La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Que dit le cinéma ?
  • La caméra et la pellicule

Ces nouveaux media libèrent de la perspective et du sujet.
Selon Bazin, le photographe ou le cinéaste interviennent dans le choix des appareils de prise de vue, des cadrages ou encore des expositions de lumière, mais le processus de captation du réel sur un support (film ou pellicule) reste le fait de mécanismes physiques et chimiques autonomes.

Le montage

"Pour une histoire poétique du cinéma : Paris 1900 de Nicole Vedrès" par Laurent Véray from La Cinémathèque française on Vimeo.

VÉRAY, Laurent. Nicole Vedrès, pionnière de l’essai documentaire In : Frontières de la non-fiction : Littérature, cinéma, arts [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014 (généré le 10 août 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/56144> . ISBN : 9782753557406. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.56144.

 "À Nicole Védrès, je dois tout" - Chris Marker

Document authentique et sensationnel, ce film réalisé en 1946 passe en revue la vie mondaine, politique, sociale et artistique du Paris de la belle époque. On s’y délecte d’images extraites de plus de 700 films d’actualités : l’exposition universelle, les Parisiennes en goguette, la sortie de terre de la Tour Eiffel, mais aussi l’arrestation de la bande à Bonnot et l’attentat de Sarajevo qui annonce le cataclysme imminent. Un film jubilatoire sur la vie des petites gens, comme celle des grands de ce monde… Léon Blum, La Belle Otéro, Claude Debussy, André Gide, Auguste Rodin, Mayol, Paul Déroulède, Mistinguett, entre autres, défilent à l’écran pour notre plus grand bonheur.

Prix Louis-Delluc 1947 - Nomination au Festival de Cannes 1947
Prix Georges Méliès 1948

 Méliès ou le collage : le modèle du tableau
Chaque plan est un décor différent

 Griffith ou le découpage : le modèle américain
Le cinéma

  • ex : naissance d’une nation

Scene from the film "Sherlock Jr." (1924) directed by and starring Buster Keaton.
Keaton depicted an early example of a film within a film in this dream scene, which consists of the main character, Sherlock, entering the world of the parlor mystery-film he is watching. Sherlock is transported to a total of seven different scenes. This was unique at the time because there was a continuity to the scenes and this strategy had rarely been used by film makers. Keaton and his camera man were able to do this by using surveyor’s instruments to position Keaton and the camera at exactly the right distances and positions to provide the illusion of continuity.

  • Le montage
    Dziga Vertov : L’homme à la caméra Dossier CNC

La séquence qui nous intéresse est travaillée par le triple discours de la création envisagée et mise à nu, à la fois du côté » ouvrier » comme du côté » artistique « . Le montage, par les effets d’associations qu’il permet, favorise l’exposition d’une pensée à la fois politique et artistique, poétique et sensible du cinéma dans le cinéma, du cinéma par le cinéma.

– Tout d’abord, Dziga Vertov, favorise les liens entre les plans qui se succèdent par la circulation du poétique plus que du narratif (on ne raconte rien ; on met en correspondance des plans qui n’ont pas de liens discursifs les uns avec les autres ; ils trouvent leur raison d’exister au sein du film en rapport avec ceux qui les précèdent ou qui les succèdent). Au plan des cheveux que l’on lavent généreusement, c’est le plan d’un drap que l’on essore vigoureusement qui lui succède. Au rasoir qui parcourt la joue du barbu, succède le plan d’une hachette que l’on aiguise minutieusement sur une meule. Et entre les chaussures que l’on astique, les cheveux que l’on sèche et que l’on coupe, c’est la main (vive, énergique) qui fait le lien, qui rapproche ces images qui ont en commun une certaine poésie du geste.

– Puis un second niveau discursif s’impose. Celui du travail derrière la table de montage où apparaît la pellicule (à 35 minutes et 09 secondes). Toujours la main avec plutôt les doigts, les ongles de la monteuse au travail qui permettent le raccord avec les ongles de la femme que l’on embellit chez la manucure. Le vernis trouve un écho indirect avec la colle (on utilise un pinceau dans les deux cas) qui unit les images dans sa colleuse

– Enfin, c’est à 35 minutes et 21 secondes que le lien avec le cinéma (et sa « fabrication ») se fait le plus visible.

Une femme coud à la main. Puis une autre la machine, faisant défiler rapidement le morceau de tissu piqué. Le rapprochement visuel permis par le montage qui rend l’association poétique possible, favorise la métaphore : coudre, c’est coller des éléments entre eux, comme le font les ouvrières-couturières et les ouvrières-monteuses. Fil et colle : on assemble. Bobine de fil et bobine de film : on déroule. Trous dans le tissus ou perforations dans la pellicule : on fait défiler. Le travail des ouvrières devient la métaphore de celui de la monteuse. A certains égards, par le geste, elles font le même métier.

Cette séquence, plus que toutes les autres au sein du film, permet le rapprochement des plans, et favorise une poétique (celle du geste avant toute chose). Et c’est bien la politique des images qui est privilégiée à travers un montage qui juxtapose la pratique prolétarienne et artistique. Du tissu à la pellicule, de la table à couture à la table de montage : l’atelier est le lieu où s’exprime le corps et les idées, le poétique et le politique.
(source : transmettre le cinéma)

Le montage libre de l’école française
 mode d’expression qui autonomise l’image.
Germaine Dulac voit dans le cinéma une construction musicale

Définition : un film est un tout organique, un enchaînement d’images qui se donnent dans un récit,un ensemble de signes qui prennent sens dans un contexte au défilement spatial et chronologique
L’arrêt sur une image lui retire sa signification.

  1. En vous référant au cours de Philippe Fontaine (
    Philippe FONTAINE, Qu’est-ce que le cinéma ? –
    VIDÉO – Dailymotion >VIDÉO – Dossier – PDF) et expliquer pourquoi les images au cinéma ne sont pas autonomes.
  2. Quel rapport au temps entretient le cinéma ?
  3. En quoi le montage est-il un raccord ? Pour répondre, lire cet extrait :

    Le cinéma quant à lui, parmi la multitude d’aspects de champs qu’il recouvre, est un moyen d’expression, il porte un propos avec son langage propre. Y a-t-il dans le cinéma des structures spécifiques, une forme première ? Quels paramètres initiaux permettent l’invention des langages cinématographiques ? S’il existe un schéma invariant, c’est peut-être l’idée de montage, grâce auquel le cinéma crée de toutes pièces un espace-temps. Le montage, agencement d’éléments hétéroclites, fait coexister son et image et « par les raccords » produit du sens. Bresson voyait dans le montage le lieu même de l’expression cinématographique : c’est dans les raccords entre les plans, dans les « interstices », que s’immisce le sens. Le raccord marque une rupture entre deux espaces, c’est une frontière, un instant fugace. C’est donc en jouant des coudes que le sens s’y glisse. Si la philosophie est le lieu privilégié du lien logique, alors le cinéma est celui du (parfois faux) raccord. Que le montage y soit plus ou moins perceptible, il (re)constitue un espace fictif dans lequel le spectateur s’immerge. La projection redouble l’effet d’immersion ; on se trouve sous le charme de la fiction, comme piégé, encerclé, pour ainsi dire contraint de mettre son cerveau discursif en veille pour laisser sa perception agir. Sans discours, le cinéma convainc, puisque l’adhésion à l’espace-temps projeté en est même un des postulats.

En quoi le cinéma est un langage sans langue ?

Regarder ces extraits des Histoires du cinéma de Jean-Luc Godard, ainsi que l’analyse qui en est faite par Adélaïde Lerat-Pralon et Marine Duhaut dans magphilo

  1. Que permet le montage ? Lire le texte de J.L Godard, Montage, mon beau souci en cliquant ici
  2. Que reproche J.L.Godard aux mots ?
  3. Compléter l’analyse avec ce film :

    Deux fois cinquante ans de cinéma français est un film documentaire franco-britannico-suisse réalisé par Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville, sorti en 1995.

Ce film est issu d’une commande de la télévision britannique. Comme son titre l’indique, ce documentaire tente de relater ou plutôt d’évoquer le premier siècle du cinéma français.

On peut dire que la série des Histoire(s) du cinéma de Godard nous laisse le temps de penser, plus encore dans ses intervalles (avec l’écoulement du temps qu’ils impliquent) que dans ses interstices. Godard, avec cet immense essai, invente une syntaxe à partir des fragments de films dont le matériau se module comme les mots d’un texte. Parfois considéré comme un long poème, le film interfère des images, des sons, des musiques en surimpression. Godard tranche dans un film pour le faire bégayer, puis clignoter en alternance avec un autre film, avec en leitmotiv la présence du noir appuyé par les effets de nappes produits par les sons, textes et musiques. Et soudainement, la coupe franche nous laisse devant l’écran noir. Ces noirs, parfois silencieux, permettent de continuer à penser quand le film ne parle plus : après les mots et avant d’autres mots susceptibles de surgir à l’écran, à l’écrit. Les Histoire(s) du cinéma nous montrent le film comme une écriture, si l’on en croit la comparaison – l’assimilation même – de la machine à monter et de la machine à filmer (voir le début du film). La pellicule avance, recule, ralentit, accélère, le moteur produit un ronflement musical repris par le son de la machine à écrire derrière laquelle Godard est installé. Est-ce à dire qu’il en va de la pensée comme du cinéma : propre à l’accélération, aux ralentis lyriques, aux coupes franches ? Il semble donc que ce n’est pas le cinéma qui est philosophique dans ces Histoire(s), c’est la pensée philosophique qui est cinématographique. « Écrire n’est pas décrire, disait Georges Braque, et peindre n’est pas dépeindre. » Montrer n’est pas démontrer, peut-on ajouter. Mais l’entreprise de Godard semble affirmer que « monter, c’est démonter », tant il est vrai qu’elle en passe par une déconstruction du film. « Montage, mon souci », scande la dernière partie de ses Histoire(s)…
On perçoit d’ailleurs, profondément ancrée dans l’œuvre de Godard et plus encore que l’idée de déconstruction, l’idée de destruction. Godard affirmait qu’il envisageait la mort du cinéma avec une sorte d’optimisme : la nécessité du cinéma, selon lui, contient en son cœur sa propre impossibilité. Cinéma et horreur, nés du même œuf, ne peuvent être dissociés. D’aucuns y ont vu un fatalisme désabusé, un goût pour l’irrémédiable, d’autres une tendance à la misanthropie ; reste à tout le moins que la série Histoire(s) transporte avec elle une forme d’amertume, d’insatisfaction liée à l’échec permanent de ne pas réussir à dire l’horreur des camps. C’est peut-être en cet inaccompli que réside la force de son œuvre : le vide au cœur de la matière, le silence entre les mots. Tant dans ses films que dans ses entretiens, Godard a maintes fois dit l’impossibilité de dire. Il est d’ailleurs en perpétuelle recherche d’un paradis perdu que serait le cinéma muet, celui-ci représentant une incarnation de « l’avant-Seconde Guerre mondiale ». Il y aurait une pureté dans le muet, liée à son impossibilité technique d’abuser des mots. Il y aurait du coup aussi une idée de chute dans le cinéma parlant, comme corrompu par le verbal. Pas d’autre option donc pour Godard que de nous offrir un film inachevé, interminable…
Les mots au cinéma détourneraient l’attention du langage cinématographique « pur », alors qu’ils sont l’unité même du discours philosophique. Pour remarquable que soit la tentative de Godard, son film prend des airs de forteresse inexpugnable dont l’obscurité peut laisser perplexe. Au risque de nous perdre, Godard poursuit son projet avec une fidélité déconcertante. Difficile de dire si le pari est tenu, tant le langage qu’il propose est hermétique