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Ressources magistère sur l’Etat

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Le texte à expliquer : KANT, Doctrine du droit, § 61, pp. 233-234
Le corrigé de l’explication par Alain Cambier, professeur de chaire supérieure honoraire au lycée Faidherbe de Lille
lien magistère : https://magistere.education.fr/ac-creteil/course/view.php?id=13040§ion=42 (sur inscription)

« Puisque l’état de nature des peuples, ainsi que celui des individus, est un état dont on doit sortir pour entrer dans un état légal, il s’ensuit qu’avant cet événement tout droit des peuples et tout le mien et le tien extérieurs que les États peuvent acquérir ou conserver par la guerre n’est que provisoire ; ils ne peuvent avoir une valeur de manière péremptoire et jouir d’un état de paix véritable que dans une union universelle des États (par analogie avec celle par laquelle un peuple devient un État). Mais comme la trop grande étendue d’un tel État des peuples, qui couvrirait de vastes contrées, ferait que son gouvernement, et par conséquent aussi la protection de chaque membre, deviendraient à la fin impossibles et comme une multiplicité de semblables corporations réintroduit de nouveau un état de guerre, la paix éternelle (le but dernier de tout le droit des gens) est évidemment une Idée irréalisable. Mais les principes politiques qui tendent à ce but, je veux dire qui tendent à opérer des alliances entre États, servant à se rapprocher continuellement de ce but, ne le sont pas, et comme, en revanche, cette approximation est fondée sur le devoir, qu’elle est par conséquent une tâche fondée sur le droit des hommes et des États, elle est certainement réalisable.
On peut appeler une telle union de quelques États pour maintenir la paix, le congrès permanent des États, auquel il est permis à chaque État voisin de se joindre. C’est ce qui eut lieu (du moins en ce qui touche les formalités du droit des gens à l’égard du maintien de la paix) dans la première moitié de ce siècle dans l’assemblée des États généraux à La Haye, et où les ministres de la plupart des cours d’Europe et même des plus petites républiques portèrent leurs plaintes sur les hostilités que les uns eurent à subir des autres, et ce faisant ils virent l’Europe tout entière comme un seul État fédéré, qu’ils admirent pour ainsi dire comme arbitre de leurs différends publics, tandis qu’au lieu de cela, par la suite, le droit des gens ne subsista simplement que dans les livres, disparaissant des cabinets, ou, après que l’on eût déjà fait usage de la force, fut confié sous forme de déduction à l’obscurité des archives.
Par le mot de congrès on n’entend ici qu’une union arbitraire et en tout temps révocable de différents États, et non (comme celle des États d’Amérique) une union fondée sur une constitution de l’État et par conséquent indissoluble – c’est ainsi seulement par un congrès que peut être réalisée l’Idée de l’établissement d’un droit public des gens qui décide de leurs différends d’une manière civile, pour ainsi dire par un procès et non d’une
façon barbare (à la manière des sauvages) c’est-à-dire par la guerre.
Kant, Métaphysique des mœurs, première partie, Doctrine du droit,
trad. A PHILONENKO p. 233-234.