La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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[vert]La recherche des causes : une représentation. Hume[/vert]

Etude du texte de Hume sur la causalité : Enquêtes sur l’entendement humain, 7

La plupart des hommes ne rencontrent aucune difficulté pour rendre compte des opérations de la nature les plus courantes et les plus familières, comme la chute des corps graves, la naissance des plantes, la génération des animaux, ou la nutrition des corps par les aliments. Seulement, ils supposent que, dans tous ces cas, ils perçoivent la force même ou énergie même de la cause, par laquelle elle est connectée à son effet, et ils supposent qu’elle est à jamais infaillible dans son opération. Ils acquièrent, par une longue habitude, une tournure d’esprit telle qu’à l’apparition de la cause, ils attendent immédiatement avec assurance l’événement qui suit habituellement, et ils conçoivent difficilement qu’il soit possible qu’un autre événement puisse en résulter. C’est seulement quand ils découvrent des phénomènes extraordinaires, comme les tremblements de terre, les pestes, et les prodiges de toute sorte, qu’ils se trouvent bien embarrassés pour leur assigner une cause propre, et pour expliquer la manière dont l’effet est produit par cette cause. Dans de telles difficultés, les hommes ont coutume d’avoir recours à des principes intelligents invisibles comme cause immédiate de l’événement qui les surprend, événement, pensent-ils, dont on ne peut rendre compte par les pouvoirs communs de la nature. Mais des philosophes, qui poussent leur examen un peu plus loin, perçoivent immédiatement que même dans les événements les plus familiers, l’énergie de la cause est aussi inintelligible que dans les événements inhabituels, et que nous apprenons seulement par l’expérience la fréquente CONJONCTION d’objets, sans être jamais capables d’avoir l’intelligence de quelque chose comme une CONNEXION entre ces objets. Dans ce cas, de nombreux philosophes se pensent obligés par la raison d’avoir recours, en toutes les occasions, au même principe, auquel le vulgaire ne fait jamais appel, sinon pour les cas qui semblent miraculeux et surnaturels. Ils reconnaissent que l’esprit et l’intelligence sont non seulement la cause ultime et originelle de toutes choses, mais aussi la cause unique et immédiate de tous les événements qui se produisent dans la nature. Ils prétendent que ces objets qui sont couramment appelés causes ne sont rien d’autre que des occasions, et que le principe véritable et direct de chaque effet n’est pas un pouvoir ou une force dans la nature, mais une volition de l’Etre Suprême qui veut que tels objets particuliers soient à jamais joints les uns aux autres. Au lieu de dire qu’une boule de billard en meut une autre par une force qui provient [indirectement] de l’auteur de la nature, ils disent que c’est la Divinité elle-même qui, par une volition particulière, meut la seconde boule, en étant déterminée dans cette opération par l’impulsion de la première boule, en conséquence de ces lois générales qu’elle a instituées pour elle-même dans le gouvernement de l’univers. Mais des philosophes, avançant davantage dans leurs recherches, découvrent que, tout comme nous ignorons totalement le pouvoir dont dépend l’opération naturelle des corps, nous sommes non moins ignorants de ce pouvoir dont dépend l’opération de l’esprit sur le corps, ou du corps sur l’esprit, et que nous ne sommes pas capables, soit par nos sens, soit par la conscience, d’assigner le principe ultime, en un cas comme en l’autre. La même ignorance les réduit donc à la même conclusion. Ils affirment que la Divinité est la cause immédiate de l’union de l’âme et du corps, et que ce ne sont pas les organes des sens qui, étant stimulés par les objets extérieurs, produisent des sensations dans l’esprit, mais que c’est une volition particulière du Créateur tout-puissant, qui produit telle sensation, en conséquence de tel mouvement dans l’organe. De la même manière, ce n’est pas une énergie dans la volonté qui produit le mouvement local dans nos membres. C’est Dieu lui-même qui se plaît à seconder notre volonté, en elle-même impuissante, et à commander ce mouvement que nous attribuons de façon erronée à notre pouvoir personnel, à notre propre efficace. Des philosophes ne s’arrêtent pas à cette conclusion. Quelquefois, ils étendent la même inférence à l’esprit lui-même, dans ses opérations internes. Notre vision mentale, notre conception des idées n’est rien d’autre qu’une révélation qui nous est faite par notre Créateur. Quand nous tournons volontairement nos pensées vers un objet, et que nous faisons naître son image dans la fantaisie, ce n’est pas notre volonté, qui crée cette idée ; c’est le Créateur universel qui la découvre à l’esprit et qui nous la rend présente.

Annexe 1 Supposez que quelqu’un, fut-il doué de facultés de raison et de réflexion les plus fortes, soit soudain amené dans ce monde ; il observerait certainement immédiatement une succession continuelle d’objets, un événement suivant un autre événement ; mais il ne serait pas capable d’aller plus loin et de découvrir autre chose. D’abord, il ne serait pas capable, par un raisonnement, de parvenir à l’idée de cause et d’effet, car les pouvoirs particuliers, par lesquels toutes les opérations naturelles sont accomplies, n’apparaissent jamais aux sens. Il n’est pas raisonnable de conclure, simplement parce qu’un événement, dans un cas, en a précédé un autre, que, par conséquent, l’un est la cause, l’autre l’effet. Leur conjonction peut être arbitraire et accidentelle. Il peut ne pas y avoir de raison d’inférer l’existence de l’un de l’apparition de l’autre. En un mot, une telle personne, sans plus d’expérience, ne pourra jamais faire de conjectures ou de raisonnement concernant une chose de fait, ou être assurée de quelque chose au-delà ce de ce qui est immédiatement présent à sa mémoire ou à ses sens.

Supposez encore que cet homme ait acquis plus d’expérience et qu’il ait vécu assez longtemps dans le monde pour avoir observé que des objets familiers ou des événements sont constamment joints ensemble. Quelle est la conséquence de cette expérience ? Il infère immédiatement l’existence de l’un des objets de l’apparition de l’autre. Pourtant, par toute son expérience, il n’a acquis aucune idée ou connaissance du pouvoir secret par lequel l’un des objets est produit par l’autre ; et ce n’est par aucun processus de raisonnement qu’il est engagé à tirer cette inférence. Mais pourtant il se trouve déterminé à la tirer ; et, serait-il convaincu que son entendement n’a pas de part dans cette opération, il continuerait pourtant le même cours de pensée. Il y a un autre principe qui le détermine à former une telle conclusion.

Ce principe est l’accoutumance, l’habitude. Car chaque fois que la répétition d’un acte particulier ou d’une opération particulière produit un penchant à renouveler le même acte ou la même opération, sans que l’on soit mu par aucun raisonnement ou opération de l’entendement, nous disons toujours que ce penchant est l’effet de l’accoutumance. En employant ce mot, nous ne prétendons pas avoir donné la raison ultime d’un tel penchant. Nous indiquons seulement un principe de la nature humaine qui est universellement reconnu et qui est bien connu par ses effets. Nous ne pouvons peut-être pas pousser nos recherches plus loin et prétendre donner la cause de cette cause, mais nous devons nous en contenter comme de l’ultime principe que nous puissions assigner à toutes nos conclusions venant de l’expérience. [...]

L’accoutumance est donc le grand guide de la vie humaine. C’est ce principe seul qui nous rend l’expérience utile, et nous fait attendre, dans le futur, une suite d’événements semblables à ceux qui ont paru dans le passé. Sans l’influence de l’accoutumance, nous serions totalement ignorants de toute chose de fait au-delà de ce qui est immédiatement présent à la mémoire et aux sens. [...]


I Les désirs gouvernent les hommes La plupart des hommes ne rencontrent aucune difficulté.... : pourquoi ce jeu d’opposition entre ’la plupart’ et ’aucune’ ? Qu’est-ce que cela nous apprend sur les hommes ? Sont-ils modestes ?|| Seulement,ils supposent que, dans tous ces cas... et ils supposent qu’elle est à jamais infaillible : que signifie ’supposer’ et pourquoi les hommes fuient l’erreur ? Les hommes fuient l’erreur et se réfugient dans l’illusion : - expliquer pourquoi la source de ces égarements est dans le désir ? - Quel rapport le désir entretient avec l’illusion ? II. Les haitudes Ils acquièrent, par une longue habitude, une tournure d’esprit telle qu’à l’apparition de la cause, ils attendent immédiatement avec assurance l’événement qui suit habituellement, ..|| !Les réflexes et le mécanisme Expliquer le sens de cette ’habitude’ : Lire le texte en annexe pour répondre à cette question Les hommes sont gouvernés par des réflexes : comment cela se justifie-t-il ici ? Quelle faculté humaine se voit privée d’efficacité ?
Que découvrent certains philosophes - et pourquoi pas tous ? Qu’apprend l’expérience ? "Mais des philosophes, qui poussent leur examen un peu plus loin, perçoivent immédiatement que même dans les événements les plus familiers, l’énergie de la cause est aussi inintelligible que dans les événements inhabituels, et que nous apprenons seulement par l’expérience la fréquente CONJONCTION d’objets, sans être jamais capables d’avoir l’intelligence de quelque chose comme une CONNEXION entre ces objets." Ce début de texte permet-il de définir la superstition ? En quoi consiste-t-elle ici ? Ils reconnaissent que l’esprit et l’intelligence sont non seulement la cause ultime et originelle de toutes choses, mais aussi la cause unique et immédiate de tous les événements qui se produisent dans la nature. Ils prétendent que ces objets qui sont couramment appelés causes ne sont rien d’autre que des occasions. Voir annexe 2 : réfutation des thèses de Descartes et Malebranche