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PLATON Le thumos et l’harmonie musicale

Olivier Renaut.La fonction du thumos dans la République de Platon. Notomi, Noburu ; Brisson, Luc. Dialogues on Plato’s Politeia (Republic), Academia Verlag, pp.179-188, 2013, 978-3-89665-538-7.ffhal-01551272

Au livre IV de la République, après avoir distingué la fonction désirante de la fonction
rationnelle, Socrate se propose de définir un intermédiaire, le θυμός, dont il demande
d’abord à Glaucon s’il constitue un troisième principe ou seulement une espèce parente
des deux autres (439d4-e4).


 Le désordre se rattache à l’irruption du nouveau dans la Cité. C’est ainsi que les enfants sont porteurs de bouleversements.
Que nous apprend la mythologie ? On étudiera le trio : Chaos, Ouranos et Gaïa dans la Théogonie d’Hésiode. Pourquoi Chaos n’est-il pas en couple ?

... et une fois que notre cité aura bien pris son élan, elle ira s’agrandissant comme un cercle (08) ; car une éducation et une instruction honnêtes, quand on les préserve de toute altération, créent de bons naturels, et d’autre part, d’honnêtes naturels ayant reçu cette éducation deviennent meilleurs que ceux qui les ont précédés, sous divers rapports et, entre autres, sous celui de la procréation (09), 424b comme cela se voit chez les autres animaux.

C’est naturel.

Donc, pour le dire en peu de mots, il faut que ceux qui ont charge de la cité s’attachent à ce que l’éducation ne s’altère point à leur insu, qu’en toute occasion ils veillent sur elle et, avec tout le soin possible, prennent garde que rien de nouveau, touchant la gymnastique et la musique, ne s’y introduise contre les règles établies, dans la crainte que si quelqu’un dit

les hommes apprécient davantage
les chants les plus nouveaux (10),

424c on n’imagine peut-être que le poète veut parler, non d’airs nouveaux, mais d’une nouvelle manière de chanter, et qu’on n’en fasse l’éloge. Or il ne faut ni louer ni admettre une telle interprétation, car il est à redouter que le passage à un nouveau genre musical ne mette tout en danger. Jamais, en effet, on ne porte atteinte aux formes de la musique sans ébranler les plus grandes lois des cités, comme dit Damon, et je le crois (11).

Compte-moi aussi, dit Adimante, parmi ceux qui le croient.

424d Donc c’est là, ce semble, dans la musique, que les gardiens doivent édifier leur corps de garde.

Certes, le mépris des lois s’y glisse facilement sans qu’on s’en aperçoive.

Oui, sous forme de jeu, et comme s’il ne faisait aucun mal.

Et réellement, reprit-il, il ne fait rien d’autre que s’introduire peu à peu et s’infiltrer doucement dans les moeurs et dans les usages ; de là, il sort plus fort et passe dans les relations sociales ; puis, des relations sociales il marche vers les lois et les constitutions avec 424e beaucoup d’insolence, Socrate, jusqu’à ce qu’enfin il bouleverse tout chez les particuliers et dans l’État (12).

Soit, dis-je ; en est-il vraiment ainsi ?

Il me le semble.

Par conséquent, comme nous le disions en commençant, ne faut-il pas que nos enfants participent à des jeux plus légitimes ? Si leurs jeux sont déréglés, eux le seront aussi, et il ne se peut qu’ils deviennent, en grandissant 425, des hommes soumis aux lois et vertueux.

Sans doute.

Lors donc que les enfants jouent honnêtement dès le début, l’ordre, au moyen de la musique, pénètre en eux, et, au rebours de ce qui arrive dans le cas que tu citais, il les accompagne partout, accroît leur force, et redresse dans la cité ce qui peut s’y trouver en déclin.

C’est vrai, dit-il.

Et ils retrouvent ces règlements qui paraissent de peu d’importance et que leurs prédécesseurs avaient laissé tomber en désuétude.

Lesquels ?

Ceux qui ordonnent aux jeunes gens de garder le silence quand il convient en présence des vieillards, de les 425b aider à s’asseoir, de se lever pour leur faire place, d’entourer ses parents de soins - et ceux qui concernent la coupe des cheveux, les vêtements, les chaussures, la tenue extérieure du corps et autres choses semblables (13). Ne crois-tu pas qu’ils retrouveront ces règlements ?

Je le crois.

La République, IV

L’harmonie ou le juste équilibre

Jette donc les yeux, repris-je, sur notre jeune cité ; tu y trouveras l’une de ces conditions réalisée, et tu diras que c’est avec raison qu’elle est appelée maîtresse d’elle-même, si tout ce dont la partie supérieure commande à l’inférieure doit être appelé tempérant et maître de soi-même.

J’y jette les yeux et je vois que tu dis vrai.

Certes, on y trouverait aussi, en grand nombre et de 431e toutes sortes, passions, plaisirs et peines, surtout chez les enfants, les femmes, les serviteurs et la foule des hommes de peu qu’on appelle libres.

Certainement.

Mais pour les sentiments simples et modérés que le raisonnement dirige et qu’accompagnent l’intelligence et la droite opinion, tu ne les rencontreras que chez de rares personnes, celles, douées d’une excellente nature, qu’a formées une excellente éducation.

C’est vrai.

Ne vois-tu pas également que dans ta cité les désirs de la foule des hommes de peu sont dominés par les désirs 431d et par la sagesse du plus petit nombre des hommes vertueux ?

Je le vois.

Si donc on peut dire d’une cité qu’elle est maîtresse de ses plaisirs, de ses passions et d’eIle-même, c’est de celle-ci qu’il faut le dire.

Assurément.

Mais ne faut-il pas aussi l’appeler tempérante en considération de tout cela ?

Très certainement.

Et si dans une autre cité gouvernants et gouvernés ont la même opinion touchant ceux qui doivent commander 431e, dans la nôtre aussi résidera cet accord, n’est-ce-pas (30) ?

Sans aucun doute.

Eh bien ! quand les citoyens sont disposés de la sorte, chez lesquels diras-tu que se trouve la tempérance ? chez les gouvernants ou les gouvernés ?

Chez les uns et les autres, répondit-il.

Ainsi, tu vois que nous devinions juste tout à l’heure, quand nous disions que la tempérance ressemble à une harmonie.

Pourquoi donc ?

Parce qu’il n’en est pas d’elle comme du courage et de la sagesse qui, résidant respectivement dans une partie de la cité, rendent cette dernière courageuse 432 et sage. La tempérance n’agit pas ainsi : répandue dans l’ensemble de l’État, elle met à l’unisson de l’octave les plus faibles, les plus forts et les intermédiaires, sous le rapport de la sagesse, si tu veux, de la force, si tu veux encore, du nombre, des richesses, ou de toute autre chose semblable (31). Aussi pouvons-nous dire avec très grande raison que la tempérance consiste en cette concorde, harmonie naturelle entre le supérieur et l’inférieur sur le point de savoir qui doit commander, et dans la cité 432b et dans l’individu.

Je suis tout à fait de ton avis.