La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Le jugement de goût

Le beau doit-il être agréable ?

 KANT CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER
PREMIÈRE SECTION. ANALYTIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE. PREMIER LIVRE.
Analytique du beau
.

I. A partir de cette série de questions en quoi consiste la difficulté pour définir "le jugement de goût" ?

 

Le jugement de goût n’est donc pas un jugement de connaissance ; il n’est point par conséquent logique mais esthétique, c’est-à-dire que le principe qui le détermine est purement subjectif. Les représentations et même les sensations peuvent toujours être considérées dans une relation avec des objets (et c’est cette relation qui constitue l’élément réel d’une représentation empirique) ; mais il ne s’agit plus alors de leur relation au sentiment du plaisir et de la peine, laquelle ne désigne rien de l’objet, mais simplement l’état dans lequel se trouve le sujet affecté par la représentation.

  1. Définir et formuler des "jugements de connaissance"
  2. Quel type de subjectivité définit Kant ? L’art est-il un pur jugement particulier ou doit-il tendre à l’universel ?
  3. En quoi la subjectivité est un concept confus ?

 Dans ce passage, en vous appuyant sur l’exemple du château un peu plus haut dans le texte, qu’emploie Kant, éclaircir la distinction entre existence et représentation.

Je n’ai point à m’occuper du rapport qu’il peut y avoir entre moi et l’existence de cet objet, mais de ce qui se passe en moi-même au sujet de la représentation que j’en ai

L’agréable, le beau, le bon désignent donc trois espèces de relation des représentations au senti­ment du plaisir ou de la peine, d’après lesquelles nous distinguons entre eux les objets ou les modes de représentation. Aussi y a-t-il diverses expres­sions pour désigner les diverses manières dont ces choses nous conviennent. l’agréable signifie pour tout homme ce qui lui fait plaisir ; le beau, ce qui lui plaît simplement ; le bon, ce qu’il estime et ap­prouve, c’est-à-dire ce à quoi il accorde une va­leur objective.

  1. Chercher des exemples pour expliquer le sens de ces distinctions.
  2. Répondre à l’exercice suivant :

II. Expliquer ces tableaux en relation avec les textes qui précèdent . Comment définir la subjectivité du jugement de goût ?

 A partir de ces analyses, expliquer en quoi la subjectivité n’est pas une simple opinion personnelle.

L’Angélus de François Millet
Musée d’Orsay, distr. R.M.N. / Patrice Schmidtzoom L’Angélus Jean-François Millet (1814-1875) dimension : H. 55,5 cm ; L. 65 cm huile sur toile 1857-1859 lieu de conservation : Paris, musée d’Orsay

  • Une lecture du tableau
Originaire des environs de Cherbourg, Jean-François Millet reste aujourd’hui très connu pour ses tableaux avec de grandes figures de paysans. Mais il a commencé sa carrière en abordant tous les genres picturaux, le portrait notamment, dont il s’est fait une spécialité pendant quelques années.
 
Avec Le Vanneur, présenté au Salonges de 1848, il rencontre son premier grand succès dans le « genre paysan ». Dès l’année suivante, Millet s’installe à Barbizon et se consacre aux paysages et aux sujets ruraux. Cependant le peintre ne s’en tient pas à une "copie" du monde paysan. L’Angélus se présente comme une méditation sur l’existence. Les deux personnages se tiennent immobiles, semblables en cela aux natures mortes de Chardin.
 
L’ Angélus lui est commandé vers 1857 par Thomas Gold Appleton, fils d’un riche marchand américain, écrivain et grand amateur d’art. Celui-ci n’en prend pas livraison et le tableau passe dans différentes collections. À la fin des années 1880, alors qu’il est devenu le tableau le plus cher du monde, il est acquis par Alfred Chauchard qui le lègue à l’État en 1909, avec sa collection de peintures.
 
DU QUOTIDIEN À L’UNIVERSEL
Au premier plan du tableau, deux paysans, un homme et une femme, sont représentés dans un champ au moment de la prière de l’angélus. En entendant sonner les cloches, ils ont interrompu le travail : la fourche est plantée dans la terre, le panier posé à même le sol. Ils se recueillent, la tête inclinée, l’homme découvert, la femme les mains jointes.
À l’horizon, le clocher de l’église se découpe sur un ciel coloré de jaunes et de roses. C’est le soir. La journée s’achève : les sacs dans la brouette sont remplis de pommes de terre. Tout en décrivant une scène de la vie quotidienne, Millet évite l’anecdote. En cela, le contre-jour joue un rôle essentiel, car il laisse les visages dans la pénombre et souligne l’attitude et les gestes, leur donnant une dimension universelle. Aucun autre élément ne vient distraire l’attention ; seuls importent la prière et le recueillement. Millet cherche à associer très étroitement le spectateur à la représentation. Il disait : « En regardant cette peinture, j’aimerais que le spectateur entende sonner les cloches. »
Mais il y a plus si on approfondit la question du mouvement et du temps. L’homme, chassé du paradis (traduction du jardin des délices) est dans la terre, à l’horizon infini.
 
Réflexion sur la finitude ---> Temps des hommes
Temps suspendu de la religion —> Eternité de Dieu
UNE COMPOSITION qui joue sur les oppositions
Millet construit sa composition sur des lignes élémentaires, horizontales et verticales, et sur des rapports de proportion harmonieux, qui définissent ensemble une structure simple et équilibrée. La ligne d’horizon partage le paysage en un tiers de ciel et deux-tiers de terre. Les paysans forment deux verticales qui scandent le tableau.
Le champ est situé dans une plaine qui s’étend à perte de vue. La différence d’échelle entre les paysans au premier plan et l’église à l’horizon donne l’idée de la distance qui les sépare et suggère l’ampleur du paysage. Millet oppose les couleurs claires et lumineuses du ciel et celles terreuses et plus foncées des champs. Dans une palette assez restreinte, les bleus, les jaunes mélangés et les rose-rouge des vêtements sont comme un écho assourdi des couleurs du ciel.

Mettre en perspective avec ce texte de Pascal
Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est, qu’il se regarde comme égaré, et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes, les maisons et soi-même, son juste prix. Qu’est-ce qu’un homme, dans l’infini ? Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates, qu’un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes, que divisant encore ces dernières choses il épuise ses forces en ces conceptions et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours. Il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là-dedans un abîme nouveau. je lui veux peindre non seulement l’univers visible, mais l’immensité qu’on peut concevoir de la nature dans l’enceinte de ce raccourci d’atome, qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible, dans cette terre des animaux, et enfin des cirons dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné, et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu’il se perdra dans ces merveilles aussi étonnantes dans leur petitesse, que les autres par leur étendue, car qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde ou plutôt un tout à l’égard du néant où l’on ne peut arriver. Qui se considérera de la sorte s’effraiera de soi-même et se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles et je crois que sa curiosité se changeant en admiration il sera plus disposé à les contempler en silence qu’à les rechercher avec présomption.

Pascal
Pensées

Precious liquids, une installation de 1992 est un réservoir d’eau d’immeuble new-yorkais avec deux portes, cerclé d’un bandeau métallique comportant une inscription "Art is a guaranty of sanity". À l’intérieur : un lit, des récipients en verre, des mâts métalliques, un vêtement de fillette et un coussin brodés recouvert d’un pardessus d’homme, des sphères en bois et en caoutchouc, une lampe d’albâtre lumineuse.
Voici une installation, un lieu où on peut pénétrer : est-ce une partie de maison, un abri, un nouveau nid ? Interrogeant ses peurs et ses traumas d’enfance, Louise Bourgeois a sur de nombreuses années développé un art personnel qui, peu à peu, en s’amplifiant, va intégrer les grandes remises en cause plastiques et sociales de son temps.

Louise Bourgeois se présente :
« Je m’appelle Louise Joséphine Bourgeois. Je suis née le 25 décembre 1911 à Paris. Tout mon travail des cinquante dernières années, tous mes sujets, trouvent leur source dans mon enfance. Mon enfance n’a jamais perdu sa magie, elle n’a jamais perdu son mystère, ni son drame. »

L’univers artistique de Louise Bourgeois est un exorcisme, le temps y joue un rôle précieux. Française d’origine, elle se souvient de la ville de son enfance, Choisy-le-Roi, et de l’atelier de tapisserie qu’y tenaient ses parents. Dès l’âge de onze ans, elle y participe en dessinant les parties manquantes des pièces qu’ils restaurent. C’est un monde de fils, de pelotes et d’aiguilles. Au-delà, dans la maison familiale se joue un drame : face à la mère, la gouvernante anglaise des trois enfants est aussi la maîtresse du père. La petite Louise est blessée. Un sentiment de trahison l’accapare et la marque.

Diplômée du baccalauréat, la jeune fille s’inscrit d’abord à la Sorbonne puis aux Beaux-Arts. Déçue par l’enseignement académique, elle se tourne alors vers les ateliers de la Grande-Chaumière. L’un de ses professeurs, Fernand Léger, l’oriente vers la sculpture. En 1938, elle s’installe à New York, ville qui devient son lieu de résidence et de création et dont son mari – un historien d’art américain qu’elle a rencontré au Louvre – dirigera le musée des arts primitifs [ image 1 ].

Louise Bourgeois explique l’œuvre :
Precious Liquids [ image principale ] est une œuvre de 1992. Elle fait partie des « Cellules » créées par l’artiste dans les années 90. Chaque « cellule » a trait à une peur. C’est tout un itinéraire suivi durant de nombreuses années sur le thème fondateur de la maison qui a amené Louise Bourgeois à cette construction. Ici, une chambre a été aménagée dans un ancien réservoir d’eau d’immeuble new-yorkais. Le cylindre de bois renferme maintenant un lit en fer forgé qui supporte des ballons de verre [ détail c ]. À l’entrée, une phrase gravée comme une sentence : « Art is a guaranty of sanity », « L’art est une garantie de santé mentale » [ détail b ]. Suspendu face au lit, un manteau d’homme recouvre la robe d’une fillette [ détail d ] et un coussin qui porte ces mots brodés « Merci-mercy ». C’est donc un lieu où féminin et masculin se rencontrent, où se confrontent bois et fer, cercle et carré, horizontal et vertical. C’est un lieu où les émotions de l’enfance, comme au sein d’une psychanalyse, se rejouent et se dénouent.

Conçue comme une pièce de théâtre, l’installation est élaborée autour d’un scénario. Voici celui mis en scène par Louise Bourgeois, expliqué par l’artiste elle même : « Precious Liquids se rapporte à une fille qui grandit et trouve la passion au lieu de la terreur. Elle cesse d’être effrayée et connaît la passion. Le verre devient métaphore pour les muscles du corps ; représentation des émotions, du mécanisme de l’instabilité. Quand les muscles se relâchent et que la tension redescend un liquide est sécrété. Les émotions internes deviennent physiquement liquides, déclenchent la sécrétion d’une substance précieuse. Ainsi quand vous vous autorisez à pleurer les larmes indiquent la fin de la souffrance ou quand la transpiration vous vient dans le dos à cause de l’appréhension dans laquelle vous êtes cela indique le contrôle et la résolution de la peur. La sécrétion de liquide peut être intensément agréable. » Ainsi, l’œuvre interroge l’enfance, la femme et la sexualité.
Louise Bourgeois, figure majeure de l’art contemporain
« Il faut abandonner son passé tous les jours, ou bien l’accepter, et si on n’y arrive pas, on devient sculpteur. » Parce qu’elle interroge sans cesse ce passé, le fait revivre dès les premières créations en personnages de bois évoquant ceux qui lui manquent, reconstruisant la maison, le nid dans de multiples œuvres, réinterprétant sa mère fileuse et protectrice sous la forme d’une gigantesque araignée, Louise Bourgeois atteint le spectateur dans ce qu’il a de plus intime, son propre passé. Tous les matériaux sont utilisés : bois, fer, verre, tissu, caoutchouc... Sa longévité, son ardeur au travail, lui permettent au fil des décennies d’organiser et d’amplifier ses recherches à la fois émotionnelles et plastiques ; son humour lui apporte connivence avec le public et reconnaissance. Elle traite de la douleur et du plaisir, de la peur, de la sexualité, de la mort. Parce que le point de départ de son œuvre est son enfance et qu’elle nous en parle, elle se trouve totalement engagée. Elle est devenue celle qui montre et révèle les parts inconscientes. Par son œuvre, elle confronte l’autre à lui-même. Le travail de Louise Bourgeois va donner des références esthétiques à la psychanalyse et au féminisme, et s’inscrit dans l’histoire du XXe siècle, où il tient une place majeure.

Véronique Duprat-Roumier Permalien : http://www.panoramadelart.com/louise-bourgeois