La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Crainte, superstition et despotisme

Causes du despotisme

Introduction : la peur

[violet]Exemple cinématographique : M Le Maudit
[/violet] : le silence et la peur

1. La corruption
[violet]Quel est le modèle sous-jacent à l’expression de "régime corrompu" ? Quelle conception du politique s’en dégage ? Peut-on parler d’analogie ? (Définir le terme d’analogie) Mécanique ? Organique ? Expliquez et justifiez vos réponses.[/violet]

2. La question de l’honneur et de la crainte : dans la scène de ce film "Les affranchis", qu’est-ce qui distingue la vertu de l’honneur ? Quel est le type de régime qui correspond à la mafia ? Peut-on vraiment parler de régime compte-tenu de sa fragilité ? Qu’est-ce que cela nous apprend à propos de la démocratie ?
Les Affranchis (Goodfellas) est un film de gangsters américain réalisé par Martin Scorsese en 1990. Le film est basé sur le livre Wiseguy, de Nicholas Pileggi racontant l’histoire vraie de Henry Hill. Pileggi participa à l’écriture du scénario avec Martin Scorsese.

[violet]Dans cette scène , Tommy nous dit qu’il va raconter une histoire plutôt "marrante", mais qu’est ce qui est "marrant" ?[/violet]

  • Analyse de la crainte
[violet] [1] Si les hommes pouvaient régler toutes leurs affaires suivant un dessein arrêté ou encore si la fortune leur était toujours favorable, ils ne seraient jamais prisonniers de la superstition. Mais souvent réduits à une extrémité telle qu’ils ne savent plus que résoudre, et condamnés, par leur désir sans mesure des biens incertains de fortune, à flotter presque sans répit entre l’espérance et la crainte, ils ont très naturellement l’âme encline à la plus extrême crédulité ; est-elle dans le doute, la plus légère impulsion la fait pencher dans un sens ou dans l’autre, et sa mobilité s’accroît encore quand elle est suspendue entre la crainte et l’espoir, tandis qu’à ses moments d’assurance elle se remplit de jactance et s’enfle d’orgueil.[/violet]

  Le texte commence par deux hypothèses radicales : les repérer.

  • Première hypothèse : les hommes refusent le doute, la délibération. Ils aimeraient que les actions humaines relèvent de la nécessité.
  • Deuxième hypothèse : les hommes souhaitent ne pas subir la contingence
  • Les hommes fuient leur condition historique c’est-à-dire leur naturel qui obéit aux lois temporelles, qui suppose l’incertitude et le doute. Pourquoi aucun homme n’y échappe ?

    Les hommes vont d’un excès à l’autre : expliquer cette attitude. Peut-on dire que c’est une loi naturelle ?

  • Réfléchir au modèle du ballottement. Pourquoi Spinoza fait-il référence "à la dynamique des fluides" dans les sciences physiques ? (faites des recherches sur ce modèle)
  • Distinguer croire et être crédule : la crédulité est-elle conséquence ou cause ? Où nos préjugés puisent-ils leur source ?
  • Les hommes soumis à leurs passions ne sont pas libres. Expliquer.
  • Quelle distinction faire entre hypothèse et supposition à partir de ce premier paragraphe ?
  • [violet][2] Cela, j’estime que nul ne l’ignore, tout en croyant que la plupart s’ignorent eux-mêmes. Personne en effet n’a vécu parmi les hommes sans avoir observé qu’aux jours de prospérité presque tous, si grande que soit leur inexpérience, sont pleins de sagesse, à ce point qu’on leur fait injure en se permettant de leur donner un conseil ; que dans l’adversité, en revanche, ils ne savent plus où se tourner, demandent en suppliant conseil à tous et sont prêts à suivre tout avis qu’on leur donnera, quelque inepte, absurde ou inefficace qu’il puisse être [1]. On remarque en outre que les plus légers motifs leur suffisent pour espérer un retour de fortune, ou retomber dans les pires craintes. Si en effet, pendant qu’ils sont dans l’état de crainte, il se produit un incident qui leur rappelle un bien ou un mal passés, ils pensent que c’est l’annonce d’une issue heureuse ou malheureuse et pour cette raison, bien que cent fois trompés, l’appellent un présage favorable ou funeste. Qu’il leur arrive maintenant de voir avec grande surprise quelque chose d’insolite, ils croient que c’est un prodige manifestant la colère des Dieux ou de la suprême Divinité ; dès lors ne pas conjurer ce prodige par des sacrifices et des vœux devient une impiété à leurs yeux d’hommes sujets à la superstition et contraires à la religion. De la sorte ils forgent d’innombrables fictions et, quand ils interprètent la Nature, y découvrent partout le miracle comme si elle délirait avec eux.[/violet]

    [violet]Définir la superstition à partir du texte[/violet]

    [3] En de telles conditions nous voyons que les plus adonnés à tout genre de superstition ne peuvent manquer d’être ceux qui désirent sans mesure des biens incertains ; tous, alors surtout qu’ils courent des dangers et ne savent trouver aucun secours en eux-mêmes, implorent le secours divin par des vœux et des larmes de femmes, déclarent la Raison aveugle (incapable elle est en effet de leur enseigner aucune voie assurée pour parvenir aux vaines satisfactions qu’ils recherchent) et traitent la sagesse humaine de vanité ; au contraire les délires de l’imagination, les songes et les puériles inepties leur semblent être des réponses divines ; bien mieux, Dieu a les sages en aversion ; ce n’est pas dans l’âme, c’est dans les entrailles des animaux que sont écrits ses décrets, ou encore ce sont les insensés, les déments, les oiseaux qui, par un instinct, un souffle divin, les font connaître. Voilà à quel point de déraison la crainte porte les hommes.

    [4] La cause d’où naît la superstition, qui la conserve et l’alimente, est donc la crainte ; que si, outre les raisons qui précèdent, on demande des exemples, je citerai Alexandre : alors seulement qu’aux portes de Suse il conçut des craintes sur sa fortune, il donna dans la superstition et eut recours à des devins (voir Quinte-Curce, liv. V, § 4) ; après sa victoire sur Darius, il cessa de consulter devins et aruspices, jusqu’au jour de grande anxiété où, abandonné des Bactriens, provoqué au combat par les Scythes, immobilisé lui-même par sa blessure, il retomba (ce sont les propres paroles de Quinte-Curce, liv. VII ; § 7) dans la superstition qui sert de jouet à l’esprit humain, et chargea Aristandre, en qui reposait sa crédulité, de savoir par des sacrifices quelle tournure prendraient ses affaires. On pourrait donner ici de très nombreux exemples mettant le fait en pleine évidence : les hommes ne sont dominés par la superstition qu’autant que dure la crainte, le vain culte auquel ils s’astreignent avec un respect religieux ne s’adresse qu’à des fantômes, aux égarements d’imagination d’une âme triste et craintive, les devins enfin n’ont jamais pris plus d’empire sur la foule et ne se sont jamais tant fait redouter des rois que dans les pires situations traversées par l’État ; mais cela étant, à ce que je crois, suffisamment connu de tous, je n’insisterai pas.

    [5] De la cause que je viens d’assigner à la superstition, il suit clairement que tous les hommes y sont sujets de nature (et ce n’est pas, quoi qu’en disent d’autres, parce que tous les mortels ont une certaine idée confuse de la divinité). On voit en outre qu’elle doit être extrêmement diverse et inconstante, comme sont diverses et inconstantes les illusions qui flattent l’âme humaine et les folies où elle se laisse entraîner ; qu’enfin l’espoir, la haine, la colère et la fraude peuvent seuls en assurer le maintien, attendu qu’elle ne tire pas son origine de la Raison, mais de la Passion seule et de la plus agissante de toutes. Autant par suite les hommes se laissent facilement prendre par tout genre de superstition, autant il est difficile de faire qu’ils persistent dans la même ; bien plus, le vulgaire demeurant toujours également misérable, il ne peut jamais trouver d’apaisement, et cela seul lui plaît qui est nouveau et ne l’a pas encore trompé ; c’est cette inconstance qui a été cause de beaucoup de troubles et de guerres atroces ; car, cela est évident par ce qui précède, et Quinte-Curce en a fait très justement la remarque (liv. IV, chap. X) nul moyen de gouverner la multitude n’est plus efficace que la superstition. Par où il arrive qu’on l’induit aisément, sous couleur de religion, tantôt àadorer les rois comme des dieux, tantôt à les exécrer et à les détester comme un fléau commun du genre humain.

    [6] Pour éviter ce mal, on s’est appliqué avec le plus grand soin à entourer la religion, vraie ou fausse, d’un culte et d’un appareil propre à lui donner dans l’opinion plus de poids qu’à tout autre mobile et à en faire pour toutes les âmes l’objet du plus scrupuleux et plus constant respect. Ces mesures n’ont eu nulle part plus d’effet que chez les Turcs où la discussion même passe pour sacrilège et où tant de préjugés pèsent sur le jugement que la droite Raison n’a plus de place dans l’âme et que le doute même est rendu impossible.

    Spinoza : Traité Théologico Politique Préface

     Cause politique de la corruption

    Les principes des trois gouvernements : Montesquieu

    Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, règlent ou contiennent tout. Mais dans un état populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU.

    Ce que je dis est confirmé par le corps entier de l’histoire, et très conforme à la nature des choses. Car il est clair que dans une monarchie où celui qui fait exécuter les lois se juge au-dessus des lois, on a besoin de moins de vertu que dans un gouvernement populaire où celui qui fait exécuter les lois sent qu’il y est soumis lui-même et qu’il en portera le poids.

    Il est clair encore que le monarque qui, par mauvais conseil ou par négligence, cesse de faire exécuter les lois, peut aisément réparer le mal : il n’a qu’à changer de conseil, ou se corriger de cette négligence même. Mais lorsque, dans un gouvernement populaire, les lois ont cessé d’être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la république, l’Etat est déjà perdu.

     > question : Quelle est la faiblesse de la démocratie ?

    Quand Sylla voulut rendre à Rome la liberté, elle ne put plus la recevoir : elle n’avait plus qu’un faible reste de vertu ; et comme elle en eut toujours moins, au lieu de se réveiller après César, Tibère, Caïus, Claude, Néron, Domitien, elle fut toujours plus esclave : tous les coups portèrent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie.

    Les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient pas d’autre force qui pût le soutenir que celle de la vertu. Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses, et de luxe même.

    Lorsque cette vertu cesse, l’ambition entre dans les coeurs qui peuvent la recevoir, et l’avarice entre dans tous. Les désirs changent d’objets : ce qu’on aimait, on ne l’aime plus ; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles ; chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte. C’est la frugalité qui y est l’avarice, et non pas le désir d’avoir. Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public ; mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers. La république est une dépouille ; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous.

    Montesquieu

    Des principes des trois gouvernements, chapitre 3, Du principe de la démocratie)