La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Sens et orientation

 QU’EST CE QUE S’ORIENTER DANS LA PENSÉE ?
Conférence du 21 janvier 2000 par Jacques Bouveresse.

Reprenant à son compte le questionnement kantien : "qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?", Jacques Bouveresse s’interroge sur le rôle de la philosophie aujourd’hui et sur sa capacité à pouvoir y apporter une réponse. Le philosophe est-il mieux placé que l’homme ordinaire ? Revenant sur les conditions qui ont vu cette question se poser au 18e siècle, il évalue la persistance de cette interrogation aujourd’hui. Les valeurs propres au siècle des lumières, telles que l’universalité, sont-elles encore pertinentes pour appréhender et comprendre le monde contemporain ?

 LE SENS
Conférence du 17 février 2000 par Oswald Ducrot.

On admet que la description d’un mot, d’une expression ou d’une phrase ne saurait se réduire à celle de sa prononciation ou de son écriture. Ce que l’on appelle ""sens"", c’est cette insuffisance reconnue à la description de la seule face visible des êtres linguistiques. De là on conclut d’habitude à l’existence d’une face cachée du signe linguistique. De même, ayant observé que le locuteur ou l’écrivain sentent souvent l’impropriété, l’inadéquation de tel ou tel mot d’abord envisagé, on conclut quelquefois qu’il y a, derrière la parole et l’écriture, une pensée, une intention qui obligent à préférer certains mots à d’autres. L’étude du sens viserait ainsi à découvrir une arrière-boutique de la langue, en supposant, au delà des mots, des entités qui ne relèvent pas de la langue. Ces entités supposées, on peut les appeler ""choses réelles"", ou bien "idées", " croyances", "notions", ou encore "attitudes sociales". La description sémantique semble ainsi exiger que l’on sorte de la langue si l’on veut expliquer qu’elle ne se réduit pas à son aspect perceptible. Par définition, la sémantique imposerait donc de renoncer au principe structuraliste, qui interdit de décrire les objets d’un domaine à partir des objets d’un autre domaine.

A l’opposé de ces idées, on essayera d’esquisser une autre conception du sens, plus compatible avec le projet structuraliste. Selon celle-ci, l’insuffisance de la description d’un être linguistique par son aspect "visible" tient à ce que cet être est constitué par ses rapports avec d’autres entités de la langue, plus précisément par les rapports qu’il entretient avec elle dans certaines formes de discours. Il se s’agit plus alors de remplir ce vide appelé habituellement "sens", mais de le décrire comme un appel au discours - et non comme le pressentiment d’une chose absente.

 LA COMMUNICATION DU SENS
Comment les humains communiquent-ils ? Selon une conception traditionnelle, ils le font grâce au langage, qui permettrait d’encoder toutes les significations communicables. La pragmatique moderne montre que bien des significations sont communiquées sans être pleinement encodées, et peut-être sans être pleinement encodables.

Au ""modèle de code"", on oppose désormais un "modèle inférentiel"de la communication, selon lequel les énoncés sont des indices plutôt que des expressions directes du vouloir-dire du locuteur. A partir de ces indices et du contexte, l’auditeur infère le sens voulu. Selon la conception classique, c’est l’existence de la communication linguistique qui permet aux humains de connaître leurs pensées réciproques. Selon une conception plus récente, cet ordre causal doit être inversé : la capacité d’attribuer à autrui des états mentaux qui aura rendu possible la communication humaine.

Conférence du 19 février 2000 par Dan Sperber.