La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Mythe et récit des origines

 Conférences de Jean Pierre Vernant :

La Grèce Antique et nous
Pandore
Les origines de la philosophie 1 Conférence Au Lycée De Sèvres, 4 Nov 2003.
Les origines de la philosophie 2 Conférence Au Lycée De Sèvres, 4 Nov 2003.
Les origines de la philosophie 3 Conférence Au Lycée De Sèvres, 4 Nov 2003.
Les origines de la philosophie 4 Conférence Au Lycée De Sèvres, 4 Nov 2003.
Les origines de la philosophie 5 Conférence Au Lycée De Sèvres, 4 Nov 2003.
Les origines de la philosophie 6 Conférence Au Lycée De Sèvres, 4 Nov 2003.

Jean-Pierre Vernant, la Gorgone et le miroir
Date de production : 2007, Durée : 00:22:00, Réalisateur : DARS Jean-François, PAPILLAULT Anne Producteur : CNRS Images


À l’occasion de leur anniversaire respectif, 80 et 90 ans, France Culture a organisé une rencontre entre deux des plus grands historiens français : Jacques Le Goff, spécialiste du Moyen-âge, et Jean-Pierre Vernant, historien de la Grèce antique.
Lors de ces entretiens, ils vont revenir sur leur pratique d’historiens, les influences qu’ils ont subies, et le rapport entre l’Histoire qu’ils ont produites et la société contemporaine.
Ils aborderont également la question de la place du religieux au Moyen-âge et dans l’Antiquité.
Emission conduite par Emmanuel Laurantin.

Jean-Pierre Vernant :Le début de l’univers
Jean-Pierre Vernant : La guerre des dieux
Jean-Pierre Vernant : Prométhée
Jean-Pierre Vernant : La Guerre de Troie
Jean-Pierre Vernant :L’épopée d’Ulysse
Jean-Pierre Vernant : La mort de la Méduse
Jean-Pierre Vernant : Dionysos
Jean-Pierre Vernant : Œdipe
HÉSIODE – Pandora, la première femme (Conférence, 2005, Jean-Pierre Vernant)

*Définitions

  • mythe : Étymol. et Hist. 1803 subst. fém. « fable mythologique » (Wailly) ; 1840 « exposition d’une idée, d’un enseignement sous forme allégorique » (Ac. Compl. 1842) ; 1874 « représentation idéalisée d’un état passé de l’humanité » (Lar. 19e). Empr. au b. lat. mythos « fable, mythe », gr. μ υ ̃ θ ο ς proprement « suite de paroles qui ont un sens, discours, fiction, mythe ».source
  • Ces synonymes ont-ils vraiment le même sens ? Est-ce utile de chercher un synonyme ?

    Les synonymes et l’étymologie>

    ++++Définition du mythe

  • origine : Étymol. . A. 1. a) α) 1470 « point de départ de la naissance d’un individu, d’une famille, d’une race » (Georges Chastellain, OEuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.7, p.461 : Prince qui hayt remonstrance et doctrine, Plus est venu d’excellente origine ; cf. aussi t.6, p.148 : de haut sang et royale origine) ; β) 1611 « pédigree » (Cotgr.) ; b) α) 1677 origine d’un mot (Miege d’apr. FEW t.7, p.416a) ; β)1811 certificat d’origine (Mozin-Biber) ; 2. 1679 [éd.] math. (Lattire, Les Lieux géométriques, p.230). B. 1. a) 1541 « commencement, première apparition ou manifestation de quelque chose » (Calvin, Institution chrétienne, éd. J. D. Benoit, t.1, p.67 : la semence qui estoit bonne de son origine est tellement corrompue qu’elle ne produit que meschans fruits) ; b) 1650 plur. « commencements, formes anciennes d’une réalité qui se modifie » (Ménage, Les Origines de la lang. françoise [titre]) ; 2.a) 1611 « ce qui explique l’apparition ou la formation d’un fait nouveau » (Cotgr.) ; b) 1671 être l’origine de (qqc.) (Pomey). Empr. au lat. originem, acc. de origo « provenance, naissance, cause, principe », dér. de oriri « se lever, naître ». Origine a supplanté la forme pop. orine « descendance, lignée » (Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 1173) qui s’est maintenue jusqu’au xves. dans la lang. littér. et encore en usage dans les parlers de l’Ouest (cf. FEW t.7, pp.414b-415a). source
  •  [rouge]Dégager les différents sens du mythe. [/rouge]

    **Définition du mythe par Claude Lévi Strauss.

    Voir la vidéo :

    Claude LEVI STRAUSS dans son bureau explique ce que sont les mythes, des histoires que les gens se racontent ou qu’ils entendent raconter et qui se sont incorporées au patrimoine collectif. Chaque société essaie de comprendre comment elle est faite, ses rapports avec le monde extérieur et la position de l’homme dans l’ensemble de l’univers. Il compare ensuite le mythe avec un orchestre dans lequel tous les instruments contribuent au message total, le propre du mythe étant de donner une explication sur plusieurs registres

    Émission Le Fond et la forme. Producteur ou co-producteur Office national de radiodiffusion télévision française

    L’origine et la mémoire : le mythe

    Le mythe raconte l’origine. A la recherche d’un commencement ou des causes, il s’appuie sur des images et un récit narratif. Le poète est au service de la généalogie des Dieux.

     Chercher le sens du mot "généalogie" en vous référant à ce texte extrait de la THÉOGONIE D’HÉSIODE.

    Texte à expliquer

    ++++La Théogonie d’Hésiode

    Avant tout chantons les Muses Hélikoniades qui du Hélikôn habitent la grande et sainte montagne, et, de leurs pieds légers, autour de la Fontaine violette et de l’autel du très-puissant Kroniôn, bondissent ; et qui, dans le Permessos ayant lavé leur corps délicat, ou dans la Hippoukrènè, ou dans l’Olmios sacré, au faîte du Hélikôn mènent les danses belles et désirables, et agitent les pieds avec force.

    De là, se précipitant, enveloppées d’un air épais, elles vont dans la nuit, élevant leur belle voix et louent Zeus tempêtueux et la vénérable Hèrè, l’Argienne, qui marche avec des sandales dorées, et la fille de Zeus tempêtueux, Athènè aux yeux clairs, et Phoibos Apollôn, et Artémis joyeuse de ses flèches, et Poseidaôn qui contient la terre et qui la secoue, et Thémis la vénérable, et Aphroditè aux paupières arrondies, et Hèbè ornée d’une couronne d’or, et la belle Diônè, et Éôs, et le grand Hèlios, et la luisante Sélènè, et Lètô, et Iapétos, et le subtil Kronos, [20] et Gaia, et le grand Okéanos, et la noire Nyx, et la race sacrée des autres Immortels qui vivent toujours.

    Autrefois, à Hésiodos elles enseignèrent un beau chant, tandis que, sous le Hélikôn sacré, il paissait ses agneaux. Et d’abord, elles me parlèrent ainsi, ces Déesses, les Muses Olympiades, filles de Zeus tempétueux :

    — Pasteurs, qui dormez en plein air, race vile, qui n’êtes que des ventres, nous savons dire des mensonges nombreux semblables aux choses vraies, mais nous savons aussi, quand il nous plaît, dire la vérité.

    Ainsi parlèrent les Filles véridiques du grand Zeus, et [30] elles me donnèrent un sceptre, un rameau de vert laurier admirable à cueillir ; et elles m’inspirèrent une voix divine, afin que je pusse dire les choses passées et futures ; et elles m’ordonnèrent de chanter la race des heureux Immortels, mais, elles-mêmes, de toujours les chanter au commencement et à la fin. Mais pourquoi rester autour du chêne et du rocher ?

    Commençons par les Muses qui, du Père Zeus, en chantant, réjouissent la grande âme dans l’Olympos, et rappellent les choses passées, présentes et futures.

    Elles chantent ensemble, et leur voix infatigable [40] coule, suave, de leur bouche. Et elles rient, les demeures du Père Zeus tonnant, à la voix de lys et sonore des Déesses. Et il résonne, le faîte du neigeux Olympos, demeure des Immortels.

    Élevant leur voix sacrée, elles célèbrent d’abord la race des Dieux vénérables que, dès l’origine, Gaia et le large Ouranos engendrèrent ; car de ceux-ci sont nés les Dieux, source des biens.

    Commençons par les Muses qui, du Père Zeus, en chantant, réjouissent la grande âme dans l’Olympos, et rappellent les choses passées, présentes et futures.

    Elles chantent ensemble, et leur voix infatigable [40] coule, suave, de leur bouche. Et elles rient, les demeures du Père Zeus tonnant, à la voix de lys et sonore des Déesses. Et il résonne, le faîte du neigeux Olympos, demeure des Immortels.

    Élevant leur voix sacrée, elles célèbrent d’abord la race des Dieux vénérables que, dès l’origine, Gaia et le large Ouranos engendrèrent ; car de ceux-ci sont nés les Dieux, source des biens.

    Puis, de nouveau, par Zeus, père des Dieux et des hommes, les Déesses commencent et finissent leur chant, disant qu’il est le plus fort des Dieux et le plus puissant. [50] Enfin, la race des hommes et des Géants robustes, elles la chantent, et elles réjouissent l’âme de Zeus dans l’Olympos, les Muses Olympiades, filles de Zeus tempétueux.

    Elle les enfanta dans la Piériè, s’étant unie au Père Kronide, Mnèmosynè, qui commandait aux collines d’Eleuthèr, pour être l’oubli des maux et la fin des peines. Pendant neuf nuits, uni à Mnèmosynè, le sage Zeus, loin des Immortels, monta sur le lit sacré ; mais, après une année, et le déroulement du cours des mois, et le passage de jours nombreux, [60] elle enfanta neuf filles unanimes à qui la musique plaisait, et qui, dans leur sein, avaient un cœur tranquille.

    ++++Questions

     Qu’est-ce qu’un poète ?
     Il est littéralement habité par les Muses. Est-il libre de sa parole ?
     Le mythe est-il une parole vraie ?
     Zeus est le Dieu souverain de l’Olympe. Comment peut-on interpréter l’accouplement de Zeus et Mnémosyné (la Mémoire) ?
     Pourquoi n’est-ce pas une fable ?
     Qu’apporte de particulier la narration ? En quoi est-ce un langage différent de celui de la science ?

    [rouge]Faire le même travail sur ce mythe d’Ovide[/rouge] :

    Avant la mer, la terre et le ciel qui couvre tout, la nature, dans l’univers entier, offrait un seul et même aspect ; on l’a appelé le chaos ; ce n’était qu’une masse informe et confuse, un bloc inerte, un entassement d’éléments mal unis et discordants. Il n’y avait pas encore de Titan pour donner sa lumière au monde ; Phébé ne réparait pas les cornes nouvelles de son croissant ; la terre n’était pas suspendue dans l’air environnant ni équilibrée par son propre poids ; Amphitrite n’avait pas étendu ses bras tout le long des rivages. Partout où il y avait de la terre, il y avait aussi de la mer et de l’air ; ainsi la terre était instable, la mer impropre à la navigation, l’air privé de lumière ; aucun élément ne conservait sa forme, chacun d’eux était un obstacle pour les autres, parce que dans un seul corps le froid faisait la guerre au chaud, l’humide au sec, le mou au dur, le pesant au léger. Un dieu, avec l’aide de la nature en progrès, mit fin à cette lutte ; il sépara du ciel la terre, de la terre les eaux et il assigna un domaine au ciel limpide, un autre à l’air épais. Après avoir débrouillé ces éléments et les avoir tirés de la masse ténébreuse, en attribuant à chacun une place distincte, il les unit par les liens de la concorde et de la paix. La substance ignée et impondérable de la voûte céleste s’élança et se fit une place dans les régions supérieures. L’air est ce qui en approche le plus par sa légèreté et par sa situation ; la terre, plus dense, entraîna avec elle les éléments massifs et se tassa sous son propre poids ; l’eau répandue alentour occupa la dernière place et emprisonna le monde solide.

    Lorsque le dieu, quel qu’il fût, eut ainsi partagé et distribué l’amas de la matière, lorsque de ses différentes parts il eut façonné des membres, il commença par agglomérer la terre, pour en égaliser de tous côtés la surface, sous la forme d’un globe immense. Puis il ordonna aux mers de se répandre, de s’enfler au souffle furieux des vents et d’entourer d’une ceinture les rivages de la terre. Il ajouta les fontaines, les étangs immenses et les lacs, enferma entre des rives obliques la déclivité des fleuves, qui, selon les contrées, sont absorbés par la terre elle-même ou parviennent jusqu’à la mer et, reçus dans la plaine des eaux plus libres, battent, au lieu de rives, des rivages. Il ordonna aux plaines de s’étendre, aux vallées de s’abaisser, aux forêts de se couvrir de feuillage, aux montagnes rocheuses de se soulever. Deux zones partagent le ciel à droite, deux autres à gauche, avec une cinquième plus chaude au milieu d’elles ; la masse qu’il enveloppe fut soumise à la même division par les soins du dieu et il y a sur la terre autant de régions que couvrent les zones d’en haut. L’ardeur du soleil rend celle du milieu inhabitable ; deux autres sont recouvertes de neiges épaisses ; entre elles il en plaça encore deux, à qui il donna un climat tempéré, en mélangeant le froid et le chaud.
    Au-dessus s’étend l’air ; autant il est plus léger que la terre et l’eau, autant il est plus lourd que le feu. C’est le séjour que le dieu assigna aux brouillards et aux nuages, aux tonnerres, qui épouvantent les esprits des humains, et aux vents, qui engendrent les éclairs et la foudre. Aux vents eux-mêmes l’architecte du monde ne livra pas indistinctement l’empire de l’air ; aujourd’hui encore, quoiqu’ils règnent chacun dans une contrée différente, on a beaucoup de peine à les empêcher de déchirer le monde, si grande est la discorde entre ces frères. L’Eurus se retira vers l’aurore, le royaume des Nabatéens, la Perse et les sommets au-dessus desquels montent les rayons du matin ; Vesper et les rivages attiédis par le soleil couchant sont voisins du Zéphyre ; l’horrible Borée envahit la Scythie et le septentrion ; les régions opposées de la terre sont détrempées sans trêve par les nuages et les pluies de l’Auster. Au-dessus des vents, le dieu plaça l’éther fluide et sans pesanteur, qui n’a rien des impuretés d’ici-bas. Dès qu’il eut enfermé tous ces domaines entre des limites immuables, les étoiles, longtemps cachées sous la masse qui les écrasait, commencèrent à resplendir dans toute l’étendue des cieux. Pour qu’aucune région ne fût privée de sa part d’êtres vivants, les astres et les dieux de toutes formes occupèrent le céleste parvis.Ovide, Métamorphoses

    Oralité et écriture

     [rouge]Comparer ce mythe de l’origine de l’écriture et la critique de l’écriture par Platon dans le Phèdre.[/rouge]

    Mythe de la naissance de l’écriture grecque

    mythe de Cadmos sur l’écriture

     BnF, département des Monnaies, médailles et antiques, MONNAIE PROVINCIALE ROMAINE PHENICIE FG 2281 © BnF

    Il y avait alors en Phénicie un roi qui avait une fille fort jolie, nommée Europe. Naturellement, Zeus en tomba amoureux et, ayant pris la forme d’un taureau blanc, il l’enleva. Le père d’Europe envoya ses autres enfants à la recherche de sa fille. L’un d’eux, Cadmos, après avoir erré longtemps sur la Méditerranée, parvint à Delphes, où l’oracle lui apprit qi’il ne retrouverait jamais sa soeur. Mais l’oracle lui dit aussi qu’il fonderait une ville là où le mènerait une génisse blanche. La cité qu’il fonda s’appela Thèbes. Cependant, pour remercier les dieux, il fallait sacrifier la génisse. Les compagnons de Cadmos allèrent donc puiser de l’eau dans un petit bois. Mais le bois et la source appartenaient à Arès, le dieu de la guerre, et un dragon les gardait. Le monstre dévora les compagnons de Cadmos avant que le héros ne parvienne à le tuer. Sur l’ordre d’Athéna, Cadmos traça un sillon pour fixer les limites de la future ville et il y sema les dents du dragon. Surprise ! À peine avait-il terminé que des hommes en armes surgirent de terre ! Tous les guerriers s’entre-massacrèrent, sauf cinq qui devinrent les nouveaux compagnons de Cadmos. Cadmos, attristé par la mort de ses compagnons, dessina sur le sable un emblème différent pour chacun d’eux : ainsi, il pouvait les évoquer et s’en souvenir. Et il attribua également un signe à chacun de ses cinq nouveaux compagnons. Il pouvait, en réunissant ces signes, raconter son histoire : Cadmos venait d’inventer l’écriture.

    Le mythe de Teuth. Phèdre Platon

     Le mythe à a recherche des causes

    A partir de cet extrait des Essais de Montaigne, expliquer la faiblesse des causes : « La connaissance des causes appartient seulement à celui qui a la conduite des choses, non à nous qui n’en avons que la souffrance, et qui en avons l’usage parfaitement plein, selon notre nature, sans en pénétrer l’origine et l’essence" (Essais, III,11)

    L’épisode biblique de Babel a en effet montré que causer n’est autre chose que babiller sans produire aucun effet :

    « Je vois ordinairement que les hommes, aux faits qu’on leur propose, s’amusent plus volontiers à en chercher la raison qu’à en chercher la vérité : ils laissent là les choses, et s’amusent à traiter les causes. Plaisants causeurs" Montaigne, Essais, III, 11

    « Nos raisons [celles que l’esprit forge à partir de songes] anticipent souvent l’effet et ont l’étendue de leur juridiction si infinie, qu’elles jugent et s’exercent en l’inanité même et au non être. Outre la flexibilité de notre invention à forger des raisons à toute sorte de songes, notre imagination se trouve pareillement facile à recevoir des impressions de la fausseté par bien frivoles apparences Montaigne, Essais III, 11, p. 1034.. »

    Il y a une incommensurabilité entre la cause et l’effet qui empêche la connaissance de la cause par l’effet. Cette incommensurabilité est à rapporter au caractère irrationnel des enchaînements qui se font en l’homme qui est essentiellement mû par ses passions. Montaigne préfigure une attitude qui sera celle du savant moderne : Galilée, dans une lettre du 23 juin 1640 à Fortunio Liceti, déclare privilégier l’étude directe des phénomènes (sans se préoccuper de la manière dont ils se sont produits), aux audaces spéculatives, qui ne sont autres que des fantaisies, des constructions imaginaires.

    Babel

    Exercices (source : BNF)

     3.1. Comparer mythes et sciences à partir des textes sur l’origine du monde

    Comparer, notamment, les thèmes suivants : - comment cela a-t-il commencé ? Qui est à l’origine ?

    - combien de temps cela a-t-il duré ?

    - dans quel ordre se crée le monde ?

    - le mythe rend-il compte de désordres, de bagarres, d’épreuves à traverser ?

    - quelle place occupe l’être humain dans la création, quelle responsabilité a-t-il à son égard ?

    - comment se situent l’homme et la femme l’un par rapport à l’autre ?

    - l’univers est-il fini ou infini, est-il perfectible, a-t-il une limite dans le temps ?

    - le mythe évoque-t-il la mort ?

    - le mythe sous-entend-il une représentation du bien et du mal ?

    - le mythe repose-t-il sur une conception du temps (un temps cyclique – un temps avec un commencement et une fin…) ?

    - Essayer d’analyser la manière dont les mythes évoluent avec l’histoire des sociétés et le développement de la connaissance scientifique du monde ; - Essayer de recenser dans les mythes des éléments susceptibles de rendre compte, de manière poétique, d’intuitions sur les origines de monde, que les scientifiques d’aujourd’hui ne récuseraient pas. Recenser également des éléments de représentation rendant compte de manière erronée de la réalité.

    VOLTAIRE

    Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado

    Cacambo témoigna à son hôte toute sa curiosité ; l’hôte lui dit : « Je suis fort ignorant, et je m’en trouve bien ; mais nous avons ici un vieillard retiré de la cour qui est le plus savant homme du royaume, et le plus communicatif. » Aussitôt il mène Cacambo chez le vieillard. Candide ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son valet. Ils entrèrent dans une maison fort simple, car la porte n’était que d’argent, et les lambris des appartements n’étaient que d’or, mais travaillés avec tant de goût que les plus riches lambris ne l’effaçaient pas. L’antichambre n’était à la vérité incrustée que de rubis et d’émeraudes ; mais l’ordre dans lequel tout était arrangé réparait bien cette extrême simplicité.

    Le vieillard reçut les deux étrangers sur un sofa matelassé de plumes de colibri, et leur fit présenter des liqueurs dans des vases de diamant ; après quoi il satisfit à leur curiosité en ces termes :

    « Je suis âgé de cent soixante et douze ans, et j’ai appris de feu mon père, écuyer du roi, les étonnantes révolutions du Pérou dont il avait été témoin. Le royaume où nous sommes est l’ancienne patrie des Incas, qui en sortirent très imprudemment pour aller subjuguer une partie du monde et qui furent enfin détruits par les Espagnols. Les princes de leur famille qui restèrent dans leur pays natal furent plus sages ; ils ordonnèrent, du consentement de la nation, qu’aucun habitant ne sortirait jamais de notre petit royaume ; et c’est ce qui nous a conservé notre innocence et notre félicité. Les Espagnols ont eu une connaissance confuse de ce pays, ils l’ont appelé El Dorado ; et un Anglais, nommé le chevalier Raleigh, en a même approché il y a environ cent années ; mais, comme nous sommes entourés de rochers inabordables et de précipices, nous avons toujours été jusqu’à présent à l’abri de la rapacité des nations de l’Europe, qui ont une fureur inconcevable pour les cailloux et pour la fange de notre terre, et qui, pour en avoir, nous tueraient tous jusqu’au dernier. »

    La conversation fut longue ; elle roula sur la forme du gouvernement, sur les moeurs, sur les femmes, sur les spectacles publics, sur les arts. Enfin Candide, qui avait toujours du goût pour la métaphysique, fit demander par Cacambo si dans le pays il y avait une religion.

    Le vieillard rougit un peu. « Comment donc ! dit-il ; en pouvez-vous douter ? Est-ce que vous nous prenez pour des ingrats ? » Cacambo demanda humblement quelle était la religion d’Eldorado. Le vieillard rougit encore : « Est-ce qu’il peut y avoir deux religions ? dit-il. Nous avons, je crois, la religion de tout le monde ; nous adorons Dieu du soir jusqu’au matin. - N’adorez-vous qu’un seul Dieu ? dit Cacambo, qui servait toujours d’interprète aux doutes de Candide. - Apparemment, dit le vieillard, qu’il n’y en a ni deux, ni trois, ni quatre. Je vous avoue que les gens de votre monde font des questions bien singulières. » Candide ne se lassait pas de faire interroger ce bon vieillard ; il voulut savoir comment on priait Dieu dans l’Eldorado. « Nous ne le prions point, dit le bon et respectable sage ; nous n’avons rien à lui demander, il nous a donné tout ce qu’il nous faut ; nous le remercions sans cesse. » Candide eut la curiosité de voir des prêtres ; il fit demander où ils étaient. Le bon vieillard sourit. « Mes amis, dit-il ; nous sommes tous prêtres ; le roi et tous les chefs de famille chantent des cantiques d’actions de grâces solennellement tous les matins, et cinq ou six mille musiciens les accompagnent. - Quoi ! Vous n’avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ? - Il faudrait que nous fussions fous, dit le vieillard ; nous sommes tous ici du même avis, et nous n’entendons pas ce que vous voulez dire avec vos moines. » Candide à tous ces discours demeurait en extase, et disait en lui-même : « Ceci est bien différent de la Westphalie et du château de monsieur le baron : si notre ami Pangloss avait vu Eldorado, il n’aurait plus dit que le château de Thunder-ten-tronckh était ce qu’il y avait de mieux sur la terre ; il est certain qu’il faut voyager. »

    Après cette longue conversation, le bon vieillard fit atteler un carrosse à six moutons, et donna douze de ses domestiques aux deux voyageurs pour les conduire à la cour. « Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive de l’honneur de vous accompagner. Le roi vous recevra d’une manière dont vous ne serez pas mécontents, et vous pardonnerez sans doute aux usages du pays, s’il y en a quelques-uns qui vous déplaisent. »

    Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut, et de cent de large ; il est impossible d’exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries.

    Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d’un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes officières de la couronne les menèrent à l’appartement de Sa Majesté au milieu de deux files, chacune de mille musiciens, selon l’usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier comment il fallait s’y prendre pour saluer Sa Majesté : si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. « L’usage, dit le grand officier, est d’embrasser le roi et de le baiser des deux côtés. » Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable, et qui les pria poliment à souper.

    En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu’aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d’eau pure, les fontaines d’eau-rose, celles de liqueurs de canne de sucre qui coulaient continuellement dans de grandes places pavées d’une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu’il n’y en avait point, et qu’on ne plaidait jamais. Il s’informa s’il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir ; ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d’expériences de physique.

    Après avoir parcouru toute l’après-dînée à peu près la millième partie de la ville, on les ramena chez le roi. Candide se mit à table entre Sa Majesté, son valet Cacambo, et plusieurs dames. Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on n’eut plus d’esprit à souper qu’en eut Sa Majesté. Cacambo expliquait les bons mots du roi à Candide, et quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots. De tout ce qui étonnait Candide, ce n’était pas ce qui l’étonna le moins.

    Ils passèrent un mois dans cet hospice. Candide ne cessait de dire à Cacambo : « Il est vrai, mon ami, encore une fois, que le château où je suis né ne vaut pas le pays où nous sommes ; mais enfin mademoiselle Cunégonde n’y est pas, et vous avez sans doute quelque maîtresse en Europe. Si nous restons ici, nous n’y serons que comme les autres ; au lieu que si nous retournons dans notre monde, seulement avec douze moutons chargés de cailloux d’Eldorado, nous serons plus riches que tous les rois ensemble, nous n’aurons plus d’inquisiteurs à craindre, et nous pourrons aisément reprendre mademoiselle Cunégonde. »

    Ce discours plut à Cacambo ; on aime tant à courir, à se faire valoir chez les siens, à faire parade de ce qu’on a vu dans ses voyages, que les deux heureux résolurent de ne plus l’être, et de demander leur congé à Sa Majesté.

    « Vous faites une sottise, leur dit le roi ; je sais bien que mon pays est peu de chose ; mais, quand on est passablement quelque part, il faut y rester. Je n’ai pas assurément le droit de retenir des étrangers ; c’est une tyrannie qui n’est ni dans nos moeurs ni dans nos lois : tous les hommes sont libres ; partez quand vous voudrez, mais la sortie est bien difficile. Il est impossible de remonter la rivière rapide sur laquelle vous êtes arrivés par miracle, et qui court sous des voûtes de rochers. Les montagnes qui entourent tout mon royaume ont dix mille pieds de hauteur, et sont droites comme des murailles : elles occupent chacune en largeur un espace de plus de dix lieues ; on ne peut en descendre que par des précipices. Cependant, puisque vous voulez absolument partir, je vais donner ordre aux intendants des machines d’en faire une qui puisse vous transporter commodément. Quand on vous aura conduits au revers des montagnes, personne ne pourra vous accompagner : car mes sujets ont fait voeu de ne jamais sortir de leur enceinte, et ils sont trop sages pour rompre leur voeu. Demandez-moi d’ailleurs tout ce qu’il vous plaira. - Nous ne demandons à Votre Majesté, dit Cacambo, que quelques moutons chargés de vivres, de cailloux, et de la boue du pays. » Le roi rit : « Je ne conçois pas, dit-il, quel goût vos gens d’Europe ont pour notre boue jaune ; mais emportez-en tant que vous voudrez, et grand bien vous fasse. »

    Il donna l’ordre sur-le-champ à ses ingénieurs de faire une machine pour guinder ces deux hommes extraordinaires hors du royaume. Trois mille bons physiciens y travaillèrent ; elle fut prête au bout de quinze jours, et ne coûta pas plus de vingt millions de livres sterling, monnaie du pays. On mit sur la machine Candide et Cacambo ; il y avait deux grands moutons rouges sellés et bridés pour leur servir de monture quand ils auraient franchi les montagnes, vingt moutons de bât chargés de vivres, trente qui portaient des présents de ce que le pays a de plus curieux, et cinquante chargés d’or, de pierreries et de diamants. Le roi embrassa tendrement les deux vagabonds.

    Ce fut un beau spectacle que leur départ, et la manière ingénieuse dont ils furent hissés, eux et leurs moutons, au haut des montagnes. Les physiciens prirent congé d’eux après les avoir mis en sûreté, et Candide n’eut plus d’autre désir et d’autre objet que d’aller présenter ses moutons à mademoiselle Cunégonde. « Nous avons, dit-il, de quoi payer le gouverneur de Buenos-Ayres, si mademoiselle Cunégonde peut être mise à prix. Marchons vers la Cayenne, embarquons-nous, et nous verrons ensuite quel royaume nous pourrons acheter. »

    1759 Voltaire (François Marie Arouet, dit), Candide ou l’Optimisme

    Chapitre dix-huitième : Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado. Genève, Cramer.

     5. Mythe et idéologie

    (source : BNF)

    On peut inventer des mythes à des fins politiques. Travestissant les faits ils deviennent un instrument politique. On cherche ici, dans cet exemple, à rassembler le peuple autour de l’idée de patrie.

    mythe des origines gauloises de la France

     Exilés troyens conduits par Brutus Compilation des Chroniques et histoires des Bretons Pierre le Baud, auteur, XVe siècle. BnF, Manuscrits, français 8266 fol. 21 © Bibliothèque nationale de France

    Le mythe des origines troyennes est très largement accepté au Moyen Âge qui ignore "nos ancêtres les Gaulois". C’est au début du XVIe siècle que Jean Lemaire de Belges, dans ses Illustrations de Gaule et Singularités de Troie, intègre l’histoire gauloise dans l’histoire de France sans renoncer aux origines troyennes : selon lui, à l’origine des temps, les Gaulois issus du royaume de France, partis vers l’Orient sous la conduite de Brennus, auraient fondé Troie d’où leurs descendants seraient revenus, conduits par Francion !

    En haut, la Gaule où les deux Troyens vont s’imposer en Guyenne et à Tours (la petite ville fortifiée) après un incident de chasse (figuré par le petit tireur à l’arc troyen) qui déclenche une guerre avec les Gaulois. La rivière en ligne brisée qui traverse l’image figure la Manche que les Troyens franchissent sous la conduite de Brutus pour affronter les géants de Cornouaille.