La philosophie dans l’académie de CRETEIL
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ARISTOTE

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Des outils, par ceux qui les utilisent.

anneeserielieuauteur
1996TECHN.MÉTROPOLE + LA RÉUNIONL’être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d’outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main.Aussi, ceux qui disent que l’homme n’est pas bien constitué et qu’il est le moins bien partagé (1) des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et n’a pas d’armes pour combattre) sont dans l’erreur. Car les autres animaux n’ont chacun qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour un autre. L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible (2) d’en changer et même d’avoir l’arme qu’il veut et quand il veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance ou épée ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu’elle est capable de tout saisir et tout tenir.ARISTOTE
(1) "le moins bien partagé" : le moins bien pourvu(2) "il lui est toujours loisible" : il a toujours la possibilité de
QUESTIONS :
1° Dégagez la thèse du texte et les principales étapes de l’argumentation.2° Expliquez : "la main semble bien être non pas un outil mais plusieurs".3° Traitez la question suivante sous forme de développement argumenté : la supériorité de l’homme consiste-t-elle dans sa capacité d’acquérir le plus grand nombre de techniques ?
1998TECHN.ÉTRANGER GROUPE 1Il est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance (1) ne souhaite pas être injuste ou intempérant, et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de nous rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’en suit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre vous n’êtes plus capable de la rattraper, mais pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.ARISTOTE
(1) Intempérance : absence de mesure dans les désirs.
QUESTIONS :
1° Dégagez la thèse d’Aristote et l’organisation de l’argumentation.2° Expliquez :a) “sans avoir l’ignorance pour excuse” ;b) “car le principe de votre acte était en vous” ;3° L’habitude peut-elle faire perdre à l’homme sa liberté ?
1998SMÉTROPOLEApprendre à se connaître est très difficile (...) et un très grand plaisir en même temps (quel plaisir de se connaître !) ; mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes : ce qui le prouve, ce sont les reproches que nous adressons à d’autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmes erreurs, aveuglés que nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, par l’indulgence et la passion qui nous empêchent de juger correctement. Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous connaître, c’est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu’un ami est un autre soi-même. Concluons : la connaissance de soi est un plaisir qui n’est pas possible sans la présence de quelqu’un d’autre qui soit notre ami ; l’homme qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d’amitié pour apprendre à se connaître soi-même.ARISTOTE
1999ESANTILLESIl est manifeste (...) que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain, et il est comme celui qui est décrié en ces termes par Homère : "sans famille, sans loi, sans maison". Car un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre, étant comme un pion isolé dans un jeu. C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait une famille et une cité.ARISTOTE
1999SANTILLESA vrai dire, certains de ces êtres (1) n’offrent pas un aspect agréable ; mais la connaissance du plan de la Nature en eux réserve à ceux qui peuvent saisir les causes, ceux qui ont le naturel philosophique, des jouissances inexprimables. En vérité, il serait déraisonnable et absurde que nous trouvions du plaisir à contempler les images de ces êtres, parce que nous y saisissons en même temps le talent du sculpteur et du peintre, et que, les examinant en eux-mêmes, dans leur organisation par la Nature, nous n’éprouvions pas une joie plus grande encore de cette contemplation, au moins si nous pouvons saisir l’enchaînement des causes. Il ne faut donc pas céder à une répugnance enfantine et nous détourner de l’étude du moindre de ces animaux. En toutes les parties de la Nature il y a des merveilles ; on dit qu’Héraclite, à des visiteurs étrangers qui, l’ayant trouvé se chauffant au feu de sa cuisine, hésitaient à entrer, fit cette remarque : "Entrez, il y a des dieux aussi dans la cuisine". Eh bien, de même, entrons sans dégoût dans l’étude de chaque espèce animale : en chacune, il y a de la nature et de la beauté.ARISTOTE
(1) : il s’agit des êtres vivants
1999LMÉTROPOLE + LA RÉUNIONLe choix n’est certainement pas la même chose que le souhait, bien qu’il en soit visiblement fort voisin. Il n’y a pas de choix, en effet, des choses impossibles, et si on prétendait faire porter son choix sur elles on passerait pour insensé ; au contraire, il peut y avoir souhait des choses impossibles, par exemple de l’immortalité. D’autre part, le souhait peut porter sur des choses qu’on ne saurait d’aucune manière mener à bonne fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète remporte la victoire ; au contraire, le choix ne s’exerce jamais sur de pareilles choses, mais seulement sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens. En outre, le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous souhaitons être en bonne santé, mais nous choisissons les moyens qui nous feront être en bonne santé ; nous pouvons dire encore que nous souhaitons d’être heureux, mais il inexact de dire que nous choisissons de l’être : car, d’une façon générale, le choix porte, selon toute apparence, sur les choses qui dépendent de nous.ARISTOTE
2000STI AAMÉTROPOLE + LA RÉUNIONTelle est la nature de l’équitable, qui est un correctif de la loi là où elle se montre insuffisante en raison de son caractère général. Tout ne peut être réglé par la loi. En voici la raison : pour certaines choses, on ne peut établir de loi, par conséquent, il faut un décret. En effet, pour tout ce qui est indéterminé, la règle ne peut donner de détermination précise, au contraire de ce qui se passe dans l’architecture à Lesbos (1), avec la règle de plomb ; cette règle, qui ne reste pas rigide, peut épouser les formes de la pierre ; de même les décrets s’adaptent aux circonstances particulières. On voit ainsi clairement ce qu’est l’équitable, que l’équitable est juste et qu’il est supérieur à une certaine sorte de juste. On voit par là avec évidence ce qu’est aussi l’homme équitable : celui qui choisit délibérément une telle attitude et la pratique ; celui qui n’est pas trop pointilleux, au sens péjoratif, sur le juste, mais qui prend moins que son dû tout en ayant la loi de son côté, est un homme équitable, et cette disposition est l’équité, qui est une forme de justice et non une disposition différente.ARISTOTE
(1) la "règle de Lesbos" sert à mesurer les courbes.
QUESTIONS :
a) Quelle est la thèse retenue par Aristote ?b) Comment l’établit-il ?a) En quoi le "caractère général" de la loi appelle-t-il un "correctif" ? Qu’apporte à l’analyse l’image de la règle de plomb ?b) Expliquer : "l’équitable est juste et (...) il est supérieur à une certaine sorte de juste".c) En quoi consiste la pratique de l’homme équitable ?3° Peut-on appliquer la loi de manière injuste ?
2000ESPOLYNÉSIEDes lois bien faites doivent, à la vérité, déterminer elles-mêmes autant de cas qu’il se peut, en laisser le moins possible à la décision des juges, d’abord parce qu’un ou quelques hommes de saine intelligence et aptes à légiférer ou juger sont plus faciles à trouver qu’un grand nombre ; ensuite parce que les lois ne se font qu’après un long examen, tandis que les jugements se prononcent séance tenante ; aussi est-il difficile que ceux qui sont appelés à juger décident comme il faudrait du juste et de l’utile. Mais de toutes les raisons la plus importante est que le jugement du législateur ne porte pas sur le particulier, mais sur le futur et le général, tandis que le membre de l’assemblée et le juge ont à prononcer immédiatement sur des cas actuels et déterminés. Dans leur appréciation interviennent souvent amitié, haine, intérêt personnel ; aussi ne sont-ils plus en état de se faire une idée adéquate de la vérité et leur jugement est-il obnubilé par un sentiment égoïste de plaisir ou de peine. Il faut, nous le répétons, abandonner le moins de questions possible à la décision souveraine du juge ; mais la nécessité veut qu’on lui laisse à décider si la chose s’est produite ou ne s’est pas produite, si elle sera possible ou impossible ; si elle a ou n’a pas le caractère prétendu ; car il ne se peut que le législateur prévoie ces choses.ARISTOTE
2001SAMÉRIQUE DU NORDCeux qui ont à l’excès les dons de la fortune - force, richesse, amis et autres avantages de ce genre - ne veulent ni ne savent obéir (et ce défaut, ils le tiennent, dès l’enfance, de leur famille : à cause d’une vie trop facile, ils n’ont pas pris, même à l’école, l’habitude d’obéir), tandis que ceux qui sont privés, d’une manière excessive, de ces avantages sont trop avilis. Le résultat, c’est que ces derniers ne savent pas commander, mais seulement obéir en esclaves à l’autorité, tandis que les autres ne savent obéir à aucune autorité mais seulement commander en maîtres. Ainsi donc, il se forme une cité d’esclaves et de maîtres, mais non d’hommes libres, les uns pleins d’envie, les autres de mépris, sentiments très éloignés de l’amitié et de la communauté de la cité car communauté implique amitié : avec ses ennemis, on ne veut même pas faire en commun un bout de chemin. La cité, elle, se veut composée le plus possible, d’égaux et de semblables, ce qui se rencontre surtout dans la classe moyenne.ARISTOTE
2001LANTILLESCe qui est digne d’être poursuivi par soi, nous le nommons plus parfait que ce qui est poursuivi pour une autre chose, et ce qui n’est jamais désirable en vue d’une autre chose, nous le déclarons plus parfait que les choses qui sont désirables à la fois par elles mêmes et pour cette autre chose, et nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose. Or le bonheur semble être au suprême degré une fin de ce genre, car nous le choisissons toujours pour lui-même et jamais en vue d’une autre chose : au contraire, l’honneur, le plaisir, l’intelligence ou toute vertu quelconque, sont des biens que nous choisissons assurément pour eux-mêmes (puisque, même si aucun avantage n’en découlait pour nous, nous les choisirions encore), mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur, car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale, en vue d’autre chose que lui-même.ARISTOTE
2001ESINDEMême quand il s’agit des lois écrites, la meilleure solution n’est pas toujours de les conserver immuables. En effet, dans l’ordre politique il est impossible de préciser par écrit tous les détails, car la loi écrite a forcément pour objet le général, tandis que les actions ont rapport aux cas particuliers. Ces considérations montrent donc avec évidence que des changements sont opportuns pour certaines lois et dans certains cas. Mais si on considère les choses sous un autre angle, une grande vigilance, paraîtra s’imposer dans ce domaine. Quand, en effet, l’avantage qu’on retire du changement apporté est de faible intérêt, et comme, en revanche, il est dangereux d’habituer les hommes à abroger les lois à la légère, mieux vaut manifestement fermer les yeux sur quelques erreurs des législateurs ou des magistrats, car le profit qu’on pourra retirer d’une modification de la loi sera loin de compenser le dommage qui sera causé par l’habitude de désobéir à ceux qui gouvernent. La loi n’a aucun pouvoir de contraindre à l’obéissance, en dehors de la force de la coutume, et celle-ci ne s’établit qu’après un laps de temps considérable, de sorte que passer facilement des lois existantes à de nouvelles lois toutes différentes, c’est affaiblir l’autorité de la loi.ARISTOTE
2001ESNOUVELLE-CALÉDONIEII n’est pas possible qu’on soit aimé de beaucoup de gens d’une amitié parfaite, pas plus qu’il n’est possible d’aimer beaucoup de personnes à la fois. La véritable amitié est une sorte d’excès en son genre. C’est une affection qui l’emporte sur toutes les autres, et ne s’adresse par sa nature même qu’à un seul individu ; or il n’est pas très facile que plusieurs personnes plaisent à la fois si vivement à la même, pas plus peut-être que ce n’est bon. Il faut aussi s’être éprouvé mutuellement et avoir un parfait accord de caractère, ce qui est toujours fort difficile. Mais on peut bien plaire à une foule de personnes, quand il ne s’agit que d’intérêt et de plaisir ; car il y a toujours beaucoup de gens disposés à ces liaisons et les services qu’on échange ainsi peuvent ne durer qu’un instant. De ces deux sortes d’amitiés, celle qui se produit par le plaisir ressemble davantage à l’amitié véritable, quand les conditions qui la font naître sont les mêmes de part et d’autre, et que les amis se plaisent l’un à l’autre ou se plaisent aux mêmes amusements. C’est là ce qui forme les amitiés des jeunes gens ; car c’est surtout dans celles-là qu’il y a de la libéralité et de la générosité de coeur. Au contraire, l’amitié par intérêt n’est guère digne que de l’âme des marchands.ARISTOTE
2002TECHN.ÉTRANGER GROUPE 1L’être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d’outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main.Aussi, ceux qui disent que l’homme n’est pas bien constitué et qu’il est le moins bien pourvu des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et n’a pas d’armes pour combattre) sont dans l’erreur. Car les autres animaux n’ont qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de changer pour un autre, mais ils sont forcés, pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir et pour faire n’importe quoi d’autre, et ne doivent jamais déposer l’armure qu’ils ont autour de leur corps ni changer l’arme qu’ils ont reçue en partage. L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d’en changer et même d’avoir l’arme qu’il veut et quand il veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance ou épée ou tout autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu’elle est capable de tout saisir et de tout tenir.ARISTOTE

QUESTIONS :
1° Dégagez l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.2° Expliqueza) "elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres" ;b) "les autres animaux n’ont qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de changer pour un autre".3° En quoi la technique est-elle révélatrice de l’intelligence humaine ?
2002STI AAMÉTROPOLEAttacher une valeur égale aux opinions et aux imaginations de ceux qui sont en désaccord entre eux, c’est une sottise. II est clair, en effet, que ou les uns ou les autres doivent nécessairement se tromper. On peut s’en rendre compte à la lumière de ce qui se passe dans la connaissance sensible : jamais, en effet, la même chose ne paraît, aux uns, douce, et, aux autres, le contraire du doux, à moins que, chez les uns, l’organe sensoriel qui juge des saveurs en question ne soit vicié et endommagé. Mais s’il en est ainsi, ce sont les uns qu’il faut prendre pour mesure des choses, et non les autres. Et je le dis également pour le bien et le mal, le beau et !e laid, et les autres qualités de ce genre. Professer, en effet, l’opinion dont il s’agit, revient à croire que les choses sont telles qu’elles apparaissent à ceux qui, pressant la partie inférieure du globe de l’oeil avec le doigt, donnent ainsi à un seul objet l’apparence d’être double ; c’est croire qu’il existe deux objets, parce qu’on en voit deux, et qu’ensuite il n’y en a plus qu’un seul, puisque, pour ceux qui ne font pas mouvoir le globe de l’oeil, l’objet un parait un.ARISTOTE

QUESTIONS :
1° À quelle thèse Aristote s’oppose-t-il et sur quel argument appuie-t-il sa critique ?2° Expliquez :a) "les uns ou les autres doivent nécessairement se tromper" ;b) "prendre pour mesure des choses".3° Chacun peut-il avoir sa vérité ?
2002TECHN.POLYNÉSIEPour les actes accomplis par crainte de plus grands maux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyran nous ordonne d’accomplir une action honteuse, alors qu’il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu’en accomplissant cette action nous assurerions leur salut, et en refusant de le faire, leur mort), pour de telles actions la question est débattue de savoir si elles sont volontaires ou involontaires. C’est là encore ce qui se produit dans le cas d’une cargaison que l’on jette par-dessus bord au cours d’une tempête : dans l’absolu personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s’agit de son propre salut et de celui de ses compagnons un homme sensé agit toujours ainsi. De telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin (1) de l’action varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou d’involontaire, se référer au moment où elle s’accomplit.ARISTOTE
(1) La fin : le but
QUESTIONS :
1°Dégagez la thèse du texte et la manière dont le texte est construit.a) Expliquez et comparez les deux exemples du texte ;b) expliquez : "elles sont librement choisies au moment où on les accompli".3° Une action volontaire est-elle une action libre ?
2003LÉTRANGER GROUPE 1Les enfants vivent sous l’empire du désir, et c’est surtout chez eux que l’on rencontre la recherche de l’agréable. Si donc on ne rend pas l’enfant docile et soumis à l’autorité, il ira fort loin dans cette voie : car dans un être sans raison, la recherche de l’agréable est insatiable et s’alimente de tout, et l’exercice même du désir renforce la tendance innée ; et si ces désirs sont grands et forts, ils vont jusqu’à chasser le raisonnement. Aussi doivent-ils être modérés et en petit nombre et n’être jamais en conflit avec la raison. Et c’est là ce que nous appelons un caractère docile et maîtrisé. Et de même que l’enfant doit vivre en se conformant aux prescriptions de son gouverneur, ainsi la partie désirante de l’âme doit-elle se conformer à la raison. C’est pourquoi il faut que la partie désirante de l’homme modéré soit en harmonie avec la raison, car pour ces deux facultés le bien est le but visé, et l’homme modéré a le désir des choses qu’on doit rechercher, de la manière dont elles doivent l’être et au moment convenable, ce qui est également la façon dont la raison l’ordonne.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque.
2003TECHN.INDELes actions dont les principes sont en nous dépendent elles-mêmes de nous et sont volontaires.En faveur de ces considérations, on peut, semble-t-il, appeler en témoignage à la fois le comportement des individus dans leur vie privée et la pratique des législateurs eux-mêmes : on châtie, en effet, et on oblige à réparation ceux qui commettent des actions mauvaises, à moins qu’ils n’aient agi sous la contrainte ou par une ignorance dont ils ne sont pas eux-mêmes causes. En effet, nous punissons quelqu’un pour son ignorance même, si nous le tenons pour responsable de son ignorance, comme par exemple dans le cas d’ébriété où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que le principe de l’acte réside dans l’auteur de l’action lui-même, qui était maître de ne pas s’enivrer et qui est ainsi responsable de son ignorance.ARISTOTE

QUESTIONS
1° Dégagez l’idée principale du texte et son argumentation.a) Comment Aristote distingue-t-il les actions qui "dépendent de nous" et celles qui n’en dépendent pas ?b) en vous servant de cette distinction vous expliquerez les exemples du texte.3° L’ignorance est-elle toujours une excuse ?
2003SJAPONII existe une forme d’autorité en vertu de laquelle on commande à des personnes de même origine et qui sont de surcroît des hommes libres - c’est celle-là que nous appelons l’autorité politique ; le gouvernant doit apprendre à l’exercer en étant lui-même gouverné, comme on apprend à commander la cavalerie en étant simple cavalier et à être chef d’armée en servant dans une armée, et ainsi d’une brigade ou d’une compagnie. C’est pourquoi l’on a raison de dire aussi qu’on ne peut bien commander si l’on n’a soi-même été commandé. La perfection propre à ces deux états est différente, mais, en fait, le bon citoyen doit savoir et pouvoir être commandé et commander ; et c’est la perfection même du citoyen de connaître le gouvernement des hommes libres sous ses deux aspects à la fois.ARISTOTE
Politique.
2003ESLIBANII est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance ne souhaite pas être injuste ou intempérant ; et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de nous rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’ensuit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre, vous n’êtes plus capable de la rattraper, mais pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début, il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque.
2004STI AALA RÉUNIONLe choix n’est certainement pas (...) un souhait, bien qu’il en soit visiblement fort voisin. Il n’y a pas de choix, en effet, des choses impossibles, et si on prétendait faire porter son choix sur elles on passerait pour insensé ; au contraire, il peut y avoir souhait de choses impossibles, par exemple de l’immortalité. D’autre part, le souhait peut porter sur des choses qu’on ne saurait d’aucune manière mener à bonne fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète remporte la victoire ; au contraire, le choix ne s’exerce jamais sur de pareilles choses, mais seulement sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens. En outre, le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix, sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous souhaitons être en bonne santé, mais nous choisissons les moyens qui nous feront être en bonne santé ; nous pouvons dire encore que nous souhaitons d’être heureux, mais il est inexact de dire que nous choisissons de l’être : car, d’une façon générale, le choix porte, selon toute apparence, sur les choses qui dépendent de nous.ARISTOTE

QUESTIONS :
1° Comment Aristote établit-il la distinction qui structure le texte ?2° Expliquez :a) "si on prétendait faire porter son choix sur [des choses impossibles] on passerait pour insensé" ;b) "le choix [s’exerce] seulement sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens" ;c) "le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix, sur les moyens pour parvenir à la fin".3° Être libre, est-ce souhaiter ou choisir ?
2004SMÉTROPOLELe fait que l’ami est autre que le flatteur semble montrer clairement que le plaisir n’est pas un bien, ou qu’il y a des plaisirs spécifiquement différents. L’ami, en effet, paraît rechercher notre compagnie pour notre bien, et le flatteur pour notre plaisir, et à ce dernier on adresse des reproches et à l’autre des éloges, en raison des fins différentes pour lesquelles ils nous fréquentent. En outre, nul homme ne choisirait de vivre en conservant durant toute son existence l’intelligence d’un petit enfant, même s’il continuait à jouir le plus possible des plaisirs de l’enfance ; nul ne choisirait non plus de ressentir du plaisir en accomplissant un acte particulièrement déshonorant, même s’il ne devait jamais en résulter pour lui de conséquence pénible. Et il y a aussi bien des avantages que nous mettrions tout notre empressement à obtenir, même s’ils ne nous apportaient aucun plaisir, comme voir, se souvenir, savoir, posséder les vertus. Qu’en fait des plaisirs accompagnent nécessairement ces avantages ne fait pour nous aucune différence, puisque nous les choisirions quand bien même ils ne seraient pour nous la source d’aucun plaisir. Qu’ainsi donc le plaisir ne soit pas le bien, ni que tout plaisir soit désirable, c’est là une chose, semble-t-il, bien évidente.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque
2004TECHN.POLYNÉSIELe choix judicieux est l’affaire des gens de savoir : par exemple le choix d’un géomètre appartient à ceux qui sont versés dans la géométrie, et le choix d’un pilote à ceux qui connaissent l’art de gouverner un navire. Car, en admettant même que, dans certains travaux et certains arts, des profanes (1) aient voix au chapitre, leur choix en tout cas n’est pas meilleur que celui des hommes compétents. Par conséquent, en vertu de ce raisonnement, on ne devrait pas abandonner à la masse des citoyens la haute main sur les élections de magistrats (2). Mais peut-être cette conclusion n’est-elle pas du tout pertinente, si la multitude à laquelle on a affaire n’est pas d’un niveau par trop bas (car, bien que chaque individu pris séparément puisse être plus mauvais juge que les gens de savoir, tous, une fois réunis en corps, ne laisseront pas d’être de meilleurs juges que ces derniers, ou du moins pas plus mauvais), et aussi parce que il y a certaines réalisations pour lesquelles leurs auteurs ne sauraient être seul juge ni même le meilleur juge : nous voulons parler de ces arts dont les productions peuvent être appréciées en connaissance de cause même par des personnes étrangères à l’art en question : ainsi la connaissance d’une maison n’appartient pas seulement à celui qui l’a construite ; mais meilleur juge encore sera celui qui l’utilise (en d’autres termes le maître de maison), et le pilote portera sur un gouvernail une meilleure appréciation qu’un charpentier, et l’invité jugera mieux un bon repas que les cuisiniers.ARISTOTE
(1) profanes : ici, les ignorants.(2) magistrats : ici, les représentants politiques.
QUESTIONS :
1° en étudiant le raisonnement d’Aristote, dégagez la thèse qu’il soutient.2° Expliquez :a) "Le choix judicieux est l’affaire des gens de savoir" ;b) "si la multitude à laquelle on a affaire n’est pas d’un niveau par trop bas" ;c) "mais meilleur juge encore sera celui qui l’utilise".3° Est-ce au peuple qu’il appartient de faire les lois ?
2005TECHN.MÉTROPOLEImiter est naturel aux hommes et se manifeste dès leur enfance (l’homme diffère des autres animaux en ce qu’il est très apte à l’imitation et c’est au moyen de celle-ci qu’il acquiert ses premières connaissances). Et tous les hommes prennent plaisir aux imitations.Un indice est ce qui se passe dans la réalité : des êtres dont l’original fait peine à la vue, nous aimons à en contempler l’image exécutée avec la plus grande exactitude ; par exemple les formes des animaux les plus vils et des cadavres.Une raison en est encore qu’apprendre est très agréable non seulement aux philosophes mais pareillement aussi aux autres hommes ; seulement ceux-ci n’y ont qu’une faible part. On se plaît à la vue des images parce qu’on apprend en les regardant et on déduit ce que représente chaque chose, par exemple que cette figure c’est un tel. Si on n’a pas vu auparavant l’objet représenté, ce n’est plus comme imitation que l’oeuvre pourra plaire, mais à raison de l’exécution, de la couleur ou d’une autre cause de ce genre.ARISTOTE

QUESTIONS :
1° Dégagez l’idée principale du texte et son argumentation.2.°a) En vous appuyant sur le texte vous expliquerez pourquoi "tous les hommes prennent plaisir aux imitations".b) Qu’est-ce qui nous plaît dans une belle représentation ?3° En quoi les images nous apprennent-elles à regarder et à connaître ?
2006SAMÉRIQUE DU NORDCe qui fait la difficulté, c’est que l’équitable tout en étant juste, n’est pas le juste légal, le juste suivant la loi ; mais il est une heureuse rectification de la justice rigoureusement légale, La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèce pour lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’y applique avec rectitude. Dans les matières donc où on doit nécessairement se borner à des généralités et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer d’ailleurs les erreurs que cela peut entraîner. La loi n’en est pas moins bonne pour cela ; car la faute ici n’est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque c’est la matière même de l’action qui revêt essentiellement ce caractère d’irrégularité. Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de prévoir le cas et s’est trompé par excès de simplification, de corriger l’omission et de se faire l’interprète de ce qu’eût dit le législateur lui-même s’il avait été présent à ce moment, et de ce qu’il aurait porté dans sa loi s’il avait pu connaître le cas en question.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque
2007SANTILLESL’universel, ce qui s’applique à tous les cas, est impossible à percevoir, car ce n’est ni une chose déterminée, ni un moment déterminé, sinon ce ne serait pas un universel, puisque nous appelons universel ce qui est toujours et partout. Puisque donc les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles ne peuvent être perçues, il est clair qu’il n’y a pas de science par la sensation. Mais il est évident encore que, même s’il était possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une démonstration, et que nous n’en aurions pas (comme certains le prétendent) une connaissance scientifique : car la sensation porte nécessairement sur l’individuel, tandis que la science consiste la connaissance universelle. Aussi, si nous étions sur la Lune, et que nous voyions la Terre s’interposer sur le trajet de la lumière solaire, nous ne saurions pas la cause de l’éclipse : nous percevrions qu’en ce moment il y a éclipse, mais nullement le pourquoi, puisque la sensation, avons-nous dit, ne porte pas sur l’universel, Ce qui ne veut pas dire que par l’observation répétée de cet événement, nous ne puissions, en poursuivant l’universel, arriver à une démonstration, car c’est d’une pluralité de cas particuliers que se dégage l’universel.ARISTOTE
Organon, Seconds analytiques
2007LMÉTROPOLEEn menant une existence relâchée les hommes sont personnellement responsables d’être devenus eux-mêmes relâchés, ou d’être devenus injustes ou intempérants, dans le premier cas par leur mauvaise conduite, dans le second en passant leur vie à boire ou à commettre des excès analogues : en effet, c’est par l’exercice des actions particulières qu’ils acquièrent un caractère du même genre qu’elles. On peut s’en rendre compte en observant ceux qui s’entraînent en vue d’une compétition ou d’une activité quelconque : tout leur temps se passe en exercices. Aussi, se refuser à reconnaître que c’est à l’exercice de telles actions particulières que sont dues les dispositions de notre caractère est-il le fait d’un esprit singulièrement étroit. En outre, il est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance ne veuille pas être injuste ou intempérant ; et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de nous rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’ensuit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre vous n’êtes plus capable de la rattraper. Pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque
2009ESMÉTROPOLEOn dit d’un homme qu’il est maître de soi, ou non, suivant que la raison domine ou ne domine pas en lui, ce qui implique que c’est là ce qui constitue proprement chacun de nous. Et les actions que nous faisons nous-même, et volontairement, sont spécialement celles qu’on accomplit rationnellement. Chacun est donc cette partie souveraine - ou il l’est principalement - et l’honnête homme l’aime par-dessus tout, cela est clair ; comme il est clair aussi que c’est de lui qu’on pourrait dire, par excellence, qu’il s’aime lui-même, mais d’une espèce d’amour de soi bien différente de l’égoïsme qu’on blâme. Elle en diffère, en effet, autant qu’une vie conforme à la raison diffère d’une vie assujettie aux passions, autant que le désir du beau diffère du désir de ce que l’on croit utile.Ainsi, tout le monde approuve et loue ceux qui se distinguent par leur ardeur à faire de belles actions ; et si tous les hommes rivalisaient en amour pour le beau, et s’efforçaient à faire les actions les plus belles, on verrait à la fois la communauté comblée de tout ce qu’il lui faut, et chacun en particulier assuré des biens les plus grands, puisque la vertu est précisément le plus grand bien. D’où il faut conclure que l’homme vertueux doit s’aimer lui-même (car en faisant de belles actions, il en tirera lui-même profit, et en procurera aux autres). Le méchant, au contraire, ne doit pas s’aimer lui-même (car en s’abandonnant à de viles passions, il se nuira infailliblement à lui-même et aux autres). Chez le méchant, donc, il y a dissonance entre ce qu’il fait et ce qu’il doit faire ; l’honnête homme, au contraire, ce qu’il doit faire, il le fait : car la raison choisit toujours ce qui est le meilleur pour elle ; et l’honnête homme obéit à la raison.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque
2010LNOUVELLE-CALÉDONIEIl convient donc, par-dessus tout, que les lois, établies sur une base juste, déterminent elles-mêmes tout ce qui est permis et qu’elles laissent le moins possible à faire aux juges. En voici les raisons. D’abord, il est plus facile de trouver un homme, ou un petit nombre d’hommes, qu’un grand nombre qui soient bien avisés et en état de légiférer et de juger. De plus, les législations se forment à la suite d’un examen prolongé, tandis que les décisions juridiques sont produites sur l’heure, et, dans de telles conditions, il est difficile, pour les juges, de satisfaire pleinement au droit et à l’intérêt des parties. Enfin, et ceci est la principale raison, le jugement du législateur ne porte pas sur un point spécial, mais sur des cas futurs et généraux, tandis que les membres d’une assemblée et le juge prononcent sur des faits actuels et déterminés, étant souvent influencés par des considérations d’amitié, de haine et d’intérêt privé, ce qui fait qu’ils ne peuvent plus envisager la vérité convenablement, mais que des sentiments personnels de joie ou de peine viennent à obscurcir leurs jugements.ARISTOTE
Rhétorique
2011ESANTILLESLa découverte de la vérité est tout à la fois difficile en un sens ; et, en un autre sens, elle est facile. Ce qui prouve cette double assertion, c’est que personne ne peut atteindre complètement le vrai et que personne non plus n’y échoue complètement, mais que chacun apporte quelque chose à l’explication de la nature. Individuellement, ou l’on n’y contribue en rien, ou l’on n’y contribue que pour peu de chose ; mais de tous les efforts réunis, il ne laisse pas que de sortir un résultat considérable. Si donc il nous est permis de dire ici, comme dans le proverbe : "Quel archer serait assez maladroit pour ne pas mettre sa flèche dans une porte ?" à ce point de vue, la recherche de la vérité n’offre point de difficulté sérieuse ; mais, d’autre part, ce qui atteste combien cette recherche est difficile, c’est l’impossibilité absolue où nous sommes, tout en connaissant un peu l’ensemble des choses, d’en connaître également bien le détail. Peut-être aussi, la difficulté se présentant sous deux faces, il se peut fort bien que la cause de notre embarras ne soit pas dans les choses elles-mêmes, mais qu’elle soit en nous. De même que les oiseaux de nuit n’ont pas les yeux faits pour supporter l’éclat du jour, de même l’intelligence de notre âme éprouve un pareil éblouissement devant les phénomènes qui sont par leur nature les plus splendides entre tous.ARISTOTE
Métaphysique
2011LANTILLESEst-il plus avantageux d’être gouverné par l’homme le meilleur ou par les lois les meilleures ?Ceux qui sont d’avis qu’il est avantageux d’être gouverné par un roi pensent que les lois ne peuvent énoncer que le général sans pouvoir rien prescrire concernant les situations particulières. Ainsi, dans n’importe quel art, il est stupide de se diriger seulement d’après des règles écrites ; et, en Egypte, il est permis au bout de quatre jours aux médecins de s’écarter des traitements prescrits par les manuels, mais s’ils le font avant, c’est à leurs risques et périls. Il est donc manifeste que la constitution qui se conforme à des lois écrites n’est pas, pour la même raison, la meilleure.Pourtant, il faut que cette règle universelle existe pour les gouvernants, et celui à qui n’est, d’une manière générale, attachée aucune passion, est meilleur que celui qui en possède naturellement. Or, la loi n’en a pas, alors qu’il est nécessaire que toute âme humaine en renferme. Mais sans doute semblerait-il, pour répliquer à cela, qu’une personne délibèrera mieux à propos des cas particuliers.Qu’il soit donc nécessaire que cet homme (1) soit législateur et qu’il y ait des lois, c’est évident, mais elles ne doivent pas être souveraines là où elles dévient de ce qui est bon, alors qu’elles doivent être souveraines dans les autres domaines.ARISTOTE
Les Politiques
2011LMÉTROPOLECe n’est ni par nature, ni contrairement à la nature que naissent en nous les vertus, mais la nature nous a donné la capacité de les recevoir, et cette capacité est amenée à maturité par l’habitude. En outre, pour tout ce qui survient en nous par nature, nous le recevons d’abord à l’état de puissance, et c’est plus tard que nous le faisons passer à l’acte, comme cela est manifeste dans le cas des facultés sensibles (car ce n’est pas à la suite d’une multitude d’actes de vision ou d’une multitude d’actes d’audition que nous avons acquis les sens correspondants, mais c’est l’inverse : nous avions déjà les sens quand nous en avons fait usage, et ce n’est pas après en avoir fait usage que nous les avons eus). Pour les vertus, au contraire, leur possession suppose un exercice antérieur, comme c’est aussi le cas pour les autres arts. En effet, les choses qu’il faut avoir apprises pour les faire, c’est en les faisant que nous les apprenons : par exemple, c’est en construisant qu’on devient constructeur, et en jouant de la cithare qu’on devient cithariste ; ainsi encore, c’est en pratiquant les actions justes que nous devenons justes, les actions modérées que nous devenons modérés, et les actions courageuses que nous devenons courageux. Cette vérité est encore attestée par ce qui se passe dans les cités, où les législateurs rendent bons les citoyens en leur faisant contracter certaines habitudes : c’est même là le souhait de tout législateur, et s’il s’en acquitte mal, son oeuvre est manquée, et c’est en quoi une bonne constitution se distingue d’une mauvaise.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque
2012SMÉTROPOLES’il est manifeste que l’homme est bien l’auteur de ses propres actions, et si nous ne pouvons pas ramener nos actions à d’autres principes que ceux qui sont en nous, alors les actions dont les principes sont en nous dépendent elles-mêmes de nous et sont volontaires.En faveur de ces considérations, on peut, semble-t-il, appeler en témoignage à la fois le comportement des individus dans leur vie privée et la pratique des législateurs eux-mêmes : on châtie, en effet, et on oblige à réparation ceux qui commettent des actions mauvaises, à moins qu’ils n’aient agi sous la contrainte ou par une ignorance dont ils ne sont pas eux-mêmes causes, et, d’autre part, on honore ceux qui accomplissent de bonnes actions, et on pense ainsi encourager ces derniers et réprimer les autres. Mais les choses qui ne dépendent pas de nous et ne sont pas volontaires, personne n’engage à les faire, attendu qu’on perdrait son temps à nous persuader de ne pas avoir chaud, de ne pas souffrir, de ne pas avoir faim, et ainsi de suite, puisque nous n’en serons pas moins sujets à éprouver ces impressions. Et, en effet, nous punissons quelqu’un pour son ignorance même, si nous le tenons pour responsable de son ignorance, comme par exemple dans le cas d’ébriété où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que le principe de l’acte réside dans l’agent lui-même qui était maître de ne pas s’enivrer et qui est ainsi responsable de son ignorance.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque
2012TECHN.NOUVELLE-CALÉDONIELes animaux autres que l’homme vivent (...) réduits aux images et aux souvenirs ; à peine possèdent-ils l’expérience, tandis que le genre humain s’élève jusqu’à l’art (1) et jusqu’au raisonnement. C’est de la mémoire que naît l’expérience chez les hommes ; en effet, de nombreux souvenirs d’une même chose constituent finalement une expérience ; or l’expérience paraît être presque de même nature que la science et l’art, mais en réalité, la science et l’art viennent aux hommes par l’intermédiaire de l’expérience, car "l’expérience a créé l’art, comme le dit Polus avec raison, et l’inexpérience, la chance". L’art apparaît lorsque, d’une multitude de notions expérimentales, se dégage un seul jugement universel applicable à tous les cas semblables. En effet, former le jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle maladie, puis Socrate, puis plusieurs autres pris individuellement, c’est le fait de l’expérience ; mais juger que tel remède a soulagé tous les individus atteints de telle maladie, déterminée par un concept unique (...), cela appartient à l’art.ARISTOTE
(1) au sens où l’on peut parler de l’art du médecin.
QUESTIONS :
1° Dégagez l’idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.2° Expliquez :a) "de nombreux souvenirs d’une même chose constituent finalement uneexpérience" ;b) "mais juger que tel remède a soulagé tous les individus atteints de telle maladie,déterminée par un concept unique (...), cela appartient à l’art".3° L’expérience seule produit-elle le savoir ?
2013SLIBANIl convient (...), par-dessus tout, que les lois, établies sur une base juste, déterminent elles-mêmes tout ce qui est permis et qu’elles laissent le moins possible à faire aux juges. En voici les raisons. D’abord, il est plus facile de trouver un homme, ou un petit nombre d’hommes, qu’un grand nombre qui soient doués d’un grand sens et en état de légiférer et de juger. De plus, les législations se forment à la suite d’un examen prolongé, tandis que les décisions juridiques sont produites sur l’heure, et, dans de telles conditions, il est difficile, pour les juges, de satisfaire pleinement au droit et à l’intérêt des parties. Enfin, et ceci est la principale raison, le jugement du législateur ne porte pas sur un point spécial, mais sur des cas futurs et généraux, tandis que les membres d’une assemblée et le juge prononcent sur des faits actuels et déterminés, sans manquer d’être influencés, souvent, par des considérations d’amitié, de haine et d’intérêt privé, ce qui fait qu’ils ne peuvent plus envisager la vérité avec compétence, mais que des sentiments personnels de joie ou de peine viennent à offusquer leurs jugements.ARISTOTE
La Rhétorique (IVe s. av. J.-C.)
2013TECHN.MÉTROPOLEDe chaque objet que nous possédons, il y a deux usages différents, chacun de ces usages étant conforme à ce qu’est l’objet en lui-même, mais non de la même manière : l’un est l’usage propre de l’objet, l’autre ne l’est pas. Par exemple, il y a deux manières d’utiliser une chaussure : soit en la portant, soit en en faisant un objet d’échange. Il s’agit dans les deux cas d’un usage de la chaussure, car même celui qui échange une chaussure avec un acheteur qui en a besoin, contre de la monnaie ou de la nourriture, utilise la chaussure en tant que chaussure, quoiqu’il ne l’utilise pas selon son usage propre, car la chaussure n’a pas été faite pour être échangée. Il en va de même pour tous les autres objets en notre possession, car l’art d’échanger s’étend à tous. Cet art trouve sa première origine dans l’ordre naturel, en ce que les hommes ont les uns plus, les autre moins qu’il leur est nécessaire. En quoi il est évident que le commerce n’est pas, par nature, une partie de l’art d’acquérir des richesses, puisque c’est parce qu’ils ont été conduits par le besoin que les hommes ont pratiqué l’échange.ARISTOTE
Politique (360 et 343 av. J.C.)
QUESTIONS :
1° Dégagez la thèse du texte et montrez comment elle est établie.a) Expliquez : "De chaque objet que nous possédons, il y a deux usages différents" ;b) Expliquez : "même celui qui échange une chaussure avec un acheteur qui en a besoin (...) utilise la chaussure en tant que chaussure" ;c) Expliquez : "le commerce n’est pas, par nature, une partie de l’art d’acquérir des richesses".3° L’échange est-il naturellement destiné à satisfaire les besoins ?
2014LAMÉRIQUE DU NORDComme il arrive souvent que le prévenu reconnaisse l’acte, mais non la qualification qui lui est donnée ou le délit qu’implique cette qualification, qu’il avoue, par exemple, avoir pris, mais non volé ; frappé le premier, mais non outragé ; avoir eu commerce avec une femme, mais non commis un adultère ; être l’auteur d’un vol, mais non d’un vol sacrilège (car l’objet volé n’appartenait pas à un dieu) ; avoir empiété sur une terre, mais non sur un domaine public ; avoir conféré avec les ennemis, mais non trahi - il faut, pour toutes ces raisons, donner des définitions différentiées du vol, de l’outrage, de l’adultère, afin de pouvoir, quand nous voulons montrer que le délit existe ou n’existe pas, élucider le point de droit. Or, dans tous ces cas, la discussion porte sur ceci : l’action est-elle injuste et malhonnête, ou n’est-elle pas injuste ?C’est, en effet, l’intention qui fait la méchanceté et l’acte injuste. Or, en même temps que l’acte, les dénominations de ce genre signifient l’intention ; par exemple : les dénominations d’outrage et de vol. Car outrager n’est pas dans tous les cas frapper, mais frapper pour une fin déterminée, par exemple, le déshonneur de celui qu’on frappe ou sa propre jouissance. Prendre en secret n’est pas toujours voler ; il faut vouloir porter préjudice à celui à qui l’on a pris et s’approprier l’objet.ARISTOTE
Rhétorique ( IVe siècle av. J.-C.)
2014SAMÉRIQUE DU SUDPour tout homme, l’activité la plus désirable étant celle qui est en accord avec sa disposition propre, il en résulte que pour l’homme de bien, c’est l’activité qui correspond à la vertu. Ce n’est pas dans le jeu que consiste le bonheur. Il serait en effet étrange que la fin de l’homme fût le jeu, et qu’on dût se donner du tracas et du mal pendant toute sa vie afin de pouvoir s’amuser ! Car, pour le dire en un mot, tout ce que nous choisissons est choisi en vue d’une autre chose, à l’exception du bonheur qui est une fin en soi. Mais se dépenser avec tant d’ardeur et de peine en vue de s’amuser ensuite est de toute évidence quelque chose d’insensé et de puéril à l’excès ; au contraire, s’amuser en vue d’exercer une activité sérieuse, voilà la règle à suivre. Le jeu est, en effet, une sorte de délassement, du fait que nous sommes incapables de travailler d’une façon ininterrompue et que nous avons besoin de relâche. Le délassement n’est donc pas une fin, car il n’a lieu qu’en vue de l’activité. Et la vie heureuse semble être celle qui correspond à la vertu ; or, une vie vertueuse ne va pas sans un effort sérieux et ne consiste pas dans un simple jeu. Et nous affirmons, à la fois, que les choses sérieuses sont moralement supérieures à celles qui font rire ou s’accompagnent d’amusement, et que l’activité la plus sérieuse est toujours celle de la partie la meilleure de nous-mêmes ou celle de l’homme d’une moralité plus élevée.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque (vers 335 avant J.-C)
2014TECHN.ANTILLESCe qui est digne d’être poursuivi pour soi-même, nous le nommons plus parfait que ce qui est poursuivi pour une autre chose, et ce qui n’est jamais désirable en vue d’une autre chose, nous le déclarons plus parfait que les choses qui sont désirables à la fois par elles-mêmes et pour cette autre chose, et nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose. Or le bonheur semble être au suprême degré une fin de ce genre, car nous le choisissons toujours pour lui-même et jamais en vue d’une autre chose : au contraire, l’honneur, le plaisir, l’intelligence ou toute vertu quelconque, sont des biens que nous choisissons assurément pour eux-mêmes (puisque, même si aucun avantage n’en découlait pour nous, nous les choisirions encore), mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur, car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale, en vue d’autre chose que lui-même.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque (IVe siècle av. J.-C)
QUESTIONS :
1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.2° Expliquez :a) "nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose"b) "c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux."3° Le bonheur est-il ce en vue de quoi nous choisissons toute chose ?
2014ESANTILLESTout être capable de vivre selon son propre dessein doit se fixer un but pour bien vivre : honneur, gloire, richesse ou culture et, les yeux fixés sur lui, il posera tous ses actes (car ne pas ordonner sa vie à une fin est vraiment un signe de grande sottise) ; il faut donc avant tout déterminer d’abord en soi-même, sans précipitation et sans négligence, ce qui en nous constitue le bien vivre et ce sans quoi les hommes ne sauraient y accéder : car ce sans quoi il n’est pas possible d’être en santé ne s’identifie pas à la santé : il en est de même pour d’autres cas, de sorte que le bien vivre ne s’identifie pas davantage à ce sans quoi on ne peut bien vivre (de certaines de ces conditions les unes ne sont pas particulières à la santé ni à la vie, mais communes à toutes choses, pour ainsi dire, aussi bien aux dispositions qu’aux actes : par exemple, sans respirer, sans être éveillés et sans avoir part au mouvement, nous n’aurions rien, ni bien ni mal ; les autres sont davantage propres à chaque nature - et elles ne doivent pas nous échapper - car manger de la viande et marcher après les repas ne sont pas des conditions propres à la bonne constitution de la même manière que les conditions déjà citées).En effet, voici ce qui provoque l’incertitude au sujet du bonheur : en quoi consiste-t-il, d’où provient-il ? Ce sans quoi on ne peut être heureux, aux yeux de certains, fait partie du bonheur.ARISTOTE
Éthique à Eudème (IVe siècle avant J.-C.)
2014SMÉTROPOLEUne chose équitable, c’est (...) d’excuser les actions humaines ; c’est de considérer, non pas la loi, mais le législateur ; non pas la lettre de cette loi, mais la pensée du législateur ; non pas l’action, mais l’intention. C’est de ne pas s’arrêter au cas particulier, mais à l’application générale ; de ne pas envisager le caractère de la personne jugée au moment présent, mais ce qu’elle a été toujours, ou le plus souvent. C’est de se rappeler le bien, plutôt que le mal qui aura été fait, et le bien qui nous a été fait, plutôt que celui dont nous sommes les auteurs. C’est de savoir supporter une injustice ; de préférer le règlement d’une affaire par des explications, plutôt que par des voies de fait (1). C’est de vouloir aller en arbitrage plutôt qu’en justice, car l’arbitre considère le côté équitable des choses, tandis que le juge ne considère que la loi, et l’arbitre a été institué précisément dans le but de faire valoir le point de vue de l’équité.ARISTOTE
Rhétorique, (IVe siècle av. J.-C.)(1) Une "voie de fait" : le recours à la force pour obtenir le résultat souhaité.
2014TECHN.POLYNÉSIEComme dans les autres arts, en matière d’organisation politique, il est impossible de tout codifier avec précision ; les règles écrites sont forcément générales ; les actions, elles, portent sur des cas particuliers.Tous ces arguments montrent donc à l’évidence qu’il faut changer certaines lois et en certaines occasions ; mais, d’un autre point de vue, ce changement semblerait demander beaucoup de prudence. Quand l’amélioration est faible, et comme c’est un mal d’habituer les hommes à abroger les lois à la légère, il est clair qu’il faut tolérer quelques erreurs à la fois des législateurs et des gouvernants ; en effet, le bénéfice du changement sera moindre que le dommage résultant de l’habitude de désobéir aux gouvernants. Il serait même trompeur de prendre pour modèle les autres arts ; ce n’est pas la même chose que changer un art ou une loi, car la loi, pour se faire obéir, n’a d’autre force que l’habitude et celle-ci n’apparaît qu’après un long espace de temps, si bien que passer facilement des lois existantes à d’autres lois nouvelles, c’est affaiblir la puissance de la loi.ARISTOTE
Politique (vers 335 avant J.-C.)1° Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.a) Expliquez pourquoi "en matière d’organisation politique, il est impossible de tout codifier avec précision" ;b) Expliquez pourquoi "il est clair qu’il faut tolérer quelques erreurs à la fois des législateurs et des gouvernants" ;c) Expliquez : "la loi, pour se faire obéir, n’a d’autre force que l’habitude.3° Changer souvent les lois, est-ce affaiblir la puissance de la loi ?
2015ESANTILLES GUYANECe qui fait la difficulté, c’est que l’équitable, tout en étant juste, n’est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale. La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèce pour lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’y applique avec rectitude. Dans les matières, donc, où on doit nécessairement se borner à des généralités et où il est impossible de le faire correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer d’ailleurs les erreurs que cela peut entraîner. La loi n’en est pas moins sans reproche, car la faute n’est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par leur essence même la matière des choses de l’ordre pratique revêt ce caractère d’irrégularité. Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de prévoir le cas et a péché par excès de simplification, de corriger l’omission et de se faire l’interprète de ce qu’eût dit le législateur lui-même s’il avait été présent à ce moment, et de ce qu’il aurait porté dans sa loi s’il avait connu le cas en question.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque, 4ème siècle avant J.C.
2015SNOUVELLE-CALÉDONIELes lois correctement établies se doivent de définir tout ce qui peut l’être et laisser le moins possible à la charge de ceux qui jugent, d’abord parce qu’il est plus facile de trouver une ou quelques personnes sensées et capables de légiférer et de prononcer un verdict que d’en trouver beaucoup ; ensuite, parce que les législations émanent de gens qui ont longuement examiné les choses, tandis que les jugements sont prononcés séance tenante (1), ce qui rend difficile aux juges de décider convenablement du juste et de l’utile. Mais la principale raison est que le jugement du législateur ne porte pas sur le singulier, mais sur le futur et l’universel, tandis que le membre de l’assemblée (2) ou le juré, en tant que tels, tranchent les questions actuelles et déterminées. Et dès lors, chez ces derniers, l’amitié, la haine ou l’intérêt personnel interviennent souvent, si bien qu’ils ne sont plus suffisamment en mesure de discerner ce qui est vrai et que leur plaisir ou leur déplaisir personnels obscurcissent leur jugement. Il faut donc (...) faire en sorte que la compétence du juge s’étende au moins de choses possible. Mais décider de ce qui s’est produit ou ne s’est pas produit, de ce qui sera ou ne sera pas, de ce qui est ou n’est pas, cela, il est nécessaire de le laisser à la charge des juges, car il n’est pas possible que le législateur le prévoie.ARISTOTE
Rhétorique (IVeme siècle avant J.C.)1 Séance tenante : immédiatement, sans délai.2 L’assemblée en question est une assemblée de citoyens
2015TECHN.POLYNÉSIEPour les actes accomplis par crainte de plus grands maux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyran nous ordonne d’accomplir une action honteuse, alors qu’il tient en son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu’en accomplissant cette action, nous assurerions leur salut, et en refusant de la faire, leur mort), pour de telles actions la question est débattue de savoir si elles sont volontaires ou involontaires. C’est là encore ce qui se produit dans le cas d’une cargaison que l’on jette par-dessus bord au cours d’une tempête : dans l’absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s’agit de son propre salut et de celui de ses compagnons, un homme de sens agit toujours ainsi. De telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin de l’action varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou d’involontaire, se référer au moment où elle s’accomplit.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque, (vers 335 avant J.C.)Pour expliquer ce texte ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.1. Dégager la thèse du texte et la manière dont elle est établie.2. a) Expliquer : "dans l’absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement"b) Expliquer : "de telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires"3. Les circonstances font-elles toujours obstacle à notre liberté ?
2018SÉTRANGER GROUPE 1En menant une existence relâchée, les hommes sont personnellement responsables d’être devenus eux-mêmes relâchés, ou d’être devenus injustes ou intempérants(1), dans le premier cas par leur mauvaise conduite et dans le second en passant leur vie à boire ou à commettre des excès analogues : en effet, c’est par l’exercice des actions particulières qu’ils acquièrent un caractère du même genre qu’elles. On peut s’en rendre compte en observant ceux qui s’entraînent en vue d’une compétition ou d’une activité quelconque : tout leur temps se passe en exercices. Aussi, se refuser à reconnaître que c’est à l’exercice de telles actions particulières que sont dues les dispositions de notre caractère est le fait d’un esprit singulièrement étroit. En outre, il est absurde de supposer que l’homme qui commet des actes d’injustice ou d’intempérance ne veuille pas être injuste ou intempérant ; et si, sans avoir l’ignorance pour excuse, on accomplit des actions qui auront pour conséquence de rendre injuste, c’est volontairement qu’on sera injuste. Il ne s’ensuit pas cependant qu’un simple souhait suffira pour cesser d’être injuste et pour être juste, pas plus que ce n’est ainsi que le malade peut recouvrer la santé, quoiqu’il puisse arriver qu’il soit malade volontairement en menant une vie intempérante et en désobéissant à ses médecins : c’est au début qu’il lui était alors possible de ne pas être malade, mais une fois qu’il s’est laissé aller, cela ne lui est plus possible, de même que si vous avez lâché une pierre vous n’êtes plus capable de la rattraper, mais pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en vous. Ainsi en est-il pour l’homme injuste ou intempérant : au début il leur était possible de ne pas devenir tels, et c’est ce qui fait qu’ils le sont volontairement ; et maintenant qu’ils le sont devenus, il ne leur est plus possible de ne pas l’être.ARISTOTE
Éthique à Nicomaque (IVe siècle av. J.C.)(1) intempérants : sans retenue
2019ESAMÉRIQUE DU NORDParmi les biens, certains sont des biens absolus, mais d’autres sont bons pour quelqu’un sans être absolument bons. Et ce sont les mêmes choses qui sont absolument bonnes et qui plaisent absolument. En effet, ce sont des choses profitables à un corps en bonne santé dont nous disons qu’elles sont absolument bonnes pour le corps, et non pas de celles qui sont profitables à un corps malade, comme les remèdes et les amputations. De même plaît absolument au corps ce qui plaît à un corps sain et entier, par exemple voir en pleine lumière et non dans l’ombre (bien sûr, c’est le contraire pour qui souffre des yeux) ; le vin le plus plaisant n’est pas celui qui plaît à l’homme qui a abîmé sa langue dans l’ivrognerie (puisque parfois on leur verse du vinaigre !) ; c’est celui qui plaît au palais intact.Ainsi en va-t-il pour l’âme : ce qui plaît absolument n’est pas ce qui plaît aux enfants et aux bêtes, mais ce qui plaît aux adultes. En tout cas, quand on a mémoire des deux, ce sont les plaisirs de l’adulte que nous choisissons. L’enfant et la bête sont par rapport à l’homme dans le même rapport que le méchant et l’insensé par rapport à l’homme mesuré et à l’homme sage. Or les plaisirs de ces derniers correspondent à leurs manières d’être, ce sont les plaisirs bons et beaux.ARISTOTE
Éthique à Eudème (IVe siècle avant J.-C).

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