Bibliographie et dossiers autour de textes
Semestre 1 : les pouvoirs de la parole
La première partie de l’enseignement a pour objet le rôle du langage et de la parole dans les sociétés humaines. Elle porte sur :
les arts et les techniques qui visent à la maîtrise de la parole publique dans des contextes variés, notamment judiciaires et politiques, artistiques et intellectuels ;
les formes de pouvoir et d’autorité associées à la parole sous ses formes diverses ;
la variété de ses effets : persuader, plaire et émouvoir.
L’étude s’appuie sur une période de référence qui recouvre Antiquité et Moyen Âge. De l’aède grec récitant Homère de cité en cité aux « disputes » des universités médiévales, en passant par les orateurs qui s’adressèrent à l’Assemblée athénienne ou au Sénat romain, cette période offre le contexte et les œuvres dans lesquels l’art de la parole a trouvé un développement particulier. Nourri par la découverte d’œuvres et de discours principalement issus de la période de référence, cet enseignement a en particulier pour objectif d’apprendre à :
repérer, apprécier et analyser les procédés et les effets de l’art de la parole ;
mettre en œuvre soi-même ces procédés et ces effets dans le cadre d’expressions écrites et orales bien construites ;
mesurer les questions et les conflits de valeurs que l’art de la parole a suscités.
L’enseignement se distribue selon trois axes, portant respectivement sur l’art de la parole, l’autorité de la parole et les séductions de la parole.
à lire : Dossier : Serments et paroles efficaces. Nouvelle édition [en ligne]. Paris-Athènes : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2012 (généré le 17 juillet 2023). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/editionsehess/2638 . ISBN : 9782713226083. DOI : https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.2638.
Parcours à travers des textes Académie de Paris. Philosophie
Exemple d’épreuves :
Un spectre a appris à Hamlet, fils du roi du Danemark et de la reine Gertrude, que son père a été assassiné. Le meurtrier est son oncle qui a pris le pouvoir et épouse Gertrude. Hamlet souhaite tendre un piège à son oncle, en lui offrant un spectacle dans lequel il a inséré une tirade écrite par lui et mettant en scène un meurtre. Il espère que ce spectacle amènera son oncle à avouer son crime.
HAMLET, au premier comédien. Dites ce texte à la façon dont je vous l’ai lu, n’estce pas, d’une voix déliée et avec aisance, car si vous le déclamiez comme font tant de nos acteurs, mieux vaudrait que je le confie au crieur public. Et n’allez pas fendre l’air avec votre main comme ceci, mais soyez mesurés en tout, car dans le torrent, dans la tempête, dans l’ouragan, dirais-je même, de la passion, vous devez trouver et faire sentir une sorte de retenue qui l’adoucisse. Oh ! cela me blesse jusque dans l’âme, d’entendre ces grands étourneaux (1) sous leurs perruques mettre la passion en pièces, oui, en lambeaux, et casser les oreilles du parterre qui ne sait d’ailleurs apprécier le plus souvent que les pantomimes (2) inexplicables et le fracas ! Je le fouet pour ces gaillards qui en rajoutent à Termagant (3 )et qui renchérissent sur
Hérode (4). Évitez cela, je vous prie.
LE PREMIER COMÉDIEN. J’en fais la promesse à Votre Honneur.
HAMLET. Ne soyez pas non plus trop guindés, fiez-vous plutôt à votre jugement et réglez le geste sur la parole et la parole sur le geste en vous gardant surtout de ne jamais passer outre à la modération naturelle : car tout excès de cette sorte s’écarte de l’intention du théâtre dont l’objet a été dès l’origine, et demeure encore, de présenter pour ainsi dire un miroir à la nature et de montrer à la vertu son portrait, à l’ignominie son visage, et au siècle même et à la société de ce temps quels sont leur aspect et leurs caractères. Outrer(5)les effets, ou trop les affaiblir, c’est faire rire les ignorants, mais cela ne peut que désoler les gens d’esprit, dont un seul doit compter pour vous plus que toute une salle des autres. Ah ! j’ai vu jouer de ces comédiens – et j’ai même entendu qu’on les célébrait, et avec de bien grands éloges – qui, Dieu me pardonne, n’avaient ni la parole ni l’allure d’un chrétien, d’un païen, d’un homme ! Ils se dandinaient, ils beuglaient de telle sorte que j’ai pensé qu’ils avaient été façonnés par quelque apprenti de la Nature, et bien mal, tant ils singeaient abominablement l’espèce humaine.
LE PREMIER COMÉDIEN. J’espère que nous avons à peu près corrigé ce défaut chez nous, monseigneur.
HAMLET. Ah ! corrigez-le tout à fait ! Et ne laissez pas vos pitres en dire plus que leur rôle, car j’en connais qui tout de leur chef se mêlent de rire, pour faire rire avec eux ceux des spectateurs les plus ineptes(6), quand justement toute l’attention est requise par quelque point d’importance de la pièce. Ce qui est abusif et trahit dans le sot qui s’y adonne une bien pitoyable ambition. Allons, préparez-vous.William Shakespeare, Hamlet, Acte III, Scène 2 (1603), traduction Yves Bonnefoy
1 Oiseaux ou, au sens figuré, personne légère et étourdie.
2 Art de s’exprimer par la danse, le geste, la mimique, sans recourir au langage.
3 Prétendu dieu musulman dans les Mystères au Moyen-Âge.
4 Personnage du roi de Judée dans les Mystères au Moyen-Âge.
5 Forcer, amplifier.
6 Stupides.Question d’interprétation littéraire
Pourquoi Hamlet a-t-il besoin d’expliquer aux comédiens comment dire leur texte ?
Question de réflexion philosophique
Que vaut la parole, sans le geste ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année
TABLEAU DES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
– L’art grec des sculptures
– Le théâtre d’Eschyle sur le site remacle.org
– Tragédies de Sophocle sur le site remacle.org
– Euripide sur le site remacle.org
– Pindare, Orphée sur le site remacle.org
– Aristophane sur le site remacle.org
Homère
– Iliade chant VI, les adieux d’Hector – Odyssée chant VIII, Démodocos ; Chant XII, les sirènes (VIIIe-VIIe s. av. J.-C.). Tyrtée
La divine comédie, L’Enfer ; Le Roman de Renart* [branches I, IV, X] (XIIe-XIIIe s.) ProlongementsÉrasme, La civilité puérile (1530). |
Bibliographie indicative
L’art de la parole
Gorgias, Protagoras,
Thucydide Antiphon
Isocrate,
PHILOSTRATE
Orateurs attiques – Lysias PLAIDOYER CONTRE ERATOSTHENE UN DES TRENTE TYRANS
Cicéron
– DE L’INVENTION ORATOIRE. Traduction nouvelle par M. Liez, professeur de l’université. – LES TROIS DIALOGUES DE L’ORATEUR, à Quintus. Traduction nouvelle par A. Th. Gaillard, inspecteur général de l’Université. – BRUTUS, OU DIALOGUE SUR LES ORATEURS ILLUSTRES. Traduction nouvelle par M. Burnouf, professeur d’éloquence latine au Collège de France. 343 – L’ORATEUR, à Brutus.Traduction nouvelle, par M. Savalette, conseiller maître à la cour des comptes. Quintilien
Jean de Salisbury
– Le Testament et Ballades (milieu XVe s.). Sermons joyeux et parodiques [par ex. saint Hareng ou sainte Andouille] (XVe s.) Etude des arts et les techniques qui visent à la maîtrise de la parole publique dans des contextes variés, notamment judiciaires et politiques, artistiques et intellectuels |
Dossiers et études de textes
– Selon Aristote : les sentiments sont un obstacle au jugement. Qu’en est-il particulièrement de l’indignation ? De quoi est-elle le contraire ?
– Etude d’une plaidoirie d’Antiphon
– Etude d’une plaidoirie de Cicéron Plaidoyer pour Sylla.
– Débat sur la peine de mort
Le premier débat parlementaire connu sur la peine de mort s’est déroulé en 427 avant J. -C., date à laquelle Diodote, faisant valoir que ce châtiment n’avait pas d’effet dissuasif, a réussi à persuader l’Assemblée athénienne en Grèce de revenir sur sa décision d’exécuter tous les adultes mâles de la ville rebelle de Mytilène (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, livre III, par. 25-50).
Quels sont les arguments de Diodote ? Suivre ce lien pour accéder au texte