La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Environnement

 L’écologie : une question philosophique
Corinne Pelluchon
19/11/2012
Conférence de Corinne Pelluchon dans le cadre des "lundis de la philosophie" 2012-2013.

L’écologie est l’étude des interactions des êtres vivants avec leurs milieux. Quelle peut être la contribution de la philosophie à un champ qui est à la croisée de plusieurs sciences et renvoie aussi à l’action de ceux qui militent pour que la préservation de la nature devienne une préoccupation centrale ? Pour le savoir, il faut d’abord comprendre que l’écologie est une question philosophique. Imposant un dépassement du clivage entre nature et culture, elle invite à élaborer une philosophie de l’existence où la liberté n’est pas seulement pensée comme arrachement à la nature et où la réflexion sur ce dont nous vivons approfondit la compréhension de notre être au monde. Tel est l’apport d’une philosophie première où notre manière d’habiter la terre et d’user des autres vivants et notre rapport aux ressources - qui s’appellent ici les nourritures - sont le lieu à partir duquel notre rapport à nous-mêmes et aux autres est pensé. Prolongeant l’éthique de la vulnérabilité, cette approche suppose aussi que l’on fasse le point sur les catégories témoignant des changements que l’écologie fait subir à l’éthique. Elle implique aussi une réflexion sur les innovations institutionnelles et les transformations de la culture politique qui sont nécessaires afin d’éviter la secondarisation de l’écologie. Aussi la réflexion philosophique est-elle, dans son volet ontologique comme dans son volet politique, renouvelée par la prise au sérieux de l’écologie.

 Corine Pelluchon, professeure de philosophie : Écologie et existence. Philosophie du corps politique
Logiques de l’Agir
Date : 04/07/2015
Lieu : CCIC Cerisy
Durée : 37:17
conférence audio

Cette conférence a été donnée dans le cadre du colloque intitulé Quelles transitions écologiques ? qui s’est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 30 juin au 10 juillet 2015, sous la direction de Dominique BOURG, Alain KAUFMANN et Dominique MÉDA.

Comme par une malédiction, les mots de l’environnement souffrent d’une obsolescence quasi originelle. À l’occasion déjà de la toute première journée de la Terre, le 22 avril 1970, de grandes sociétés comme Monsanto ou Dow Chemical faisaient partie des organisateurs. Ainsi, le développement durable est assez rapidement devenu une sorte de tarte à la crème légitimant paradoxalement diverses tendances écologiquement délétères de nos sociétés. Qui n’est pas aujourd’hui un fervent partisan du développement durable ou de la transition écologique ? D’où le titre de cette décade avec son pluriel accompagné d’un point d’interrogation...

Agrégée, docteur et HDR en philosophie, Corine Pelluchon est spécialiste de l’œuvre de Léo Strauss et de philosophie morale et politique, Professeure à l’université de Franche-Comté elle consacre une grande partie de ses recherches et de son enseignement aux questions d’éthique appliquée (éthique médicale et biomédicale, éthique animale et éthique environnementale).

Résumé de la communication

Les éthiques environnementales reprochaient aux philosophies de la liberté de concevoir l’environnement comme un simple décor de l’histoire. Pourtant, elles n’ont pas su articuler l’écologie à une philosophie de l’existence ni rénover la démocratie. Cette double tâche constitue le défi de la philosophie de l’environnement aujourd’hui. Celle-ci prend ici la forme la forme d’une phénoménologie du "vivre de" qui s’appuie sur la matérialité de l’existence et la corporéité du sujet, soulignant l’importance de la spatialité et de l’habitation qui est toujours une cohabitation avec les autres hommes et avec les autres espèces. Il est question non de ressources, mais de nourritures, qui désignent tout ce dont nous vivons. Un tel point de départ modifie le sens de l’éthique et de la justice. Non seulement elles ne se bornent pas aux relations entre les hommes actuels, mais, de plus, notre rapport aux nourritures est le lieu originaire de l’éthique. De même, la justice désigne le partage des nourritures et se distingue des théories distributives. Enfin, à partir du moment où l’on reconstruit l’association civile sur un sujet qui "vit de", on comprend que le contrat social ne peut plus être structuré exclusivement par la conciliation des libertés et des intérêts individuels. D’autres objectifs comme la préservation d’un monde habitable entrent dans la définition du bien commun.

 Jean-Jacques WUNENBURGER, philosophe, Les trois âges d’une histoire de l’eau : mythique, positif, écologique
Institut de Recherches Philosophiques de Lyon (IRPHIL)
Date : 21/06/2015
Lieu : CCIC Cerisy
Durée : 50:25
conférence audio

Cette conférence a été donnée dans le cadre du colloque intitulé Rationalités, usages et imaginaires de l’eau qui s’est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 20 au 27 juin 2015, sous la direction de Jean-Philippe PIERRON.

Comprise par la science et maîtrisée par la technique, l’eau serait aujourd’hui "conquise". Cette conquête, assurant l’accès généralisé à une eau propre et en quantité suffisante, du moins sous nos latitudes, soulève de nouvelles questions : nous a-t-elle rendus aveugle à la poétique et au symbolisme qui la concerne, diminuant ainsi les puissances de l’imagination et de la raison pratique face aux défis de la durabilité ?

Ce colloque explorera la nature de cette tension qui connaît la dérive du mépris de "l’eau usée" ou la fascination orphique du grand bleu ; tension fraternelle avec le milieu environnant qui oppose l’explication objective de l’eau en H2O à la compréhension de l’eau comme figure poétique ; tension entre justice sociale et justice environnementale ; tension entre l’eau maîtrisée et l’eau rêvée ; tension entre les intérêts économiques des grandes entreprises internationales responsables de cette conquête et la réclamation de justice écologique et sociale de la part des communautés comme des cultures au sein desquelles ces entreprises travaillent.

Au cœur de notre moment écologique, pouvons-nous développer un nouveau paradigme de rationalité de l’eau — plus complexe que celui qui a étayé sa conquête — capable d’intégrer aux sciences de l’ingénieur les apports de la poésie, de la philosophie, et des sciences humaines, cela au service d’une intelligence pratique renouvelée ?

Jean-Jacques Wunenburger est un philosophe français, spécialiste de l’image et du sacré. Son travail concerne notamment les problèmes de rationalité, d’image, d’imagination et d’imaginaire, ainsi que d’esthétique, de philosophie politique et de philosophie morale.

Résumé de la communication

Vers une nouvelle esthétique et éthique de H2O

Les rapports à l’eau ont connu des évolutions qui ressemblent à trois âges successifs d’un paradigme. Chacun rend possible une certaine expérience quotidienne, des représentations, des valeurs, des normes de l’eau. Jusqu’à l’avènement de l’ère techno-scientifique, l’eau est une matière vitale, ambivalente (pure et impure), imprévisible (en excès ou en défaut), qui ne se maîtrise qu’au prix d’efforts pour la conserver, la canaliser, la transporter. Le progrès moderne l’arraisonne pour en faire un bien pérenne, hygiénique, de proximité, à disposition quasi illimitée, mais au prix d’une industrialisation et souvent d’une privatisation des coûts. La crise écologique, l’épuisement des ressources, les changements climatiques, les cataclysmes, le gaspillage, nous obligent aujourd’hui à repenser et revivre autrement nos rapports avec l’eau. Sans revenir en arrière par réaction technophobe, comment changer de paradigme et retrouver dans l’eau gérée une eau donnée (don), dans l’eau gaspillée une eau partagée, dans une eau accaparée une eau universelle ?

 Nature, culture et bioéthique
Nicolas Chargelègue, Adèle Sueur
18/04/2017
Troisième table-ronde de la Journée d’étude en Philosophie contemporaine, « Dialogues en philosophie contemporaine » Philmaster ENS/EHESS organisées par Coline Ferrarato, David Kretz et Lucile Marion le 18 avril 2017.
Nicolas Chargelègue : « Sur les racines de la crise écologique : une lecture critique de Lynn White Jr. »

Dans son article "The Historical Roots of Our Ecologic Crisis", paru en mars 1967 dans la

revue Science, l’historien Lynn White Jr. accuse le christianisme - du moins tel que celui-ci s’est conçu lui-même jusqu’à présent - d’avoir joué un rôle majeur dans le développement d’une attitude spécifiquement occidentale conduisant à l’exploitation de la nature. Il s’agira d’abord de montrer que cette thèse, qui a suscité un vif débat dans le monde anglo-américain, n’est pas homogène. Si le point de départ de Lynn White est indiscutablement historique, ses réflexions empruntent à d’autres domaines que nous préciserons afin d’en mieux comprendre la portée. Nous tâcherons ensuite d’identifier les
raisons spécifiquement théoriques qui amènent Lynn White à mettre en cause le christianisme.
En discutant ces motifs et les réponses principales qui leur ont été apportées, nous dégagerons une typologie des solutions possibles à cette mise en tension des attitudes écologique et chrétienne. »

Adèle Sueur : "Le concept de dépendance en philosophie contemporaine"

A travers cinq ouvrages de philosophie contemporaine, issus de domaines différents (philosophie sociale, philosophie du vivant, bioéthique), nous essayons de dégager des problèmes communs concernant le concept de "dépendance", sans toutefois nier la spécificité des thèses et des enjeux développés. Le défi est de montrer comment la dépendance de l’homme vis à vis de divers objets (biologiques, sociaux) n’est pas définie comme un état momentané à dépasser ou un état pathologique dont il faut guérir, mais sert à redéfinir une anthropologie ou une ontologie. Par conséquent, "dépendre de" ne serait plus la condition d’une action ou d’un état particulier, mais d’un être. L’enjeu est donc double : contribuer à construire l’épaisseur problématique d’un concept émergent en philosophie contemporaine, et prendre position sur ce que pourrait être une dépendance créative ou créatrice.

 De quelle nature parlons-nous ?
Catherine Larrère
16/11/2015
Conférence donnée par Catherine Larrère dans le cadre des Lundis de la philosophie.

Depuis les années 1970, l’attention portée à la crise environnementale et aux questions écologiques a redonné à la "nature" une place qu’elle avait largement perdue dans l’interrogation philosophique. Mais de quelle nature s’agit-il, comment en parle-t-on, à l’aide de quelques catégories ? Pour comprendre et évaluer les politiques écologiques (de protection de la nature et de prévention des risques), un retour réflexif sur l’idée de nature et la façon dont on s’y réfère est nécessaire, à partir des couples d’opposés avec lesquels nous l’abordons habituellement (nature/société, naturel/artificiel, la nature qui nous environne - localement- et celle qui nous englobe - Gaïa). Mais cela n’est pas suffisant. Ce qu’il convient de faire aujourd’hui, afin de prendre position de façon réfléchie dans le débat sur l’écologie, c’est d’en éclairer philosophiquement les catégories.