18
mars
2020
Marc GOLDSCHMIT
Inscription obligatoire sur ce lien
L’art et l’esthétique ont produit un événement et peut-être un tournant dans la philosophie moderne (de Kant à Nietzsche et au-delà) en participant à la destitution du sujet. La défiguration cubiste, la dérision dadaïste, l’humour noir surréaliste, « l’ironie affirmative » des ready-mades de Duchamp et l’abstraction non figurative ont porté atteinte au sujet de la représentation, et ont déclaré le deuil d’un monde révolu, celui du sujet souverain de la vision et de la theoria.
Obligé de prendre la représentation pour sujet et de devenir autonome (pour s’affranchir notamment de l’esthétisation de la politique), l’art s’est retourné contre soi, dans la négativité critique des avant-gardes ou la dénonciation postmoderne de son aliénation. Cette histoire de l’autonomie moderne a orienté la réflexion contemporaine vers les conditions et les limites de la représentation, vers sa dimension irréductible et hyperbolique. C’est alors qu’a surgi la nécessité de laisser s’inscrire dans la représentation une effraction, un excès, un imprésentable.
La pluralité des arts, des matières-formes, des surfaces, des plans et des gestes nous expose aujourd’hui à de nouvelles responsabilités, à un renouvellement de la réflexion éthique et esthétique, elle nous pousse à nous demander quelles transformations de la sensibilité, de la pensée, de la subjectivité s’attestent dans l’art, quels bouleversements du monde y laissent leurs traces.
Dans cette perspective nous interrogerons la réflexivité de l’art et le dissentiment critique qu’il suscite (au-delà de la dimension cognitive du concept et de celle consensuelle du goût). Nous chercherons le sujet de la représentation à la croisée de la théorie critique et de la critique de la théorie, afin de penser une interface antérieure au partage des arts visuels et
des arts du spectacle, une enfance de la représentation où le théâtre et la peinture, la scène et
l’image, sont immanents l’un à l’autre. Il s’agira de décomposer les pouvoirs de la représentation pour l’ouvrir à un écart où s’exposent la naissance du sujet et la nécessité de l’art.
Programme des séances et intervenants :
- Vendredi 28 février : Sujet et représentation entre esthétique et politique. La querelle du
sublime à partir de Lyotard et Rancière
- Mercredi 18 mars : Le miroir de la représentation, Foucault/Merleau-Ponty
- Mercredi 1er avril : L’inscription de la déchirure dans la photographie, Barthes et l’énigme du
punctum - Mercredi 22 avril : Marianne Massin, professeur à l’université de Paris Sorbonne :
Expérience esthétique et art contemporain - Mercredi 6 mai : Théâtralité et apostasie de l’art, la déconstruction de l’esthétisation de la politique par Walter Benjamin
- Mercredi 27 mai : Jacinto Lageira, professeur à l’université de Paris PanthéonSorbonne (Se)Représenter dans une poétique de l’action
- Mercredi 3 juin : Carole Talon-Hugon, professeur à l’université de Paris-Est Créteil : L’art sous contrôle, nouvel agenda sociétal et censures militantes
- Mercredi 24 juin : Le figural, la couleur, la surface, le geste, la vibration dans la peinture moderne et contemporaine : vers une matérialité sans matérialisme
18
mars
2020
Vicky « SKOUMBI »
Inscription obligatoire sur ce lien
Mer 4 mars, Mer 11 mars, Mer 18 mars, Mer 25 mars, Mer 1 avr, Mer 6 mai, Mer 13 mai,
Mer 27 mai
Séminaire organisé en collaboration avec la revue grecque αληthεια.
À l’intersection du poème et des arts visuels, nous aimerions questionner les modes d’apparition de l’inexistant dans l’art, poésie comprise. Malgré le déluge d’images qui saturent notre vue, des poètes et des artistes tentent de faire voir ce qui hante les marges d’une visibilité supposée sans reste. Diverses stratégies sont mises en place pour donner à voir le plus inapparent.
La première année du séminaire nous essaierons de cerner les figures de l’absence dans l’œuvre de P. Celan. On y trouve un chiasme entre regard et voix qui aurait beaucoup à nous apprendre. Celan s’attache à donner à voir ici et maintenant, ce qui fut à jamais perdu, et dont les traces mêmes furent annihilées. Pour ce faire, le poète invente des procédés qui ouvrent des brèches au sein du visible. Par une singulière empathie, le sujet même de la vision s’en trouve affecté, dans la mesure où les yeux deviennent le support d’inscription du manque à voir, qui troue le visible après l’extermination. L’œil devient ainsi la surface où une trace de la perte est sauvegardée. Parallèlement à cette dé-complétude du visible et à son inscription dans l’œil, s’affirme le pouvoir photophore de la voix : c’est elle qui apporte la lumière qui manque à l’œil défaillant.
Nous aborderons aussi la question du statut de l’image dans l’œuvre de Celan : métaphore « dissonante », allégorie construite à partir d’images contradictoires ou bien image dialectique ? Nous procéderons par la lecture détaillée d’une série de poèmes, tirés des recueils Grille de parole, La rose de Personne et Renverse du souffle.
Le poème Attaque de violoncelle finit par ce tercet : tout est moins qu’il / n’est, / tout est plus.
Nous tenterons de démontrer que ce qui fait le « plus » n’est autre que le « moins » qui le
précède. Ce sont justement les modalités d’inscription dans le visible de ce « moins », site
d’émergence du « plus », qui constituent le véritable objet de notre travail de recherche.
Séance avec intervenant :
- Mercredi 18 mars : Bertrand Badiou, responsable de l’unité de recherche Paul Celan,
ENS-Ulm : Paul Celan et l’image