La philosophie dans l’académie de CRETEIL
Slogan du site
L’artiste imite-t-il la nature ?

L’artiste est-il un imitateur ?

 Introduction. Clarification des termes

(ce qui inclut plus globalement une distinction avec la technique)

 Comparer ces activités :

  • l’oiseau fait son nid : Que signifie "faire" ? Un oiseau fait-il n’importe quel nid ? Peut-il faire un immeuble ?
  • le castor fabrique un barrage : le terme de "barrage" est-il approprié ?
  • l’artiste réalise un tableau : Comment s’y prend-il ? Que met-il en oeuvre pour ne pas produire une oeuvre sans vie ?
  • l’arbre grandit à l’ombre du jardin : Comparer avec l’artiste. Qu’est-ce qui distingue la nature de l’art ?
  • le paysage me saisit d’effroi : qu’est-ce qui dans le paysage peut produire un tel sentiment ?
  • l’artisan expose ses créations : Peut-on dire que ce sont les mêmes que celles de l’artiste ?
  • le Président institue l’état d’urgence : A quoi s’oppose le verbe instituer (s’aider du dictionnaire)
    • A partir des exemples précédents et de l’étymologie des mots suivants quelles questions surgissent ? :
Art artisan artiste instinct institution paysage jardin Beaux Arts technicien

 Regarder la constellation : elle met en scène la polysémie du mot art :

/


Bilan

 : rédiger une difficulté que ces analyses font apparaître.


Usage du dictionnaire. Utiliser ces dictionnaires en ligne pour construire une définition de l’artiste :
  1. Quelles difficultés rencontre-t-on avec un dictionnaire ?
  2. A quoi sert l’étymologie ?
  3. Chercher à définir le sens du dictionnaire.

 Clarifier le concept d’imitation

 I. L’art copie-t-il ?

  • Comparer des oeuvres :

1. Duccio di Buoninsegna Vierge à l’enfant ( Church of Saint Lorenzo and Ippolito Castelfiorentino 

2. Raphaël, La vierge au chardonneret

Rapha�"l, La vierge au Chardonneret
  • Quelles différences notez-vous ?
  • Que cherchent à montrer les deux artistes ?
  • [bleu]EXERCICE EN GROUPE :[/bleu] Préparer un dossier sur ces deux oeuvres. De quel philosophe est proche P.de Champaigne. Chercher d’autres oeuvres de ce peintre.

Ex Voto, 1662 Huile sur toile, 165 x 229 cm Musée du Louvre, Paris Philippe de Champaigne est un peintre proche des Jansénistes (chercher le sens de ce terme), après que sa fille paralysée a été miraculeusement guérie au couvent de Port-Royal, évènement qu’il célébrera dans l’Ex-voto en 1662, toile mystique d’action de grâce. Ce tableau, aujourd’hui conservé au musée du Louvre, représente la fille de l’artiste avec la mère supérieure Agnès Arnauld.

[bleu marine]Histoire du jansénisme[/bleu marine]
Condamnation du jansénisme 31 mai 1653
Expulsion des soeurs de Port-Royal des champs et démolition de l’abbaye
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (48)
© Bibliothèque nationale de France
Le jansénisme est un courant important dans l’histoire du catholicisme, car il remet en cause une croyance absolue : la grâce divine. C’est une doctrine radicale, qui se caractérise par sa vision pessimiste de l’homme : sans le secours divin, l’homme n’est capable que du mal. Il s’oppose à l’idée défendue par la doctrine catholique dominante selon laquelle tous les hommes peuvent être sauvés par la grâce de Dieu. En France, deux personnes diffusent principalement le jansénisme : le prêtre Antoine Arnauld et sa sœur Angélique qui dirige l’abbaye de Port-Royal.
Le 31 mai 1653, soutenu par les évêques français, le pape Innocent X condamne le jansénisme car il est jugé trop dur et radical. Il interdit la diffusion et la publication de ses thèses. Il impose un formulaire d’obéissance aux prêtres et à tous ceux qui enseignent : les thèses jansénistes sont officiellement condamnées. Arnauld doit se cacher pendant un temps, d’autres partent en exil aux Pays-Bas. La Paix de l’Église, signée en 1669, apaise la querelle pendant dix ans.


Arrêt de la dissolution de Port-Royal signifié aux religieuses.

ANONYME
© RMN – Grand Palais (musée de Port-Royal-des-Champs) / Michel Urtado
LA DISSOLUTION DE PORT-ROYAL
Date de publication : février 2015
Auteur : Pascal DUPUY

CONTEXTE HISTORIQUE
L’histoire de l’abbaye de Port-Royal-des-Champs, située dans la vallée de la Chevreuse, dans le Sud-Ouest parisien, est bien connue en raison de la place déterminante qu’elle occupe dans la diffusion du jansénisme en France au XVIIe siècle.

Cette abbaye de cisterciennes, fondée au tout début du XIIe siècle par Mathilde de Garlande et marquée par l’isolement et le recueillement, devient le bastion de la réforme catholique en France et représente l’opposition à l’absolutisme de Louis XIV. Ce dernier, dans ses Mémoires, explique qu’il s’est appliqué à « détruire le jansénisme et à dissiper les communautés où se fomentaient cet esprit de nouveauté ». Il entend avant tout par là l’abbaye de Port-Royal, à laquelle il s’attaque au tout début de son règne.

Après le rétablissement en 1678 d’une « paix de l’Église catholique », qui permet au mouvement de cesser d’être considéré comme dangereux pour le repos public et pour l’État, Louis XIV reprend au début du XVIIIe siècle son combat, sans cependant obtenir la soumission des religieuses. Il décide donc en 1709 de les disperser, puis deux ans plus tard, au crépuscule de son règne, de faire raser l’abbaye.

Ces décisions ne mettent toutefois pas un terme à la diffusion du jansénisme en France, qui continue d’irriguer les veines de l’opposition politique à la monarchie, en particulier grâce à son influence sur les parlements tout au long du XVIIIe siècle.

ANALYSE DES IMAGES
Le tableau, postérieur aux événements, fonctionne en dyptique avec la toile Destruction de l’abbaye de Port-Royal. Il met en scène ce que les historiens du jansénisme ont souvent décrit : l’expédition de Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d’Argenson (1696-1764), lieutenant général de police de la Ville de Paris, venant informer les religieuses de la fermeture de l’abbaye.

Le 29 octobre 1709, au petit matin, le comte d’Argenson se présente au monastère, accompagné de plusieurs centaines d’archers et d’exempts ainsi que d’une douzaine de carrosses. Après s’être fait ouvrir les portes, il rassemble les quinze religieuses et les sept converses dans la salle du Chapitre. Il s’assis alors à la place de l’abbesse, entouré de ses deux commissaires (Borthon et Cailly) et de son greffier (Gaudion), et lit l’arrêt royal stipulant que le roi, « ésolu par des considérations importantes qui regardent le bien de son service et la tranquillité de son État », a décidé « de reléguer en différents lieux les religieuses qui composent la communauté de Port-Royal-des-Champs, ordre de Cîteaux ».

L’artiste représente le comte d’Argenson assis, entouré de ses deux commissaires et de son greffier et lisant l’arrêt royal dans la salle du Chapitre. Il décide de réunir autour de lui une douzaine de religieuses accablées et prises de chagrin, accompagnées de la prieure de Port-Royal qui tente vainement de prendre la parole afin de se défendre.

À l’arrière-plan, quelques archers et exempts sont figurés ; on peut imaginer les carrosses attendant dans la cour de l’abbaye, derrière les soldats.

Devant les commissaires et le greffier, un coffre ouvert évoque celui utilisé par le comte d’Argenson afin de réunir à la hâte et emporter avec lui divers papiers relatifs à l’abbaye.

INTERPRÉTATION
Le tableau, comme son pendant, reprend les codes de la peinture d’histoire, mais se rapproche davantage, par son format, de la peinture de cabinet, probablement en raison de son contenu considéré comme « subversif » et uniquement dévoilé aux véritables « amis de la liberté ». En effet, la dispersion de Port-Royal inspire de nombreuses œuvres aux artistes de sensibilité janséniste, dans lesquelles ils montrent les religieuses comme des saintes persécutées.
C’est le parti pris du peintre anonyme de ce tableau, même si sa représentation joue modérément sur le pathos mais fait preuve, sans génie, d’une attention aux détails afin de donner à la scène un caractère documentaire assez réaliste. Pour cela, il puise dans les nombreux récits qui ont précisément décrit cette fameuse journée, et probablement les Mémoires historiques et chronologiques sur l’abbaye de Port-Royal de Pierre Guilbert (1755-1756).
De même, il choisit de représenter sur les murs de la salle du Chapitre plusieurs tableaux, des portraits des fondatrices de l’abbaye ainsi qu’une Vierge à l’Enfant, supports importants à la dévotion. Le règlement de Port-Royal précise d’ailleurs très clairement le nombre de tableaux qui devaient orner les murs du monastère, même s’il est difficile de savoir précisément aujourd’hui combien étaient réellement exposés

Composition suprématiste : K. Malevitch

  • Le tableau de Malevitch est-il détaché de toute représentation ?
  • * Que voit-on ?
  • * La croix qui est sur les deux tableaux ne fait-elle pas dialoguer ces tableaux ?

Malevitch peint ceci :

et encore cela :

  • Réfléchir à partir de là sur le sens du "carré blanc sur fond blanc". Quel est l’obstacle à la compréhension de l’oeuvre ? Comparer avec Philippe de Champaigne
  • Etude d’un exemple : "la belle marmite"

  • extrait du Hippias de Platon

Réfléchir la (les) source(s) des préjugés à propos du beau à partir d’un exemple

 Questions

  • Le texte de Platon met en valeur la place de l’éducation dans les appréhensions du beau. Repérer les phrases du textes où cela apparaît. Pour mieux répondre, préciser d’abord qui est Hippias. Chercher des exemples dans le texte qui confirment (ou infirment cet argument).
  • Pourquoi cet exemple de la marmite ?
  • expliquer "Il te demande, non pas qu’est-ce qui est beau, mais ce que c’est que le beau"
    • Expliquer à partir de là le sens de l’ironie de Socrate. Que ne comprend pas Hippias ?
  • Pourquoi Hippias est-il un mauvais élève ?
    • En quoi la culture que l’on reçoit détermine-t-elle notre compréhension de ce qui nous entoure ?
    • Quel est le sens de l’opposition entre grossier et poli ? Que ne comprend pas Hippias ?

SOCRATE — Cela sera, s’il plaît à Dieu, Hippias. Pour le présent, réponds à une petite question que j’ai à te faire à ce sujet, et que tu m’as rappelée à l’esprit fort à propos. Il n’y a pas long-temps, mon cher ami, que, causant avec quelqu’un, et blâmant certaines choses comme laides, et en approuvant d’autres comme belles, il m’a jeté dans un grand embarras par ses questions insultantes. Socrate, m’a-t-il dit, d’où connais-tu donc les belles choses et les laides ? Voyons un peu : pourrais-tu me dire ce que c’est que le beau ? Moi, je fus assez sot pour demeurer interdit, et je ne sus quelle bonne réponse lui faire. Au sortir de cet entretien, je me suis mis en colère contre moi-même, me reprochant mon ignorance, et me suis bien promis que le premier de vous autres sages que je rencontrerais, je me ferais instruire, et qu’après m’être bien exercé, j’irais retrouver mon homme et lui présenter de nouveau le combat. Ainsi tu viens, comme je disais, fort à propos. Enseigne-moi à fond, je te prie, ce que c’est que le beau, et tâche de me répondre avec la plus grande précision, de peur que cet homme ne me confonde de nouveau, et que je lui apprête à rire pour la seconde fois. Car sans doute tu sais tout cela parfaitement ; et, parmi tant de connaissances que tu possèdes, celle-ci est apparemment une des moindres ?

HIPPIAS — Oui, Socrate, une des moindres ; ce n’est rien en vérité.

SOCRATE — Tant mieux, je l’apprendrai facilement, et personne désormais ne se moquera de moi.

HIPPIAS — Personne, j’en réponds. Ma profession, sans cela, n’aurait rien que de commun et de méprisable.

SOCRATE — Par Junon, tu m’annonces une bonne nouvelle, Hippias, s’il est vrai que nous puissions venir à bout de cet homme. Mais ne te gênerai-je pas si, faisant ici son personnage, j’attaque tes discours à mesure que tu répondras, afin de m’exercer davantage ? car je m’entends assez à faire des objections ; et, si cela t’est indifférent, je veux te proposer mes difficultés, pour être plus ferme dans ce que tu m’apprendras.

HIPPIAS — Argumente, j’y consens : aussi bien, comme je t’ai dit, cette question n’est pas d’importance ; et je te mettrais en état d’en résoudre de bien plus difficiles, de façon qu’aucun homme ne pourrait te réfuter.

SOCRATE — Tu me charmes, en vérité. Allons, puisque tu le veux bien, je vais me mettre à sa place, et tâcher de t’interroger. Si tu récitais en sa présence ce discours que tu as, dis-tu, composé sur les belles occupations, après l’avoir entendu, et au moment que tu cesserais de parler, il ne manquerait pas de t’interroger avant toutes choses sur le beau (car telle est sa manie ), et il te dirait : Étranger d’Élis, n’est-ce point par la justice que les justes sont justes ? Réponds, Hippias, comme si c’était lui qui te fît cette demande.

HIPPIAS — Je réponds que c’est par la justice.

SOCRATE — La justice n’est-elle pas quelque chose de réel ?

HIPPIAS — Sans doute.

SOCRATE — N’est-ce point aussi par la sagesse que les sages sont sages, et par le bien que tout ce qui est bon est bon ?

HIPPIAS — Assurément.

SOCRATE — Cette sagesse et ce bien sont des choses réelles, et tu ne diras pas apparemment qu’elles n’existent point ?

HIPPIAS — Qui pourrait le dire ?

SOCRATE — Toutes les belles choses pareillement ne sont-elles point belles par le beau ?

HIPPIAS — Oui, par le beau.

SOCRATE — Ce beau est aussi quelque chose de réel, sans doute ?

HIPPIAS — Certainement.

SOCRATE — Étranger, poursuivra-t-il, dis-moi donc ce que c’est que ce beau.

HIPPIAS — Celui qui fait cette question, Socrate, veut-il qu’on lui apprenne autre chose, sinon qu’est-ce qui est beau ?

SOCRATE — Ce n’est pas là ce qu’il demande, ce me semble, Hippias, mais ce que c’est que le beau.

HIPPIAS — Et quelle différence y a-t-il entre ces deux questions ?

SOCRATE — Est-ce qu’il ne te paraît pas qu’il y en ait ?

HIPPIAS — Non, il n’y en a point.

SOCRATE — Il est évident que tu sais cela mieux que moi. Cependant fais attention, mon cher. Il te demande, non pas qu’est-ce qui est beau, mais ce que c’est que le beau.

HIPPIAS — Je comprends, mon cher ami : je vais lui dire ce que c’est que le beau, et il n’aura rien à répliquer. Tu sauras donc, puisqu’il faut te dire la vérité, que le beau c’est une belle fille.

SOCRATE — Par le chien, Hippias, voilà une belle et brillante réponse. Si je réponds ainsi, aurai-je répondu, et répondu juste à la question, et n’aura-t-on rien à répliquer ?

HIPPIAS — Comment le ferait-on, Socrate, puisque tout le monde pense de même, et que ceux qui entendront ta réponse te rendront tous témoignage qu’elle est bonne ?

SOCRATE — Soit, je le veux bien. Voyons, Hippias, que je répète en moi-même ce que tu viens de dire. Cet homme m’interrogera à-peu-près de cette manière : Socrate, réponds-moi : toutes les choses que tu appelles belles ne sont-elles pas belles, en supposant qu’il y a quelque chose de beau par soi-même ? Et moi, je lui répondrai qu’en supposant que le beau est une belle fille on a trouvé ce par quoi toutes ces choses sont belles.

HIPPIAS — Crois-tu qu’il entreprenne après cela de te prouver que ce que tu donnes pour beau ne l’est point ; ou s’il l’entreprend, qu’il ne se couvrira pas de ridicule ?

SOCRATE — Je suis bien sûr, mon cher, qu’il l’entreprendra ; mais s’il se rend ridicule par là, c’est ce que la chose elle-même fera voir. Je veux néanmoins te faire part de ce qu’il me dira.

HIPPIAS — Voyons.

SOCRATE — Que tu es plaisant, Socrate ! me dira-t-il. Une belle cavale n’est-elle pas quelque chose de beau, puisque Apollon lui-même l’a vantée dans un de ses oracles ? Que répondrons-nous, Hippias ? N’accorderons-nous pas qu’une cavale est quelque chose de beau, je veux dire une cavale qui soit belle ? Car, comment oser soutenir que ce qui est beau n’est pas beau ?

HIPPIAS — Tu dis vrai, Socrate, et le dieu a très bien parlé. En effet, nous avons chez nous des cavales parfaitement belles.

SOCRATE — Fort bien, dira-t-il. Mais quoi ! une belle lyre n’est-elle pas quelque chose de beau ? En conviendrons-nous, Hippias ?

HIPPIAS

Oui.

SOCRATE — Cet homme me dira après cela, j’en suis à-peu-près sûr, je connais son humeur : Quoi donc, mon cher ami, une belle marmite n’est-elle pas quelque chose de beau ?

HIPPIAS — Quel homme est-ce donc là, Socrate ? Qu’il est mal appris d’oser employer des termes si bas dans un sujet si noble !

SOCRATE — Il est ainsi fait, Hippias. Il ne faut point chercher en lui de politesse ; c’est un homme grossier, qui ne se soucie que de la vérité. Il faut pourtant lui répondre ; et je vais dire le premier mon avis. Si une marmite est faite par un habile potier ; si elle est unie, ronde et bien cuite, comme sont quelques unes de ces belles marmites à deux anses, qui tiennent six mesures, et sont faites au tour ; si c’est d’une pareille marmite qu’il veut parler, il faut avouer qu’elle est belle. Car comment dirions-nous que ce qui est beau n’est pas beau ?

HIPPIAS — Cela ne se peut, Socrate.

SOCRATE — Une belle marmite est donc aussi quelque chose de beau ? dira-t-il. Réponds.

HIPPIAS — Mais oui, Socrate, je le crois. Ce meuble, à la vérité, est beau quand il est bien travaillé ; mais tout ce qui est de ce genre ne mérite pas d’être appelé beau, si tu le compares avec une belle cavale, une belle fille, et toutes les autres belles choses.

SOCRATE — A la bonne heure. Je comprends maintenant comment il nous faut répondre à celui qui nous fait ces questions. Mon ami, lui dirons-nous, ignores-tu combien est vrai le mot d’Héraclite, que le plus beau des singes est laid si on le compare à l’espèce humaine ? De même la plus belle des marmites, comparée avec l’espèce des filles, est laide, comme dit le sage Hippias. N’est-ce pas là ce que nous lui répondrons, Hippias ?

HIPPIAS — Oui, Socrate, c’est très bien répondu.

Platon

Hippias majeur 113e-121e

 II.L’art est une fenêtre

 La fenêtre comme ouverture sur...

 Introduction

Analyse du tableau de Henri Matisse : Le violoniste à la fenêtre

« Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatere de la grandeur que je veux, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire (historia) » Alberti Della Pittura I

l’Annonciation de Fra Angelico

Dans les compositions d’histoires, un Peintre doit s’étudier à faire paroître son génie par l’abondance et la variété de ses inventions, et fuir la répétition d’une même chose qu’il ait déjà faite, afin que la nouveauté et l’abondance attirent et donnent du plaisir à ceux qui considèrent son ouvrage. J’estime donc que dans une histoire il est nécessaire quelquefois, selon le sujet, d’y mêler des hommes, différens dans l’air, dans l’âge, dans les habits, agroupés ensemble pêle-mêle avec des femmes et des enfans, des chiens, des chevaux, des bâtimens, des campagnes et des collines, et qu’on puisse remarquer la qualité et la bonne grâce d’un Prince ou d’une personne de qualité, et la distinguer d’avec le peuple. Il ne faudra pas aussi mêler dans un même groupe ceux qui sont tristes et mélancoliques avec ceux qui sont gais et qui rient volontiers, parce que les humeurs enjouées cherchent toujours ceux qui aiment à rire, comme les autres cherchent aussi leurs semblables. Léonard de Vinci Traité élémentaire de la peinture Deterville, Libraire, 1803 (nouv. éd. revue, corrigée et augmentée de la Vie de l’Auteur) (p. 82). CHAPITRE XCVII. De la variété nécessaire dans les histoires.

Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie. Par-delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant. Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément. Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.Peut-être me direz-vous : "Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ?" Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ? SPLEEN DE PARIS LES FENETRES XXXV Baudelaire

La nouvelle définition de la peinture qui s’élabore à la Renaissance fera coexister des plans de signification divers, au départ hétérogènes, cette coexistence entraînant parfois certaines contradictions. Loin d’être la marque d’une inconséquence logique, celles-ci témoignent en fait de la difficulté rencontrée par les premiers théoriciens de l’art pour fondre les deux sens de mimêsis dans une théorie parfaitement unifiée. La définition du tableau comme « fenêtre ouverte », qu’on trouve au Livre I du Della Pittura d’ Alberti, est à cet égard exemplaire, notamment en raison des contresens qu’elle n’a cessé de susciter. Chez Alberti, cette fenêtre encadre une représentation narrative ; elle n’ouvre pas sur la nature mais sur l’ histoire : « Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire (historia) » (ibid., I, trad. fr. J.-L. Scheffer, Macula, 1992, p. 115 ; dans la version italienne de son traité, Alberti emploie le mot storia qui, comme historia, correspond au muthos d’ Aristote Mais cette définition s’accorde avec celle que l’on rencontre à d’autres endroits du texte où la représentation picturale est caractérisée par sa fonction monstrative, c’est-à-dire sa fonction d’ image : « En effet, puisque la peinture s’efforce de représenter (repraesentare) les choses visibles, notons de quelle façon les choses se présentent à la vue » (ibid., II, p. 145). D’où le fait qu’on a pu interpréter cette analogie avec la fenêtre en un sens totalement étranger à la pensée albertienne, comme une fenêtre ouvrant sur du visible, telles cesvedute qu’on rencontre dans maints tableaux de la Renaissance. On retrouve la même ambivalence chez Poussin, un siècle plus tard. Dans l’une de ses dernières lettres, il définit la peinture comme « une imitation faite avec lignes et couleurs en quelque superficie de tout ce qui se voit sous le soleil » (lettre à Fréart de Chambray, 2 mars 1665, in Correspondance de Nicolas Poussin, p. 462). Mais ailleurs, il écrit que « la peinture n’est rien d’autre que l’imitation des actions humaines », cette seconde définition de l’ imitation, conforme à l’idée aristotélicienne de mimêsis poétique, étant en fait la traduction d’une phrase du Tasse que Poussin se contente de recopier en remplaçant le mot poésie par celui de peinture.

Jacqueline Lichtenstein


 Ambroglio Lorenzetti 'Allégorie du Bon Gouvernement' 1337-1340 (construire des questions autour de la notion d'imitation)

 III.Imiter n’est pas copier.

  • III.1 Regarder ce film sur Picasso (élaborer des questions sur le film, autour du terme imiter), puis ces deux femmes sur un fauteuil

Picasso : Nu au fauteuil rouge

 Picasso : Nu au Fauteuil rouge

Ingres : Madame Moitessier assise

Ingres Mme Moitessier
  • Chercher les points communs entre les deux femmes
  • Picasso met à nu Madame Moitessier. En quel sens ?
  • Ingres l’avait fait aussi dans le bain turc
Ingres Le Bain turc

 Document du Louvre


  • III. 2 a : Interpréter la Pyramide du Louvre
pyramide du Louvre

 Si on regarde bien la Pyramide en la situant dans son contexte :

  • On constate des lignes géométriques qui la répètent
  • Ces lignes rattachent des monuments dans une chronologie de l’histoire de l’architecture. Repère ces monuments.
  • Au sol, les bassins forment un dessin qui renvoie à l’énigme apollinienne de la duplication du carré ( voir Ménon de Platon, la scène avec l’esclave.).
  • Expliquer cette référence constante aux mathématiques

Exercice sur Chardin
  • III. 2 b Art et distance/ art et jeu. Exercice à partir de Chardin.
  • III.3a Etude de textes

La critique de Diderot . La distanciation de l’acteur.

exemple : le théâtre de Brecht

  • III.3b L’art est un jeu

( :

(…) Mais quoi ? dira-t-on, ces accents si plaintifs, si douloureux, que cette mère arrache du fond de ses entrailles, et dont les miennes sont si violemment secouées, ce n’est pas le sentiment actuel qui les produit, ce n’est pas le désespoir qui les inspire ? Nullement ; et la preuve, c’est qu’ils sont mesurés ; qu’ils font partie d’un système de déclamation ; que plus bas ou plus aigus d’une vingtième partie d’un quart de ton, ils sont faux ; qu’ils sont soumis à une loi d’unité ; qu’ils sont, comme dans l’harmonie, préparés et sauvés : qu’ils ne satisfont à toutes les conditions requises que par une longue étude ; que pour être poussés juste, ils ont été répétés cent fois, et que, malgré ces fréquentes répétitions, on les manque encore ; c’est qu’avant de dire :

 "Zaïre, vous pleurez !"

ou,

 "Vous y serez, ma fille",

l’acteur s’est longtemps écouté lui-même ; c’est qu’il s’écoute au moment où il vous trouble, et que tout son talent consiste non pas à sentir, comme vous le supposez, mais à rendre si scrupuleusement les signes extérieurs du sentiment que vous vous y trompez. Les cris de sa douleur sont notés dans son oreille. Les gestes de son désespoir sont de mémoire, et ont été préparés devant une glace. Il sait le moment précis où il tirera son mouchoir et où les larmes couleront ; attendez-les à ce mot, à cette syllabe, ni plus tôt ni plus tard. Ce tremblement de la voix, ces mots suspendus, ces sons étouffés ou traînés, ce frémissement des membres, ce vacillement des genoux, ces évanouissements, ces fureurs, pure imitation, leçon recordée d’avance, grimace pathétique, singerie sublime dont l’acteur garde le souvenir longtemps après l’avoir étudiée, dont il avait la conscience présente au moment où il l’exécutait, qui lui laisse, heureusement pour le poète, pour le spectateur et pour lui, toute liberté de son esprit, et qui ne lui ôte, ainsi que les autres exercices, que la force du corps. Le socque ou le cothurne déposé, sa voix est éteinte, il éprouve une extrême fatigue, il va changer de linge ou se coucher ; mais il ne lui reste ni trouble, ni douleur, ni mélancolie, ni affaissement d’âme. C’est vous qui remportez toutes ces impressions. L’acteur est las, et vous tristes ; c’est qu’il s’est démené sans rien sentir, et que vous avez senti sans vous démener. S’il en était autrement, la condition de comédien serait la plus malheureuse des conditions ; mais il n’est pas le personnage, il le joue et le joue si bien que vous le prenez pour tel : l’illusion n’est que pour vous ; il sait bien, lui, qu’il ne l’est pas.

Diderot

Paradoxe sur le comédien

 :) ( :

La sauvagerie, force et puissance de l’homme dominé par les passions, (...) peut être adoucie par l’art, dans la mesure où celui-ci représente à l’homme les passions elles-mêmes, les instincts et, en général, l’homme tel qu’il est. Et en se bornant à dérouler le tableau des passions, l’art, alors même qu’il les flatte, le fait pour montrer à l’homme ce qu’il est, pour l’en rendre conscient. C’est déjà en cela que consiste son action adoucissante, car il met ainsi l’homme en présence de ses instincts, comme s’ils étaient en dehors de lui, et lui confère de ce fait une certaine liberté à leur égard. Sous ce rapport, on peut dire de l’art qu’il est un libérateur. Les passions perdent leur force, du fait même qu’elles sont devenues objets de représentations, objets tout court. L’objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs, plus ou moins étrangers. Par son passage dans la représentation, le sentiment sort de l’état de concentration dans lequel il se trouvait en nous et s’offre à notre libre jugement. Il en est des passions comme de la douleur : le premier moyen que la nature met à notre disposition pour obtenir un soulagement d’une douleur qui nous accable, sont les larmes ; pleurer, c’est déjà être consolé. Le soulagement s’accentue ensuite au cours de conversations avec des amis, et le besoin d’être soulagé et consolé peut nous pousser jusqu’à composer des poésies. C’est ainsi que dès qu’un homme qui se trouve plongé dans la douleur et absorbé par elle est à même d’extérioriser cette douleur, il s’en sent soulagé, et ce qui le soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures. Ce dernier moyen est encore plus efficace. HEGEL

Hegel

QUESTIONS :1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.

2° En vous appuyant sur des exemples que vous analyserez, expliquez :

a) « l’art, alors même qu’il les flatte, le fait pour montrer à l’homme ce qu’il est » ;

b) « L’objectivation des sentiments a justement pour effet de leur enlever leur intensité et de nous les rendre extérieurs » ;

c) « ce qui le soulage encore davantage, c’est son expression en paroles, en chants, en sons et en figures ».

3° L’art nous libère-t-il de la violence des sentiments ?


L’artiste ne tient pas, par son œuvre, à nous donner une idée de l’objet qu’il nous présente. Nous n’avons pas besoin de regarder ces tableaux pour savoir ce que c’est que les raisins, les fleurs, les cerfs, les arbres, les dunes, la mer, le soleil, le ciel, les ornements et les décors des ustensiles de la vie quotidienne, les chevaux, les guerriers, les paysans, nous savons également ce que c’est fumer, arracher des dents, et les scènes domestiques de tout genre et de toute nature nous sont on ne peut plus familières. Aussi bien n’est-ce pas le contenu réel de ces tableaux qui est fait pour nous charmer, mais l’apparence des objets, abstraction faite de leur usage et de leur destination réelle. Par la beauté, cette apparence se trouve fixée comme telle, et l’art consiste dans la maîtrise avec laquelle on sait représenter les mystères que recèlent les apparences des phénomènes extérieurs, considérées pour elles-mêmes. L’art consiste surtout à saisir les traits momentanés, fugitifs et changeants du monde et de sa vie particulière, pour les fixer et les rendre durables

Hegel