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Les automates dans la Grèce antique et dans les pays arabes

Les automates dans l’Antiquité : de la légende mythologique aux traités techniques

Jean-Yves Guillaumin Université de Franche-Comté

Exemples d’automates Musée de la technologie des Grecs Anciens

On connaît la contribution, sans doute inégalée à ce jour, des Grecs de l’Antiquité dans le domaine de la philosophie et des beaux-arts. On connaît également leur apport dans le domaine des sciences. En revanche, la technologie de la Grèce antique est relativement peu connue, et l’on ignore leur incroyable performance sur ce plan. L’exposition la technologie des Grecs de l’Antiquité comprend actuellement environ 300 modèles d’anciennes inventions grecques, qui peuvent tous être présentés en fonctionnement réel. Les prodiges technologiques des Grecs de l’Antiquité (de la servante-robot de Philon de Byzance au cinéma de Héron d’Alexandrie en passant par l’horloge automatique de Ctésibios et le calculateur analogique d’Anticythère) couvre la période allant de 2000 av. J.-C. à la fin du monde grec antique.

Tous les modèles ont été construits par Kostas Kotsanas à l’issue de 22 ans de recherches approfondies et d’études. Sa collection est la plus complète du monde dans sa spécialité. Elle est aussi la plus crédible, car elle repose uniquement sur l’étude approfondie de la littérature antique grecque, latine et arabe, les informations iconographiques présentes sur les vases peints, et les quelques pièces archéologiques qui ont été retrouvées.

Tous les objets exposés, ainsi que les supports explicatifs associés, ont été réalisés par Kostas Kotsanas, sans aucune subvention publique ni privée. Ils sont hébergés de façon permanente au Musée des technologies des Grecs de l’Antiquité et au Musée des instruments de musique, jeux et jouets de la Grèce antique, tous deux installés à Katakolon, près d’Olympie, dans l’ouest du Péloponnèse, sous l’égide de la municipalité de Pyrgos, Grèce.

Le but de ces musées est de faire ressortir cet aspect peu connu de la civilisation grecque antique et de montrer à quel point la technologie de la Grèce antique, juste avant la fin du Monde grec, était étonnamment similaire à celle des débuts de notre technologie moderne.

Les vis et les écrous, les engrenages et mécanismes coulissants, les poulies et les courroies, les pignons et les chaînes, les treuils et les palans, les commandes hydrauliques et les vannes de contrôle sont quelques-unes des inventions des anciens Grecs, et les composants de base de la technologie complexe qu’ils élaborèrent.

L’héritage de ces technologies constitue encore aujourd’hui, d’une manière identique et incontournable, les éléments fondamentaux de notre technologie moderne,dont le développement aurait été hypothétique si elle n’avait pas retrouvé ou fait appel à cette connaissance quasi-oubliée, dont les acquis pouvaient être aisément récupérés et adoptés. Il aura fallu pour cela mille ans de maturation à la culture occidentale.

L’exploration de cette époque où personne ne revendiquait la propriété de la technologie de pointe, montre l’étendue, bien plus vaste qu’on ne le pense, de toutes ces inventions dont la civilisation technologique occidentale moderne doit bien admettre que la paternité en revient aux Grecs.

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** Quelques mécaniciens de l’Antiquité

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Quel est le sens du mot "mécanique" ?

++++Lire ce texte afin d’en dégager les significations

Les automates dans l’Antiquité de la légende mythologique aux traités techniques
Jean-Yves Guillaumin
Université de Franche-Comté

Le terme « automate »
L’adjectif αὐτόματος « qui agit de soi-même » est déjà utilisé dans l’Iliade à propos de personnes qui se déplacent de leur propre initiative ¹ ou même à propos d’objets qui fonctionnent tout seuls². Ce terme est beaucoup employé par Aristote à propos de la « génération spontanée » dans le traité sur la Génération des animaux ; il est utilisé aussi à propos de phénomènes naturels, comme des fleuves qui débordent, des plantes qui poussent ; à propos d’événements qui se produisent sans l’intervention de personne, par accident ou par hasard. Le second élément -ματος viendrait ³ de la racine de μέμονα, μέμαμεν, μένος. Ce serait *mn-to-, comme dans le latin commentus de comminiscor « imaginer », et commentum « chose imaginée », puis « plan » et « projet », et même « commentaire ».
Le grec moderne a encore αυτόματον « automate », αυτόματος « automatique », « spontané » (et l’adverbe αυτομάτως, qu’employait déjà Aristote). Les termes grecs sont passés en latin. On trouve dans le De architectura de Vitruve une forme automatopoetus (« qui se meut soi-même ») ⁴ qui est la transcription latine du grec αὐτοματοποίητος. Le latin a gardé le sens de « spontané » et « volontaire » dans la transcription automatus⁵ de αὐτόματος. Automatarius « d’automate » est attesté par l’épigraphie ⁶ et désigne, au neutre, un automate chez Ulpien ⁷ ; on le voit repris dans la latinité contemporaine ⁸. Mais l’automate est aussi désigné, comme en grec, par le neutre automatum ou automaton (gén. : automati), « automate, machine qui se meut soi-même » dans le Satiricon ⁹ et chez Suétone ¹⁰. Il existe une déesse qui règle à son gré les événements : c’est Automatia, c’est-à-dire Αὐτοματία, chez Cornelius Nepos¹¹ en latin et chez Plutarque ¹² en grec. En français, « automate » apparaît en 1532 chez Rabelais comme adjectif (du gr. αὐτόματος) ; le XVIIIᵉ s. voit apparaître les trois mots « automatiser », « automatisme » (avant 1757, Réaumur) et « automatique » (fin du siècle). L’« automatisation » n’est que de 1867 (Larousse) et l’« automation » de 1956. Pour le Littré, l’automate est une « machine, et, en particulier, machine imitant les êtres animés, qui se meut par ressort ». Cette définition est restrictive ; on verra que les automates ne sont pas tous à ressort.

notes :
1. Iliade 2, 408 : αὐτόματος δὲ οἱ ἦλθε, « il (Ménélas) s’y (au sacrifice célébré par Agamemnon) rendit de lui-même » (alors que les autres chefs y ont été invités par Agamemnon).
2. Iliade 5, 749-751 et 8, 393-395 ; 18, 372-377 ; voir infra.
3. Chantraine, P. (1968), Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris : Klincksieck, (1999²), s. u. αὐτόματος.
4. Vitruve 9, 8, 4, à propos d’automates inventés par Ctésibios : Item aquarum expressiones
automatopoetasque machinas multaque deliciarum genera (…) explicuit, « il utilisa aussi la pression de l’eau et développa des automates et plusieurs autres genres de machines divertissantes. »
5. Par exemple dans les plausus automati du Satiricon 50, 1.

 Lire le texte suivant :

XII. Prodiges fabuleux attribués fort injustement par Pline l’Ancien au philosophe Démocrite.
Colombe de bois qui volait.

Pline rapporte dans le vingt-huitième livre de son Histoire naturelle, que Démocrite, l’illustre philosophe, avait fait un livre sur la vertu et la nature du caméléon : il dit avoir lu ce livre, et rapporte aussi, comme extraites de l’ouvrage, des fables frivoles et révoltantes d’absurdité. En voici quelques-unes que j’ai retenues, malgré l’ennui qu’elles m’ont causé. Quand le plus rapide des oiseaux, l’épervier, passe en volant au-dessus du caméléon rampant sur le sol, celui-ci l’attire par une force inconnue, et le fait tomber de l’air : alors l’oiseau se livre de lui-même aux autres oiseaux, qui le déchirent. Autre fait incroyable : brûlez la tête et le cou du caméléon avec du bois de rouvre, aussitôt un orage éclate, et le tonnerre gronde. Le même effet se produit, si on brûle le foie de l’animal au haut d’un toit. Autre prodige : celui-ci est si sot et si ridicule que j’ai hésité à le rapporter. Je ne lui donne une place ici que pour montrer ce que je pense sur ce charme trompeur des récits merveilleux, qui séduit et égare ordinairement les esprits trop subtils, et surtout ceux que possède une curiosité démesurée. Mais je reviens à Pline : On brûle le pied gauche du caméléon, dit-il, avec un fer chaud ; on fait brûler en même temps une herbe qui s’appelle aussi caméléon. On délaye l’un et l’autre dans une liqueur odorante ; on recueille de ce mélange une sorte de gâteau qu’on place dans un vase de bois : celui qui portera le vase sera invisible à tous les regards. Ces fables que Pline reproduit, doivent-elles être mises sur le compte de Démocrite ? Je ne le pense pas. J’en dirai autant de cet autre prodige que Pline a trouvé, assure-t-il, dans le dixième livre de Démocrite : certains oiseaux ont un langage qui ne varie pas ; mêlez leur sang, il en naît un serpent, et quiconque mange le serpent comprend la conversation des oiseaux. Ce sont ces hommes sottement curieux dont je parlais tout à l’heure qui ont attribué de pareils contes à Démocrite, afin de mettre leurs absurdités à couvert sous une autorité illustre. Cependant il est un prodige, opéré par Archytas, philosophe pythagoricien, qui n’est pas moins étonnant, et dont on conçoit davantage la possibilité. Les plus illustres des auteurs grecs, et entre autres le philosophe Favorinus, qui a recueilli avec tant de soin les vieux souvenirs, ont raconté du ton le plus affirmatif qu’une colombe de bois, faite par Archytas à l’aide de la mécanique, s’envola. Sans doute elle se soutenait au moyen de l’équilibre, et l’air qu’elle renfermait secrètement la faisait mouvoir. Je veux, sur un sujet si loin de la vraisemblance, citer les propres mots de Favorinus : « Archytas de Tarente, à la fois philosophe et mécanicien, fit une colombe de bois qui volait. Mais, une fois qu’elle s’était reposée, elle ne s’élevait plus ; le mécanisme s’arrêtait là. »

Source : Aulu-Gelle, « Les nuits attiques »,Livre X,
Trad Remacle

 Qui est Démocrite ?
 Qu’est-ce qu’un prodige ?
 Pourquoi Aulu Gelle le rejette-t-il à propos des inventions de Démocrite ?

 Chercher qui sont Archytas de Tarente et Philon de Byzance et leurs liens avec Aristote. En quoi leurs inventions ne sont pas de l’ordre d’une construction scientifique au sens que ce terme prendra avec Galilée et Descartes.

Archytas de Tarente

La colombe volante d’Archytas de Tarente 

Philon de Byzance

Philon est né au IIIe siècle av J.C.
Philon de Byzance est le premier mécanicien grec dont l’œuvre nous soit parvenue en grande partie.

65. Construction d’un autre appareil élégant. — Préparons encore un autre appareil dont on tirera beaucoup d’autres services.[59] On pourra, par son moyen, élever l’eau des rivières ou autres lieux jusqu’à l’amener dans des endroits élevés et arroser les jardins et les cultures ; on pourra élever cette eau jusqu’à la faire parvenir dans des châteaux et dans des lieux cachés. — Il faut que la rivière dont on se sert pour arroser avec cet appareil soit bien courante, allant vers des lieux déprimés, assez abondante relativement à l’eau qu’élève cet instrument.
Construisons un bâtiment rectangulaire semblable à une tour ; on lui donne des proportions telles qu’il ne soit pas affaibli par son élévation, et on l’éloigne de la rivière d’une certaine distance pour que la masse d’eau de la rivière ne pénètre pas dans l’endroit par où est évacuée l’eau ; ses parties antérieure et postérieure sont distantes l’une de l’autre de façon que cette construction se termine à l’endroit où s’évacue l’eau. Sur ces fondements on pose un plancher de bois ; le passage de l’eau se fait sur ce plancher qui repose sur le bâtiment maçonné. On creuse une fosse depuis la rivière jusque dans la proximité de ce bâtiment. La profondeur de cette fosse est d’une brasse et demie au-dessous de la ligne droite, je veux dire au-dessous du niveau de l’eau qui est dans la fosse. Les murs de cette fosse sont bâtis solidement, et le sol est fait de chaux et de plâtre, travaillé avec grand soin, jusqu’à ce qu’elle aboutisse au bassin. Ce bassin a deux parois d’une étendue de six coudées, et sa largeur est telle que l’appareil qui verse l’eau pour arroser est cloué dedans. L’appareil est établi sur une traverse très solide, et cet axe porte des poulies dont le diamètre est de deux coudées ; les extrémités de l’axe sont revêtues et entrées dans un organe carré présentant une cavité où elles peuvent tourner facilement. Tout l’appareil est cloué d’une façon très solide, parce que le mouvement est fort. En haut du bâtiment est placé un autre axe solide, semblable à celui que nous avons décrit à sa partie inférieure. La roue servant à l’arrosage est au milieu de cet axe ; son diamètre est de quatre coudées. Soit un instrument triangulaire fait de cuivre ; ses côtés ont une dimension mesurée sur le rayon de la roue hydraulique et sa largeur est d’une coudée. Aux deux bouts de l’axe sont des poulies égales entre elles, semblables aux poulies que nous avons décrites dans la partie inférieure. La roue hydraulique placée au milieu, sur laquelle est l’instrument triangulaire, et les poulies, sont fixées sur l’axe.

La marque de la roue hydraulique qui est à la partie inférieure est ab, la marque de l’axe est γ ; celle des poulies δε ; celle de la roue qui est en haut ζ, celle de l’instrument triangulaire η ; celle de l’axe [supérieur] θ et celle des poulies [supérieures] ικ.
Il faut préparer un organe de fer lié aux poulies,[60] ressemblant à une colonne vertébrale, dont la longueur soit telle que, étant placé sur un instrument triangulaire, il atteigne à la distance d’une coudée du sol du bassin ; la distance d’un de ses segments à l’autre est aussi d’une coudée ; il est articulé au moyen de clous de fer. La marque de cet outil est ο, et celle des clous λ. Vous préparez encore des godets rectangulaires de cuivre ou de bois, cloués avec cet organe, et joints par la partie inférieure. Ils sont marqués μ. Soit l’organe de fer placé autour de l’instrument triangulaire, comme nous avons dit, les godets cloués sont marqués m. Si l’on fait tourner l’axe avec force, l’instrument triangulaire tourne et les godets montent pleins d’eau. Il faut que la partie de l’organe qui porte les godets tombe sur les angles du triangle, de façon que, quand la roue a tourné et que les godets se sont remplis, ils se vident. Ils se vident en haut à la marque η. Sous l’endroit où se vident les godets, on place un vase qui reçoit cette eau et qui la fait découler vers le conduit placé sur les piliers de maçonnerie, comme nous l’avons décrit.
Il reste à expliquer comment l’axe se meut sans que personne en approche et comment il monte l’eau par le moyen des godets. Il faut que l’appareil plonge dans l’eau que nous avons dite, venant de la fosse. On pratique des conduits qui se déversent dans les auges de la roue hydraulique ; qu’ils soient solides et forts. Ces conduits sont disposés de façon que, lorsque les auges sont remplies, l’axe inférieur se meut d’un mouvement très fort. Quand cet axe inférieur se meut avec force et s’ébranle, le supérieur se meut aussi, en raison des chaînes sur lesquelles sont les godets. Quatre godets s’emplissent sur chaque segment de l’appareil hydraulique, et chacun a la capacité de deux kouz, le mouvement de l’eau dépend de l’abondance ou de la rareté de l’eau.
Il faut savoir qu’entre les roues hydrauliques les plus grandes sont les roues hydrauliques à instrument triangulaire. Si l’appareil a assez de force pour élever vingt godets. Il faut lui donner une élévation de soixante coudées, et la montée des godets sera difficile. Il faut laisser dans le bassin assez d’eau pour que les godets soient submergés et se remplissent. L’eau qui sera en excès sur cette quantité devra être évacuée vers une autre fosse allant vers un lieu plus bas. Cet appareil se prépare selon que nous l’avons dit. Voici la figure.
 
FIN DU LIVRE DES APPAREILS PNEUMATIQUES ET DES MACHINES À EAU PAR LE SAVANT PHILON DE BYZANCE.


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