance. Il ne peut pas réfléchir à ce que la nature lui demande, en tant qu’elle a fait de lui un être sociable, sans se dire qu’il trouverait souvent son avantage à négliger les autres, à ne se soucier que de lui-même. Dans les deux cas il y aurait rupture de l’ordre normal, naturel. Et pourtant c’est la nature qui a voulu l’intelligence, qui l’a mise au bout de l’une des deux grandes lignes de l’évolution animale pour faire pendant à l’instinct le plus parfait, point terminus de l’autre.

BERGSON Les Deux sources de la morale et de la religion (1932

2019 STHR ANTILLES NORMALE Faut-il toujours s’en tenir à l’expérience ?

2019 STHR ANTILLES NORMALE L’artiste est-il maître de son œuvre ?

2019 STHR ANTILLES NORMALE Qu’est-ce qu’une bonne loi ? Par bonne loi, je n’entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par le pouvoir souverain, et tout ce qui est fait par ce pouvoir est approuvé et reconnu pour sien par chaque membre du peuple : et ce que chacun veut ne saurait être dit injuste par personne. Il en est des lois de la République1 comme des lois des jeux : ce sur quoi les joueurs se sont accordés n’est pour aucun d’eux une injustice. Une bonne loi se caractérise par le fait qu’elle est, en même temps, nécessaire au bien du peuple et claire. En effet, le rôle des lois, qui ne sont que des règles revêtues d’une autorité, n’est pas d’entraver toute action volontaire, mais seulement de diriger et de contenir les mouvements des gens, de manière à éviter qu’emportés par la violence de leurs désirs, leur précipitation ou leur manque de discernement, ils ne se fassent de mal : ce sont comme des haies disposées non pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. C’est pourquoi si une loi n’est pas nécessaire et que la vraie fin de toute loi lui fasse défaut, elle n’est pas bonne. On peut croire qu’une loi est bonne quand elle apporte un avantage au souverain2 sans pourtant être nécessaire au peuple ; mais cela n’est pas. En effet, le bien du souverain et celui du peuple ne sauraient être séparés.

HOBBES Léviathan (1651)

1« République » : l’État en général.

2« souverain » : celui qui gouverne et commande.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.

[A] – Questions d’analyse

1. En vous fondant sur la comparaison des lois politiques avec les règles d’un jeu, expliquez pourquoi une loi ne peut pas être injuste.

2. Expliquez « nécessaire au bien du peuple » en définissant la nécessité par distinction avec ce qui est seulement possible et contingent.

3. En quoi la fonction des lois est-elle éclairée par la comparaison avec « les haies » ?

4. Donnez des exemples de ce qui pourrait être bien pour le peuple.

[B] – Éléments de synthèse

1. Si une loi ne peut pas être injuste, en quels sens peut-elle être mauvaise ?

2. Dégagez la thèse défendue par l’auteur et les étapes de son argumentation.

[C] – Commentaire

1. La loi fait-elle obstacle à la liberté de la volonté ?

2. À la lumière de vos connaissances et en tenant compte du texte de Hobbes, vous examinerez pour quelles raisons le bien du souverain et celui du peuple ne sauraient être séparés

2019 TECHN. ANTILLES NORMALE Faut-il toujours s’en tenir à l’expérience ?

2019 TECHN. ANTILLES NORMALE L’artiste est-i maître de son œuvre ?

2019 TECHN. ANTILLES NORMALE Qu’est-ce qu’une bonne loi ? Par bonne loi, je n’entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par le pouvoir souverain, et tout ce qui est fait par ce pouvoir est approuvé et reconnu pour sien par chaque membre du peuple : et ce que chacun veut ne saurait être dit injuste par personne. Il en est des lois de la République comme des lois des jeux : ce sur quoi les joueurs se sont accordés n’est pour aucun d’eux une injustice. Une bonne loi se caractérise par le fait qu’elle est, en même temps, nécessaire au bien du peuple et claire. En effet, le rôle des lois, qui ne sont que des règles revêtues d’une autorité, n’est pas d’entraver toute action volontaire, mais seulement de diriger et de contenir les mouvements des gens, de manière à éviter qu’emportés par la violence de leurs désirs, leur précipitation ou leur manque de discernement, ils ne se fassent de mal : ce sont comme des haies disposées non pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. C’est pourquoi si une loi n’est pas nécessaire et que la vraie fin de toute loi lui fasse défaut, elle n’est pas bonne. On peut croire qu’une loi est bonne quand elle apporte un avantage au souverain sans pourtant être nécessaire au peuple ; mais cela n’est pas. En effet, le bien du souverain et celui du peuple ne sauraient être séparés.

HOBBES Léviathan (1651)

2019 ES ANTILLES REMPLACEMENT Est-ce par souci de la justice que l’on se donne des lois ?

2019 ES ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on refuser une démonstration ?

2019 ES ANTILLES REMPLACEMENT La beauté est un ordre et une combinaison de parties, tels que, par la constitution primitive de notre nature, par accoutumance ou par caprice, elle est propre à donner à l’âme un plaisir et un contentement. C’est là le caractère distinctif de la beauté : c’est ce qui constitue la différence qui existe entre elle et la laideur dont la tendance naturelle est de produire un malaise. Le plaisir et la douleur ne sont donc pas seulement les compagnons nécessaires de la beauté et de la laideur, ils en constituent l’essence même. Et certes si nous considérons qu’une grande partie de la beauté, que nous admirons chez les animaux et dans les objets, dérive de l’idée de convenance et d’utilité, nous n’hésiterons pas à consentir à cette opinion. Cette forme, qui produit la force, est belle chez un animal ; et cette autre, qui est signe d’agilité, l’est chez un autre. L’ordre et la convenance d’un palais ne sont pas moins essentiels à sa beauté que sa forme même et son aspect. De même manière, les règles de l’architecture requièrent que le haut d’un pilier soit plus mince que sa base, parce qu’une telle forme nous apporte l’idée de sécurité, qui est agréable ; au contraire la forme opposée nous fait craindre un danger, ce qui est pénible. D’innombrables exemples de ce genre, aussi bien que la remarque que la beauté, comme l’esprit, ne peut se définir, mais qu’on la discerne seulement par un goût ou une sensation, nous permettent de conclure que la beauté n’est rien qu’une forme qui produit le plaisir.

David

HUME Traité de la nature humaine (1739

2019 L ANTILLES REMPLACEMENT Peut-on traiter le vivant comme un objet ?

2019 L ANTILLES REMPLACEMENT Le bonheur consiste-t-il à ne plus rien désirer ?

2019 L ANTILLES REMPLACEMENT Quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux ou de citoyen, quand j’exécute les engagements que j’ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu’ils sont d’accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne laisse pas d’être objective(1) ; car ce n’est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus par l’éducation. Que de fois, d’ailleurs, il arrive que nous ignorons le détail des obligations qui nous incombent et que, pour les connaître, il nous faut consulter le Code et ses interprètes autorisés ! De même, les croyances et les pratiques de sa vie religieuse, le fidèle les a trouvées toutes faites en naissant ; si elles existaient avant lui, c’est qu’elles existent en dehors de lui. Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaies que j’emploie pour payer mes dettes, les instruments de crédit que j’utilise dans mes relations commerciales, les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc. fonctionnent indépendamment des usages que j’en fais. Qu’on prenne les uns après les autres tous les membres dont est composée la société, ce qui précède pourra être répété à propos de chacun d’eux. Voilà donc des manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles.

DURKHEIM Les Règles de la méthode sociologique (1895)

(1) « ne laisse pas d’être objective » : demeure objectiv

2019 S ANTILLES REMPLACEMENT Connaître le monde matériel, est-ce connaître le monde réel ?

2019 S ANTILLES REMPLACEMENT Les machines doivent-elles se substituer aux travailleurs ?

2019 S ANTILLES REMPLACEMENT Comme l’amour de soi est, de tous les principes, le plus universel et le plus profondément gravé dans nos cœurs, il nous est naturel de considérer les choses suivant leur convenance à accroître ou à diminuer notre propre bonheur ; et nous les appelons en conséquence bonnes ou mauvaises. Notre jugement s’emploie toujours à distinguer entre les deux, et c’est toute l’affaire de notre vie que d’essayer, par une application convenable de nos facultés, de nous procurer l’un et d’éviter l’autre. Dès notre venue au monde, nous sommes entièrement guidés par les impressions des sens ; car le plaisir sensible est la caractéristique infaillible du bien présent, comme la douleur l’est du mal. Mais par degrés, au fur et à mesure que nous nous familiarisons avec la nature des choses, l’expérience nous informe qu’un bien présent est souvent suivi d’un plus grand mal ; et d’autre part, qu’un mal présent n’est pas moins fréquemment l’occasion qui nous procure par la suite un plus grand bien. En outre, lorsque les facultés les plus nobles de l’âme humaine commencent à se manifester, elles nous découvrent des biens qui l’emportent de loin en excellence sur ceux qui touchent les sens. Par suite un changement s’introduit dans nos jugements ; nous n’obéissons plus aux premières sollicitations des sens, mais nous marquons un temps d’arrêt pour considérer les conséquences lointaines d’une action – quel bien nous pouvons espérer ou quel mal nous pouvons en redouter – d’après le cours habituel des choses. Ceci nous oblige fréquemment à faire peu de cas des jouissances présentes et passagères, quand elles entrent en compétition avec des biens plus grands et plus durables, encore que trop éloignés et d’une nature trop raffinée pour toucher nos sens.

BERKELEY De l’Obéissance passive (1712)

2019 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT La culture rend-elle les hommes meilleurs ?

2019 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Faut-il connaître la loi pour savoir ce qui est juste ?

2019 TECHN. ANTILLES REMPLACEMENT Sur quoi est fondée la croyance que tout être humain a deux parents ? Sur l’expérience. Et comment puis-je fonder cette croyance sûre sur mon expérience ? Eh bien, je la fonde non seulement sur le fait que j’ai connu les parents de certaines personnes, mais sur tout ce que j’ai appris de la vie sexuelle des êtres humains et leur anatomie et physiologie ; et aussi sur ce que j’ai entendu dire et ce que j’ai vu des animaux. Mais est-ce là vraiment une preuve ?

N’est-ce pas plutôt une hypothèse qui, comme je crois, est parfaitement confirmée à de très nombreuses reprises ?

Ne devons-nous pas dire à tout bout de champ : « Je crois cela avec certitude » ?

On dit : « Je sais… » lorsqu’on est prêt à donner des raisons contraignantes. « Je sais » est lié à la possibilité de démontrer la vérité. Que quelqu’un sache quelque chose se laisse voir, à condition qu’il en soit convaincu.

Mais si ce qu’il croit est tel que les raisons qu’il peut en donner ne sont pas plus sûres que son affirmation, alors il ne peut pas dire qu’il sait ce qu’il croit.

WITTGENSTEIN De la Certitude, 1949-1951

2019 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Sommes-nous ce que les autres font de nous ?

2019 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pourquoi n’a-t-on jamais fini d’écrire l’histoire ?

2019 ES ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Manifestement, la liberté ne caractérise pas toute forme de rapports humains et toute espèce de communauté. Là où des hommes vivent ensemble mais ne forment pas un corps politique – par exemple, dans les sociétés tribales ou dans l’intimité du foyer – les facteurs réglant leurs actions et leur conduite ne sont pas la liberté, mais les nécessités de la vie et le souci de sa conservation. En outre, partout où le monde fait par l’homme ne devient pas scène pour l’action et la parole – par exemple dans les communautés gouvernées de manière despotique qui exilent leurs sujets dans l’étroitesse du foyer et empêchent ainsi la naissance d’une vie publique – la liberté n’a pas de réalité dans le monde. Sans une vie publique politiquement garantie, il manque à la liberté l’espace du monde où faire son apparition. Certes, elle peut encore habiter le cœur des hommes comme désir, volonté, souhait ou aspiration ; mais le cœur humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et sont relatives l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose.

ARENDT La Crise de la culture (1961)

2019 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Sommes-nous responsables de tous nos actes ?

2019 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Pour vivre en société, faut-il ne plus penser à soi ?

2019 L ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Il faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, ce qui aura le plus d’intérêt pour l’historien à venir. Quand cet historien considérera notre présent à nous, il y cherchera surtout l’explication de son présent à lui, et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveauté. Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd’hui, si ce doit être une création. Comment donc nous réglerions-nous aujourd’hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu’il faut enregistrer, ou plutôt pour fabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes est l’avènement de la démocratie. Que dans le passé, tel qu’il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions des signes avant-coureurs, c’est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n’auraient été notées par eux que s’ils avaient su que l’humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n’était pas plus marquée alors qu’une autre, ou plutôt elle n’existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, je veux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie. Les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. Ni la course, ni sa direction, ni par conséquent son terme n’étaient donnés quand ces faits se produisaient : donc ces faits n’étaient pas encore des signes. Allons plus loin. Nous disions que les faits les plus importants à cet égard ont pu être négligés par les contemporains. Mais la vérité est que la plupart de ces faits n’existaient pas encore à cette époque comme faits.

BERGSON La pensée et le mouvant (1934)

2019 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Les vérités scientifiques sont-elles indiscutables ?

2019 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La justice peut-elle se passer de contraindre ?

2019 S ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Que la vertu marche la première, qu’elle porte l’étendard (1), nous garderons néanmoins le plaisir mais nous le dominerons et le réglementerons ; sur certains points il nous gagnera à force de prières, mais il ne nous contraindra pas. Au contraire, ceux qui ont abandonné le premier rang au plaisir, sont privés et du plaisir et de la vertu ; ils perdent cette dernière, et eux-mêmes ne possèdent point le plaisir, mais c’est le plaisir qui les possède, car s’il manque ce sont pour eux des tortures, et s’il abonde c’est l’étouffement ; ces hommes sont misérables quand les plaisirs les abandonnent, plus misérables encore quand les plaisirs les écrasent ; cela se passe comme pour les navigateurs surpris dans la mer des Syrtes (2), qui tantôt demeurent à sec, et tantôt sont roulés par des vagues impétueuses. Cette situation est le résultat d’un dérèglement exagéré et d’un amour qui s’aveugle, car si l’on recherche des choses mauvaises en les prenant pour des biens il est dangereux de les atteindre. De même que nous ne chassons pas les bêtes féroces sans peine ni péril et qu’une fois celles-ci capturées nous ne les gardons pas sans inquiétude, car souvent elles déchirent leurs maîtres, de même ceux qui possèdent de grands plaisirs tombent dans un grand malheur et les plaisirs qu’ils ont capturés les capturent à leur tour ; plus ceux-ci sont nombreux et grands, plus se trouve faible et dépendant cet esclave que la foule appelle un homme heureux.

SÉNÈQUE De la Vie heureuse (58 après J.C.)

(1) Étendard : drapeau de guerre.

(2) La mer des Syrtes est cette zone de la Méditerranée qui se trouve au nord de la côte africaine, entre Carthage (Tunisie) et Cyrène (sur la côte libyenne), et où la navigation était réputée dangereuse.

2019 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Peut-on être heureux en étant injuste ?

2019 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE La technique nous rend-elle plus libre ?

2019 TECHN. ÉTRANGER GROUPE 1 NORMALE Quand nous considérons soit l’histoire de l’opinion, soit le cours ordinaire de la vie humaine, à quoi attribuer que l’une et l’autre ne soient pas pires ? Certainement pas à la force propre de l’intelligence humaine ; car, pour toute question délicate, une personne sur cent sera capable de trancher ; et encore, la capacité de cette unique personne n’est que relative. Car la majorité des grands hommes des générations passées a soutenu maintes opinions aujourd’hui tenues pour erronées et fait et approuvé nombre de choses que nul ne justifie plus aujourd’hui. Comment se fait-il alors qu’il y ait globalement prépondérance (1) d’opinions et de conduites rationnelles dans l’humanité ? Si prépondérance il y a – et sans elle, les affaires humaines seraient et eussent toujours été dans un état presque désespéré – elle le doit à une qualité de l’esprit humain, à la source de tout ce qu’il y a de respectable en l’homme en tant qu’être intellectuel et moral, à savoir que ses erreurs sont rectifiables. Par la discussion et l’expérience – mais non par la seule expérience – il est capable de corriger ses erreurs : la discussion est nécessaire pour montrer comment interpréter l’expérience. Fausses opinions et fausses pratiques cèdent graduellement devant le fait et l’argument ; mais pour produire quelque effet sur l’esprit, ces faits et arguments doivent lui être présentés. Rares sont les faits qui parlent d’eux-mêmes, sans commentaire qui fasse ressortir leur signification. Il s’ensuit que toute la force et la valeur de l’esprit humain – puisqu’il dépend de cette faculté d’être rectifié quand il s’égare – n’est vraiment fiable que si tous les moyens pour le rectifier sont à portée de main.

MILL De la liberté (1859)

(1) « prépondérance » : caractère de ce qui l’emporte, de ce qui a plus de poids, plus d’autorité.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « Car la majorité des grands hommes des générations passées a soutenu maintes opinions aujourd’hui tenues pour erronées et fait et approuvé nombre de choses que nul ne justifie plus aujourd’hui. »

b) « Par la discussion et l’expérience – mais non par la seule expérience – il est capable de corriger ses erreurs : la discussion est nécessaire pour montrer comment interpréter l’expérience. »

c) « Fausses opinions et fausses pratiques cèdent graduellement devant le fait et l’argument ; mais pour produire quelque effet sur l’esprit, ces faits et arguments doivent lui être présentés. »

3. Avons-nous besoin des autres pour savoir ce qui est vrai ?

2019 ES JAPON ASIE

NORMALE Le bonheur est-il une succession de plaisirs ?

2019 ES JAPON ASIE

NORMALE La politique n’est-elle qu’un rapport de force ?

2019 ES JAPON ASIE

NORMALE Pour ce qui concerne le rapport de la qualité et de l’acte, on établit souvent une distinction entre ce que sont les qualités de l’homme et ce que sont ses actes. Dans l’histoire cependant, cette différence est nulle, car l’homme est son acte. Il est lui- même la suite de ses actes. On s’imagine que l’intention ou le dessein pourraient être excellents, quand bien même les actes devraient ne rien valoir. On fait ainsi une différence entre l’intérieur et l’acte. Assurément, il peut arriver, dans certains cas, que l’homme se dissimule et se montre autre qu’il n’est. Cependant c’est là quelque chose de tout à fait partiel, temporaire et borné et qui ne peut valoir globalement. En vérité, l’extérieur n’est pas distinct de l’intérieur, si bien qu’on établit ces distinctions à tort. La série des actes n’est pas distincte de l’intérieur. L’histoire est ce qui est manifeste1. Par conséquent, toutes les argumentations subtiles sur les disjonctions momentanées de l’intérieur et de l’extérieur s’évanouissent, en particulier dans l’histoire. C’est sa manière de procéder, de considérer les actes des individus et des peuples. Ces actes représentent ce que sont les peuples.

HEGEL La philosophie de l’histoire (1822).

2019 L JAPON ASIE

NORMALE Faut-il du temps pour devenir soi-même ?

2019 L JAPON ASIE

NORMALE Le langage est-il un instrument de pouvoir ?

2019 L JAPON ASIE

NORMALE Une société d’égaux ne peut exister s’il n’est pas bien entendu que les intérêts de tous doivent être également pris en considération. Et puisque, dans tous les états de civilisation, chaque personne, à l’exception du monarque absolu, a des égaux, chacun est obligé de vivre sur le pied d’égalité avec quelqu’un ; et chaque époque marque un progrès vers la réalisation d’un état de choses dans lequel il sera impossible de vivre autrement, de façon permanente, avec qui que ce soit. De la sorte, les hommes en arrivent à être incapables de concevoir comme possible pour eux un état de choses où l’on négligerait totalement les intérêts d’autrui. Ils sont dans la nécessité de se concevoir eux-mêmes comme s’abstenant tout au moins des actes les plus nuisibles et (ne fût-ce que pour leur protection personnelle) comme ne cessant de protester contre de tels actes. Ce sont pour eux choses familières que de coopérer avec autrui et de proposer comme but à leurs actions (tout au moins pour le moment présent) un intérêt collectif et non individuel. Aussi longtemps qu’ils sont en train de coopérer, leurs fins sont identifiées avec les fins d’autrui ; ils ont, au moins pendant quelque temps, le sentiment que les intérêts d’autrui sont leurs propres intérêts. Non seulement tout renforcement des liens sociaux, tout développement normal de la société, donne à chaque individu un intérêt personnel plus grand à tenir compte pratiquement du bien-être des autres, mais aussi l’individu sera amené à donner de plus en plus comme objet à ses sentiments le bien des autres, ou tout au moins à le prendre de plus en plus en considération dans la pratique. Il en arrive, comme instinctivement, à se considérer lui-même comme un être qui se préoccupe naturellement des autres.

John Stuart

MILL L’utilitarisme

2019 S JAPON ASIE

NORMALE Le progrès technique appauvrit-il le travail humain ?

2019 S JAPON ASIE

NORMALE La science peut-elle combler notre désir de vérité ?

2019 S JAPON ASIE

NORMALE Vouloir la société, c’est, d’une part, vouloir quelque chose qui nous dépasse ; mais c’est en même temps nous vouloir nous-même. Nous ne pouvons vouloir sortir de la société, sans vouloir cesser d’être des hommes. Je ne sais si la civilisation nous a apporté plus de bonheur et il n’importe ; mais ce qui est certain c’est que du moment où nous sommes civilisés, nous ne pouvons y renoncer qu’en renonçant à nous-même. La seule question qui puisse se poser pour l’homme est, non pas de savoir s’il peut vivre en dehors d’une société, mais dans quelle société il veut vivre ; et je reconnais d’ailleurs très volontiers à tout individu le droit d’adopter la société de son choix, à supposer qu’il ne soit pas retenu dans sa société natale par des devoirs préalablement contractés. Dès lors, on s’explique sans peine comment la société, en même temps qu’elle constitue une fin qui nous dépasse, peut nous apparaître comme bonne et désirable, puisqu’elle tient à toutes les fibres de notre être ; et par conséquent elle présente les caractères essentiels que nous avons reconnus aux fins morales.

DURKHEIM Sociologie et philosophie,1898.

2019 ES LIBAN NORMALE Faut-il préférer la vérité à son bonheur ?

2019 ES LIBAN NORMALE Peut-on parvenir à une complète conscience de soi ?

2019 ES LIBAN NORMALE Il faut reconnaître que l’égalité, qui introduit de grands biens dans le monde, suggère cependant aux hommes, ainsi qu’il sera montré ci-après, des instincts fort dangereux ; elle tend à les isoler les uns des autres, pour porter chacun d’eux à ne s’occuper que de lui seul.

Elle ouvre démesurément leur âme à l’amour des jouissances matérielles.

Le plus grand avantage des religions est d’inspirer des instincts tout contraires. Il n’y a point de religion qui ne place l’objet des désirs de l’homme au-delà et au-dessus des biens de la terre, et qui n’élève naturellement son âme vers des régions fort supérieures à celle des sens. Il n’y en a point non plus qui n’impose à chacun des devoirs quelconques envers l’espèce humaine, ou en commun avec elle, et qui ne le tire ainsi, de temps à autre, de la contemplation de lui-même. Ceci se rencontre dans les religions les plus fausses et les plus dangereuses.

Les peuples religieux sont donc naturellement forts précisément à l’endroit où les peuples démocratiques sont faibles ; ce qui fait bien voir de quelle importance il est que les hommes gardent leur religion en devenant égaux.

ALEXIS DE

TOCQUEVILLE De la Démocratie en Amérique (1835)

2019 L LIBAN NORMALE Désirons-nous seulement ce que les autres désirent ?

2019 L LIBAN NORMALE L’État est-il au service de la société ?

2019 L LIBAN NORMALE Il existe de nombreux faits établis dans les sciences théoriques qui, s’ils étaient confrontés au point de vue immédiat et à l’opinion que la foule a de la question, seraient, relativement à cela, tout à fait semblables à des choses que peut apercevoir un dormeur durant son sommeil ! Et nombre de ces choses ne reposent pas même sur des prémisses1 qui seraient, elles, de l’ordre des prémisses concevables par la foule, qui seraient persuasives pour la foule lorsque celle-ci réfléchirait à ces idées ; dont il est au contraire impossible qu’elles suscitent chez quiconque quelque persuasion que ce soit, mais dont on ne peut acquérir qu’une certitude, si l’on a procédé pour les connaître selon la méthode de la certitude2. Ainsi, dirait-on à la foule, ou même à des gens d’un niveau de discours plus élevé que cela, que le soleil, qui paraît, lorsqu’on le voit, de la taille d’un pied, est en fait à peu près cent soixante-dix fois plus grand que la terre, que les gens trouveraient cela impossible. Ceux qui imagineraient cela se feraient l’impression de rêver, et il nous serait impossible de les en persuader en usant de prémisses auxquelles ils pourraient assentir3 peu de temps après leur mention, en un temps raisonnable. Il n’est au contraire d’autre moyen d’accéder à une science comme celle-ci que la méthode de la démonstration, pour ceux qui ont emprunté cette méthode.

AVERROES L’incohérence de l’incohérence (XIIe siècle)

2019 S LIBAN NORMALE En politique, chacun défend-il ses propres intérêts ?

2019 S LIBAN NORMALE Suis-je défini par ma culture ?

2019 S LIBAN NORMALE Quant à l’idée que l’instruction inclinerait les hommes à une vie retirée et oisive, et les rendrait paresseux : ce serait là une bien étrange chose, si ce qui accoutume l’esprit à être perpétuellement en mouvement induisait à la paresse ! Tout au contraire, on peut assurément affirmer qu’aucune espèce d’homme n’aime le travail pour lui- même, sauf ceux qui sont instruits. Les autres l’aiment pour le profit, comme un mercenaire pour la solde (1), ou encore pour l’honneur, car il les élève aux yeux des gens et redore une réputation qui autrement ternirait, ou parce qu’il leur donne une idée de leur puissance, en leur fournissant la possibilité d’occasionner du plaisir ou de la peine, ou parce qu’il met à l’œuvre telle de leurs facultés dont ils s’enorgueillissent, ce qui alimente leur bonne humeur et l’opinion agréable qu’ils ont d’eux-mêmes, ou enfin parce qu’il fait avancer n’importe quel autre de leurs projets. De la valeur personnelle fausse, on dit que celle de certains se trouve dans les yeux des autres. De la même façon, les efforts des gens que je viens d’évoquer sont dans les yeux des autres, ou du moins relatifs à quelques desseins particuliers. Seuls les hommes instruits aiment le travail comme une action conforme à la nature, et qui convient à la santé de l’esprit autant que l’exercice physique convient à la santé du corps. Ils prennent plaisir dans l’action elle-même, non dans ce qu’elle procure. Par conséquent, ils sont les plus infatigables des hommes quand il s’agit d’un travail qui puisse retenir leur esprit.

BACON Du progrès et de la promotion des savoirs (1605)

(1) Solde : la paye octroyée par l’armée à ses employés.

2019 ES MÉTROPOLE NORMALE La morale est-elle la meilleure des politiques ?

2019 ES MÉTROPOLE NORMALE Le travail divise-t-il les hommes ?

2019 ES MÉTROPOLE NORMALE Nous avons le libre arbitre, non pas quand nous percevons, mais quand nous agissons. Il ne dépend pas de mon arbitre de trouver le miel doux ou amer, mais il ne dépend pas non plus de mon arbitre qu’un théorème proposé m’apparaisse vrai ou faux ; la conscience n’a qu’à examiner ce qui lui apparaît. Lorsque nous décidons de quelque chose, nous avons toujours présentes à l’esprit ou bien une sensation ou une raison actuelles, ou tout au moins un souvenir actuel d’une sensation ou d’une raison passées ; bien qu’en ce dernier cas nous soyons souvent trompés par l’infidélité de la mémoire ou par l’insuffisance de l’attention. Mais la conscience de ce qui est présent ou de ce qui est passé ne dépend nullement de notre arbitre. Nous ne reconnaissons à la volonté que le pouvoir de commander à l’attention et à l’intérêt ; et ainsi, quoiqu’elle ne fasse pas le jugement en nous, elle peut toutefois y exercer une influence indirecte. Ainsi il arrive souvent que les hommes finissent par croire ce qu’ils voudraient être la vérité, ayant accoutumé leur esprit à considérer avec le plus d’attention les choses qu’ils aiment ; de cette façon ils arrivent à contenter non seulement leur volonté mais encore leur conscience.

LEIBNIZ Remarques sur la partie générale des Principes de Descartes (1692)

2019 L MÉTROPOLE NORMALE Est-il possible d’échapper au temps ?

2019 L MÉTROPOLE NORMALE À quoi bon expliquer une œuvre d’art ?

2019 L MÉTROPOLE NORMALE Pour savoir ce qu’est une loi de la nature, il faut que nous ayons une connaissance de la nature, car ces lois sont exemptes d’erreur et ce sont seulement les représentations que nous en avons qui peuvent être fausses. La mesure de ces lois est en dehors de nous : notre connaissance n’y ajoute rien et ne les améliore pas. Il n’y a que la connaissance que nous en avons qui puisse s’accroître. La connaissance du droit est, par certains côtés, semblable à celle de la nature, mais, par d’autres côtés, elle ne l’est pas. Nous apprenons, en effet, à connaître les lois du droit telles qu’elles sont données. C’est plus ou moins de cette façon que le citoyen les connaît et le juriste qui étudie le droit positif1 s’en tient, lui aussi, à ce qui est donné. Toutefois la différence consiste en ceci que, dans le cas des lois du droit, intervient l’esprit de réflexion et la diversité de ces lois suffit à nous rendre attentifs à ce fait que ces lois ne sont pas absolues. Les lois du droit sont quelque chose de posé, quelque chose qui provient de l’homme. La conviction intérieure peut entrer en conflit avec ces lois ou leur donner son adhésion. L’homme ne s’en tient pas à ce qui est donné dans l’existence, mais il affirme, au contraire, avoir en lui la mesure de ce qui est juste. Il peut sans doute être soumis à la nécessité et à la domination d’une autorité extérieure, mais il ne l’est pas comme dans le cas de la nécessité naturelle, car son intériorité lui dit toujours comment les choses doivent être, et c’est en lui- même qu’il trouve la confirmation ou la désapprobation de ce qui est en vigueur. Dans la nature, la vérité la plus haute est qu’il y a une loi ; cela ne vaut pas pour les lois du droit où il ne suffit pas qu’une loi existe pour être admise.

HEGEL Principes de la philosophie du droit (1820)

1 droit positif : droit conventionnel, institué par les hommes

2019 S MÉTROPOLE NORMALE La pluralité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ?

2019 S MÉTROPOLE NORMALE Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ?

2019 S MÉTROPOLE NORMALE La science a beaucoup d’ennemis déclarés, et encore plus d’ennemis cachés, parmi ceux qui ne peuvent lui pardonner d’avoir ôté à la foi religieuse sa force et de menacer cette foi d’une ruine totale. On lui reproche de nous avoir appris bien peu et d’avoir laissé dans l’obscurité incomparablement davantage. Mais on oublie, en parlant ainsi, l’extrême jeunesse de la science, la difficulté de ses débuts, et l’infinie brièveté du laps de temps écoulé depuis que l’intellect humain est assez fort pour affronter les tâches qu’elle lui propose. Ne commettons-nous pas, tous tant que nous sommes, la faute de prendre pour base de nos jugements des laps de temps trop courts ? Nous devrions suivre l’exemple des géologues. On se plaint de l’incertitude de la science, on l’accuse de promulguer aujourd’hui une loi que la génération suivante reconnaît pour une erreur et remplace par une loi nouvelle qui n’aura pas plus longtemps cours. Mais ces accusations sont injustes et en partie fausses. La transformation des opinions scientifiques est évolution, progrès, et non démolition. Une loi, que l’on avait d’abord tenue pour universellement valable, se révèle comme n’étant qu’un cas particulier d’une loi (ou d’une légalité) plus générale encore, ou bien l’on voit que son domaine est borné par une autre loi, que l’on ne découvre que plus tard ; une approximation en gros de la vérité est remplacée par une autre, plus soigneusement adaptée à la réalité, approximation qui devra attendre d’être perfectionnée à son tour. Dans divers domaines, nous n’avons pas encore dépassé la phase de l’investigation, phase où l’on essaie diverses hypothèses qu’on est bientôt contraint, en tant qu’inadéquates, de rejeter. Mais dans d’autres nous avons déjà un noyau de connaissances assurées et presque immuables.

FREUD L’Avenir d’une illusion (1927)

2019 STHR MÉTROPOLE NORMALE Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ?

2019 STHR MÉTROPOLE NORMALE Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ?

2019 STHR MÉTROPOLE NORMALE Le fait qu’on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée(1) entre nous, ou qui ne puisse l’être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu’il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable : ce qui est le signe que je l’ai saisi par quelque autre moyen que par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes.

Laissons de côté cette confusion infinie d’opinions que l’on voit parmi les philosophes eux-mêmes, et ce débat perpétuel et général sur la connaissance des choses. On a tout à fait raison, en effet, d’admettre que sur aucune chose les hommes – je veux dire les savants les mieux nés, les plus capables – ne sont d’accord, pas même sur le fait que le ciel est sur notre tête, car ceux qui doutent de tout doutent aussi de cela ; et ceux qui nient que nous puissions comprendre quelque chose disent que nous n’avons pas compris que le ciel est sur notre tête ; et ces deux opinions sont, par le nombre, incomparablement les plus fortes.

Outre cette diversité et cette division infinies, par le trouble que notre jugement nous donne à nous-mêmes et par l’incertitude que chacun sent en lui, il est aisé de voir que ce jugement a son assise2 bien mal assurée. Comme nous jugeons différemment des choses ! Combien de fois changeons-nous d’opinions ! Ce que je soutiens aujourd’hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ; toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion et m’en répondent sur tout leur pouvoir. Je ne saurais embrasser3 aucune vérité ni la conserver avec plus de force que je ne fais pour celle-ci. J’y suis totalement engagé, j’y suis vraiment engagé ; mais ne m’est-il pas arrivé, non pas une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d’avoir embrassé quelque autre opinion avec ces mêmes instruments, dans ces mêmes conditions, opinion que, depuis, j’ai jugée fausse ?

MONTAIGNE Les Essais (1580)

1 « controverse » : discussion vive.

2 « assise » : base, fondement.

3 « embrasser » : adhérer à une opinion, la faire sienne.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.

[A] – Questions d’analyse

1. Montaigne constate le fait « qu’on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée, ou qui ne puisse l’être ». Au contraire, vous semble-t-il que certaines thèses ne sont jamais débattues et controversées ? Donnez des exemples pour l’un et l’autre cas ? Que vient apporter dans le texte la précision « ou qui ne puisse l’être » ?

2. Comment pourrait-on douter que « le ciel soit sur nos têtes » ? Pourquoi un tel doute serait-il plus particulièrement le fait des philosophes et des savants ?

3. Quand je soutiens une opinion, affirme Montaigne, « toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion » : quelles sont ces facultés et ces forces ?

4. Montaigne remarque que très souvent nous « changeons d’opinion », alors même que nous y sommes « totalement engagé[s], vraiment engagé[s] ». Qu’y a-t-il d’étonnant à cela et comment expliquer que cela se produise ?

[B] – Eléments de synthèse

1. Expliquez comment les controverses et les débats qui s’élèvent à propos de chaque thèse prouvent, selon Montaigne, que nous ne saisissons pas les choses « par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes ». Quel serait ce pouvoir ? Si ce n’est pas lui qui nous fait saisir les choses, qu’est-ce qui nous fait croire ?

2. On pourrait s’attendre à ce que la science et la philosophie mettent fin à ces désaccords et controverses. Pourquoi s’attend-on à cela ? D’après l’auteur, est-ce ce qui arrive en effet ?

3. Changer d’opinion au cours d’une discussion, est-ce être en désaccord avec soi-même ?

4. En vous appuyant sur les éléments précédents (en [A] et en [B]), dégagez l’idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

[C] – Commentaire

1. La force avec laquelle nous tenons à une croyance est-elle un indice de sa vérité ?

2. À la lumière de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte et des arguments de Montaigne, vous vous demanderez si la diversité et l’opposition des opinions et des croyances est insurmontable, et si cela prouve l’incapacité humaine à établir une connaissance certaine.

2019 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ?

2019 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ?

2019 TECHN. MÉTROPOLE NORMALE Le fait qu’on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée(1) entre nous, ou qui ne puisse l’être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu’il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable : ce qui est le signe que je l’ai saisi par quelque autre moyen que par un pouvoir naturel qui serait en moi et en tous les hommes.

Laissons de côté cette confusion infinie d’opinions que l’on voit parmi les philosophes eux-mêmes, et ce débat perpétuel et général sur la connaissance des choses. On a tout à fait raison, en effet, d’admettre que sur aucune chose les hommes – je veux dire les savants les mieux nés, les plus capables – ne sont d’accord, pas même sur le fait que le ciel est sur notre tête, car ceux qui doutent de tout doutent aussi de cela ; et ceux qui nient que nous puissions comprendre quelque chose disent que nous n’avons pas compris que le ciel est sur notre tête ; et ces deux opinions sont, par le nombre, incomparablement les plus fortes.

Outre cette diversité et cette division infinies, par le trouble que notre jugement nous donne à nous-mêmes et par l’incertitude que chacun sent en lui, il est aisé de voir que ce jugement a son assise2 bien mal assurée. Comme nous jugeons différemment des choses ! Combien de fois changeons-nous d’opinions ! Ce que je soutiens aujourd’hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ; toutes mes facultés et toutes mes forces empoignent cette opinion et m’en répondent sur tout leur pouvoir. Je ne saurais embrasser3 aucune vérité ni la conserver avec plus de force que je ne fais pour celle-ci. J’y suis totalement engagé, j’y suis vraiment engagé ; mais ne m’est-il pas arrivé, non pas une fois, mais cent, mais mille, et tous les jours, d’avoir embrassé quelque autre opinion avec ces mêmes instruments, dans ces mêmes conditions, opinion que, depuis, j’ai jugée fausse ?

MONTAIGNE Les Essais (1580)

1 « controverse » : discussion vive.

2 « assise » : base, fondement.

3 « embrasser » : adhérer à une opinion, la faire sienne.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « Le fait qu’on ne voit aucune thèse qui ne soit débattue et controversée, ou qui ne puisse l’être, montre bien que notre jugement naturel ne saisit pas bien clairement ce qu’il saisit, car mon jugement ne peut pas le faire admettre par le jugement de mon semblable » ;

b) « (…) l’incertitude que chacun sent en lui » ;

c) « Ce que je soutiens aujourd’hui et ce que je crois, je le soutiens et le crois de toute ma croyance ».

3. Changer d’opinion, cela nous empêche-t-il de connaître la vérité ?

2019 TMD MÉTROPOLE NORMALE Sommes-nous conscients de ce que nous désirons ?

2019 TMD MÉTROPOLE NORMALE La technique nous libère-t-elle ?

2019 TMD MÉTROPOLE NORMALE Il y a un caractère commun à toutes les actions que l’on appelle communément morales, c’est qu’elles sont toutes conformes à des règles préétablies. Se conduire moralement, c’est agir suivant une norme, déterminant la conduite à tenir dans le cas donné avant même que nous n’ayons été nécessités1 à prendre parti. Le domaine de la morale, c’est le domaine du devoir, et le devoir, c’est une action prescrite. Ce n’est pas que des questions ne puissent se poser pour la conscience morale ; nous savons même qu’elle est souvent embarrassée, qu’elle hésite entre des partis contraires. Seulement, ce qu’il s’agit alors de savoir, c’est quelle est la règle particulière qui s’applique à la situation donnée, et comment elle doit s’y appliquer. Car, comme toute règle consiste en une prescription générale, elle ne peut pas s’appliquer exactement et mécaniquement de la même manière, dans chaque circonstance particulière. C’est à l’agent moral qu’il appartient de voir comment il convient de la particulariser. Il y a toujours là une marge laissée à son initiative ; mais cette marge est restreinte. L’essentiel de la conduite est déterminé par la règle.

Émile

DURKHEIM L’éducation morale (1903)

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégagez l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquez :

1. a) « Le domaine de la morale […] une action prescrite. » L. 5 - 6.

2. b) « ce qu’il s’agit alors de savoir […] et comment elle doit s’y appliquer. » L. 8 - 10.

3. c) « mais cette marge est restreinte. » L. 14.

3. La conduite morale est-elle entièrement déterminée par des règles préétablies ?

2019 ES POLYNÉSIE NORMALE Peut-on donner sans retour ?

2019 ES POLYNÉSIE NORMALE Être seul, est-ce être libre ?

2019 ES POLYNÉSIE NORMALE Il faut un hasard heureux, une chance exceptionnelle, pour que nous notions justement, dans la réalité présente, ce qui aura le plus d’intérêt pour l’historien à venir. Quand cet historien considèrera notre présent à nous, il y cherchera surtout l’explication de son présent à lui, et plus particulièrement de ce que son présent contiendra de nouveauté. Cette nouveauté, nous ne pouvons en avoir aucune idée aujourd’hui, si ce doit être une création. Comment donc nous réglerions-nous aujourd’hui sur elle pour choisir parmi les faits ceux qu’il faut enregistrer, ou plutôt pour fabriquer des faits en découpant selon cette indication la réalité présente ? Le fait capital des temps modernes est l’avènement de la démocratie. Que dans le passé, tel qu’il fut décrit par les contemporains, nous en trouvions des signes avant-coureurs, c’est incontestable ; mais les indications peut-être les plus intéressantes n’auraient été notées par eux que s’ils avaient su que l’humanité marchait dans cette direction ; or cette direction de trajet n’était pas plus marquée alors qu’une autre, ou plutôt elle n’existait pas encore, ayant été créée par le trajet lui-même, je veux dire par le mouvement en avant des hommes qui ont progressivement conçu et réalisé la démocratie. Les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. Ni la course, ni sa direction, ni par conséquent son terme n’étaient donnés quand ces faits se produisaient : donc ces faits n’étaient pas encore des signes.

BERGSON La Pensée et le mouvant (1934)

2019 L POLYNÉSIE NORMALE Percevoir, est-ce savoir ?

2019 L POLYNÉSIE NORMALE A-t-on le devoir d’être heureux ?

2019 L POLYNÉSIE NORMALE Ce qui est fâcheux, c’est que, quels que soient le caractère et le contenu de l’histoire qui suit, qu’elle soit jouée dans la vie publique ou dans le privé, qu’elle comporte un petit nombre ou un grand nombre d’acteurs, le sens ne s’en révélera pleinement que lorsqu’elle s’achèvera. Par opposition à la fabrication dans laquelle la lumière permettant de juger le produit fini vient de l’image, du modèle perçu d’avance par l’artisan, la lumière qui éclaire les processus de l’action, et par conséquent les processus historiques, n’apparaît qu’à la fin, bien souvent lorsque tous les participants sont morts. L’action ne se révèle pleinement qu’au conteur, à l’historien qui regarde en arrière et sans aucun doute connaît le fond du problème bien mieux que les participants. Tous les récits écrits par les acteurs eux-mêmes, bien qu’en de rares cas ils puissent exposer de façon très digne de foi des intentions, des buts, des motifs, ne sont aux mains de l’historien que d’utiles documents et n’atteignent jamais à la signification ni à la véracité du récit de l’historien. Ce que dit le narrateur est nécessairement caché à l’acteur, du moins tant qu’il est engagé dans l’action et dans les conséquences, car pour lui le sens de son acte ne réside pas dans l’histoire qui suit. Même si les histoires sont les résultats inévitables de l’action, ce n’est pas l’acteur, c’est le narrateur qui voit et qui « fait » l’histoire.

HANNAH

ARENDT La Condition de l’homme moderne (1958)

2019 S POLYNÉSIE NORMALE Un droit peut-il être naturel ?

2019 S POLYNÉSIE NORMALE La culture sépare-t-elle ou rapproche-t-elle les hommes ?

2019 S POLYNÉSIE NORMALE Nous sommes intérieurs à nous-mêmes, et notre personnalité est ce que nous devrions le mieux connaître. Point du tout ; notre esprit y est comme à l’étranger, tandis que la matière lui est familière et que, chez elle, il se sent chez lui. Mais c’est qu’une certaine ignorance de soi est peut-être utile à un être qui doit s’extérioriser pour agir ; elle répond à une nécessité de la vie. Notre action s’exerce sur la matière, et elle est d’autant plus efficace que la connaissance de la matière a été poussée plus loin. Sans doute il est avantageux, pour bien agir, de penser à ce qu’on fera, de comprendre ce qu’on a fait, de se représenter ce qu’on aurait pu faire : la nature nous y invite ; c’est un des traits qui distinguent l’homme de l’animal, tout entier à l’impression du moment. Mais la nature ne nous demande qu’un coup d’œil à l’intérieur de nous-mêmes : nous apercevons bien alors l’esprit, mais l’esprit se préparant à façonner la matière, s’adaptant par avance à elle, se donnant je ne sais quoi de spatial, de géométrique, d’intellectuel. Une connaissance de l’esprit, dans ce qu’il a de proprement spirituel, nous éloignerait plutôt du but. Nous nous en rapprochons, au contraire, quand nous étudions la structure des choses. Ainsi la nature détourne l’esprit de l’esprit, tourne l’esprit vers la matière.

BERGSON De la position des problèmes, 1934.

2019 STHR POLYNÉSIE NORMALE Y a-t-il des vérités subjectives ?

2019 STHR POLYNÉSIE NORMALE Tout le monde peut-il être artiste ?

2019 STHR POLYNÉSIE NORMALE Je n’ignore pas que beaucoup ont pensé et pensent encore que les choses du monde sont gouvernées par Dieu et par la fortune1, et que les hommes, malgré leur sagesse, ne peuvent les modifier, et n’y apporter même aucun remède. En conséquence de quoi, on pourrait penser qu’il ne vaut pas la peine de se fatiguer et qu’il faut laisser gouverner le destin. Cette opinion a eu, à notre époque, un certain crédit du fait des bouleversements que l’on a pu voir, et que l’on voit encore quotidiennement, et que personne n’aurait pu prédire. J’ai moi-même été tenté en certaines circonstances de penser de cette manière. Néanmoins, afin que notre libre arbitre2 ne soit pas complètement anéanti, j’estime que la fortune peut déterminer la moitié de nos actions mais que pour l’autre moitié les événements dépendent de nous. Je compare la fortune à l’un de ces fleuves dévastateurs qui, quand ils se mettent en colère, inondent les plaines, détruisent les arbres et les édifices, enlèvent la terre d’un endroit et la poussent vers un autre. Chacun fuit devant eux et tout le monde cède à la fureur des eaux sans pouvoir leur opposer la moindre résistance. Bien que les choses se déroulent ainsi, il n’en reste pas moins que les hommes ont la possibilité, pendant les périodes de calme, de se prémunir en préparant des abris et en bâtissant des digues de façon à ce que, si le niveau des eaux devient menaçant, celles-ci convergent vers des canaux et ne deviennent pas déchaînées et nuisibles.

Il en va de même pour la fortune : elle montre toute sa puissance là où aucune vertu n’a été mobilisée pour lui résister et tourne ses assauts là où il n’y a ni abri ni digue pour la contenir.

MACHIAVEL Le Prince (1532)

1 « fortune » : le cours des choses, plus ou moins hasardeux.

2 « libre arbitre » : capacité de juger et choisir librement.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez de manière explicite, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction.

[A] – Questions d’analyse

1. Comment l’opinion commune se représente-t-elle la « fortune » ?

2. Que signifie « laisser gouverner le destin » ?

3. Comment Machiavel se représente-t-il la « fortune » ? Sommes-nous impuissants face à elle ?

4. Que signifie la « vertu » dans ce texte ? A quoi correspond-elle dans l’exemple proposé par Machiavel ?

[B] – Eléments de synthèse

1. Expliquez la phrase : « Il en va de même pour la fortune : elle montre toute sa puissance là où aucune vertu n’a été mobilisée pour lui résister et tourne ses assauts là où il n’y a ni abris ni digues pour la contenir. »

2. En vous aidant des éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte ainsi que les étapes de son argumentation.

19PHHRPO1 Page : 3/4

[C] – Commentaire

1. L’ignorant est-il moins libre que l’homme expérimenté ? Justifiez votre réponse.

2. A la lumière de vos connaissances et de vos lectures, et en tenant compte du texte de Machiavel, vous vous demanderez si l’on peut tirer des leçons fiables de l’expérience.

2019 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Y a-t-il des vérités subjectives ?

2019 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Tout le monde peut-il être artiste ?

2019 TECHN. POLYNÉSIE NORMALE Je n’ignore pas que beaucoup ont pensé et pensent encore que les choses du monde sont gouvernées par Dieu et par la fortune1 et que les hommes, malgré leur sagesse, ne peuvent les modifier et n’y apporter même aucun remède. En conséquence de quoi, on pourrait penser qu’il ne vaut pas la peine de se fatiguer et qu’il faut laisser gouverner le destin. Cette opinion a eu, à notre époque, un certain crédit du fait des bouleversements que l’on a pu voir, et que l’on voit encore quotidiennement, et que personne n’aurait pu prédire. J’ai moi-même été tenté en certaines circonstances de penser de cette manière.

Néanmoins, afin que notre libre arbitre2 ne soit pas complètement anéanti, j’estime que la fortune peut déterminer la moitié de nos actions mais que pour l’autre moitié les événements dépendent de nous. Je compare la fortune à l’un de ces fleuves dévastateurs qui, quand ils se mettent en colère, inondent les plaines, détruisent les arbres et les édifices, enlèvent la terre d’un endroit et la poussent vers un autre. Chacun fuit devant eux et tout le monde cède à la fureur des eaux sans pouvoir leur opposer la moindre résistance. Bien que les choses se déroulent ainsi, il n’en reste pas moins que les hommes ont la possibilité, pendant les périodes de calme, de se prémunir en préparant des abris et en bâtissant des digues de façon à ce que, si le niveau des eaux devient menaçant, celles-ci convergent vers des canaux et ne deviennent pas déchaînées et nuisibles.

Il en va de même pour la fortune : elle montre toute sa puissance là où aucune vertu n’a été mobilisée pour lui résister et tourne ses assauts là où il n’y a ni abri ni digue pour la contenir.

MACHIAVEL Le Prince (1532)

1 « fortune » : le cours des choses, plus ou moins hasardeux. 2 « libre arbitre » : capacité de juger et choisir librement.

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.

2. Expliquer :

a) « (...) beaucoup ont pensé et pensent encore que les choses du monde sont

gouvernées par Dieu et par la fortune, et que les hommes, malgré leur sagesse, ne peuvent les modifier » ;

b) « (...) il n’en reste pas moins que les hommes ont la possibilité, pendant les périodes de calme, de se prémunir en préparant des abris et en bâtissant des digues (...) » ;

c) « Il en va de même pour la fortune : elle montre toute sa puissance là où aucune vertu n’a été mobilisée pour lui résister ».

3. L’expérience nous aide-t-elle à être plus libres ?

2019 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’État exerce-t-il nécessairement une domination ?

2019 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT Pour être moral, ne suffit-il pas de le vouloir ?

2019 L POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’idéal d’une connaissance absolument certaine et démontrable s’est révélé être une idole. L’exigence d’objectivité scientifique rend inévitable que tout énoncé scientifique reste nécessairement et à jamais donné à titre d’essai. En effet un énoncé peut être corroboré mais toute corroboration est relative à d’autres énoncés qui sont eux aussi proposés à titre d’essai. Ce n’est que dans nos expériences subjectives de conviction, dans notre confiance personnelle, que nous pouvons être « absolument certains ».

Avec l’idole de la certitude (qui inclut celle de la certitude imparfaite ou probabilité) tombe l’une des défenses de l’obscurantisme, lequel met un obstacle sur la voie du progrès scientifique. Car l’hommage rendu à cette idole entrave non seulement l’audace de nos questions mais aussi la rigueur et l’honnêteté de nos tests. La conception erronée de la science se manifeste dans le désir d’avoir raison. Car ce qui fait l’homme de science, ce n’est pas la possession du savoir, d’une irréfutable vérité, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité.

POPPER La Logique de la découverte scientifique (1934)

2019 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT L’art doit-il nous instruire ?

2019 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Ne désire-t-on que ce dont on manque ?

2019 S POLYNÉSIE REMPLACEMENT Nous avons maintenant affirmé la nécessité – pour le bien-être intellectuel de l’humanité (dont dépend son bien-être général) – de la liberté de pensée et d’expression à l’aide de quatre raisons distinctes que nous allons récapituler ici : premièrement, une opinion qu’on réduirait au silence peut très bien être vraie : le nier, c’est affirmer sa propre infaillibilité. Deuxièmement, même si l’opinion réduite au silence est fausse, elle peut contenir – ce qui arrive très souvent – une part de vérité ; et puisque l’opinion générale ou dominante sur n’importe quel sujet n’est que rarement ou jamais toute la vérité, ce n’est que par la confrontation des opinions adverses qu’on a une chance de découvrir le reste de la vérité. Troisièmement, si l’opinion reçue est non seulement vraie, mais toute la vérité, on la professera comme une sorte de préjugé, sans comprendre ou sentir ses principes rationnels, si elle ne peut être discutée vigoureusement et loyalement. Et cela n’est pas tout car, quatrièmement, le sens de la doctrine elle-même sera en danger d’être perdu, affaibli ou privé de son effet vital sur le caractère ou la conduite : le dogme deviendra une simple profession formelle, inefficace au bien, mais encombrant le terrain et empêchant la naissance de toute conviction authentique et sincère fondée sur la raison ou l’expérience personnelle.

MILL De la liberté, 1859

2019 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Faut-il respecter toutes les cultures ?

2019 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT S’engager, est-ce perdre sa liberté ?

2019 TECHN. POLYNÉSIE REMPLACEMENT Car où est l’homme qui a des preuves incontestables de la vérité de tout ce qu’il soutient, ou de la fausseté de tout ce qu’il condamne, ou qui peut dire qu’il a examiné à fond toutes ses opinions, ou toutes celles des autres hommes ? La nécessité où nous nous trouvons de croire sans connaissance, et souvent même sur de forts légers fondements, dans cet état passager d’action et d’aveuglement où nous vivons sur la Terre, cette nécessité, dis-je, devrait nous rendre plus soigneux de nous instruire nous-mêmes, que de contraindre les autres à recevoir nos sentiments1. Du moins ceux qui n’ont pas examiné parfaitement et à fond toutes leurs opinions, doivent avouer qu’ils ne sont point en état de les prescrire aux autres, et qu’ils agissent visiblement contre la raison en imposant aux autres hommes la nécessité de croire comme une vérité ce qu’ils n’ont pas examiné eux-mêmes, n’ayant pas pesé les raisons de probabilité sur lesquelles ils devraient le recevoir ou le rejeter. Pour ceux qui sont entrés sincèrement dans cet examen, et qui par là se sont mis au-dessus de tout doute à l’égard de toutes les doctrines qu’ils professent, et sur lesquelles ils règlent leur conduite, ils pourraient avoir un plus juste prétexte d’exiger que les autres se soumissent à eux ; mais ceux-là sont en si petit nombre, et ils trouvent si peu de sujet d’être décisifs dans leurs opinions, qu’on ne doit s’attendre à rien d’insolent et d’impérieux de leur part ; et l’on a raison de croire que, si les hommes étaient mieux instruits eux-mêmes, ils seraient moins sujets à imposer aux autres leurs propres sentiments.

LOCKE Essai sur l’entendement humain (1689)

1« recevoir nos sentiments » : être du même avis que nous

Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement. 2. Expliquer :

a) « la nécessité où nous nous trouvons de croire sans connaissance » ;

b) « ceux qui n’ont pas examiné parfaitement et à fond toutes leurs opinions, doivent avouer qu’ils ne sont point en état de les prescrire aux autres » ;

c) « si les hommes étaient mieux instruits eux-mêmes, ils seraient moins sujets à imposer aux autres leurs propres sentiments ».

3. Sommes-nous aveuglés par nos convictions ?

20214


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