20
mai
2022
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (UMR 8103, CNRS-Paris1)
Centre de Philosophie Contemporaine de la Sorbonne
Séminaire de lecture
« Philosophie des Migrations »
Organisé avec le soutien de l’IC Migrations (département Policy), ce séminaire de lecture réunit des chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales autour des enjeux philosophiques des migrations, de l’extranéité et de l’immigration. Il vise à mettre en commun des lectures thématiques, en plusieurs langues et autour de textes traduits, afin de constituer une culture commune autour des théories philosophiques contemporaines des migrations et de l’extranéité.
Les dossiers de lecture seront disponibles via ce lien : https://drive.google.com/drive/folders/1Wji2W48os5lO0_J9unBuRcbp_FHfzrhr?usp=sharing{{
Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse : philodesmigrations@gmail.com
Alison Bouffet (LCSP, Université de Paris, ICM) et Juliette Monvoisin (NoSoPhi / ISJPS, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ICM)
• Lien Zoom permanent : https://zoom.univ-paris1.fr/j/96091008696?pwd=eFlNQjNPNWcrdHZoYnF5bE1qUExrZz09
Pourquoi un groupe de lecture théorique sur les migrations ?
En Europe continentale, contrairement à l’Amérique du Nord, le champ d’étude sur les migrations s’est construit à partir d’un déficit de légitimité chronique, comme un « non-lieu de mémoire » (Noiriel, 1988). Ce n’est qu’à partir des années 1980 que l’histoire, puis la sociologie, l’anthropologie et les sciences politiques s’emparent de la question de l’immigration pour la construire peu à peu comme un sujet autonome légitime, avec un renouveau depuis les années 2000-2010. Pourtant, la philosophie est restée particulièrement distante quant à cet objet d’étude. Certes, la figure de l’étranger a été traditionnellement thématisée en philosophie et en phénoménologie, de Platon à Schütz, en passant par Kant et Derrida. On peut penser à l’opposition schmittienne entre l’ami et l’ennemi, qui tend à définir l’étranger comme la modalité sous laquelle l’altérité de l’ennemi se fait jour ; à la tradition cosmopolite, notamment kantienne, privilégiant la figure du « visiteur » comme sujet du droit d’hospitalité ; ou enfin à l’extension maximale de l’étranger comme substantif intransitif, dans la phénoménologie lévinassienne, où l’étranger apparaît comme l’autre nom d’Autrui. Cependant, le geste philosophique de définition de l’étranger semble l’absorber sous d’autres concepts, comme l’hostilité, l’hospitalité ou l’altérité, voire en faire parfois une figure de la non-familiarité et de l’étrangeté, aux dépens de l’analyse de la fonction politique des catégories non-nationales. La philosophie pense peu l’étranger en termes politiques : le non-national reste une figure marginale, rarement pensée comme constitutive ou structurante.
C’est tout l’enjeu de ce groupe de lecture « Philosophie des Migrations ». L’objectif est de mettre en commun des réflexions philosophiques ouvertes par la mobilité internationale et le statut des individus en migration. Notre démarche s’inscrit également dans le constat d’un manque de traduction et de réflexion autour des études critiques consacrées aux questions des migrations qui se sont constitués, depuis les années 80s aux Etats-Unis, au Canada, et au Royaume-Uni, et sont à présent bien balisés :
La philosophy ou ethics of migration, qui concentre des débats normatifs entre justification morale et politique du contrôle migratoire au sein des démocraties libérales et défense de l’ouverture des frontières ;
Les refugees studies, qui sont avant tout un ensemble d’études économiques, sociologiques ou anthropologiques sur les migrations forcées, mais qui questionnent plus généralement ses processus d’étiquetage, de catégorisation, de représentation politique
Les critical border studies ou critical migration studies qui se développent surtout en géographie et en sciences politiques, largement inspirées par la généalogie foucaldienne, et qui ont en commun un geste de dénaturalisation des migrations et des frontières :
Les critical citizenship studies, qui visent à élargir la citoyenneté en en faisant un lieu de luttes, plutôt qu’un statut, en pensant les « actes de citoyenneté », notamment ceux effectués par des citoyens non autorisés ou non légitimes (résidents étrangers, migrants ou sans-papiers) comme autant de remises en question du corps politique et de ses frontières.
Il s’agira de faire dialoguer ces corpus avec l’espace théorique francophone.
Programme 2021/2022
22 octobre 2021
Salle 3.06
Foucault et les “mobilités irrégulières”
19 novembre 2021
Salle 3.06
Délibérer entre pairs : quelles frontières pour les principes de justice ?
17 décembre 2021
Salle 3.06
La contrainte aux frontières peut-elle être légitime ? Réflexions à partir du débat entre David Miller et Arash Abizadeh
21 janvier
Salle 3.06
Entre républicanisme et multiculturalisme : la question des deux universels
18 février
Salle 3.06
Autonomy of migration : quel concept d’autonomie dans l’étude des migrations ? (corpus anglophone)
18 mars 2021
Salle 0.009
“L’autonomie des migrations” : quel concept d’autonomie dans l’étude des migrations ? (corpus francophone)
22 avril 2021
Salle 0.009
Mobilisations en exil : la grève de la faim des sans-papiers à Bruxelles
20 Mai 2021
Salle 3.06
Les Harkis et l’Etat : enjeux philosophiques de la transformation d’un groupe social hétéroclite en catégorie morale unifiée
17 juin 2021
Salle 3.09
La fragmentation des catégories de l’asile
20
mai
2022
Repenser le « nous » en temps de pandémie
Organisé et animé par Lucia Angelino et Marc Crépon, Archives Husserl de Paris
(UMR 8547, CNRS-ENS) - Marie Sklodowska Curie Actions “Enduring We”
Contact
Lucia Angelino à lucia.angelino[at]ens.psl.eu
PROGRAMME DES SÉANCES
Vendredi 19 novembre 2021
salle Evariste Gallois, immeuble Rataud, 45 rue d’ULM, de 16h30 à 18h30
Introduction au séminaire et séance d’ouverture
Intervenante : Lucia Angelino (Archives Husserl-Pays Germaniques-UMR 8547 CNRS-ENS-PSL)
Vendredi 17 décembre 2021
salle Evariste Gallois, immeuble Rataud, 45 rue d’ULM, de 16h30 à 18h30
Nous sommes des animaux. Zoonoses et pandémie
Intervenant : Frédéric Keck (CNRS, Laboratoire d’Anthropologie Sociale)
Vendredi 21 janvier 2022
salle de conférences, 46, rue d’ULM, de 16h30 à 18h30
Titre à préciser
Intervenant : Michaël Foessel (École polytechnique)
Vendredi 18 février 2022
salle Evariste Gallois, immeuble Rataud, 45 rue d’ULM, de 17h00 à 19h00
Titre à préciser
Intervenante : Natalie Depraz (Université de Rouen)
Vendredi 25 mars 2022
salle Evariste Gallois, immeuble Rataud, 45 rue d’ULM, de 17h00 à 19h00
L’expérience incertaine du Nous
Intervenant : Laurent Perreau (Université de Franche-Comté)
Vendredi 22 avril 2022
salle de conférences, 46, rue d’ULM, de 16h30 à 18h30
Présence, absence et inscription
Intervenante : Dorothée Legrand (CNRS, ENS-PSL)
Vendredi 20 mai 2022
salle de conférences, 46, rue d’ULM, de 16h00 à 18h00
Le nous écologique : penser ensemble l’appartenance et la responsabilité
Intervenant : Jean-Philippe Pierron (Université de Bourgogne)
À PROPOS DU SÉMINAIRE "REPENSER LE « NOUS » EN TEMPS DE PANDÉMIE"
Au centre de ce séminaire il y a l’idée que la pandémie en appelle à une réflexion sur le “nous” capable de se situer à une échelle planétaire, c’est-à-dire de théoriser la relation d’interdépendance qui nous unit en une seule humanité.
Nous voudrions accorder une attention particulière non seulement au fait qu’il est tout à fait réaliste de parler aujourd’hui de l’humanité comme unité première de survie, mais aussi au fait que les individus qui en font partie n’en ont pris qu’une conscience vague et très limitée.
Il semble bien en effet que l’on ne voie pas très clairement encore le fait, pourtant frappant, que nous nous trouvons actuellement dans une situation où c’est l’humanité tout entière qui l’emporte en tant que “nous”. À cet égard, l’une des particularités de la situation actuelle est, entre autres choses que, l’image du “nous” de la plupart des individus – leur identification à des groupes restreints – est en retard sur la réalité du réseau d’interdépendances que la pandémie nous a révélée.
Ce décalage produit un conflit, voire une tension, que l’on a pu constater plus particulièrement entre la première et la deuxième vague de l’épidémie. D’un côté, un soudain réveil des solidarités et une tendance marquée vers la constitution d’unités d’intégration supranationales. D’un autre, une tendance au repli identitaire et communautaire, un renfermement des uns contre les autres et une fixation des identités collectives sur les égoïsmes nationaux, autrement dit sur des “nous” nationaux, étatiques et territorialisés, qui ironiquement sont devenus une cause majeure de division, d’inégalités et de conflits.
Ce conflit spécifique, par ailleurs bien connu dans les crises engendrées par des menaces globales, soulève une question en vérité philosophique.
Lorsque les frontières des états ne suffisent plus à régler la constitution d’un ‘monde commun’, quel “nous” permettra-t-il de fonder des références communes et, par là même une solidarité à l’échelle planétaire ? Qu’est-ce que cela signifie sentir, agir et penser en tant que “nous” (i.e., en tant que membre de la communauté mondiale) au beau milieu d’une crise mondiale ?
Peut-on élargir le Nous à l’humanité tout entière, dans un souci de justice et d’égalité, « où l’égalité de tous est portée par mon inégalité, par le surplus de mes devoirs sur mes droits » (Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, p. 248) ? Sommes-nous à même de penser l’épreuve d’un Nous coextensif à l’humanité tout entière, et d’en définir aussi bien l’origine que les conditions de possibilité ? Comment la pensée peut-elle échapper à la chute dans la mythologie, lorsqu’il s’agit de décrire la genèse d’un “nous” coextensif à la pluralité de tous ? Est-ce qu’il s’agit d’une expérience vraie, pensable ? Un tel “nous” inclusif au sein duquel « ce n’est pas simplement à nos semblables que s’entend le même respect pour tout un chacun, mais à la personne de l’autre ou des autres dans leur altérité », (Jürgen Habermas, L’intégration Républicaine, p. 5), serait-elle une pure fiction, une mythologie collective, ou bien le « début de percée vers un niveau d’intégration » (Norbert Elias, La société des individus, p. 217) plus vaste et rigoureuse de l’humanité tout entière, que l’on peut prévoir de loin ? Comment passe-t-on d’un “nous” exclusif, ou électif qui inclut plusieurs, tout en établissant qu’il en exclut d’autres à un “nous” inclusif et solidaire qui ne cesse d’éteindre ses frontières ? Sommes-nous à même de penser l’épreuve d’un Nous coextensif à la pluralité de tous, « malgré leur antagonisme et le différend qui le sépare » (Jan Patocka, Essais hérétiques, p. 205) ?
Puisqu’un tel Nous suppose « un retournement du je en ‘comme les autres’, dont il importe de se soucier » (Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, p. 250), le dénouement de cette question en suscite une seconde qui porte sur la question dite de la dimension morale (justice, solidarité) du lien social : quelle est la nature du lien qui m’unit aussi bien aux « proches » qu’aux « lointains » (Levinas, Autrement qu’être p. 200), indépendamment de leur appartenance nationale ou ethnique et de leur identité collective en général ? Quelles formes de la conscience morale et de la relation aux « autres » pourraient-elles fonder le sentiment d’être ‘citoyen du monde’, au-delà des nations, sans être rivé à l’une d’elles ? À quelles sources morales, psychologiques, pulsionnelles, les hommes puisent-ils ce qui le rassemble et ce qui les identifie, indépendamment de leur appartenance à tel ou tel groupe de l’humanité ? Parmi l’éventail des relations possibles, pourquoi la relation entre frères s’impose-t- elle comme modèle du lien social, en dépit de son ambivalence fondamentale ?
Le dénouement de ces questions, liées les unes aux autres, devra permettre, in fine, de relancer la question du rapport entre l’identité du “je” et l’identité du “nous”, en temps de pandémie, et par extension, en temps de crise mondiale : quel Je pour quel Nous ? Quel Nous pour protéger sans dominer chaque Je ? Comment, sur le plan politique, l’articulation entre le je et le nous peut-elle prendre forme ? Comment, par exemple protéger les intérêts d’un pays, d’une nation, et même d’un continent, dans la perspective de favoriser en même temps une coopération à l’échelle mondiale ?
En prenant ces questions pour fil conducteur le séminaire s’attache à interroger l’idéal d’un “nous” à l’échelle planétaire, et, cela à travers plusieurs approches disciplinaires, dont la phénoménologie, la sociologie, la psychanalyse, la psychologie sociale, l’anthropologie et la théorie politique.
Ouvert au public sur inscription (indispensable) auprès de Lucia Angelino à lucia.angelino[at]ens.psl.eu, en précisant de la date de la séance à laquelle vous souhaitez vous inscrire.
Conformément aux consignes gouvernementales, accès à l’événement sur présentation d’un passe sanitaire.