sous la vague au large de Kanagawa Titre japonais : Kanagawa oki namiuraKatsushika Hokusai (1760-1849)
- a
- b
- c
- d
- 1
- 2
- 3
- 4
Honmoku au large de Kanagawa
Titre japonais : Kanagawa Oki Honmoku no zu
auteur(s) : Katsushika Hokusai (1760-1849)
dimension : H. 23,3 cm ; L. 35,3 cm
matériaux : Papier
technique : Estampe nishiki-e
provenance : Japon
datation : XIXe siècle
lieu de conservation : Tokyo, Sumida City
Pourquoi « La vague » de Hokusai est-elle si célèbre ?
À la fois très expressive et stylisée, « La vague », comme elle fut surnommée, a tout de suite marqué les artistes et amateurs d’art japonais qui la découvrent à la fin du XIXe siècle. Sobre dans les couleurs (blanc, bleu, un peu de gris), l’estampe mêle des influences occidentales (bleu de Prusse, perspective) à la représentation d’une nature pleine de vie caractéristique de la religion shinto.
Elle a été reproduite à l’infini, sur des objets décoratifs, dans des revues, et a même servi d’illustration de couverture à la partition originale de La Mer de Debussy.
UN DRAME EN MER ?
Le regard est attiré par une énorme vague en arc de cercle.
Deux bateaux de transport de poisson frais en route pour Edo sont ballottés par une mer démontée dont le bleu profond contraste avec le blanc de l’écume [ détail b ] .
Les hommes, à peine visibles, tentent de gouverner leur embarcation. Au loin, bien centré, le mont Fuji, enneigé, forme un petit triangle se détachant sur un ciel de plomb.
Telles des griffes, les extrémités de la vague [ détail c ] semblent vouloir s’attaquer à la montagne imperturbable, alors que la courbe du bateau de l’arrière-plan souligne la base du mont sacré, comme un doigt pointé [ détail d ].
Finalement, quel est le sujet de l’estampe : cette vague impressionnante, les hommes qui luttent ou le mont Fuji ?
UNE PREMIÈRE SÉRIE
L’œuvre appartient à la série des « Trente-six vues du mont Fuji » que Hokusai (1760-1849) réalise entre 1831 et 1834. L’artiste est alors septuagénaire. La série remporte un succès tel que l’artiste et son éditeur Eijudo d’Edo (Tokyo) décident de l’augmenter. Elle comptera quarante-six estampes différentes et connaîtra trois éditions. La première n’exploite que le bleu de Prusse, un peu de gris ou de brun et le blanc du papier, les autres réunissent des estampes de brocart (nishiki-e), c’est-à-dire des œuvres aux couleurs variées [ image 1 ].
Dans les mêmes années, Hokusai crée d’autres séries de paysages sur les cascades, les ponts, la mer, les fleurs, où il utilise abondamment le bleu de Prusse.
Dans la préface des recueils des « Cent vues du mont Fuji » publiés en 1834-1835 [ image 3 ], il écrit que rien de ce qu’il a fait avant ses soixante-dix ans ne mérite que l’on s’y intéressât.
UNE COULEUR ÉTRANGÈRE
Le succès des « Trente-six vues du mont Fuji » au Japon tient autant au culte voué à cette montagne qu’à l’emploi du bleu de Prusse. Appelée berorin au Japon, cette couleur chimique, importée de Hollande en 1829, est adoptée par les peintres japonais dès 1830. Si Hokusai n’est pas le premier à l’employer, il contribuera à son succès en l’utilisant largement. Il le fait pour la première fois dans la série des vues du mont Fuji.
UNE ESTAMPE DE PAYSAGE
Avant Hokusai, le paysage ne constituait pas un genre à part entière. Si l’artiste lui donne ses lettres de noblesse, il faut cependant noter que l’homme y a sa place et y est représenté dans son quotidien souvent le plus banal.
Point culminant du Japon, le mont Fuji est considéré comme sacré et devint l’emblème national du pays. Chanté par les poètes, il est représenté dans maintes peintures. Hokusai le peint très tôt dans ses estampes [ image 2 ]. Cette montagne restera un sujet de prédilection.
L’EAU EN MOUVEMENT
« La vague » marque une étape dans la représentation de l’eau et de son mouvement que Hokusai étudie dès le début de sa carrière [ image 2 ]. Dans le shinto, montagne, arbre, eau, sont des kami, des esprits de la nature. Ils ont une vie intérieure que Hokusai tente de rendre. Réalisée en 1797, la « Vue d’Enoshima au printemps » montre déjà le mont Fuji à l’horizon associé au ressac de la mer au premier plan [ image 2 ], comme « La vague ». Dans « Honmoku au large de Kanagawa » (1804-1807), la vague, beaucoup plus impressionnante, semble vouloir se refermer sur un navire [ image 4 ] .
Le mouvement de l’eau est remarquablement figuré dans les séries sur les cascades (1833) et la mer (1833-1834). Cependant le dessin le plus abouti reste la représentation de l’eau dans les Hokusai Manga.
LES ÉTUDES HOLLANDAISES
Pendant la période d’Edo (1635-1853), le Japon est pratiquement fermé au monde extérieur. Ce protectionnisme presque total, décidé pour protéger le pays de la religion étrangère (christianisme) et des velléités « impérialistes » des Occidentaux, a plusieurs conséquences. Pour rester sous contrôle, les nobles doivent séjourner un an sur deux à Edo, la capitale du shogun, et y laisser leur famille à demeure. La ville se dote de nouveaux quartiers de plaisirs où samouraïs et marchands dépensent leur énergie et leur argent auprès des courtisanes, dans les théâtres (kabuki) et dans des cercles littéraires. C’est dans ce contexte que naissent de nouvelles techniques d’estampage et que les thèmes se diversifient. À vocation religieuse à l’origine, les estampes deviennent d’abord populaires puis de plus en plus chères.
Durant cette période, le Japon n’autorise le commerce qu’avec les Chinois et, parmi les Occidentaux, les seuls Hollandais. C’est à travers ces commerçants que circulent des objets manufacturés (longue-vue, armes à feu…), des ouvrages scientifiques, des gravures… Comme d’autres artistes, Hokusai s’intéresse aux études hollandaises. Dans nombre de ses œuvres, il tente d’intégrer la perspective, le clair-obscur, mais aussi l’idée de cadre et l’écriture horizontale [ image 4 ] .
HOKUSAI ET LE JAPONISME
En 1853, le Japon s’ouvre à l’Occident et révèle sa culture lors des expositions universelles (1861 à Londres, 1867 et 1878 à Paris). Le japonisme naît de cette découverte d’un art qu’on confondait avec celui de la Chine. Les objets arrivent dans des caisses bourrées de papiers de rebut – en fait des livres bon marché et des estampes. Parmi elles, des œuvres de Hokusai, Utamaro, Hiroshige… Très vite, on se les arrache, et elles servent à illustrer des romans et des magazines. En 1896, aidé du jeune marchand et collectionneur japonais Hayashi Tadamasa, Edmond de Goncourt publie la première biographie de Hokusai. Réalisé un peu plus de quarante ans après la mort de l’artiste, cet ouvrage de fond reste une référence.
"url" :"https://www.youtube.com/embed/KbXEyzBN8gc?list=PL9LWAQYUI74vTGKIumoIrCYZzBKK2Yx_M","type" :"rich","providerNameSlug" :"prise-en-charge-des-contenus-embarques","responsive":true,"className" :"wp-embed-aspect-16-9 wp-has-aspect-ratio" —>
Marie-Chistine Duflos
Permalien : https://www.panoramadelart.com/vague-hokusai1
Publié le 01/12/2014