La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Expliquer les événements est-il possible ?
EXPLIQUER ET INTERPRETER

EXPLIQUER ET INTERPRETER

La théorie de la causalité historique, fondée sur des calculs rétrospectifs de probabilité - qu’est-ce qui se serait passé si... ? - n’est rien de plus que la reconstitution approximative des délibérations qui ont été ou qui auraient pu être celles des acteurs.
Agir raisonnablement, c’est, après réflexion, prendre la décision qui donne la meilleure chance d’atteindre le but que l’on vise. Une théorie de l’action est une théorie du risque en même temps qu’une théorie de la causalité. L’historien qui s’interroge [9] sur la causalité historique ranime, après coup, dans son esprit, les possibles évanouis que les acteurs envisageaient ou auraient pu envisager dans les délibérations qui précédèrent leur décision.
L’interrogation causale ne s’applique pas seulement à des décisions réfléchies d’un ou de plusieurs individus. On pose la question : que se serait-il passé si... ? aussi bien à propos d’événements qui n’ont été voulus par personne (intervention de phénomènes physiques, tempêtes, épuisement des mines d’or, défaite ou victoire dans une bataille, etc.) qu’à propos de décisions personnelles. L’effort pour éviter l’illusion rétrospective de fatalité n’en est pas moins caractéristique de l’historien politique, de l’historien qui, s’intéressant aux hommes et à leurs luttes, veut sauvegarder, dans la résurrection du passé, la dimension propre de l’action - à savoir l’incertitude de l’avenir, incertitude qui ne saurait être sauvegardée par l’historien qu’en maintenant, contre la sanction de l’événement, que le réel n’était pas à l’avance écrit et qu’il dépendait de telles personnes ou de telles circonstances que la marche de l’histoire fût autre.
Raymond ARON Introduction à Le savant et le politique de Max Weber, p.6