P.S. : La parodie d’un serment : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Aristophane/Lysistrata.htm
LAMPITO. - Pour nous, nous saurons bien décider nos maris à faire la paix franchement et sans détour. Mais la cohue athénienne, comment lui persuader de ne pas extravaguer ?
LYSISTRATA. - Sois sans inquiétude, nous saurons bien persuader les nôtres.
LAMPITO - N’y compte pas, tant que leurs trirèmes seront leur passion, et qu’on gardera des sommes immenses dans le temple de Minerve (21).
LYSISTRATA. - J’ai pourvu aussi à ce danger ; nous nous emparerons aujourd’hui de la citadelle. Tandis que nous sommes ici à nous concerter, les femmes les plus âgées ont ordre de s’en emparer, sous le prétexte d’un sacrifice à faire.
LAMPITO. - Tout ira bien, car ce que tu dis n’est pas moins bien.
LYSISTRATA. Pourquoi donc, Lampito, ne pas nous engager au plus tôt par un serment inviolable ?
LAMPITO. - Prononce le serment ; nous jurerons ensuite.
LYSISTRATA. Tu as raison. Où est la femme scythe (22) ? Que regardes-tu ? Pose ici, devant nous, le bouclier renversé, et qu’on m’apporte les victimes.
MYRRHINE. - Lysistrata, par quel serment vas-tu donc nous engager ?
LYSISTRATA, - Tu le demandes ? Sur un bouclier noir, comme autrefois fit, dit-on, Eschyle (23), et sur une brebis immolée.
MYRRHINE. - Mais, Lysistrata, ne jure pas sur un bouclier, quand il s’agit de la paix !
LYSISTRATA. - Quel sera donc notre serment ?
MYRRHINE. - Si nous prenions un cheval blanc comme victime, pour l’immoler ?
LYSISTRATA. - Où trouver un cheval blanc ?
MYRRHINE. - Sur quoi jurerons-nous donc ?
LYSISTRATA. - Je vais te le dire, si tu veux. Plaçons là une grande coupe noire (24) ; immolons dedans une amphore de vin de Thasos, et jurons de n’y mettre jamais d’eau.
LAMPITO. - Ah ! le beau serment ! je ne saurais dire à quel point je l’approuve.
LYSISTRATA. - Qu’on apporte une coupe et une amphore.
CALONICE. - O chères amies, quelle énorme cruche ! comme cette coupe va répandre la joie !...
LYSISTRATA. - Pose-la, et mets la main sur la victime. Persuasion souveraine, et toi, coupe de l’amitié, recevez ce sacrifice, et soyez favorables aux vœux des femmes !
MYRRHINE. Quel beau sang ! que la couleur en est vermeille !
LAMPITO. - Par Castor, il a un bouquet délicieux.
LYSISTRATA.- O femmes, laissez-moi jurer la première !
MYRRHINE. - Non, par Vénus ! il faut tirer au sort (25).
LYSISTRATA. - Lampito, et vous autres, mettez toutes la main sur la coupe, et qu’une seule répète en votre nom ce que je vais dire ; vous ferez le même serment, et vous vous obligerez à l’observer : Aucun amant ni aucun époux...
MYRRHINE. - « Aucun amant ni aucun époux... »
LYSISTRATA. - Ne pourra m’approcher... Répète.
MYRRHINE. - « Ne pourra m’approcher... » Ah ! mes genoux fléchissent Lysistrata !
LYSISTRATA. - Je mènerai chez moi une vie chaste...
MYRRHINE. « Je mènerai chez moi une vie chaste... »
LYSISTRATA. - Vêtue de robe légère, et parée...
MYRRHINE. - « Vêtue de robe légère, et parée... »
LYSISTRATA. - Afin d’exciter les désirs de mon époux.
MYRRHINE. - « Afin d’exciter les désirs de mon époux. »
LYSISTRATA. - Jamais je ne m’y prêterai de bon gré.
MYRRHINE.- « Jamais je ne m’y prêterai de bon gré. »
LYSISTRATA. - Et s’il me prend de force...
MYRRHINE. - « Et s’il me prend de force... »
LYSISTRATA. - Je ne ferai rien que de mauvaise grâce et avec froideur.
MYRRHINE. - « Je ne ferai rien que de mauvaise grâce et avec froideur. »
LYSISTRATA. - Je n’élèverai pas mes pieds au plafond.
MYRRHINE. - « Je n’élèverai pas mes pieds au plafond. »
LYSISTRATA. - Je ne m’accroupirai pas comme la figure de lionne qu’on met sur les manches de couteau.
MYRRHINE. - « Je ne m’accroupirai pas comme la figure de lionne qu’on met sur les manches de couteau. »
LYSISTRATA. - Puissé-je boire de ce vin, si je reste fidèle à mon serment !
MYRRHINE. - « Puissé-je boire de ce vin, si je reste fidèle à mon serment ! »
LYSISTRATA. - Si je l’enfreins, que cette coupe se remplisse d’eau !
MYRRHINE. - « Si je l’enfreins, que cette coupe se remplisse d’eau ! »
LYSISTRATA. - Le jurez-vous toutes ?
CALONICE. - Oui, nous le jurons.
LYSISTRATA. - Je vais donc sacrifier la victime.
(Elle boit.)
MYRRHINE. - Laisse-m’en un peu, ma chère, pour cimenter désormais notre amitié.
LAMPITO. - Quels sont ces cris ?
LYSISTRATA. - Ce que je vous disais tout à l’heure ce sont les femmes qui s’emparent de la citadelle. Toi, Lampito, va-t’en chez vous mettre ordre à ce qui vous regarde, et laisse-nous celle-ci en otage. Nous, allons nous barricader dans la citadelle, avec les autres femmes qui l’occupent.
MYRRHINE. - Ne penses-tu pas que les hommes vont bientôt accourir contre nous ?
LYSISTRATA. - Je m’en inquiète peu ; ni la flamme ni toutes leurs menaces ne pourront ouvrir ces portes, s’ils n’accèdent à nos conditions.
MYRRHINE. - Par Vénus, non, jamais ; ou ce serait à tort qu’on parlerait de l’opiniâtreté et de la malice des femmes.
(Elles s’en vont.)