
RESSOURCES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LE TRAVAIL
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AUTEURS AU PROGRAMME
Arendt, La condition de l’homme moderne, coll. « agora », Calmann-Lévy ; « La tradition et l’âge moderne », ++++TEXTES « L’antinomie fondamentale entre le travail et la fabrication dans la tradition occidentale tient à ce que le travail a toujours été considéré comme une malédiction (dans la tradition judéo-chrétienne) ou bien comme une honte (dans la tradition hélléno-aristocratique) bien qu’il ne soit rien d’autre qu’une fabrication organisée. La fabrication a toujours été considérée comme le signe de la créativité et par conséquent de l’être à l’image de Dieu (du point de vue judéo-chrétien : homo faber à l’image du Deus creator) ou comme un art = l’activité la plus élevée de l’homme (en grec, tekhnè). La différence matérielle semble toujours être celle entre le travail de la terre et l’artisanat). Marx est le premier à accorder au travail la noblesse de la fabrication (artisanale). » Arendt, Journal de pensée, juillet 1951, [7], Seuil, 2005, I, p. 123-124. « Parmi les principales caractéristiques de l’époque moderne, depuis ses débuts jusqu’à nos jours, nous trouvons les attitudes typiques de l’homo faber : l’instrumentalisation du monde, la confiance placée dans les outils et la productivité du fabricant d’objets artificiels ; la foi en la portée universelle de la catégorie de la fin-et-des-moyens, la conviction que l’on peut résoudre tous les problèmes et ramener toutes les motivations humaines au principe d’utilité ; la souveraineté qui regarde tout le donné comme un matériau et considère l’ensemble de la nature « comme une immense étoffe où nous pouvons tailler ce que nous voudrons, pour le recoudre comme il nous plaira » « Quand Marx affirmait que le travail est la plus important activité de l’homme, il disait dans les termes de la tradition que ce n’est pas la liberté, mais la nécessité, qui rend l’homme humain (…). « Aristote est le dernier pour qui la liberté n’est pas encore « problématique », mais inhérente à la faculté de parole ; en d’autres termes, Aristote savait encore que les hommes, tant qu’ils parlent entre eux et agissent ensemble sur le modus de la parole, sont libres. » Arendt, « Marx et la tradition de la pensée politique », dans La révolution qui vient, Payot, 2018, p. 38. Il y a, chez Marx, une « perte d’intérêt initiale pour la liberté en général et un oubli initial du lien fondamental entre discours et liberté, l’un et l’autre aussi anciens que notre tradition de pensée politique. » Arendt, « Marx et la tradition de la pensée politique », dans La révolution qui vient, Payot, 2018, p. 39 « L’ascension soudaine, spectaculaire du travail, passant du dernier rang, de la situation la plus méprisée, à la place d’honneur et devenant la mieux considérée des activités humaines, commença lorsque Locke découvrit dans le travail la source de toute propriété. Elle se poursuivit lorsque Adam Smith affirma que le travail est la source de toute richesse ; elle trouva son point culminant dans le « système du travail » de Marx, où le travail devint la source de toute productivité et l’expression de l’humanité même de l’homme. De ces trois auteurs, seul Marx s’intéressait au travail en tant que tel ; Locke s’occupait de l’institution de la propriété privée comme base de la société ; et Smith voulait expliquer et assurer le progrès sans frein d’une accumulation indéfinie de richesse. Mais tous les trois, Marx surtout, avec plus de force et de cohérence, considéraient le travail comme la plus haute faculté humaine d’édification du monde ; et comme le travail est en fait l’activité la plus naturelle, la plus étrangère-au-monde (least worldly), tous les trois, surtout Marx là aussi, se trouvèrent en proie à d’authentiques contradictions. Ceci tient apparemment à la nature même du problème : la solution la plus évidente de ces contradictions, ou plutôt la raison la plus évidente pour laquelle ces grands auteurs n’ont pu les apercevoir, c’est qu’ils confondaient l’œuvre et le travail, de sorte qu’ils attribuaient au travail des qualités qui n’appartiennent qu’à l’œuvre. » Arendt, Condition de l’homme moderne, III, p. 147-148.
++++Pourquoi travailler ? "Quant à l’idée que l’instruction inclinerait les hommes à une vie retirée et oisive, et les rendrait paresseux : ce serait là une bien étrange chose, si ce qui accoutume l’esprit à être perpétuellement en mouvement induisait à la paresse ! Tout au contraire, on peut assurément affirmer qu’aucune espèce d’homme n’aime le travail pour lui-même, sauf ceux qui sont instruits. Les autres l’aiment pour le profit, comme un mercenaire pour la solde, ou encore pour l’honneur, car il les élève aux yeux des gens et redore une réputation qui autrement ternirait, ou parce qu’il leur donne une idée de leur puissance, en leur fournissant la possibilité d’occasionner du plaisir ou de la peine, ou parce qu’il met à l’œuvre telle de leurs facultés dont ils s’enorgueillissent, ce qui alimente leur bonne humeur et l’opinion agréable qu’ils ont d’eux-mêmes, ou enfin parce qu’il fait avancer n’importe quel autre de leurs projets. De la valeur personnelle fausse, on dit que celle de certains se trouve dans les yeux des autres. De la même façon, les efforts des gens que je viens d’évoquer sont dans les yeux des autres, ou du moins relatifs à quelques desseins particuliers. Seuls les hommes instruits aiment le travail comme une action conforme à la nature, et qui convient à la santé de l’esprit autant que l’exercice physique convient à la santé du corps. Ils prennent plaisir dans l’action elle-même, non dans ce qu’elle procure. Par conséquent, ils sont les plus infatigables des hommes quand il s’agit d’un travail qui puisse retenir leur esprit." Francis Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs, 1605, tr. fr. Michel Le Dœuff, Gallimard tel, 1991, p. 17-18.
++++extrait « Le code français ne range plus l’obéissance au nombre des devoirs de l’épouse et chaque citoyenne est devenue une électrice ; ces libertés civiques demeurent abstraites quand elles ne s’accompagnent pas d’une autonomie économique ; la femme entretenue – épouse ou courtisane – n’est pas affranchie du mâle parce qu’elle
++++Lire l’extrait Un siècle a passé depuis l’invention de la machine à vapeur, et nous commençons à peine à ressentir la secousse profonde qu’elle nous a donnée. La révolution qu’elle a opérée dans l’industrie n’en a pas moins bouleversé les relations entre les hommes. Des idées nouvelles se lèvent. Des sentiments nouveaux sont en voie d’éclore. Dans des milliers d’années, quand le recul du passé n’en laissera plus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres, nos révolutions compteront pour peu de choses, à supposer qu’on s’en souvienne encore ; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre éclatée ; elle servira à définir un âge. Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l’histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l’homme et de l’intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens, mais Homo Faber. En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des outils artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment la fabrication.
++++Discours sur la première décade de Tite-Live Livre I LV CHAPITRE LV. On gouverne sans peine un État dont le peuple n’est pas corrompu : là où l’égalité existe il ne peut se former une principauté, et là où elle ne se trouve point on ne peut établir de république. Quoique je me sois déjà étendu sur ce qu’on doit espérer ou craindre d’une ville corrompue, cependant il ne me paraît pas hors de propos de m’arrêter sur une délibération du sénat relativement à un vœu qu’avait fait Camille, de consacrer à Apollon la dixième partie des dépouilles de Véïes. Ce butin était tombé entre les mains du peuple romain, et, comme il était désormais impossible d’en connaître le montant, le sénat rendit un décret pour obliger chaque citoyen à rapporter au trésor public la dixième partie de ce qu’il avait enlevé. Quoique ce décret fût demeuré sans exécution, et que le sénat s’y fût pris d’une autre manière pour satisfaire tout à la fois Apollon et le peuple, néanmoins une telle résolution prouve combien on comptait sur la vertu de ce dernier, et jusqu’à quel point on était convaincu que personne n’oserait retenir la moindre partie de ce que la loi lui ordonnait de rapporter. D’un autre côté, on voit que jamais l’intention du peuple ne fut d’éluder la loi en donnant moins qu’il ne devait, mais d’échapper à ce qu’elle prescrivait en témoignant publiquement son indignation contre ce décret. Cet exemple, et plusieurs autres que j’ai déjà rapportés font éclater les vertus et l’esprit religieux de ce peuple, et tout ce qu’on pouvait en espérer de bien. Certes, là où cette vertu n’existe pas, on ne peut rien attendre de bon : c’est ainsi que de notre temps il ne faut nullement compter sur tant de contrées où règne la corruption, particulièrement sur l’Italie, quoique la France et l’Espagne soient loin d’être à l’abri de cette licence de mœurs. Si l’on ne voit pas dans ces deux royaumes autant de désordres qu’en enfante chaque jour l’Italie, il ne faut pas l’attribuer à des vertus qui leur sont en grande partie étrangères, mais à la présence d’un roi dont le bras maintient l’union dans l’État, et aux institutions non encore corrompues qui le régissent. C’est en Allemagne surtout que ces vertus et cet esprit de religion éclatent à un haut degré parmi le peuple, et font que plusieurs États indépendants y vivent en liberté, observant leurs lois de manière à ce qu’elles ne redoutent ni les entreprises des étrangers, ni celles des habitants. Et pour prouver que la plupart des vertus antiques règnent encore dans ce pays, je veux en rapporter un exemple analogue à celui que j’ai cité plus haut du sénat et du peuple romain. Lorsqu’il arrive que les républiques allemandes ont besoin d’obtenir une certaine somme d’argent pour les dépenses de l’État, il est d’usage que les magistrats ou les conseils chargés du gouvernement imposent tous les habitants de la ville à un ou à deux pour cent de ce que chacun possède. Cette mesure adoptée suivant les formes usitées dans l’État, chacun se présente devant le receveur des impositions ; il prête d’abord le serment de payer la taxe imposée, et il jette ensuite dans un coffre destiné à cet usage ce que, suivant sa conscience, il lui semble juste de payer, et il n’y a de témoin de ce payement que celui là seul qui paye. On peut conjecturer, par cet exemple, combien il existe encore parmi ces hommes de vertu et de religion. On doit en conclure également que chacun paye la véritable somme : car s’il ne la donnait pas, la contribution n’atteindrait pas la quantité déterminée et communément obtenue : si quelqu’un s’exemptait de payer, la fraude ne serait pas longtemps sans être découverte ; et dès qu’on s’en apercevrait, on aurait bientôt adopté quelque autre mesure. Cette probité est d’autant plus admirable de nos jours, qu’elle est plus rare et qu’elle n’existe plus, pour ainsi dire, que dans ces pays seuls. Il y en a deux raisons : la première est qu’ils n’ont point eu de grand commerce avec leurs voisins, qui ne sont point venus chez eux, et chez lesquels ils ne sont point allés : contents des biens qu’ils possèdent, ils se nourrissent des aliments, se vêtissent des laines que produit leur sol natal ; ils n’ont eu ainsi aucun motif de rechercher ces relations, principe de toute corruption ; ils n’ont pu prendre les mœurs ni des Français, ni des Espagnols, ni des Italiens, toutes nations qu’on peut regarder comme les corruptrices de l’univers. La dernière cause à laquelle ces républiques doivent la pureté de leurs mœurs et l’existence politique qu’elles ont conservée, c’est qu’elles ne sauraient souffrir qu’aucun de leurs sujets se prétende gentilhomme ou vive comme s’il l’était. Ces sujets maintiennent au contraire parmi eux la plus parfaite égalité, et sont les ennemis déclarés de tous les seigneurs ou gentilshommes qui pourraient exister dans le pays ; et si le hasard en fait tomber quelques-uns entre leurs mains, ils les massacrent sans pitié, comme une source de corruption et de désordres. Pour éclaircir ce que j’entends par le mot de gentilhomme, je dirai que l’on appelle ainsi ceux qui vivent, dans l’oisiveté, des produits de leurs biens ; qui coulent leurs jours dans l’abondance, sans nul souci pour vivre, ni d’agriculture, ni d’aucun autre travail. Ces hommes sont dangereux dans toutes les républiques et dans tous les États ; mais on doit redouter par-dessus tout ceux qui, outre les avantages que je viens de détailler, commandent à des châteaux et ont des vassaux qui leur obéissent. Le royaume de Naples, les terres de l’Église, la Romagne et la Lombardie offrent de toutes parts ces deux espèces d’hommes ; c’est pourquoi il n’y a jamais eu dans ces contrées aucun gouvernement régulier, ni aucune existence politique, parce qu’une telle race est ennemie déclarée de toute institution civile. Vouloir introduire un gouvernement dans un pays ainsi organisé, ce serait tenter l’impossible. Mais s’il était possible à quelqu’un d’y établir l’ordre, il ne le pourrait qu’en créant un roi. La raison en est que là où il existe tant de causes de corruption, la loi leur oppose une trop faible digue, il faut lui prêter l’appui d’une force plus irrésistible : c’est dans la main d’un roi qu’elle réside ; c’est son pouvoir absolu et sans limites qui peut mettre un frein à l’ambition excessive et à la corruption des hommes puissants. L’exemple de la Toscane peut servir de preuve à ce que j’avance. Dans un espace de terrain très-resserré, trois républiques ont subsisté pendant de longues années, Florence, Sienne et Lucques. Les autres villes de cette contrée n’ont point été tellement esclaves, qu’aidées de leur courage et des institutions qu’on y remarque encore, elles n’aient su maintenir leur liberté, ou entretenir du moins le désir de la conserver ; ce qui vient de ce qu’il n’existe dans ce pays aucun propriétaire de château, et qu’on n’y voit aucun gentilshomme, ou du moins qu’on en voit très-peu, et qu’il y règne une telle égalité, qu’un homme sage et instruit de la constitution des anciennes républiques y introduirait facilement une existence légale. Mais le destin de cette contrée a été tellement malheureux que, jusqu’à ce jour, le sort n’a fait naître dans son sein aucun homme qui ait pu ou qui ait su tenter une aussi belle entreprise. On peut donc conclure de ce que je viens de dire que celui qui veut établir une république dans un pays où il existe un grand nombre de gentilshommes ne pourra y parvenir s’il ne les anéantit tous, et que celui qui prétend établir un royaume ou une principauté là où règne l’égalité, ne pourra réussir qu’en élevant au-dessus du niveau ordinaire les hommes d’un esprit ambitieux et remuant, et en les faisant gentilshommes de fait, et non pas de nom seulement ; en leur donnant des châteaux et des terres, en les environnant de faveurs, de richesses et de sujets : de sorte que, placé au milieu d’eux, il puisse appuyer sur eux son pouvoir, comme ils appuient sur lui leur ambition ; et que le reste soit contraint à souffrir un joug que la force, et nul autre sentiment, peut seule leur faire supporter. La force de l’oppresseur se trouvant en proportion avec celle de l’opprimé, chacun reste à la place où l’a jeté le sort. Mais comme établir une république dans un pays propre à faire un royaume, ou un royaume dans une contrée susceptible de devenir une république, est l’entreprise d’un homme d’un rare génie ou d’une puissance sans bornes, beaucoup d’hommes l’ont tenté, peu d’entre eux ont su réussir. La grandeur de l’entreprise épouvante la plupart des hommes, ou leur suscite de tels embarras, qu’ils échouent dès les commencements. Peut-être regardera-t-on comme une chose contraire à ce que j’avance, — qu’on ne peut établir de république là où il existe un grand nombre de gentilshommes, — l’exemple de Venise, où l’on n’élève aux charges de l’État que ceux qui sont gentilshommes. Mais je répondrai que cet exemple n’est point une objection, parce que dans cette république les gentilshommes le sont plus de nom que de fait, attendu qu’ils n’ont point de grands revenus en biens-fonds, toutes leurs plus grandes richesses consistant en marchandises et en biens mobiliers ; d’ailleurs nul d’entre eux ne possède de châteaux, et n’a de sujets sous sa juridiction ; ce nom de gentilhomme n’est pour eux qu’un titre de dignité et de considération, qui n’est fondé sur aucun de ces avantages que dans les autres villes on attache au titre de gentilhomme. Et comme dans toutes les autres républiques les rangs de la société sont marqués par des dénominations diverses, ainsi Venise se divise en gentilshommes et en bourgeois, et veut que les uns possèdent ou du moins puissent posséder tous les honneurs, et que les autres en soient entièrement exclus. J’ai expliqué les causes pour lesquelles il n’en résulte aucun désordre dans l’État. Que celui qui veut fonder une république l’établisse donc là où règne ou peut régner une grande égalité ; qu’il fonde, au contraire, une principauté là où l’inégalité existe ; autrement il donnera naissance à un État sans proportions dans son ensemble, et qui ne pourra subsister longtemps. Discours sur la première décade de Tite-Live Livre I LV
++++TEXTE 1 : Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande « On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l’on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils commencent à produire leurs moyens d’existences, pas en avant qui est la conséquence même de leur organisation corporelle. En produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. La façon dont les hommes produisent leurs moyens d’existence, dépend d’abord de la nature des moyens d’existence déjà donnés et qu’il leur faut reproduire. Il ne faut pas considérer ce mode de production de ce seul point de vue, à savoir qu’il est la reproduction de l’existence physique des individus. Il représente au contraire déjà un mode déterminé de l’activité de ces individus, une façon déterminée de manifester leur vie, un mode de vie déterminé. La façon dont les individus manifestent leur vie reflète très exactement ce qu’ils sont. Ce qu’ils sont coïncide donc avec leur production, aussi bien avec ce qu’ils produisent qu’avec la façon dont ils le produisent. Ce que sont les individus dépend donc des conditions matérielles de leur production (…). ++++Questions : 1. L’homme n’est pas un universel abstrait. Il est déterminé par les conditions matérielles de son existence. Cherchez des exemples. ++++TEXTE 2 : Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 "Tu travailleras à la sueur de ton front ! C’est la malédiction dont Jéhovah a gratifié Adam en le chassant. Et c’est ainsi qu’Adam Smith conçoit le travail comme une malédiction. Le « repos » apparaît alors comme l’état adéquat, synonyme de « liberté » et de « bonheur ». Que l’individu se trouvant « dans un état normal de santé, de force, d’activité et d’habileté » puisse éprouver quand même le besoin d’effectuer une part normale de travail et de suspension de son repos semble peu intéresser Adam Smith. Il est vrai que la mesure du travail paraît elle-même donnée de l’extérieur, par le but à atteindre et par les obstacles que le travail doit surmonter pour y parvenir. Mais Adam Smith semble tout aussi peu avoir l’idée que surmonter des obstacles puisse être en soi une activité de liberté […], être donc l’autoeffectuation, l’objectivation du sujet, et, par là même, la liberté réelle dont l’action est précisément le travail." ++++Questions : 2. Pourquoi la réduction de la liberté au repos est-elle finalement un contresens ? L’homme ne perd-il pas au contraire sa liberté ? 3. Quelle définition de la liberté présuppose Adam Smith selon Marx ? 4. Pour Marx, la liberté est-elle un état ou une action ? Expliquez. 5. Une société de loisirs est-elle libre ? ++++TEXTE 3 : Hegel Esthétique "Les choses de la nature n’existent qu’immédiatement et d’une seule façon, tandis que l’homme, parce qu’il est esprit, a une double existence ; il existe d’une part au même titre que les choses de la nature, mais d’autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n’est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi. ++++Questions : 1. Donnez des exemples de ces choses de la nature dont l’homme se distingue. ++++Historicité du concept de travail Marx « Le travail paraît être une catégorie tout à fait simple. Même la représentation de ce dernier dans son universalité — en tant que travail en général — est ancestrale. Pourtant, saisi économiquement dans cette simplicité, le « travail » est une catégorie tout aussi moderne que les rapports qui engendrent cette abstraction simple. Le système monétaire p. ex. pose la richesse d’une manière encore tout à fait objective [objektiv], comme une chose extérieure à soi dans l’argent. Face à ce point de vue, ce fut un grand progrès lorsque le système manufacturier ou commercial posa la source de la richesse, de l’objet qu’elle était, dans l’activité subjective — le travail commercial et manufacturier, même s’il ne saisit encore cette activité elle-même que dans ++++TEXTE : Karl Marx - « L’argent en possédant la qualité de tout acheter, en possédant la qualité de s’approprier tous les objets est donc l’objet comme possession éminente. L’universalité de sa qualité est la toute-puissance de son essence. Il passe donc pour tout-puissant... L’argent est l’entremetteur entre le besoin et l’objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l’homme. Mais ce qui sert de médiateur à ma vie sert aussi de médiateur à l’existence des autres hommes pour moi. Pour moi, l’argent, c’est l’autre homme (…) Ce qui grâce à l’argent est pour moi, ce que je peux payer, c’est-à-dire ce que l’argent peut acheter, je le suis moi-même, moi le possesseur de l’argent. Ma force est tout aussi grande qu’est la force de l’argent. Les qualités de l’argent sont mes qualités et mes forces essentielles - à moi son possesseur. Ce que je suis et ce que je peux n’est donc nullement déterminé par mon individualité. Je suis laid, mais je peux m’acheter la plus belle femme. Donc je ne suis pas laid, car l’effet de la laideur, sa force repoussante, est annulé par l’argent. De par mon individualité, je suis perclus [5], mais l’argent me procure vingt-quatre jambes ; je ne suis donc pas perclus ; je suis un homme mauvais, malhonnête, sans conscience, sans esprit, mais l’argent est vénéré, donc aussi son possesseur ; l’argent est le bien suprême, donc son possesseur est bon. L’argent m’évite en outre la peine d’être malhonnête ; on me présume donc honnête ; je suis sans esprit, mais l’argent est l’esprit réel de toutes choses, comment son possesseur pourrait-il ne pas avoir d’esprit ? De plus, il peut acheter les gens spirituels et celui qui possède la puissance sur les gens d’esprit n’est- il pas plus spirituel que l’homme d’esprit ? Moi qui par l’argent peux tout ce à quoi aspire un cœur humain, ne suis-je pas en possession de tous les pouvoirs humains ? ++++Questions Questions pour guider votre analyse : répondez aux questions suivantes en justifiant à chaque fois votre réponse 14. En vous appuyant sur vos réponses à la question 13, rédigez une introduction pour l’explication de ce texte.
++++Le travail et l’existence "S’il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n’est pas par hasard que les penseurs d’aujourd’hui parlent plus volontiers de la condition de l’homme que de sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de clarté l’ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l’univers. Les situations historiques varient : l’homme peut naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c’est la nécessité pour lui d’être dans le monde, d’y être au travail, d’y être au milieu d’autres et d’y être mortel. " Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Folio essais, p. 60.
++++Travail et souffrance La liste concrète des douleurs des ouvriers fournit celle des choses à modifier. Il faut supprimer d’abord le choc que subit le petit gars qui à douze ou treize ans sort de l’école et entre à l’usine. Certains ouvriers seraient tout à fait heureux si ce choc n’avait laissé une blessure toujours douloureuse ; mais ils ne savent pas eux-mêmes que leur souffrance vient du passé. L’enfant à l’école, bon ou mauvais élève, était un être dont l’existence était reconnue, qu’on cherchait à développer, chez qui on faisait appel aux meilleurs sentiments. Du jour au lendemain il devient un supplément à la machine, un peu moins qu’une chose, et on ne se soucie nullement qu’il obéisse sous l’impulsion des mobiles les plus bas, pourvu qu’il obéisse. La plupart des ouvriers ont subi au moins à ce moment de leur vie cette impression de ne plus exister, accompagnée d’une sorte de vertige intérieur, que les intellectuels ou les bourgeois, même dans les plus grandes souffrances, ont très rarement l’occasion de connaître. Ce premier choc, reçu si tôt, imprime souvent une marque ineffaçable. Il peut rendre l’amour du travail définitivement impossible. L’enracinement Le déracinement ouvrier ++++« Travail : le pacte originel de l’homme avec la nature, de l’âme avec son corps. » (OC, VI-1, 105) Contact spécifique avec la beauté du monde « La fonction spirituelle du travail physique est la contemplation des choses, la contemplation de la nature. » (OC, VI-3, 399). ++++Le travail physique comme obéissance « Le travail physique consenti est, après la mort consentie, la forme la plus parfaite de la vertu d’obéissance. » (E2, 372) ++++Équilibre apparent entre le vouloir humain et la nécessité « La nécessité est une ennemie pour l’homme tant qu’il pense à la première personne. A vrai dire il a avec elle les trois espèces de rapports qu’il a avec les hommes. Par la rêverie ou par l’exercice de la puissance sociale elle semble son esclave. Dans les contrariétés, les privations, les peines, les souffrances, mais surtout dans le malheur elle apparaît comme un maître absolu et brutal. Dans l’action méthodique il y a un point d’équilibre où la nécessité, par son caractère conditionnel, présente à la fois à l’homme des obstacles et des moyens par rapport aux fins partielles qu’il poursuit, et où il y a une espèce d’égalité entre le vouloir d’un homme et la nécessité universelle. Ce point d’équilibre est aux rapports de l’homme avec le monde ce qu’est la justice naturelle aux rapports entre les hommes (...). » (IPC, 144) « L’équilibre entre le vouloir humain et la nécessité dans l’action méthodique est seulement une image ; si on le prend pour la réalité, c’est un mensonge. Notamment, ce que l’homme prend pour des fins ce sont simplement des moyens. La fatigue force à s’apercevoir de l’illusion. Dans l’état de fatigue intense, l’homme cesse d’adhérer à sa propre action et même à son propre vouloir ; il se perçoit comme une chose qui en pousse d’autres parce qu’elle est elle-même poussée par une contrainte. Effectivement la volonté humaine, quoiqu’un certain sentiment de choix y soit irréductiblement attaché, est simplement un phénomène parmi tous ceux qui sont soumis à la nécessité. La preuve est qu’elle comporte des limites. L’infini seul est hors de l’empire de la nécessité. » (IPC, 145)
OUVRAGES SCIENTIFIQUES ET ARTICLESClassement par thèmes
LES GRECS ET LE TRAVAILDans la pensée grecque antique, le mot "travail » semble ne pas avoir d’équivalent. Charles Kanelopoulos, <Travail et technique chez les grecs. L’approche de J.-P. Vernant Techniques & Culture [En ligne], 54-55 | 2010, août 2020. (DOI : https://doi.org/10.4000/tc.5006 Lévy Edmond. . In : Mélanges Pierre Lévêque. Tome 3 : Anthropologie et société. Besançon : Université de Franche-Comté, 1989. pp. 197-213. (Annales littéraires de l’Université de Besançon, 404) Les origines du travail :
Sur l’origine cartésienne de la notion de travail (entendu comme le produit de la force par l’espace parcouru), voir G. Milhaud, Descartes savant, Alcan, 1921, p. 176-190.
Définitions :++++Travail et force "L’usage ou l’emploi de la force de travail, c’est le travail. L’acheteur de cette force la consomme en faisant travailler le vendeur. Pour que celui-ci produise des marchandises, son travail doit être utile, c’est-à-dire se réaliser en valeurs d’usage. C’est donc une valeur d’usage particulière, un article spécial que le capitaliste fait produire par son ouvrier. De ce que la production de valeurs d’usage s’exécute pour le compte du capitaliste et sous sa direction, il ne s’ensuit pas, bien entendu, qu’elle change de nature. Aussi, il nous faut d’abord examiner le mouvement du travail utile en général, abstraction faite de tout cachet particulier que peut lui imprimer telle ou telle phase du progrès économique de la société. ++++Marx Travail et valeur Définition du travail « Le travail paraît être une catégorie tout à fait simple. Même la représentation de ce dernier dansson universalité — en tant que travail en général — est ancestrale. Pourtant, sais,économiquement dans cette simplicité, le « travail » est une catégorie tout aussi moderne que lesnrapports qui engendrent cette abstraction simple. Le système monétaire p. ex. pose la richesse d’une manière encore tout à fait objective [objektiv], comme une chose extérieure à soi dans l’argent. Face à ce point de vue, ce fut un grand progrès lorsque le système manufacturier ou commercial posa la source de la richesse, de l’objet qu’elle était, dans l’activité subjective — le travail commercial et manufacturier, même s’il ne saisit encore cette activité elle-même que dans son caractère limité, comme activité lucrative. Face à ce système, le système physiocratique, qui pose une forme de travail déterminée — l’agriculture — comme la forme créatrice de richesse, et l’objet [Objekt] lui-même non plus sous le déguisement de l’argent4 mais comme produit en général, résultat universel du travail. Ce produit, conformément au caractère limité de l’activité en question, demeure encore posé comme un produit encore naturellement déterminé — produit agricole, produit de la terre par excellence(5) Herland Michel. A propos de la définition du travail productif. Une incursion chez les grands anciens. In : Revue économique, volume 28, n°1, 1977. pp. 109-133 ;
TRAVAIL ET BRICOLAGE
Terre, propriété, travail ROUSSEAU – Droit romain et travail Caton l’Ancien (234-149 av. J. C.) est l’auteur de De agricultura (environ 150 av. J. C.), l’un des tout premiers traités d’agriculture romaine. Loin d’être condamnable, le profit réalisé par la vente de produits agricoles est le moyen le plus honnête d’enrichissement des propriétaires. En revanche, le commerce de l’argent, le prêt à intérêt doivent être combattus. M. Terentius Varron (116-27 av. J. C.) est l’auteur de Rerum Rusticarum, un traité d’économie rurale, qui constitue une véritable encyclopédie des connaissances sur la gestion d’un domaine agricole vivant en autarcie. Lucius Junius Moderatus Columelle (1e siècle après J. C.), un contemporain de Sénèque, est l’auteur du traité De Re Rustica, en 12 livres, dans lequel il s’oppose au système de la grande exploitation agricole qui contribue à accroître le coût des biens alimentaires et il prône la petite culture intensive. Pline l’Ancien (23-79 après J. C.) lui aussi condamne la grande exploitation agricole. Il est l’auteur de la célèbre formule : "latifundia perdidere Italiam" ("La grande propriété a fait la ruine de l’Italie" (Histoire naturelle, XVIII, 35). TRAVAIL ET TECHNIQUE Philippe TOUCHET, L’objet technique et le travail, explication d’un texte de Gilbert SIMONDON - PDF sur Simondon : Lien qui présente une rédaction d’explication de texte cours Evelyne OLÉON, Technique, travail et art : le bricolage : VIDÉO 1 - VIDÉO 2 - Dailymotion >VIDÉO 1 - VIDÉO 2 - Dossier - PDF
Hélène DEVISSAGUET, Travail et société - Dailymotion >VIDÉO - Dossier - PDF Xavier ENSELME, Le marché du travail - VIDÉO 1 - VIDÉO 2 -Dossier - PDF Marie-France HAZEBROUCQ, La paresse - Dailymotion >VIDÉO - Dossier - PDF Travail, nature et sociétéRomuald Dupuy, « Du travail de la nature au travail dans la société chez les Physiocrates », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 110 | 2009, mis en ligne le 01 octobre 2012, consulté le 07 septembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/1984 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.1984 Hélène DEVISSAGUET, Prof. en Classes Préparatoires au Lycée Condorcet, à Paris, Travail et valeurSmith ne s’interroge pas sur ce en quoi consiste l’activité concrète de travail, la définition qu’il donne du travail est purement instrumentale : le travail c’est cette puissance humaine ou machinique qui permet de créer de la valeur, le travail est « ce qui crée de la valeur ». D’un côté, le travail apparaît comme une dépense physique, qui a pour corollaire l’effort, la fatigue et la peine et de l’autre, le travail est cette substance en quoi toute chose peut se résoudre et qui permet l’échange universel car tous les objets que nous échangeons contiennent du travail, toutes les choses sont décomposables en travail, en quantité de fatigue ou de dépense physique. – Une activité inutile est-elle pour autant sans valeur ?
Valeur d’usage et valeur d’échange ++++Aristote "Toute propriété a deux usages, qui tous deux lui appartiennent essentiellement, sans toutefois lui appartenir de la même façon : l’un est spécial à la chose, l’autre ne l’est pas. Une chaussure peut à la fois servir à chausser le pied ou à faire un échange. On peut du moins en tirer ce double usage. Celui qui, contre de l’argent ou contre des aliments, échange une chaussure dont un autre a besoin, emploie bien cette chaussure en tant que chaussure, maïs non pas cependant avec son utilité propre ; car elle n’avait point été faite pour l’échange. J’en dirai autant de toutes les autres propriétés ; l’échange, en effet, peut s’appliquer à toutes, puisqu’il est né primitivement entre les hommes de l’abondance sur tel point et de la rareté sur tel autre, des denrées nécessaires à vivre" "[…] de chaque objet possédé il y a un double usage ; dans les deux cas il s’agit d’un usage de la chose en tant que telle, mais pas en tant que telle de la même manière : l’un est propre et l’autre n’est pas propre à l’objet. Ainsi une chaussure sert à chausser et être échangée ; ce sont bien deux usages d’une chaussure en tant que telle, car celui qui troque une chaussure avec celui qui en a besoin contre de l’argent ou de la nourriture se sert aussi de la chaussure en tant que chaussure, mais pas selon son usage propre : en effet, elle n’a pas été fabriquée en vue du troc. Et il en est de même pour les autres choses que nous possédons. Car il y a échange de tout : il a son origine première dans ce fait conforme à la nature que les hommes ont parfois plus, parfois moins des choses qu’il faut. En ce sens il est clair que le petit commerce n’appartient pas par nature à la chrématistique, car c’est seulement dans la mesure où il le faut qu’on en vint nécessairement à pratiquer le troc. […] Car alors on échange des choses utiles les unes contre les autres et rien de plus, par exemple on donne et on reçoit du vin contre du blé, et ainsi pour chaque chose de cette sorte. Et cet échange-là n’est ni contraire à la nature ni une espèce de chrématistique ; il existait, en effet, pour compléter l’autarcie naturelle. C’est pourtant de lui qu’est logiquement venue la chrématistique. ++++Adam Smith "Il faut observer que le mot valeur a deux significations différentes ; quelquefois il signifie l’utilité d’un objet particulier, et quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d’en acheter d’autres marchandises. On peut appeler l’une, Valeur en usage, et l’autre, Valeur en échange. - Des choses qui ont la plus grande valeur en usage n’ont souvent que peu ou point de valeur en échange ; et, au contraire, celles qui ont la plus grande valeur en échange n’ont souvent que peu ou point de valeur en usage. Il n’y a rien de plus utile que l’eau, mais elle ne peut presque rien acheter ; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un diamant, au contraire, n’a presque aucune valeur quant à l’usage, mais on trouvera fréquemment à l’échanger contre une très grande quantité d’autres marchandises. [...] Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise [....]. Elles [les marchandises] contiennent la valeur d’une certaine quantité de travail, que nous échangeons pour ce qui est supposé alors contenir la valeur d’une quantité égale de travail. Le travail a été le premier prix, la monnaie payée pour l’achat primitif de toutes choses. Ce n’est point avec de l’or ou de l’argent, c’est avec du travail, que toutes les richesses du monde ont été achetées originairement, et leur valeur pour ceux qui les possèdent et qui cherchent à les échanger contre de nouvelles productions, est précisément égale à la quantité de travail qu’elles le mettent en état d’acheter ou de commander. ++++David Ricardo "Adam Smith a remarqué que le mot VALEUR a deux significations différentes et exprime, tantôt l’utilité d’un objet quelconque, tantôt la faculté que cet objet transmet à celui qui le possède, d’acheter d’autres marchandises. Dans un cas la valeur prend le nom de valeur en usage ou d’utilité : dans l’autre de valeur en échange. Ce n’est pas l’utilité qui est la mesure de la valeur échangeable, quoiqu’elle lui soit absolument essentielle. Si un objet n’était d’aucune utilité, ou, en d’autres termes, si nous ne pouvions le faire servir à nos jouissances, ou en tirer quelque avantage, il ne posséderait aucune valeur échangeable quelle que fût d’ailleurs sa rareté, ou quantité de travail nécessaire pour l’acquérir. « Les choses, dit encore Adam Smith, qui ont le plus de valeur d’utilité n’ont souvent que fort peu ou point de valeur échangeable ; tandis que celles qui ont le plus de faveur échangeable ont fort peu ou point de valeur d’utilité. » L’eau et l’air, dont l’utilité est si grande, et qui sont même indispensables à l’existence de l’homme, ne peuvent cependant, dans les cas ordinaires, être donnés en échange pour d’autres objets. L’or, au contraire, si peu utile en comparaison de l’air ou de l’eau, peut être échangé contre une grande quantité de marchandises ++++Jean-Baptiste Say "Je ne saurais m’empêcher de remarquer ici que cette nécessité de fixer la valeur des choses par la valeur qu’on peut obtenir en retour de ces mêmes choses, dans l’échange qu’on voudrait en faire, a détourné la plupart des écrivains du véritable objet des recherches économiques. On a considéré l’échange comme le fondement de la richesse sociale, tandis qu’il n’y ajoute effectivement rien. Deux valeurs qu’on échange entre elles, un boisseau de froment et une paire de ciseaux, ont été préalablement formées avant de s’échanger ; la richesse qui réside en elles existe préalablement à tout échange ; et, bien que les échanges jouent un grand rôle dans l’économie sociale, bien qu’ils soient indispensables pour que les produits parviennent jusqu’à leurs consommateurs, ce n’est point dans les échanges mêmes que consiste la production ou la consommation des richesses. Il y a beaucoup de richesses produites, et même distribuées sans échange effectif." ECONOMIE POLITIQUEe siècle : les prolégomènes
supplément : Bibliographie générale
à lire : Christine Jéhanno, « Le travail au Moyen Âge, à Paris et ailleurs : retour sur l’histoire d’un modèle », Médiévales [En ligne], 69 | automne 2015, mis en ligne le 30 novembre 2017, consulté le 17 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/medievales/7567 ; DOI : https://doi.org/10.4000/medievales.7567 Travail et souffrance
Entre le XIe et le XIIIe siècle, les débats sur les questions économiques sont animés par trois catégories d’intellectuels :
**Au XVIe siècle, en EspagneLes théologiens-juristes de l’Université de Salamanque au XVIe siècle, de l’ordre des Dominicains, forment ce que l’on nomme, depuis José Larraz (La época del mercantilismo en Castilla, 1500-1700, Madrid : Aguilar, 1943), l’"Ecole de Salamanque". Quatre noms importants méritent d’être mentionnés : Francisco de Vitoria (1493-1546), le "fondateur", Domingo de Soto (1495-1560), auteur du De Justicia et Jure (1553), Martín de Azpilcueta (1492-1586), dit Docteur Navarrus, auteur du Comentario resolutorio de cambios (1556) et Tomás de Mercado (1530-1576), auteur de Summa de tratos y contratos de mercaderes (1569). Dans leurs traités sur la justice et leurs manuels de confesseurs, ces théologiens de la "seconde scolastique" discutent du juste prix, de la monnaie, des changes et de l’usure. Les idées aristotéliciennes et scolastiques déclinent fortement à partir du XVIe siècle, mais perdurent dans le monde universitaire jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. ++++Travail et nature, Marx : Le travail, sous sa forme humaine, exige une attention soutenue « Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination (Vorstellung) du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté. Et cette subordination n’est pas momentanée. L’œuvre exige pendant
++++ Le travail comme organisation Les hommes se défendent ainsi de ce qui les menace de l’extérieur, de la violence de la nature. Sans doute, les conceptions de ce qui est violence contre laquelle il faut se dresser ou, au contraire, malheur inévitable (punition d’une faute rituelle ou morale, sort inévitable de l’humanité découlant de la force des choses) diffèrent de communauté à communauté ; mais un domaine de la lutte et du travail (lutte par le travail), pour restreint qu’il soit, existe partout. Or, la condition première du succès – condition reconnue comme telle – est l’absence de violence à l’intérieur du groupe. Qu’il y ait une autorité pour assurer cette cohérence structurée, que la morale (le style de vie) la garantisse, on sait que la lutte fratricide est le plus grand des maux, puisqu’elle met en danger l’existence même du groupe et de tous ses membres. Le fait d’une organisation de la non-violence intérieure devient plus visible au fur et à mesure que progressent les formes du travail vers un rendement plus élevé, au-dessus du minimum physiologique (rendement supérieur devenu possible par une organisation plus rationnelle, mieux calculée), jusqu’à ce qu’une science de l’organisation conduise à une intervention consciente dans l’organisation ; le rôle de l’organisation du travail ne devient visible qu’à des étapes avancées de la technique et de l’organisation que la science de l’organisation présuppose en même temps qu’elle en conditionne le progrès : l’organisation même n’a pas besoin d’une telle prise de conscience pour exister et pour fonctionner. On classe ainsi les styles de vie, les valeurs, les morales des différentes communautés selon un double critère. Le premier est constitué par le rendement du travail social mesuré au surplus produit par rapport au minimum biologique : de l’ornement à la constitution de réserves communes, jusqu’à la civilisation intellectuelle, artistique, religieuse qui n’entre pas dans la production, jusqu’à l’affranchissement plus ou moins poussé des individus vis-à-vis des obligations de la lutte avec la nature, à l’obtention de loisirs, d’un temps de plus en plus étendu non consacré au travail. L’autre critère est fourni par le degré de satisfaction des membres du groupe, c’est-à-dire le degré mesuré aux tendances à la violence à l’intérieur du groupe. Ces tendances se font jour dans des situations déterminées : ou bien la totalité des membres, la majorité ou un sous-groupe a le sentiment et – à un stade plus évolué de la réflexion sur l’organisation existante et sur une organisation idéale – la conviction que la production globale ne satisfait pas les besoins considérés comme normaux, quoiqu’elle puisse y suffire eu égard aux techniques et aux moyens existants ; ou bien le produit, suffisant mais injustement distribué, prive un sous-groupe d’avantages dont il pourrait disposer s’ils n’étaient pas accaparés par un autre, lequel, quelles que soient ses convictions, agit objectivement de manière injuste et tient en dépendance les spoliés, violemment ou par violence cachée, autrement dit par le mensonge et la ruse qui doivent donner aux exploités le sentiment et la conviction que les conditions de leur existence sont techniquement nécessaires et appartiennent au domaine dans lequel il n’y a aucune place pour la lutte et où, par conséquent, il faut s’incliner. Les deux critères sont intimement liés, sans qu’ils en perdent leur indépendance : on peut mesurer la production (et la productivité) du travail social sans s’occuper des tensions sociales, on peut mesurer celles-ci sans tenir compte de celle-là ; il n’en reste pas moins évident qu’une société riche pourra plus facilement réduire les tensions et qu’une société à tensions faibles peut compter sur une production et une productivité plus grandes. XVIIIe siècle : naissance de l’économie politique– David Ricardo, économiste anglais du 18e siècle, est considéré comme le “père du libéralisme”, comme celui qui a théorisé la mondialisation. L’économiste anglais, connu surtout pour sa théorie des avantages comparatifs, a posé avec Adam Smith les bases de la science économique moderne. Il a donné naissance à un modèle qui oppose, aujourd’hui encore, les différentes écoles de pensées économiques. Ghislain Deleplace, professeur émérite à l’université Paris 8-Saint-Denis, analyse ses théories. Vidéo-audio **Un cours de Gérard Granel : "Le travail aliéné dans les "Manuscrits de 1844" "[violet]Cinéma et thème du travail : [/violet]L’an 01. Travail et liberté |