La philosophie dans l’académie de CRETEIL
Slogan du site
Le maître et le serviteur HEGEL

Le maître et le serviteur HEGEL

Processus de formation (Bildung) de la conscience.

Ch I, La certitude sensible et Ch IV Phénoménologie de l’esprit, ou la formation de la conscience par la lutte pour reconnaissance

(The servant). Avec : Dirk Bogarde (Hugo Barrett), James Fox (Tony), Sarah Miles (Vera), Wendy Craig (Susan), Catherine Lacey (Lady Mounset), Richard Vernon (Lord Mounset). 1h52.

Jeune et séduisant aristocrate, Tony s’installe dans une luxueuse maison du XVIII, siècle à Londres et engage Hugo Barrett comme domestique. Barrett se révèle très vite un valet modèle, serviable, travailleur, discret, intelligent, et qui ne manque pas d’humour. Tony en est enchanté. Seule Susan, sa fiancée, n’apprecie pas l’empressement de Barrett et lui trouve quelque chose de malsain.

Vous chercherez à l’issue des lectures ce que ce film apporte comme éclairage.

Podcast à écouter sur France culture

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/quoi-hegel-quest-ce-quil-a-hegel-24-la-dialectique-du-maitre-et-de-lesclave En s’aidant du podcast et de la lecture des textes, répondre aux questions.

I. Au commencement

A ses débuts, la conscience ne fait que constater sa présence en face des objets. Ces objets qui s’offrent à elle, elle les consomme, ne quittant pas le seuil de la lutte pour la survie.

Elle ne peut rien dire d’autre que « ceci est ». Indétermination du monde. La conscience vit dans le présent immédiat, hic et nunc, à l’épreuve de son désir qui porte sur une absence.

La conscience est engluée dans la nature dont elle ne peut s’extraire que par la rencontre d’une autre conscience dans une lutte pour la reconnaissance.

Etude du texte

« Qu’est-ce que le ceci ? Prenons-le sous le double aspect de son être comme le maintenant et comme l’ici, alors la dialectique qu’il a en lui prendra une forme aussi intelligible que le ceci même. A la question : qu’est-ce que le maintenant ? nous répondrons, par exemple : le maintenant est la nuit. Pour éprouver la vérité de cette certitude sensible une simple expérience sera suffisante. Nous notons par écrit cette vérité ; une vérité ne perd rien à être écrite et aussi peu à être conservée. Revoyons maintenant à midi cette vérité écrite, nous devrons dire alors qu’elle s’est éventée. Le maintenant qui est la nuit est conservé, c’est-à-dire qu’il est traité comme ce pour quoi il s’est fait passer, comme un étant ; mais il se démontre plutôt comme un non-étant.

Sans doute le maintenant lui-même se conserve bien, mais comme un maintenant tel qu’il n’est pas la nuit ; de même à l’égard du jour qu’il est actuellement, le maintenant se maintient, mais comme un maintenant tel qu’il n’est pas le jour, ou comme un négatif en général. Ce maintenant qui se conserve n’est donc pas immédiat, mais médiatisé ; car il est déterminé comme ce qui demeure et se maintient par le fait qu’autre chose, à savoir le jour et la nuit, n’est pas. Pourtant il est encore aussi simple qu’auparavant, maintenant, et dans cette simplicité indifférent à ce qui se joue encore près de lui ; aussi peu la nuit et le jour sont son être, aussi bien il est encore jour et nuit ; il n’est en rien affecté par son être-autre. Une telle entité simple qui est par la médiation de la négation, n’est ni ceci, ni cela, mais seulement un non-ceci, et qui est aussi indifférent à être ceci ou cela, nous le nommons un universel.

L’universel est donc en fait le vrai de la certitude sensible ».

Questions (en suivant l’ordre du texte) :

  • 1)Comment se présente le ceci ? En quoi est-il attaché au particulier de la sensation ? Est-il en mesure de prendre du recul à l’égard des sensations ?
  • 2)Donnez un exemple de ceci. Quel exemple est pris par Hegel ?
  • 3)Comment Hegel propose-t-il de mettre à l’épreuve la vérité prétendue de cette première attitude de la conscience ?
  • 4)Quel est le résultat de cette expérience ?
  • La conscience ressaisit-elle le temps du changement sur une ligne ?
  • 5)Sous quelle forme le maintenant s’est-il conservé ?
  • 6)Pourquoi Hegel dit-il du maintenant qu’il est « un négatif en général » ?
  • 7)Pourquoi le maintenant peut-il être jour et nuit ?
  • 8)Le maintenant est-il ceci ou cela ?
  • 9)Qu’est-ce en réalité que le maintenant ? Donnez d’autres exemples.
  • 10)Quel est en réalité le fin mot de la certitude sensible ? En quoi a consisté le renversement ?

II. Pour devenir conscience de soi, elle doit rencontrer une autre conscience.

Pour Hegel la dialectique est le devenir, le mouvement. La pensée est la fluidité de la vie

Comment la conscience de soi s’atteint elle-même et finit par trouver la liberté ?

- Expérience de la mort : échec dans le risque de sa vie

- le service du maître

- le travail

  • Lire :Diderot Jacques le fataliste

Le serviteur va être déboussolé par la mort. Plus avancé que le maître. Il se met au service du maître. Il se décentre en prenant en compte le désir du maître. Point de départ de la société des besoins. Le travail est l’extériorisation de la formation de soi par la transformation du monde. Je ne supprime pas l’objet comme avant mais par la transformation je mets en place les conditions de la libération.

D’abord, la conscience de soi est être-pour-soi simple égal à soi-même en excluant de soi tout ce qui est autre ; son essence et son objet absolu lui sont le Moi ; et dans cette immédiateté ou dans cet être de son être-pour-soi, elle est quelque <chose de singulier. Ce qui est autre pour elle est objet comme objet inessentiel, marqué du caractère du négatif.

Mais l’autre est aussi une conscience de soi. Un individu surgit face à face avec un autre individu. Surgissant ainsi immédiatement, ils sont l’un pour l’autre à la manière des objets quelconques ; ils sont des figures indépendantes et, parce que l’objet étant s’est ici déterminé comme vie, ils sont des consciences enfoncées dans l’être de la vie, des consciences qui n’ont pas encore accompli l’une pour l’autre le mouvement de l’abstraction absolue, mouvement qui consiste à extirper de soi tout être immédiat, et à être seulement le pur être négatif de la conscience égale-à-soi-même.

En d’autres termes, ces consciences ne se sont pas encore présentées réciproquement chacune comme pur être-pour-soi, c’est-à-dire comme conscience de soi.

Chacune est bien certaine de soi-même, mais non de l’autre ; et ainsi sa propre certitude de soi n’a encore aucune vérité ; car sa vérité consisterait seulement en ce que son propre être-pour-soi se serait présenté à elle comme objet indépendant, ou, ce qui est la même chose, en ce que l’objet se serait présenté comme cette pure certitude de soi-même.

Mais selon le concept de la reconnaissance, cela n’est possible que si l’autre objet accomplit en soi-même pour le premier, comme le premier pour l’autre, cette pure abstraction de l’être-pour-soi, chacun l’accomplissant par sa propre opération et à nouveau par l’opération de l’autre. 

Se présenter soi-même comme pure abstraction de la conscience de soi consiste à se montrer, comme pure négation de sa manière d’être objective, ou consiste à montrer qu’on n’est attaché à aucun être-là déterminé, pas plus qu’à la singularité universelle de l’être-là en général, à montrer qu’on n’est pas attaché à la vie.

Cette présentation est la double opération : opération de l’autre et opération par soi-même. En tant qu’elle est l’opération de l’autre, chacun tend donc à la mort de l’autre. Mais en cela est aussi présente la seconde opération, l’opération sur soi et par soi ; car la première opération implique le risque de sa propre vie. Le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé de telle sorte qu’elles se prouvent elles-mêmes et l’une à l’autre au moyen de la lutte pour la vie et la mort. Elles doivent nécessairement engager cette lutte, car elles doivent élever leur certitude d’être pour soi à la vérité en l’autre et en elles-mêmes.

C’est seulement par le risque de sa vie qu’on conserve la liberté, qu’on prouve que l’essence de la conscience de soi n’est pas l’être, n’est pas le mode immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d’abord, n’est pas enfoncement dans l’expansion de la vie ; on prouve plutôt par ce risque que dans la conscience de soi il n’y a rien de présent qui ne soit pour elle un moment disparaissant, on prouve qu’elle est seulement un pur être-pour-soi.

L’individu qui n’a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne ; mais il n’a pas atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d’une conscience de soi indépendante.

Pareillement, chaque individu doit tendre à la mort de l’autre quand il risque sa propre vie ; car l’autre ne vaut pas plus pour lui que lui-même ; son essence se présente à lui comme un Autre, il est à l’extérieur de soi, et il doit supprimer son être-à-l’extérieur-de-soi ; l’Autre est une conscience embarrassée de multiple façon et qui vit dans l’élément de l’être ; or il doit intuitionner son être-autre, comme pur être-pour-soi ou comme absolue négation.

Mais cette suprême preuve par le moyen de la mort supprime précisément la vérité qui devait en sortir, et supprime en même temps la certitude de soi-même en général. En effet, comme la vie est la position naturelle de la conscience, l’indépendance sans l’absolue négativité, ainsi la mort est la négation naturelle de cette même conscience, la négation sans l’indépendance, négation qui demeure donc privée de la signification cherchée de la reconnaissance.

Par le moyen de la mort est bien venue à l’être la certitude que les deux individus risquaient leur vie et méprisaient la vie en eux et en l’autre ; mais cette certitude n’est pas pour ceux mêmes qui soutenaient cette lutte. Ils suppriment leur conscience posée dans cette essentialité étrangère, qui est l’être-là naturel, ou ils se suppriment eux-mêmes, deviennent supprimés en tant qu’extrêmes voulant être pour soi.

Mais de ce jeu d’échange disparaît également le moment essentiel, celui de se décomposer en extrêmes avec des déterminabilités opposées ; et le moyen terme coïncide avec une unité morte, qui est décomposée en extrêmes morts, seulement étant et non-opposés. 

Les deux extrêmes ne s’abandonnent pas, ni ne se reçoivent, l’un l’autre et l’un de l’autre à travers la conscience ; mais ils se concèdent l’un à l’autre seulement une liberté faite d’indifférence, comme celle des choses. Leur opération est la négation abstraite, non la négation de la conscience qui supprime de telle façon qu’elle conserve et retient ce qui est supprimé ; par là même elle survit au fait de devenir-supprimée.

Dans cette expérience, la conscience de soi apprend que la Vie lui est aussi essentielle que la pure conscience de soi. Dans la conscience de soi immédiate, le Moi simple est l’objet absolu, mais qui pour nous ou en soi est l’absolue médiation et a pour moment essentiel l’indépendance subsistante. le résultat de la première expérience est la dissolution de cette unité simple ; par cette expérience sont posées, d’une part, une pure conscience de soi et, d’autre part, une conscience qui n’est pas purement pour soi, mais qui est pour une autre conscience, c’est-à-dire une conscience dans l’élément de l’être ou dans la forme de la choséité. Ces deux moments sont essentiels ; mais puisque d’abord ils sont inégaux et opposés, puisque leur réflexion dans l’unité ne s’est pas encore produite comme résultat, alors ces deux moments sont comme deux figures opposées de la conscience : l’une est la conscience dépendante pour laquelle l’être-pour-soi est essence, l’autre est la conscience dépendante qui a pour essence la vie ou l’être pour un autre ; l’une est le maître, l’autre est l’esclave." 

(Hegel, La Phénoménologie de l’esprit, éditions Aubier, tome I, pp. 158-161)

Les individus, avant la lutte pour la reconnaissance, surgissent face à face, ils ne se sont pas encore présentés : appréciez des ceux termes ; expliquez-les en montrant leur opposition.

Pourquoi la lutte à mort n’atteint-elle pas le but dans lequel elle était engagée, à savoir la reconnaissance réciproque des combattants comme hommes ? demandez-vous pour répondre à cette question en quoi consiste le meurtre : est-ce tuer une conscience reconnue comme telle, ou est-ce supprimer une vie et renverser un obstacle ?

Hegel distingue deux sortes de négation. Quelles sont-elles ? A quelle sorte de négation appartient le meurtre de l’adversaire ?

Si la lutte à mort n’aboutit pas à la reconnaissance mutuelle des adversaires comme hommes, elle atteint du moins un résultat important : quel est-il ? Comment sont définis le maître et l’esclave ? Doit-on entendre que le maître et l’esclave sont deux classes sociales, ou même deux hommes différents ?

Tandis que le serviteur travaille pour le maître – par suite non dans l’intérêt exclusif de sa propre singularité – son désir reçoit cette envergure consistant en ce qu’il n’est pas seulement le désir d’un celui-ci mais, en même temps, contient en lui le désir d’un autre. Le serviteur s’élève donc au-dessus de la singularité, rivée au Soi, de sa volonté naturelle, et se tient, dans cette mesure, suivant sa valeur, plus haut que le maître considéré dans son égoïsme, intuitionnant dans le serviteur seulement sa volonté immédiate, reconnu de manière formelle par une conscience qui n’est pas libre. Une telle soumission de l’égoïsme du serviteur forme le commencement de la liberté véritable de l’homme. Le tremblement de la singularité de la volonté, le sentiment du néant de l’égoïsme, l’habitude de l’obéissance, est un moment nécessaire dans la formation de chaque homme. Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques, t. III, Philosophie de l’esprit, Addition § 435, édition de 1830, trad. B. Bourgeois, Vrin, pp. 230-232