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Actes de colloques en ligne

- Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs en philosophie ancienne et en sciences de l’Antiquité de l’association Zetesis


Présentation

Le carnet de recherche Zetesis est l’émanation de l’association Zetesis – Association de doctorants-e-s et jeunes chercheurs-euses en philosophie ancienne et en sciences de l’Antiquité. Ce carnet a pour vocation à fournir des informations d’événements scientifiques, de parutions, d’appels à contribution dans le champ de la philosophie ancienne et des sciences de l’Antiquité. Le carnet comporte également une section où sont publiés billets, compte-rendus, et actes des colloques de l’association Zetesis
This blog comes from the association « Zetesis », which gathers PhD. Students and young scholars in ancient philosophy and Classics. This blog aims at giving regular information on scientific events, publications, call for papers in ancient philosophy and associated fields. This blog contains also a section where posts and reviews are published, and collected papers presented during the symposium of the association Zetesis.

Rationalité tragique

Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs, « La rationalité tragique », Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne et Université Paris Ouest – Nanterre-La Défense, 2-4 juin 2009.

La rationalité tragique

S. Alexandre et O. Renaut

Échec de la délibération ou de la volonté face aux affections, raison aux prises avec un environnement qui déjoue ses plans, conflits entre un type de rationalité scientifique naissante et un esprit attentif aux tensions, aux oxymores, aux contraires, autant de situations où la construction de la rationalité grecque se comprend contre un milieu qui tend à l’occulter ou à empêcher son développement. M. Nussbaum l’a souligné avec force dans The Fragility of Goodness : la fragilité des objets désirés, le devenir contradictoire, le hasard sont autant de défis posés à une « rationalité grecque » s’opposant à l’ambiguïté, à l’infini, au destin. Deux conceptions normatives de la rationalité pratique humaine se dégagent : celle de la rationalité simplificatrice et autosuffisante de Platon et celle de la fragilité de l’être humain en analogie avec l’univers des plantes et leur exposition aux événements externes((M.C. Nussbaum, The Fragility of Goodness, Luck and Ethics in Greek Tragedy and Philosophy, 2nd ed., Cambridge, Cambridge, University Press, (1986), 2001, p. 1-21. )). C’est à partir d’un moment « tragique » que se déploie la rationalité grecque, contemporaine d’institutions théâtrales qui la mettent sur la scène du monde. Mais ce « tragique » ne concerne pas seulement la sphère des actions humaines : qualifier la couleur de « tragique », comme le fait Socrate dans le Ménon (76d-e) montre que le tragique caractérise des modes de pensée qui entrelacent différemment le partage entre science de la nature et l’éthique. La raison se nourrit de ce que la tragédie a pu révéler en l’homme, et la tragédie constitue une frontière que la philosophie tend toujours à déborder ou à investir. Le dialogue entre les tragiques et les philosophes constitue un point central de la rencontre entre la rationalité et la tragédie, mais n’est pas exclusif d’un ensemble d’échanges avec d’autres formes de savoir comme la science de la nature, la médecine, l’histoire, ou la rhétorique. On ne peut comprendre l’émergence de la « rationalité » grecque sans s’interroger sur ce qui la met en crise. Au terme des différentes contributions présentées lors du colloque((Colloque international de doctorants et de jeunes chercheurs en philosophie ancienne et en sciences de l’Antiquité « La rationalité tragique », 19-20 juin 2009, Université Paris Ouest Nanterre – La Défense – Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne.)), trois foyers de réflexions ont émergé, qui dessinent trois acceptions de la « rationalité tragique » : une forme de rationalité qui se définit par opposition à d’autres, la modalité proprement humaine du rapport au monde, la modélisation du rapport intellectuel au réel.

1. La « rationalité tragique », une forme de rationalité

La rationalité tragique peut-être comprise au premier abord comme un type de rationalité parmi d’autres, qu’il s’agisse d’un type de discours (celui du poète) qui s’oppose à un autre type de discours (celui du philosophe), qu’il s’agisse du discours d’une époque (la pensée pré-classique) s’opposant au discours d’une autre époque (la pensée classique), l’une et l’autre distinction ne se recouvrant pas forcément. Létitia Mouze((Létitia Mouze (MCF, Université Toulouse-Le Mirail) : « Le conflit du philosophe et du poète tragique dans la République de Platon ».)), à partir d’une analyse du mouvement d’ensemble de la République de Platon, fait du « conflit du philosophe et du poète tragique » la question transversale de l’œuvre, ce qui l’a conduite à insister sur l’analyse de textes qui ne sont pas généralement pas lus dans cette perspective. Il s’agit, pour le philosophe Socrate de construire, à propos du rapport entre justice et bonheur dont il est question au livre I, un logos qui s’oppose au logos poétique et spécialement tragique et selon lequel ce n’est pas la justice qui rend heureux, mais le paraître (dokeîn) juste((Platon, République. II, 363a sqq.)). Il s’agit de s’arracher à une certaine forme de rationalité – la rationalité tragique – pour atteindre une autre forme de rationalité – la rationalité philosophique -, qui est à la fois le but et la méthode de la paideia qui se fait jour dans la République. La rationalité tragique est un type de rationalité qui s’oppose à un autre type de rationalité et il s’agit de passer d’un logos à un autre, seul authentique, de substituer un éducateur (le philosophe) à un autre (Homère et les Tragiques), ce qui est la condition du salut, c’est-à-dire du bonheur, de la cité comme de celui des âmes.À partir d’une analyse d’Iphigénie en Tauride d’Euripide, Giuseppina Paola Viscardi montre que la notion de sophisma cristallise des notions aussi opposées que sagesse et folie, vérité et tromperie, en les associant dans un jeu de miroir. En mettant en perspective la définition que Gorgias donne de la tragédie (B23DK), l’auteure compare différentes sources du mythe d’Iphigénie pour analyser « la dualité du monde humain, l’ambiguïté du monde divin » et les enjeux de la tromperie sur le système des valeurs établies.

2. La « rationalité tragique », modalité proprement humaine de l’être au monde

L’analyse du conflit de l’âme tel qu’il se trouve traité en contexte moniste, avec tous les paradoxes et les difficultés que cela implique, permet à Laetitia Monteils-Lang((Laetitia Monteils-Lang (Université de Caen) : « La version stoïcienne du conflit de l’âme : entre intellectualisme moral et tragédie de la raison ».)) de développer, à partir de la pensée stoïcienne, les conditions et les modalités d’une rationalité tragique. Le caractère tragique que prend la rationalité apparaît ici comme la conséquence d’une certaine doctrine philosophique où l’âme n’est jamais comprise selon une partition entre diverses instances, mais comme une unité de part en part rationnelle qui, de fait, se trouve en proie à des conflits. La figure de Médée, traitée en profondeur, constitue le fil directeur de l’analyse. Haud Gueguen((Haud Gueguen (Université Paris 1 – P.R.A.G. au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris) : « Ce qui “dépasse la mesure humaine” (huper anthrôpon) ou la limite du courage chez Aristote. (E.N., III, 7, 1115b 7-11) ».)) s’intéresse pour sa part à la notion de courage dont elle fait un cas paradigmatique de la « vulnérabilité » de l’action humaine, notamment à travers l’analyse des limites du courage qu’Aristote définit comme ce qui « dépasse la mesure humaine » (huper anthrôpon)((Aristote, Ethique à Nicomaque, III.7.1115b7-11.)). La rationalité s’avère « tragique » dans la mesure où la raison pratique, quoique reconnue dans sa spécificité, demeure toujours en position d’entre-deux. Sans cesse menacée par le surgissement de l’accident et la défaite du sens qu’il peut occasionner, elle est d’abord ce dont la positivité et la cohérence restent toujours précaires. À la faveur d’une transposition du plan éthique au plan poétique, l’auteure envisage une manière de se réapproprier l’huper anthrôpon, autrement dit un dialogue réel entre deux acceptions du tragique, le tragique poétique et ce que l’on qualifie de tragique au niveau psychologique. En effet, par la tragédie, la rationalité reste ouverte à la possibilité de transfigurer l’accident en nécessité, façon éminemment tragique par conséquent d’accepter, voire de réaffirmer ce qui la dépasse. C’est donc une acception extrêmement riche et féconde, caractéristique de l’action humaine, qui se dégage de cette étude. La mise en question de la cohérence des deux poèmes d’Empédocle, « tragique » et « rationnel », permet à Anne-Laure Therme((Anne-Laure Therme (Université de Paris 1) : « Une tragédie cosmique : l’exil amnésique des daimones d’Empédocle ».)) d’envisager également une acception existentielle de la rationalité tragique, une acception qui permet à l’auteure de définir la nature des daimones du poème tragique et qui assure la cohérence des deux poèmes. Tout le tragique de la condition des daimones (et, partant, de la nôtre) serait que, se définissant comme « empreintes mnésiques », ils seraient paradoxalement enclins à « s’oublier » dans les métamorphoses du cycle. Ainsi, la malédiction des daimones consisterait en leur amnésie, ce qui reviendrait à une négation de soi s’ils sont bien des mémoires physiques de leurs anciennes liaisons, inscrites dans les conglomérats élémentaires.

3. La « rationalité tragique », modalité du rapport rationnel au réel

À la faveur d’un parallèle entre la cité et la tragédie, qu’il s’agisse d’interroger leur identité fonctionnelle, structurelle ou encore les méthodes utilisées par le philosophe et par le poète pour traiter l’universel, Esther Rogan((Esther Rogan (Université Paris 1 – Université Grenoble II) : « Les conflictualités civiles dans la philosophie aristotélicienne, moment privilégié d’élaboration d’une « rationalité tragique ». )) prend en compte une troisième acception de la notion de rationalité tragique, épistémologique, et qui fait aussi bien référence à l’objet de l’analyse qu’au sujet qui analyse. Si le réel peut être assimilé dans ses fonctions et ses structures à une tragédie, réciproquement, le philosophe opère comme le poète dans son appréhension du réel. Le tragique apparaît comme modèle du réel à un double titre et c’est en ce sens que l’on parlera de rationalité tragique. Réciproquement, Elsa Bouchard((Elsa Bouchard (Université de Montréal – Université de Paris IV-Sorbonne) : « Art et chance dans la conception aristotélicienne de la tragédie ».))fait de la tragédie le produit d’un discours philosophique en montrant, à partir de l’analyse de Poétique 1452a 1-11, qu’elle est une aire de croisement où les préoccupations éthiques d’Aristote viennent se surimposer à un processus de théorisation de la production poétique.
Sommaire

Létitia MOUZE, Le conflit entre le poète tragique et le philosophe dans la République de Platon
Giuseppina Paola VISCARDI, Il sóphisma e l’arte dell’inganno
Laetitia MONTEILS-LAENG, « La version stoïcienne du conflit de l’âme : entre intellectualisme moral et tragédie de la raison »
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2. Ordres et désordres

Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs, "Ordres et désordres", Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne et Université Paris Ouest - Nanterre-La Défense, 4-5 juin 2010.
Présentation

S’il existe un terme rémanent dans la philosophie grecque, et cela dans toutes ses dimensions, c’est bien celui de cosmos, et toute une série de termes qui se déploient dans le champ conceptuel de l’ordre. On pense bien entendu d’abord à l’ordre du monde dans sa réalité cosmologique, ou plutôt à sa « mise en ordre », des théogonies archaïques jusqu’aux systèmes cosmologiques hellénistiques ; mais cet ordre cosmique est, comme on le sait, intimement lié à d’autres formes de mise en ordre : l’ordre politique, institutionnel et urbanistique de la cité, mais aussi l’ordre psychologique de l’âme vertueuse dont les principes d’action garantissent sa tranquillité et son bonheur.

Le concept d’ordre, quelque soit le terme utilisé par les anciens pour en décrire la structure ou les processus, se révèle pourtant toujours associé à son contraire, ou plutôt à une multitude de contraires : l’akosmia du monde originel, Eris ou Polemos, mais aussi la stasis politique et psychologique, ou encore ces formes indéterminées qui échappent, menacent ou encore se prêtent à un plan rationnel organisateur : le chaos, l’infini (apeiron), mais aussi la chôra, les troubles psychologiques passionnels comme le désir, la colère, ou l’amour. Le présent colloque s’est donné pour tâche d’explorer la manière dont les anciens (poètes, historiens, médecins, philosophes) ont envisagé la relation entre le concept d’ordre et ce qui apparaît comme son contraire.

Sandrine ALEXANDRE et Esther ROGAN

Sommaire

Giuseppe FEOLA, Cosmic order and perceptual order, according to Aristotle
Sébastien BASSU, Ordre et mesure, kosmos et metron de la pensée archaïque à la philosophie platonicienne
Mariapaola BERGOMI, Εἶδος παραδείγματος. Ordres et harmonie de la forme platonicienne
Luca Pitteloud, L’ordre métaphysique dans la République de Platon et ses implications politiques
Michael HERTIG,Ordre et action morale chez Aristote
Esther ROGAN, La cité dans tous ses états. Ordres et désordres dans la politique aristotélicienne
Sandrine ALEXANDRE, L’ « insociable sociabilité » des contemporains d’Epictète. Un lieu épistémique significatif pour le couple ordres/désordreLa dyade platonicienne du Grand et du Petit : principe formel ou matière informe ?
Baptiste BONDU, Être conséquent : la notion stoïcienne d’ἀκολουθία et son usage sceptique chez Sextus Empiricus
Thomas VIDART, L’irrationalité du hasard selon Plotin
Philippe SOULIER, La dyade platonicienne du Grand et du Petit : principe formel ou matière informe ?
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3. Avoir plus : une figure de l’excès ?

Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs, "Avoir plus : une figure de l’excès", Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne et Université Paris Ouest - Nanterre-La Défense, 10-11 juin 2011.

Présentation

Brisant l’ordre et la mesure constitutifs de toute chose ou de tout être, la tendance à « avoir plus », exprimée notamment par le terme grec pleonexia, et que J.-P. Vernant définit comme un « désir d’avoir plus que les autres, plus que sa part, toute la part », apparaît d’emblée comme une réalité chaotique et tentaculaire. Chaotique, car elle contrevient à l’égalité (qu’elle se dise sous le nom de l’isotès, de l’isomoiria ou bien encore de l’isonomia), fondement de toute relation équilibrée chez les Grecs. Tentaculaire, au sens où elle ne trouve jamais de limite, ni dans le temps ni dans ses objets : elle s’étend à tout, et il n’est pas de lieu où elle ne soit à l’œuvre.

À la mesure de cette « non-mesure », et comme pour en circonscrire les effets négatifs, les Grecs n’ont cessé de penser cette tendance à avoir plus. Elle traverse ainsi les écrits médicaux, historiques, philosophiques, comme ceux des poètes et des orateurs et les différentes interventions ont explorés des corpus et des thématiques variés et divers, à la mesure de la richesse du thème proposé.

La communication de S. Bassu propose un panorama général de l’idée de démesure dans la pensée antique, en la présentant comme « ambivalente ».

B. Bondu et L. Candiotto explorent la question de la démesure dans le domaine du savoir et s’interrogent sur d’éventuelles stratégies de cantonnement, L. Candiotto se livrant à une analyse détaillée de la méthode socratique à partir de la réfutation de Calliclès menée par Socrate dans leGorgias tandis que B. Bondu étudie pour sa part le principe – stoïcien – de « non précipitation » et les usages sceptiques qui ont pu en être faits.

P. Ponchon et E. Rogan s’intéressent à la dimension politique de la démesure, le premier à propos de Platon et de Thucydide, la seconde à partir d’Aristote.

Aristote s’est également trouvé au cœur de la lecture d’H. Gueguen qui interprète, à partir de la pensée du Stagirite, la pleonexia comme une « contrefaçon de la puissance ».

Sandrine ALEXANDRE et Esther ROGAN

Sommaire

Pierre PONCHON, L’anthropologie politique de la pleonexia : sur une lecture possible de Thucydide par Platon
Baptiste BONDU, Croire avoir plus de savoir qu’on en a : l’usage sceptique de la notion stoïcienne de non-précipitation ἀπροπτωσία
Sébastien BASSU,L’ambivalence de la démesure : la critique platonicienne de la poésie, de la tragédie et de la sophistique
Esther ROGAN, Les formes politiques de la pleonexia chez Aristote
Laura Candiotto,Comment réfuter l’excès ? La méthode socratique face à l’outrance de Calliclès
Haud GUEGUEN, La pleonexia comme contrefaçon de la puissance chez Platon et Aristote


4. Le réel

Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs autour du thème « Le réel ». Université Paris I – Panthéon Sorbonne & Université Paris Ouest – Nanterre-La défense, 8-9 juin 2012
Présentation

Fondement unitaire et permanent ou feuilleté divers et mobile, évidence première ou objet de l’intuition des plus avisés, le réel revêt des aspects différents selon les contextes et les approches. Selon le mot de Socrate à Cratyle (439b), il serait tentant de dire : « Savoir de quelle manière il faut apprendre ou trouver ce qui est (τὰ ὄντα), cela excède sans doute mes forces et les tiennes »1. Le réel aurait ainsi cette nature paradoxale d’être à la fois la chose la plus accessible, la plus commune et la plus ordinaire qui soit, et néanmoins aussi la plus complexe, la plus étrangère, la plus mystérieuse.

La difficulté de la description et de la recherche du réel dans le monde de la Grèce antique tient en partie à la pluralité de ses dénominations : τὸ ὄν (ce qui est), ἡ οὐσία (la substance ou l’essence), τὸ ὑποκείμενον (ce qui est sous-jacent ou le substrat), τὸ ὕπαρχον (ce qui existe), τὸ πράγμα (la chose), voire ἡ φῦσις (la nature) ou τὸ ἀληθές (le vrai). Si toutes ces expressions désignent bien « ce qui est le cas », elles renvoient chacune à une acception différente de la notion de réel, insistant tantôt sur sa valeur ontologique, tantôt sur sa portée logique, tantôt sur son sens ordinaire, tantôt sur sa signification physique. Le concept général moderne de « réel » n’aurait dès lors pas d’équivalent exact dans la pensée des Grecs.

Pourtant, la notion prend sa place au croisement de questionnements multiples qui traversèrent les écrits littéraires, scientifiques et philosophiques de l’Antiquité. Le réel se comprend tout d’abord par opposition aux différentes formes de l’irréel que sont l’inexistant et le fictif : les réflexions sur les rêves, sur la folie, mais aussi sur les mythes, contribuent à façonner une vision du réel et servent souvent à mieux le comprendre. C’est le cas dans les textes d’épistémologie, où il s’agit de trouver les critères de distinction entre une apparence vraie et une apparence fausse, mais aussi par exemple dans les textes politiques, où la réalité historique est confrontée aux modèles théoriques. Plus généralement, la pensée grecque s’est attelée à la description et à la classification du réel, donnant ainsi de la consistance à ce qui pouvait pêcher ou bien par l’excès d’évidence ou bien par un caractère apparemment indicible. C’est à cette tentative pour mettre en lumière, en quelque sorte, « la réalité du réel » que s’est intéressé ce colloque.

C’est une question d’objet – qu’est-ce qu’être réel ? – que posent Maxime CHAPUIS et Eleni KONTOGIANNI, le premier à la faveur de la distinction fine entre réel et réalité chez Platon, la seconde en soulignant le rapport intrinsèque entre temps et existence chez Aristote.

Julien BOUVIER et Aurore BONI s’intéressent pour leur part aux moyens d’accéder au réel et/ou de le produire, en s’appuyant tous deux sur le corpus platonicien. La notion d’odos ne serait-elle pas un « chemin vers le réel » ? Les lois, ou mieux encore l’écriture de la loi, ne contribue-t-elle pas à produire le réel dans une certaine mesure ?

Enfin, les deux dernières contributions qui figurent dans ces actes posent la question du réel et de ses doubles. Nicolas ZAKS met en effet en relation « être, non-être et images trompeuses » dans les dialogues platoniciens du Sophiste et de la République tandis qu’Alexandru PELIN s’intéresse à la « confrontation des deux formes de réalités que sont l’intelligible et le sensible chez Damascius. Cette dernière communication annonce ainsi les actes du colloque de 2013 sur les modalités.

Sandrine ALEXANDRE & Esther ROGAN

Maxime CHAPUIS, Réel et réalité chez Platon
Eleni KONTOGIANI,La pensée du temps selon Aristote : existence et réalité
Julien BOUVIER, La notion platonicienne d’ὁδός : un chemin vers le réel ?
Aurore BONI,L’écriture de la loi comme production du réel : une lecture des Lois de Platon
Nicolas Zaks, Être et non être dans la République (livre V) et dans le Sophiste
Alexandru PELIN, Les modalités du Tout dans la philosophie de Damascius
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5. Modalisations du réel : nécessité, possibilité, contingence

Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs en philosophie ancienne et en sciences de l’Antiquité « Modalisations du réel : nécessité, possibilité, contingence. Expression, conceptualisations, usages et enjeux éthiques et dramatiques ». Université Paris I & Université Paris Ouest – Nanterre-La défense, 23 et 24 mai 2013

Actes du colloque de doctorants et de jeunes chercheurs en philosophie ancienne et en sciences de l’Antiquité « Modalisations du réel : nécessité, possibilité, contingence. Expression, conceptualisations, usages et enjeux éthiques et dramatiques ». Université Paris I & Université Paris Ouest – Nanterre-La défense, 23 et 24 mai 2013
Présentation

Faisant suite au colloque sur le réel, le colloque de 2013 poursuivait la réflexion entamée alors en abordant une thématique qui entretient avec le réel un rapport bien particulier, qui ne relève ni de l’identité ni de l’opposition mais de la modalisation du réel. Le colloque prenait en effet pour thème les notions de possibilité, de nécessité et de contingence qui renvoient, comme l’indique leur appartenance au champ de la modalité, à des manières d’être du réel. La modalisation est une manière significative d’approcher et d’interroger le réel qui complète des approches fondées sur l’opposition entre l’être et le non être, le moindre être ou le paraître et qui charrie des enjeux différents et particulièrement importants. En effet, si les notions invoquées peuvent immédiatement faire songer, et à juste titre, à la réflexion logique sur les « théories modales », l’enjeu du colloque consistait, tout en prenant en compte cet aspect, à ne pas l’y restreindre mais à mettre cette approche en parallèle avec des perspectives grammaticales, éthiques et dramatiques.

Les deux premières contributions abordent le thème des modalités chez Platon d’un point de vue théorique – avec Karine TORDO-ROMBAUT – et figuratif ou perceptif – avec Diogo MESTI. La première nous invite à interroger, à travers Charmide en particulier, « la modalisation de l’objet d’examen » dans les dialogues en général et défend l’hypothèse selon laquelle le mode d’être de l’examen entre dans le caractère de son objet. Le second s’intéresse à la « simultanéité de la perception des images » dans la République et propose notamment une relecture de la division de la ligne que Platon fait à la fin du livre VI de la République (510c-511 e). Toujours dans le cadre du corpus platonicien, Chad JORGENSEN s’est intéressé quant à lui aux usages politiques de la modalisation. L’auteur part du fait selon lequel la nature précise du rapport entretenu par les deux cités idéales, dans la République et dans les Lois, représente un problème central pour les interprètes de la philosophie politique de Platon. Sans nier la complexité du passage d’un modèle à l’autre, qui comprend une multiplicité de facteurs, Chad Jorgensen affirme que la notion de « possibilité », peut être comprise comme une notion clé permettant de résoudre ce problème. Avec une conception adéquate de la possibilité il lui paraît possible de rendre compte à la fois des affirmations apparemment contradictoires émises par Socrate dans la République quant à la possibilité de réaliser Callipolis et d’atténuer, sinon d’éliminer, les tensions principales entre la République et les Lois. Le deux dernières communications qui figurent dans ces actes se sont concentrées pour leur par sur un cas spécifique de modalisation : les rapports du réel et de la fiction dans la pensée stoïcienne. Le sage stoïcien est-il réalité ou fiction ? Une étude fine de la Pharsale de Lucain permet à Diane DEMANCHE d’apporter des pistes de réflexion intéressantes. Si le sage s’incarne dans le contexte de faits historiques, ce serait donc au prix d’une transformation de la vertu. L’écriture poétique fait coexister la sagesse de Caton et sa révolte contre le destin. Mais le choix de Lucain reflète-t-il une difficulté philosophique ou la nécessité poétique de mettre en scène un personnage aux prises avec un conflit intérieur ? Marion BOURBON s’interroge quant à elle sur la manière dont l’usage stoïcien de la métaphore du jeu, et en particulier du jeu théâtral, redistribue la différenciation modale entre le réel, le possible et le nécessaire au sein d’une théorie du destin et propose par là même une modalisation tout à fait particulière du réel, au croisement du possible et du nécessaire. La métaphore du jeu, qui appartient au domaine de l’éthique répondrait ainsi à une thèse logique, celle du maintien de l’existence du possible au sein d’un déterminisme, maintien qui permet de sauver la liberté que le jeu, et en particulier le jeu théâtral, illustre au plus haut point.

Sandrine ALEXANDRE & Esther ROGAN

Sommaire

Karine TORDO-ROMBAUT, La modalisation de l’objet de l’examen dans le Charmide de Platon
Diogo MESTI, La temporalité du paradigme dans la République de Platon
Chad JORGENSEN, La nécessité et la contingence dans la pensée politique de Platon
Diane DEMANCHE, Fatalité et liberté au cœur de la guerre civile. Enjeux éthiques et poétiques des modalisations du réel dans la Pharsale de Lucain
Marion BOURBON,Jeu théâtral et réalité dans le stoïcisme : du possible « jouable » à la reprise


Penser le mouvement

Colloque organisé dans le cadre de l’EA LIS et de l’ED « Cultures et Sociétés », à l’Université Paris-Est Créteil, vendredi 15 juin 2012 et samedi 16 juin 2012, par Adinel Bruzan (Université de Rouen), Jean-Marie Chevalier (Collège de France), Raluca Mocan (Université Paris-Est Créteil/Archives Husserl-Paris), Roxana Vicovanu (Université de Genève)

Coordination et édition du dossier Fabula :

Adinel Bruzan (Université de Rouen),

Raluca Mocan (Université Paris-Est Créteil/Archives Husserl-Paris),

Roxana Vicovanu (Université de Genève)

Penser le mouvement. Littérature, arts et philosophieAdinel Bruzan, Raluca Mocan et Roxana Vicovanu

La notion de mouvement chez Gaston BachelardVincent Bontems

Les enjeux de la fluidité, retour sur l’intelligence homérique du mouvement François Dingremont

Mouvement de l’âme et mouvement cosmique : L’éthique des voyages chez SénèqueJuliette Morice

L’Être insoumis du mouvant au Moyen Âge. L’exemple du mouvement des anges à l’Université de Paris (XIIIe-XIVe siècles) Alice Lamy

Geste révélé, geste révélateur : Rilke face à Rodin Claire Gheerardyn
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« Bloc qui danse » : la matière en mouvement dans Parc des Princes de Nicolas de Staël1 Sarah Barbedette

Penser le mouvement en danse : Rudolf Laban, entre théorie et poésie du geste Margot-Zoé Renaux

Commentaire de la postface de Mouvements d’Henri Michaux : déplacement, (dés)apprentissage, écart Marie-Aline Villard

Penser le mouvement : une esthétique Pierre J. Truchot

Le mouvement ontogénétique : Patočka et le problème de la corrélation Camilla Rocca