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Mémoire, confessions et conscience chez Saint Augustin. Les Confessions

AUGUSTIN, Les Confessions Livre XI

[violet]QUI EST AUGUSTIN ? Faire un dossier de recherches sur Saint Augustin, le christianisme et Carthage.[/violet]

  • [fond or] On peut constater l’usage récurrent du "je" qui est lié à la notion de "confession". La définir en lisant attentivement le texte. Comparer avec d’autres confessions.[/fond or]
  • [fond or]A qui s’adresse cette conscience qui se confesse ?[/fond or]

TEXTE :
Les Confessions, Livre X, chap. XVII, trad. J. Trabucco, Garnier-Flammarion, 1978, p. 220.

Grande est la puissance de la mémoire ! Il y a un je ne sais quoi d’effrayant, ô mon Dieu, dans sa profonde et infinie multiplicité. Et cela, c’est l’esprit ; et cela, c’est moi-même ! Que suis-je donc, ô mon Dieu ? Quelle est ma nature ? Une vie variée, qui revêt mille formes et immense étonnamment.
Voyez ce qu’il y a dans ma mémoire : des champs, des antres, des cavernes innombrables, tout cela rempli à l’infini de toute espèce de choses, innombrables aussi. Les unes y figurent en images, c’est le cas de tous les corps ; les autres, comme les sciences, y sont réellement présentes ; d’autres encore y sont sous la forme de je ne sais quelles notions ou notations : ce sont les états affectifs de l’âme, que la mémoire conserve, alors que l’âme ne les ressent plus, bien que tout ce qui est dans la mémoire soit aussi dans l’âme.
Je parcours en tout sens ce monde intérieur, j’y vole de-ci de-là, j’y pénètre aussi loin que possible, sans rencontrer de limites. Tant est grande la force de la mémoire, tant est grande la force de la vie chez l’homme, ce vivant condamné à mourir !

    • Sources : dossier BNF
      Le cogito augustinien « De exterioribus ad intériora »

      14. Puisqu’il s’agit de la nature de l’âme, écartons de nos considérations toutes ces connaissances qui nous viennent de l’extérieur par l’intermédiaire des sens et considérons avec plus d’attention ce que nous avons établi : que toute âme se connait elle-même avec certitude. L’air a-t-il le pouvoir de vivre, de se souvenir, de comprendre, de vouloir, de penser, de savoir, de juger ? Le feu a-t-il ce pouvoir, ou le cerveau, ou le sang, ou les atomes, ou je ne sais quel cinquième corps en marge des quatre éléments classiques, ou la cohésion et l’équilibre de notre corps ? Les hommes ont eu des doutes à cet égard : l’un s’est efforcé d’affirmer ceci, l’autre cela. Par contre, nul ne doute qu’il ne se souvienne, qu’il ne comprenne, qu’il ne veuille, qu’il ne pense, qu’il ne sache, qu’il ne juge. Puisque, même s’il doute, il vit ; s’il doute d’où vient son doute, il se souvient ; s’il doute, il comprend qu’il doute ; s’il doute, il veut arriver à la certitude ; s’il doute, il pense ; s’il doute, il sait qu’il ne sait pas ; s’il doute, il sait qu’il ne faut pas donner son assentiment à la légère. On peut donc douter du reste, mais de tous ces actes de l’esprit, on ne doit pas douter ; si ces actes n’étaient pas, impossible de douter de quoi que ce soit.

      15. Ceux qui se figurent que l’âme est ou un corps, ou la cohésion et l’équilibre d’un corps veulent que tous ces actes de l’âme soient des accidents dont la substance serait l’air, le feu, ou quelque autre corps qu’ils identifient à l’âme. L’intelligence se trouverait donc dans le corps comme un de ses attributs : le corps serait le sujet, ces actes les accidents du sujet ; le sujet serait bien l’âme, mais une âme qu’ils identifient au corps ; l’intelligence serait un accident du sujet, ainsi que tout autre de ces actes dont nous avons la certitude, comme nous venons de le dire. Voisine est l’opinion de ceux qui nient que l’âme soit un corps, mais qui en font la cohésion et l’harmonie d’un corps. La différence, c’est que les premiers disent que l’âme est une substance dans laquelle l’intelligence est un accident ; les seconds, que l’âme elle-même est un accident, le corps étant la substance dont elle fait la cohésion et l’harmonie. En conséquence, peuvent-ils eux aussi faire autrement que de penser que l’intelligence est un accident de ce même corps ?

      16. Leur commune méprise, c’est de ne pas remarquer que l’âme se connaît, lors même qu’elle se cherche, comme nous l’avons montré. Or, il est illogique de dire qu’on a la connaissance d’une chose dont on ignore la substance. Si l’âme se connaît, c’est qu’elle connaît sa substance ; si elle se connaît avec certitude, c’est qu’elle connaît sasubstance avec certitude. Or, elle se connaît avec certitude, comme en témoignent les actes ci-dessus mentionnés. Par contre, elle n’a aucunement la certitude qu’elle soit air, feu, corps, ou quelque chose de corporel. Elle n’est donc rien de tout cela ; et le précepte de se connaître se ramène à ceci : qu’elle soit certaine de n’être aucune des choses dont elle n’est pas certaine, et qu’elle soit seulement certaine d’être ce qu’elle est certaine d’être. Ainsi elle pense au feu, à l’air, elle pense à quelque autre réalité corporelle. Mais il est absolument impossible qu’elle pense ce qu’elle est comme elle pense ce qu’elle n’est pas. C’est en faisant appel à une représentation imaginative qu’elle pense toutes ces choses, le feu, l’air, tel ou tel corps, telle partie, cohésion ou harmonie du corps : car, c’est bien clair, on ne dit pas que l’âme est toutes ces choses à la fois, mais l’une d’entre elles. Or, si elle était l’une d’entre elles, l’âme penserait cette chose autrement qu’elle ne pense les autres, c’est-à-dire qu’elle ne s’en ferait pas une représentation imaginative, à la façon dont elle pense les objets absents perçus par les sens, qu’il s’agisse de ces objets eux-mêmes ou d’autres du même genre ; mais il y aurait présence intérieure, non pas représentée par l’imagination, mais réelle (car il n’est rien de plus présent à l’âme qu’elle-même), comme celle que l’âme éprouve lorsqu’elle pense qu’elle vit, qu’elle se souvient, qu’elle comprend, qu’elle veut. Elle connaît ces actes en ellemême ; elle ne les représente pas par l’imagination, comme si elle les atteignait hors d’elle-même par les sens, à la manière dont elle atteint les objets corporels. Si, parmi ces corps qu’elle se représente, elle ne s’assimile mensongèrement à aucun au point de se prendre pour quelque chose de tel, alors, ce qui lui reste en propre, cela, et cela seulement, c’est elle-même.
      Saint Augustin, De Trinitate, Livre X, paragraphes 14 à 16.
      Bibliothèque augustinienne, tome 16, Paris, 1997, page 149