La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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William James et le consentement

WILLIAM JAMES (1842-1910)
Le vouloir s’achève dans la conscience : il n’est qu’un rapport entre cette conscience et ses idées. – Ainsi donc, tous ces préliminaires resserrent de plus en plus le champ de nos recherches sur le processus volitionnel, et ne nous permettent plus d’espérer trouver l’essence ou le fond de sa nature hors des conditions qui assurent à une idée la prépondérance dans la conscience. Une fois cette prépondérance réalisée en fait, la psychologie de la volition est finie. Ce qui suit, c’est-à-dire les mouvements par lesquels s’exécute la volition, relève exclusivement de la physiologie et de ses lois,
celles qui régissent les phénomènes nerveux, correspondant aux phénomènes psychiques. Le vouloir s’achève dans la conquête de la conscience par l’idée ; que l’idée se réalise ou non, cela ne le regarde point. Je veux écrire : j’écris ; je veux éternuer : je n’éternue point ; je veux que cette table vienne du coin de ma chambre vers moi : elle ne vient point. Dans ces trois cas mon vouloir est absolument parfait ; seulement, les trois représentations sont inégalement efficaces : la première agit sur les centres de l’écriture, la seconde n’agit pas sur les centres de l’éternuement, la troisième ne meut point la table. Mais qu’importe ? La volition est un acte exclusivement psychique et moral1 et qui est parfait dès qu’il a installé la représentation à demeure dans la conscience : les mouvements consécutifs à cette représentation ne sont ici que des épiphénomènes tout à fait accessoires, qui relèvent des ganglions nerveux hors de la conscience. Si les ganglions font exactement leur travail, le mouvement s’accomplit parfaitement. S’ils ne le font qu’imparfaitement, on a la danse de Saint-Guy2, l’ataxie locomotrice3, l’aphasie motrice4, ou des maladresses de moindre conséquence. S’ils ne le font pas du tout, aucun mouvement ne s’ensuit, et on parle de paralysie : le sujet peut faire des efforts très énergiques, contracter même les autres muscles de son corps, sans que le membre paralysé se meuve. Mais, dans tous ces cas d’inégale obéissance du corps à l’esprit, la volition est toujours intacte et parfaite comme processus psychique.
L’effort volitionnel est un effort d’attention. […] D’après tout ce qui précède, on peut voir que le point d’application immédiat de l’effort volitionnel est à chercher exclusivement dans le monde mental. Tout le drame est dans la conscience ; toute la difficulté est d’ordre psychique, et porte sur l’objet d’une idée. Bref, c’est cette idée qui est le point d’application du vouloir. Laissée à elle-même, elle glisserait hors de la conscience, mais nous ne voulons pas la laisser glisser. La seule efficacité del’effort est de réaliser un consentement à la présence exclusive de l’idée ; et sa seule fonction est d’obtenir le sentiment de ce consentement.
William James, Précis de psychologie, 1892, chapitre 26 « La volonté ».

1 « Moral » ici au sens de non physique.
2La « danse de Saint-Guy » ou « chorée de Sydenham » est une maladie infectieuse de système nerveux central
qui se caractérise par des mouvements involontaires et des contractions des muscles du tronc et des extrémités.
3
L’ataxie locomotrice est une pathologie neuromusculaire qui empêche une coordination fine des mouvements
volontaires (troubles de la marche, de l’équilibre, de la station debout).
4
L’aphasie motrice se caractérise par des problèmes d’articulation à des degrés divers, difficulté à trouver ses
mots, utilisation de phrases non structurées etc.