La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Parcours : Doit-on se souvenir de tout ?

EXERCICES en ateliers

INTRODUCTION. Approche de la mémoire"

Fait avec Padlet

Le document précédent permet de créer des groupes sur des axes divers, avec toutefois comme fil directeur la question : "doit-on se souvenir de tout ?"

Mémoire et souvenir Qu’est-ce que "se souvenir" ?

[…] Je me souviens comme c’était agréable, à l’internat, d’être malade et d’aller à l’infirmerie.

Je me souviens des postes à galène.

Je me souviens quand on revenait des vacances, le ler septembre, et qu’il y avait encore un mois entier sans école.

Je me souviens qu’au pied de la passerelle qui, en haut de la rue du Ranelagh, traversait le chemin de fer de ceinture et permettait d’aller au bois de Boulogne, il y avait une petite construction qui servait d’échoppe à un cordonnier et qui, après la guerre, fut couverte de croix gammées parce que le cordonnier avait été, paraît-il, collaborateur.

Je me souviens qu’un coureur de 400 mètres fut surpris en train de voler dans les vestiaires d’un stade (et que, pour éviter la prison, il fut obligé de s’engager en Indochine).

Je me souviens du jour où le Japon capitula.

Je me souviens des scoubidous.

Je me souviens que j’avais commencé une collection de boîtes d’allumettes et de paquets de cigarettes.

Je me souviens des « Dop, Dop, Dop, adoptez le shampoing Dop ».

Je me souviens de l’époque où la mode était aux chemises noires.

Je me souviens des autobus à plate-forme : quand on voulait descendre au prochain arrêt, il fallait appuyer sur une sonnette, mais ni trop près de l’arrêt précédent, ni trop près de l’arrêt en question.

Je me souviens que Voltaire est l’anagramme d’ Arouet L(e) J(eune) en écrivant V au lieu de U et I au lieu de J. […]

Georges Perec, Je me souviens, collection P.O.L., © Hachette, 1978.

QUESTIONS : A qui ou à quoi renvoie le souvenir ?

Comparer ce texte de Perec et celui de Toqueville qui suit :

TEXTES Alexis de Tocqueville, Souvenirs, (1850-1851).

La sincérité : rapprochement entre souvenir et confession

Je voudrais bien rechercher ici les raisons qui me déterminèrent alors, et, les ayant retrouvées, les exposer sans détour ; mais qu’il est difficile de bien parler de soi ! J’ai observé que la plupart de ceux qui ont laissé des Mémoires ne nous ont bien montré leurs mauvaises actions ou leurs penchants que quand, par hasard, ils les ont pris pour des prouesses ou de bons instincts, ce qui est arrivé quelquefois. C’est ainsi que le cardinal de Retz, pour atteindre à ce qu’il considère comme la gloire d’avoir été un bon conspirateur, nous avoue ses projets d’assassiner Richelieu, et nous raconte ses dévotions et ses charités hypocrites de peur de ne point passer pour un habile homme. Ce n’est pas alors l’amour du vrai qui fait parler, ce sont les travers de l’esprit qui trahissent involontairement les vices du cœur.
Mais alors même qu’on veut être sincère, il est bien rare qu’on mène à bout une telle entreprise. La faute en est d’abord au public qui aime qu’on s’accuse, mais qui ne souffre pas qu’on se loue ; les amis, eux-mêmes, ont coutume d’appeler candeur aimable le mal qu’on dit de soi, et vanité incommode le bien qu’on en raconte ; de telle sorte que la sincérité devient, à ce compte, un métier fort ingrat, où l’on n’a que des pertes à faire et point de gain. Mais la difficulté est surtout dans le sujet-même ; on est trop proche de soi pour bien voir, on se perd aisément au milieu des vues, des intérêts, des idées, des goûts, et des instincts qui vous font agir. Cette multitude de petits sentiers mal connus de ceux même qui les fréquentent, empêche de bien discerner les grands chemins qu’a suivis la volonté pour arriver aux résolutions les plus importantes.
Je veux cependant essayer de me retrouver dans ce labyrinthe, car il est juste de prendre enfin, vis à vis de moi-même les libertés que je me suis permises et que je me permettrai souvent envers tant d’autres.

À quels obstacles se heurte, selon Tocqueville, l’exigence de sincérité ?
Un souvenir est-il nécessairement sincère ?

COMMEMORATION
Que commémore la Tour Eiffel ?
voir Lummi

Dans une France aux prises avec des difficultés politiques et économiques, et encore marquée par le souvenir de sa défaite face à l’Allemagne en 1870, s’impose l’idée d’une Exposition universelle capable de redresser le pays et de restaurer son prestige au regard du monde entier. Prévue à Paris en 1889, année du centenaire de la Révolution française, l’Exposition est tout entière dévolue au fer, et son « clou » est la tour haute de trois cents mètres dessinée par Maurice Koechlin et construite par Gustave Eiffel.


Analyse des images

Dans le quartier du Champ-de-Mars en pleine mutation à la fin des années 1880, le chantier de la tour Eiffel, qui commence en janvier 1887, est un spectacle nouveau et surprenant, régulièrement suivi par une foule de badauds et d’artistes. Parmi eux, un photographe resté anonyme s’attache chaque mois à fixer avec son appareil la progression du pylône de fer dans le ciel parisien depuis l’une des tours du palais du Trocadéro.

Les photographies prises le 8 octobre et le 10 novembre 1887 révèlent le début du montage simultané des quatre piliers, entrepris en juillet 1887 après cinq mois de travaux de fondation. Déjà apparaissent le système de treillis (entrecroisement des poutres métalliques) et les dispositifs de contreventement (assemblage en oblique) qui caractérisent sa silhouette élancée et originale.

Après dix mois de travaux, l’étape la plus périlleuse de la construction de la Tour est franchie, comme en témoigne la photographie du 10 avril 1888 : la jonction au premier étage des piliers inclinés a été réalisée dix jours plus tôt par une poutre horizontale, dite « poutre de ceinture », ajustée au millimètre près grâce à un système de vérins et de presses hydrauliques. Cette première plate-forme servant désormais de point d’appui aux parties supérieures, la photographie du 10 mai 1888 montre que les échafaudages en bois qui ont été utilisés jusque-là pour hisser les différents éléments disparaissent progressivement.

L’élévation de la Tour se poursuivant ainsi selon cette technique de montage entièrement fait en porte-à-faux, le deuxième étage est atteint six mois plus tard, comme l’indique la photographie du 14 octobre 1888. Dans cette rencontre inéluctable des piliers, la photographie prise le 14 novembre 1888 saisit le point de l’édifice où les quatre arbalétriers se rejoignent pour former un seul tronc qui va en s’amincissant jusqu’au sommet, en passant par le troisième étage, comme le montre la photographie prise le 2 avril 1889, deux jours après l’inauguration.


Interprétation

La photographie, qui se prête particulièrement bien à ce genre de reportage, traduit parfaitement le montage précis et rapide de la tour Eiffel, tel qu’il a été prévu par Gustave Eiffel dans ses ateliers de Levallois-Perret et tel qu’il a été perçu par tous les observateurs, à savoir comme un immense jeu de Meccano où l’intervention humaine semble inexistante.

Après avoir suscité peurs et scandales [1] tout au long de sa construction, la « dame de fer », véritable triomphe de la vitalité et de l’inventivité de l’architecture française, est le plus grand succès de l’Exposition universelle de 1889 et redonne ainsi à la France sa place dans le concert des grandes nations. Construite pour vingt ans seulement, mais sauvée par son rôle scientifique, la tour Eiffel est devenue le symbole même de Paris.

Notes :

[1] En février 1887, un groupe d’artistes dont Guy de Maupassant, Alexandre Dumas fils, Leconte de Lisle, Charles Gounod, adresse une pétition très hostile à M. Alphand, directeur des travaux de l’Exposition universelle, publiée dans le journal Le Temps.