La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Séminaires de Langres 2023 La sensibilité

Rencontres philosophiques de Langres

La sensibilité

Vendredi 6 octobre 2023 de 8h45 à 11h00
Vendredi 6 octobre 2023 de 16h30 à 18h00
Samedi 7 octobre 2022 de 8h30 à 10h00

Présentation des séminaires

Sommaire
SEMINAIRE A 2
« L’art à l’ère du virtuel : activation et interaction sensible. » 2
SEMINAIRE B 3
« L’éducation de la sensibilité. » 3
SEMINAIRE C 4
« Les voix du sensible : des expressions de la sensibilité en musique. » 4
SEMINAIRE D 7
« La sensibilité chez Michel Henry : un levier pour renverser le monde. » 7
SEMINAIRE E 8
« "Le Mimosa sans moi" – le sujet de la sensibilité : un certain état de la sensibilité peut-il ramener au monde tel qu’il est en deçà du sujet humain ? » 8

SEMINAIRE A


« L’art à l’ère du virtuel : activation et interaction sensible. »


Sandrine Darsel, professeure de philosophie en classes préparatoires, Lycée Chateaubriand, académie de Rennes


Présentation

L’art virtuel se veut immersif, participatif, interactif. Sorties de leurs cadres, la peinture et la photographie se métamorphosent en immenses projections sous les yeux ébahis de leurs nouveaux publics. La sculpture et l’architecture invitent le visiteur à la traverser au lieu de la contourner. Parfois à l’aide d’un casque de réalité virtuelle, on fait l’expérience de Monet, Chagall. On est invité à sentir de manière charnelle l’art, telle l’exposition Au-delà des limites en 2018 où les visiteurs plongés dans un univers psychédélique et acteurs de l’immersion ; ils touchent la cascade numérique pour qu’elle s’écarte, s’assoient sur le sol pour contempler les fleurs pousser autour d’eux…
Ainsi, l’art virtuel et virtualisé permettrait de créer un système dynamique relationnel d’interaction. Or, la virtualisation de l’art constitue-t-elle le paradigme de la réception de l’art et de ce qu’elle implique logiquement ? Si cela est contestable (la participation, l’immersion et l’interaction comme modèle de réception), que peut nous apprendre l’analyse des modalités interactives de l’art déployées par le contexte numérique de l’art ?
Cette analyse des conditions de réception de l’art aura pour fil conducteur la proposition de Nelson Goodman explicitée dans L’art en théorie et en action : une œuvre d’art n’est ce qu’elle est que par son activation, et donc ce que nous faisons avec elle et non ce qu’elle ferait sans nous, indépendamment de nous.
SEMINAIRE B

« L’éducation de la sensibilité. »

Magali Lombard, inspectrice d’académie – inspectrice pédagogique régionale de philosophie, académies d’Amiens et de Reims
Emilie Bathier, professeure de philosophie, Lycée Edmé Bouchardon, académie de Reims
Présentation
La sensibilité apparaît tout à la fois comme une donnée naturelle – tous les animaux sont des êtres sensibles – et un état à construire – on devient sensible à. Il s’agirait alors d’interroger la sensibilité dans le moment de sa constitution, envisagée comme une disposition en puissance. Si les sens sont incontestablement mobilisés, quelque chose de l’âme ou de l’esprit entre aussi nécessairement en jeu, ce qui interdit de réduire la sensibilité à la simple sensation. Le seul caractère fonctionnel d’un organe sensible ne suffit pas à constituer sa sensibilité, et la sensibilité en général. C’est ce passage des sens à la sensibilité que nous efforcerons de questionner à partir de trois grands problèmes :
1° quelle est la nature de la sensibilité s’il s’agit de la distinguer de la nature sensible ?
2° qu’est-ce que « devenir sensible » et quelle est la part du langage dans cette éducation de la sensibilité ?
3° Toute éducation de la sensibilité ne risque-t-elle pas en réalité de la mutiler ? Peut-on à l’inverse penser une « sensibilité authentique » ?
S’il paraît nécessaire de partir de la manière dont Aristote nous invite à penser cette question, nous aurons également l’occasion de mobiliser d’autres auteurs, en particulier Condillac et Merleau-Ponty.
SEMINAIRE C

« Les voix du sensible : des expressions de la sensibilité en musique. »

Eric Le Coquil, inspecteur d’académie – inspecteur pédagogique régional de philosophie, académies de Créteil et d’Orléans-Tours
Emilie Bathier, inspectrice d’académie – inspectrice pédagogique régionale de philosophie, académie de Créteil et d’Orléans-Tours
Mathias Gault, professeur de philosophie, Lycée Etienne Bezout Nemours, académie de Créteil
Présentation
La musique est couramment considérée comme un art essentiellement voué à l’expression de la sensibilité. Tandis que l’on prête volontiers à la peinture, comprise au prisme de sa dimension intellectualiste, le pouvoir de représenter ou d’exprimer notre expérience du monde, voire la vérité même du monde, d’une façon peut-être plus vraie que ne pourrait le faire la connaissance discursive, scientifique ou philosophique, on attribue dans le même temps à la musique le pouvoir spécifique d’exprimer notre monde intérieur, le monde de nos affects, de nos sentiments ou de nos désirs, monde intérieur qui est aussi bien celui du compositeur, censé puiser dans cette masse affective la substance de ses œuvres, celui de l’interprète, censé puiser dans sa propre sensibilité les ressorts d’une interprétation personnelle de l’œuvre qu’il joue, celui de l’auditeur, censé retrouver dans l’audition de l’œuvre interprétée une image de sa propre sensibilité dans laquelle se reconnaître.
Dans cet ordre d’idées, la voix et le chant semblent jouer un rôle modélisant tout à fait central : qu’il soit coordonné ou non à un texte, c’est-à-dire articulé ou non, le chant ordonne les sons en des structures quasi discursives, qui se donnent explicitement, dans le discours même des musiciens, pour une forme de langage, raison pour laquelle il est courant en musicologie de parler, à propos du style propre d’un compositeur, de son "langage musical", ou bien, à propos de l’interprétation singulière de l’artiste, de son "phrasé".
Cette véritable mise en ordre vocaliste de l’expression musicale de la sensibilité vaut tout aussi bien pour la musique effectivement vocale et chantée que pour la musique instrumentale, tant sur le plan des techniques de composition que des techniques d’interprétation, dans lesquelles les notions de voix et de chant jouent un rôle structurant fondamental. Ce serait de ce fait au travers du modèle du chant et de la voix que la musique se donne pour un lieu expression privilégié d’une subjectivité sensible, dont le chant serait en quelque sorte le schème expressif. Or, une telle conceptualisation de la subjectivité sensible sous le modèle du chant et de la voix fait-elle pleinement droit aux possibilités expressives effectives de la musique, rend-elle pleinement compte à la fois de leur multiplicité et de leur diversité ? N’y a-t-il en définitive d’expressivité musicale possible que sous l’empire de la voix, que dans la forme du chant, compris dans toute la diversité de ses déclinaisons formelles ? Plus radicalement, le chant est-il proprement l’essence de toute musique, de sorte qu’il n’y aurait en dernière instance d’expression de la sensibilité musicale qu’en lui et par lui, ou bien n’est-il qu’un modèle formel et structurant, un principe d’ordre, dont la fonction essentielle est la formalisation d’un discours musical, en d’autre termes un artifice, au delà duquel existent ou sont possibles d’autres modes d’expression musicale de la sensibilité ?

Ce séminaire se propose de retrouver, dans les œuvres musicales et les écrits d’artistes, autant que dans les perspectives ou les concepts philosophiques, de quoi penser cette augmentation ou altération de la puissance expressive de la voix. Ce faisant, il se donnera pour intention de montrer comment un tel modèle musical de l’expression sensible peut être philosophiquement constitué, comment il peut être cependant interrogé et comment il a pu l’être à la fois par les philosophes et par les musiciens eux-mêmes, pour finalement examiner la façon dont la musique contemporaine a pu entreprendre d’en éprouver les limites. Méthodologiquement, on procédera à l’examen collégial de quelques textes centraux, utilisables en classe avec les élèves, travaillés à partir de l’analyse de quelques exemples musicaux.

PAGES Claire, Article "Sensibilité" dans Piette A. Salanskis J.-M., Dictionnaire de l’humain, p. 527-535.

TIERCELIN Claudine, Rationalité et sensibilité
FONTAINE Philippe, Passion et raison : VIDÉO 1- Passion et liberté : VIDÉO 2
POIRIER Jean-Louis, Vie passionnée et tragédie
VIDÉO 1 : Le mécanisme des passions- VIDÉO 2 : La tumultueuse vie des passions
TOUCHET Philippe, La souffrance est-elle le fond de toute vie ? Schopenhauer - Dailymotion >VIDÉO -
LAUPIES Frédéric, Le sens du plaisir - Dailymotion >VIDÉO -
RENAULT Vincent, Faire plaisir - Dailymotion >VIDÉO -
TOUCHET Philippe, Au-delà du principe du plaisir : Freud et Ricoeur - Dailymotion >VIDÉO
WOLFHUGEL Didier, L’usage des plaisirs - Dailymotion >VIDÉO-
TOUCHET Philippe, Le plaisir esthétique relève-t-il de la sensibilité ?
Académie de Versailles - https://philosophie.ac-versailles.fr/spip.php?article189
Colloque Maurice Merleau-Ponty : corps et sensibilité - Université Paris-Descartes - https://philosophie.ac-versailles.fr/spip.php?article1025

La première séance explorera la façon dont la matrice vocaliste de l’expressivité musicale se constitue, à la fois dans l’histoire de la musique et dans celle de la philosophie de l’art. On montrera comment, contre le dogme ramiste de la priorité ontologique de l’harmonie, reposant sur une physique des sons, dans la composition musicale, Rousseau affirme dans le même geste, comme l’avers et l’envers d’une même vérité de l’homme, le primat vocaliste dans toute musique, ainsi que la nature expressive et pulsionnelle de l’expression vocale, constituant par là-même une extériorisation destinée à émouvoir l’autre, dans une perspective éminemment morale et sociale. Nous verrons illustrée cette "inflexion que le sentiment donne à la voix", l’écriture musicale ayant pour exigence suprême de ne pas la dénaturer, dans l’Orfeo de Monteverdi et les tragédies en musique Lully.

La seconde séance interrogera le type d’expression musicale et le concept de sujet sensible construits et critiqués par les musiciens et les philosophes du XIXe siècle dans le domaine du chant lyrique et de son esthétique. A-t-on affaire à l’expression d’une "abstraite perception de soi-même" dans le sentiment, enveloppe simplement formelle des contenus subjectifs, que la musique tente de reproduire par l’arrangement des sons, ou bien au pathos expressif d’une sensibilité concrète et authentique, brute voire sauvage ? Les deux tendances coexistent-elles, se dialectisent-elles et se fécondent-elles l’une l’autre dans les œuvres ? Quels sont ici la part de nature, d’artifice, et le rôle formel joué par le chant et la voix ? L’expressivité vocale proprement pathétique - ou pathologique – dans la symphonie (Tchaïkovski, Mahler) et l’opéra (Wagner) romantiques et post-romantiques touche-t-elle à l’essence d’une expressivité musicale rendue à sa nudité, ou bien marque-t-elle sa dégénérescence dans une facticité dramaturgique grandiloquente, telles que la dénoncent un Nietzsche ou un Debussy ?

La troisième et dernière séance explorera les usages “étendus” de la voix. On posera la question de savoir s’il est encore légitime de lui donner un rôle structurant dans les musiques et pratiques musicales contemporaines. Ainsi, les tentatives de restructuration du rapport à l’instrument, en cherchant à déplacer la frontière entre bruit et sons musicaux, n’expriment-elles pas le désir d’une autre musicalité, qui étende les possibilités de la voix mais qui amène aussi à jouer de ses limites expressives, dans un jeu sur les horizons d’attente à son égard et dans une tentative de redéfinition de la place de choix qu’on lui accorde ? (Musiciens de référence : Messiaen, Ligeti, Villa-Lobos).
SEMINAIRE D

« La sensibilité chez Michel Henry : un levier pour renverser le monde. »

Yann Martin, inspecteur d’académie – inspecteur pédagogique régional, académie de Nancy-Metz
Martin Steffens, professeur de philosophie en classes préparatoires, Lycée Fustel de Coulanges, académie de Strasbourg
Présentation
Chez Michel Henry, la sensibilité n’est fondamentalement ni une propriété des choses dites « sensibles », ni une faculté adaptée à la détermination de leurs qualités. Elle est d’abord ce par quoi un sujet est sensible à sa propre corporéité qu’il vit intérieurement en l’éprouvant sur un mode appelé « auto-affection ». Autrement dit, la sensibilité humaine est ce qui nous donne d’exister comme « chair ». A partir d’elle, se manifeste aussi sa condition transcendantale de possibilité : une sensibilité archi-originaire et absolue que Michel Henry identifie à la Vie, c’est-à-dire à Dieu.
Si la pensée de Michel Henry s’inscrit dans la tradition phénoménologique, elle en subvertit le principe-même en en situant le centre bien en amont du rapport du sujet au monde. Ce qu’elle cherche à appréhender, c’est en effet la condition archi-originaire de toute manifestation qui est la Vie. Toute la tradition philosophique occidentale, des Grecs à Husserl en passant par Maître Eckhart, Descartes, Galilée, Maine de Biran et Marx, se trouve alors réévaluée comme oubli plus ou moins prononcé de la Vie originaire. Aux prises avec l’essor de la barbarie, on voit Michel Henry en quête d’un levier lui permettant de renverser le cours des choses pour sauver les humains vivants de leur choséification.
Après avoir proposé un état des lieux sur la conception henryenne de la sensibilité en son paradoxe constitutif, nous réfléchirons, au cours de ce séminaire, à la façon dont elle peut conduire à lire ou à relire certains auteurs classiques tels que Descartes ou Marx. C’est Michel Henry comme lecteur que nous lirons ensemble.
SEMINAIRE E

« "Le Mimosa sans moi" – le sujet de la sensibilité : un certain état de la sensibilité peut-il ramener au monde tel qu’il est en deçà du sujet humain ? »

Sébastien Hoët, professeur de philosophie, Lycée Fénelon, académie de Lille
Hervé Oulc’hen, professeur de philosophie, Lycée Fénelon, académie de Lille
Julien Puissant, professeur de philosophie, Lycée Fénelon, académie de Lille
Présentation
Les trois temps de l’atelier seront articulés autour de l’image du "mimosa sans moi" évoquée par Francis Ponge dans La Rage de l’expression.
Deux champs poétiques s’imposent en l’occurrence, deux grands pôles de l’expression de la "subjectivité sans sujet" (Blanchot) : d’une part la poésie objectiviste, le poète considéré comme greffier du Texte ; d’autre part la poésie dé-subjectivée, le poète conçu comme berger de la Parole. Nous pourrons confronter ces deux approches sur la base de la tentative d’expression de l’horreur de la Shoah. Pour la première figure du poète, greffier du Texte, nous convoquerons Holocauste de Charles Reznikoff ; pour la seconde figure du poète, berger de la Parole, nous mobiliserons La Fugue de la mort de Paul Celan, en prenant comme fil conducteur, à travers ces figures, l’analyse déployée dans Ce qui reste d’Auschwitz de Giorgio Agamben.
La sensibilité apparaîtra, au terme de ce parcours, davantage comme une raison « augmentée » que comme une faculté aveugle, passive, incomplète, tendant vers l’idée rationnelle qui lui confère enfin sa dignité et son sens. Nous réinvestirons alors l’expérience de toute la richesse que lui offrent le « monde de la vie » (Merleau-Ponty / E. Straus) aussi bien que la sentience de l’être naturel (C. Pelluchon), renouant par là avec l’évidence selon laquelle nous ne sommes pas qu’au monde mais du monde.