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Le fétichisme

LE FETICHISME DE LA MARCHANDISE CHEZ MARX entre religion, philosophie et économie politique par Isabelle Garo
(Publié dans « Marx 2000 », dir. Stathis Kouvélakis, Actes du Congrès Marx International II, PUF, 2000)
La notion de fétichisme chez Marx est souvent considérée comme l’un de ces concepts qui sont capables de résumer une oeuvre et qui présentent la définition assurée d’un résultat atteint au terme de la recherche. En l’occurrence, le fétichisme de la marchandise, principalement étudié dans le Capital, serait en quelque sorte la notion éponyme de la critique de l’économie politique, telle que Marx l’accomplit dans le cadre de son étude de la production et de l’échange capitaliste.
Pourtant, le "fétichisme" apparaît tôt sous sa plume, puisqu’on en rencontre la première occurrence dans les Manuscrits de 1844, et que le terme de "fétiche" est utilisé dans un article de la Gazette Rhénane de 1842. En outre, cette notion est et demeure marquée par une équivocité profonde, dont Marx ne semble pas vouloir se débarrasser, mais dont, au contraire, il ne cesse de jouer. On s’efforcera de le montrer, le fétichisme se situe à l’intersection de la théorie des religions, de la philosophie de la représentation et de la critique de l’économie politique. Marx ne procède pas à l’unification théorique de ces différents terrains mais à leur mise en relation permanente et dynamique.
En ce sens, le fétichisme est à la fois une métaphore et un concept [...]

1. Jean Baudrillard La Passion de l’objet L’objet signe p. 13-21 https://books.openedition.org/pumi/7830
TEXTE INTÉGRAL
En 1966, Jean Baudrillard soutient à l’université Paris X-Nanterre sa thèse de doctorat en sociologie sous la direction d’Henri Lefebvre. Le Système des objets sera ensuite publié chez Gallimard en 1968. Les dates sont ici importantes car elles s’inscrivent dans l’effervescence d’une époque où surgissent de profonds bouleversements tant intellectuels que politiques et sociétaux dont mai 68 est devenu l’emblème. Au matérialisme historique prôné par le marxisme s’interposent désormais de nouvelles postures à gauche – telles que Socialisme ou barbarie ou encore l’Internationale Situationniste. Les pays industriels en plein essor économique, las de structures sociales obsolètes, connaissent un malaise propice à l’émergence d’idéologies et de valeurs subversives prenant pour cibles les rapports sociaux de génération, de sexe, les pouvoirs et les hiérarchies, mais aussi la course à la consommation devenue la « morale » sociale, attribut privilégié de la bourgeoisie et des classes moyennes.

C’est dans ce climat détonant – et ce dès les années 1960 – que Jean Baudrillard entreprend sa démarche critique quant à la production, qui n’a d’autre finalité qu’une consommation toujours accrue d’objets excédant largement les besoins sociaux ou plutôt saturant ceux-ci. L’apparition d’un produit sur le marché cherche en effet bien moins à répondre à un usage défini à l’intérieur d’une pratique qu’il ne vise à combler l’imagination de son manque. Il faut donc créer la conscience d’un manque par l’intermédiaire d’une marchandise qui a pour caractéristique d’être indéfiniment perfectible au regard de la technique, mais aussi de la forme et de l’apparence. Le matérialisme historique, focalisé sur les rapports antagonistes de production (bourgeoisie/prolétariat), n’est plus adéquat pour saisir les nouvelles formes d’aliénation qui se profilent : l’assujettissement de l’individu à la pléthore d’objets qui lui assignent identité et statut social. La valorisation de l’objet, prise en charge par la publicité – auxiliaire incontournable du tandem production/consommation – passe ainsi par sa signification sur le plan social.