La philosophie dans l’académie de CRETEIL
Slogan du site
Difficile existence : Oblomov

L’ennui peut nous conduire à ne rien faire. Madame Bovary représente une de ces figures où le quotidien en se répétant nourrit de faux espoirs de nouveauté. En se refugiant dans l’imaginaire bon marché d’une littérature pour jeunes bourgeoises désoeuvrées, elle perd contact avec le désir d’action propre à celui qui est engagé dans l’existence. A quoi bon le déplorer ? la vie continue,
Cet ennui c’est aussi celui qui consiste à se perdre dans un quotidien fait de mesures, de laps de temps, d’horloge.


Dans les trois exemples qui suivent, que signifient les choix de vie des personnages ?

 Version écourtée
GONTCHAROV, IVAN : Oblomov - Romans ---

Attention, la présente édition - Édition Librairie Didier et Cie Paris 1877 - reprise du site Gallica, ne correspond pas au texte intégral, apparemment (ainsi, la version intégrale traduite par Luba Jurgensen et parue chez L’Âge d’homme en 1988, est un livre de 475 pages...)

 Extraits de la préface de Jacques Catteau (Éditions L’Âge d’homme) :
Avec Oblomov (du russe « oblom », « cassure », ou « oblomok », « tesson », « débris »), Ivan Alexandrovitch Gontcharov (1812-1891), l’un des fondateurs du roman réaliste russe, façonne un personnage mythique de la littérature et un caractère connu de tous les écoliers depuis le début du siècle. À l’opposé de l’Onéguine de Pouchkine ou du Petchorine de Lermontov, Oblomov ne se bat pas, ne voyage pas, ne monte pas et ne séduit pas. Son arme c’est la robe de chambre douillette. Ses péchés ? L’alcool et surtout la gourmandise. Paru en 1859, deux ans avant que le tsar n’abolisse le servage en Russie, Oblomov est un roman délicieusement moderne, nous narrant avec humour la disparition des petits propriétaires terriens dépassés par la nouvelle élite des hommes d’affaire.
Le personnage d’Oblomov est drôle et terrifiant. Cet homme qui n’a pas quarante ans est un propriétaire terrien installé à Saint-Petersbourg, loin de ses terres et des quelques centaines d’âmes qui lui appartiennent. Son domaine va mal et il devrait se rendre dans son pays, en Oblomovska - le pays de cocagne où les parents et les grands-parents du héros coulaient des jours tranquilles et dont les habitants priaient Dieu pour que le lendemain soit semblable aux jours passés... Son propriétaire voudrait d’autre part qu’il déménage pour récupérer son appartement et lui envoie de pressants courriers. Qu’importent les lettres du propriétaire et les mauvaises nouvelles du domaine, il sera toujours temps d’y répondre tantôt... Ou demain. Enveloppé dans sa vieille robe de chambre, Oblomov ne quitte plus, sauf en rêve, son domicile poussiéreux. Il passe, paisible et rêveur, du lit au fauteuil pour retourner insensiblement au premier quand il se sent épuisé. L’agitation le fatigue. Il vit chez lui en paix, au rythme des jours qui fuient, marqués par son inactivité la plus totale qui le fait toujours tout ajourner...

Édition Ebooks libres et gratuits.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/oblomov-de-gontcharov-l-homme-couche-8192866

A quoi bon se lever ? demande Oblomov, sans quitter son divan... Quelles sagesses nous enseigne l’homme couché, ce "Platon en robe de chambre" et sa critique acerbe de l’agitation des hommes ?

Avec Pierre Cahné Ancien professeur de langue et littérature françaises à l’Université Paris IV-Sorbonne
Texte : Gontcharov, Oblomov, Arthur Adamov Trad., Gallimard, Folio classique, 2007. P.243

Oblomov glissa les mains sous sa nuque, et une expression de repos se peignit sur son visage ; il était déjà en esprit à la campagne. « Le temps était magnifique, le ciel bleu ; pas un seul nuage. Et selon mon plan, un côté de la maison serait tourné vers l’est, c’est-à-dire vers le jardin, et l’autre vers le village…(…) En attendant que ma femme se réveille, je passerais ma robe de chambre et me promènerais au jardin pour respirer l’air frais du matin ; là, je trouverais déjà le jardinier à son travail, et ensemble nous arroserions les fleurs, taillerions les buissons. Je cueillerais un bouquet pour ma femme. Puis j’irais prendre un bain, soit dans la baignoire soit à la rivière ; et quand je reviendrais la fenêtre serait ouverte sur le balcon, et là, ma femme, en blouse, avec un bonnet si léger qu’il tiendrait à peine sur sa tête et risquerait de s’envoler à chaque instant… Elle m’attend. « Le thé est prêt », me dit-elle. Et quel thé ! Et quels baisers ! Et quel fauteuil reposant ! Je m’assieds près de la table, et sur la table il y a des biscuits, de la crème, du beurre frais. (…) Ensuite je mets un large veston, je prends ma femme par la taille et nous nous enfonçons dans une allée ombrageuse ; nous marchons lentement, comme en rêve, nous ne disons rien, ou encore nous pensons tout haut, nous comptons les minutes de bonheur comme les battements du pouls, nous écoutons battre et défaillir notre cœur. Et la rivière clapote doucement, et les blés frémissent sous la brise. Il fait chaud. Nous montons, ma femme et moi, dans une petite barque, et c’est à peine si nous levons nos rames… »
(Extrait)

La paresse dont il s’agit dans ce premier exemple est l’accablement devant "l’existence comme charge". Levinas écrivait à propos de Oblomov que sa paresse est l’impossibilité à commencer.

Version filmique :

2. La robe de chambre de Diderot
Regrets sur ma vieille robe de chambre ou Avis à ceux qui ont plus de goût que de fortune (1772)

3. Les chaussettes de l’homme qui dort de Perec

G. Perec parle de son livre Un homme qui dort