La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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Epreuves HLP Premières. Exemples de sujets. Sujets 0 et sujets 2022 | 2023

Humanités, littérature et philosophie

ATTENDUS DES ÉPREUVES ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION

EXEMPLES DE SUJETS

SUJETS 0

THEME 1 : L’ART DE LA PAROLE

SUJET 1

Socrate, mis en scène par Platon, s’entretient avec le sophiste Gorgias sur son métier, qui consiste à enseigner la rhétorique. Il répond ici au jeune Polos, qui assiste à la discussion, et veut connaître la définition que donne Socrate de la rhétorique. La cuisine, donc, est la forme de flatterie qui s’est insinuée sous la médecine. Et, selon ce même schéma, sous la gymnastique, c’est l’esthétique qui s’est glissée ; l’esthétique, chose malhonnête, trompeuse, vulgaire, servile et qui fait illusion en se servant de talons et de postiches, de fards, d’épilations et de vêtements ! La conséquence de tout cela est qu’on s’affuble d’une beauté d’emprunt et qu’on ne s’occupe plus de la vraie beauté du corps que donne la gymnastique.

Bon, pour ne pas être trop long, je veux te parler à la façon des géomètres – peut-être comme cela pourras-tu suivre. Voici : l’esthétique est à la gymnastique ce que la cuisine est à la médecine. Ou plutôt, il faudrait dire que l’esthétique est à la gymnastique ce que la sophistique est à la législation ; et encore, que la cuisine est à la médecine ce que la rhétorique est à la justice. Certes, je tiens à dire qu’il y a une différence de nature entre la rhétorique et la sophistique, mais puisque rhétorique et sophistique sont deux pratiques voisines, on confond les sophistes et les orateurs ; en effet, ce sont des gens qui ont le même terrain d’action et qui parlent des mêmes choses. Eux-mêmes, d’ailleurs, ne savent pas à quoi ils peuvent servir, et personne autour d’eux ne le sait davantage. De toute façon, si l’âme n’était pas là pour surveiller le corps, si le corps était laissé à lui-même, si la cuisine et la médecine n’étaient plus ni reconnues ni distinguées par l’âme, et si c’était au corps de décider ce qu’elles étaient en mesurant les plaisirs qu’il y trouverait alors […] toutes les réalités seraient confondues pêle-mêle et reviendraient au même, on ne pourrait plus distinguer la médecine ni de la santé ni de la cuisine. – Voilà, je viens de dire ce qu’est la rhétorique. Tu as bien entendu : elle correspond dans l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps.
PLATON, Gorgias, 465 b – e, traduction de Monique Canto-Sperber, in PLATON, œuvres
complètes, sous la direction de Luc Brisson, Flammarion, 2008.

Question d’interprétation philosophique

Comment se construit ici la différence entre ce qui est nommé « flatterie » et ce qui constitue un art véritable et, en particulier, que signifie la phrase : « elle [la rhétorique] correspond dans l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps » ?

Question de réflexion littéraire

Selon vous, l’art de la parole est-il forcément au service de la flatterie et du mensonge ?

[blanc]Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.[/blanc]

SUJET 2
George Dandin, paysan fortuné, a épousé la fille d’une famille noble et désargentée. Son épouse lui est infidèle et ses beaux-parents, Monsieur et Madame de Sotenville, le méprisent.

GEORGE DANDIN. Puisqu’il faut parler catégoriquement, je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j’ai lieu de…
M. DE SOTENVILLE. Doucement, mon gendre. Apprenez qu’il n’est pas respectueux d’appeler les gens par leur nom, et qu’à ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire Monsieur tout court.
GEORGE DANDIN. Hé bien, Monsieur tout court, et non plus Monsieur de Sotenville, j’ai à vous dire que ma femme me donne…
M. DE SOTENVILLE. Tout beau. Apprenez que vous ne devez pas dire ma femme, quand vous parlez de notre fille.
GEORGE DANDIN. J’enrage. Comment, ma femme n’est pas ma femme ?
MME DE SOTENVILLE. Oui, notre gendre, elle est votre femme, mais il ne vous est pas permis de l’appeler ainsi, et c’est tout ce que vous pourriez faire, si vous aviez épousé l’une de vos pareilles.
GEORGE DANDIN. Ah ! George Dandin, où t’es-tu fourré ? Et de grâce, mettez pour un moment votre gentilhommerie à côté et souffrez que je vous parle maintenant comme je pourrai. Au diantre soit la tyrannie de toutes ces histoires-là. Je vous dis donc que je suis mal satisfait de mon mariage.
M. DE SOTENVILLE. Et la raison, mon gendre ?
MME DE SOTENVILLE. Quoi, parler ainsi d’une chose dont vous avez tiré si grand avantage ?
GEORGE DANDIN. Et quels avantages, Madame, puisque Madame y a ? L’aventure n’a pas été mauvaise pour vous, car sans moi, vos affaires, avec votre permission, étaient fort délabrées, et mon argent a servi à reboucher d’assez bons trous ; mais moi de quoi y ai-je profité, que d’un allongement de nom, et au lieu de George Dandin, d’avoir reçu par vous le titre de Monsieur de la Dandinière ?
MOLIÈRE, George Dandin ou le Mari confondu, acte I, scène 4, 1668


Question d’interprétation littéraire

Selon vous, qui domine dans le dialogue ci-dessus ?

Question de réflexion philosophique

La parole peut-elle être une arme sociale ?

[blanc]Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.[/blanc]

THÈME 2 : LES REPRÉSENTATIONS DU MONDE

SUJET 1

Déçu par ses études, dont il fait le bilan, le philosophe Descartes décide de voyager.

[J]’employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m’éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentaient, que j’en pusse tirer quelque profit. car il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de vérité, dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont l’événement le doit punir bientôt après, s’il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet, touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d’autre conséquence, sinon que peut-être il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu’il aura dû employer d’autant plus d’esprit et d’artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. Et j’avais toujours un extrême désir d’apprendre à distinguer le vrai d’avec le faux, pour voir clair en mes actions, et marcher avec assurance en cette vie. Il est vrai que, pendant que je ne faisais que considérer les mœurs des autres hommes, je n’y trouvais guère de quoi m’assurer, et que j’y remarquais quasi autant de diversité que j’avais fait auparavant entre les opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j’en retirais était que, voyant plusieurs choses qui, bien qu’elles nous semblent fort extravagantes et ridicules, ne laissent pas d’être communément reçues et approuvées par d’autres grands peuples, j’apprenais à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m’avait été persuadé que par l’exemple et par la coutume, et ainsi je me délivrais peu à peu de beaucoup d’erreurs, qui peuvent offusquer notre lumière naturelle, et nous rendre moins capables d’entendre raison.
DESCARTES, Discours de la méthode, I, 1637

Question d’interprétation philosophique
Quels bénéfices Descartes retire-t-il de ses voyages ?

Question de réflexion littéraire
Lire un récit de voyage, est-ce découvrir une autre culture ?

[blanc]Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.[/blanc]

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SUJET 2

UN ANIMAL DANS LA LUNE
[…]
J’aperçois le Soleil : quelle en est la figure ?
Ici-bas ce grand corps n’a que trois pieds de tour :
Mais si je le voyais là-haut dans son séjour,
Que serait-ce à mes yeux que l’œil de la Nature ?
Sa distance me fait juger de sa grandeur :
Sur l’angle et les côtés ma main la détermine ;
L’ignorant le croit plat, j’épaissis sa rondeur ;
Je le rends immobile, et la terre chemine.
Bref, je démens mes yeux en toute sa machine.
Ce sens ne me nuit point par son illusion.
Mon âme en toute occasion
Développe le vrai caché sous l’apparence.
Je ne suis point d’intelligence
Avecque mes regards peut-être un peu trop prompts,
Ni mon oreille lente à m’apporter les sons.
Quand l’eau courbe un bâton, ma raison le redresse,
La raison décide en maîtresse.
Mes yeux, moyennant ce secours,
Ne me trompent jamais, en me mentant toujours.
Si je crois leur rapport, erreur assez commune,
Une tête de femme est au corps de la Lune.
Y peut-elle être ? Non. D’où vient donc cet objet ?
Quelques lieux inégaux font de loin cet effet.
La Lune nulle part n’a sa surface unie :
Montueuse en des lieux, en d’autres aplanie,
L’ombre avec la lumière y peut tracer souvent
Un Homme, un Bœuf, un Éléphant.
[…]
Jean DE LA FONTAINE, Fables, livre VII, 1678

Question d’interprétation littéraire :
Cette fable ne fait-elle que célébrer une représentation rationnelle de l’univers ?

Question de réflexion philosophique :
L’imagination et la raison s’opposent-elles, dans la construction de la connaissance ?

[blanc]Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.[/blanc]

**Epreuves HLP terminales 2023

SUJETS du BACCALAUREAT

Célestine, personnage de fiction, est femme de chambre. Après des services pénibles et humiliants chez de mauvais maîtres, elle est engagée par une vieille dame qui s ’efforce d’adoucir l’agonie de Georges, son petit-fils tuberculeux, âgé de 19 ans. M. Georges adorait les vers… Des heures entières, sur la terrasse, au chant de la mer, ou bien, le soir, dans sa chambre, il me demandait de lui lire des poèmes de Victor Hugo, de Baudelaire, de Verlaine, de Maeterlinck. Souvent, il fermait les yeux, restait immobile, les mains croisées sur sa poitrine, et croyant qu’il s’était endormi, je me taisais… Mais il souriait et il me disait :5— Continue, petite… Je ne dors pas… J’entends mieux ainsi ces vers... j’entends mieux ainsi ta voix… Et ta voix est charmante…Parfois, c’est lui qui m’interrompait. Après s’être recueilli, il récitait lentement, en prolongeant les rythmes, les vers qui l’avaient le plus enthousiasmé, et il cherchait —ah ! que je l’aimais de cela ! — à m’en faire comprendre, à m’en faire sentir la beauté…Un jour il me dit… et j’ai gardé ces paroles comme une relique :— Ce qu’il y a de sublime, vois-tu, dans les vers, c’est qu’il n’est point besoin d’être un savant pour les comprendre et pour les aimer... au contraire... Les savants ne les comprennent pas et, la plupart du temps, ils les méprisent, parce qu’ils ont trop d’orgueil... Pour aimer les vers, il suffit d’avoir une âme… une petite âme toute nue,15comme une fleur… Les poètes parlent aux âmes des simples, des tristes, des malades... Et c’est en cela qu’ils sont éternels… Sais-tu bien que, lorsqu’on a de la sensibilité, on est toujours un peu poète ?… Et toi-même, petite Célestine, souvent tu m’as dit des choses qui sont belles comme des vers…— Oh !… monsieur Georges… vous vous moquez de moi…— Mais non !… Et tu n’en sais rien que tu m’as dit ces choses belles… Et c’est ce qui est délicieux…Ce furent pour moi des heures uniques ; quoi qu’il arrive de la destinée, elles chanteront dans mon cœur, tant que je vivrai… J’éprouvai cette sensation, indiciblement douce, de redevenir un être nouveau, d’assister, pour ainsi dire, de 25minute en minute, à la révélation de quelque chose d’inconnu de moi et qui, pourtant, était moi… Et, aujourd’hui, malgré de pires déchéances, toute reconquise que je sois par ce qu’il y a en moi de mauvais et d’exaspéré, si j’ai conservé ce goût passionné pour la lecture, et, parfois, cet élan vers des choses supérieures à mon milieu social et à moi-même, si, tâchant à reprendre confiance en la spontanéité de ma nature, j’ai osé, moi, ignorante de tout, écrire ce journal, c’est à M. Georges que je le dois…

Octave Mirbeau, Le Journal d’une femme de chambre, chapitre VII, (1900)

  1. Interprétation littéraire : Dans cet extrait, comment la poésie permet-elle à l’héroïne de « redevenir un être nouveau » ?
  2. Essai philosophique :Le savoir nuit-il à la sensibilité ?

Ce qu’on appelle le « moi ».La langue et les préjugés sur lesquels elle est fondée sont souvent des obstacles pour sonder nos processus internes et nos pulsions, notamment parce qu’il n’existe véritablement de mot que pour les degrés superlatifs de ces processus et de ces pulsions. Or, là où les mots nous manquent, nous sommes accoutumés à ne plus faire d’observations précises parce5qu’il nous est pénible alors de penser avec précision ; et même autrefois on décidait sans trop réfléchir que là où cesse le royaume des mots cesse également le royaume de l’être. La colère, la haine, l’amour, la pitié, le désir, la connaissance, la joie et la douleur, autant de noms pour des états extrêmes : les degrés intermédiaires et atténués, et même les degrés inférieurs toujours présents, nous échappent, et pourtant10ce sont eux justement qui tissent la toile de notre caractère et de notre destin. Ces manifestations extrêmes – et même le moindre plaisir ou déplaisir dont nous sommes conscients, quand nous mangeons, quand nous entendons un son, est peut-être encore, tout bien pesé, une de ces manifestations extrêmes – déchirent fréquemment la toile et constituent alors des exceptions violentes, la plupart du temps sans doute à15la suite d’une accumulation, et à quel point elles peuvent, comme telles, égarer l’observateur ! Guère moins qu’elles ne le font pour l’être agissant. Nous sommes tous autre chose que ce que nous paraissons du fait des états pour lesquels seuls nous disposons de conscience et de mots – et par conséquent d’éloge et de blâme. Nous nous méconnaissons à cause de ces manifestations grossières qui seules nous sont20connues, nous tirons une conclusion d’un matériau dans lequel les exceptions l’emportent sur la règle, nous lisons de travers cet alphabet apparemment tout à fait lisible de notre moi. Or cette opinion sur nous-mêmes, que nous avons trouvée par cette mauvaise voie, ce qu’on appelle le « moi », ne laisse pas de participer de notre caractère et de notre destin.25Nietzsche, Aurore(1881), trad. Éric Blondel.

  1. Interprétation philosophique : D’après ce texte pourquoi sommes-nous tous autre chose que ce que nous paraissons être ?
  2. Essai littéraire : La littérature permet-elle de déchiffrer « l’alphabet […] de notre moi »

**Epreuves HLP terminales 2022

SUJETS du BACCALAUREAT

SUJETS en ligne /

 SUJET 1 :
Première partie : interprétation littéraire « L’affaire Narcisse » : comment votre lecture du poème éclaire-t-elle ce titre ?
Deuxième partie : essai philosophique Se connaître soi-même, est-ce se découvrir « pièce unique » ?
 SUJET 2
Première partie : interprétation philosophique D’après l’auteur, qu’est-ce qui explique la permanence de la violence dans l’histoire ?
Deuxième partie : question d’essai littéraire La littérature et les arts naissent-ils de « l’appétit de catastrophe » des hommes ?

Cette ressource prend appui sur le sujet zéro n°31 qui porte sur le thème 2 : Les représentations du monde

Déçu par ses études, dont il fait le bilan, le philosophe Descartes décide de voyager.
FICHE EDUSCOL

C’est pourquoi, sitôt que l’âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs(1), je quittai entièrement l’étude des lettres. Et me résolvant de ne chercher plus d’autre science, que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j’employai le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m’éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentaient, que j’en pusse tirer quelque profit. Car il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de vérité, dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont l’événement le doit punir bientôt après, s’il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet, touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d’autre conséquence, sinon que peut-être il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu’il aura dû employer d’autant plus d’esprit et d’artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. Et j’avais toujours un extrême désir d’apprendre à distinguer le vrai d’avec le faux, pour voir clair en mes actions, et marcher avec assurance en cette vie. Il est vrai que, pendant que je ne faisais que considérer les mœurs des autres hommes, je n’y trouvais guère de quoi m’assurer, et que j’y remarquais quasi autant de diversité que j’avais fait auparavant entre les opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j’en retirais était que, voyant plusieurs choses qui, bien qu’elles nous semblent fort extravagantes et ridicules, ne laissent pas d’être communément reçues et approuvées par d’autres grands peuples, j’apprenais à ne rien croire trop fermement de ce qui ne m’avait été persuadé que par l’exemple et par la coutume, et ainsi je me délivrais peu à peu de beaucoup d’erreurs, qui peuvent offusquer(2) notre lumière naturelle, et nous rendre moins capables d’entendre raison.

DESCARTES, Discours de la méthode, I, 1637
(1) « La sujétion de mes précepteurs » : la tutelle, l’autorité de mes maîtres
(2) « Offusquer » : choquer, aller à l’encontre de
 Question d’interprétation philosophique
Quels bénéfices Descartes retire-t-il de ses voyages ?
 Question de réflexion littéraire
Lire un récit de voyage, est-ce découvrir une autre culture ?
Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.

Attendus pour la question d’interprétation philosophique : Quels bénéfices Descartes retire-t-il de ses voyages ?
a. Cet extrait du Discours de la méthode permet d’expliciter et de préciser les orientations générales de cette épreuve :
 les textes retenus sont riches d’une complexité, parfois d’une équivocité, qui explique et qui justifie le travail d’interprétation que l’on attend des élèves ;
 du point de vue de la discipline Philosophie, « interprétation » s’entend en un sens très ouvert : il s’agit d’étudier et de dégager le sens d’ensemble du texte, en allant sans technicité à ses grandes lignes et à ses déterminations principales ; ce faisant, il s’agit aussi de se rendre attentif à sa lettre même, et à certains de ses éléments significatifs ; l’interprétation n’est pas dissociable de la lecture et d’une attention précise portée au texte ; le texte n’est pas le prétexte à un discours d’ordre général, thématique ou notionnel – il est l’objet même du travail d’interprétation ;
 négativement dit : de même qu’on n’attend pas des élèves qu’ils traitent la « question de réflexion » ou « l’essai » en produisant une dissertation, on n’attend pas non plus d’eux qu’ils produisent ici une explication d’ensemble du texte, comme ils apprennent à le faire en vue des épreuves de philosophie de la classe terminale (ils sont alors tenus, par la nature même de l’exercice, à restituer le cheminement et les articulations logique du texte – les « étapes de l’argumentation ») ; on n’attend donc pas d’eux une exhaustivité illusoire, mais la pertinence d’une lecture ; et cela, a fortiori en classe de première, lorsqu’on a affaire à des élèves qui débutent dans cet enseignement, et qui disposent pour les épreuves de fin de première d’un temps court ;
 il n’y a pas pour cet exercice de modèle formel unique explicitement ou implicitement attendu ; c’est a posteriori, en considérant le travail concret de compréhension, que l’on évalue les productions des élèves ; les évaluations tiennent compte de cette pluralité d’approches.
b. Une lecture attentive du texte conduit à ouvrir plusieurs perspectives de lecture et de compréhension :
 s’agissant de l’énoncé même du sujet – qui a été choisi pour simplicité – les élèves pourront être attentifs au terme même de « bénéfices » : il entre en résonance avec celui de « profit » qui apparaît à la fin du texte ; s’il est utilisé ici au pluriel c’est au regard d’une série variée dont l’unité ne va pas de soi, et peut-être questionnée.
 l’attention portée au contexte critique dans lequel se déploie le propos de Descartes leur sera aussi utile. Le texte évoque en effet : un moment charnière (« sitôt que l’âge… ») ; une situation de contrainte (« la sujétion de mes précepteurs ») dont il s’agit de « sortir » ; des expériences et des rencontres qui sont des « épreuves », en un sens qui pourra être questionné.
 sans donner un sens trop précis et trop technique à la formule initiale, « quitter l’étude des lettres » (pas davantage au terme « spéculation » qui se trouve plus bas dans le texte), l’opposition que le texte met en place entre « l’étude des lettres » et la recherche d’une science – celle de l’on trouverait en soi-même ou celle qu’on l’on trouverait « dans le grand livre du monde » – peut donner lieu à une interrogation très ouverte : pourquoi faudrait-il quitter l’étude des lettres ? en quoi celle-ci fait-elle obstacle à la connaissance ? quel sens donner ici au terme de « science » ? quel rapport y a-t-il entre rechercher la science en soi-même et la rechercher dans le grand livre du monde ?
s’agit-il de la même activité sous deux noms différents, ou de deux activités différentes
et complémentaires ?
 on n’attendra pas des élèves qu’ils parcourent l’ensemble de ces questions, et pas davantage qu’ils y répondent, mais en tout premier lui qu’ils s’y rendent d’une manière ou d’une autre sensibles (au moins à l’une d’entre elles, en approfondissant alors la recherche) et qu’ils formulent l’une ou l’autre de ces interrogations. Pour ce faire (où l’élève pourra manifester la précision de la lecture) il serait pertinent d’associer les éléments figurant au début du texte et ceux qui suivent : « l’étude des lettres » avec « ce que fait un homme de lettres dans son cabinet » ; la recherche « en soi-même » avec la possibilité offerte par les « rencontres que la fortune me proposait » de s’« éprouver soi-même ».
 la lecture de ce texte pourra aussi permettre de préciser et de questionner la notion même de connaissance, ou de vérité. Car s’il s’agit de rechercher une science, il s’agit aussi de « voir clair en mes actions », de « marcher avec assurance dans cette vie » : la vérité que l’on recherche est-elle d’ordre simplement théorique ? est-elle d’ordre pratique (Descartes évoque aussi les « punitions » de la pratique) ? selon quelle relation entre ces ordres peut-être différents ?
 la question du bénéfice pourra être examinée en considérant la dernière partie du texte : qu’auront apporté en effet les expériences, les rencontres – celles des cours, des armées, des gens de diverses humeurs et conditions, de diverses expériences ? C’est le terme même que « croyance », qui apparaît à la fin du texte, que les élèves gagneront à questionner. Car s’il s’agit de « discerner le vrai du faux » (où s’actualise une certaine forme de désir), le voyage vient surtout transformer la manière de croire : ne rien croire trop fermement – où il y a va encore d’une croyance (et sans doute pas encore d’une science) mais d’une croyance dont la modalité même se trouve déplacée par le voyage ou plutôt par l’expérience qu’il rend possible. Ne pas croire « trop fermement », c’est croire encore.